Rapport d'information n° 713 (2010-2011) de M. Jean-Paul ALDUY , fait au nom de la Mission commune d'information relative à Pôle emploi, déposé le 5 juillet 2011

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N° 713

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission commune d'information relative à Pôle emploi (1),

Par M. Jean-Paul ALDUY,

Sénateur.

Tome II : Comptes rendus des auditions et des déplacements

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(1) Cette mission commune d'information est composée de : M. Claude Jeannerot, président ; M. Serge Dassault, Mme Christiane Demontès, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; Mmes Jacqueline Panis et Anne-Marie Escoffier, secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, rapporteur ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Étienne Antoinette, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Gérard César, Jean-Claude Danglot, Jean Desessard, Mme Colette Giudicelli, M. Alain Gournac, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Ronan Kerdraon, Mme Valérie Létard, M. Jean Louis Masson, Mme Mireille Oudit, MM. André Reichardt, Charles Revet et Jean-Pierre Vial.

I. PROCÈS-VERBAUX DES AUDITIONS


DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATION

Audition de M. Christian CHARPY,
directeur général de Pôle emploi
(mardi 1er mars 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Nous vous accueillons, monsieur le directeur général, pour dresser un panorama de la situation actuelle à Pôle emploi. Notre rapporteur, M. Jean-Paul Alduy, vous a adressé un questionnaire pour préparer cette séance. Nous vous recevrons à nouveau à la fin de nos travaux, au titre d'un « droit de réplique » et pour connaître votre avis sur nos préconisations. Nous avons prévu des visites dans les agences et espérons que vous nous aiderez à les organiser.

M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi . - J'avais été auditionné par le Sénat lors de la création de Pôle emploi. Un bilan, deux ans plus tard, me paraît utile.

La fusion n'est pas totalement achevée : réunir 50 000 personnes venues de deux institutions si différentes que l'ANPE et les Assedic n'est pas chose aisée ! D'autant que la fusion est intervenue dans une conjoncture qui n'avait plus rien à voir avec celle qui prévalait à l'automne 2007, lorsque la loi organisant la fusion a été élaborée. A l'époque, le chômage était orienté à la baisse depuis trois ans et l'on craignait plutôt des difficultés de recrutement. La perspective d'un taux de chômage à 5 % semblait réaliste. Puis la crise financière, économique et sociale a submergé notre pays.

Et pourtant, nous avons été mieux à même de prendre en charge les demandeurs d'emploi que ce n'aurait été le cas avec deux institutions séparées. Ce matin, visitant un centre d'apprentissage, le Président de la République a rappelé les retards dans le traitement des dossiers à l'époque de l'ANPE et des Assedic. Aujourd'hui, on ne déplore plus aucun retard dans l'indemnisation ; et les services ont été rendus avec certaines difficultés mais avec efficacité.

Quelques mots du fonctionnement général de Pôle emploi. J'ai été nommé à la tête de l'instance de préfiguration en avril 2008. Nous avons très rapidement fixé les principes d'organisation des directions générales, régionales, territoriales ainsi que des équipes locales. Pôle emploi est un établissement public d'Etat mais qui présente nombre de particularités.

Son conseil d'administration tripartite est doté de pouvoirs importants. Il vote en toute liberté le budget de l'établissement, à une majorité des deux tiers qui impose de trouver un consensus entre les partenaires sociaux et l'Etat. L'accord n'a pas été toujours facile à obtenir, mais nous y sommes parvenus, y compris pour le budget 2011.

Le personnel est ensuite régi par une convention collective, négociée au printemps et à l'été 2009 et signée à l'automne. Les agents issus de l'ANPE étaient soumis à un statut de droit public ; 60 % d'entre eux ont opté pour la convention collective, si bien que 80 % du personnel en relèvent aujourd'hui.

Enfin, l'établissement établit une comptabilité privée, la continuité budgétaire et financière n'ayant pas souffert du basculement. Nos comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes - et ils l'ont été sans problème dès 2009.

La structure managériale a été compliquée à mettre en place car il y avait deux directions générales et deux réseaux. J'ai veillé à ce qu'aucune structure ne prenne le pas sur l'autre et, comme ancien dirigeant de l'ANPE, j'étais soucieux de ne pas donner le sentiment de vouloir « absorber » l'Unedic. Ce sont les compétences qui ont prévalu et le souci d'équilibre entre les deux origines.

La mise en place de l'offre de services a été plus compliquée. Initialement, en période de réduction du chômage, on avait annoncé que Pôle emploi renforcerait l'accompagnement, avec un objectif de soixante demandeurs d'emploi suivis, en moyenne, par chaque conseiller, contre soixante-quinze auparavant. La crise a tout changé : il fallait recruter ou redéployer les équipes. Nous avons fait les deux, recrutant 3 500 personnes à périmètre d'action constant. Malgré cela, le nombre de demandeurs par conseiller est d'environ cent ou cent dix, avec de forts écarts régionaux ou infrarégionaux. Nous avons cependant mis en place des programmes spécifiques pour certains demandeurs d'emploi - licenciés économiques, en contrat de transition professionnelle (CTP) ou personnes très éloignées de l'emploi : on compte alors un conseiller pour cinquante à soixante demandeurs d'emploi, ce qui produit des résultats.

Point intéressant de la fusion, elle a mis un terme à la distinction entre chômeurs indemnisés, qui avaient droit à des formations rémunérées et à des aides à la mobilité géographique, et chômeurs non indemnisés, qui ne bénéficiaient pas de ces dispositifs. Aujourd'hui, tous les demandeurs d'emploi ont droit aux mêmes aides.

Nous avons également veillé à diversifier les modalités d'accès aux services de l'emploi, en maintenant la cotraitance avec les opérateurs tels que les missions locales et Cap Emploi et en faisant largement appel aux opérateurs privés de placement ; alors que nous avions prévu de leur sous-traiter les dossiers d'environ 80 000 demandeurs d'emploi, ce sont finalement 200 000 personnes qui ont été concernées. Certes, cette sous-traitance est coûteuse, mais il ne me semble pas mauvais d'organiser une sorte de concurrence interne et de pouvoir mieux gérer les flux de demandeurs d'emploi par ce biais.

Pôle emploi, davantage que les services publics de l'emploi britannique ou allemand, s'adresse également aux entreprises. En Grande-Bretagne, on s'occupe principalement de l'employabilité des chômeurs et les échanges avec les entreprises visent surtout à assurer la transparence du marché du travail, en recevant le plus d'informations possible sur les offres d'emploi. Pôle emploi, pour sa part, a deux catégories de « clients » : les entreprises et les demandeurs d'emploi. Pour chercher de nouveaux « clients » parmi les entreprises, nous avons créé des forces de prospection dans les directions régionales, ainsi qu'un numéro unique d'appel, le 39.95, pour le dépôt des offres d'emploi. Nous aidons les entreprises à recruter 50 000 à 60 000 demandeurs d'emploi chaque année.

Après la fusion, je voulais éviter que Pôle emploi devienne une institution désincarnée, dirigée depuis Paris, car l'emploi se trouve dans les territoires. J'ai donc décidé une territorialisation pour établir le diagnostic et la stratégie en matière de partenariats - avec les collectivités locales, les maisons de l'emploi, le monde associatif. Nous avons signé des conventions avec les départements, pour améliorer l'offre de services aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA). Et, dès lors que nous sommes prescripteur et financeur de formations, nous travaillons avec les conseils régionaux pour définir l'offre.

Deux réformes étaient nécessaires pour compléter la fusion. La mission d'information sénatoriale relative à la formation professionnelle, dont le rapporteur était M. Jean-Claude Carle, avait suggéré que les conseillers d'orientation de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) soient transférés à Pôle emploi afin d'assurer une meilleure cohérence entre accompagnement, orientation professionnelle et formation. La loi a été votée en novembre 2009 et le transfert a eu lieu en avril 2010 : un peu moins de 1 000 techniciens du travail et psychologues du travail ont rejoint, sans drames, notre institution.

