3. La représentativité des organismes patronaux

Si la loi de 2008 a traité de la représentativité des organisations syndicales, elle n'a pas fait de même pour les organismes patronaux , ce qui constitue une autre lacune. Cette représentativité n'est pas définie dans les textes, que ce soit au niveau des branches ou au niveau interprofessionnel.

Dans la mesure où les élections professionnelles, dont les résultats permettent de mesurer la représentativité des organisations syndicales depuis la loi de 2008, ne concernent pas les organisations d'employeurs, il serait nécessaire d'imaginer pour celles-ci un autre instrument de mesure.

4. Vers un syndicalisme de services ?

La faiblesse du syndicalisme français est parfois attribuée à son caractère idéologique, éloigné des préoccupations concrètes des salariés, en contraste avec le modèle nordique dans lequel l'adhésion à un syndicat conditionne l'obtention d'un certain nombre d'avantages. En créant une concurrence électorale entre organisations, la loi du 20 août 2008 est susceptible d'inciter les syndicats français à accroître leur offre de services.

Une note récente du Centre d'analyse stratégique 334 ( * ) a montré que l'opposition entre ces deux modèles, bien que largement exagérée , expliquait néanmoins pour partie les différences de taux de syndicalisation selon les pays.

Au nombre des services susceptibles d'être fournis en contrepartie d'une adhésion syndicale figure notamment l'assurance chômage (Belgique, Suède) .

On remarquera toutefois qu'en conséquence de décisions étatiques ayant entraîné une augmentation du montant des cotisations chômage, la désyndicalisation s'est accélérée en Suède. De façon plus générale, l'efficacité de ce système dit « de Gand » a été remise en cause dans plusieurs pays qui, à la suite de décisions de l'Etat « durcissant » certaines conditions des régimes d'affiliation intermédiés par les syndicats, ont pu entraîner une réduction des effectifs syndicaux .

Ces expériences confirment la corrélation entre offre de services et taux de syndicalisation, mais elles montrent aussi que l'autonomie des syndicats s'agissant de leur offre en ce domaine n'est pas absolue.

Il existe, dans ce système, un risque de bureaucratisation de syndicats à la merci des réformes décidées par l'État (ce qui est susceptible de réduire l'indépendance syndicale).

D'autres services peuvent être rendus par les syndicats : conseil juridique, soins de santé, indemnisation des jours de grève, séjours de vacances, aide aux migrants... voire fourniture d'une carte de crédit (Canada). En France, ce type de services peut être rendu par le Comité d'entreprise, mais seulement dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Le syndicalisme de services tend à banaliser l'activité des syndicats , qui devient de type assuranciel ou revêt le caractère d'une centrale d'achats, au-delà de la défense des droits et intérêts des salariés qui constitue la légitimité première de leur activité. L'adhérent tend à devenir « client » de l'organisation syndicale, ce qui modifie profondément les relations entre travailleurs, syndicats et entreprises.

Une telle évolution permettrait toutefois d'étendre à l'ensemble des salariés un certain nombre d'avantages aujourd'hui réservés à ceux des grandes entreprises . Elle est également susceptible d'améliorer la sécurisation des parcours professionnels , si les syndicats peuvent mettre aussi à disposition un réseau de contacts et de formations professionnelles.

Elle permettrait, en tout état de cause, d'étendre le syndicalisme aux mondes respectifs des travailleurs précaires et des cadres, qui en sont souvent exclus (d'eux-mêmes ou involontairement), jusqu'à aujourd'hui.

SYNDICALISME DE SERVICES : LES PROPOSITIONS DU CAS

Proposition n° 1 : Ne pas se limiter, si les organisations syndicales investissent de nouveaux domaines d'action, au seul champ professionnel (en proposant des services répondant aux préoccupations concrètes des salariés, comparables à ceux rendus par les comités d'entreprise par exemple). Trois axes sont particulièrement mentionnés : la défense juridique des salariés, la défense des consommateurs, la mise en place d'un maillage territorial de proximité pour le suivi des travailleurs précaires.

Proposition n° 2 : Mutualiser les moyens des organisations syndicales pour rendre directement certains services spécifiques.

Proposition n° 3 : S'appuyer sur la participation à la gestion d'organismes paritaires ou tripartites (formation professionnelle, assurance chômage) pour s'impliquer davantage dans l'élaboration des dispositifs collectifs d'accompagnement des parcours professionnels.

Source : note précitée du CAS

On pourrait imaginer aller plus loin encore en réservant le bénéfice des accords négociés par les syndicats à leurs adhérents . Cette pratique, éloignée de la culture universaliste française, n'irait pas sans difficultés concrètes. Mais, elle résorberait peut-être une certaine forme de manque de prise de responsabilité de la part des salariés, qui peuvent parfois avoir tendance à se comporter en passagers clandestins d'un système de négociations sociales que, par là-même, ils affaiblissent.

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Au-delà d'un renouveau du rôle des syndicats, qui semble un facteur possible d'amélioration des relations sociales en France, faut-il envisager la participation des salariés à la prise de décision stratégique comme susceptible de constituer une « variante » par rapport au scénario « noir » précédemment décrit ?


* 334 « Le syndicalisme de services : une piste pour un renouveau des relations sociales ? », Note de veille du CAS n° 190 (août 2010).

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