3. Comment réformer la taxe professionnelle ?

a) Quel jugement porter sur la suppression de la part salaires ?

La suppression de la part salaires de la taxe professionnelle est contestée par certains intervenants.

Plusieurs arguments sont mis en avant en ce sens :

- des arguments de justice fiscale : comme les entreprises, les salariés bénéficient des services publics locaux (M. HOORENS), et le contrôle est beaucoup moins approfondi pour la part reposant sur les immobilisations que pour celle reposant sur les salaires (M. KLOPFER) 10 ( * ) ;

- un argument d'efficacité économique : selon M. KLOPFER, les collectivités ne sont plus incitées à attirer les activités de main-d'oeuvre sur leur territoire, parce que la construction de logements rapporterait davantage de taxe d'habitation que l'installation de nouvelles activités économiques n'apporterait de taxe professionnelle. M. KLOPFER reconnaît néanmoins qu'en sens inverse, la suppression de la part salaires a pour effet de diminuer la dépendance des entreprises, selon lui déjà faible 11 ( * ) , vis-à-vis du taux de taxe professionnelle 12 ( * ) ;

- un argument de performance du mode de financement des collectivités territoriales : M. KLOPFER affirme dans sa contribution écrite que « face à des charges de fonctionnement, largement alimentées par les dépenses de personnel, et qui croissent, en fil de l'eau, de 2,5 % par an ou plus, les communautés à TPU ne disposent pas d'une assiette taxable qui présente le même dynamisme ». Ainsi, M. GILBERT écrit que la suppression de la part salaires est « une initiative malheureuse », « dangereuse pour l'autonomie fiscale des collectivités ».

b) Asseoir la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée ?

M. LE FLOC'H-LOUBOUTIN estime que, du point de vue de l'attractivité du territoire, la taxe professionnelle « est sans doute notre principal handicap, peut-être même avant le niveau de l'impôt sur les sociétés ». En effet, elle repose en partie sur l'investissement.

Il propose deux axes de réforme :

- modifier les plafonds de prise en compte des investissements nouveaux ;

- changer l'assiette, qui pourrait reposer sur les bénéfices (comme en Allemagne) ou sur la valeur ajoutée (comme en Italie).

Les opinions divergent sur l'opportunité d'instaurer une taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée.

(1) Un impôt qui taxerait davantage le travail que la taxe professionnelle actuelle

Un point essentiel, souligné en particulier par MM. LAURENT, HOORENS et KLOPFER, est que le fait d'asseoir la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée reviendrait à taxer davantage le travail. Selon M. LAURENT, la part des salaires dans la valeur ajoutée est de l'ordre de 50 %, contre 30 % dans l'assiette de la taxe professionnelle avant la suppression de la part salaires.

Ainsi, M. LAURENT s'interroge sur l'opportunité de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, alors même que la mise en place d'un impôt sur la valeur ajoutée reviendrait à instaurer un système analogue.

Les positions divergent quant aux conséquences à tirer de ce constat.

Certains, comme M. HOORENS, considèrent qu'il est néfaste d'imposer les salaires à hauteur de leur part dans la valeur ajoutée, et s'opposent donc à une telle réforme.

D'autres jugent souhaitable de réintroduire les salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle. Tel est le cas de M. KLOPFER, qui est pour cette raison favorable à ce que la taxe professionnelle repose désormais sur la valeur ajoutée. En effet, cela inciterait les collectivités territoriales à attirer les activités de main-d'oeuvre sur leur territoire.

(2) Un impôt dynamique mais qui dépendrait fortement du cycle économique

Un autre point important est que les recettes de cet impôt dépendraient fortement du cycle économique (comme l'ont souligné MM LE FLOC'H-LOUBOUTIN et HOORENS lors de leur audition).

En contrepartie, la valeur ajoutée « est à l'évidence une base dynamique et par définition corrélée au PIB » (contribution écrite de M. KLOPFER).

(3) Un impôt inégalement réparti

En outre, comme l'indique M. LE FLOC'H-LOUBOUTIN, parmi les principaux impôts d'Etat, la TVA est l'un de ceux dont le produit moyen par habitant est le plus inégalement réparti entre départements 13 ( * ) .

