2. Des perspectives financières inquiétantes pour les collectivités territoriales

Malgré cela, les conditions d'application des compensations annoncées et l'évolution des charges constituent des sources sérieuses d'inquiétudes.

La question qui se pose est même de savoir si cette réforme ne va pas se transformer en « bombe à retardement » financière pour les collectivités.

On peut distinguer quatre difficultés principales.

a) Les conditions incertaines d'application de certaines compensations
(1) La clause de sauvegarde

L'article 104 de la loi du 13 août 2004 a introduit une « clause de sauvegarde », apparemment protectrice, mais qui se révèle complexe dans son application.

La référence pour déterminer le nombre total d'emplois transférés est la « photographie » des emplois pourvus au 31 décembre de l'année précédant le transfert des compétences, sous réserve que leur nombre ne soit pas inférieur à celui constaté le 31 décembre 2002 .

Au regard de cette clause de sauvegarde, l'effectif global de référence diffère donc selon les collectivités bénéficiaires : dans certains départements ou régions, la référence est le 31 décembre 2002 et dans d'autres, le 31 décembre de l'année précédant le transfert de compétence.

Or, la loi vise, pour déterminer l'année de référence, non pas les transferts de services, mais la date du transfert de la compétence.

S'agissant des personnels du ministère de l'Equipement, il faut donc considérer comme année de référence pour analyser la clause de sauvegarde :

- l'année 2004 pour les routes départementales, compétence transférée antérieurement à la loi du 13 août 2004 ;

- l'année 2005 pour les routes nationales d'intérêt local, compétence transférée aux départements le 1 er janvier 2006.

Cette clause soulève trois questions distinctes : celle du décompte des effectifs, celle de la compensation et du calendrier.

Sur le décompte des effectifs , une instruction du ministère de l'Equipement en date du 12 juin 2006 relative à l'application de la clause de sauvegarde et faisant suite aux propositions du rapport des trois inspections générales, a permis de préciser la méthode de calcul des emplois pourvus au 31 décembre 2002 qui se décompose en deux étapes :

Recensement des agents présents au 31 décembre 2002

La liste des agents en poste à cette date doit être dressée, à partir d'une base de données (dite « OMESPER/GESPER ») fournie par la direction générale du personnel et de l'administration du ministère.

La liste ainsi établie doit être, le cas échéant, comme pour le décompte des emplois pourvus à la date de référence, complétée par celle des personnels que la collectivité concernée a mis à la disposition du service déconcentré et qui participaient au 31 décembre 2002 à l'exercice des compétences transférées.

Détermination de la quotité d'activité

Le calcul du nombre d'emplois pourvus au 31 décembre 2002 (exprimé en équivalent temps plein ou ETP) pour chaque compétence transférée est obtenu par l'application sur le nombre d'agents ainsi recensés d'un taux d'activité exprimant la quotité de temps passé à l'exercice des missions transférées.

Toutes ces informations étant détenues par les administrations d'Etat, comment les collectivités territoriales pourront-elles argumenter leurs désaccords puisque les sources d'information relèvent de l'Etat ?

Par ailleurs, comme l'a souligné le rapport de l'Inspection générale susmentionné, plusieurs modalités de compensation des postes disparus sont envisageables. Or, l'Etat envisage la solution la plus défavorable aux départements :

Le coût sur la base d'un pied de corps

L'Etat défend le choix du « pied de corps » s'agissant des postes « disparus », car il a, jusqu'à la date du transfert, exercé des compétences sans ces moyens.

Cette logique du « pied de corps » répond au fait que le recrutement de nouveaux agents inexpérimentés se ferait sur la base du pied de corps.

C'est la solution préconisée par la mission d'inspection IFG-IGA-CGPC de février 2006 relative au transfert des personnels du ministère de l'Equipement.

Sur la base du niveau médian de grade des agents

Les départements considèrent que le calcul de cette compensation ne peut être fait que sur la base du niveau médian de grade des agents et non sur la base du pied de corps.

