B. UN VIRUS A (H1N1)v QUI S'EST AVÉRÉ TRÈS DIFFÉRENT DE CELUI ATTENDU

Lors de son apparition au Mexique, puis le 24 avril 2009 aux Etats-Unis, le virus A (H1N1)v a suscité de nombreuses incertitudes alimentées par les données alarmistes en provenance du Mexique : le 26 avril, le Mexique déplorait près de 800 cas d'infections respiratoires souvent sévères ayant entraîné une soixantaine de décès, sans toutefois que ces cas aient été confirmés 31 ( * ) .

Il s'avérait, par ailleurs, que ce virus atteignait des personnes habituellement peu concernées par des formes graves de la grippe, notamment les jeunes plus que les personnes âgées. Sa vitesse de propagation a surpris également ; très contagieux , il n'épargna rapidement aucun continent.


« Retour » sur le passage en phase 6 du plan de l'OMS

24 avril 2009 : alerte de l'OMS sur la survenue de cas humains de grippe A (H1N1)v  confirmés virologiquement avec transmission inter-humaine au Mexique et aux Etats-Unis. Le premier cas de l'épidémie a été identifié a posteriori à la date du 17 mars ;

26 avril 2009 : passage des niveaux d'alerte de l'OMS de 3 à 4 ;

27 avril 2009 : trois premiers cas en Europe ; passage des niveaux d'alerte de 4 à 5 ;

29 avril 2009 : propagation du virus en Europe ; après l'Espagne et la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse sont touchées ;

30 avril 2009 : passage en situation 5A du plan pandémique en France ;

2 mai 2009 : apparition du virus en Asie (Corée du Sud et Hong Kong) ;

8 mai 2009 : le nombre des cas déclarés aux Etats-Unis et au Mexique est devenu plus difficile à suivre car ces pays ont abandonné progressivement la surveillance individuelle au profit d'une surveillance de type grippe saisonnière ;

2 juin 2009 : premier cas avéré sur le continent africain en Egypte ;

11 juin 2009 : passage en phase 6 du plan de l'OMS.

Source : d'après M. Jean-François Delfraissy, directeur de l'institut thématique
multi-organismes Microbiologie et maladies infectieuses à l'INSERM
« Informations sur la grippe A/H1N1 », 11 septembre 2009

Toutefois la pandémie de 2009 a finalement eu très peu de choses en commun avec la pandémie prévue. Assez rapidement des éléments de nature rassurante ont été disponibles, mais ont été, dans l'ensemble, peu repris dans les communications des autorités publiques.

1. Un virus A (H1N1)v qui a soulevé de nombreuses interrogations, mais qui s'est révélé assez peu virulent

En premier lieu, le virus pandémique A (H1N1)v s'est révélé ne pas être totalement nouveau - nouveauté qui est un critère de la définition de la notion de pandémie -, mais issu d'une recombinaison génétique de plusieurs virus en circulation . M. Ulrich Keil précisait ainsi devant la commission d'enquête 32 ( * ) que tout indiquait que le virus A (H1N1)v n'était qu'une variation mineure d'un virus qui existait déjà.

Une étude publiée par l'INSERM en septembre 2009 33 ( * ) abonde dans ce sens en précisant que « les enquêtes virologiques rapidement effectuées ont montré que la souche H1N1 provenait d'un réaménagement entre un virus porcin nord-américain et un virus porcin européen. Le virus porcin nord-américain lui-même provenant d'un triple réassortiment issu de souches porcine, humaine et aviaire était apparu dans les années 1990 et avait été diffusé dans les populations porcines » .

Par ailleurs, une part des personnes âgées de 65 ans et plus ont bénéficié d'une certaine immunité . Comme le précise l'étude de l'INSERM précitée, cette mémoire immunitaire proviendrait du fait que ces sujets auraient été infectés antérieurement par un virus A (H1N1)v dérivé du virus de la grippe espagnole H1N1.

En ce qui concerne la vitesse de propagation du virus , celle-ci paraissait certes impressionnante, mais pouvait être relativisée par deux éléments soulignés par M. Wolfgang Wodarg lors de son audition par la commission d'enquête 34 ( * ) :

- d'une part, la vitesse de propagation du virus est à rapprocher de l'intensification des échanges et notamment des déplacements aériens ;

- d'autre part, en règle générale, un virus qui se propage rapidement est susceptible d'être moins dangereux. En effet, pour se diffuser, un virus a besoin de préserver ses « réservoirs » vivants.

