III. LES AJUSTEMENTS À OPÉRER CONCERNANT LES REDEVABLES

A. LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE (CET)

1. Une réforme dont on peut attendre des effets positifs pour l'économie française

La suppression de la taxe professionnelle et la réforme de l'imposition locale des entreprises s'est directement inscrite dans la poursuite du Plan de relance. Elle avait pour ambition d'améliorer la compétitivité de nos entreprises et de renforcer l'attractivité de notre territoire.

La transition en 2010 entre les deux régimes, pour un coût supplémentaire de 8,7 milliards d'euros 17 ( * ) par rapport à 2011, a permis de soutenir la trésorerie des entreprises et d'atténuer ainsi les effets de l'arrêt des mesures du Plan de relance.

L'assiette des « équipements et biens mobiliers » (EBM) est supprimée car elle pénalisait tout particulièrement les secteurs intensifs en investissement et, en premier lieu, l'industrie. En septembre 2009, le Gouvernement estimait que la réforme devrait entraîner une diminution du coût des investissements de l'ordre de 20 %.

Par ailleurs, comme l'indique l'exposé des motifs de la loi de finances pour 2010, il s'agissait aussi de « restaurer le lien entre entreprises et territoires ».

a) La réforme devrait être très profitable à l'industrie

Lors de l'atelier de travail organisé par votre commission des finances 18 ( * ) , le 26 mai 2010, plusieurs intervenants ont confirmé que la réforme a permis de lever « une certaine réticence à l'investissement » puisqu'elle améliore le « retour sur investissement ». Pour autant, la décision d'investir ne se fonde pas uniquement sur des considérations fiscales.

Le rapport « Durieux-Subremon » estime, pour sa part, que la suppression de la taxe professionnelle devrait avoir un effet « fortement positif sur l'industrie ». En particulier, il identifie les secteurs de l'industrie automobile, de la construction, de l'agroalimentaire et celle des biens intermédiaires comme bénéficiant pleinement de la réforme.

b) La réalité sera-t-elle conforme aux prévisions ?

La réforme de la taxe professionnelle a été conçue pour limiter les transferts de charge fiscale entre entreprises. Pour le plus grand nombre d'entre elles, elle doit se révéler positive ou neutre . En revanche, pour une minorité, il était apparu, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2010, que la réforme serait négative.

Pour limiter cet effet, la loi a prévu deux dispositifs. Le premier, temporaire, est appelé « mécanisme d'écrêtement des pertes ». Il permet de lisser dans le temps, jusqu'en 2013, la majoration de la pression fiscale induite par la réforme. Le second, permanent, consiste à plafonner la valeur ajoutée taxable, afin de modérer l'imposition des secteurs intensifs en main d'oeuvre.

Néanmoins, il n'était pas possible de mener à bien cette réforme sans que certaines entreprises soient « perdantes ». Les estimations effectuées à l'automne 2009 par le Gouvernement conduisaient à constater que près de 42 000 entreprises (soit 1,5 % d'entre elles), principalement celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 2 millions et 7,6 millions d'euros, sont des « perdants significatifs ».

Le rapport « Durieux-Subremon » montre que seulement cinq secteurs d'activité (construction de matériel roulant ferroviaire, fabrication d'armes et de munitions, transports par eau, assurance, sélection et fourniture de personnel), sur cent quatorze étudiés, sont structurellement perdants. Ainsi, près de 7 000 entreprises subissent une augmentation de la pression fiscale d'en moyenne 16 000 euros.

Les auteurs concluent néanmoins en indiquant que « les conséquences négatives pour certaines entreprises ne sont donc pas principalement liées à leur appartenance à un secteur d'activité : c'est l'effet taille qui semble prédominant ». Pour autant, ils rappellent également que « les conséquences individuelles sont toutefois d'un montant très faible et progressif selon le chiffre d'affaires : pour les entreprises d'un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros, la perte est de l'ordre de quelques centaines d'euros en moyenne ; au-delà, la perte moyenne croît avec le chiffre d'affaires pour atteindre au plus quelques dizaines de milliers d'euros pour les très grandes entreprises ».

Il convient toutefois de relever que ces résultats ne reposent que sur des simulations. Il n'existe pas encore à ce jour de données sur les conséquences réelles de la réforme en termes de modification ou de transfert de la charge fiscale pour les entreprises. En effet, la date de dépôts des déclarations relatives à la CFE et la CVAE a été repoussée au 15 juin 2010. Par conséquent, aucun paiement n'est encore intervenu au titre de la CET.

C'est pourquoi, il importera, une fois les premiers chiffres connus, d'effectuer une analyse comparative entre les différentes estimations et la réalité. Au regard de cette étude, il sera alors possible d'identifier les secteurs réellement perdants, mais aussi, et surtout, de vérifier que les conséquences de la réforme sont en ligne avec celles que le Parlement et le Gouvernement avait anticipées .

c) Des effets sur l'emploi encore à analyser

La part « salaires » avait été supprimée de l'assiette de la taxe professionnelle en 1999. L'effet recherché était de ne pas pénaliser l'emploi. Un déséquilibre s'était toutefois créé en défaveur de l'investissement, puisque celui-ci, par le biais de l'assiette des équipements et biens mobiliers, constituait alors près de 80 % de l'assiette de la taxe professionnelle.

Les charges de personnel sont désormais réintroduites dans le nouvel impôt par le biais de la valeur ajoutée 19 ( * ) . Par conséquent, il apparaît légitime de s'interroger sur les conséquences de la réforme sur l'emploi.

Les intervenants présents à l'atelier de travail du 26 mai 2010 ont globalement confirmé que la réforme n'aurait pas d'effets dépressifs sur l'emploi. En effet, la valeur ajoutée est un agrégat qui repose sur de nombreux éléments, dont le facteur travail, qui peut d'ailleurs ne pas être prépondérant. Par ailleurs, la CVAE n'est effectivement payée que par les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 500 000 euros. Le tissu économique des PME, seulement soumis au prélèvement de la CFE, serait donc épargné par une imposition sur son personnel.

Le rapport « Durieux-Subremon » rappelle enfin que les entreprises à forte intensité de main d'oeuvre ont connu une importante diminution de leur charge fiscale, d'environ 53 %, avec la suppression de la part « salaires », soit un gain d'environ un milliard d'euros. Par conséquent, la création de la CET « doit être davantage analysée comme une normalisation de leur régime fiscal que comme une dégradation de celui-ci ».

Toutefois, là encore, une étude économique à moyen terme doit encore être menée sur la base de chiffres réels.


* 17 Il s'agit de la différence entre le coût de la réforme en 2010, 12,9 milliards d'euros, et la perte de ressources pour l'Etat en 2011, 4,2 milliards d'euros.

* 18 Atelier de travail de la commission des finances sur la contribution économique territoriale : le point de vue des redevables, 26 mai 2010 - Compte-rendu reproduit en annexe 1 du présent rapport.

* 19 Les charges de fonctionnement, dont les charges de personnel (rémunérations, cotisations sociales), font partie intégrante de la valeur ajoutée.

Page mise à jour le

Partager cette page