Pour la collecte des cotisations d'assurance chômage, l'Unedic avait son propre réseau. La loi a prévu un transfert de cette tâche aux Urssaf au 1 er janvier 2012. Nous avons avancé la date et le transfert a eu lieu le 1er janvier dernier. Ce ne fut pas si facile, car les mille trois cents salariés affectés au recouvrement des cotisations se sont retrouvés dépourvus de mission : nous avons élaboré pour eux un plan de reclassement. Il fallait aussi assurer la continuité du recouvrement des cotisations. En outre, la collecte nous permettait d'obtenir des informations précieuses sur la situation économique des entreprises et l'évolution de l'emploi : nous avons passé une convention avec l'Acoss afin de continuer à recevoir ces informations.

La naissance de Pôle emploi a été un peu agitée. Devant les commissions parlementaires, nous avons tenté d'expliquer ces difficultés. Il faut dire que chaque jour, des articles de presse parlaient de vaste désordre, d'inquiétude du personnel...

A l'initiative du ministre de l'emploi d'alors, M. Laurent Wauquiez, une enquête a été menée, en septembre et octobre 2010, pour évaluer comment nos clients perçoivent les services rendus par Pôle emploi. Sur 500 000 demandeurs d'emploi contactés par internet, 100 000 ont répondu, ce qui est un très bon résultat, et, contrairement aux idées reçues, 66 % se disent satisfaits. Toutefois, si 80 % sont satisfaits du fonctionnement de l'indemnisation, 52 % seulement le sont de l'accompagnement. Mais lorsque l'on est au chômage, peut-on être satisfait avant d'avoir retrouvé un emploi ? Ils souhaitent, en tout cas, des contacts plus réguliers avec leur conseiller. Et sur 100 000 entreprises interrogées, 23 000 ont répondu, les deux tiers exprimant leur satisfaction. Le reproche essentiel concerne une réactivité insuffisante sur les dossiers de recrutement difficiles.

Soumis au code du travail, Pôle emploi doit respecter les procédures d'information et de consultation des comités d'entreprise. Or cela n'a pas été simple, en particulier sur un point essentiel, la création des sites mixtes. Il a fallu négocier avec les partenaires sociaux en interne, alors que certains syndicats ont tenté jusqu'au dernier instant d'empêcher la fusion, par des recours en référé en Conseil d'Etat, et entendaient bloquer la concertation. Celle-ci a été compliquée, mais nous en sommes à peu près sortis maintenant.

Nous avons signé beaucoup d'accords avec les organisations syndicales : convention collective, accords sur le temps de travail, accord sur les seniors, accord sur l'égalité sociale et professionnelle qui sera signé dans les prochains jours, accord sur les conditions de reclassement du personnel de l'Afpa... Cela a eu bien sûr un coût, auquel votre mission d'information s'intéressera peut-être.

Le personnel a vécu la fusion avec intérêt, enthousiasme, mais en subissant une lourde charge de travail et un stress lié à la réorganisation et à différents problèmes techniques, par exemple la fusion des systèmes informatiques... A l'automne 2009, j'ai lancé auprès du personnel une enquête sur la perception des risques psychosociaux. Il en ressort une difficulté d'appréhension des nouveaux métiers. Les agents de l'ANPE ne s'occupaient que de recherche d'emploi, les salariés des Assedic que des questions d'indemnisation. Au moment de l'inscription, les trois quarts des questions concernent l'indemnisation et une grande part du personnel ne sait pas y répondre. Au départ, nous avions envisagé que le demandeur d'emploi ait un interlocuteur unique, compétent à la fois pour le placement et l'indemnisation. Mais la perspective de ce métier unique a provoqué un trouble énorme au sein du personnel, qui a ressenti une perte d'expertise professionnelle. Nous avons donc décidé de changer cela : à partir d'un socle commun de compétences, pour pouvoir répondre aux premières questions posées dès l'accueil, nous maintiendrons des expertises professionnelles propres, intermédiation auprès des entreprises, gestion des droits, orientation professionnelle. Environ 20 % ou 25 % des personnes exerceront une double compétence, ce qui permettra de s'adapter aux pics saisonniers, avril-mai pour la recherche d'emploi, septembre-octobre pour l'indemnisation... Cette réorientation est indispensable pour apaiser le climat social et améliorer le fonctionnement. Il y a eu ces deux dernières années trois ou quatre jours de grève, suivie par 30 % à 40 % des agents. Tant de bouleversements se sont produits en trois ans ! Néanmoins le dialogue social a été maintenu et personne n'imagine aujourd'hui un retour en arrière.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Vous avez déjà répondu à bon nombre de mes questions. Vous avez peu évoqué, cependant, les surcoûts entraînés par la fusion : formation, investissement immobilier, rapprochement des statuts... Vous avez peu parlé également des partenaires, collectivités locales ou maisons de l'emploi, qui doivent être distingués des missions locales ou de Cap emploi, qui sont des cotraitants. Vous n'avez guère abordé non plus les règles de fonctionnement interne, les parcours types. Enfin, les associations d'insertion se plaignent d'une reconnaissance insuffisante des publics spécifiques : comment ciblez-vous les demandeurs d'emploi ? Comment procédez-vous pour assurer des prestations différentes ?

M. Serge Dassault . - Bien que je sois rapporteur spécial sur le budget de l'emploi, je n'ai jamais pu connaître l'efficacité de Pôle emploi. Combien de jeunes avez-vous remis au travail ? Je n'en ai aucune idée ! Pourquoi une séparation entre les missions locales et Pôle emploi ? Les missions locales ont des budgets réduits, elles sont financées par les collectivités locales. Or elles pourraient être intégrées dans Pôle emploi. Les jeunes sont ceux qui ont le plus besoin d'accompagnement. A Corbeil, les résultats atteints par la mission locale sont connus. Pas ceux de Pôle emploi : c'est dommage.

Le Président de la République estime qu'il faut renforcer l'accompagnement ; cela impliquerait d'augmenter le budget de Pôle emploi, ce qui n'est sans doute pas inutile. Mais beaucoup de jeunes ne vont pas à Pôle emploi, soit qu'ils y soient mal reçus, soit qu'ils manquent d'information - ou qu'ils aient perdu espoir. Quelles sont vos relations avec les centres de formation des apprentis (CFA) ? Le développement de la formation en alternance exige la mobilisation des CFA mais aussi des entreprises, qui devraient embaucher plus d'apprentis. Le Président de la République vous a-t-il chargé aussi de cette opération ? Quid enfin de l'emploi intérimaire, qui offre une possibilité d'emploi rapide ?

M. Jean Desessard . - Vous parlez d'un taux de satisfaction important des demandeurs d'emploi : nous percevons au contraire une large insatisfaction. Nous pourrions vous rapporter de nombreuses histoires vécues : tel demandeur d'emploi demande un mi temps dans l'est de Paris et se voit proposer un temps plein fort loin de chez lui, ce qui n'est ni écologique ni social. Vous procédez à de grandes enquêtes, mais disposez-vous d'un « contrôle qualité » ou d'une procédure qui offre à l'usager mécontent une voie de recours rapide ? Les radiations trop expéditives posent problème, en particulier aux collectivités locales appelées ensuite à verser une aide sociale aux intéressés.

M. Ronan Kerdraon . - M. Christian Charpy nous a offert une vision idyllique de Pôle emploi : pour connaître le terrain, nous en avons une vision plus nuancée et contrastée. Le but de la fusion était de redonner du sens à l'action du service public de l'emploi, en la concentrant sur l'essentiel, la recherche d'emploi, l'orientation professionnelle et la formation. C'est à cette aune qu'il faut évaluer les performances de Pôle emploi. La fusion devait aussi donner aux agents les moyens d'être de véritables conseillers, non de simples exécutants. L'objectif de soixante demandeurs par conseiller a été impossible à atteindre, du fait de la crise sans doute, mais nous connaissons tous des cas où le nombre de personnes suivies par un conseiller est de cent vingt ou cent cinquante !

Les anciens de l'ANPE ont dû apprendre le métier des anciens des Assedic, et réciproquement, avez-vous dit. Or ils ont reçu pour cela une formation... de cinq jours ! C'est irréaliste. Comment leur donner à tous une formation efficace ? Les agents souffrent d'une perte de sens de leur métier, d'autant que certains ont un statut précaire.

