II. REMODELER LES GRANDS ÉQUILIBRES POUR RELANCER ET FONDER LE DÉVELOPPEMENT DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Héritage de la période coloniale, l'économie des DOM connaît d'importants déséquilibres qui sont autant de freins à la relance et à la mise en oeuvre d'un développement endogène réussi.

Ces déséquilibres sont d'ordre interne et externe.

Intrinsèquement, ils tiennent à la structure du tissu économique où une forte proportion de petites et très petites entreprises côtoie des secteurs à forte concentration où la concurrence joue peu et caractérisé par le manque de transparence dans les mécanismes de formation des prix.

En outre, le renforcement nécessaire des secteurs traditionnels, structurants pour la société, doit aller de pair avec le développement de secteurs d'avenir à forte valeur ajoutée où les DOM apparaissent d'ores et déjà comme des pionniers.

Par ailleurs, la quasi-exclusivité de leur lien avec la métropole et l'Union européenne ne doit pas empêcher les DOM de saisir les chances d'une meilleure insertion dans leur environnement régional.

A. LA NÉCESSITÉ DE RÉÉQUILIBRAGES INTERNES POUR CRÉER LES CONDITIONS D'UN DÉVELOPPEMENT SOLIDE

1. Une vulnérabilité et des dérèglements liés aux spécificités du tissu économique des départements d'outre-mer

a) Un tissu économique fragile
(1) La dépendance de l'économie des départements d'outre-mer à l'égard d'un nombre restreint de domaines d'activité

L'économie des DOM est marquée par une forte tertiarisation .

Le secteur tertiaire représente plus de 80 % de la production de valeur ajoutée dans les DOM (84,6 % à La Réunion, 83,1 % en Martinique, 83,4 % en Guadeloupe) contre 77,2 % au niveau national. Cette situation est liée à l'importance des services administrés dont le poids est supérieur de plus de 10 points à leur poids au niveau national.

Seule la Guyane fait exception, le secteur tertiaire ne produisant que 73 % de la valeur ajoutée, en deçà du niveau national : cette situation illustre le retard économique de ce département.

La tertiarisation de l'économie des DOM apparaît également en matière d'emploi, avec des taux proches du niveau métropolitain (74,5 %). Le poids du secteur tertiaire en termes d'emplois est supérieur au niveau métropolitain aux Antilles (plus de 77 %) et à La Réunion (plus de 80%) mais légèrement inférieur en Guyane.

Cette tertiarisation de l'économie des DOM s'est faite au détriment du secteur secondaire (industrie et construction).

Le poids du secteur secondaire est en effet inférieur au niveau national : alors qu'il représente 20,7 % nationalement, il n'atteint que 14,2 % en Martinique, 14,1 % en Guadeloupe et 12,7 % à La Réunion. Seule la Guyane fait exception, avec un taux supérieur à la moyenne nationale (23 %).

En termes d'emplois, le bilan est sensiblement identique. Le poids du secteur secondaire est inférieur au taux métropolitain (22 %) en Martinique (13,9 %), en Guadeloupe (15 %) et à La Réunion (15,9 %) mais supérieur en Guyane (25,9 %).

Au-delà du poids relatif des différents secteurs économiques, trois domaines d'activité ont un rôle clé dans l'économie des quatre départements d'outre-mer , comme l'ont souligné de nombreux acteurs économiques rencontrés par la mission. Il s'agit de l'agriculture, du secteur du bâtiment travaux publics (BTP) et du tourisme.

En termes de production de valeur ajoutée, si l'agriculture a un poids légèrement inférieur à la moyenne nationale (2 %) à La Réunion (1,6 %), son poids est légèrement supérieur aux Antilles (2,4 % en Guadeloupe, 2,7 % en Martinique) et très supérieur en Guyane (4 %). Le poids de la construction est comparable au niveau national (6,3 %) en Martinique et à La Réunion, et lui est supérieur en Guadeloupe (8,7 %) et surtout en Guyane (10 %).

Part des différents secteurs économiques dans la production de valeur ajoutée

Martinique (2004)

Guadeloupe (2006)

Guyane (2004)

Réunion (2004)

Ensemble de la France (2006)

Services marchands

50,5%

52,2%

34%

84,6%

55,3%

Services administrés

32,6%

31,2%

39%

21,9%

Secteur primaire

2,7%

2,4%

4%

1,6%

2,0%

Industrie

8%

5,4%

13%

6,9 %

14,4%

Construction

6,2%

8,7%

10%

6,8 %

6,3%

Source : IEDOM

L'importance de ces domaines d'activité apparaît plus clairement en matière d'emplois.

