4.3. L'INSEE

Le système statistique public français est animé et coordonné par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques qui en constitue le pôle principal. Créé par la loi du 27 avril 1946, l'INSEE a vu ses attributions fixées en application de cette loi par le décret du 14 juin 1946 et par plusieurs textes réglementaires. Du point de vue de son statut, l'INSEE est une direction générale du ministère de l'Economie et des Finances. Sa fonction spécifique implique cependant une objectivité et une garantie d'indépendance qui ont pu faire l'objet de débats à certaines époques lointaines mais sont aujourd'hui largement admises et reconnues.

Les missions de l'INSEE (telles qu'elles sont exposées dans le courrier des statistiques ; n° 61-62) peuvent être présentées en six grandes rubriques :

1. production d'informations statistiques démographiques, économiques et sociales obtenues par recensements, enquêtes et utilisation de sources administratives ; élaboration d'indicateurs, d'indices de production et de prix ; établissement des comptes de la nation,

2. réalisation d'études sur les entreprises et les conditions de vie des ménages ; travaux de projections ; construction de modèles et établissement de prévisions,

3. diffusion de l'information produite par lui-même et par d'autres organismes,

4. coordination du système statistique public français,

5. développement des compétences statistiques et économiques par l'enseignement et la recherche,

6. participation aux travaux menés par les organismes internationaux et supra-nationaux ; assistance technique aux pays en développement et aux pays en transition vers une économie de marché.

On notera que cette présentation semble limiter (dans l'énoncé de la mission n° 2) la réalisation d'études aux seuls domaines des entreprises et des conditions de vie des ménages. En revanche, le champ de la production d'informations statistiques (mission n° 1) paraît plus large puisqu'il concerne sans limitation aucune « les statistiques démographiques, économiques et sociales obtenues par recensements, enquêtes et utilisation de sources administratives ». Ceci recouvre a priori toutes les formes d'informations statistiques, qu'elles soient collectées directement par l'INSEE lui-même ou qu'elles proviennent de l'utilisation de fichiers de gestion de diverses administrations et n'exclut donc pas le secteur des administrations publiques. Au demeurant, la loi n° 86-1305 du 23 décembre 1986 portant modification de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière statistique dispose dans son article 7 bis que « les informations relatives aux personnes physiques, à l'exclusion des données relatives à la santé ou à la vie sexuelle, et celles relatives aux personnes morales, recueillies, dans le cadre de sa mission, par une administration, un établissement public, une collectivité territoriale ou une personne morale de droit privé gérant un service public peuvent être cédées, à des fins exclusives d'établissement de statistiques, à l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques ou aux services statistiques ministériels ». Il résulte notamment de ce texte que les informations relatives aux personnes employées par les administrations publiques peuvent être cédées à l'INSEE ou aux services statistiques ministériels, sous réserve bien entendu qu'elles ne le soient qu'à des fins exclusives d'établissement de statistiques.

Les principaux textes relatifs à l'INSEE

Créations et attributions

Loi n° 46-854 du 27 avril 1946

Décret d'application n° 46-1432 du 14 juin 1946

Organisation du système public de recensements et enquêtes obligatoires

Loi n° 51-771 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques (plusieurs fois modifiée).

Loi n° 86-1305 du 23 décembre 1986 (intégrée à la précédente) sur les cessions de fichiers administratifs

Décret d'application n° 84-628 du 17 juillet 1984 remplaçant le CNS par le CNIS, et créant le Comité du secret statistiques et le Comité du contentieux des enquêtes statistiques.

Décret n° 87-813 du 1 er octobre 1987, modifiant le précédent.

Informatique, fichiers et libertés

Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 : protection renforcée des données nominatives

Loi n° 82-890 du 19 octobre 1982 approuvant la Convention signée le 28 Janvier 1981 par les Etats membres du Conseil de l'Europe (publiée au JO du 20 novembre 1985)

Diffusions à partir de SIRENE

Décret n° 73-314 du 14 mars 1973, modifié par :

Décret n° 83-121 du 17 février 1983

Avis de la Commission nationale informatique et libertés des 21 juillet 1981 et 8 avril 1986

Arrêté du 13 mai 1987

Avis du CNS (6 juin 1980) et du CNIS (3 juillet 1986 et 27 juin 1989)

Enquêtes facultatives

Arrêté du 20 septembre 1983, portant application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs.