Ma vision est donc mitigée ; celle du médiateur de Pôle emploi aussi, qui avait formulé des observations - quelles améliorations ont été apportées suite à ses préconisations ? Il a démissionné faute de moyens suffisants. A l'évidence, la mission commune d'information se justifie pleinement.

Mme Annie David . - Présentation idyllique, c'est le mot qui convient ! Pour vous, la fusion est un succès, mais si les files d'attente ont disparu, c'est peut-être parce que pour obtenir un rendez-vous en appelant le 39 49, il faut s'armer d'une patience et d'un courage sans bornes ! Dans ces conditions, les jeunes sont découragés, d'autant que tous ne disposent pas d'une ligne fixe ; or, les appels sont surtaxés sur les téléphones portables comme sur les lignes fixes incluses dans un forfait internet.

Plus de retard d'indemnisation ? Mais combien de radiations ont-elles été prononcées ces derniers mois et pour quels motifs ? Quelles sont les conséquences de la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) en janvier dernier ? Une partie des demandeurs d'emploi qui, auparavant, auraient perçu l'AER sont désormais privés d'indemnisation.

Vous avez mentionné votre collaboration avec Cap emploi, mais votre contribution est en baisse ! Les agents de Pôle emploi prendront-ils le relais de l'action auprès des handicapés ? Si non, que deviendront les intéressés ? Il faut une formation spéciale pour traiter ce genre de dossiers.

Les 3 500 recrutements que vous avez évoqués sont-ils des créations nettes ? Je rappelle en effet que 1 800 licenciements ont été décidés fin 2010... S'agit-il d'embauches en CDD ou en CDI ? Un mot de l'Afpa également : je connais un jeune qui a suivi une formation dans le domaine de la mise aux normes des ascenseurs, sans laquelle il n'aurait pas pu percevoir d'indemnisation. Or, à la sortie, il n'a pas trouvé d'emploi ! Une telle organisation est-elle efficace ?

Allez-vous mener des actions particulières concernant les seniors et les demandeurs d'emploi de longue durée ? Le Président de la République a demandé qu'ils soient tous reçus dans les prochains mois. Que comptez-vous faire à leur sujet ?

Enfin, vous êtes passé un peu vite sur la situation de certains de vos salariés : les risques psychosociaux ont été évoqués bien rapidement... Comment effectuer un travail de bonne qualité auprès des demandeurs d'emploi lorsque l'on souffre dans l'exercice de son activité professionnelle ?

M. Alain Gournac . - Après un démarrage difficile, les choses vont beaucoup mieux à Pôle emploi, et je rends hommage à votre travail. Qu'avez-vous fait pour apaiser les inquiétudes du personnel ? Certains agents appréhendaient l'évolution des postes et craignaient de ne pas pouvoir répondre efficacement aux besoins des usagers. Beaucoup dépend des dirigeants des agences : à Saint-Germain-en-Laye, le nouveau directeur est par exemple un homme de grande valeur. Mais il faut encore renforcer le dialogue avec les élus et les organisations locales, notamment les bureaux de l'emploi au sein des municipalités. Je m'interroge aussi sur la pertinence de la séparation entre cadres et non-cadres. Quoi qu'il en soit, les progrès récents me confirment dans mon approbation de la fusion entre l'ANPE et les Assedic.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Qu'est devenu le patrimoine immobilier des Assedic ?

Suite à la crise économique, vous avez embauché du personnel supplémentaire en CDD. Certains contrats ont été renouvelés. Qu'en est-il aujourd'hui ?

J'aimerais aussi vous interroger sur la sous-traitance et la cotraitance. Je m'intéresse de près, en particulier, au sort des travailleurs handicapés. Or le réseau Cap emploi m'a averti que Pôle emploi financerait, en 2011, 6 000 accompagnements de moins, à comparer à un total de 70 000 accompagnements réalisés en 2010. Il semble par ailleurs que le suivi du tiers des travailleurs handicapés soit assuré par Cap emploi, qui touche 80 % des aides versées par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Cela signifie-t-il que les deux tiers restants ne bénéficient que de 20 % des aides ?

Enfin, avez-vous comparé le coût de l'accompagnement d'un chômeur, selon qu'il est effectué dans le public ou dans le privé ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les relations des élus locaux avec l'ANPE n'étaient pas toujours excellentes, mais les choses vont beaucoup mieux depuis la création de Pôle emploi. Un effort important a été consenti pour améliorer l'accueil. Mais sur le placement, où en est-on ?

Je reviens sur vos relations avec les entreprises. Vous avez dit que sur 100 000 entreprises, 23 000 avaient répondu à votre enquête de satisfaction, les deux tiers s'étant déclarées satisfaites. Mais ces 100 000 entreprises faisaient-elles partie de vos clientes ? Je crois savoir que 18 % seulement des offres d'emplois sont transmises par les entreprises à Pôle emploi ; grâce à la collecte des annonces, Pôle emploi parvient à réunir 30 % des offres d'emploi. C'est donc que le service aux entreprises pourrait être amélioré !

Quant à l'accompagnement, on voulait au début s'aligner sur le modèle danois ou suédois, avec un conseiller pour soixante, voire pour quarante demandeurs d'emplois ; mais il y en a aujourd'hui deux ou trois fois plus. Or sans un véritable coaching, le retour à l'emploi est difficile, surtout pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Quelles sont vos relations avec vos cotraitants ? S'agissant des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie), l'évolution qui se dessine ne m'apparaît pas clairement.

Enfin, il vous a fallu supprimer 1 800 postes. Comment, dans ces conditions, améliorer le service aux demandeurs d'emploi ?

Mme Christiane Demontès . - Que sont devenus précisément les conseillers d'orientation de l'Afpa ? Par ailleurs, quelle part des recrutements par les entreprises privées est-elle imputable à Pôle emploi ? On entend à ce sujet des chiffres très variés...

Dans la région Rhône-Alpes, les agences sont spécialisées selon les secteurs économiques. Quel bilan peut-on tirer de cette spécialisation ? Comment arbitrer entre spécialisation et souci de proximité ?

S'agissant des services rendus aux jeunes demandeurs d'emploi, que deviendront les espaces-emploi mis en place conjointement par l'ANPE et les missions locales ? Pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, comment collaborez-vous avec les responsables des PLIE et les réseaux d'insertion sociale ?

M. André Reichardt . - Combien d'offres d'emploi ne transitent pas par Pôle emploi ?

Malgré la crise, certains secteurs d'activité ont besoin de main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée - car c'est là que peut être notre avantage comparatif dans une économie mondialisée. Mais les demandeurs d'emploi ne correspondent pas toujours aux profils recherchés : d'où la nécessité de la formation et, en amont, de l'orientation. Quelles sont vos relations avec les régions, responsables de la formation ? Les moyens alloués sont-ils suffisants ? Travaillez-vous avec les organisations professionnelles ? Celles-ci, dans les bassins d'emploi, mettent parfois en place d'utiles programmes d'anticipation des évolutions sectorielles.

M. Claude Jeannerot, président . - La variété de ces interventions confirme l'opportunité de créer cette mission d'information.

M. Christian Charpy . - Une précision tout d'abord : je n'ai jamais voulu dire que la situation à Pôle emploi était idyllique. Nos salariés sont confrontés, chaque jour, à des situations difficiles, parfois dramatiques, sans qu'il soit toujours possible d'y remédier. Mais deux ans après la fusion de l'ANPE et des Assedic, les choses vont mieux, malgré une lourde charge de travail.

M. Jean-Paul Alduy m'a interrogé sur les surcoûts et les économies résultant de la fusion. Avant tout, il faut tenir compte du fait que les chômeurs sont aujourd'hui 30 % de plus qu'à la création de Pôle emploi : si nous n'avions fait aucun effort budgétaire, les coûts auraient augmenté de 30 % !