(4) Divers problèmes techniques devraient être surmontés

Plusieurs intervenants ont par ailleurs souligné qu'un certain nombre de difficultés techniques devraient être surmontées :

- le traitement de l'amortissement (M. GILBERT) ;

- le risque de délocalisation, qui peut toutefois être limité par l'intercommunalité à TPU et un encadrement de la possibilité pour les collectivités territoriales de fixer les taux (M. GILBERT) ;

- l'importance des politiques fiscales en matière d'amortissement sur le niveau de la ressource (M. LAURENT) ;

- les difficultés pour localiser le lieu de production de la valeur ajoutée, appréciée au niveau de l'entreprise, et non de l'établissement (M. LAURENT) ;

Comment localiser le lieu de production de la valeur ajoutée ?

M. KLOPFER explique qu' « une entreprise multi-établissements peut librement établir ses prix de cession internes pour faire apparaître sa base taxable sur le site de son choix, par exemple dans une commune siège d'une centrale nucléaire, là où le taux de TP est à 3 %... ».

1. En pondérant la valeur ajoutée nationale par des facteurs locaux comme la masse salariale

MM. KLOPFER et LAURENT préconisent d'asseoir l'impôt sur la valeur ajoutée nationale des entreprises, pondérée par la masse salariale et éventuellement les immobilisations foncières présentes sur le territoire de chaque collectivité.

M. LE FLOC'H-LOUBOUTIN estime que « la répartition des bases d'imposition entre les collectivités concernées ne peut se faire qu'en utilisant des clefs forfaitaires ».

2. En adoptant un taux national unique, ou étroitement encadré

M. GILBERT recommande quant à lui que la valeur ajoutée soit taxée « à taux unique », voire que le taux soit « contenu dans un tunnel de taux étroit », pour « contourner les problèmes d'optimisation fiscale locale » (contribution écrite).

- l'impossibilité d'effectuer la transition à produit constant, les collectivités territoriales devant donc effectuer à court terme un sacrifice financier (M. LE FLOC'H-LOUBOUTIN).

(5) La transition avec la taxe professionnelle actuelle

M. LE FLOC'H-LOUBOUTIN propose un dispositif destiné à effectuer la transition entre le régime actuel de taxe professionnelle et une taxe professionnelle reposant sur la valeur ajoutée.

Actuellement, la taxe professionnelle est soumise à un plancher 14 ( * ) et à un plafond 15 ( * ) de cotisation, déterminés en fonction de la valeur ajoutée, qui concernent respectivement 1.250 et 13.000 entreprises.

Il serait envisageable de rapprocher les valeurs du plafond et du plancher pour aboutir à une valeur unique qui permettrait une imposition fondée sur la seule valeur ajoutée, autour d'un taux pivot d'environ 2 %.

* 10 « Alors que les bases salaires étaient parfaitement contrôlables, le chiffre déclaré au titre de la TP devant forcément être homogène avec celui figurant sur la Déclaration annuelle des salaires adressée à l'URSSAF, les bases immobilisations sont mal contrôlées, l'Administration fiscale n'étant pas en mesure de suivre les parcs physiques de machines, de véhicules, ou de mobiliers réellement utilisés par les entreprises ».

* 11 « Les critères sociaux au sens large, et notamment le critère du coût du travail, sont aujourd'hui prépondérants dans la stratégie des entreprises ».

* 12 « Aujourd'hui, en dehors d'établissements importants, qui ont par définition des bases d'immobilisations très lourdes et qui ne sont donc pas mobiles, je ne pense pas qu'il soit possible d'affirmer que la taxe professionnelle est un argument décisif pour qu'une entreprise s'installe sur un site plutôt que sur un autre. Dans certaines villes du Midi, les taux de taxe professionnelle communaux et intercommunaux s'élèvent à 26 % ou 27 %, alors que les zones artisanales, commerciales et industrielles de ces villes sont parmi les plus remplies, parce que les aspects logistiques priment ».

* 13 Cf. graphique page 256 .

* 14 « La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7.600.000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise » (article 1647 E du code général des impôts).

* 15 « Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée. (...).Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année au titre de laquelle le plafonnement est demandé est inférieur à 21 350 000 euros, à 3,8 % pour celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 21 350 000 euros et 76 225 000 euros et à 4 % pour celles dont le chiffre d'affaires excède cette dernière limite » (article 1647 B sexies du code général des impôts).

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