(2) La nécessité d'aller plus loin

La conviction de la nécessité de mesures plus directives repose sur le constat général, dressé à l'échelle nationale, de la faible représentation de la diversité culturelle aux postes de responsabilité dans le monde économique ou dans l'administration ou celui des médias, voire de l'existence de certaines discriminations à l'encontre des ultramarins.

Pour les médias, la réalité de ce problème a été admise par M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'Audiovisuel, lors d'une conférence de presse du 12 novembre 2008. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des chances a consacré la compétence du CSA en matière de diversité qui, en janvier 2007, a donc créé un groupe de travail spécifique sur ce sujet.

Rendant compte des travaux de l'Observatoire constitué à l'initiative de ce comité, M. Michel Boyon a dressé un constat sévère :

« Je ne dirai pas que ces résultats ne sont pas satisfaisants, je dirai qu'ils sont inacceptables. Ils sont intolérables dans la France de 2008. La diversité, c'est la vie. Et malheureusement, notre télévision aujourd'hui ne reflète pas ce qu'elle devrait exprimer et représenter aujourd'hui. Vous pourrez constater que par rapport à l'étude faite en 1999, il y a 9 ans, les progrès sont infimes. Et ce n'est pas parce qu'il y a eu une légère progression, très légère progression, qu'il faut s'imaginer que le problème serait en voie d'être résolu, loin de là. Cette situation n'est pas acceptable, elle n'est pas admissible, elle n'est pas tolérable, et il faut que chacun en tire les conséquences. Et le CSA le fera. Il ne suffit plus aujourd'hui de clamer "diversité, diversité, diversité !", il faut passer à des choses beaucoup plus concrètes et beaucoup plus fortes. Et nous allons donc entreprendre un dialogue, une concertation que j'appellerai une concertation positive avec les chaînes, et le sujet de la diversité sera l'un des grands chantiers du CSA pour l'année 2009. »

Si on peut en regretter le caractère tardif, cette prise de conscience augure d'une volonté nouvelle de la part du CSA qui a décidé de mener, en 2009, cinq actions principales:

- la communication des résultats globaux de l'étude aux journalistes et sur son site internet ;

- la création d'un baromètre de la diversité : ce baromètre, publié tous les six mois et auquel contribueront financièrement les diffuseurs, permettra de mesurer régulièrement les progrès accomplis par les chaînes sur la base d'une méthodologie fixée par le Conseil ;

- l'organisation d'une réunion de travail avec chaque diffuseur : cette réunion permettra d'analyser les résultats obtenus afin d'aboutir, dans une optique de collaboration constructive, à un engagement de sa part à maintenir les bons résultats acquis et à progresser sur les genres où l'étude met en évidence des insuffisances quantitatives et qualitatives ;

- la prise, par les chaînes, d'engagements précis et publics, à court et moyen termes, de manière à ce qu'ils trouvent leur traduction à l'écran ;

- l'utilisation, le cas échéant, d'un instrument juridique plus contraignant.

Pour l'instant, le CSA exclut de recourir à toute politique s'inspirant de l'idée de quotas pour privilégier l'adhésion des chaînes à une démarche constructive, mais au cas où cette démarche échouerait, il examinera la possibilité d'actions juridiques plus incitatives et impératives.

Les actions appellent une évaluation qui devra impliquer les services de l'État mais qui doit aussi conduire le Parlement à exercer davantage ses moyens de contrôle dans ce domaine. Comme l'a rappelé M. Patrick Karam, un des chantiers majeurs de la Délégation qu'il dirige est la visibilité, en particulier dans les médias, thème également retenu pour les États généraux dans l'hexagone.

Proposition n 98 : Accroître la visibilité des outre-mer dans les médias, notamment en mobilisant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) sur cette question.

La mission a constaté par ailleurs, la diffusion insuffisante d'oeuvres valorisant les cultures d'outre-mer, faute de relais nationaux efficace. Même si les associations ultramarines, très dynamiques aussi dans l'hexagone (notamment en l'Île-de-France), et les collectivités réalisent un travail considérable, elles n'obtiennent qu'une audience limitée et qui ne peut être comparée avec l'impact des grandes émissions audiovisuelles.