Les surcoûts sont d'abord imputables à la convention collective, puisqu'il a été admis que l'on retiendrait le meilleur des deux statuts des agents de l'ANPE et des Assedic. C'est ainsi que les salaires ont été alignés, ce qui s'est traduit pour les 60 % d'agents de l'ANPE qui ont souscrit à la convention collective par une hausse de salaire de l'ordre de 20 %.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Quel montant financier cela représente-t-il ?

M. Christian Charpy . - Environ 100 millions d'euros, sur une masse salariale totale de 2 milliards. Les règles sur le temps de travail ont également été homogénéisées.

Au lieu des 650 agences des Assedic et des 900 agences de l'ANPE, nous avons mis en place 950 sites mixtes. Nous veillons à ce que 80 % des demandeurs d'emploi vivent à moins d'une demi-heure d'une agence et à ce qu'aucune agence ne soit supprimée en zone urbaine sensible. La superficie des locaux par agent - comprenant les bureaux, les espaces d'accueil, etc. - était de 47 mètres carrés, en moyenne, aux Assedic et de 20 mètres carrés à l'ANPE ; là on travaillait en bureaux individuels, ici en open space. Désormais la surface moyenne sera de 26 à 27 mètres carrés par agent. Le coût des réaménagements immobiliers devrait être compris entre 80 et 90 millions d'euros chacune des cinq prochaines années. S'agissant du patrimoine de l'Unedic, nous avons acquis environ quatre-vingts sites ; nous avons quitté les autres, ou les avons loués en attendant de les quitter. L'ANPE possédait 20 % de ses locaux et en louait 80 %, tandis qu'à l'Unedic la proportion était inverse ; aujourd'hui, nous sommes propriétaires de 30 % de nos locaux et en louons 70 %.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Avez-vous évalué le surcoût en frais de fonctionnement lié à la reprise des locaux de l'ANPE et des Assedic ?

M. Christian Charpy . - Je vous l'ai dit, nous prévoyons une dépense de 450 millions sur quatre ou cinq ans, qui couvrira à la fois les réaménagements immobiliers et les doubles loyers qu'il nous faut parfois payer. Après cela, nous paierons plutôt moins qu'avant.

La fusion a aussi permis de substantielles économies, d'abord sur les dépenses de fonctionnement : 40 millions de moins en 2009, puis une légère hausse en 2010 à cause de l'augmentation de nos effectifs, mais notre objectif sur trois ans est une diminution de 10 %. D'autres économies devraient découler d'une meilleure organisation. Un bilan sera dressé après trois ans.

Vous m'avez interrogé sur nos liens avec les missions locales, les maisons de l'emploi, Cap emploi, les PLIE... Pour nous, toutes ces institutions sont des partenaires car nous ne revendiquons aucun rôle dirigeant. Nous avons signé des conventions avec le Conseil national des missions locales, avec l'Agefiph, avec les PLIE. Avec les maisons de l'emploi, nous collaborons aujourd'hui efficacement, dès lors qu'il est admis qu'il n'entre pas dans leur mission d'accompagner les chômeurs vers l'emploi. Aux missions locales sont transférés, par convention, les dossiers de 120 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans, sur 500 000 jeunes inscrits au chômage. Nous coopérons plus étroitement avec les missions locales que par le passé ; j'ai demandé à tous les directeurs d'agence de tenir une réunion mensuelle ou bimestrielle avec les responsables des missions locales au sujet des jeunes transférés. Des agents de Pôle emploi travaillent d'ailleurs au sein des missions locales.

Quant à l'Agefiph, certaines de ses réactions m'ont un peu agacé, je le concède. En 2009, nous avions convenu de confier à Cap emploi l'accompagnement de 64 000 demandeurs d'emploi handicapés, mais nous avons été submergés de demandes ; lorsque j'ai demandé à l'Agefiph de revoir à la hausse le nombre de personnes suivies, je me suis heurté à un refus. En 2010, par convention, il a été porté à 70 000, et la rétribution versée à l'Agefiph augmentée de 11 %. Mais en 2011, compte tenu de nos contraintes budgétaires et de la stabilisation du nombre de demandeurs d'emploi handicapés, j'ai préféré revenir à 64 000 dossiers transférés. Je ne mets pas en cause les compétences des Cap emploi mais j'observe qu'ils sont parfois réticents à prendre en charge les cas les plus difficiles, parce que l'Agefiph les évalue en fonction de leurs résultats en matière de retour à l'emploi, alors qu'ils sont pourtant spécialistes de l'emploi des personnes handicapées. Quoi qu'il en soit, il y a au sein de Pôle emploi un référent travailleurs handicapés dans chaque bassin d'emploi.

Avec les départements, notre coopération dans la prise en charge des bénéficiaires du RSA m'a un peu déçu. Autrefois, une soixantaine de départements confiaient à l'ANPE le soin d'accompagner vers l'emploi les titulaires du RMI et finançaient, au sein de l'agence, 600 équivalents temps plein. Mais à la suite de la création du RSA, certains départements, qui connaissent par ailleurs des difficultés financières, ont considéré que le suivi individualisé des titulaires du RSA entrait dans nos compétences de droit commun et qu'il n'était pas besoin de nous subventionner à ce titre. Désormais, les départements ne financent plus que 400 équivalents temps plein à Pôle emploi et ils ne sont plus qu'une quarantaine à faire appel à nous. Je n'y verrais aucun inconvénient, s'ils faisaient appel à quelqu'un d'autre... Je crains que les moyens affectés à cette politique ne soient pas à la hauteur des besoins ; or l'encouragement au retour à l'emploi était l'un des objectifs essentiels de la création du RSA...

Avec les régions, notre action principale porte sur la formation. J'ai signé avec M. Alain Rousset, président de l'association des régions de France (ARF), une lettre commune pour appeler à une meilleure collaboration entre l'ARF et Pôle emploi. L'ANPE ne finançait pas de formation ; les Assedic le faisaient dans le cadre d'appels à projets, mais seulement pour les métiers en tension. Suite à la crise économique et à la création de Pôle emploi, et faute de support juridique, il a fallu relancer des marchés et redéfinir des accords-cadres : tout cela prend du temps. Fallait-il continuer à privilégier les métiers en tension ? Mais avec la crise, il n'y en avait plus ! Il fallait donc élargir notre champ d'intervention. En Rhône-Alpes, en Bourgogne, nous avons conclu des marchés groupés d'achats de formation ; ailleurs Pôle emploi et la région se répartissent la tâche en fonction du type de public ou de formation. Les choses progressent : nous travaillons à un accord-cadre avec l'ARF, qui ne devra pas interférer avec les contrats de plans régionaux de développement des formations (CPRDF).

Pour ce qui est de l'offre de services, j'assume le mot « clients » que j'ai employé dans mon exposé introductif. Les demandeurs d'emploi devaient autrefois se prêter à deux entretiens d'inscription, l'un devant les Assedic pour l'indemnisation, l'autre à l'ANPE pour définir leur projet professionnel. Pôle emploi a mis fin à cette redondance : depuis le début de l'année, au cours d'un entretien unique, un même conseiller procède à l'inscription, à la vérification des droits à indemnisation et au diagnostic professionnel. L'entretien a lieu dans un délai de quinze jours suivant l'appel au 39 49. A ce propos, je précise que l'appel n'est plus surtaxé depuis avril 2009, même depuis un portable.

Après l'inscription, le demandeur d'emploi entre dans un parcours de retour vers l'emploi. Ceux qui souhaitent créer une entreprise - moins d'un sur dix - sont affectés à un parcours dédié. Les autres sont orientés en fonction de leur distance à l'emploi. Ceux qui sont proches de l'emploi ont droit à un suivi mensuel personnalisé : à partir de leur quatrième mois d'inscription au chômage ils rencontrent chaque mois le même conseiller ; ils peuvent, dans l'intervalle, suivre des ateliers de recherche d'emploi, établir un bilan de compétences, etc. Ceux qui sont plus éloignés de l'emploi sont placés en accompagnement, interne ou externe, dès le premier jour d'inscription au chômage.