Plusieurs arguments forts militent, en effet, pour cette solution :

- lors des précédents mouvements de décentralisation (lois Defferre de 1982-1983, loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse), le principe a toujours été de compenser sur la base du niveau médian, y compris dans le cadre de la loi du 2 décembre 1992 relative à la mise à disposition des services déconcentrés du ministère de l'Equipement, complétée par ses textes d'application faisant référence à l'effectif équivalent des personnels chargés des compétences départementales ;

- la préoccupation des collectivités étant de maintenir la qualité de service, les recrutements devront bien se faire sur une base de rémunération suffisamment attractive, en tenant compte de l'ensemble des éléments constituant la rémunération de l'agent (c'est-à-dire le traitement indiciaire et le régime indemnitaire).

Une dernière difficulté concerne la date d'effet :

Dans la mesure où l'Etat exerçait les compétences transférées sans les agents, l'obligation de compensation des postes vacants n'a pas juridiquement à être immédiate.

Dans ce contexte, il est proposé aux départements que le droit à compensation prendrait effet en fin de processus à l'expiration de la période de droit d'option lors du transfert effectif des derniers agents ayant opté et de ceux n'ayant pas opté, c'est-à-dire au 1 er janvier de la troisième année qui suit la parution du décret en Conseil d'Etat de transferts de services si le décret paraît entre le 1 er janvier et le 31 août d'une année n ou le 1 er janvier de la quatrième suivant la parution dudit décret si celui-ci paraît entre le 1 er septembre et le 31 décembre d'une année n :

- soit le 1 er janvier 2009, s'agissant des postes relevant du ministère de l'Education ;

- soit à partir du 1 er janvier 2010, s'agissant des postes relevant du ministère de l'Equipement.

Il est acquis en revanche (voir Instruction du 12 juin 2006) que les ETP correspondant aux emplois des agents dit « Berkani » sont considérés comme constants entre 2002 et la date de référence. En effet, quand ces agents partent à la retraite, ils ne sont pas remplacés mais les services voient augmenter leurs crédits de fonctionnement pour pouvoir faire appel à des sociétés de nettoyage. La baisse éventuelle d'effectifs intervenue entre 2002 et la date de référence a donc été compensée par des crédits de fonctionnement, qui seront pris en compte dans le calcul de la compensation financière liée au fonctionnement du service.

On notera donc que la clause de sauvegarde n'est pas encore applicable dans la mesure où le bilan des effectifs entre l'année 2002 et le 31 décembre 2004 n'a toujours pas été soumis à la CCEC.

(2) La compensation des emplois vacants

Cette question soulève un problème très délicat, qu'a parfaitement souligné notre collègue M. Yves Krattinger dans une question écrite en date du 24 mars 2005.

Rappelant que la moyenne nationale en termes d'effectifs non pourvus sur l'effectif global de la DDE est de 3,78 % , il exprimait le souhait que cette question entre en ligne de compte dans les négociations portant sur les transferts de personnels induits par la loi du 17 août 2004.

Il précisait que, dans le département de la Haute-Saône, par exemple, 51 postes n'étaient pas pourvus sur 587, soit 8,69 %, soit le plus fort taux des départements métropolitains. Il demandait à l'Etat de prendre en compte ces vacances dans les calculs liés aux transferts.

Sur le montant, on peut noter que deux situations sont susceptibles de se présenter requérant des compensations justifiées.

Les emplois devenus vacants entre 2002-2004/2005

En vertu de l'alinéa 4 de l'article 104 II de la loi du 13 août 2004, sont transférés aux collectivités locales les emplois pourvus au 31 décembre de l'année précédent l'année du transfert sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté le 31 décembre 2002. Si les effectifs constatés du 31 décembre 2002 étaient supérieurs à ceux constatés au 31 décembre 2004, c'est la référence 2002 qu'il convient de retenir.

Les emplois devenus vacants suite au transfert de la compétence

Deux cas de figures vont se présenter :

- soit l'emploi est devenu vacant durant la phase de mise à disposition des services ;

- soit l'emploi est devenu vacant après le transfert des services, pendant la période d'exercice du droit d'option.

Les modalités de compensation des postes devenus vacants (y compris les fractions) doivent encore faire l'objet d'arbitrage : compensation sur la base d'un coût moyen, médian ou « pied de corps ».

La compensation la plus équitable pour les départements serait une compensation au réel sur la base de la rémunération réellement perçue par l'agent au moment de son départ .

