b) Les contraintes d'une gestion transitoire
(1) L'impossibilité d'un recours à des instruments diversifiés

L'absence de création d'un fonds de réserve autonome doté de réels moyens de gestion empêche le recours à des instruments financiers suffisamment diversifiés pour garantir une rentabilité optimale des actifs du fonds.

Ainsi, dans la note précitée, la Direction souligne à juste titre que cette rentabilité optimale suppose une gestion attentive des risques et des outils d'analyse dont le fonds ne dispose pas : « En effet, toute extension du champ de placement à de nouveaux produits, quand bien même ils présenteraient un risque de contrepartie faible (obligations foncières, parts privilégiées de fonds communs de créances, émetteurs notés AAA par au moins deux agences, etc.), nécessiterait que le FSV développe des outils d'analyse crédit et voie ses moyens de gestion renforcés ».

Pour la même raison, la Direction du Trésor exclut tous les autres supports :

« Il ne paraît pas non plus souhaitable, pendant la période transitoire, d'élargir le champ des placements aux actions. En effet, même s'il est souhaitable que le fonds de réserve soit investi pour partie en actions à partir de 2001, le FSV n'a pas développé les compétences techniques nécessaires à la gestion d'actions ».

(2) L'impossibilité d'engager le fonds sur le long terme

La création sans cesse repoussée d'un établissement public introduit en elle-même une difficulté supplémentaire dans la gestion du fonds.

Dans l'attente d'une création retardée de trois mois en trois mois, les autorités du FSV ne peuvent exercer la plénitude de leurs compétences sans engager le fonds de réserve sur une plus longue période, et donc sans obérer les marges de manoeuvre des autorités nouvelles qui auront en charge le fonds, et sans engendrer des coûts d'ajustement en cas de modification des orientations du fonds.

Cet inconvénient ne serait pas à déplorer si le Gouvernement n'avait de cesse de faire des annonces qu'il ne tient pas...

(3) Le fonds de réserve assujetti à l'impôt sur les sociétés

L'absence de création porte sur un autre problème.

A l'instar d'autres personnes morales de droit public (collectivités locales, établissements publics), donc du FSV dont il fait juridiquement partie, le fonds de réserve des retraites est soumis à l'impôt sur les sociétés, pour les opérations financières qu'il réalise.

Soulevée par le FSV, cette question est parfaitement connue du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, qui rappelle, le 9 mai 2000, que « les placements sont soumis à prélèvement fiscal selon les mêmes règles que la première section du FSV (taux minorés de 10 % et 24 % d'impôt sur les sociétés) » et concède que « ce pourcentage élevé risque de priver le fonds de sommes importantes à mesure que le montant des placements s'accroît ».

En effet, la mission même du fonds de réserve (à la différence du FSV) est d'accumuler des produits financiers eux-mêmes générant des intérêts.

Ainsi, en 1999, le fonds de réserve a réalisé 7 millions de francs de produits financiers et doit donc, à ce titre, au Trésor public 700.000 francs d'imposition.

Ce montant modeste est allègrement dépassé en 2000 puisque les actifs du fonds ont généré près de 200 millions de produits financiers, et, à ce titre, le fonds a acquitté 20 millions de francs d'impôt sur les sociétés.

En l'état du droit, le fonds de réserve, dont les produits financiers s'élèveraient en prévision dans la loi de financement pour 2001 à 1,4 milliard de francs, acquitterait 140 millions de francs d'impôt sur les sociétés.

A l'extrême, le fonds qui est appelé, d'après le plan de financement du Premier ministre, à générer 330 milliards de francs de produits financiers sur la période 2000-2020 devrait, au titre de l'impôt sur les sociétés, plus de 30 milliards de francs. Ainsi, aujourd'hui, les «mille milliards de francs» s'entendent -précision de taille- « avant impôt » !

Imposition des produits financiers du fonds de réserve

en millions de francs

Produits financiers

Imposition

1999

7

0,700

2000

200

20

2001

1,4

140

TOTAL 1999/2001

1.607

160,7

Source : commission des Affaires sociales

Ce constat affligeant renforce la nécessité de la création d'une structure juridique distincte du FSV et exonérée d'impôt sur les sociétés.

Par le refus de créer un établissement public, le Gouvernement confine le fonds de réserve, dont l'horizon est supérieur à vingt ans, dans des placements à court terme, inférieurs à deux ans.

Cet immense paradoxe constitue la négation même d'un fonds de réserve ainsi que le souligne la Direction du Budget dans une note en date du 1 er décembre 1999 : « du strict point de vue financier le choix de l'horizon de placement influe sur le type de placement choisi. La diversité des placements des réserves accumulées dans le fonds de réserve des retraites sera d'autant plus grande, et donc le rendement espéré plus élevé, que l'horizon de placement sera long et connu par avance par les gestionnaires du fonds de réserve des retraites ».

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