2. Un accès privilégié aux données fiscales et sociales

Le CBO dispose en principe d'un accès complet à l'ensemble des données et fichiers en la possession de l'administration fédérale, que le CBO s'emploie et parvient presque toujours, à obtenir de manière « coopérative », c'est à dire sans recourir à des voies de droit ou à des pressions politiques.

Le CBO peut ainsi s'appuyer ainsi sur des fichiers de données fiscales et sociales très détaillés.

En matière d'impôt sur le revenu, le CBO dispose ainsi d'un échantillon de plus de 100.000 déclarations annuelles « anonymisées » analogue à celui compilé en France par la direction générale des impôts pour son usage exclusif. Cet échantillon permet en principe de simuler l'impact budgétaire et les effets redistributifs des principales mesures fiscales, mais ne permet pas d'en appréhender les effets économiques.

En outre, le CBO peut s'appuyer sur des fichiers de données longitudinales , c'est à dire sur des échantillon glissants de contribuables identiques (anonymisés) suivis plusieurs années consécutives. Ces données longitudinales permettent en principe de suivre le comportement des contribuables, donc d'essayer d'appréhender les effets économiques des mesures fiscales.

Enfin, le CBO accède aux fichiers de données compilés par l'administration fiscale ( l'Internal Revenue Service , ou IRS) sur des sujets spécifiques, par exemple en matière de plus-values (cf. encadré ci-après).

Un exemple d'étude du CBO à partir de fichiers de données fiscales

« Les perspectives en matière de distribution des actifs et de réalisation
des plus-values » 43 ( * )

A la demande du Ranking minority member (c'est à dire du chef de la minorité) de la commission du budget du Sénat, le CBO a publié en mai 1997 un rapport de près de 80 pages comportant des indications détaillées relatives :

- à la distribution (par niveau de revenu et par âge) et à la composition (actifs immobiliers, actifs professionnels, actifs financiers) des patrimoines et des plus values latentes des ménages américains ;

- à la distribution et à la composition des plus values imposables réalisées par les ménages américains sur longue période.

L'enjeu de cette étude était important. Les plus values représentent en effet une part croissante du revenu des ménages américains. Cette étude sera d'ailleurs suivie de travaux du CBO visant à apprécier l'ampleur des plus values latentes « possédées » par les ménages.

Cette première étude du CBO s'appuyait sur l'analyse et le retraitement de fichiers établis pas l'administration fiscale :

- un échantillon annuel de près de 100.000 déclarations fiscales (sur une centaine de millions), constitué de manière à réunir une proportion supérieure de contribuables les plus aisés. Ce fichier permet d'observer de manière assez précise la composition des revenus au cours d'une année donnée, ainsi que l'évolution globale de la composition des revenus d'une année sur l'autre. En revanche, comme les contribuables retenus dans l'échantillon changent d'une année sur l'autre, ces fichiers ne fournissent guère d'information sur l'évolution des comportements individuels. En outre, ces fichiers ne permettent pas d'appréhender de manière détaillée la nature des plus values taxables. En France, la direction générale des impôts établit un fichier similaire, qui est utilisé par la direction de la législation fiscale ;

- un panel de 20.000 contribuables suivis pendant dix ans sur la période 1979-1988, qui fournit en l'espèce des informations détaillées sur la fréquence des plus values réalisées pour un même contribuable, c'est à dire sur la distribution des plus-values au cours du temps. Comme toutes les données de ce type, ce fichier est toutefois difficile à exploiter parce que nombre d'observations ne sont pas renseignées sur l'ensemble des dix années, l'administration fiscale n'ayant pu collecter de manière exhaustive toutes les données pour tous les contribuables concernés et pour chaque année. En outre, ce fichier ne semble pas avoir été complété par l'adjonction de nouveaux contribuables (immigrés, jeunes ménages), de sorte que sa représentativité s'est un peu altérée ;

- un fichier de données détaillées relatives aux plus values (portées sur des états annexes à la déclaration de revenus) d'un panel de 13.000 contribuables ayant déclaré des plus values immobilières, mobilières ou professionnelles en 1985, suivis ensuite tous les quatre ans. Ce fichier comporte des informations détaillées relatives aux transactions (classées en 21 catégories) ayant donné lieu à plus value imposable. Il souffre toutefois des mêmes imperfections (problème des erreurs et omissions, biais de représentativité, non prise en compte des changements de situation familiale) que le fichier précédent.

Malgré leurs limites, ces deux derniers fichiers furent en l'espèce particulièrement utiles pour la réalisation de l'étude demandée au CBO.

