(ii) Un obstacle à une large concurrence résultant de la spécificité des départements d'outre-mer : l'étroitesse des départements d'outre-mer

La mise en oeuvre d'une large concurrence dans les DOM se heurte à une réalité objective : l'étroitesse des marchés .

? Le cas du fret maritime

Les tarifs pratiqués par les compagnies de fret maritime vers les DOM, jugés bien supérieurs à ceux pratiqués vers l'Asie s'expliquent notamment par le déséquilibre des flux entre la métropole et les DOM . De nombreux navires repartent en effet à vide des DOM, comme l'illustre le tableau suivant.

Bilan des flux entre la métropole et les départements d'outre-mer
(en équivalents vingt pieds par an - EVP/an)

Importations

Exportations

Guadeloupe

55 000

9 400

Martinique

62 000

18 700

Guyane

21 400

1 600

La Réunion 96 ( * )

108 600

17 200

Source : Armateurs de France

D'autre part, le renforcement de la concurrence n'aurait que peu d'impact en Guyane, qui reste un marché étroit et marqué par d'importantes difficultés logistiques (chenal à faible profondeur, marées) nécessitant l'utilisation de navires spéciaux. Il est donc peu probable que des compagnies de fret maritime soient tentées par « l'aventure guyanaise ».

? Un autre exemple est celui du carburant . L'éloignement, l'absence de ressources pétrolières propres et l'étroitesse des marchés de consommation (ce dernier élément étant illustré par le tableau qui suit) pèsent sur le fonctionnement du marché des carburants.

Consommation des carburants dans les départements d'outre mer et en métropole
(2008, en milliers de m3)

Martinique

Guadeloupe

Guyane

Réunion

Ensemble des DOM

Métropole

Supercarburant

141

135,5

31,5

151,5

459,5

15 332,5

Gazole routier

154,5

178,5

67,5

326,5

727

39 004

Carburants routiers

295,5

314

99

478

1 186,5

54 336,5

Source : Rapport de l'IGF

Globalement, la consommation annuelle en carburant des quatre DOM représente un peu moins de huit jours de consommation de la métropole.

(iii) Des solutions complémentaires pour faire baisser les prix.

? Des solutions de long terme : la valorisation des productions locales et l'intégration des DOM dans leur environnement régional

Sur le long terme, deux pistes d'évolution pourraient assurer une réelle baisse des prix dans les DOM :

- la valorisation des productions locales ;

- le renforcement des échanges avec les pays voisins.

Tout d'abord, la valorisation des productions locales apparaît comme une nécessité , cependant plusieurs handicaps pèsent aujourd'hui sur ce développement, notamment le niveau des prix des produits locaux et le fait que les productions locales restent largement déficitaires dans un certain nombre de secteurs.

S'agissant du prix, le relevé effectué par la mission montre bien, pour les productions locales de viande notamment, que les prix sont jusqu'à plus de deux fois supérieurs dans les DOM qu'en métropole. Cette situation est liée au coût des intrants, à l'étroitesse des marchés, et au fait que les producteurs locaux ne peuvent en conséquence bénéficier des économies d'échelle dont profitent leurs homologues métropolitains.

S'agissant de la production locale, les chiffres montrent bien que les DOM restent largement dépendants des importations. Ainsi s'agissant de La Réunion, la production locale est très minoritaire en matière de biens intermédiaires (30%) ou de biens d'équipement (24%).

Il revient donc aux acteurs locaux de lancer des initiatives afin de valoriser les productions locales, à l'exemple de l'accord conclu en juin 2008 à la Martinique entre l'État et la grande distribution. Les acteurs de la grande distribution se sont engagés à accompagner la mise en place de filières dans le secteur agroalimentaire, à « valoriser la distribution et la promotion des productions et des produits locaux dans le cadre du développement de filières organisées » . L'État s'est engagé en contrepartie à étudier les moyens de réduire les délais de paiement des marchandises aux fournisseurs et à favoriser les dispositifs permettant d'alléger le coût du fret.

On peut également imaginer un engagement des collectivités territoriales, et notamment des communes, à se fournir auprès des producteurs locaux, notamment pour l'approvisionnement des cantines scolaires.

Proposition n° 23 : inciter les acteurs locaux à promouvoir les productions locales.

D'autre part, il est aujourd'hui nécessaire de renforcer l'intégration des DOM dans leur environnement régional .