Depuis longtemps, nous nous demandons s'il faut segmenter davantage les catégories de demandeurs d'emploi. La question est délicate : le distributeur Carrefour, qui classifie ses consommateurs en fonction des dépenses réalisées avec la carte du magasin, veille à ce que ni les consommateurs, ni les salariés ne sachent à quelle catégorie chaque client appartient, car personne n'apprécie d'être mis dans une case. Les agents de Pôle emploi ne veulent pas non plus qu'un programme informatique leur impose de placer un demandeur d'emploi dans telle ou telle catégorie. Toute segmentation doit par ailleurs demeurer suffisamment simple pour ne pas devenir, en elle-même, une source de complication supplémentaire.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Il est cependant facile de savoir qui vient d'une entreprise d'insertion, par exemple.

M. Christian Charpy . - Certes. On peut aussi mettre à part les licenciés économiques. Mais un cadre licencié aura-t-il plus de difficulté à retrouver un emploi qu'une femme qui souhaite reprendre du travail après avoir élevé ses enfants pendant dix ans ? Est-il légitime que l'un bénéficie d'un soutien renforcé, l'autre non ? Nous souhaitons nous inspirer en ce domaine des pratiques des opérateurs étrangers.

L'efficacité de Pôle emploi est difficile à apprécier. On connaît le nombre d'offres d'emploi collectées - 3 millions en 2010 - et on sait que 85 % de ces offres d'emploi ont été satisfaites, dont 60 % grâce à un placement effectué par Pôle emploi. Mais il est plus malaisé d'évaluer le taux de retour à l'emploi. Chaque mois, 500 000 chômeurs sortent des listes de Pôle emploi ; pour 200 000 d'entre eux, c'est en raison d'un défaut d'actualisation de leur dossier ; pour 45 000 personnes, c'est à la suite d'une radiation administrative, motivée, dans 95 % des cas, par le défaut de recherche d'emploi et l'absence répétée aux entretiens. On compte un peu plus de 100 000 reprises d'emploi déclarées. Mais il ressort de l'enquête réalisée, tous les trois mois, avec la Dares que parmi les chômeurs exclus des listes pour défaut d'actualisation ou à la suite d'une radiation administrative, plus de la moitié ont retrouvé du travail et qu'ils ont négligé, pour cette raison, d'actualiser leur dossier ou de se rendre à leur entretien. Quant à l'impact de Pôle emploi dans la reprise du travail, il est difficile de l'évaluer. Une étude de 2008, portant sur trois cohortes de demandeurs d'emploi aux caractéristiques semblables, a montré que ceux qui bénéficiaient d'un suivi renforcé assuré par l'ANPE avaient plus de chances de retrouver du travail que ceux qui faisaient l'objet d'un suivi classique - l'écart constaté était de dix points ; le suivi renforcé de l'ANPE donnait également de meilleurs résultats que le suivi effectué par un opérateur privé. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les évaluations de l'efficacité du service public de l'emploi sont beaucoup plus précises.

Les missions locales sont financées conjointement par l'Etat, les collectivités territoriales et Pôle emploi. Je ne suis pas hostile à une simplification, mais il ne faudrait pas que l'Etat se défausse sur Pôle emploi sans lui accorder de moyens supplémentaires. Je suis un peu échaudé par le transfert du personnel de l'Afpa, qui ne s'est pas accompagné du transfert des ressources correspondantes.

Pôle emploi devrait-il embaucher davantage ? Il est vrai que le chômage ne baisse encore qu'irrégulièrement. Mais outre les contraintes budgétaires de l'Etat, la suppression de 1 800 postes peut se justifier. Tout d'abord, sur 1 500 CDD supprimés, 600 étaient affectés à la gestion des contrats de transition professionnelle (CTP) et des conventions de reclassement personnalisé (CRP) ; or ces dispositifs sont moins nombreux qu'il y a quelques mois. Il faut aussi tenir compte du transfert du recouvrement aux Urssaf ; sur les mille salariés concernés, trois cents resteront affectés à des tâches de recouvrement qui vont demeurer du ressort de Pôle emploi - par exemple pour les intermittents du spectacle - et les autres seront redéployés vers les activités classiques du réseau.

Pôle emploi est-il exemplaire dans la gestion de son personnel ? Il est vrai que nous avons parfois gardé des salariés trop longtemps en contrat aidé, au lieu de les réorienter vers un emploi pérenne. J'ai nommé une dizaine de conseillers interrégionaux chargés de l'accompagnement des salariés en contrat aidé pour les aider à trouver un emploi à l'extérieur - car nous ne pourrons pas tous les garder.

Quant aux voies de recours, outre le médiateur, nous disposons de correspondants régionaux et d'un système de gestion des réclamations ; je reçois moi-même beaucoup de messages électroniques. L'ancien médiateur a rendu un rapport très intéressant, où il formulait quatre propositions relatives à l'assurance chômage, que j'ai transmises aux partenaires sociaux, et deux propositions portant spécifiquement sur Pôle emploi. L'une concernait les courriers : j'y travaille avec la direction de la communication, et de nouveaux courriers-types entreront en vigueur le 1 er avril. L'autre portait sur les interruptions de versement de prestations en cas de fraude présumée. Le problème est le suivant : si l'on applique strictement la présomption d'innocence, on continue à verser les prestations, au risque d'accumuler les indus qui ne pourront jamais être récupérés ; mais si l'on interrompt immédiatement le versement, la procédure peut prendre plusieurs mois avant qu'il soit repris, si la fraude n'est pas avérée. J'ai donc défini le principe suivant : en cas de forte présomption de fraude, le versement des prestations est suspendu pendant quarante-cinq jours au maximum ; au-delà, si nous ne disposons pas d'éléments suffisants pour porter plainte, nous reprenons le versement. M. Benoît Genuini a démissionné trois semaines après avoir remis son rapport, mais comment, en un temps si court, aurais-je pu mettre en oeuvre des propositions aussi complexes ? Son remplaçant, M. Jean-Louis Walter, est un homme très pondéré.

Le 39 49 reçoit 500 000 appels par jour, dont les deux tiers transitent par un service vocal interactif, un tiers par un opérateur, le taux d'aboutement étant de 83 % ou 84 %. Ces chiffres sont considérables, et la gestion est d'autant plus difficile que l'on connaît des pics d'appels au cours de la semaine. L'appel est obligatoire pour s'inscrire à Pôle emploi, car seul le 39 49 permet d'accéder à l'agenda de l'ensemble des agents. Mais j'ai demandé que si quelqu'un se présente directement dans une agence pour s'inscrire, on l'aide à réaliser sa préinscription sur internet. J'ai exigé qu'on ne renvoie jamais les personnes venues à l'agence sans rendez-vous vers le téléphone, comme ce pouvait être le cas autrefois - c'était souvent un agent installé dans le bureau d'à côté qui répondait... Nous avons également mis en place un accueil « coordination » pour les questions simples et, pour les questions complexes mais urgentes, un accueil « relation clients ».

Mme Annie David . - Je reviens sur la procédure d'actualisation par téléphone ou sur Internet. Si une personne se trompe, elle n'est donc pas actualisée ?

M. Christian Charpy . - Elle reçoit trois jours à l'avance un appel de notre part. Et si elle se présente à l'agence après coup, elle est réinscrite à titre rétroactif. Environ 30 % des actualisations se font sur Internet, 65 % par téléphone, et 1 % ou 2 % par courrier. Dans la demi-heure qui suit l'ouverture de l'actualisation, on compte 1 million de connexions sur le site internet, ce que le système supporte difficilement.

