M. Bruno Le Maire,
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche,
de la ruralité et de l'aménagement du territoire

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M. François Patriat , président . - Monsieur le ministre, merci d'être venu devant nous. En tant que ministre de l'agriculture, vous êtes concerné comme les autres par la réforme de l'Etat : nouvelles directions départementales, réduction du personnel, révision du lien avec les collectivités. M. Censi nous a dit les difficultés auxquelles particuliers et collectivités sont confrontés depuis que l'Etat n'exerce plus de contrôle ni même de soutien dans le secteur de l'eau. Vous êtes aussi ministre de l'aménagement du territoire, et l'objet de notre mission d'information vous intéresse au premier chef. La RGPP a-t-elle rempli ses trois objectifs, simplifier, clarifier et économiser ? Avec quels personnels, dans quelles conditions, après quelle concertation, et avec quels effets ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - Je me réjouis d'avoir l'occasion de m'exprimer devant vous à ce sujet. La RGPP était indispensable, car l'organisation de l'Etat n'était plus adaptée aux réalités sociales et économiques : la décentralisation a confié aux collectivités des tâches autrefois exercées par l'Etat, et nos concitoyens attendent des services publics plus lisibles, plus efficaces et plus accessibles. Il fallait en outre maîtriser la dépense publique, passée de 28 % du PIB en 1950 à 56 % en 2000.

S'agissant des services publics dans les territoires, je suis convaincu que l'avenir est à la mutualisation : des tâches remplies autrefois par des services et des agents distincts, dans des locaux séparés, peuvent être regroupées. L'Association des régions de France partage désormais cette analyse. Nous avons signé un accord de partenariat avec neuf opérateurs nationaux tels que la Caisse des dépôts et l'Union des points d'information et de mutualisation multiservices (Pimms). La RGPP ne peut se réduire à la baisse des moyens et des effectifs : elle implique la réorganisation des services, et donc la formation des agents. La mutualisation doit être expérimentée dans 23 départements et sera généralisée en cas de succès. Les conventions de mise en oeuvre territoriale doivent être signées d'ici la fin du mois.

Dans le domaine de la santé, l'heure est aussi à la mutualisation. Nous finançons la construction de 250 maisons de santé pluridisciplinaires, et un appel à projets sera lancé en juillet pour créer des outils numériques améliorant les services à la personne : 30 à 40 millions d'euros y seront consacrés dans le cadre des investissements d'avenir.

En ce qui concerne les services postaux, le fonds de péréquation postale a été porté de 124 à 170 millions d'euros, et l'accord tripartite que j'ai signé le 26 janvier avec Mme Lagarde garantit la présence de 17 000 points d'accès et d'un distributeur de billets dans chaque chef-lieu de canton. Nous travaillons aussi avec le Crédit agricole et le Crédit mutuel pour créer des points de retrait d'argent chez les petits commerçants, en particulier chez les buralistes.

Enfin, le Gouvernement a lancé une nouvelle génération de pôles d'excellence rurale, qui proposent une offre de services innovante.

J'en viens aux services rendus par l'Etat aux collectivités. Une réforme était nécessaire : le référent technique des communes doit être désormais l'intercommunalité ; l'Etat assumant le contrôle de légalité, il ne peut être juge et partie, en particulier en ce qui concerne l'ingénierie publique ; enfin il n'était plus possible de continuer à offrir des prestations entrant dans le champ concurrentiel. Mais l'Etat continuera à aider les territoires qui en ont le plus besoin, notamment ruraux. Si la RGPP a supprimé l'ingénierie concurrentielle, le Gouvernement a maintenu 1650 ETP pour l'assistance technique de l'Etat, pour raison de solidarité et d'aménagement du territoire, avec un coût de 147 millions d'euros : cela permet d'aider les communes qui n'ont pas les moyens de recourir à un prestataire privé. Les sous-préfectures ont une fonction d'accompagnement et de conseil, la délivrance des titres et le contrôle de légalité ayant été dévolus aux préfectures. Enfin les territoires ruraux peuvent bénéficier de moyens nationaux et européens dans le cadre du réseau rural.