Le lien historique existant entre la métropole et les DOM apparaît aujourd'hui de ce point de vue comme pesant. Les échanges entre les DOM et leurs voisins restent aujourd'hui très limités , tout comme les échanges entre les DOM eux-mêmes , comme cela sera évoqué dans la suite du présent rapport, alors que le fait de s'approvisionner dans l'environnement régional proche pourrait faire baisser les prix.

Il revient donc aux intervenants locaux de se mobiliser afin de renforcer l'approvisionnement des DOM dans leur environnement géographique. C'est d'ailleurs dans cette optique que certains acteurs guyanais ont plaidé au cours des dernières semaines pour la mise en place d'un commissariat d'échanges transfrontaliers, chargé de favoriser les échanges avec les pays voisins.

Proposition n° 24 : Renforcer l'approvisionnement des DOM dans leur environnement géographique.

? Des solutions de court et moyen terme dans un certain nombre de domaines

En matière de carburants, le rapport de l'Inspection générale des Finances dessine un certain nombre de pistes de solutions , susceptibles de faire baisser les prix, dans le cadre d'un système de prix administrés . On peut relever notamment :

- la réduction de certains coûts de transport, qui sont aujourd'hui surévalués ;

- la mutualisation des coûts de transport entre la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique ;

- une meilleure répartition des surcoûts de la SARA aujourd'hui supportés uniquement par les carburants routiers et qui pourraient être mutualisés avec le fioul lourd ou le carburéacteur ;

- une meilleure réactivité du système des prix en réduisant le décalage temporel entre le prix du carburant outre-mer et les cours mondiaux : les révisions de prix interviennent en effet tous les mois ou tous les trois mois et ce décalage a suscité, comme on l'a vu précédemment, de légitimes réactions, notamment en Guyane.

L'avis de l'Autorité de la concurrence sur le prix des carburants dans les DOM comprend également des propositions visant à mieux encadrer les monopoles et à garantir un approvisionnement au meilleur prix, notamment :

- la régulation du prix d'approvisionnement en produits raffinés et bruts en prenant pour référence des prix de marché ;

- le maintien du système de mutualisation du fret ;

- en matière de stockage, la filialisation ou la séparation fonctionnelle et comptable de ces activités ;

- une révision du plafonnement des prix de détail en laissant au préfet la possibilité de les contrôler en cas de fonctionnement anormal du marché.

Une piste évoquée par le rapport de l'IGF paraît également très intéressante à votre rapporteur : il s'agit de l'approvisionnement de la Guyane en matière de carburant .

Comme il a été évoqué supra, e n Guyane, comme dans les autres DOM, s'appliquent les directives et règlements européens, dont les normes prévues par la directive carburants 98/70 CE, qui fixe notamment le taux de teneur en souffre des carburants routiers. Or actuellement, les États proches de la Guyane appliquent des normes beaucoup moins strictes et les raffineries de ces zones (comme celles de l'Océan Indien d'ailleurs) ne produisent pas de carburants aux normes européennes.

Il paraît essentiel aujourd'hui que la Guyane puisse s'approvisionner dans son environnement immédiat . Des pays de son environnement sont en effet producteurs de pétrole (Venezuela, Trinité-et-Tobago) et il paraît aberrant que ce département ait à s'approvisionner en pétrole en provenance de l'Europe du Nord.

Il est donc nécessaire que le Gouvernement français demande une dérogation au niveau européen, afin que les règles environnementales dans ce domaine ne s'appliquent pas à la Guyane.

Cela permettrait de faire baisser sensiblement le prix du carburant, tout en sachant que la mise aux normes européennes dans cette zone sera atteinte dans un proche avenir : certaines raffineries de Trinité et Tobago pourraient produire des carburants avec une teneur en souffre respectant les normes européennes à la fin de l'année 2010 pour l'essence et un an plus tard pour le diesel. L'IGF note que des raffineries vénézuéliennes pourraient s'aligner sur les normes européennes d'ici une dizaine d'années. La dérogation serait donc simplement provisoire.

Proposition n° 25 : Obtenir pour la Guyane une dérogation aux normes européennes afin qu'elle puisse s'approvisionner en pétrole chez ses voisins.

* 96 Pour La Réunion, l'unité de mesure n'est pas l'EVP mais le TEUS.

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