Sur la date de la compensation , elle devrait s'effectuer :

- pour ce qui concerne les postes devenus vacants avant transfert (dont les fractions) du service, par transferts de fiscalité en utilisant le produit de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance des véhicules à moteur (TSCA) ;

- s'agissant des postes devenus vacants après le transfert de services, en loi de finances rectificative de l'année n pour les emplois devenus vacant avant le 31 août de l'année n, les montants étant ensuite inscrits de manière définitive dans la plus prochaine loi de finances (et compensés par le transfert d'une fraction de TSCA).

(3) Le régime des primes et des indemnités

Les régimes indemnitaires sont source de difficultés, car ils sont d'abord très divers (exemples : indemnité spécifique de service, prime de service et de rendement, indemnité d'administration et de technicité...).

Pour les agents mis à disposition, ces indemnités continueront à être mises en paiement par l'Etat suivant les mêmes montants qu'antérieurement et sans discontinuité.

Quand les agents transférés aux collectivités sont directement rémunérés par leur nouvel employeur, ils peuvent bénéficier des dispositions introduites par l'amendement gouvernemental dans le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, visant à maintenir à titre individuel le régime indemnitaire des agents transférés.

Ce projet de loi, tel qu'adopté en première lecture par le Sénat, prévoit en effet que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent maintenir au profit des fonctionnaires de l'Etat mentionnés à l'article 109 les avantages qu'ils ont individuellement acquis en matière indemnitaire au sens de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, tant qu'ils exercent leurs fonctions dans leur cadre d'emplois de détachement ou d'intégration lorsque ces avantages sont plus favorables que ceux de la collectivité ou du groupement concerné ».

Cependant, la non-compensation des avantages acquis collectivement avant 1984 constitue une source de désaccord majeur avec l'Etat .

Le Conseil d'Etat a, en effet, rendu le 29 août 2006 un avis par lequel il considère que :

- d'une part les fonctionnaires de l'Etat, s'ils sont nommés dans un emploi transféré, seront en droit de bénéficier des avantages lors de leur intégration dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale ou de leur mise à disposition de détachement sans limitation de durée ;

- la compensation financière des avantages ayant un caractère de complément de rémunération par l'Etat n'est pas obligatoire dans la mesure où les assemblées délibérantes des collectivités peuvent décider de diminuer ou de supprimer ces avantages.

Les collectivités ne peuvent se satisfaire d'une telle décision et font appel au Gouvernement afin qu'il assume cette charge nouvelle qui pèse sur les employeurs territoriaux.

Elles considèrent qu'elles ne peuvent assumer à la fois le maintien des avantages acquis antérieurement en tant qu'agents de l'Etat et le financement d'un alignement généralisé des avantages octroyés par le passé à ses agents locaux.

D'autre part, elles appellent l'attention sur la nécessité d'une harmonisation de ces régimes indemnitaires. A titre d'exemple, entre les personnels transférés de l'Education nationale et ceux de l'enseignement agricole, le jeu des affectations entraînera à moyen terme la coexistence au sein du même établissement d'agents exerçant les mêmes fonctions mais bénéficiant d'un régime indemnitaire différent du fait de son corps d'origine. Ceci parait ingérable au plan local.

b) L'adéquation des recettes transférées et la situation des finances locales

La loi du 13 août 2004 prévoit que la compensation financière s'opérera, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toutes natures. Les transferts de compétences seront donc, dans leur quasi totalité, financés par des transferts de fiscalité. Il s'agit de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) pour les départements et de la taxe de consommation intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) pour les régions.

Or, les dépenses transférées risquent d'avoir une dynamique d'évolution supérieure à la croissance des ressources transférées. Plusieurs travaux viennent étayer cette crainte.

Face au faible dynamisme de l'assiette de TIPP transférée aux départements, le ministère délégué au Budget a, à plusieurs reprises, fait valoir que d'autres ressources départementales bénéficiaient d'une très forte progression, notamment les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Ces DMTO sont des taxes perçues par les départements lors d'un transfert de propriété d'un bien immobilier et d'une transaction immobilière. En 2005, leur montant total s'élevait à 5,9 milliards d'euros soit 12,7 % des recettes de fonctionnement des départements (hors Paris). Il est vrai que ce montant a augmenté de 60,3 % entre 2001 et 2005 en raison principalement de la hausse des prix de l'immobilier.

