2. La mutualisation des services publics

L' éloignement des services déconcentrés de l'État en raison de la régionalisation de la majorité d'entre eux est à l'origine de l'impression d'une raréfaction des implantations territoriales de l'État ou de certains services publics essentiels pour la population sur certains territoires, notamment les moins peuplés (territoires ruraux et de montagne). Ce sentiment doit conduire à une réflexion sur un maillage équilibré des services publics sur l'ensemble du territoire, afin de permettre à chaque citoyen de pouvoir bénéficier d'un socle de services publics minimal quel que soit son lieu d'habitation.

Cette question d'un maillage équilibré du territoire renvoie à celle du regroupement et de la mutualisation des services publics . M. Jacques Pélissard a rappelé devant votre mission les expériences déjà réalisées dans ce domaine, avec notamment l'accord signé entre l'AMF et La Poste en 2005 qui permet à une mairie d'accueillir quelques heures par semaine un bureau de Poste, faisant ainsi de celles-ci des « maisons de services publics », à la grande satisfaction de l'ensemble des acteurs : « lorsqu'un bureau utile quelques heures par semaine est accueilli dans une mairie qui n'est pas surchargée non plus, tout le monde, le maire, les usagers, La Poste, est satisfait ».

En 2010, M. Pierre Jamet 202 ( * ) proposait également la mise en place de guichets de services publics, équipés de matériel informatique (ordinateur, webcam, scanner et imprimante) afin que les usagers vivant dans des territoires spécifiques puissent entrer en relation avec certains services publics, notamment les caisses d'assurance maladie ou d'allocations familiales et éventuellement le Pôle Emploi. Une expérimentation est actuellement conduite entre l'État et neuf de ses opérateurs, suite à la signature d'un partenariat national le 28 septembre 2010, dont l'objectif est d'accompagner la revitalisation des territoires ruraux.

Le partenariat expérimental État - opérateurs nationaux
«  + de services au public »

Mis en place dans 23 départements 203 ( * ) (à raison d'un par région  métropolitaine et un vingt-troisième dans une région d'outre-mer), ce partenariat est une expérimentation de mutualisation de sites pour « démultiplier l'offre de services accessibles dans des lieux d'accueil uniques », prévue pour une durée de dix-huit mois. Il concrétise un engagement du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010, qui a acté la recherche d'une amélioration de l'accès à un socle de services publics essentiels à la population, notamment en faveur des territoires ruraux. Cette expérimentation bénéficie d'un accompagnement de la DATAR.

Les opérateurs signataires sont : La Poste, EDF, la SNCF, GDF Suez, Pôle emploi, l'Assurance maladie, la CNAF (caisse nationale d'assurance familiale), la MSA (mutualité sociale agricole) et la CNAV (caisse nationale d'assurance vieillesse).

Chaque opérateur s'engage à offrir son service dans plus de 60 nouvelles implantations rurales tout en enrichissant l'offre de services existante dans presque 300 sites déjà ouverts. Tous les modes d'accès aux services (accueil par une personne, téléphone, nouvelles technologies -internet, bornes interactives, visio-guichet) sont utilisés et les agents formés à cet effet. Dans chaque département, un contrat doit être conclu entre les opérateurs précédemment cités, l'État et les collectivités territoriales s'engageant à accueillir les expérimentations.

Les actions proposées ne sont toutefois pas prédéfinies au sein de chaque département dans lequel est mise en place l'expérimentation. Elles ont vocation à être mises en oeuvre en fonction des configurations locales et des échanges sur la base du contrat départemental permettant de renforcer l'accessibilité aux services au public.

Les contrats départementaux de mise en oeuvre de l'expérimentation, qui devaient être signés au plus tard le 15 mai 2011, s'appuient sur un diagnostic de l'offre des services au public tant en terme de maillage que de besoins de services. La circulaire du ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire du 8 octobre 2010 attire l'attention sur la nécessaire articulation du choix des sites avec la carte intercommunale et l'échelle des bassins de vie.

La mise en oeuvre et le suivi sont assurés :

- au plan local : par un comité présidé par le préfet de département et composé des opérateurs et des représentants des collectivités territoriales (conseil régional, conseil général, association départementale des maires, toute autre collectivité et EPCI qu'il serait utile d'associer à l'opération). Cette instance doit choisir les sites bénéficiaires ;

- au plan national : par un comité de pilotage présidé par le ministre chargé de l'aménagement du territoire. Il réunit le ministère chargé de l'aménagement du territoire, la DATAR, les opérateurs et les autres ministères concernés. Cet organe est aussi chargé de déterminer les conditions de généralisation du partenariat à l'ensemble du territoire.

