14. Le « résultat » des interventions appréhendé à travers le taux de survie des entreprises
La Cour
a examiné le destin ultérieur des entreprises
bénéficiaires d'aides de restructuration du chapitre 64-96 durant
la période sous revue. Pour établir cette statistique, il
convenait d'écarter les financement de plans sociaux, dont les
destinataires ne sont pas les entreprises et qui accompagnent par
définition des cessations (totales ou partielles) d'activité, les
aides à des organismes publics ou semi-publics, tels que des CCI, pas ou
peu menacés de disparition, et les dossiers les plus récents en
l'absence d'éléments postérieurs sur l'évolution
des bénéficiaires. Sur les quelques 82,4 M€
d'engagements (hors dossiers abandonnés, où l'engagement n'a
été suivi d'aucun paiement) recensés sur les
articles 10 et 20 du chapitre 64-96 de 1996 à 2000, on parvenait
alors à un échantillon théorique de 41,6 M€.
Toutes les entreprises bénéficiaires ne publiant pas de comptes,
l'échantillon d'engagements analysés représente
38,6 M€ (soit 93 % de 41,6).
Les résultats peuvent être synthétisés comme
suit :
En K€ |
Engagements sur les articles 10 et 20 du chapitre 64-96 de 1996 à 2000 |
% du total |
TOTAL |
38 647 |
100 |
- dont engagements en faveur de sociétés placées en redressement ou en liquidation depuis |
15 215 |
39,4 |
- dont engagements en faveur d'autres entreprises depuis en « difficultés » manifestes (pertes récurrentes, fonds propres négatifs...) |
4 702 |
12,2 |
Si on
laisse de coté le cas complexe de Brittany Ferries, on constate que
l'intervention ponctuelle de l'Etat a peut-être constitué un
« coup de pouce » utile dans quelques dossiers
d'entreprises qui ont pu « rebondir ». Encore le constat
positif manque-t-il nécessairement de recul temporel. En outre, il
faudrait pouvoir mesurer les éventuels « effets
d'aubaine » : le coup de pouce était-il strictement
nécessaire ? Dans certains cas d'aides à des investissements
nouveaux au titre de la reconversion de zones en crise, l'intervention publique
n'a sans doute pas déterminé l'investissement, mais sa
localisation.
A quelques exceptions près, dans ces dossiers, l'intervention sur CPI a
été effectuée à l'occasion d'une reprise
d'entreprise et a été liée à un programme
d'investissements, avec un effort significatif demandé au
bénéficiaire, les taux de subvention étant
modérés.
S'agissant des aides d'investissement, on doit cependant rappeler que
l'encadrement communautaire ne les autorise, pour des entreprises autres que
des PME, que dans les régions
« défavorisées ». Leur gestion dans le
respect de cet encadrement passerait donc plus logiquement par les instruments
budgétaires à vocation d'aménagement du territoire.
Pour le reste, force est de constater que, bien que le recul soit faible (cinq
ans au maximum), environ 40 % des engagements pris en compte ont
été effectués au profit d'entreprises qui ont depuis
déposé leur bilan (et qui, s'agissant des principaux dossiers,
tels que MYRYS, Lainière de Roubaix, BATA-Hellocourt et FINATEC-Core
Placements, ont cessé totalement ou très fortement réduit
l'activité sur leurs sites industriels). En y ajoutant les engagements
au bénéfice d'entreprises dont l'analyse sommaire des comptes
semble attester de graves difficultés (pertes plusieurs exercices
consécutifs ; fonds propres tendant vers zéro ou
passés dans le rouge, la société n'étant alors
sauvée que par de nouvelles injections financières...), on
dépasse 50 % d'engagements dans ce qui semble être des
« causes perdues ».
La médiocrité des perspectives, même à court terme,
des entreprises aidées sur CPI rend compte du caractère tardif de
la plupart des interventions. Dans les cas extrêmes, comme ceux
déjà évoqués des aides récurrentes aux
sociétés du groupe FINATEC en 1996-1997 et des aides à
MYRYS dans l'hiver 1997-1998, les interventions avaient pour seul objet
d'éviter la cessation de l'activité à très court
terme, alors que la situation financière des entreprises
concernées paraissait irrémédiable.
Même si des progrès méthodologiques sont possibles, on peut
penser que, de toute façon, la prévisibilité de moins en
moins grande des secteurs ou entreprises menacés de crise grave ne
laisse que peu de chances aux administrations
d'« apprendre » à agir plus en amont. Une politique
plus adaptée consisterait à orienter le développement des
bassins d'emploi pour éviter les spécialisations trop grandes,
potentiellement dangereuses. Une telle politique, concernant au premier chef
les collectivités locales, impliquerait une coordination des
différents acteurs publics.