Pour autant, tous les départements n'ont pas également bénéficié du dynamisme de cette ressource : 10 % des départements les mieux dotés en produit de DMTO se partagent 30 % du produit total . En outre, d'une manière générale, les DMTO ne couvrent pas les autres dépenses des départements comme le RMI. Enfin, cette ressource est exposée aux aléas du cycle immobilier alors que les dépenses des départements, elles, ont plutôt vocation à augmenter automatiquement.

L'ARF a confié en 2005 un audit au cabinet Ernst & Young sur les conséquences financières de l'Acte II de la décentralisation pour les régions.

Cette étude a conclu que : « Les dépenses transférées (3 % par an) ont une dynamique d'évolution supérieure à la croissance de la ressource transférée (1,1 % par an) ».

Toujours selon cette étude, l'ensemble des transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 (transfert de personnel TOS, bourses et formations sanitaires et sociales, crédits de l'Association de formation professionnelle des adultes -AFPA-, le STIF pour l'Ile-de-France) amorcés depuis 2005 et devant s'échelonner jusqu'en 2009, représenteraient une charge financière globale estimée à 2,9 milliards d'euros .

Selon les données du projet de loi de finances pour 2006, les charges les plus lourdes pèsent dans le domaine de l'éducation (42 %). Suivent les formations sanitaires et sociales (22 %), les crédits de l'AFPA (20 %) et le STIF (14 %). Les transferts des compétences dans le domaine de la culture (inventaire du patrimoine) et des grands équipements (routes, ports et aéroports) sont estimés à 2 % de ce montant.

L'ADF a évalué en 2005 de son côté la charge financière des TOS travaillant dans les départements avant transfert. Celle-ci est estimée à 1,36 milliard d'euros :

Le coût des TOS à l'Etat avant transfert

Evaluation des dépenses de l'Etat
(en euros)

Moyenne

Rémunération brute

871.898.400

Cotisations acquittées par l'Etat

132.528.557

Crédits de suppléance

30.516.444

FNAL

871.898

Total des dépenses décaissées par l'Etat

1.035.815.299

Cotisations non décaissées

313.796.234

Retraites (33 % des rémunérations brutes)

287.726.472

Accidents du travail (0,09 %)

784.709

Cotisations sociales (2,9 %)

25.285.054

Total des dépenses de l'Etat (décaissées et non décaissées)

1.349.611.533

Fonctions de support (1 %)

13.496.115

TOTAL GENERAL

1.363.107.649

Source : Etude d'impact de l'ADF, avril 2005.

Les analyses effectuées par l'ADF, dans le cadre des transferts de compétences, mettent l'accent sur certains domaines sensibles tels que :

- certaines dépenses insuffisamment compensées par l'Etat : charges sociales (notamment les retraites et les cotisations) ; l'alignement sur le régime indemnitaire moyen des conseils généraux ; l'insuffisance des fonctions de supports ; l'accroissement des crédits de suppléance permettant d'améliorer le remplacement des congés maladie... A l'époque, l'ADF estimait l' ensemble de ces ajustements à 457 millions d'euros, au détriment des départements ;

- l'éventuelle croissance des dépenses liées à l'exercice des nouvelles compétences par les départements : l'accroissement possible des taux de cotisations retraite dû à la prise en compte non compensée des droits acquis des fonctionnaires d'Etat par la CNRACL ; le remplacement des emplois aidés par des recrutements ; l'impact de la pyramide des âges des TOS assez âgés en moyenne. Ces surcoûts n'avaient pu être évalués précisément par l'ADF.

Le rapport 2006 de l'Observatoire des finances locales a souligné le caractère volatil et instable des taxes accordées pour couvrir les transferts.

L'article 52 de la loi de finances initiale pour 2005 a attribué aux départements une fraction de taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) afférente aux véhicules terrestres à moteur (au taux de 18 %). La fraction de taux de TSCA affectée aux départements, fixée en loi de finances initiale pour 2005 à 0,91 %, a été calculée de telle sorte que, appliquée sur l'assiette nationale de cette taxe en 2004, elle permette de couvrir les charges transférées en 2005 (soit le droit à compensation, initialement évalué à 126,6 millions d'euros ).

