3. L'émergence de projets visant à l'exclusion des concurrents

Les enjeux économiques et financiers ont incité un certain nombre d'acteurs à prendre des initiatives allant dans le sens de la promotion de leurs intérêts propres , voire dans la direction d'un bouleversement des modalités actuelles de l'organisation du football professionnel et de ses compétitions.

Le développement rapide que connaît la commercialisation du football en Europe fait ainsi peser sur le système traditionnel d'organisation du football le risque de transformations radicales . Les pressions de groupes économiques, qui souhaitent s'inspirer des formules déjà expérimentées dans d'autres parties du monde, notamment aux Etats-Unis avec le sport professionnel de haut niveau, remettent ainsi en cause les structures d'animation du sport et la logique du fonctionnement des compétitions.

Ce diagnostic n'est pas le produit de fantasmes propres à votre rapporteur. Il peut être étayé par un nombre important d'observations concrètes. Il est presque mot pour mot celui posé dans un document de travail de la Commission européenne consacré au sport (v. infra ).

L'initiative de loin la plus médiatique est celle qui a conduit à la création du G-14 . Le G-14 est un Groupement européen d'intérêt économique (GEIE), tout comme le fut Airbus à sa naissance, créé en 2000. Il rassemble aujourd'hui 18 clubs européens dont les traits communs sont d'être, globalement, les habituels représentants des grands pays de football dans la compétition européenne phare, la Ligue des Champions. Du reste, le G-14 s'est historiquement constitué après l'adoption par l'UEFA en 1997 de la nouvelle formule de cette compétition désormais réservée à, au maximum, quatre participants par pays. Les affiliés au G-14 sont le Real de Madrid, le FC Barcelone et le FC Valence pour l'Espagne ; l'AC Milan, l'Inter de Milan et la Juventus de Turin pour l'Italie ; Liverpool, Manchester United et Arsenal pour l'Angleterre ; le Bayer Leverkusen, le Borussia Dortmund et le Bayern de Munich pour l'Allemagne ; l'Ajax d'Amsterdam et le PSV Eindhoven pour les Pays-Bas ; le FC Porto pour le Portugal, ainsi que, pour la France, l'Olympique Lyonnais, le Paris Saint-Germain et l'Olympique de Marseille.

Selon les statuts, les principaux objectifs du G-14 sont les suivants : « 1. Promouvoir la coopération, les relations amicales et l'unité des clubs affiliés. 2. Promouvoir et améliorer le football professionnel sous tous ses aspects et préserver les intérêts généraux des clubs affiliés . 3. Promouvoir la coopération et la bonne entente entre le G-14 et la FIFA, l'UEFA et tous les autres clubs de football professionnels et/ou institutions sportives, en accordant une attention particulière à la négociation de la forme, de l'administration et de l'organisation des compétitions en interclubs auxquelles les clubs affiliés prennent part » 48 ( * ) .

La mention de l'objectif général d'amélioration du football professionnel ne doit pas faire illusion . L'objectif réel du G-14 est bien de « renforcer la position des clubs du G-14 sur le marché » et d'« accroître l'importance du G-14 dans le monde du football » 49 ( * ) .

Comme groupe de pression, le G-14 développe une série de revendications qui remettent en cause , plus ou moins radicalement, les conditions actuelles de fonctionnement du « modèle européen » du football .

Le G-14 revendique « la représentation des clubs dans le processus décisionnel afférent au football international en interclubs et dans tout autre domaine exerçant une influence sur les clubs », ce qui va à l'encontre de l'organisation institutionnelle de l'UEFA et de la FIFA, toutes deux associations de fédérations nationales. Au demeurant, le GIE ne manque pas de déplorer que l'organe directeur de l'UEFA ne reconnaisse pas son existence : « sous prétexte que ses statuts prévoient uniquement la reconnaissance des associations nationales en tant qu'interlocuteurs valables, l'UEFA a choisi de se dérober à la réalité et a préféré renvoyer toute correspondance ou discussion ayant trait au G-14 à l'échelon du club individuel ».

Le G-14 souhaite également un renouvellement de la « stratégie en matière d'exploitation des médias et d'autres droits commerciaux relatifs aux compétitions internationales en interclubs » 50 ( * ) .

Cet objectif sibyllin recouvre une volonté plus précise. Les membres du G-14 souhaitent « bénéficier de conditions avantageuses pour les clubs dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique afférente aux droits des médias pour la Ligue des Champions, correspondant aux modalités de l'Accord conclu entre l'UEFA et la Commission européenne, promulgué le 4 juin 2002 » 51 ( * ) .

La mention dudit accord, qui réserve aux clubs la possibilité de commercialiser en dehors de l'UEFA une partie des droits relatifs à la compétition - pour l'essentiel les droits UMTS et Internet - manifeste la volonté du groupement de conquérir une maîtrise plus grande dans la commercialisation des droits relatifs aux compétitions auxquelles ses clubs participent.

Certains analystes prêtent au G-14 l'intention d'aller plus loin et d'organiser un championnat européen sur la formule des ligues privées américaines . De fait, plusieurs projets de cette sorte ont été élaborés à partir de la fin des années 90 :

En 1998, le groupe « Media Partners », avec le concours de la banque J.P. Morgan et de plusieurs groupes de communication (Kirch, Murdoch et Berlusconi) avait proposé de créer une Ligue européenne de football regroupant 36 clubs. La moitié d'entre eux aurait été qualifiée d'office pendant trois ans, ce qui aurait conféré au championnat un visage mixte, mi-fermé, mi-ouvert. Les perspectives financières de ce projet faisaient ressortir des recettes potentielles de l'ordre de 2 milliards d'euros.

Fin 2002, un autre projet porté par un homme d'affaires spécialisé dans la gestion des droits sportifs présentait des caractéristiques similaires.

Il est intéressant d'observer que les réactions du G-14 à ces deux projets ont été variables , plutôt positives à l'égard du premier, plus réservées à l'encontre du second. Un assez grand nombre de considérations peuvent expliquer cette apparente évolution : les effets d'apprentissage après les mises en garde adressées par les fédérations internationales, l'UEFA mais aussi la FIFA ; la qualité probablement inégale des deux projets , le premier bénéficiant du soutien potentiel d'un ensemble de groupes financièrement puissants. Mais, la considération principale est probablement à trouver dans l'évolution de la formule de la Ligue des Champions présentée par l'UEFA le 23 octobre 1998 avec la constitution d'un championnat européen réunissant 32 équipes et assurant à son vainqueur un gain de 50 millions d'euros. Cette nouvelle formule, sur laquelle on revient dans le présent rapport, ayant vécu, il reste à s'interroger sur les conséquences de la formule inaugurée dans la saison 2003-2004 sur l'attitude des grands clubs européens.

Enfin, le GEIE se prononce en faveur de « solutions qui permettent aux clubs d'assurer une situation financière positive, nonobstant une stagnation ou une baisse des revenus, et fournir aux clubs affiliés du G-14 les outils destinés à limiter leurs dépenses ».

Le prolongement concret donné à cet objectif est l'adoption d'un plafond salarial, à l'instar du « salary cap » observé aux Etats-Unis.

Le G-14 a ainsi fixé « une cible à ne pas dépasser lors de l'affectation des charges salariales globales, correspondant à un pourcentage maximal du chiffre d'affaires d'un club, ... La date butoir pour la réalisation de cet objectif est fixée à 2005 ».

* 48 Source : Internet. Les passages soulignés le sont par votre rapporteur.

* 49 Source : Internet.

* 50 Source : Internet.

* 51 Source : Internet.

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