Il y avait, enfin, très peu de certitudes concernant la gravité de la menace de grippe pandémique . L'OMS, le 11 juin 2009, qualifiait ainsi la pandémie de « modérément grave » et précisait dans son communiqué de presse que « la phase 6 ne signifie rien en termes de gravité » . Mme Nancy Cox, chef du département grippe du Center for Disease and Control - CDC - américain, indiquait, quant à elle, au début du mois de mai que « le virus A (H1N1)v ne présentait pas les gènes ayant rendu la souche de la grippe espagnole si virulente » 35 ( * ) .

Le Gouvernement français est resté plus prudent : en dépit d'une absence de mise en évidence en mai 2009 de marqueurs génomiques de pathogénicité, sur la base de la séquence du génome du virus A (H1N1)v, il a considéré que ces données ne permettaient pas d'affirmer une absence réelle et durable de virulence ou de pathogénicité : une mutation du virus était toujours possible et son taux d'attaque pouvait se révéler plus important dans la mesure où un virus dont la virulence est faible, mais qui touche une proportion importante d'une population non immunisée, entraîne mécaniquement un nombre de décès plus élevé.

C'est ce qu'expliquait M. Didier Houssin, directeur général de la santé, devant la commission d'enquête le 30 juin 2010 : « on a constaté début mai, concernant le virus H1N1 [...] que ce virus ne portait pas les gènes de virulence connus du virus de la grippe espagnole ou du H5N1 [...] ce qui, dans un sens, était un petit peu rassurant, mais pas suffisamment pour nous faire considérer que l'affaire était sans gravité. Pourquoi ? Il y avait malgré tout deux possibilités : que survienne une mutation capable de conférer des gènes de virulence à ce virus, comme celle qui s'est produite en novembre en Norvège. Dieu merci, ce virus ne s'est pas propagé, mais cela ne nous disait rien sur son taux d'attaque. [Par ailleurs] Les analyses et les scénarios offerts par l'InVS identifiaient des taux d'attaque plutôt élevés, ce qui d'ailleurs a été constaté dans certaines zones de l'hémisphère Sud. En revanche, ce qui n'était pas prédit et qui a été la bonne surprise, c'est que, en dépit d'un taux d'attaque élevé, dans la grande majorité des cas, la maladie s'est révélée bénigne. »

En septembre 2009 , les données sur la virulence du virus A (H1N1)v étaient plus précises. L'étude de l'INSERM précitée indique ainsi à cette période que :

- « la grippe A (H1N1)v va être majoritairement une affection bénigne en Europe durant l'automne 2009. La létalité de la grippe A (H1N1)v apparaît actuellement faible, proche de celle de la grippe saisonnière » , avec des formes asymptomatiques ou peu symptomatiques ;

- « Les données issues des différentes études dans les pays les plus touchés (USA, Canada, Mexique et Australie) témoignent qu'il s'agit d' une grippe somme toute d'intensité assez modérée » ;

- « En termes de sévérité, les taux de mortalité sont [...] tout à fait comparables à ceux de la grippe saisonnière » .

Au final, selon le dernier bulletin épidémiologique de l'InVS publié le 20 avril 2010, 1 334 cas graves et 312 décès ont été notifiés en France depuis le début de la pandémie. A l'échelle internationale, l'OMS dénombre 18 311 décès au 9 juillet 2010. A titre de comparaison - même si les méthodes de calcul sont différentes 36 ( * ) - les épidémies de grippe saisonnière sont responsables chaque année d'environ trois à cinq millions de cas de maladies graves, et 250 000 à 500 000 décès dans le monde 37 ( * ) .


* 31 InVS, bulletin épidémiologique grippe - Point du 26 avril 2009.

* 32 Audition du 19 mai 2010.

* 33 M. Jean-François Delfraissy, directeur de l'institut thématique multi-organismes Microbiologie et maladies infectieuses à l'INSERM, « Informations sur la grippe A/H1N1 », 11 septembre 2009.

* 34 Audition du 16 juin 2010.

* 35 Citée par le Comité de lutte contre la grippe dans son avis du 5 mai 2009.

* 36 Dans le cas de la grippe A (H1N1)v, il s'agit de décès notifiés alors que pour la grippe saisonnière, il s'agit d'une surmortalité constatée sans que l'on identifie précisément ces décès comme liés à la grippe.

* 37 OMS, « Principaux repères sur la grippe ».

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