La réorganisation de l'Etat est nécessaire, mais il faut compenser son impact sur certains territoires. Les réformes des établissements de santé et de la carte judiciaire font l'objet de mesures compensatoires de la part des ministères concernés. En revanche, c'est mon ministère qui est chargé d'accompagner la reconversion des territoires touchés par les restructurations militaires, au titre de l'aménagement du territoire. La modernisation est indispensable si l'on veut que notre appareil de défense reste budgétairement soutenable, mais elle a des répercussions importantes sur l'économie de territoires où des bases étaient implantées de longue date. D'ici 2015, 82 sites doivent fermer, 47 être transférés, et 54 000 emplois seront supprimés. Notre politique n'a pas pour objectif de tailler dans les effectifs et les dépenses : nous faisons en sorte de revitaliser les territoires concernés. Dès 2008, le Premier ministre a demandé à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) d'accompagner les restructurations, en liaison avec le ministère de la défense ; 320 millions d'euros ont été débloqués dans le cadre de contrats de redynamisation des sites de Défense (CRSD) et de plans locaux de redynamisation (PLR). La loi de finances pour 2009 a autorisé la cession aux collectivités locales, pour un euro symbolique, des emprises militaires devenues inutiles. Le zonage des « aides à finalité régionale » (AFR) a été étendu aux territoires les plus affectés. Dans les zones de restructuration de défense (ZRD), nous avons octroyé des exonérations fiscales et sociales aux entreprises en création ou en extension et un crédit d'impôt aux micro-entreprises : 12 zones d'emploi et 11 communes sont concernées. Un fonds de soutien aux communes les plus touchées a été créé et abondé de 25 millions d'euros pour la période 2009-2011.

La RGPP ne se fait pas toujours au détriment des territoires : elle peut être une chance pour beaucoup d'entre eux. Je me suis rendu à Cambrai avec M. Juppé pour signer le CRSD, à Dax pour signer le PLR : dans ces deux territoires, où les restructurations de défense auraient pu entraîner une crise grave, elles ont donné de nouvelles perspectives grâce à une politique de développement économique fondée sur l'innovation. Je ne nie pas, cependant, la nécessité d'établir un diagnostic détaillé de la situation des territoires à la suite des restructurations ; la Datar a engagé ce travail à la demande du Premier ministre et remettra son rapport à la fin de l'année.

Dans le champ du ministère de l'agriculture, nous avons pour ambition de réorganiser les services départementaux dans le sens d'une plus grande interministérialité, afin de mieux répondre aux besoins. La RGPP nous a fait faire d'importantes économies dans les services déconcentrés : entre 2011 et 2013, 525 emplois sur 7 100 y auront été supprimés, soit une baisse de 7 %. C'est lourd pour les services, sans doute, mais notre logique n'est pas purement comptable : seuls des emplois correspondant à des missions identifiées sont supprimés, selon un calendrier progressif, et sans porter atteinte aux politiques prioritaires du ministère -le développement rural, l'économie agricole, la forêt. Dans les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf), ces suppressions portent surtout sur les fonctions support, et sont facilitées par la rationalisation des services et l'amélioration des outils informatiques. Dans les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), elles s'expliquent seulement par la suppression de l'ingénierie publique concurrentielle -137 ETP entre 2011 et 2013- et la rationalisation des fonctions support -264 ETP. Ces réorganisations ont permis de regrouper des services au sein des directions départementales et régionales, de mieux collaborer avec les services déconcentrés d'autres ministères, et finalement d'offrir un service proche à moindre coût.

Il faut cependant souligner deux problèmes. D'une part, nos outils informatiques, qui devraient accompagner ces transformations, ne sont pas toujours à la hauteur : je pense aux dysfonctionnements du service de paiement des aides de la PAC, qui affectent directement les agriculteurs. Car 40 % des déclarations au titre de la PAC s'effectuent désormais par voie électronique, ce qui était loin d'être le cas, j'imagine, quand vous étiez en charge de ce dossier, monsieur le président. La gestion des demandes sur papier était alors une lourde charge pour le ministère.

Au plan culturel, les agents sont attachés à l'identité de leur ministère, et ne souhaitent pas se retrouver dans de vastes directions indifférenciées. Il faut donc définir clairement les missions de chaque ministère, et ce que l'on attend de chaque agent. Cet aspect des choses est trop souvent négligé lorsque l'on parle de rationalisation de l'Etat.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Vous nous avez exposé la philosophie de la RGPP. Tous ceux que nous avons auditionnés ont convenu que tout n'allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, et qu'une réforme était nécessaire. Mais beaucoup se sont plaints de l'absence de concertation. Il fallait agir, direz-vous.