J'en viens à la question du personnel. Il n'est pas facile pour les agents de Pôle emploi d'être confrontés à tant de cas douloureux. Dès le lancement de la fusion, une ligne d'écoute fonctionnant 24 heures sur 24 a été mise en place ; elle reçoit environ quatre-vingts appels par mois, moins qu'au début. En cas d'agression dans une agence, comme c'est arrivé dans le Doubs en décembre 2009, nous envoyons une équipe de soutien psychologique. Nous avons procédé à une enquête auprès du personnel sur les risques psychosociaux puis négocié un accord sur ce thème, qui a cependant été invalidé, faute de signataires en nombre suffisant : les syndicats réclamaient des embauches que je n'étais pas en mesure de promettre. Un plan spécifique a cependant été mis en place, qui concerne la formation, l'accompagnement et l'écoute des managers. Je diffuserai un nouveau questionnaire cet automne. Mais j'ai le sentiment que la séparation des métiers et l'installation des sites mixtes ont amélioré le climat social. Les différences de management au sein des Assedic et de l'ANPE ont également pu créer des tensions : à l'ANPE, les directeurs d'agences locales disposaient d'une certaine marge de manoeuvre, aux Assedic étaient appliqués des référentiels nationaux stricts, d'où les difficultés constatées lorsque des cadres des deux anciennes structures ont dû travailler ensemble... Il y a eu des tentatives de suicide, et même un suicide dans une agence, vraisemblablement pour des raisons personnelles. Quoi qu'il en soit, les choses s'améliorent peu à peu.

Nous comptons entre 8 % et 9 % de CDD. La convention collective plafonne ce chiffre à 5 %, mais le périmètre considéré n'est pas tout à fait le même. D'ailleurs, le problème sera réglé cette année puisque 1 500 CDD seront supprimés - il est vrai que les syndicats attendaient autre chose... Les agents en CDD qui quittent Pôle emploi ont une priorité de réembauche pendant six mois. En outre, il existe au sein du réseau un turn over important, de sorte que les anciens salariés employés en CDD ont de bonnes chances d'être réembauchés en CDI, même si ce n'est pas immédiatement à l'issue de leur contrat. Pendant la crise, notre homologue britannique avait embauché 18 000 personnes ; il en débauche aujourd'hui autant. Note homologue allemand avait recruté 6 000 personnes, mais 20 % de ses salariés sont en CDD. L'activité de Pôle emploi est étroitement liée à la conjoncture économique, et il faut lui permettre d'y adapter ses effectifs.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Le transfert du recouvrement à l'Urssaf s'accompagnera-t-il d'un transfert de personnel ?

M. Christian Charpy . - Non, à quelques exceptions près, mais je répète qu'il nous faudra reclasser un millier de salariés.

J'en viens à la formation. Pour former des agents parfaitement polyvalents, il faut vingt à vingt-cinq jours de formation ; cinq à sept jours ne suffisent qu'à acquérir des compétences de premier niveau dans tous les domaines. L'idée d'une polyvalence totale a été abandonnée ; l'objectif est que 20 % à 25 % des agents soient entièrement polyvalents à l'horizon 2013. En moyenne, à l'heure actuelle, chaque agent bénéficie de cinq jours de formation par an.

En ce qui concerne le service aux entreprises, la part de marché de Pôle emploi c'est-à-dire le nombre d'offres d'emplois recueillies par Pôle emploi rapportée au total des déclarations uniques d'embauche - est de 16,5 %. Mais si on ne prend en compte que les offres d'emploi de plus d'un mois, cette proportion atteint 30 % ou 35 %. Rappelons que le marché ouvert de l'emploi ne représente que 25 % à 30 % du total ; les autres offres d'emplois ne donnent lieu à aucune publicité. Pôle emploi recueille donc un peu plus de la moitié des offres du marché ouvert. Note objectif est de porter notre part de marché de 16,5 % à 18,5 % cette année, et de progresser encore par la suite. Mais nous sommes plutôt en avance par rapport à nos voisins : nous recueillons 3 millions d'offres, quand les Britanniques et les Allemands n'en recueillent qu'1,6 million ; moins bien dotés en personnel pour l'inscription, l'indemnisation et l'accompagnement, nous sommes mieux dotés pour le service aux entreprises.

Un mot sur les seniors et les chômeurs de longue durée. Pour les seniors, il faut d'abord éviter qu'ils ne perdent leur travail, car il est ensuite très difficile de leur en faire retrouver un.

Mme Annie David . - Nous sommes bien d'accord !

M. Christian Charpy . - C'est pourquoi le Gouvernement a imposé une négociation sur l'emploi des seniors dans toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés. Quant aux chômeurs de longue durée, malgré la baisse inattendue du mois de janvier, ils devraient rester très nombreux cette année. Comme le Gouvernement l'a annoncé, Pôle emploi recevra, dans un délai de trois mois, les 680 000 chômeurs inscrits depuis plus d'un an sans avoir jamais quitté la catégorie A - c'est-à-dire sans avoir travaillé ne serait-ce que quelques heures - pour leur proposer un contrat, une formation ou un accompagnement. Il sera plus difficile de trouver une issue à leur situation : cela passe par l'augmentation du nombre de places de formation - 15 000 de plus à Pôle emploi, 15 000 dans les régions -, par 50 000 contrats aidés supplémentaires, par l'accompagnement interne ou externe.

M. André Reichardt a évoqué la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) : c'est une tâche indispensable, qui ne peut être menée à bien qu'au niveau des bassins d'emploi. J'ai été un peu déçu par les résultats d'une enquête menée auprès des entreprises l'an dernier : on leur demandait si les métiers où elles recrutaient évolueraient dans les trois ans à venir ; 49 % se sont déclarées incapables de répondre, 51 % ont répondu par la négative. Cela montre la difficulté, même pour les entreprises, à se projeter dans l'avenir ! Il faudra tirer le meilleur parti des crédits affectés par l'Etat à la GPEC.

M. Claude Jeannerot, président . - Nous aurions encore bien des questions à vous poser, mais nous vous reverrons, monsieur le directeur général, au terme de nos travaux, vers la fin du mois de juin.

Audition M. Jean-Louis WALTER,
médiateur de Pôle emploi
(mardi 8 mars 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - M. Walter occupe, depuis juillet 2010, le poste de médiateur au sein de Pôle emploi. A ce titre, M. Walter est un observateur privilégié du fonctionnement de cette institution. Il reçoit en effet les réclamations des usagers insatisfaits des services rendus par Pôle emploi et s'efforce de trouver une solution amiable et pragmatique à leurs problèmes.

Nous souhaiterions que vous nous dressiez le bilan des dysfonctionnements dont vous êtes le plus habituellement témoin, même si nous pouvons pressentir sur quels points portent la majorité des plaintes que vous recevez. Nous apprécierions en outre que vous nous fassiez part de vos réflexions sur votre positionnement, au sein de la structure, même si vous n'avez pas beaucoup d'ancienneté dans votre poste. Vous êtes en quelque sorte un « super-patron de service après-vente », ce qui vous place dans une situation quelque peu inconfortable, puisque vous êtes tout à la fois juge et partie. Vous êtes en effet nommé par le directeur général de Pôle emploi et vous lui rendez des comptes. A cet égard, nous pouvons raisonnablement nous demander si vous avez l'autonomie et l'indépendance suffisantes pour accomplir votre mission en toute souveraineté.

M. Jean-Louis Walter, médiateur de Pôle emploi . - Comme vous l'avez rappelé, je n'ai que huit mois d'ancienneté dans mon poste. Je ne serais donc pas à même de répondre à ce type de questions si je n'avais pas été impliqué, depuis plus de vingt ans maintenant, dans les débats que nous avons eus, au niveau national, sur l'emploi, la formation professionnelle ou les retraites.

D'origine alsacienne, je crois beaucoup aux vertus de l'action régionale et territoriale et l'un des derniers rapports que j'ai rédigés, pour le compte du Conseil économique et social, portait justement sur le dialogue social territorial. Je suis en effet persuadé qu'il est possible de faire beaucoup de choses à l'échelon local.

Je suis un homme d'entreprise assez atypique puisque je suis un pur produit de la formation en alternance. J'ai obtenu mon diplôme d'ingénieur grâce aux formations dispensées par le conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Le fait que je vive à proximité de la frontière allemande a sans doute joué un rôle dans le choix de mon orientation professionnelle, puisque nos amis allemands n'ont jamais abandonné l'apprentissage, alors que la France souhaitait, dans le même temps, mener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat.

Je concilie par ailleurs une expérience industrielle et une connaissance des organismes sociaux puisque j'ai quasiment participé, au cours des vingt années qui viennent de s'écouler, à toutes les grandes négociations dans le domaine de l'emploi, de la formation et des retraites. J'ai notamment présidé l'association pour l'emploi des cadres (Apec), l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic) du Haut-Rhin, et occupé des mandats aux conseils d'administration de l'union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic) et de l'ANPE. Je dispose donc d'un certain recul sur le fonctionnement de tous ces organismes.

