4. La segmentation de l'économie française face à la mondialisation est-elle durable ?

a) Les trois segments de l'économie française : secteurs abrités, secteurs exposés et secteur « hors sol »

En dépit de l'ouverture du pays et de l'intégration européenne, l'économie française continue de faire apparaître une nette fracture entre les secteurs exposés à la concurrence internationale et les secteurs qui en sont abrités.

Ainsi, malgré l'ouverture à la concurrence de certains secteurs autrefois protégés par un monopole, tel que celui des télécommunications, l'emploi public a connu une très forte croissance depuis les années 1990. De plus, la tertiarisation de l'économie s'accompagne du développement de services de proximité non délocalisables qui, sans être soumis à un statut particulier, n'en sont pas moins à l'abri de la compétition internationale 222 ( * ) .

Cette distinction entre secteurs abrités et exposés se double d'une autre césure certes moins sensible mais réelle au sein même du secteur exposé : celle-ci oppose schématiquement les grands groupes français, dont l'essentiel de la croissance se fait « hors sol » aux petites et moyennes entreprises, dont l'horizon et le rayon d'action restent , pour une bonne part d'entre elles encore largement hexagonaux ou européens .

S'agissant des grands groupes, tous les classements montrent qu'ils ont dans l'ensemble remarquablement réussi leur intégration dans la mondialisation, 38 d'entre eux figurant dans le classement des 500 plus grandes firmes mondiales réalisé par le magazine Fortune 223 ( * ) .

Or, un des éléments essentiels de la croissance internationale des groupes français a été leur implantation sur les marchés les plus dynamiques, notamment par l'acquisition de leurs concurrents locaux. C'est au prix de cette mutation qu'ils ont été capables de demeurer compétitifs et actifs sur leur marché domestique.

Le succès de nos groupes s'est ainsi construit loin des contraintes et des obstacles qui obèrent la croissance française.

Or, tel n'est précisément pas le cas de nos PME qui affrontent la mondialisation dans des conditions quasiment inverses.

En effet, celles-ci réalisent l'essentiel de leurs activités en France et sont donc, par exemple, proportionnellement beaucoup plus soumises que les groupes aux charges sociales et fiscales de notre pays .

A ceci s'ajoute un handicap en termes d'orientation de leurs exportations, qui se caractérisent par une surreprésentation de l'Union européenne, parent pauvre de la croissance mondiale , alors que leurs concurrentes allemandes et britanniques, mais aussi italiennes ou suisses, réussissent mieux dans la conquête des marchés émergents.

Au lieu d'atténuer les clivages internes à l'économie française, l'ouverture internationale les a développés en creusant l'écart entre, d'une part, les groupes mondialisés et, d'autre part, les PME menant la compétition internationale à partir d'un environnement peu favorable. Un tel diagnostic pose à nouveau la question de la cohérence de notre système économique, d'autant plus que, par ailleurs, le mécanisme de contribution à l'Etat-providence, principalement alimenté par les secteurs exposés, est donc devenu particulièrement vulnérable.

A une extrémité, la pérennité de nos PME relève d'une lutte quotidienne. A l'autre, le fait que quelques grands groupes constituent les « locomotives » de l'économie nationale met en lumière une double fragilité. D'une part, le lien de ces entreprises avec notre pays peut être remis en cause et d'autre part, l'économie française ne semble pas en mesure de faire émerger une nouvelle génération de champions.

* 222 Pour le distinguer du secteur abrité traditionnel, certains économistes parlent de « secteur diffus ».

* 223 Ce chiffre place notre pays devant l'Allemagne et représente environ le double de la part de la France dans l'économie mondiale.

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