b) La pertinence des moyens humains et l'autonomie de recrutement

Votre rapporteur souligne que l'indépendance organique de l'autorité doit avoir pour corollaire l'attribution de moyens humains suffisants pour assumer ses missions en toute impartialité .

En effet, une autorité administrative indépendante qui ne serait pas suffisamment dotée en moyens d'expertise autonome pourrait se trouver en situation de faiblesse face à des secteurs professionnels susceptibles de mobiliser des ressources importantes. L'asymétrie des moyens entraînerait ainsi une asymétrie d'information qui, selon Mme Marie-Anne Frison-Roche, « est le plus grand risque pour l'efficacité, la légitimité et l'indépendance d'une autorité ».

Par ailleurs, intervenant en général dans des domaines spécialisés, techniques, où peuvent exister des enjeux économiques considérables, les AAI ont besoin d'un personnel hautement qualifié . Les compétences de ce personnel doivent compléter et renforcer celles des membres du collège qui ne sauraient couvrir nécessairement et de façon exhaustive le champ d'intervention de l'autorité, a fortiori lorsqu'ils ne se consacrent pas à plein temps à celle-ci.

Outre cette exigence de qualification, il est donc essentiel pour l'indépendance de chaque autorité qu'elle puisse recruter librement son personnel .

A cet égard, Mme Marie-Anne Frison-Roche relève que « les autorités administratives indépendantes ont la possibilité, si elles en ont les moyens budgétaires, de choisir le mode par lequel une personne intègre leurs services. On observe que la majorité du personnel est constituée d'agents de droit public ».

La plupart d'entre eux ne sont pas des fonctionnaires, mais des agents contractuels .

La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), impose une identification précise des emplois temps plein travaillés alloués à chaque service ou autorité, ce qui a pu entraîner des ajustements au sein des instances qui recouraient massivement aux fonctionnaires mis à disposition par des administrations.

Tel est le cas, en particulier, du Médiateur de la République dont les services centraux comptaient au 31 août 2005, sur un effectif total de 94 agents permanents, 56 agents mis à disposition par des administrations, sans remboursement.

Un fonctionnaire mis à disposition reste membre de son corps d'origine, est réputé occuper l'emploi qui lui a été affecté dans son corps d'origine et continue à percevoir la rémunération correspondante, mais effectue en réalité son service en dehors de son administration. L'administration ou l'AAI qui reçoit le fonctionnaire mis à disposition ne dispose donc pas d'un poste budgétaire lui correspondant. En revanche, un fonctionnaire en détachement n'est plus réputé être dans son corps d'origine ; il est financièrement pris en charge par l'administration ou l'autorité pour laquelle il travaille.

Nos collègues MM. Alain Lambert, sénateur, et Didier Migaud, député, chargés d'une mission sur la mise en oeuvre de la LOLF, auprès de MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, ont indiqué à votre rapporteur que si la LOLF était sans effet sur la pratique des mises à disposition, elle visait cependant à établir la sincérité et la transparence des comptes , conduisant ainsi à faire figurer tout personnel mis à disposition dans les comptes de l'organe qui l'emploie effectivement. Expliquant que la mise en oeuvre de la LOLF se traduisait par la « vérité des prix » des services publics, ils ont estimé qu'elle pouvait donc entraîner, dans un premier temps, des adaptations entre les autorités bénéficiant de fonctionnaires mis à disposition à titre gratuit et les administrations d'origine de ces fonctionnaires.

Les administrations dont sont issus les fonctionnaires mis à disposition peuvent en effet être incitées à restreindre le nombre de fonctionnaires qui ne travaillent pas dans leurs services alors qu'elles continuent à les rémunérer.

Aussi, les AAI procèdent-elles plutôt au recrutement de fonctionnaires détachés par leur administration d'origine, ce qui, selon Mme Marie-Anne Frison-Roche, offre des garanties d'indépendance supérieures « en raison de la durée dès le départ convenue et du fait que les autorités administratives indépendantes peuvent choisir les fonctionnaires qui, à leur incitation, solliciteront un tel détachement ».

La plupart des autorités peuvent en outre recruter des agents contractuels, dans la limite du nombre d'emplois temps plein travaillés fixé chaque année par la loi de finances. Seules les plus petites ont des services composés exclusivement de fonctionnaires (détachés ou mis à disposition).

Par ailleurs, les AAI devraient être également touchées par la dynamisation de la gestion des ressources humaines sous l'effet de la LOLF. En effet, le nombre d'emplois temps plein travaillés (EPTP) défini pour chaque programme peut être géré avec davantage de flexibilité que les emplois budgétaires selon les règles antérieures. La logique d'enveloppe budgétaire globale en termes d'emplois permet un arbitrage entre leur nombre et leur niveau.

Toutefois, comme le souligne Mme Marie-Anne Frison-Roche, il appartient au responsable de chaque programme d'utiliser les ressources offertes par cette flexibilité. Or, pour l'instant, les AAI ne constituent pas des programmes autonomes, « ce qui conduit à donner à un tiers un tel pouvoir, et à payer l'avantage de cette flexibilité par une perte d'autonomie ».

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