B. LE RÔLE CHARNIÈRE DU SSF

1. La coordination fonctionnelle des acteurs du maintien en condition opérationnelle

La réglementation confie au SSF un rôle de coordination et de pilotage des opérations d'entretien des matériels de la flotte. Il s'agit d'un service « qui fait faire » mais ne fait pas lui-même. Cette approche est centrale pour appréhender la place du SSF dans l'architecture de l'entretien des matériels puisqu'il doit occuper une place originale entre l'état major de la marine, qui reste le donneur d'ordre, et les acteurs de la maintenance, qu'il s'agisse de l'industriel (ou éventuellement des industriels) ou des moyens propres de la marine (ateliers militaires de la flotte, équipages).

a) La relation avec le « commandement »

L'état-major de la marine fixe, dans le cadre d'un « contrat opérationnel », des objectifs de résultat au SSF (sous le sigle « CAP 2005 »). Ces objectifs de résultat portent notamment sur l'amélioration de la disponibilité des bâtiments (objectif fixé à 70 %), l'amélioration de la qualité des travaux (réduction du nombre d'avaries survenues à la suite de visites au cours d'une IPER), la maîtrise des délais (respect des dates de fins de travaux), la maîtrise des coûts (respect des « coûts cibles » des IPER et des IEI), etc.

Il appartient ensuite aux autorités organiques, comme a pu le constater votre rapporteur spécial lors de sa visite à la force d'action navale (qui regroupe les bâtiments de surface) à Toulon de « conduire la disponibilité » des équipements, en fixant des priorités au SSF en fonction du contrat opérationnel , d'arbitrer entre les priorités pour respecter les enveloppes budgétaires et finalement de prononcer la disponibilité en accordant éventuellement des dérogations d'emploi.

b) La coopération entre le SSF et la DGA

Les relations entre le SSF et la DGA sont complexes.

? Elles doivent d'abord être organisées dans le cadre de la construction de nouveaux bâtiments. Le SSF participe aux équipes de programme intégrées (EDPI) qui suivent l'exécution des programmes navals pour assurer la prise en compte du MCO dès le stade de conception. En effet, le décret du 28 juin 2000 6 ( * ) , s'il confirme clairement la compétence de la DGA sur tous les matériels nouveaux, confie également au SSF le rôle de prise en compte ab initio par les EDPI des préoccupations liées au maintien en condition opérationnelle des matériels.

Pour harmoniser au mieux les besoins opérationnels et les solutions techniques propres à y répondre dans les délais et aux meilleurs coûts, les programmes d'armement sont conduits par une équipe de direction de programme intégrée : l'EDPI. Cette équipe est pilotée conjointement par un directeur de programme (DP) nommé par la DGA et un officier de programme (OP) désigné par l'état-major concerné.

Cette EDPI comprend les spécialistes et/ou des experts du ministère, que les DP et OP estiment nécessaires. Des représentants des structures de soutien sont membres de l'EDPI et participent à la définition et à la mise ne place du soutien en service.

A la clôture du stade de réalisation 7 ( * ) , l'état-major concerné et la DGA maintiennent d'un commun accord une équipe intégrée (EI) afin de poursuivre l'application de tout ou partie des méthodes de conduite de l'opération d'armement.

La participation du SSF à ces équipes intégrées (EDPI et EI) fait l'objet d'un protocole entre l'état-major de la marine et la DGA.

A ce titre, le SSF doit veiller à ce que les matériels nouveaux prennent en compte l'objectif de « maintenabilité » par les équipages eux mêmes, notamment à bord (la critique de la difficulté à maintenir les matériels à bord étant récurrente dans le discours des marins). Il s'assure que les équipes de développement de programme intégrées (EDPI) ne sacrifient pas l'approvisionnement des lots initiaux de rechanges à l'occasion des passations de contrats . Enfin, sa participation permet de garantir que la marine disposera bien des éléments nécessaires (documentation technique notamment) pour contractualiser les tâches correspondantes avec les sociétés industrielles compétentes et évaluer le coût futur du maintien des matériels commandés en condition opérationnelle.

? En second lieu, les grandes opérations de maintenance peuvent comporter une composante « constructions neuves ». Le SSF entre alors en « concurrence financière » avec la DGA chargée des constructions neuves. Il appartient au chef d'état-major de la marine, gouverneur des crédits 8 ( * ) , d'arbitrer entre les constructions neuves (DGA) et l'entretien des bâtiments (SSF). La DGA et le SSF doivent nécessairement collaborer. Ainsi pour les chasseurs de mine, le SSF coordonne la maîtrise d'ouvrage et assure la maintenance du bateau, la DGA assure la transformation des équipements de lecture des mines. Pour la première IPER du porte-avions Charles-de-Gaulle, prévue en 2006, l'évolution du système d'armement du bâtiment, lié à l'évolution du Rafale et des techniques de télécommunications, sera à la charge de la DGA. Le SSF coordonne l'intervention des différents acteurs pour organiser cette première IPER. Un tiers du travail concernera le programme d'équipement, le reste étant du maintien en condition opérationnelle.

? Un dernier enjeu doit être mentionné, qui n'est pas réglé à ce jour : celui de la « responsabilité de propriété et de gestion » des bâtiments de la marine nationale. Actuellement, la marine prend possession des équipements lorsqu'elle délivre le certificat de capacité opérationnelle. La DGA souhaiterait, selon les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur spécial, garder la pleine responsabilité (et la propriété) des navires jusqu'à leur première IPER, alors que la marine nationale et le SSF désirent maintenir le système actuel, tout en imposant la plus grande vigilance sur la réalisation d'un premier jeu complet de pièces de rechange permettant de mener à bien la première IPER. Ce jeu de rechanges dites « de grande réparation » est trop souvent sacrifié, dès que les autres coûts du contrat de fabrication augmentent, la DGA s'accordant avec l'industriel pour rester dans l'enveloppe initiale du marché passé, au détriment de l'entretien ultérieur du navire.

* 6 Pour les matériels nouveaux, le SSF « participe à la définition et à la mise en place du maintien en condition opérationnelle » (art. 3 de l'instruction DCSSF n° 2 « Mission et organisation de la direction centrale du service de soutien de la flotte »).

* 7 Le déroulement des opérations d'armement se décompose en cinq stades : préparation, conception, réalisation, utilisation et démantèlement.

* 8 On définira le responsable du programme comme celui qui s'engage sur les objectifs du programme, qui en rend compte au ministre et qui dispose de la liberté d'affectation des moyens donnés par la fongibilité, assumant ainsi la fonction de gouverneur des crédits.

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