b) Applications

Les différentes formes d'atteinte au droit à l'image sont la reproduction d'une image, l'exploitation d'une image à des fins commerciales ou idéologiques, l'altération de la personnalité (altération matérielle d'une image ou falsification intellectuelle). Le juge possède un pouvoir souverain pour apprécier la dénaturation de l'image.

Trois exemples peuvent être donnés : le sosie 83( * ) , la caricature 84( * ) , le jeu, soit trois formes d'images : l'image approchante, l'image déformée, l'image malveillante. Dans les trois cas, les juridictions ont imposé le respect de l'image de la personne concernée. Le fait que l'image soit réalisée ou non en images de synthèse n'intervient pas.

La reproduction du visage d'un personnage public, fut-elle dans une disquette informatique ou un jeu vidéo, se caractérise par une atteinte à sa vie privée. En revanche, les conditions de sa représentation peuvent donner lieu à réparation. Le cas s'est présenté dans une affaire de disquette de jeux vidéo réalisée par le Front national et "mettant en scène" le président de SOS Racisme.

Encadré n°20

LA DISQUETTE DE JEU DU FRONT NATIONAL

En 1992, le Front national a réalisé un jeu vidéo intitulé "Jean-Marie, jeu national multimédia, FN 92" . Le principe du jeu consistait à guider le président de ce mouvement dans un parcours semé de primes (les flammes tricolores dont le contact donnait des points) et d'embûches, notamment de personnages "adversaires". Lorsque l'image de la tête de M. Le Pen rencontrait celle des adversaires, la tête heurtée disparaissait, mais le joueur perdait des points. Selon les termes de la cour d'appel, " L'image est ravalée au rang d'élément matériel d'une dynamique informatique et devient un repère commandant une manœuvre avant d'être générateur d'un score. ". Parmi ces personnages adverses figuraient MM. François Mitterrand, Jacques Chirac, Alain Juppé, Gérard de Villiers et Fode Sylla, président de SOS Racisme, qui apparaissait en premier.

L'intéressé a engagé une action sur le fondement de l'article 9 du code civil qui pose le principe du droit de chacun au respect de la vie privée. En l'espèce, on était en présence d'un portrait transformé en une image animée. Si l'animation de l'image n'est pas en elle-même critiquable, l'animation violente qui lui a été donnée, sans l'autorisation de l'intéressé, excède l'utilisation normale du portrait d'un homme public. Pour reprendre les conclusions de l'avocat général, " Nul n'est en effet obligé d'accepter de voir son image heurtée puis dévorée par la tête d'un autre. "

Les juges ont confirmé l'atteinte portée à la vie privée. " (...) Considérant certes que la reproduction en tant que telle, pour une diffusion publique du visage d'un personnage public ne caractérise une atteinte à son image et à sa vie privée au sens de l'art. 9 du code civil que si elle excède le cadre d'information, de débat public ou même de polémique dans lequel ledit personnage inscrit lui-même (...) sa notoriété (...) , que le simple fait que le visage de M. Fode Sylla, président d'une association dont l'existence est fortement médiatisée, apparaisse dans le contenu d'une disquette informatique ne pourrait donc justifier (...) les mesures d'interdiction litigieuses, lesquelles se heurteraient par ailleurs (...) aux exigences d'absence de contestation sérieuse et de trouble manifestement illicite (...) ;

Mais considérant que
(...) les traits de M. Sylla, loin d'être intégrés dans une présentation correspondant à un rôle public sont organisés en symbole (...) (et) recouvrent leur caractère d'image privée et intime, susceptible de protection ; qu'aucun attribut ou artifice ne confère à cette représentation le caractère de dérision ou de caricature qui aurait permis de la rattacher (...) à une polémique politique (...) ; que, de plus, le caractère négatif du score ou du résultat issu du contact avec cette image ne peut pas être détaché du bénéfice symétriquement attaché au contact avec les couleurs nationales, en sorte que l'image humaine dont il s'agit n'a d'intérêt (...) qu'en ce qu'elle symbolise une nuisance au regard de ce bénéfice ; (...) qu'il n'est pas possible, dans ces conditions, de refuser à cette représentation le caractère d'une atteinte à l'intimité de la vie privée du susnommé (...) . " 1

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1 Arrêt dit "jeu multimédia Front national 92" , Cour d'appel de Versailles, 8 mars 1996, Gazette du Palais , 01/04 mai 1996

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