Tout au long de l'année 2005, les départements ont perçu des recettes fiscales correspondant à l'application de la fraction de taux sur l'assiette réelle (2005) de la taxe. Cette assiette progressant d'environ 5 % par an, les départements ont ainsi pu bénéficier en 2005 de son dynamisme et donc d'un produit fiscal supplémentaire par rapport au droit à compensation provisoire.

L'article 3 de la loi de finances rectificative pour 2005 a donc modifié cette fraction de taux afin de tenir compte, d'une part, du montant définitif du droit à compensation tel qu'il a été constaté par la CCEC (136,7 millions d'euros) et, d'autre part, de l'assiette définitive de la TSCA en 2004.

Mais parallèlement, tous les indicateurs montrent que les dépenses entre 2005 et 2006 des collectivités progressent plus vite que les recettes. En 2006, cet écart serait de l'ordre de 0,6 point (0,7 point hors remboursement de la dette) et rien n'indique que cette tendance sera inverse dans l'avenir.

Régions et départements

(en milliards d'euros)

2002

03/02

2003

04/03

2004

05*/04

2005*

06**/05*

2006**

Dépenses totales

55,2

+ 7,4 %

59,3

+ 16,7 %

69,1

+ 5,7 %

73,1

+ 8,4 %

79,2

Recettes totales

55,6

+ 7,1 %

59,5

+ 15,6 %

68,8

+ 7,3 %

73,8

+ 7,8 %

79,6

Dépenses totales hors remboursements de dette

51,5

+ 8,1 %

55,7

+ 18,0 %

65,7

+ 5,0 %

68,9

+ 8,8 %

75,0

Recettes totales hors emprunts

51,7

+ 6,3 %

54,9

+ 15,2 %

63,3

+ 7,1 %

67,8

+ 8,1 %

73,3

* Premiers résultats Direction générale de la comptabilité publique (DGCP).

** Estimations à partir des budgets primitifs 2006 et des premiers éléments de réalisations pour l'année 2005. Ces résultats diffèrent de ceux publiés par ailleurs sur 2006 (qui ne tiennent compte que de l'évolution de BP à BP stricto sensu) en raison notamment de différences importantes entre prévisions et réalisation.

Source : DGCL à partir des données de la DGCP.

c) L'avenir des comptes de la CNRACL en question

L'impact des transferts sur l'équilibre des comptes de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales aura certainement, à moyen ou long terme, une incidence sur les finances des collectivités territoriales.

(1) Une CNRACL en première ligne

La CNRACL est directement concernée par les transferts :


• Le fonctionnaire de l'Etat ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial relèvera pour sa retraite de la CNRACL qui lui versera une pension pour l'ensemble de sa carrière dans la fonction publique.

Parmi les services pris en compte dans la pension figurent les services de fonctionnaire titulaire et stagiaire de l'Etat ainsi que les services validés.

Ainsi, les services effectifs accomplis par l'intéressé dans son corps d'origine, c'est-à-dire dans la fonction publique d'Etat, sont assimilés à des services accomplis dans le cadre d'emplois de la fonction publique territoriale dans lequel il est intégré.

L'impact des primes sur le calcul des droits risque d'être important sachant que pour certains emplois, l'écart de régime dans ce domaine, entre les deux fonctions publiques, varie de 1 à 8 .


• S'il opte pour le maintien du statut de fonctionnaire d'Etat, il demeure fonctionnaire d'Etat, mais il est rémunéré par la collectivité territoriale d'accueil.

Pour sa retraite, il relèvera du code des pensions civiles et militaires applicable aux fonctionnaires d'Etat. Il ne change donc pas de régime de retraite. Mais il peut à tout moment demander, c'est-à-dire y compris après l'expiration du délai d'option, son intégration dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale, les collectivités territoriales étant libres de la suite à donner à sa demande.


• Si le fonctionnaire relève de la « catégorie active », ses avantages de retraite demeurent acquis.

