C. UNE ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE PERFORMANTE

1. Mutualisation, interopérabilité et réformes de structure

Dans le développement de l'administration électronique, la mutualisation et l' « interopérabilité » des systèmes d'information sont, désormais, systématiquement recherchés.

La mutualisation présente, par exemple, un intérêt particulier pour les SIRH (système d'information pour les ressources humaines), en voie de généralisation dans les différents ministères. Par ailleurs, l'expérience accumulée par Bercy, qui se situe à la pointe de l'e-administration, recèle un important potentiel de diffusion.

A cet égard, il est heureux que l'ADAE tende à globaliser la démarche de mutualisation, et s'efforce ainsi à constituer en « groupe de pression » l'ensemble des administrations vis-à-vis des fournisseurs.

L'« intéropérabilité » désigne la propension, pour un système d'information, à être compatible avec un autre. L'ATICA (l'ex-ADAE - supra ) a élaboré un « cadre commun d'interopérabilité », dont une circulaire du 21 janvier 2002 a assuré la mise en oeuvre. Elle passe notamment par l'utilisation du langage « XML », de préférence au langage « HTML » ( voir glossaire ).

L'ADAE a été mise en situation de veiller spécialement à la réalisation de ce double objectif, car elle participe désormais aux pré-conférences budgétaires .

Au total, il faudrait ainsi parvenir, selon une métaphore 31 ( * ) devenue familière à certains commentateurs, à « casser l'administration « en silo » » (logique verticale) pour passer à une administration « en réseau » (logique horizontale).

Toutefois, la CNIL considère qu' « au delà des amélioration techniques attendues des conditions d'utilisations de ces systèmes d'information, le recours aux norme XML favorise implicitement le développement des interconnexions et le transfert des données », ce qui nécessite, selon elle, une vigilance particulière au regard de la protection des données personnelles .

2. Quels gains de productivité, et pourquoi faire ?

Il est généralement admis que les gains de productivités à attendre des progrès de l'administration électronique sont élevés, comme en attestent tous les exemples nationaux et étrangers, et qu'ils doivent permettre in fine une réduction substantielle du nombre d'emplois publics.

L'ampleur des gains de productivité permis par l'administration électronique

Le cabinet Accenture, dans son dernier baromètre annuel consacré à l'« e-administration », ( supra ), a rapporté : « une étude réalisée par le gouvernement canadien montre qu'une transaction revient à 44 CAD [dollars canadiens] lorsqu'elle est effectuée en personne, à 38 lorsqu'elle est réalisée par courrier, et à 8 lorsqu'elle est traitée par téléphone. En comparaison, une transaction en ligne coûte à peine 1 CAD. La direction irlandaise des impôts prévoit quant à elle une réduction de 500.000 euros sur les frais manuels grâce à la télé-déclaration. La disparition de centaines de milliers de formulaires, récépissés, relevés et autres aurait déjà permis d'économiser 600.000 euros sur les seuls frais d'affranchissement (800.000 requêtes traitées par Internet ) ».

D'une façon générale, la mise en place de plates-formes centralisées d'achat a permis, à l'étranger, de réaliser des gains moyens de l'ordre de 20 % (30 % en Italie). En France, l'inspection générale des finances et la Cour des comptes estiment qu'une redéfinition de la fonction achat au sein des administrations liée à une dématérialisation des échanges engendreraient une économie comprises entre 5 % et 10 % des 100 milliards d'euros de dépenses publiques. A titre d'illustration, en France, une négociation globale, menée avec Microsoft, concernant l'ensemble des quelques 300.000 terminaux informatiques concernés, devrait permettre de réaliser 3 millions d'euros d'économies dès 2004.

Par ailleurs, une étude de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) montre que le coût de traitement d'une téléprocédure est 100 fois plus faible qu'une procédure papier , et 10 fois plus faible qu'un traitement magnétique.

Toutefois, les hésitations paraissent encore trop nombreuses quant à l'opportunité de focaliser l'attention sur les perspectives de diminution du nombre de fonctionnaires résultant des avancées de l'administration électronique.

De fait, les réformes de structure et les économies susceptibles de dériver des investissements de l'Etat en matière d'administration électronique ont longtemps fait l'objet d'un tabou, qui a entretenu le « paradoxe de Solow » dans l'administration ( cf. glossaire ).

Ainsi, la réforme du « back office » ne faisait pas partie de la lettre de mission 32 ( * ) remise par M. Henri Plagnol, alors secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, à M. Pierre de La Coste pour la production de son rapport « L'Hyper République - Bâtir l'administration en réseau autour du citoyen », remis en janvier 2003.

Certains progrès sont néanmoins tangibles. Ainsi, dans le communiqué de presse précité se rapportant à sa dernière étude portant sur l'e-administration, le cabinet Accenture a noté : « Les pouvoirs publics qui se sont lancés dans l'aventure de l'administration électronique, il y a quelques années, ne suivaient pas forcément une logique de coût. Aujourd'hui, une prise de conscience du potentiel d'efficacité de l'e-administration a fait évolué la situation ».

Par ailleurs, en cohérence avec la logique de résultat imprimée par la loi organique relative du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), il conviendrait d'identifier l'effort de la nation pour la diffusion des TIC dans l'administration.