Durée d'incommunicabilité

Loi n° 79-18 du 3 Janvier 1979 sur les archives (articles 6 et 7)

Loi du 7 juin 1951 modifiée (délai de 100 ans)

Droit communautaire européen

Règlement du Conseil, du 11 juin 1990, relatif à la transmission à l'OSCE d'informations statistiques couvertes par le secret.

Les attributions de l'INSEE (suite)

Les attributions de l'INSEE sont fixées par le décret 46-1432 du 14 juin 1946 portant règlement d'administration publique, modifié par le décret 89-373 du 9 juin 1989.

On peut distinguer six fonctions :

- fonction de collecte : (art. 1, al. 1) « établir, rassembler et mettre à jour les statistiques relatives au mouvement des personnes et des biens... (al. 3) donner et tenir à jour l'inventaire permanent de l'économie... ; (al. 9) procéder pour le compte des administrations publiques et organismes visés au 2 e ... à l'exécution des recensements approximatifs par voie de sondage » (art. 1. al. 1. 3 et 9) ;

- fonction d'étude : (art. 1, al. 4) « observer l'évolution de la situation économique dans la métropole, dans la France d'outre-mer et à l'étranger : (al. 5) entreprendre, à la demande du gouvernement et des administrations publiques et, éventuellement, des personnes physiques ou morales de droit privé des recherches et études sur les questions statistiques et économiques » (art. 1, al. 4 et 5) ;

- fonction de coordination : art. 1, al. 2 « coordonner les méthodes, les moyens et les travaux statistiques des administrations publiques et des organismes privés, subventionnés ou contrôlés par l'Etat, centraliser leur documentation statistique et économique et réaliser l'unification des nomenclatures et codes statistiques ». On doit relever les trois termes de coordination, de centralisation et d'unification. Cette fonction de coordination a connu un très fort développement : en revanche celle qui suit (al. 8) ;

- assurer la coordination de l'emploi de moyens mécanographiques utilisés par les administrations publiques... et exécuter... tous travaux mécanographiques demandés par les services ou organismes extérieurs » est tombée en désuétude avec le développement de l'informatique et la création de la délégation à l'informatique (art. 1, al. 2) ;

- fonction de diffusion : (art. 1, al. 6) « diffuser ou publier s'il y a lieu de résultat de ses travaux » ; (art. 1, al. 7) « favoriser le développement des sciences statistiques et les recherches économiques relevant de sa compétence » ;

- fonction de formation : (art. 1, al. 7) « assurer la formation du personnel spécialisé nécessaire à son fonctionnement » ;

- fonction de représentation : (art. 2) « assurer la liaison avec les services similaires existant à l'étranger et participer officiellement aux réunions et congrès relatifs à la statistique, à la documentation et aux recherches économiques relevant de sa compétence ».

La référence aux services statistiques ministériels est importante. Le système statistique français comprend en effet non seulement l'INSEE, qui en assure la coordination, mais aussi plusieurs services statistiques ministériels chargés d'établir les statistiques concernant leur domaine. La création de ces services statistiques publics a fait l'objet de textes réglementaires, décrets ou arrêtés définissant leurs attributions. Le numéro 4950 des Notes et Etudes Documentaires éditées par la Documentation Française et consacré au système public d'information statistique donne une présentation générale des services statistiques ministériels. Certains d'entre eux ont clairement une mission statistique portant sur les administrations publiques. En se référant à la source précédente, on peut citer notamment les suivants :

