2. La loi de 2002 : la réponse à un besoin avéré

Dans ces conditions, l'EPCC est un outil juridique qui, s'il ne représente pas la panacée car il ne peut régler tous les problèmes posés par la vie artistique, constitue - semble-t-il de l'avis général - une avancée significative dans la prise en compte des spécificités et des besoins du secteur artistique et culturel.

Approuvé à l'unanimité par les assemblées parlementaires, après une gestation longue et difficile, sa création a suscité à la fois des espoirs et des craintes - pour partie compréhensibles, pour partie infondées - de la part des professionnels susceptibles d'être concernés.

a) Un outil de partenariat au service de la décentralisation culturelle

Dans l'esprit des initiateurs de la loi, l'EPCC doit permettre de « faire plus et mieux de culture » avec des outils adaptés à un contexte culturel et artistique qui s'est profondément modifié, notamment avec la décentralisation.

On le sait, les compétences en matière culturelle sont désormais partagées entre l'Etat et les collectivités territoriales. En vertu de la loi du 7 janvier 2003 [article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT)], les communes, départements et régions concourent avec l'Etat « au développement culturel ».

Depuis cette date, les initiatives des collectivités dans le domaine culturel se sont multipliées, au point qu'elles consacrent deux fois plus de moyens que l'Etat dans le domaine du spectacle vivant 1 ( * ) . Leurs interventions s'inscrivent souvent, mais pas toujours, dans le cadre de financements croisés, associant plusieurs collectivités, avec ou sans l'Etat.

L'EPCC a pour avantage d'institutionnaliser la coopération entre ces différentes personnes publiques - sans qu'aucune ne puisse se la voir imposer - et de doter d'un statut opérationnel les grandes institutions culturelles d'intérêt à la fois local et national. Il permet l'organisation d'un partenariat équilibré entre des collectivités territoriales et l'Etat ou entre des collectivités territoriales seules.

Rappelons, en effet, que la loi couvre à la fois le cas où l'Etat participerait à l'EPCC et la situation inverse.

- En cas de participation de l'Etat, la loi prévoit que ce cas ne concerne pas les services qui « par leur nature ou par la loi » ne peuvent être assurés que par la collectivité territoriale elle-même ; ils doivent présenter un intérêt pour chacune des personnes morales en cause et contribuer à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine de la culture. En effet, en vertu de la circulaire n° 2003-005 du 18 avril 2003 : « un EPCC associant l'Etat et les collectivités territoriales devra privilégier la gestion de services publics culturels dont l'ancrage est territorial mais qui, en raison de leur importance et de la qualité de leur contribution à la création et à la diffusion artistique, à la formation des artistes, à la conservation et à la valorisation du patrimoine, contribuent à la réalisation d'objectifs nationaux en termes de politique culturelle ou d'aménagement du territoire ».

- Le ministère de la culture et de la communication estime que l'Etat n'a pas vocation à participer à tous les EPCC ; il est vrai que tous ne sont pas des équipements structurants le justifiant. Cette question fondamentale ne peut certes être traitée que cas par cas, mais votre commission tient à affirmer clairement que la création d'un EPCC ne doit être en aucune façon un prétexte à un désengagement de l'Etat.

Dans tous les cas, l'EPCC doit concerner des structures pérennes, d'une taille suffisante (on peut penser qu'un budget d'un million d'euros est un seuil minimum) et dont les missions s'inscrivent dans la durée .

La question se pose de savoir si un festival peut répondre à ces critères. Votre rapporteur estime qu'il n'y a pas lieu d'exclure a priori ce type d'organisation, à la condition expresse qu'elle s'inscrive réellement dans la pérennité et qu'elle soit d'une envergure suffisante pour justifier le choix d'une telle structure.

b) Un outil de gestion rigoureux et adapté au secteur culturel


• L'EPCC offre un cadre de gestion associant souplesse de fonctionnement et rigueur de gestion . M. Michel Orier, directeur de MC2 (Maison de la culture de Grenoble) assure, à cet égard, que si cette maison « fonctionnait très bien lorsqu'elle était sous régime associatif (...), le flou qui caractérise la responsabilisation budgétaire des tutelles dans le cadre associatif disparaît lorsque celle-ci devient un EPCC. »


Pour répondre à la diversité de leurs missions et de leurs modes de gestion et de fonctionnement, les EPCC peuvent avoir le statut soit d'établissement public à caractère administratif ( EPA ) (par exemple, quand il s'agit d'un musée ou d'un établissement d'enseignement artistique), soit d'établissement public à caractère industriel et commercial ( EPIC ) (tel est le cas notamment dans le domaine du spectacle vivant). Dans tous les cas, l'établissement jouit de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

Cette possibilité de choix permet de garantir que le statut du personnel est adapté à chaque établissement ; en outre, il facilite la transformation des entités existantes en EPCC, notamment en ce qui concerne les institutions exerçant leur activité dans le domaine du spectacle vivant, qui ont le plus souvent un statut privé.

