C. UNE UTILISATION IMPARFAITE DES CRÉDITS

Votre rapporteur ne présentera pas l'utilisation des crédits du fonds pour la réforme de l'Etat engagés chaque année depuis 1996, ne serait-ce qu'en raison du très grand nombre d'opérations cofinancées, tant sur sa section centrale que sur sa section territoriale. En revanche, il tentera de dégager des enseignements sur l'emploi des crédits du FRE.

Il apparaît que cet emploi n'est pas toujours conforme à l'objet du fonds ni aux missions qui lui ont été assignées lors de sa création. Il convient du reste de noter que cette situation concerne, pour l'essentiel, les opérations cofinancées par la section territoriale du fonds.

Votre rapporteur a déjà eu l'occasion de mettre en évidence au moins trois défauts dans l'utilisation du FRE :

- la qualité extrêmement inégale des comptes-rendus d'utilisation et d'évaluation des crédits par les préfectures ;

- la tendance au « saupoudrage » et à l'émiettement des financements ;

- l'interprétation faite des termes « actions de modernisation dans le cadre de la réforme de l'Etat », qui peut être restrictive ou au contraire beaucoup plus large. Dès lors, où s'arrêtent les actions de « modernisation » et où commencent celles de « fonctionnement », celle-ci devant être financées essentiellement par les crédits courants des ministères ?

Ces difficultés entraînent des conséquences très concrètes sur l'utilisation du FRE.

• Les crédits du FRE sont exagérément utilisés en lieu et place d'autres moyens de financement.

Il servent par exemple à financer le fonctionnement courant ou l'entretien des services, normalement déjà pris en compte par les ministères : achat de mobilier, travaux de réfection de locaux, achat de petits équipements tels des téléviseurs ou des magnétoscopes, remplacement d'équipements d'utilisation courante... Le lien entre l'achat, en 1999, de 30 bicyclettes tout terrain pour des brigades de gendarmerie, pour la somme 69.000 francs, et la réforme de l'Etat ne manque pas de susciter de réelles interrogations. En tout cas, ces opérations ne présentent généralement pas un caractère réellement innovant.

Il arrive également que les dotations du FRE soient mobilisées alors que des crédits ministériels ou interministériels sont déjà prévus pour des actions spécifiques dans le domaine informatique, comme le financement de « logiciels euro », de postes Internet, de câblage, ou dans le domaine de la communication, telles que le financement de plaquettes de présentation de service, ou encore en matière d'aide aux handicapés.

Il convient également de constater que les crédits du FRE ont pu être employés pour la création de locaux, direction départementale de l'agriculture et de la forêt, trésorerie générale ou brigade de gendarmerie par exemple, ainsi que pour l'équipement de nouveaux locaux, comme des postes de police de proximité, dédiés à un seul service. Trop souvent, le FRE finance le réaménagement des locaux d'accueil du public, leur agrandissement ou leur réfection, à l'exemple de l'amélioration de la régulation du chauffage du bâtiment de la cité administrative d'Évry, dans l'Essonne, d'un coût de 46.363 francs, en 1999. Les crédits ministériels ne servent-ils pas précisément à ce type d'opérations ?

• Les actions financées reflètent trop souvent des actions ponctuelles qui ne sont pas intégrées dans une réflexion d'ensemble.

Ce phénomène est observable notamment en matière d'accueil, en particulier pour le financement de mobilier, de signalétique, d'équipements divers. Par exemple, ce poste de dépenses s'est établi à 14 millions de francs en 1998. En 1999, le FRE a financé 27 opérations d'installation de bornes interactives, notamment dans les préfectures, par exemple pour la délivrance de cartes grises. Parfois, des actions présentées comme relevant du domaine technologique recouvrent uniquement l'installation de systèmes de gestion de files d'attente électronisés. Le recours aux crédits du FRE pour financer ce type d'opérations démontre ainsi l'insuffisance, quand ce n'est pas l'absence, de réflexion de fond sur les actions à entreprendre pour réformer l'Etat.

• Certaines actions financées vont même à l'encontre des orientations fixées dans les circulaires ministérielles relatives à l'utilisation du FRE.

Des crédits ont ainsi pu être engagés au bénéfice du fonctionnement de structures de services publics de proximité, ou à des actions de formation.

Il apparaît indispensable à votre rapporteur que la culture de l'évaluation soit beaucoup plus répandue, et aussi impulsée par les pouvoirs publics, notamment au niveau territorial.

Il est contraint de constater la contradiction fondamentale sur laquelle repose le fonds pour la réforme de l'Etat : la difficulté à être utilisé par un Etat qui n'est pas lui-même réformé.

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