- « Comptabilité publique : direction de la comptabilité publique et services extérieurs du Trésor 1 ( * ) . La diversité des attributions des services extérieurs du Trésor conduit la Direction de la comptabilité publique à centraliser une masse considérable de données qui servent de base à diverses exploitations comptables et financières ou économiques. Ce sont des informations relatives à l'Etat (situation du Trésor, compte général de l'administration des finances), aux collectivités locales, les comptes annuels des administrations publiques, et les recensements des marchés et investissements publics ;

- Culture : département des études et de la prospective. Il « met en place et tient à jour une base statistique sur les questions concernant le ministère, par délégation de l'INSEE » ;

- Défense : bureau de la statistique et des études économiques et budgétaires. « Il assure le secrétariat du comité statistique du ministère de la Défense ; il comporte deux sections, dont la seconde a pour mission d'harmoniser les productions statistiques des différents services, de réaliser les enquêtes » ;

- Education nationale : direction de l'évaluation et de la prospective. Cette direction comporte une sous-direction des enquêtes statistiques et des études (SDESE), laquelle est « responsable de la production, du contrôle, de l'analyse et de la diffusion des informations statistiques relatives au système éducatif. Elle est chargée de la coordination du système de collecte de l'information, elle réalise les prévisions, les études, les modèles... » ;

- Fonction publique : la Direction générale de l'administration et de la fonction publique comporte une « sous-direction de la modernisation et de la qualité » qui « établit les statistiques concernant la fonction publique et conduit les études d'ensemble relatives à la gestion prévisionnelle des effectifs des personnels de l'Etat » ;

- Impôts : la Direction générale des impôts fournit une masse d'informations considérables : impôts, contribuables, cadastre, successions, casier viticole... ; toutefois, son activité statistique est un sous-produit de son activité générale d'assiette, de perception de l'impôt et de contrôle fiscal 18 ( * ) . »

Ces rappels montrent que plusieurs services chargés d'élaborer et de publier des statistiques relatives aux moyens et à l'activité des administrations publiques existent. De fait chacun de ces services publie épisodiquement des documents statistiques mais l'accès à ces documents reste mal structuré et souvent difficile.

En conclusion, du point de vue de la problématique de cette étude, deux observations peuvent être formulées :

1. L'INSEE ne semble pas se considérer véritablement en charge d'un programme d'information statistique destiné à éclairer les acteurs économiques (citoyens, monde professionnel, organismes de recherche) sur le secteur des administrations publiques.

2. Le rôle des services statistiques ministériels présente de nombreuses ambiguïtés. Dans certains cas, il s'agit surtout d'exploiter des données de gestion pour des besoins internes avec peu de diffusion externe. Dans d'autres cas, l'accent est mis sur des études dont les résultats sont loin d'être toujours publiés. Dans d'autres cas encore, il s'agit de véritables prolongements de l'INSEE qui procèdent à des enquêtes sur des populations extérieures (étudiants, délinquants, etc...) mais publient en revanche assez peu d'informations sur l'administration à laquelle ils appartiennent.

En définitive, ce qui apparaît c'est que le système statistique français est certes d'une qualité très généralement reconnue mais qu'il se sent peu investi d'une mission de diffusion organisée de statistiques régulières, fiables et documentées sur les administrations publiques et encore moins d'une mission d'analyse et d'étude de ce secteur.

* 1 Les auteurs du rapport notent : « pour des raisons que nous ignorons, la Direction de la comptabilité publique n'est pas traitée comme disposant d'un service statistique. Est-ce parce que des centralisations sont pour l'essentiel comptables ? Voir notamment le « Rapport d'activité annuel de la comptabilité publique » ; celui auquel on s'est référé est de 1987, publié dans Notes bleues , 414, 12-18, décembre 1988. »

* 18 Les auteurs du rapport font observer  « l'ambiguïté du service en remarquant que dans le bilan de la Direction générale des impôts, on ne relève pas de mission statistique, mais en revanche le bilan annuel s'appelle « les statistiques de la Direction générale des impôts pour... » ; voir « Les statistiques de la Direction générale des impôts pour 1985 et 1986 », dans les Notes bleues , série trimestrielle, n° 1, juin 1988. »

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