Si le poids de l'agriculture est inférieur au niveau métropolitain (3,4 %) en Guyane (2,9 %) et à La Réunion (1,6 %), il lui est très supérieur aux Antilles : les emplois agricoles sont proportionnellement deux fois plus nombreux en Guadeloupe (5,8 %) et en Martinique (7,2 %) qu'en métropole.

La construction concentre une proportion d'emplois très supérieure en Guyane au niveau métropolitain (6,5 %). Les départements antillais et La Réunion sont de ce point de vue plus proche de la métropole.

Répartition des emplois par secteur d'activité

Martinique (1999)

Guadeloupe (1999)

Guyane (2006)

Réunion (2006)

France métropolitaine (2007)

Tertiaire

78,9%

79,1%

71,2%

82,5%

74,5%

Secteur primaire

7,2%

5,8%

2,9%

1,6%

3,4%

Industrie

7,8%

7,2%

13%

7,3%

15,5%

Construction

6,1%

7,8%

12,9%

8,6%

6,5%

Source : IEDOM, INSEE

D'autres données illustrent le poids important de chacun de ces secteurs dans l'économie des DOM.

Le poids de l'agriculture est d'autant plus important dans les DOM qu'on peut lui adjoindre les industries agroalimentaires , auxquelles elle fournit les matières premières et qui représentent une part importante de l'industrie des DOM : en l'occurrence près du quart de la valeur ajoutée produite par l'industrie martiniquaise ou le quart des salariés de l'industrie guadeloupéenne.

S'agissant de la construction , son influence sur l'économie des DOM est illustrée par son poids dans l'artisanat : le bâtiment représente ainsi 65 % des entreprises artisanales guadeloupéennes et 49 % des entreprises artisanales guyanaises. Ce secteur emploie également 44 % des personnes employées dans les PME martiniquaises.

Enfin le tourisme a un poids important dans l'activité économique des DOM, et notamment dans les deux départements antillais . Selon les professionnels du secteur, le tourisme représente plus de 10 000 emplois , directs et indirects, en Martinique (soit 8,2 % de la population active employée et 18,4 % des effectifs du secteur des services marchands).

En termes de production de valeur ajoutée, l'hôtellerie, secteur lié étroitement au tourisme, représente 3,1 % en Martinique en 2004 (contre 2,2 % au niveau national en 2008). Même en Guyane, où le tourisme est pourtant moins développé, l'hôtellerie pèse près de 5 % des effectifs salariés (en 2006).

La dépendance à l'égard de ces trois secteurs ne connaît guère qu'une exception : la filière spatiale guyanaise. L'activité de cette filière influe sur l'ensemble de l'économie guyanaise. Selon une enquête menée par l'INSEE en 2007, la filière représente 16,2 % du PIB du département (en 2002), dont 4 % pour le Centre spatial guyanais (CSG), 10,3 % d'effets indirects (sous-traitants) et 1,9 % d'effets induits. Son impact sur l'emploi a été évalué en 2005 à environ 4 000 emplois, dont 1 500 au CSG et 2 500 pour les sous-traitants.

Cette dépendance fragilise fortement l'économie des DOM : quand un de ces trois secteurs rencontre des difficultés, l'ensemble de l'économie du département concerné est touchée.

Plusieurs exemples illustrent cette fragilité :

- les difficultés du secteur agricole aux Antilles à la suite du passage du cyclone Dean en 2007 a atteint le dynamisme de l'ensemble de l'économie des deux départements. En effet le cyclone a provoqué la destruction de l'ensemble de la production maraîchère et fruitière en Martinique par exemple, et notamment l'intégralité des champs de bananes ;

- les difficultés actuellement traversées par le tourisme dans les DOM et notamment aux Antilles pèsent fortement sur le dynamisme économique de ces départements. Ainsi entre 2000 et 2005, le nombre de touristes accueillis en Guadeloupe a chuté de près de 13 % et l'année 2007 a été une année noire pour le tourisme martiniquais, du fait de différents événements (conséquences du cyclone Dean, polémique sur le chlordécone,...) ;

- enfin l'ensemble des acteurs de la construction ont mis en garde les membres de la mission d'information lors de ses déplacements contre les effets pervers des fluctuations de la législation fiscale et notamment en matière de défiscalisation du logement, soulignant le poids du secteur de la construction dans l'économie des DOM.

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