Un accompagnement financier de l'État est prévu par le biais du FNADT (fonds national d'aménagement et de développement du territoire), soit via le financement de relais services publics (RSP) ou de PIMMS, soit pour financer des projets en dehors mais qui permettent de développer une offre de service supplémentaire.

L'expérimentation fera l'objet d'une évaluation pour une éventuelle généralisation à l'ensemble du territoire.

L'exemple de l'expérimentation « + de services au public » dans le département du Lot

Le lancement de l'expérimentation dans le Lot a été marqué par l'installation du comité de pilotage et de suivi départemental le 29 octobre 2010. Quatre communes et douze communautés de communes ont manifesté leur intérêt pour la démarche expérimentale. Le 15 décembre 2010, le diagnostic territorial et le pré-projet de contrat ont été transmis à la DATAR. Une actualisation du pré-projet de contrat a été réalisée le 20 janvier 2011, avec notamment des éléments financiers sur la première année d'expérimentation et sur les trois années suivantes. Le projet de contrat départemental finalisé a été signé en mai 2011.

Selon les informations fournies à votre mission lors de son déplacement dans le Lot, l'expérimentation « + de services au public » a reçu un accueil favorable de la part des collectivités territoriales. Le sentiment d'éloignement des services publics est souvent exprimé par les usagers et relayé par les élus locaux. Les communautés de communes ont joué un rôle majeur pour accueillir de nouveaux sites mutualisés dans leur territoire.

L'implication des opérateurs de service a été immédiate et constructive. La dynamique du partenariat a également permis d'associer d'autres acteurs : ainsi, le Tribunal de Grande Instance de Cahors et le Centre départemental de l'accès au droit du Lot sont aujourd'hui candidats pour rejoindre l'expérimentation afin d'offrir des services au plus près des usagers. De même, des opérateurs de services déjà présents dans les sites mutualisés du Lot mais non signataires de l'accord national ont été également associés (mission locale et Union départementale des allocations familiales du Lot qui gère le point info famille).

Au final, le projet de contrat départemental pour le Lot prévoit le renforcement et la pérennisation de sites mutualisés existants par l'apport de nouveaux opérateurs de service et le maintien du concours financier de l'État aux collectivités territoriales en charge de ces structures.

Certains conseils généraux ont mis en place des maisons territoriales du département , lieux d'accueil et d'information à destination de tous les publics. Comme l'indique notre collègue, M. Bruno Sido 204 ( * ) , leur mission est d'informer et de conseiller les usagers sur l'ensemble des politiques départementales, de fournir les premiers renseignements nécessaires aux usagers, de réaliser pour eux certaines démarches et de les mettre en relation, si nécessaire, avec les personnes ressources des services compétents du conseil général. Elles sont essentiellement situées en zone rurale, à des points stratégiques du département.

Afin de permettre une mutualisation des services entre différentes administrations publiques de l'État, de la sécurité sociale, mais également des collectivités territoriales, notamment des conseils généraux en raison de leur compétences en matière d'aide sociale, votre mission partage la proposition de notre collègue M. Bruno Sido visant à autoriser par voie conventionnelle entre les services des conseils généraux et ceux de l'État et de la sécurité sociale le partage des locaux des maisons territoriales départementales, avec des clauses précisant les conditions de participation financière de ces services à la gestion bâtimentaire des lieux. Cette proposition pourrait être élargie aux maisons de services publics et concerner également les opérateurs de l'État, notamment La Poste, la SNCF ou Pôle Emploi.

Proposition n° 48 :

Encourager la conclusion de conventions entre diverses administrations publiques (services de l'État, sécurité sociale, opérateurs de l'État, collectivités territoriales) qui partagent des locaux communs (maisons territoriales des départements ou maisons des services publics), avec des clauses précisant les conditions de participation financière de ces services à la gestion des lieux.


* 202 Rapport au Premier ministre sur les finances départementales, de M. Pierre Jamet, Directeur général des services du conseil général du Rhône, 20 avril 2010.

* 203

Les départements d'expérimentation ont été choisis en concertation avec les opérateurs, de façon à refléter l'ensemble des types de territoires ruraux : Aisne, Hautes-Alpes, Cantal, Charente-Maritime, Cher, Haute-Corse, Creuse, Doubs, Eure, Gironde, Lot, Lozère, Manche, Marne, Mayenne, Meuse, Morbihan, Pas-de-Calais, Bas-Rhin, Rhône, Seine-et-Marne, Yonne et La Réunion.

* 204 Rapport d'information n° 495 (2009-2010) de MM. Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, « Un nouvel atout pour les collectivités territoriales : la mutualisation des moyens », fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

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