En effet, les fonctionnaires de l'Etat mentionnés à l'article 109 de la loi du 13 août 2004 et appartenant à un corps classé en catégorie active au sens du 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ont la possibilité de conserver, à titre personnel, le bénéfice des avantages qui en découlent . Ainsi, si un fonctionnaire a déjà accompli 15 ans en catégorie active auprès de l'Etat et même s'il n'appartient plus à un corps classé en catégorie active, il pourra, à titre personnel, demander la liquidation de sa pension dès l'âge de 55 ans.

Enfin, la CNRACL devra certainement assumer des charges financières supplémentaires liées à l'administration des retraites des personnels transférés. Il convient de rappeler que la caisse est tenue de fournir des informations précises sur les retraites. Elle ne peut le faire qu'à partir de relevés de carrière . Or, la règle est que cette charge incombe au dernier employeur. Les collectivités auront six mois pour transmettre ces informations à la CNRACL, d'où un surcroît considérable de tâches pour les services concernés.

(2) L'impact financier de la pyramide des âges

Selon les projections réalisées par la Caisse, la population concernée par la décentralisation se caractérise par un âge moyen de 44,4 ans, légèrement supérieur à celui de la population cotisante totale de la CNRACL (43 ans). Les écarts de répartition aux âges extrêmes expliquent en grande partie cette légère différence d'âge moyen : la proportion des personnes âgées de plus de 50 ans est de 32 % dans la population décentralisée contre 28 % pour les cotisants de la CNRACL, alors que la part des jeunes actifs de moins de 30 ans n'est que de 4 % contre 9 %.

L'intégration de la population décentralisée, avec un âge légèrement plus élevé que celui de la population CNRACL d'origine, a donc pour conséquence de générer une croissance rapide du montant des prestations versées. Dans ce cadre, le montant des prestations dépassera le montant des cotisations au cours des années 2015/20 .

Il est clair que les collectivités territoriales risquent d'être appelées à contribuer davantage à ce terme.

La CNRACL anticipe également des dépenses supplémentaires d'allocations, en particulier pour les allocations temporaires d'invalidité et pour les arrêts de travail . Elle a des interrogations sur le « stock » de bénéficiaires mais selon ses premières études, l'accroissement des prestations avoisinerait 10 %.

Au-delà, de multiples interrogations subsistent, notamment sur l'impact des nouveaux recrutements par les collectivités ou la validation de services des non-titulaires.

d) Des « coûts cachés »

Les réponses au questionnaire ( annexe ) font apparaître un certain nombre de dépenses non prises en compte par la loi et qui risquent de « peser lourd » sur les finances locales.

Sur le fond, les régions persistent aujourd'hui encore à s'estimer perdantes.

Comme le note l'ARF, « la loi du 13 août 2004, ses textes d'application réglementaires et les positions de la parité prennent systématiquement pour référence les dépenses supportées par l'Etat. Or, il existe un grand nombre de situations où cette méthode de calcul s'avère défavorable aux régions pour des raisons objectives légitimes : déséconomies d'échelle, tendance structurelle à l'accroissement des charges sur le moyen ou long terme, écarts entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d'Etat, impact des décisions prises par les régions avant l'élaboration de la loi du 13 août 2004, parfois il y a plus de vingt ans ».

De fait, à la question « Estimez-vous que votre collectivité aura à supporter une charge nette due aux transferts de personnels TOS cette année (en 2006) ? », les collectivités interrogées répondent oui à plus de 92 %.

Pour les DDE, les compensations financières sont jugées insuffisantes, dès à présent, pour 60 % des départements interrogés.

Au cours des prochaines années, 100 % des départements qui ont répondu estiment que leur charge nette sera accrue. Même si, au final, on note une grande difficulté à évaluer le poids des charges totales 23 ( * ) .

Les principales causes sont :

- les créations de postes notamment d'encadrement,

- l'acquisition ou la rénovation des locaux,

- les frais informatiques et de fonctionnement divers,

- les frais d'assurances et de contentieux,

- les avantages sociaux (tickets restaurant, médecine préventive, formation, action sociale...),

- les travaux à entreprendre pour la mise à niveau et les investissements sur les routes transférées.

* 23 Près de 90 % des départements se déclarent dans l'incapacité d'estimer l'accroissement de leurs dépenses nettes. Parmi les 10 % qui s'y essayent, la moitié l'évalue entre 500 000 et 2 000 000 d'euros et un quart au-delà de cette limite.

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