Que faire des gains de productivité ainsi réalisés ? Outre l'amélioration du service et l'intéressement de l'usager, en France, les systèmes d'information devraient être spécialement conçus pour intégrer la recherche d'économies de personnel et permettre ainsi le non remplacement de nombreux fonctionnaires à l'occasion de leur départ en retraite 33 ( * ) .

3. Le programme « ADELE » et la productivité de l'administration

Pour chacune des 140 mesures composant le programme « ADELE », il a fallu justifier des économies qu'elles entraîneraient au cours des cinq prochaines années, années par années.

Le projet ADELE se traduit par l'affectation de 1,8 milliard d'euros sur la période 2004-2007, avec l'objectif de réaliser 5 à 7 milliards d'euros d'économies sur le budget annuel de l'Etat à compter de 2007, soit 7 % à 10 % de gains de productivité appliqués aux dépenses de fonctionnement courant de l'Etat, qui ressortent à 70 milliards d'euros .

Il est à noter que des projets déjà engagés, parfois coûteux, tels que Copernic (paiement des impôts en ligne), Accord II (dont l'annulation, décidée le 17 mai 2004, se traduira vraisemblablement par une réaffectation des 250 millions d'euros initialement prévus, compte tenu de la nécessité de rendre le système informatique financier de l'Etat compatible avec les prescription de la LOLF) ou Helios 34 ( * ) faisant partie de cette enveloppe, les moyens véritablement nouveaux ne représentent en réalité qu'environ 500 millions d'euros .

Présentation des réalisations du « programme Copernic 35 ( * ) »

- TéléIR

La « déclaration en ligne » de l'impôt sur le revenu constitue pour l'usager un système relativement simple, souple et sécurisé. Outre la déclaration proprement dite, elle permet de disposer de différents services associés : « aide en ligne » pour chaque rubrique, contrôle de cohérence entre les rubriques, accès à des notices adaptées au contexte, liens sur divers guides fiscaux, calcul de l'impôt à payer, assistance technique sous toutes ses formes, conversations « en ligne », messages électroniques, "hot line" téléphonique. Un accusé de réception numéroté et horodaté est adressé lors du « dépôt en ligne ».

L'authentification de l'usager s'effectue lors de sa première connexion à partir des éléments d'identification suivants : d'une part le numéro de télédéclarant et le numéro fiscal personnel figurant en bas de la déclaration des revenus de l'année, d'autre part le revenu fiscal de référence indiqué à la fin de l'avis d'impôt sur le revenu (reçu en général l'année précédente). Après vérification de ces éléments, un certificat électronique est délivré « en ligne » dans un délai de 20 secondes après l'authentification. Le certificat permet à l'usager de s'identifier et de s'authentifier à chaque connexion, et de signer électroniquement ses transmissions. Il permet de faire accéder les échanges dématérialisés de données à un niveau de sécurité comparable à celui qui prévaut dans les échanges « papier » (par exemple : présentation d'une pièce d'identité, apposition d'une signature, etc.). Le certificat permet en outre à l'usager de ne pas avoir à ressaisir systématiquement, lors de ses connexions ultérieures, les éléments qui lui ont permis de s'authentifier.

- TéléTVA

Il s'agit d'un service permettant de déclarer et de payer la TVA grâce à un échange informatique unique avec la direction générale des impôts (DGI). Cette téléprocédure est proposée depuis le 1 er mai 2001 aux trois millions de déclarants, qui émettent seize millions de déclarations. Elle est obligatoire pour les redevables dont le chiffre d'affaires ou les recettes réalisées au titre de l'exercice précédent sont supérieurs à 15 millions d'euros, et pour ceux qui relèvent de la direction des grandes entreprises (DGE).

- Adélie : le compte fiscal professionnel

« Adélie » a pour objectif de permettre la « consultation en ligne » des données déclaratives, des avis et des données de paiement des entreprises par les services de la direction générale des impôts (DGI) et par les entreprises qui se seront abonnées à ce service. Ces dernières y accèderont à l'aide d'un certificat (cette consultation sera possible même si les déclarations, avis d'impositions et paiements n'ont pas donné lieu à télétransmission.

En tout état de cause, ces perspectives d'économies constituent une estimation très basse, les gains observés en France et à l'étranger avoisinant généralement les 30 %.

* 31 Cette image est reprise du rapport de Thierry Carcenac intitulé « Pour une administration électronique citoyenne » (2001), fait à la demande de M. Lionel Jospin, alors Premier ministre.

* 32 En date du 12 septembre 2002.

* 33 Le « papy boom » permettra, les dix prochaines années, par le simple non-remplacement d'une partie des fonctionnaires partant à la retraite, une réduction sensible des effectif sans « coût social ».

* 34 Application de gestion comptable et financière des collectivités locales et de leurs établissements publics, destinée aux comptables du Trésor public et aux ordonnateurs du service public local.

* 35 Le service à compétence nationale dénommé « programme Copernic », chargé de la mise en place du système d'information relatif au compte fiscal simplifié, a été créé par un arrêté du 12 novembre 2001.

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