II. LA DIFFÉRENCIATION DES RÉGIMES DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE DANS LA ZONE EURO, ET PLUS LARGEMENT EN EUROPE, ENTRETIENT DES DÉSÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS D'UNE EXTRÊME GRAVITÉ

Les pays de la zone euro, et plus largement les pays européens, présentent, pour la plupart, deux points communs :

- la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée ;

- l'essor de l'endettement privé.

Mais, le système européen est aussi marqué par d'autres réalités : sur fond de morosité générale de la croissance économique , les déséquilibres se sont amplifiés posant des problèmes aigus de soutenabilité .

L'incoordination des politiques économiques en Europe est ainsi non seulement déséquilibrante pour l'économie réelle mais aussi explosive financièrement.

A. DES STRATÉGIES « PERDANTS-PERDANTS » INSOUTENABLES

1. Des performances économiques médiocres et disparates

Les pays de la zone euro ont connu des performances macroéconomiques médiocres dans l'ensemble, quoiqu'avec certaines disparités entre 2003 et 2007.

PERFORMANCE ÉCONOMIQUE DES PAYS DE LA ZONE EURO

(Moyenne des taux annuels, de 2003 à 2007)

L'écart de production représente l'excédent ou le déficit (signe -) de production par rapport à la production potentielle.

Source : OCDE (2008), base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 84

a) Une croissance économique plus ou moins sous le potentiel

Autour d'une croissance moyenne de 2 % l'an, huit pays de la zone ont connu une activité économique plus forte , avec une moyenne arithmétique de l'ordre de 3,6 % de croissance annuelle (soit 1,6 point d'écart à la moyenne de la zone euro), tandis que quatre pays ont été moins performants . Ils ont enregistré une croissance de 1,3 % soit un déficit de 0,7 point de croissance par rapport à la moyenne.

Ces quatre pays comprennent les trois plus grandes économies de la zone euro . Si la croissance de la France a été proche de la moyenne (+ 1,9 %) en Allemagne (+ 1,4 %), en Italie (+ 1,1 %) et au Portugal (+ 1 %), l'activité a été plus en retrait.

Il faut toujours se garder de prendre les comparaisons de croissance basées sur des données nominales comme bases d'évaluation des performances économiques relatives des pays. Celles-ci doivent être appréciées avec d'autres critères mieux à même de rendre compte de leur efficacité économique.

De ce point de vue, la productivité est un concept plus éclairant car les gains de productivité mesurent la capacité d'une économie à créer de la richesse à dotations données en main d'oeuvre. En effet, la combinaison de l'augmentation de celle-ci et de la croissance de la productivité permet d'estimer la croissance potentielle d'une économie, soit le taux de croissance qu'elle peut « normalement » 15 ( * ) atteindre.

La comparaison entre la croissance potentielle et la croissance effective représente un autre critère d'efficacité économique d'un pays. Elle permet de juger si un pays exploite, ou non, ses capacités de production. S'il existe un écart de production négatif, c'est que des moyens de production sont inemployés du fait d'une demande trop faible.

Sous cet angle, le tableau ci-dessus montre que les pays de la zone euro ont connu une croissance plus faible (de 0,3 point en moyenne) que ce dont ils auraient été capables 16 ( * ) . En outre, cette situation semble avoir été la règle puisque sept pays sur douze ont enregistré un « écart de production » négatif. Seules la Grèce, l'Irlande et, à un moindre degré, la Finlande, la France et la Belgique ont bénéficié d'une croissance supérieure.

Autrement dit, si l'Europe a été une région de croissance inférieure à ce qu'elle aurait pu être et n'a pas exploité toutes ses réserves de production, certains pays semblent particulièrement en cause.

Même s'il n'est pas le plus important en valeur absolue, l'écart de production enregistré par l'Allemagne (- 0,6 point) est de ce point de vue particulièrement significatif compte tenu du poids économique de ce pays dans la zone euro.

* 15 Ce « normalement » ne signifie pas qu'on ne puisse déplacer la norme en question vers le haut - tout comme malheureusement vers le bas - et il entre dans les objectifs de toute politique économique de hausser le taux de croissance potentielle. Il signifie simplement qu'il y a un taux de croissance qu'on ne peut durablement dépasser.

* 16 L'écart de production recensé dans le tableau est la moyenne des écarts de production par pays au cours de la période. Les valeurs mentionnées n'étant pas représentatives de la situation en fin de période, on ne doit pas les considérer comme des informations sur les capacités inemployées à ce terme. Mais, elles donnent une indication sur une situation moyenne.

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