2. Le constat d'un travail plus intensif et plus flexible

L'hypothèse d'un accroissement des difficultés rencontrées par les salariés dans l'entreprise n'est pas contredite par l'évolution de l'intensité du travail qu'ils ressentent, en constante augmentation sur la période 1991-2005.

ÉVOLUTION DE L'INTENSITÉ DU TRAVAIL 81 ( * )
UNION EUROPÉENNE À 15, 1991-2005 (%)


Abréviations : DE : Allemagne ; AT : Autriche ; BE : Belgique ; DK : Danemark ; ES : Espagne ; FI : Finlande ; FR : France ; EL : Grèce ; IE : Irlande ; IT : Italie ; LU : Luxembourg ; NL : Pays-Bas ; PT : Portugal ; UK Royaume-Uni ; SE Suède.

Source : quatrième enquête européenne sur les conditions de travail de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail.

De 1991 à 2005, l'intensité semble progresser dans une mesure équivalente - l'indicateur augmente d'un peu plus de 10 points - en France comme dans l'Europe à 15 .

Parallèlement, la flexibilité des horaires , quoiqu'encore largement minoritaire, gagne du terrain , la proportion de salariés ayant des horaires fixes étant passée de 70 % à 67 % ces dix dernières années.

PROPORTION DE SALARIÉS AYANT DES HORAIRES FIXES

Source : quatrième enquête européenne sur les conditions de travail de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail.

Encore, les indications sur la flexibilité sont-elles fondamentalement ambigües ; ainsi l'IRES 82 ( * ) parle-t-il d'« une flexibilité plus souvent conçue en France comme une réponse aux besoins de l'entreprise (...), alors que dans d'autres pays, elle aménage davantage les contraintes de travail dans un sens favorable à la vie familiale ». Les conditions de la mise en place des « 35 heures » en France ( infra ) peuvent expliquer cette perception.

3. Une productivité du travail notablement élevée en France

Au tournant des années deux-mille, la France a beaucoup réduit son temps de travail à la faveur des « 35 heures ». Elles se sont accompagnées d'une flexibilité accrue ainsi que d'une certaine intensification du travail, dont il était d'ailleurs prévu qu'elles contribuent, en partie, au financement de la réduction du temps de travail grâce aux gains de productivité suscités.

DURÉE HEBDOMADAIRE MOYENNE D'UN EMPLOI SALARIÉ À TEMPS PLEIN EN FRANCE

Sources : Eurostat, Service des études économiques du Sénat

Par la suite, du fait d'assouplissements successifs, la durée hebdomadaire moyenne du travail pour un emploi à temps plein s'est légèrement allongée. Cela peut contribuer à expliquer, sur le graphe « ÉVOLUTION DE L'INTENSITÉ DU TRAVAIL » ( supra ), le décalage français avec la tendance européenne 83 ( * ) .

D'une façon générale, la productivité horaire du travail est particulièrement forte en France . Son évolution comparée avec celle de ses principaux partenaires sur la période récente montre que ce particularisme s'accentuerait, le différentiel de productivité vis-à-vis de la moyenne des pays de l'Union européenne à 15 s'étant plutôt creusé sur la période 1997-2007 :

PRODUCTIVITÉ DE LA MAIN D'oeUVRE PAR HEURE DE TRAVAIL

Différentiel vis-à-vis de l'UE à 15 (base 100 sur la période 1997-2007)

Allemagne Espagne France Italie Royaume-Uni

Sources : Données Eurostat

Il est bien possible que cette situation, qui se retrouve aussi au niveau de la productivité par tête (malgré une durée du travail plus faible) ne résulte pas seulement de l'efficacité personnelle des salariés français. Des effets de composition sont souvent cités, comme le fait que la France compte relativement peu d'emplois non qualifiés (et peu productifs), ou encore la sélection des salariés aux âges les plus productifs.

Ces nuances n'empêchent pas que les salariés employés en France réalisent des productions par homme et par tête sans beaucoup d'équivalent dans le monde.

*

En dépit des évolutions qui ont été retracées, l' insatisfaction au travail des européens ne serait ni prépondérante, ni même franchement évolutive d'après l'enquête précitée. Du moins en 2005, « les travailleurs européens affichent des niveaux de satisfaction élevés à l'égard de leurs conditions de travail. Ces niveaux sont similaires à ceux des travailleurs de la plupart des autres économies industrielles avancées ». En 1995, comme en 2000 ou en 2005, plus de 80 % des travailleurs de l'UE à 15 se sont déclarés « satisfaits » ou « très satisfaits » à l'égard de leurs conditions de travail 84 ( * ) .

La France apparaît, selon cette grille, dans une situation médiane au sein de l'UE à 27 :

SATISFACTION AU TRAVAIL, PAR PAYS

Abréviations :  DE : Allemagne ; AT : Autriche ; BE : Belgique ; BG : Bulgarie ; CY : Chypre ; DK : Danemark ; ES : Espagne ; EE : Estonie ; FI : Finlande ; FR : France ; EL : Grèce ; HU : Hongrie ; IE : Irlande ; IT : Italie ; LV : Lettonie ; LT : Lituanie ; LU : Luxembourg ; MT : Malte ; NL : Pays-Bas ; PL : Pologne ; PT : Portugal ; CZ : République tchèque ; RO : Roumanie ; UK : Royaume-Uni ; SK : Slovaquie ; SI : Slovénie ; SE : Suède ; HR : Croatie ; NO : Norvège ; CH : Suisse ; TR : Turquie.

Source : quatrième enquête européenne sur les conditions de travail de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail.

Cependant, sur la base des résultats de l'enquête « International Social Survey Program » (ISSP) de 2005, ainsi que de l'« European Quality of Life Survey », il ressortirait que la France se positionne comme un des pays où la prévalence du stress au travail est la plus forte 85 ( * ) .

D'après un sondage 86 ( * ) réalisé pour le réseau ANACT 87 ( * ) , le stress touche quotidiennement 4 salariés sur 10 et, parmi ces salariés, 60 % l'attribuent à leur vie professionnelle.


* 81 Indicateur composite, fondé sur deux indicateurs, l'un intitulé « travailler à des cadences élevées » et l'autre, « travailler selon des délais très stricts et très courts ».

* 82 Institut de recherches économique et sociales, in « La France au travail  - données, analyses, débats », 2009.

* 83 Un allongement de la durée du travail implique habituellement, toutes choses égales par ailleurs, une diminution de la productivité horaire.

* 84 La question posée était : « D'une façon générale, êtres-vous très satisfait, plutôt satisfait, plutôt pas satisfait ou pas du tout satisfait des conditions de travail de votre travail principal rémunéré ? »

* 85 Voir « Les mobilités des salariés », rapport de Mathilde Lemoine et Etienne Wasmer, Conseil d'analyse économique, La documentation Française, juin 2010.

* 86 Sondage conduit par la TNS Sofres auprès d'un échantillon de près de 1.000 actifs sondés entre le 28 janvier et le 2 février 2008.

* 87 Agence Nationale pour l'amélioration des Conditions de Travail

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page