A l'époque de la création de l'assurance chômage - ce qui nous fait remonter à André Bergeron et au Général de Gaulle - la France ne comptait que quelques centaines de milliers de chômeurs. Le système mis en place servait alors d'amortisseur social, tout en permettant aux organisations syndicales de s'extraire un peu de la sphère de l'entreprise. Les partenaires sociaux assumaient tout à la fois les déficits et les équilibres du système et l'assurance chômage se trouvait alors dans une situation plutôt confortable, sur un plan financier, puisque les recettes excédaient largement les dépenses. Le régime d'assurance chômage disposait en outre, à cette époque, de l'une des meilleures conventions collectives nationales de France.

Quelques années plus tard, l'ANPE, qui était une agence de placement, voyait le jour. Or, à mon sens, cette structure n'a jamais eu les moyens ni de sa politique, ni de ses ambitions, et ce quels que soient les gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays. L'ANPE et les Assedic ont ainsi été, depuis toujours, des lieux d'expression d'insatisfactions, lesquelles n'étaient pas toujours dirigées contre la structure elle-même mais pouvaient également être d'ordre très général, résultant notamment de la rupture du contrat de travail subie par les usagers de ces institutions.

Il y a bien eu quelques tentatives pour faire travailler l'ANPE, les Assedic et l'Unedic ensemble, avant la fusion du début de l'année 2009. Philippe Seguin avait ainsi tenté de mettre en place un service public de l'emploi, mais ce projet n'avait finalement pas abouti. Dans le même ordre d'idée, la loi Borloo de 2005 soulignait, quant à elle, la nécessité de regrouper, en un lieu unique, les compétences des différents acteurs en présence, afin de faciliter le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée, notamment. C'est ainsi qu'est né le concept des maisons de l'emploi qui reste, selon moi, encore valable aujourd'hui. Il semble en effet essentiel de trouver un endroit où tous les acteurs puissent travailler ensemble, étant entendu qu'aucun d'entre eux, pris séparément, ne sera en capacité de lutter efficacement contre le chômage.

C'est dans ce contexte que Pôle emploi a vu le jour, issu de la fusion de l'ANPE et des Assedic. Je me demande d'ailleurs si nous ne devrions pas aller plus loin aujourd'hui dans ce processus de fusion, dans la mesure où l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), dont nous avons récupéré les psychologues, se trouve quelque peu déséquilibrée dans le contexte actuel.

Le contenu du poste de médiateur que j'occupe aujourd'hui est défini par la loi. Je suis lié à Pôle emploi par un contrat de travail mais, pour autant, je pense que je suis en capacité d'exercer mes fonctions en bénéficiant d'une certaine indépendance, dans la mesure où je ne suis pas en recherche de carrière et où j'ai une personnalité suffisamment forte pour m'affirmer, le cas échéant, et faire valoir un certain nombre d'idées auprès du directeur général, même si celles-ci ne lui font pas plaisir.

Issu de la fusion des Assedic et de l'ANPE, Pôle emploi devra surmonter les différences de culture entre ces deux établissements d'origine, afin de mener une action efficace de lutte contre le chômage, à l'échelle nationale. Ayant vécu, au cours de ma carrière professionnelle, la fusion entre Peugeot et Citroën, qui a mis près de dix ans à être effective alors qu'elle concernait des acteurs qui exerçaient les mêmes métiers, je ne suis d'ailleurs pas surpris que la fusion actuelle entre l'ANPE et le réseau des Assedic nécessite un certain délai pour être effective. Cette opération ne pourra d'ailleurs être pleinement couronnée de succès si nous n'entreprenons pas un renouveau complet du département en charge des ressources humaines (RH), au sein de Pôle emploi. Pour l'heure, en effet, la structure RH de Pôle emploi correspond à celle de l'ANPE et il serait par conséquent opportun d'évoluer vers un autre modèle de fonctionnement.

M. Claude Jeannerot, président . - Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Avez-vous effectué un inventaire statistique ou qualitatif des réclamations que vous recevez ?

Plutôt que de remettre au goût du jour les maisons de l'emploi, pourquoi ne pas confier à Pôle emploi la mission de coordonner les différents acteurs en présence, afin d'améliorer le fonctionnement du service public de l'emploi

Même si vous n'êtes pas en recherche de carrière, comme vous nous l'avez rappelé, je maintiens que le positionnement de votre fonction de médiateur, au sein de Pôle emploi, pose problème. A cet égard, ne pensez-vous pas que vous auriez les coudées un peu plus franches si vous aviez été nommé par le conseil d'administration, et non par le directeur général ?

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Lorsqu'on entend le mot de « médiateur », on pense à une personne indépendante, qui n'aurait de comptes à rendre qu'au conseil d'administration ou à l'Etat. Or, à la lecture de l'instruction du 12 juin 2009 relative à la mise en place de la fonction de médiateur à Pôle emploi, consultable sur internet, je constate que non seulement vous êtes nommé par le directeur général, mais que vous êtes censé lui rendre compte, tous les trois mois, des suites données à vos recommandations. La proximité est donc très forte entre le médiateur que vous êtes et le directeur général.

Pourquoi le médiateur ne dépendrait-il pas du conseil d'administration ? Cela contribuerait à clarifier quelque peu les rôles et lui conférerait davantage d'autonomie.

Dans une vie antérieure, j'ai présidé l'agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), au sein de laquelle un comité de suivi et d'évaluation avait été mis en place. Cette instance disposait de son propre budget, ce qui lui permettait de produire, chaque année, un rapport totalement indépendant de la direction de l'agence. Ne pensez-vous pas que cet exemple pourrait être suivi au sein de Pôle emploi et que le rôle de médiateur gagnerait en efficacité s'il prenait plus d'autonomie vis-à-vis du directeur général ?

M. Ronan Kerdraon . - La semaine dernière, nous avons auditionné M. Christian Charpy qui nous a dressé un tableau globalement positif de la situation au sein de Pôle emploi, en s'appuyant notamment sur un sondage réalisé par Ipsos à la demande de Laurent Wauquiez, en octobre dernier.

Dans le même temps, des enquêtes réalisées par les organisations syndicales, sur le terrain, ont mis en exergue un certain nombre de dysfonctionnements et d'insatisfactions. Il semblerait notamment qu'un demandeur d'emploi sur trois considère que son conseiller n'a pas le temps de s'occuper de lui et que les propositions qui leur sont faites ne correspondent ni à leurs qualifications, ni à leur projet professionnel. Les motifs d'insatisfaction évoqués portaient également sur la qualité des formations proposées, et plus précisément sur leur durée et sur leur pertinence par rapport aux objectifs fixés, en termes d'évolution et de poursuite de carrière.

Quel est votre sentiment sur ce point ? Que pensez-vous des orientations prises par votre prédécesseur, parti en claquant la porte faute de moyens ? Les moyens dont vous disposez ont-ils d'ailleurs été renforcés afin d'éviter le renouvellement d'un tel échec ?

Enfin, ne pensez-vous pas qu'il serait grand temps d'en finir avec le traitement de masse du chômage et que le moment serait venu de cibler davantage les réponses apportées aux demandeurs d'emploi ?

M. Jean Desessard . - Quelles sont les causes du mal-être ressenti par les demandeurs d'emploi ? L'inadaptation des services auxquels ils ont affaire ? L'échec des réformes récemment mises en oeuvre ? Votre rôle de médiateur vous a-t-il permis de mettre en lumière des dysfonctionnements, au sein de Pôle emploi ? Et quelles sont les réponses que vous apportez, au quotidien, à toutes les réclamations que vous recevez ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Outre le rôle que vous pouvez jouer en interne, traitez-vous des réclamations émanant des bénéficiaires des services de Pôle emploi ? Qui saisit le médiateur et selon quelles modalités ? Disposez-vous d'une équipe pluridisciplinaire susceptible de mettre en oeuvre des actions de médiation ?