Vous avez souligné que les agents ont besoin de connaître leurs missions, mais les collectivités aussi aimeraient connaître les tâches que l'Etat assume encore. Elles ont souvent le sentiment que l'Etat se désengage et se repositionne. Elles ont besoin de savoir ce qu'elles peuvent attendre de lui. Vous avez dit par exemple que le référent technique des communes devait être l'intercommunalité. Nous reconnaissons tous, M. Miquel le premier, que la décentralisation suppose logiquement que certaines tâches anciennement assumées par l'Etat soient dévolues aux collectivités. Mais c'est la première fois que l'entends un ministre s'exprimer aussi clairement sur l'assistance à la maîtrise d'ouvrage et l'ingénierie. Peu de collectivités entendent ce discours.

Vous avez évoqué la suppression de 525 emplois dans les services déconcentrés, au titre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Combien de postes ont été supprimés dans l'administration centrale de votre ministère en vertu du même principe ?

Vous avez aussi insisté sur le rôle de l'informatique. Depuis vingt ans, on vante les gains de productivité procurés par l'informatique ; ils sont indéniables, mais portent surtout sur des postes de catégorie C, alors que l'on a surtout besoin de personnel de catégorie A, dans le cadre de la mutualisation par exemple. Ne faudrait-il pas apporter de la souplesse à la règle de non-remplacement, et raisonner par types d'emplois plutôt qu'en ETP ?

M. Bruno Le Maire . - Plus on se concerte, mieux on se porte. Cela fait plusieurs mois que les préfets disent que l'interlocuteur technique des communes doit être l'intercommunalité. Mais on a parfois perdu du temps en voulant écourter le débat, par exemple lors de la création de l'Institut français du cheval et de l'équitation et du GIP France haras. Il était indispensable de réformer les Haras nationaux, devenus trop coûteux, mais on se heurtait là aux réalités culturelles très fortes du monde du cheval, des palefreniers, au souci de préserver des races équines... Il a fallu s'y reprendre à deux fois pour créer le GIP France haras le 1 er février 2011, au lieu du 1 er février 2010. Après un an de concertation, nos interlocuteurs se sont laissé convaincre que nous ne voulions pas abandonner les services publics équestres.

Les services déconcentrés ont, plus que l'administration centrale, supporté le poids des suppressions d'emplois : 525 emplois y ont été supprimés pendant la période triennale, 75 dans les services centraux en 2009 et 2010. Il faudra équilibrer les choses, car dans les services déconcentrés il est difficile d'aller beaucoup plus loin.

Je vous livrerai enfin une réflexion qui n'engage que moi, et pas le Gouvernement : je crois que plus on donne de souplesse aux ministres pour appliquer la RGPP, mieux c'est. Chaque ministre pourrait disposer d'une enveloppe budgétaire pour trois ans, libre à lui de décider si des postes doivent être supprimés dans les services centraux ou déconcentrés, dans l'enseignement agricole public ou privé, de catégorie A ou C, etc. Car il est vrai que la télé-déclaration a réduit les besoins en personnel de catégorie C, mais non de catégorie A. Cela supposerait que le ministre définisse plus clairement les missions et les priorités de son ministère. La RGPP y gagnerait une plus grande signification politique.

Mme Catherine Deroche . - Je vous apporterai un témoignage. Les élus que j'ai rencontrés dans le Maine-et-Loire ne sont pas très critiques à l'égard de la RGPP, mais ils se plaignent que les agents de l'Etat contrôlent plus qu'ils ne conseillent, et que les avis divergent entre les services d'une même direction. Comme le rapporteur, j'estime qu'une clarification est nécessaire : l'Etat doit dire quelles missions il assume encore, et lesquelles il abandonne -alors les collectivités s'organiseront, même s'il leur en coûtera davantage.

Il faut conserver un lieu de conseil auprès des collectivités territoriales. Mieux vaut un conseil en amont que de voir ensuite le projet censuré...

M. Bruno Le Maire. - Je partage votre analyse. À mon sens, il faut d'une part accorder une plus grande autonomie aux responsables d'administrations, c'est-à-dire aux ministres, et d'autre part définir le sens de la mission confiée aux agents. On ne peut laisser penser que le seul objectif de la RGPP est de réduire les effectifs, sans redéfinir les missions. J'ai ainsi fixé pour 2011 un objectif de 50 % de télé-déclarations pour la PAC. Même chose pour les sous-préfectures, qu'il faut décharger du contrôle de légalité et réorienter vers une mission de conseil.