Il n'existe pas de fichiers fiscaux semblables en France.

Au total, il convient de souligner que le CBO dispose de l'ensemble des fichiers compilés par l'administration fiscale, alors que le Parlement n'a pas à ce jour, en France, un libre accès aux statistiques comparables établies par la direction générale des impôts. Aux États-Unis, ces fichiers sont par surcroît disponibles pour les chercheurs privés, sous une forme il est vrai moins détaillée.

Par ailleurs, les données recueillies sont plus riches aux États-Unis. Rappelons ainsi que l'administration fiscale française, au contraire de son homologue américaine, n'établit pas de fichiers de données longitudinales, et ne réalise pas d'études statistiques ad hoc sur une base régulière.

Cela s'explique pour partie par trois caractéristiques du système fiscal américain :

- les règles relatives à l'impôt sur le revenu sont relativement plus simples aux États-Unis qu'en France, notamment parce que nombre d'exemptions, de régimes particuliers ou d'exemptions fiscales ont été supprimées au cours des vingt dernières années, en contrepartie de baisses de taux ;

- les déclarations d'impôt sur le revenu sont plus précises aux États-Unis qu'en France ;

- enfin, les contraintes qui pèsent sur l'administration fiscale aux États-Unis en matière de fichiers informatiques sont moins contraignantes que celles imposées par la C.N.I.L. en France. Aux États-Unis, certaines données fiscales individuelles sont d'ailleurs publiques, cette publicité trouvant son origine dans l'idée selon laquelle payer ses impôts est un acte civique, qui doit être soumis au contrôle des autres citoyens-contribuables, d'une part ; dans la faible réticence des Américains à ce que leurs revenus soient connus, d'autre part.

Ces facteurs ne suffisent cependant pas à expliquer que l'information économique recueillie par l'Internal Revenue Service soit plus complète : en fait, l'administration fiscale française ne se préoccupe traditionnellement guère de mettre en place les systèmes d'information nécessaires à l'évaluation économique de la fiscalité.

On peut notamment s'étonner de ce que le projet Copernic de refonte des systèmes d'information de l'administration fiscale française soit presque exclusivement destiné à améliorer la performance de la direction générale des impôts en tant que chargée du recouvrement de l'impôt, et ne semble aucunement prévoir, à ce jour, le développement d'outils de nature à favoriser l'appréciation des effets économiques de l'impôt.

Quoi qu'il en soit, on peut signaler qu'au delà de ces données fiscales, le CBO recueille parfois des données d'origine privée (notamment des données d'entreprises).

Cependant, le CBO ne dispose pas des fichiers et des bases de données lui permettant d'effectuer des simulations en matière de fiscalité locale , qui ne ressort d'ailleurs pas de ses compétences.

Par ailleurs, le CBO réunit deux fois l'an un conseil scientifique , composé notamment de ses anciens directeurs et d'une vingtaine d'autres économistes prestigieux (comme A. Auerbach, M. Boskin, M. Feldstein, R. Gordon, G. Mankiw, W. Niskanen, W. Nordhaus, J. Taylor), chargés notamment de l'éclairer en matière de prévisions à court terme et de perspectives de croissance à long terme.

Au delà de ce conseil scientifique formel, le CBO s'appuie aussi souvent sur les conseils officieux et gracieux d'un réseau de correspondants au sein des Think tanks , des universités ou du secteur privé, ces correspondants étant d'ailleurs souvent des anciens experts du CBO.

Le CBO a ainsi conduit ses travaux de simulation et de modélisation à très long terme pour partie en partenariat avec des économistes universitaires.

En revanche, le CBO ne recourt qu'à titre exceptionnel à des expertises extérieures rémunérées.

Par exemple, les travaux précités du CBO sur le partage des salles d'audience dans les tribunaux ont été conduits par les analystes du CBO spécialistes des bâtiments administratifs.

En outre, et comme le suggèrent d'ailleurs la redondance de leurs travaux, le CBO n'avait jusqu'à une période récente guère de relations institutionnelles avec les autres agences ou services du Congrès, notamment le CRS et le GAO.

Enfin, au contraire notamment du GAO, le CBO n'a pas de contacts formels, et n'a parfois guère de contacts informels, avec les agences ou les départements ministériels concernés par ses chiffrages. En particulier, le CBO ne leur transmet pas des versions préliminaires de ses rapports dans le cadre d'une procédure contradictoire.

* 43 « Perspectives on the Ownership of Capital Assets and the Realization of Capital Gains », CBO Papers, mai 1997.

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