B. DONT L'AMPLEUR RÉELLE RESTE TRÈS MAL CERNÉE ET INDUIT UN RISQUE DE CONCLUSIONS HÂTIVES

En dehors des crédits spécifiques, le financement de la politique de la ville s'appuie, hors rénovation urbaine, sur la mobilisation des crédits de droit commun et sur la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU-CS), créée en 1991 et profondément modifiée en 2005.

Pourtant, si le montant de la DSU, composante de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est bien connu (880 millions d'euros en 2006, plus de 1 milliard d'euros en 2008), il n'en est pas de même des crédits de droit commun dont la définition même est sujette à caution : quelles missions budgétaires contribuent à la politique de la ville ? Pour quels montants ? Sur quels territoires ? A cet égard, l'enquête de la Cour des comptes n'apporte pas les réponses attendues, faute sans doute d'avoir disposé d'informations dont l'ensemble des acteurs de la politique de la ville dénonce l'absence.

En ce qui concerne la mobilisation des crédits de droit commun , la Cour des comptes réitère ainsi les observations qu'elle formulait en 2002 sur la difficulté de son évaluation, compte tenu de l'absence de système d'information fiable et du caractère parcellaire des études disponibles. Quant au nouveau document de politique transversale « Ville » qui a remplacé le « jaune budgétaire » précédent, il appelle de sa part des critiques portant sur une évaluation lacunaire et peu fiable des crédits concourrant à la politique de la ville.

De manière générale, la Cour des comptes ne conclut pas à un effet de substitution global , sur la période 2002-2006 entre crédits spécifiques et crédits de droit commun, mais elle constate que les crédits spécifiques sont passés de 14 % à 26 % du total des crédits de la politique de la ville ce « qui apparaît peu conforme à un simple objectif de complémentarité ou d'effet de levier ».

En ce qui concerne la DSU-CS , elle rappelle que le cadrage pluriannuel d'évolution, qui a été institué par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, doit conduire à porter l'enveloppe globale à 1,2 milliard d'euros en 2009 contre 600 millions d'euros en 2004. Ce cadrage a été respecté en 2005 et 2006. Votre rapporteur spécial regrette à cet égard qu'il ne le soit plus en 2008 et appelle à ne pas revenir sur les engagements pris en 2004.

La Cour des comptes est plus critique s'agissant de l'introduction de coefficients liés aux « ZUS-ZFU » 5 ( * ) dans les critères de répartition de la DSU. Cette réforme, intervenue en 2005, a eu globalement un effet favorable très net pour les communes dotées de ZUS et/ou de ZFU, mais elle a aussi accentué les imperfections de la géographie prioritaire de la politique de la ville car elle n'a pas été précédée d'une réforme du zonage. En particulier, cette réforme a accentué le « coût de sortie » de ZUS ou de ZFU pour une commune. Quant à l'application du critère ZFU, il ne garantit pas un ciblage sur les communes les plus défavorisées.

Les débats ouverts lors de l'audition pour suite à donner ont mis en évidence les effets pervers de la combinaison, au sein de la dotation de solidarité urbaine, de plusieurs objectifs de péréquation difficilement conciliables et dont les bases de calcul ne sont pas mises à jour avec la même périodicité. Une évaluation de la pertinence des critères de répartition et des règles de la DSU-CS doit être menée, y compris sur ses dispositifs de garantie d'évolution et son application aux villes de plus de 200.000 habitants.

Enfin, la Cour des comptes, comme l'avait fait la mission d'information sénatoriale précitée, dénonce la mauvaise application du dispositif de suivi de l'utilisation de la DSU par les communes qui était prévu par la loi du 18 janvier 2005.

Ses recommandations sur ce thème visent à :

- réaliser et diffuser un recensement national des crédits de droit commun susceptibles d'être mobilisés ;

- coordonner les procédures d'instruction entre les subventions accordées au titre de la politique de la ville et les subventions de droit commun accordées par les services déconcentrés et concernant les quartiers sensibles ;

- fusionner les trois rapports que les collectivités territoriales doivent élaborer sur la politique de la ville (rapport sur la DSU, rapport sur les politiques conduites dans les ZUS, rapport annuel sur la mise en oeuvre des CUCS) ;

- organiser la remontée des informations issues des rapports élaborés par les collectivités territoriales dans des bilans départementaux.

Votre rapporteur spécial considère que l'amélioration de l'information et du suivi des crédits de droit commun consacrés aux quartiers sensibles est un élément déterminant pour l'avenir de la politique de la ville.

A cet égard, l'idée d'une « géolocalisation » de la comptabilité de l'Etat, qui avait été soutenue par Mme Bernadette Malgorn, alors Secrétaire générale de l'ONZUS 6 ( * ) devant la mission d'information sénatoriale précitée, mériterait d'être étudiée, car elle serait de nature à rendre plus crédibles les informations trop souvent subjectives des documents récapitulant les contributions des différentes missions budgétaires.

Il est aussi nécessaire de mettre en regard de l'ensemble des contributions destinées aux quartiers, les besoins qu'exige leur « rattrapage » par rapport à leur environnement. Votre rapporteur spécial regrette sur ce point qu'une lecture parfois trop rapide de l'enquête de la Cour des comptes ait conduit certains à vouloir « jeter le bébé avec l'eau du bain », considérant que les dépenses publiques dans les quartiers n'ont pas eu les effets bénéfiques escomptés, au vu des constats établis notamment par l'ONZUS.

Les quartiers dits sensibles, au moins les plus en difficultés d'entre eux, seront par nature toujours des quartiers où les paramètres économiques, sociaux et éducatifs seront inférieurs à ceux de leur environnement. C'est ce décalage que la politique de la ville, menée depuis une vingtaine d'années, quelles que soient ses limites et ses insuffisances, a eu justement pour effet de limiter, à un coût certainement inférieur à celui de la crise sociale majeure qu'elle a sans doute permis d'éviter.

* 5 Zones urbaines sensibles et zones franches urbaines.

* 6 Observatoire national des zones urbaines sensibles.

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