Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002

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B. UN RENFORCEMENT DES CONTRAINTES FINANCIÈRES PESANT SUR LES ENTREPRISES ?

Comme l'analyse des déterminants de l'investissement l'a montré, le rôle des contraintes financières est pris en compte dans les théories de l'investissement. Mais différents indices laissent à penser que le poids de ces contraintes se serait accru dans la période récente. Une actualisation des modèles en vue d'accroître le poids de ces facteurs permet d'améliorer leur représentation de l'investissement.

Michaudon et Vannieuwenhuyze 33 ( * ) montrent que l'introduction d'une variable d'endettement améliore sensiblement les performances de l'équation d'investissement pour la période considérée. Ce résultat peut s'interpréter de la manière suivante : suite à une phase d'endettement excessif, qui avait conduit à de nombreuses défaillances d'entreprises à la fin des années quatre-vingt, les entreprises françaises ont nettement privilégié leur désendettement, au détriment du financement de nouveaux projets.

La contrainte d'endettement aurait été particulièrement forte pour les petites entreprises, celles-ci subissant plus durement l'impact de taux d'intérêt réels élevés, en raison du phénomène du canal du crédit. Cette hypothèse est confirmée par les observations de Duhautois 34 ( * ) , qui rappelle que « le ralentissement de l'investissement est plutôt le fait des petites entreprises tertiaires ». L'incapacité du ratio Q à appréhender convenablement le comportement des petites entreprises expliquerait la déconnexion entre Q de Tobin et investissement productif.

Cependant, malgré la baisse des taux d'intérêt à partir de 1995, et l'assainissement de la situation financière des entreprises, perceptible au niveau macroéconomique, l'investissement est demeuré faible jusqu'au deuxième semestre 1997. P. Artus 35 ( * ) émet l'hypothèse que les entreprises, fortement marquées par la période passée de fragilité financière, ont pu continuer à se conformer à des normes d'endettement restrictives.

Une autre interprétation de la faiblesse de l'investissement pourrait être trouvée dans les exigences accrues de rentabilité des actionnaires. L'internationalisation des marchés financiers aurait conduit à la diffusion de normes de rentabilité plus élevées, en l'occurrence celles en vigueur dans les pays anglo-saxons (taux de rentabilité de 15  %). Les grandes entreprises françaises auraient ainsi été incitées à limiter leurs investissements à ceux offrant les meilleures perspectives de rentabilité. La sélection des investissements les plus rentables expliquerait à la fois la baisse de l'investissement, et la hausse du Q de Tobin.

* 33 Op. cit.

* 34 Duhautois R., « Le ralentissement de l'investissement est plutôt le fait des petites entreprises tertiaires » », Economie et Statistique, n° 341-342, 2001, p. 47-67.

* 35 Artus P., « Les entreprises françaises vont-elles recommencer à s'endetter ? », Revue d'Economie Financière, n° 46, 1998, p. 143-162.

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