B. A L'ÉCHELLE EUROPENNE, LE CHANTIER DE L'HARMONISATION DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

1. L'impôt sur les sociétés, un signal en matière d'attractivité du territoire

a) Un mauvais positionnement de la France s'agissant du taux de l'impôt sur les sociétés

La France se singularise par sa situation en matière d'impôt sur les sociétés en Europe :

- elle a le taux nominal marginal de l'impôt sur les sociétés le plus élevé des quinze anciens pays membres de l'Union européenne ;

Taux nominaux marginaux de l'impôt sur les sociétés en 2004

(en %)

France

35,4 38 ( * )

Espagne

35

Grèce

35

Pays-Bas

34,5

Belgique

34,5

Autriche

34

Italie

33

Danemark

30

Royaume-Uni

30

Moyenne de l'UE à 15

29,8

Finlande

29

Suède

28

Portugal

27,5

Allemagne

26,37

Luxembourg

22

Irlande

12,5

Source : Conseil des impôts/direction de la législation fiscale. Moyenne UE non pondérée. Taux du gouvernement central pour les fédérations. Taux maximal pour les grandes entreprises en cas de progressivité du barème

- sa position au sein de l'Union européenne s'est dégradée du fait de l'élargissement , puisque les taux nominaux marginaux d'impôt sur les sociétés sont relativement faibles dans les nouveaux Etats membres ;

Taux nominaux marginaux de l'impôt sur les sociétés en 2004

(en %)

Malte

35

République tchèque

28

Slovénie

25

Lettonie

19

Pologne

19

Slovaquie

19

Hongrie

18

Lituanie

15

Chypre

15

Estonie 39 ( * )

0

Source : Conseil des impôts/direction de la législation fiscale. Taux maximal pour les grandes entreprises en cas de progressivité du barème

- cette position s'était d'ailleurs déjà fortement dégradée entre 1995 et 2003 . En effet, la France était initialement bien placée, mais comme le relevait en 2004 le Conseil des impôts dans son XXII ème rapport relatif à la concurrence fiscale et l'entreprise : « l'imposition des bénéfices des sociétés a été alourdie » entre ces deux dates et elle « n'a pas suivi les pays étrangers qui ont mis l'accent sur la baisse des taux nominaux de l'impôt sur les sociétés », même si « certains allégements ciblés ont été accordés pour compenser localement l'effet de l'alourdissement de l'ensemble » ;

Evolution des taux nominaux marginaux de l'impôt sur les sociétés entre 1995 et 2003

(en %)

Pays

Taux en 2003

Taux en 1995

Evolution (en points)

France

35,4 40 ( * )

33,3

+ 2,1

Espagne

35

35

0

Grèce

35

35 / 40 (1)

0 / - 5

Pays-Bas

34,5

35

- 0,5

Belgique

34,5

39

- 4,5

Autriche

34

34

0

Italie

33

36

- 3

Danemark

30

34

- 4

Royaume-Uni

30

33

- 3

Moyenne de l'UE à 15

29,8

35,1

- 5,3

Finlande

29

25

+ 4

Suède

28

28

0

Portugal

27,5

36

-8,5

Allemagne

26,37

45 / 30 (1)

-18,63 / - 3,63

Luxembourg

22

33

- 11

Irlande

12,5

40

- 27,5

(1) Selon que les bénéfices étaient réinvestis ou redistribués.

Source : Conseil des impôts/direction de la législation fiscale

- le diagnostic est identique si l'on s'intéresse aux taux implicites globaux d'imposition , c'est-à-dire si l'on rapporte tous les impôts payés par une entreprise à une mesure de leur revenu, le plus souvent l'excédent net d'exploitation. Ainsi le Conseil des impôts indiquait dans son rapport précité : « la France fait partie des pays où cet indicateur était le plus élevé en 2002, date des dernières comparaisons établies. Le niveau français reste toutefois très proche de celui constaté dans les autres grands pays de l'Union. Mais la France affiche une dégradation récente de sa position par rapport à la moyenne ».

b) Une convergence des taux d'imposition sur les sociétés en Europe limitée à moyen terme

