F. LES PRÉFÉRENCES ACCORDÉES PAR L'EUROPE SONT GLOBALEMENT LARGEMENT UTILISÉES

Comme on l'a vu, l'UE s'est très largement engagée dans la signature d'accords commerciaux régionaux (préférences réciproques) et a également accordé un accès privilégié à son marché à de nombreux pays en développement, soit sur une base régionale (avec le Bassin Méditerranéen) soit sur la base d'une prise en considération des problèmes spécifiques d'accès au marché des PMAs (préférences non réciproques). Un tel accès préférentiel est associé à des règles d'origine s'appliquant aux produits exportés par les pays bénéficiaires, afin d'éviter que des plaques tournantes réexportant vers l'Union des produits provenant de pays exclus de ces accords ne se constituent.

Ces règles sont généralement critiquées sur la base des difficultés qu'elles créent pour s'approvisionner en matières premières ou composants aux meilleures conditions sur le marché mondial : ainsi la marge de compétitivité gagnée en tirant parti de l'accès préférentiel peut être effacée par le coût additionnel d'une fourniture en consommations intermédiaires auprès de producteurs locaux (régionaux en cas de cumul des origines) peu efficaces. Dans ce cas, les préférences ne seraient pas utilisées, soit que l'exportateur préfère utiliser le régime douanier normal et se fournir librement auprès des producteurs de biens intermédiaires de son choix, soit que les producteurs du pays bénéficiaire n'exportent tout simplement pas vers l'UE.

Une autre critique porte sur le coût administratif de ces mesures pour les exportateurs, en raison des formalités à accomplir pour bénéficier du régime préférentiel.

Ces questions sont cruciales dans le cas européen en raison de la taille de ce marché pour les pays en développement, et en raison de la part des pays en développement dans les achats. Ceci est particulièrement évident pour les produits agricoles, où l'Europe (pourtant plus protectionniste globalement que les États-Unis) représente un marché plus important que la somme du marché américain et du marché japonais pour les pays en développement (Tableau 10).

Tableau 10 : Importations de produits agricoles de la Triade en 2001

Note le G90 se réfère au groupe auto-déclaré à l'OMC : Union africaine plus PMAs.

Source : BACI, CEPII [5]

La compilation des Déclarations Administratives Uniques permet de connaître le régime douanier dont a demandé le bénéfice chaque exportateur, pour un flux d'exportation donné. En croisant cette information avec celle correspondant au meilleur régime douanier auquel le pays exportateur aurait eu droit, on peut obtenir une image du taux d'utilisation des préférences commerciales et donc mesurer la portée des critiques rappelées ci-dessus.

La difficulté technique est toutefois que de nombreux exportateurs, précisément parce qu'ils disposent de plusieurs régimes de préférence, n'utiliseront pas certains d'entre eux. Cela ne signifie pas, pour autant, qu'ils aient renoncé à recourir à un régime préférentiel. C'est ainsi que dans la mesure où les règles d'origine sont plus avantageuses dans Cotonou que dans l'initiative Tout Sauf les Armes, les pays d'Afrique Subsaharienne bénéficiant de Cotonou n'utiliseront pas ce second régime. Le taux d'utilisation faible de Tout Sauf les Armes par ces pays ne signifie pas que cet accord est sans portée, mais qu'il consolide en réalité en grande partie des préférences déjà accordées dans d'autres cadres.

On doit alors calculer un « taux d'utilisation du meilleur accord préférentiel », et un « taux d'utilisation d'au moins un accord préférentiel ».

Considérant la moitié (48,9% : cf. tableau 11) des importations européennes soumises à un droit de douane non nul, il apparaît qu'environ la moitié d'entre elles (56,5%) bénéficient d'au moins un régime préférentiel, et que cette préférence est utilisée dans 4 cas sur 5 (81,3%). La gradation du Système de Préférences Généralisées conduit à une moins forte couverture du commerce des pays concernés, alors que l'ouverture est maximale pour les pays pauvres africains, lesquels ont toutefois une forte concentration de leurs exportations sur des produits libres de droits.

La moyenne de 81,3% masque de très fortes différences : le taux d'utilisation d'au moins une préférence n'atteint pas 50% pour les PMAs non africains : cette initiative n'est pas utilisée par les pays qui disposent d'un autre régime préférentiel, et l'est seulement à moitié par les autres pays éligibles. Retenons toutefois qu'il s'agit de 2001 : l'initiative Tout Sauf les Armes n'a pas eu un effet immédiat mais il conviendrait de disposer de chiffres plus récents pour porter un diagnostic plus complet. Une analyse sectorielle souligne que les difficultés sont concentrées pour les PMAs non africains dans le textile habillement (où effectivement les règles d'origine européennes sont strictes) ; or cette catégorie de produits représente l'essentiel de leurs exportations.

Tableau 11 : Taux de couverture et d'utilisation des préférences européennes (2001)

Source : CEPII [5]

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