Les textes (article L. 1431-1 et article R. 1431-2 du CGCT) prévoient que la nature de l'EPCC dépend de l'objet de son activité et des nécessités de sa gestion, et qu'elle doit être spécifiée dans les statuts de l'établissement. Un certain nombre des personnes auditionnées par votre rapporteur - notamment des professionnels du secteur du spectacle vivant - ont regretté que la loi ne soit pas plus précise sur ce point et ils ont exprimé leur crainte d'une possible requalification par le juge. En effet, c'est bien la jurisprudence qui fixe les critères en la matière. Ceux-ci sont traditionnellement au nombre de trois : l'objet de l'activité, l'origine des ressources et les modalités de fonctionnement de l'établissement concerné. Rappelons que si, au regard d'au moins un de ces trois critères l'établissement ne peut être comparé à une entreprise privée, il sera alors qualifié d'EPA. Dans ces conditions, les craintes portent principalement sur le taux de recettes propres, lequel est le plus souvent limité pour les activités relevant du spectacle vivant.

Toutefois, ainsi que le précise la circulaire du 18 avril 2003 précitée, l'article L. 1431-8 du CGCT permet à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'accorder des subventions à un EPCC quelle que soit sa nature juridique. Le mode de financement de l'activité ne constitue donc pas un critère de distinction pertinent pour définir la qualification juridique d'un EPCC.

Il n'apparaît pas souhaitable - compte tenu de la nécessité de prendre en compte tous les secteurs et tous les cas de figure - de faire figurer dans la loi elle-même le principe selon lequel les EPCC dont les activités ressortent du secteur du spectacle vivant seraient automatiquement des EPIC, ainsi que certains en ont exprimé le souhait. En revanche, votre commission tient à réaffirmer clairement que, compte tenu des spécificités de ce secteur et de la règle rappelée ci-dessus, l'EPIC est recommandé dans ces cas et les établissements concernés doivent bénéficier d'une présomption en ce sens.

Certaines personnes auditionnées ont également soulevé le problème de la qualification juridique des EPCC gérant à la fois des services publics administratifs (SPA) et des services publics industriels et commerciaux (SPIC), qui seraient des établissements publics à « double visage ». Or, à l'heure actuelle, le contrôle de légalité ne reconnaît pas cette possibilité.


• Par ailleurs, et ceci est essentiel, le directeur assure la direction de l'établissement . Le législateur a veillé à ce que les règles générales d'organisation des EPCC permettent de garantir l'indépendance de leurs directeurs dans les choix artistiques ou culturels . C'est à cet objectif que doivent concourir les dispositions régissant cet outil juridique.

A ce titre, on rappellera notamment que le directeur élabore et met en oeuvre le projet artistique (ou culturel, ou scientifique), assure la programmation, est ordonnateur des recettes et dépenses, prépare le budget, assure la direction des services, conclut les contrats dans les conditions prévues par le conseil d'administration, embauche le personnel si l'établissement fonctionne sous la forme industrielle et commerciale et est consulté pour avis s'il a le caractère administratif.

Il participe au conseil d'administration avec voix consultative. Il peut déléguer sa signature.

Les fonctions de directeur sont incompatibles avec un mandat électif dans l'une des collectivités territoriales membres de l'établissement, avec toute fonction dans un groupement qui en est membre, avec la qualité de membre du conseil d'administration de l'établissement.

Enfin, dans les établissements à caractère industriel et commercial, la circulaire prévoit qu'il ne peut être révoqué que pour faute grave par décision votée à la majorité des deux tiers des membres du conseil d'administration.

* 1 A l'exception de cette évaluation, votre rapporteur regrette de n'avoir pas pu obtenir de statistiques plus précises concernant les différents secteurs culturels. D'après les informations fournies par le ministère de la culture et de la communication, une étude portant sur la période 1996-2004 devrait être finalisée d'ici la fin de cette année, venant combler cette lacune.

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