4. Les voies d'une meilleure prise en compte des AAI dans l'architecture budgétaire

a) Les voies déjà explorées

La modification de la LOLF

Lors de la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, M. Alex Türk, sénateur, président de la CNIL, a déposé un amendement tendant à modifier l'article 7 de cette loi afin de préciser la situation des AAI au regard des nouvelles règles budgétaires 131 ( * ) . Cet amendement visait à prévoir que :

- les AAI figurant sur une liste annexée au projet de loi de finances et constituant une action au sein d'un programme fixent les objectifs et les résultats attendus associés à cette action ;

- sous réserve des dispositions de l'article 14 de la LOLF 132 ( * ) , aucune décision ayant pour objet ou pour effet de réduire des crédits qui leur ont été attribués en loi de finances ne peut être prise sans l'accord de l'autorité concernée.

Finalement retiré, cet amendement a toutefois permis au Gouvernement d'apporter quelques précisions quant au traitement des AAI dans la nouvelle architecture budgétaire.

Ainsi, M. Jean-François Copé, ministre du budget et de la réforme de l'Etat, a indiqué que la direction du budget avait organisé des réunions budgétaires pour les principales autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République et le CSA.

Il a indiqué que « les crédits de chaque autorité administrative indépendante feront l'objet, en exécution, d'un budget opérationnel de programme 133 ( * ) dont le responsable sera le dirigeant de l'autorité ».

Le ministre a par ailleurs encouragé les responsables de programme à passer avec les dirigeants des autorités des conventions de gestion, « prévoyant en particulier les conditions dans lesquelles les crédits de l'autorité seront préservés en exécution ».

Si de tels engagements sont susceptibles d'assurer en pratique une relative protection des AAI à l'égard de mesures de régulation budgétaire en cours d'exercice, l'absence de toute disposition les soumettant à un cadre budgétaire adapté aux exigences de leur indépendance n'apparaît pas satisfaisante.

Certes, il semble légitime que les AAI, non dotées de la personnalité morale, soient soumises au même processus d'élaboration budgétaire que les administrations traditionnelles de l'Etat .

Il convient toutefois de permettre aux plus importantes d'entre elles de faire valoir directement auprès du ministère du budget leurs besoins en matière financière.

Il est par ailleurs indispensable qu'elles bénéficient en exécution d'un régime ne permettant de soupçonner aucune pression à leur égard.

Or, comme l'explique Mme Marie-Anne Frison-Roche dans l'étude qu'elle a remis à votre rapporteur, « l'indépendance doit non seulement exister mais, encore se donner à voir ». 134 ( * )

La modification de la nomenclature budgétaire

Ayant tenté, pour l'instant en vain, de modifier la LOLF afin d'appliquer aux autorités administratives indépendantes des règles budgétaires cohérentes avec leur statut et avec leur place dans notre organisation administrative, le Parlement a essayé d'adapter la nomenclature budgétaire à leurs spécificités . Toutefois, il n'a pu le faire que dans les limites imposées par la LOLF, qui ne lui permet pas de transférer des éléments d'une mission à une autre.

Ainsi, notre collègue Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois du Sénat, des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », a présenté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, un amendement tendant à créer un nouveau programme regroupant les sept autorités administratives indépendantes placées dans cette mission, au sein du programme « Coordination du travail gouvernemental » 135 ( * ) .

Le rassemblement des AAI dans un programme spécifique a pour conséquence de neutraliser le principe de fongibilité des crédits . Le responsable de ce programme « Autorités administratives indépendantes » aurait pu être, par exemple, le président de l'une des AAI intéressées, en rotation avec ses homologues.

Adopté à l'unanimité par le Sénat, contre l'avis du Gouvernement, l'amendement de la commission des lois n'a toutefois pas été retenu par la commission mixte paritaire.

Pourtant, cette solution aurait permis d'écarter toute présomption de pression ou de tutelle, par la voie budgétaire, sur les AAI.

A cet égard, la mise en réserve de près d'un cinquième des crédits 136 ( * ) de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait provoqué une polémique regrettable sur la situation ainsi engendrée pour cette instance chargée d'un aspect sensible de la protection des droits fondamentaux.

L'Office estime par conséquent que la voie doit encore être trouvée d'une véritable prise en compte de la spécificité des AAI au sein du cadre budgétaire issu de la LOLF.

* 131 Cf. journal officiel, Débats, Sénat, 4 juillet 2005.

* 132 Cet article définit les modalités d'annulation de crédits par décret, afin de « prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances ».

* 133 Le budget opérationnel de programme (BOP) rassemble les crédits d'un programme mis à la disposition d'un responsable identifié pour un périmètre d'activité ou un territoire défini. Ensemble globalisé de moyens, le BOP est par conséquent doté d'objectifs et d'indicateurs de résultat.

* 134 Ainsi, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, a déclaré, lors de la discussion des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » au sein du projet de loi de finances pour 2006 (cf. Journal Officiel, Débats, Sénat, séance du 3 décembre 2005, p. 8701) : « Imaginer qu'un jour le CSA soit amené à prendre une décision légèrement différente de celle que le pouvoir politique aurait pu suggérer et que survienne, quelques jours plus tard, une régulation budgétaire. On ne pourrait alors éviter de présumer que des pressions ont été ainsi exercées par le politique sur cette autorité indépendante. Il faut donc se mettre à l'abri de tout soupçon de cette nature ».

* 135 Ces sept AAI sont le médiateur de la République, le CSA, le Comité consultatif national d'éthique, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la Commission d'accès aux documents administratifs, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Commission consultative du secret de la défense nationale.

* 136 103.402 euros pour un budget de 541.602 euros en 2005.

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