C. LES CRMH TUTEURS REGALIENS ET/OU RESPONSABLES OPÉRATIONNELS ?
La situation actuelle dans laquelle l'État est représenté par un conservateur au niveau régional est relativement récente.
A l'origine, le système de protection des monuments historiques reposait sur des inspecteurs qui était en général des architectes, dont la compétence s'étend aux objets, y compris, si l'on se réfère au rapport Guizot, ceux des musées s'ils sont par leur histoire liés à celle d'un monument.
A la fin du XIX ème siècle, le système commence à se structurer : les architectes se voient le premiers attribuer un statut qui définit leur mission, leurs territoires, les modalités d'admission au corps, puis leur identité administrative par le titre d'architecte « en chef », désignant le territoire géographique dans lequel ils exerceront leur mission, tandis que, dans le même temps, une inspection générale des monuments historiques chargée des objets d'art est créée.
Malgré une réforme du statut des inspecteurs des monuments historiques en 1935, qui laisse subsister un certain flou, cette architecture va rester inchangée jusqu'en 1975, date à laquelle une circulaire étend les missions des inspecteurs, puisqu'il leur est demandé d'émettre des avis sur les projets de restauration des immeubles protégés, dans le cadre de leur compétence d'historien de l'art.
Après le rattachement en 1978 des conservateurs régionaux des bâtiments de France au ministère de l'urbanisme et du logement, un décret du 12 mai 1981 tirant les conséquences de l'éclatement de la direction de l'architecture, a créé des emplois des emplois de conservateurs régionaux des monuments historiques placés auprès des DRAC.
En 1995, les inspecteurs des monuments historiques, qui, jusque là, fonctionnaient à la manière des ACMH d'aujourd'hui, c'est-à-dire avec des circonscriptions certes définies sur une base départementale mais sans continuité territoriale et surtout sans obligation de résidence, sont installés avec leurs collaborateurs en région.
L'idée d'une administration régionale des monuments historiques est donc relativement récente. Si certains observateurs ont pu remarquer que le conservateur régional des monuments historiques avait du mal à s'imposer, il faut aussi y voir la conséquence de la jeunesse de la fonction et non celle d'un défaut de compétence ou de carrure des titulaires des postes sortis au moins pour les plus récents de l'École du Patrimoine.
S'il convient de chercher à renforcer le poids du CRMH en sa qualité de maître d'ouvrage, la technicité croissante de celle-ci conduit à envisager la création d'agences spécialisées dans la maîtrise d'ouvrage pour les assister dans la conduite des opérations relativement lourdes ou complexes.
1. Un généraliste du patrimoine à la fois chef d'orchestre et chef d'équipe
Les missions des conservations régionales des monuments historiques sont définies par une circulaire du 3 août 1995 qui vient compléter celle du 2 décembre 1987 relative au fonctionnement des directions régionales des affaires culturelles.
Le chef du service, le conservateur régional des monuments historiques, exerce une fonction qui peut être assurée par des personnels administratifs, scientifiques ou techniques.
Il ressort de l'analyse de la circulaire que les compétences de la CRMH et de son chef de service sont à la fois diverses et étroitement imbriquées avec celles des autres intervenants administratifs en matière de patrimoine monumental.
La mission de la conservation comprend quatre volets principaux :
• protection des meubles et immeubles,
• gestion des autorisations et suivis des affaires juridiques et fiscales,
• entretien, sauvegarde et restauration du patrimoine,
• valorisation culturelle des monuments historiques.
A l'énoncé de ces fonctions au sein desquelles l'aspect travaux qui nous préoccupe essentiellement aujourd'hui, figure sans mention particulière, on comprend que le conservateur régional des monuments historiques puisse être volontiers présenté comme un « généraliste », voire un « touche-à-tout », qui serait comme « condamné à la pluridisciplinarité ».
Tout comme le conservateur régional de l'inventaire, souligne Marc Botlan, CRMH de la région Centre, lors du colloque « Science et conscience du patrimoine », le conservateur régional des monuments historiques « se trouve pris dans un réseau de contradictions, bien exprimé par son titre même : il est régional. Il est donc un acteur local, intervenant sur un territoire donné qu'il cherche à connaître, un territoire qui est une parcelle du territoire national considéré comme territoire commun. Mais par ailleurs, il travaille sur un matériau, qui s'appelle les monuments historiques, défini par la loi du 31 décembre 1913 donc une loi de la Nation, qui renvoie explicitement à la notion d'intérêt public et implicitement à un corps de doctrine forgé de longue date par une administration longtemps centralisée ».
En ce qui concerne l'aspect « entretien, sauvegarde et restauration », le rôle du conservateur est essentiellement de faire des choix .... : choix de priorités dans la programmation, mais aussi choix d'objectifs opérationnels, définis dans un cadre pluridisciplinaire.
En réunissant autour de l'architecte en chef une équipe comportant des restaurateurs, des historiens de l'art, des ingénieurs, etc..., le conservateur doit réunir les bonnes informations pour déterminer le niveau de connaissances scientifiques et techniques souhaitable pour définir le projet pertinent.
Il assure ainsi une mission classique et essentielle, celle de la maîtrise d'ouvrage, dont il faut souligner qu'elle s'exerce en liaison constante avec tous les autres acteurs de la protection du patrimoine, ACMH, ABF, membres des divers corps d'inspection, services financiers, sans oublier les propriétaires, privés ou publics, ce qui dans ce dernier cas peut impliquer plusieurs interlocuteurs.
Bref, le CRMH responsable de l'entretien et de la restauration des monuments historiques d'une région, est certes un chef d'orchestre, mais un chef d'orchestre qui doit composer avec toute une série d'intervenants qui ont tendance à jouer leurs propres partitions.
Il est d'autant moins le véritable patron capable d'imposer ses vues, qu'il lui faut compter avec les politiques indépendantes des autres services à caractère patrimoniaux, à commencer par l'archéologie.