B. LES NATIONS DANS LA GLOBALISATION DE L'ÉCONOMIE
1. Le déplacement en Chine de votre commission des finances : une force de frappe colossale
Une délégation du bureau de votre commission des finances a effectué une mission en Chine en avril 2004. Cette mission a permis de prendre la mesure des défis qui attendent le monde occidental pour faire face à l'arrivée d'un acteur économique, à terme dominant, sur le marché mondial.
a) Une mutation économique spectaculaire
La Chine a effectué l'une des transformations les plus spectaculaires et les plus rapides qu'un pays ait connue depuis la Révolution industrielle. Elle possède aujourd'hui les éléments d'une économie moderne tout en restant, par certains aspects, un pays en développement, confronté à de nombreux défis.
Si les statistiques doivent être maniées avec une extrême précaution, la Chine connaît néanmoins depuis 1978 un développement extrêmement rapide, avec un taux de croissance annuel moyen de 9,4 %, l'industrie représentant 53 % du produit national brut, contre 32 % pour les services et 15 % pour l'agriculture. Le taux d'ouverture, mesuré par le ratio des exportations sur le produit intérieur brut, a atteint 61 % en 2003, ce dernier chiffre illustrant le rôle essentiel des exportations. La division internationale du travail au profit de la Chine ne s'effectue, ainsi, plus seulement entre industries, mais également au sein même des processus industriels, de sorte qu'elle fabrique aujourd'hui aussi bien des produits à forte intensité de main-d'oeuvre (l'entreprise américaine Wal-Mart importe ainsi chaque année 14 milliards de dollars de produits chinois aux Etats-Unis), que des composants électroniques sophistiqués ou des éléments d'avion.
La force de la Chine réside donc dans le fait que ce pays peut offrir une palette complète de produits.
b) Un acteur économique bientôt dominant ?
Le ministère de l'économie du Japon avait, dans une note de 2001, qualifié la Chine « d'usine du monde », expression qui a connu depuis un grand retentissement.
Ce concept se justifie au regard de l'étendue des domaines où la Chine est devenue le premier producteur mondial : l'acier, le charbon, le ciment, le textile et le vêtement, les chaussures, les jouets, les télévisions, les ordinateurs portables, etc. Cette évolution s'appuie très largement sur des flux d'investissements directs étrangers, pour moitié en provenance de la diaspora chinoise, justifiés par le faible coût de la main-d'oeuvre, mais aussi par la perspective de conquérir un énorme marché, ainsi que, pour les sous-traitants, par la nécessité de suivre leurs donneurs d'ordre.
L'ambition des autorités chinoises consiste, pour l'avenir, à développer des grands groupes à l'international, avec comme objectif d'avoir deux ou trois champions nationaux par grand secteur stratégique et de passer ainsi du « made by China » au « made in China », afin de lutter contre les faiblesses actuelles des groupes industriels chinois : taille limitée, insuffisance des efforts de recherche-développement et structures de management et de financement peu claires.
Pour de nombreux observateurs, la Chine deviendrait ainsi, d'ici à 2010, le troisième exportateur et importateur mondial, et la concurrence chinoise touchera aussi bien le Mexique, la Thaïlande, le Maghreb et l'Europe de l'Est que les économies occidentales, ce qui pose d'ailleurs, avec une acuité croissante, la question de la sous-évaluation du yuan.
c) Des faiblesses néanmoins
La Chine est toutefois confrontée à de nombreux problèmes économiques du fait du rythme et des modalités de sa croissance : risques de surchauffe inflationniste et de surinvestissement, risques de pénurie dans les industries de base (énergie, transports), dépendance extérieure croissante pour ses matières premières (la Chine consomme actuellement 7 % du pétrole mondial et de 30 à 40 % de la production mondiale de fer, de ciment, de cuivre et d'aluminium, pour produire seulement 4 % du PIB mondial), inégalités fortes et se creusant encore entre les villes et les zones rurales, incapacité de l'industrialisation à absorber la main-d'oeuvre agricole inutilisée, de nombreux chômeurs s'installant dans les villes dans des conditions extrêmement précaires ; différentiels de développement entre les zones côtières de l'est, d'une part, le centre et l'ouest du pays, d'autre part, imperfection du système de protection sociale, insuffisance des services médicaux et éducatifs.
Enfin, si les autorités chinoises recherchent, officiellement, les moyens d'une « émergence économique pacifique » prenant en compte les intérêts et les capacités d'adaptation des autres pays, les possibilités de conflits commerciaux , comme l'illustre aujourd'hui le cas du textile, pourraient rendre l'insertion de la Chine dans les échanges mondiaux peu harmonieuse.