M. François Patriat , président . - Pensez-vous vraiment qu'ils puissent être efficaces ?

M. Bruno Le Maire. - C'est le rôle qu'ils devront remplir.

M. Raymond Couderc . - Pour ma part, j'ai la chance d'avoir un sous-préfet qui joue fort bien son rôle de facilitateur.

Il n'est pas trop tard pour redonner un contenu philosophique à la RGPP, trop souvent perçue par les élus comme une simple suppression d'effectifs. Je regrette l'absence d'explication préalable sur l'objectif poursuivi, sur la place à donner à l'État. J'ai participé à tous les stades de la « concertation », qui était en réalité une simple information : la RGPP était présentée aux élus par le préfet comme une réorganisation administrative, sans que l'on explique les objectifs qui la sous-tendent.

M. Bruno Le Maire. - Je partage cette analyse : la RGPP ne peut se réduire à une simple réorganisation administrative et budgétaire.

Le ministère de l'agriculture a mis en place une Agence de services et de paiement (ADP) chargé d'instruire, de contrôler et de payer les aides de la PAC. Dès lors, quelle doit être la mission principale du ministère, déchargé de cette tâche ? La sécurité sanitaire ? Le contrôle des conditions pour bénéficier des aides de la PAC ? Le conseil aux agriculteurs ? N'oublions pas qu'il est aussi le ministère de l'alimentation ; c'est une dimension qui va croître, car elle correspond à une attente des citoyens. La RGPP doit comprendre une redéfinition des missions confiées à l'État, ministère par ministère.

M. Gérard Bailly . - Les élus, notamment communaux, n'ont guère saisi ce qu'est la RGPP, sinon une réduction du nombre de fonctionnaires. Heureusement, les préfets ont fait un travail de pédagogie, et elle rentre progressivement dans les moeurs.

Reste le problème des compétences maintenues au niveau régional, et notamment de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Le sous-préfet aura un rôle de conseil, dites-vous, mais chez moi il est à 1 heure 45 de Besançon, où se trouve la DREAL ! En matière d'environnement, il faut se rendre sur place ; comment faire remonter l'information, si un maire rencontre un problème ? Idem avec les directions des territoires (DDT), en charge des dossiers agricoles. Vous paraît-il logique que ces administrations soient aussi éloignées du département ? L'environnement doit-il relever de l'échelon régional ?

M. Bruno Le Maire. - Vous touchez à une question sensible. Sur les questions environnementales, nous n'avons pas encore trouvé le bon équilibre. Les remontées du terrain font état d'une application difficile d'un certain nombre de normes, due notamment aux conflits entre intérêts agricoles et intérêts environnementaux : retenues collinaires, pollution des eaux, épandage, etc. Les arbitrages sont difficiles. La réforme vise à favoriser le travail en commun, à rapprocher les enjeux, en offrant aux élus un conseil plus efficace.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Dans la nouvelle organisation générale des services déconcentrés, c'est l'échelon régional qui coordonne l'action de l'État. Le préfet de région est chargé de coordonner les actions et les priorités de chacun des ministères. Or il n'a quasiment pas de marge de manoeuvre en termes de personnel, d'autant que les disponibilités ne correspondent pas nécessairement aux besoins. Dans ce contexte, ce n'est pas en renforçant l'autonomie des ministres que l'on répondra aux difficultés des préfets...

La RGPP est une mutualisation, dites-vous. Faut-il centraliser pour disposer des meilleures compétences ou au contraire rester au plus près du terrain ? Désormais, le préfet de région est presque le supérieur hiérarchique du préfet de département ; faut-il aller plus loin, ou au contraire revenir en arrière ? Le rôle du sous-préfet va-t-il se limiter à assurer la représentation galonnée de l'État lors de manifestations patriotiques ? Quelle est son utilité, s'il n'a plus de mission propre ?

M. Bruno Le Maire. - Le sous-préfet joue un rôle indispensable de conseil aux collectivités territoriales. Si ce service ne donne pas satisfaction, il y a un problème ; aux élus de l'évaluer.