Dans leur rapport 41 ( * ) consacré à la réforme fiscale, pour le Conseil d'analyse économique, MM. Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux indiquent que les taux de l'impôt sur les sociétés des pays européens risquent de s'aligner sur les taux moyens d'imposition de l'Estonie et de l'Irlande, autour de 12-13 %. Ils considèrent qu'en maintenant un écart de cinq à six points par rapport à ce taux cible des petits pays, les grands pays prennent un risque limité. Les grands pays offrant des marchés importants et des effets d'agglomération significatifs peuvent, en effet, maintenir des taux d'imposition supérieurs à des petits pays périphériques. Néanmoins, les phénomènes de délocalisation des bases d'imposition ne permettent pas de maintenir des écarts très importants.

Or la France a aujourd'hui un taux d'impôt sur les sociétés bien plus important que 18 %, même s'il convient de se féliciter de la suppression en deux ans, décidée par la loi de finances pour 2005, de la contribution additionnelle sur l'impôt sur les sociétés instituée en 1995.

Ce taux est un taux nominal. Dans un processus d'harmonisation des bases en Europe, compte tenu des dérogations diverses et des mécanismes de calcul spécifiques à la France, notre pays pourrait faire apparaître un taux d'imposition nominal beaucoup moins élevé.

2. Une harmonisation nécessaire des bases de l'impôt sur les sociétés

Contrairement aux impôts indirects qui, affectant la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services, ont fait l'objet d'un travail d'harmonisation au niveau européen, les efforts ont été moins importants en ce qui concerne les impôts directs, les Etats ayant des intérêts parfois divergents

en la matière. Le rapprochement des impôts directs n'est pas expressément mentionné dans le traité CE.

Conformément au principe de subsidiarité, les impôts directs sont laissés à l'appréciation des Etats membres.

Néanmoins, reconnaissant que certaines différences de fiscalité entre Etats membres peuvent affecter les décisions de localisation des investissements des entreprises et causer des distorsions de concurrence, la Commission européenne a chargé en 1990 un comité d'experts indépendants présidé par M. Onno Ruding, ancien ministre néerlandais des finances, d'examiner le cas de l'impôt sur les sociétés. Parmi les propositions du comité figurait l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

a) Des résultats limités jusqu'à présent

Les tentatives d'harmonisation des systèmes d'impôt sur les sociétés (1975), des règles de report des pertes (1984 et 1985) et de la base d'imposition des entreprises (1988) ont échoué.

Néanmoins, les entraves nuisant à la construction du marché intérieur ont fait l'objet de travaux particuliers. Le Conseil européen a ainsi adopté en 1990 deux directives en vue d'éliminer ces obstacles :

- la directive « fusions » (90/434/CEE) vise à réduire les mesures fiscales défavorables au regroupement et à la restructuration de sociétés d'Etats membres différents ;

- la directive « sociétés mères-filiales » (90/435/CEE) vise à éliminer la double imposition des bénéfices distribués entre sociétés d'un État et leurs filiales d'un autre Etat membre.

En même temps, les Etats membres ont conclu, en application de l'article 293 du traité CE, une convention (90/436/CEE) qui introduit une procédure d'arbitrage pour éviter la double imposition lors de la correction des bénéfices d'entreprises associées d'Etats membres différents.

b) La nécessité de relancer les travaux

Votre commission des finances a noté avec intérêt que la Commission européenne avait engagé des travaux visant à aboutir à une base commune consolidée de l'impôt sur les sociétés couvrant l'ensemble des activités réalisées dans l'Union européenne.

Cette première approche, si elle prospérait, pourrait conduire à relancer un débat nécessaire sur l'harmonisation des assiettes nationales, qui présenterait l'intérêt d'une meilleure comparabilité des taux nominaux d'impôt sur les sociétés dans l'Union européenne et une localisation des activités économiques plus conforme à l'intérêt fiscal des entreprises. Elle permettrait, vraisemblablement, à la France d'afficher un taux nominal moins élevé.

* 38 Y compris la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés.

* 39 Pour les bénéfices réinvestis (35,15 % sur les bénéfices distribués). Soit une moyenne de 18 %.

* 40 Ramené en 2006 à 33,3 %.

* 41 Non encore publié.

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