b) Une expérience réussie

L'absence de remise en cause de ce modèle résulte sans nul doute de la réussite de son introduction.

En premier lieu, il faut souligner que, d'après les informations communiquées à votre président et à votre rapporteur général, la hausse de la TVA opérée au Danemark en 1987, en contrepartie de la quasi annulation des charges sociales payées par les employeurs sur les salaires, n'a pas eu d'effet d'entraînement particulier sur l'inflation ou sur les hausses salariales obtenues dans les conventions collectives.

En outre, la compétitivité des entreprises danoises a été préservée , alors même que les conventions collectives pluriannuelles prévoient des hausses de salaires substantielles. La part des exportations dans le PIB en atteste : elle est supérieure à 35 %, tandis que la balance des paiements courants est positive et atteint 2,7 % du PIB.

Le taux de chômage s'établit à moins de 6 % de la population active. Le marché danois du travail est ainsi dynamique, malgré un coût salarial parmi les plus élevés d'Europe et une durée annuelle du travail parmi les plus réduites. On relèvera que le modèle danois repose sur un système dit de « flexisécurité » combinant une grande flexibilité du marché de l'emploi, un niveau élevé de prestations en cas de chômage et une politique d'« activation » énergique des aides aux chômeurs . Le Danemark se caractérise cependant par une structure démographique favorable et un taux d'activité des femmes et des 50-64 ans sensiblement plus élevé qu'en France. De même, la productivité du travail est élevée et la politique de formation professionnelle jugée efficace de sorte que le « chômage frictionnel » est faible car les entreprises trouvent à « employer toute la population intéressante ».

Le Danemark connaît sur une longue période une situation durable d'excédent budgétaire (2,0 % du PIB prévu pour 2005) qui a permis de réduire, entre 2001 et 2005, de près de 10 points le niveau de la dette publique et cela sans nuire aux services publics, tout au contraire. L'exemple de la « commission du Welfare State » montre que le devenir du service public est une préoccupation partagée par tous, y compris les partenaires sociaux qui réfléchissent à l'avenir à moyen long terme de la société danoise. L'exemple danois souligne que l'absence de déficit public et la réduction de la dette publique ne portent pas atteinte au bon fonctionnement des services publics.

Du fait de ce modèle fiscal original, la mondialisation n'est pas perçue au Danemark comme aussi dangereuse que dans d'autres pays industrialisés. Patronat et syndicats plaident à l'unisson pour la mondialisation : les visions développées dans leurs documents de communication externe par la confédération patronale de l'industrie sont de ce point de vue très proches.

La population, la classe politique et les milieux syndicaux partagent tous la conviction que le succès de l'Etat-providence repose sur une dynamique associant efficacité et réactivité des entreprises en termes d'investissements et de gestion de personnel, un bon positionnement dans la compétition mondiale, et un financement sain et soutenable des budgets publics, garants de la continuité du système de protection sociale. Cette attitude est typique de celle des petits pays très ouverts sur l'extérieur, qui doivent s'adapter pour faire face à la compétition internationale.

Cette expérience réussie conforte l'intérêt de votre rapporteur général pour le mécanisme de la TVA sociale. Il faut toutefois attirer l'attention sur les spécificités du Danemark , qui expliquent peut-être en partie ce succès.

Sur le plan économique, on doit relever l'importance du secteur des services, qui représentent environ 70 % du PIB et l'absence de grande industrie concentrée dans des bassins d'emploi localisés et qui pourraient poser des problèmes aigus de reconversion. Il faut toutefois souligner que ce pays ne se résume pas aux services et qu'il a su se spécialiser, à travers un réseau de PME et d'entreprises extrêmement performantes, sur des créneaux de haute technicité où il détient des positions exportatrices fortes, notamment dans le domaine des biotechnologies, des équipements de contrôle industriel et des énergies renouvelables.

Par ailleurs, on relèvera, d'un point de vue général, la spécificité de leur modèle social : tradition de concertation en vigueur entre les partenaires sociaux et le caractère subsidiaire de la législation , les conventions collectives et les accords entre partenaires sociaux étant conçus comme le moyen privilégié de réguler le système. Cette situation est notamment permise par la présence d'une confédération syndicale unique regroupant 80 % de la population active , le taux de syndicalisation ne montrant aucun signe de déclin depuis 20 ans.

Au total, à l'image du marché du travail qui allie flexibilité et sécurité, le modèle danois d'imposition et, partant, de société, ne finit pas d'intriguer ou de fasciner. Paradoxalement en apparence, il cumule les handicaps potentiels (coût du travail élevé, taux d'imposition marginal sur le revenu jugé confiscatoire, poids de la dépense publique, niveau très élevé des prélèvements obligatoires, etc) pour mieux s'ériger en modèle de réussite économique et d'assainissement budgétaire : taux de chômage proche du chômage structurel, excédent budgétaire permettant une réduction drastique de la dette, etc.

Alors que les simulations économiques fournissent des résultats nuancés, cette réussite danoise, qui bouscule de nombreuses idées reçues, incite votre rapporteur général à poursuivre l'analyse relative à la mise en place d'un système de TVA sociale.

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