Le renforcement du rôle du préfet de région est d'autant plus justifié qu'il coordonne l'application de politiques publiques de plus en plus complexes, aux enjeux parfois contradictoires. Renforcer l'autonomie du ministre ne signifie pas empiéter sur les responsabilités du préfet. À mes yeux, le ministre est le plus à même d'évaluer, sur trois ans, les réductions d'ETP envisageables. Lui laisser la marge de manoeuvre nécessaire pour fixer le rythme de la réduction des effectifs, sur la base d'une enveloppe budgétaire, irait dans le bon sens.

Mme Catherine Deroche . - N'est-il pas paradoxal d'entamer une démarche de simplification quand la tendance est à la complexification des normes, notamment en matière environnementale ? De même, on accentue la régionalisation, alors que la réforme des collectivités territoriales, contrairement à ce qu'on aurait pu attendre, a renforcé l'échelon départemental. Proximité ne signifie pas qualité : ne vaut-il pas mieux créer un pool de compétences pointues, même si cela entraîne des déplacements ? Enfin, il est désastreux, en termes de communication, de parler de la « suppression » d'un fonctionnaire sur deux : il s'agit du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux !

M. Bruno Le Maire. - Je vous rejoins sur ce dernier point, même si je n'ai pour ma part pas d'état d'âme sur cette politique. La France a créé un million d'emplois publics supplémentaires en quinze ans ; cela ne me paraît pas une bonne direction pour notre pays. Arrive un moment où, pour obtenir des résultats, il fallait appliquer une règle mécaniste stricte : c'est celle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Dans un second temps, la RGPP doit se construire sur la question des missions à confier à l'État.

Plus les normes sont complexes, plus les procédures doivent être simples et les responsables, clairement identifiés. Je doute que nous arrivions à simplifier les normes autant que nous le voudrions, malgré la mission confiée à M. Doligé sur le sujet : notre société est complexe, elle exige toujours plus de protections, des garanties, des règles, ce qui suppose des normes. Ainsi, les règles nutritionnelles dans les cantines scolaires, qui étaient exagérément complexes et donc inappliquées, ont-elles été simplifiées, avec des exigences moindres mais claires, et rendues obligatoires. Mais pas question de supprimer toute règle nutritionnelle ! Idem pour le taux de nitrates dans l'eau, l'épandage ou la taille des bâtiments d'élevage.

Enfin, l'essentiel est de disposer de services compétents, quitte à ce qu'ils soient un peu éloignés, qui répondent aux besoins.

M. François Patriat , président . - M. Censi nous disait que la RGPP avait été faite sous la pression des exigences financières. Elle a en tous cas été instaurée sans concertation : en Bourgogne, le préfet de région m'a annoncé comment les choses allaient se passer, sans autre forme de procès.

Le meilleur moyen de simplifier les normes, c'est de ne pas en voter ! Lors du débat sur le Grenelle de l'environnement, les sénateurs de tous bancs - qui dénoncent aujourd'hui l'excès de normes - en introduisaient de nouvelles à chaque page ! J'avais écrit autrefois un article intitulé « Gare à la peste communautaire » ; on pourrait écrire aujourd'hui « Gare à la peste normative » !

Vous êtes un ministre compétent ; vous avez une vision, sinon technocratique, disons ministérielle de votre mission, que vous remplissez le mieux possible, avec les moyens qui vous sont alloués. Je ne mets pas en doute votre bonne volonté. Reste que quand un maire a besoin de conseil, il veut le trouver à proximité, et le moins cher possible !

La RGPP administre son coup de rabot à l'aveugle. Allez parler d'innovation, de reconversion à Château-Chinon, victime de la restructuration de la carte militaire ! Joigny a perdu un régiment, un tribunal de commerce, un bloc opératoire, une clinique, un centre éducatif : huit cents emplois en un an ! Nous avons signé un contrat de site, mais je note que les crédits par emploi perdu diffèrent selon les sites : tous les sites ne sont pas traités de la même manière.

Bref, la vision du ministre est peut-être un peu idyllique...

M. Bruno Le Maire. - Malgré les efforts consentis pour accompagner la réforme de la carte militaire, les transitions sont difficiles, tout particulièrement quand il n'y a pas localement d'infrastructures, de moyens de communication. La restructuration est facilitée quand il existe déjà des projets économiques, prêts de longue date, comme à Dax ou Cambrai. Chaque fermeture militaire est un drame localement et un défi économique. Pour ma part, je me suis battu pour conserver la base aérienne 105 à Évreux. Enfin, il ne manque qu'un Président de la République natif de Château-Chinon pour relancer la ville !

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