Elle propose donc de développer les prêts d'archives de RFO (ou France O) aux autres chaînes mais aussi de créer des agences de diffusion des cultures ultramarines chargées de mieux promouvoir la richesse culturelle en France et à l'étranger. La mise en place de ces agences permettrait de diffuser cette culture et de mieux fédérer et mutualiser les moyens et ressources de tous les acteurs dans ce domaine autour de grands événements ou d'opérations d'envergure.

Proposition n° 99 : Créer des agences pour la promotion des cultures ultramarines, associant les collectivités locales et les associations, afin de leur assurer un plus grand rayonnement en France et à l'étranger.

Dans le monde du travail, le constat de la sous-représentation des ultramarins aux postes de responsabilités est identique.

Lors de son audition, M. Patrick Karam a mentionné la persistance de « discriminations à l'emploi », notamment lorsque les offres d'emploi comportent une rubrique relative au pays d'origine avec une liste dans laquelle figurent les DOM !

Par ailleurs, les entreprises recrutent souvent directement auprès de cabinets spécialisés sans passer par le marché local.

M. Pierre Pluton, président de l'Association métropolitaine des élus originaires des DOM (AMEDOM) a reconnu que les ultramarins installés en métropole étaient encore trop souvent cantonnés aux métiers subalternes et confrontés à des difficultés dans leur évolution de carrière.

Dans ce contexte, il faut saluer l'action, encore isolée mais encourageante, d'organisations comme la Fédération des entreprises des DOM (FEDOM) qui s'est engagée, par convention, à donner la priorité, à niveau de compétences égal, à celui qui connaît l'environnement local, pour avantager les ultramarins.

La Délégation à l'égalité des droits des Français d'outre-mer a lancé aussi avec les groupements d'entrepreneurs une « Journée pour l'égalité des chances » et prévu la création d'un site Internet rassemblant l'ensemble des offres d'emploi en outre-mer.

S'il manque encore, de l'avis général, de dispositifs incitatifs forts, il faut souligner que l'État s'est néanmoins récemment doté de nouveaux instruments de lutte contre les discriminations : Haut Commissariat pour la diversité et l'égalité des chances, Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité (HALDE), Délégation à l'égalité des chances des Français d'outre-mer...

Leur multiplicité peut d'ailleurs être à l'origine de chevauchements des domaines d'action et donc source de confusion, voire de désaccords comme, par exemple, en matière de mesure des discriminations vis-à-vis des ultramarins. La question de l'opportunité de fixer des quotas fait aussi débat, étant noté la position particulière des ultramarins, qui sont citoyens français à part entière mais aussi victimes des mêmes préjugés que peuvent l'être des étrangers.

Une politique volontariste menée, par ou avec l'aide du Gouvernement, dans certains domaines de la vie courante a montré que des résultats encourageants pouvaient être obtenus rapidement.

S'agissant de l'accès au logement, par exemple, une « Charte portant lutte contre les pratiques de discrimination au logement à l'égard des Français originaires d'outre-mer » a été signée entre la ministre du logement et de la ville et les grandes organisations professionnelles de l'immobilier.

La Charte rappelle que le refus de cautionnement est passible de sanctions pénales et professionnelles pouvant aller jusqu'à l'exclusion. S'agissant des discriminations liées aux origines, la méthode retenue est celle de tests de discrimination pour surveiller et établir les cas de refus illégaux, et les porter devant les instances susmentionnées.

La même méthode a été utilisée avec succès pour lutter contre la discrimination bancaire (refus de prêts lorsque la caution vient d'outre-mer), problème qui a été abordé dans le cadre de la discussion de la loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer (LODEOM).

L'Etat doit donc mettre en place, sans tarder, des moyens plus efficaces afin de parvenir à une plus grande égalité des droits. Le renforcement des pouvoirs et du périmètre d'intervention de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est, en particulier, souhaitable. Celle-ci devrait pouvoir, par exemple, mener de grandes opérations de testing en matière d'embauche des jeunes d'outre-mer et faire une large publicité des résultats.

Au-delà, la mission suggère de créer, dès cette année, des rencontres pluriannuelles avec les milieux socio-économiques de l'hexagone (les « Grands Rendez-vous économiques des outre-mer») pour valoriser les atouts des ultramarins, en particulier des jeunes diplômés, et associer étroitement le monde de l'entreprise à l'objectif de diversité, et de la présenter comme positive pour son image.

Proposition n° 100 : Créer les « Grands Rendez-vous économiques des outre-mer» pour valoriser les atouts des ultramarins et associer le monde de l'entreprise à l'objectif de diversité.

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