Mme Annie David . - Qui est censé solliciter votre aide : les demandeurs d'emplois ou les personnels de Pôle emploi ? Avez-vous rencontré des personnels de l'institution, dont un nombre important est aujourd'hui en grande détresse ? Avez-vous par ailleurs rencontré des usagers en grande difficulté, qui se plaignent notamment du contenu des courriers qui leur sont adressés ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Si je suis d'accord quant à la nécessité de permettre à l'ensemble des acteurs de travailler ensemble, je souhaiterais rappeler que les maisons de l'emploi, telles qu'elles ont été mises en place au niveau local, se sont souvent soldées par un échec et que nombre d'entre elles ont d'ores et déjà fermé leurs portes, faute de moyens. J'ajoute que ces structures contribuent, à mon sens, à rendre plus fou le paysage de la politique de l'emploi au lieu de le clarifier.

Par ailleurs, je maintiens que rien ne nous garantit, à ce stade, votre indépendance - pas même votre forte personnalité ou votre absence de recherche de carrière - dans la mesure où vous êtes nommé par le directeur général et où vous lui rendez compte. Enfin, quels sont les moyens dont vous disposez, en tant que médiateur et considérez-vous que ceux-ci soient suffisants pour mener à bien votre mission ?

M. Alain Gournac . - Vous sentez-vous indépendant ? Quelle est votre position concernant le mal-être au travail d'une partie des personnels de Pôle emploi ?

M. Jean-Louis Walter . - Je ne vais pas revenir sur le dispositif légal qui a conduit à ma nomination. Libre à vous de le faire évoluer, afin de faciliter la tâche de mes successeurs en leur conférant davantage d'indépendance.

Je suis heureux de découvrir que je suis censé rendre compte au directeur général tous les trois mois, dans la mesure où je ne me suis pas encore acquitté de cette obligation depuis huit mois que j'occupe ce poste et que je m'adresserai pour la première fois au directeur général le 24 mars prochain, à l'occasion de la remise de mon rapport qui s'effectuera lors du prochain conseil d'administration. Je remettrai ensuite ce rapport au ministre du travail, M. Xavier Bertrand, ainsi qu'au médiateur de la République, dont je suis le correspondant.

Je vous communiquerai également ce rapport, lorsque je l'aurai officiellement présenté aux autorités. Ce rapport reviendra notamment sur les six propositions qui avaient été effectuées, dans le cadre du précédent rapport. Vous serez d'ailleurs peut-être surpris de voir que ces propositions ont été suivies d'effets et que le contenu des courriers, que Mme Annie David évoquait à l'instant, a par exemple été revu, la nouvelle version de ces documents étant en cours d'évaluation.

Fort de mon expérience de négociateur de cinq conventions d'assurance chômage, je me sens armé pour mener à bien ma mission de médiateur au sein de Pôle emploi et je suis probablement un peu moins perdu que ne l'était mon prédécesseur.

S'agissant des moyens dont je dispose, au quotidien, je tiens à rappeler que le médiateur ne décide de rien. Il formule des propositions et rend compte de son action. J'ai pour ma part fait le choix de rendre compte plutôt au conseil d'administration qu'au directeur général. Certaines des propositions formulées dans le rapport que je présenterai le 24 mars s'adressent plus directement aux partenaires sociaux, qui négocient la convention d'assurance chômage. A cet égard, il ne faut pas s'étonner que mon prédécesseur n'ait pas obtenu de réponse rapide aux préconisations qu'il avait effectuées, à l'attention des partenaires sociaux, dans la mesure où ceux-ci ne renégocient la convention d'assurance chômage que tous les deux ans.

Je soumettrai également au ministre, dans le cadre de ce même rapport, un certain nombre de propositions que j'entends porter à l'attention des pouvoirs publics.

Enfin, il me faudra rendre compte, auprès du médiateur de la République, des réunions de travail et des entretiens que j'aurai eus avec ses délégués, à l'échelle locale.

Pour mener à bien toutes ces missions, je dispose d'une équipe de neuf collaborateurs au niveau national et d'au moins un délégué par région.

S'agissant des préconisations qui sont faites par les médiateurs régionaux aux directeurs régionaux, sachez que celles-ci sont prises en compte dans 90 % des cas en moyenne, ce qui est évidemment plutôt encourageant. Il arrive d'ailleurs que certaines de ces préconisations régionales me soient transmises et prennent finalement une ampleur nationale.

S'il n'est pas nécessairement utile de remettre au goût du jour les maisons de l'emploi, maintenant que Pôle emploi a été créé, il convient de trouver un lieu permettant de faire jouer les synergies entre les différents acteurs en présence. Le traitement du chômage de longue durée, notamment, nécessite une mobilisation forte de l'ensemble des acteurs et la mise à disposition de moyens importants. Pour le dire autrement, nous n'arriverons à rien si les moyens ne sont pas au rendez-vous. Je me souviens à cet égard du grand programme initié par Martine Aubry, à l'époque où elle était ministre du travail, qui concernait 900 000 chômeurs de longue durée, et avait mobilisé l'ensemble des agents en poste, au détriment des autres catégories de demandeurs d'emplois. Je crains fort que la demande, récemment exprimée par le Président de la République, de recevoir, dans les plus brefs délais, 680 000 chômeurs de longue durée, ne se heurte aux mêmes difficultés, dans la mesure où cette mesure est censée être mise en oeuvre à effectifs constants.

Si l'on ne dote pas Pôle emploi de moyens qui soient en cohérence avec les objectifs qui lui sont assignés, on n'arrivera à rien. Et ce d'autant plus que Pôle emploi est en charge du traitement des 20 % de demandeurs d'emploi pour lesquels les offres sont les moins nombreuses. La plus grande angoisse des agents, d'ailleurs, est de recevoir des demandeurs d'emploi à qui ils n'ont bien souvent rien à proposer, à l'exception de quelques vagues pistes de réorientations.

Pour finir, j'insisterai sur la nécessité de mobiliser l'ensemble des acteurs, si l'on entend s'en sortir. Or, force est de constater que si les PME et le secteur de l'artisanat participent bien souvent très activement à la lutte contre le chômage, il n'en va malheureusement pas de même des grandes entreprises.

Mme Valérie Létard . - Où se trouve le centre névralgique vers lequel faire tendre nos moyens et nos efforts pour rendre plus lisibles les actions à mener en matière de lutte contre le chômage ? Comment est assurée la coordination de tous ces moyens ? Comment toutes ces questions vous remontent puisque vous êtes, en tant que médiateur, au point de convergence de toutes les inquiétudes et de toutes les préconisations ?

Il est nécessaire d'impliquer les départements, qui gèrent le RSA, les régions et les entreprises dans le fonctionnement du service public de l'emploi ? Quid du rôle joué par les missions locales, qui accompagnent les jeunes de seize à vingt-cinq ans ? Quels liens établir entre elles et Pôle emploi, afin d'éviter de passer par pertes et profits tous les bénéfices et les enseignements du suivi des jeunes avant vingt-cinq ans ?

Comment remplacer le système « en tuyaux d'orgue », que nous connaissons à l'heure actuelle, par un dispositif plus transversal ? Quel système peut-on imaginer pour qu'un particulier employeur se rende prioritairement chez Pôle emploi, plutôt que d'afficher une annonce chez son boucher ou son boulanger, pour recruter du personnel ? Enfin, comment les entreprises pourraient elles mieux anticiper leurs besoins en formation ?

M. Claude Jeannerot, président . - Je renvoie toutes vos questions au débat que nous aurons tout à l'heure, suite à l'audition de Mme Rose-Marie Van Lerberghe, laquelle traite justement, dans un rapport, de la territorialisation de l'action publique dans le cadre du service public de l'emploi.

M. Jean Desessard . - Nombre de secteurs, tels que la restauration, le bâtiment ou l'artisanat, peinent à recruter. Est-ce parce que ces secteurs offrent des conditions de travail trop pénibles ou est-ce faute de formations adaptées, auquel cas Pôle emploi pourrait sans doute tenter de remédier à cette situation ? Plus généralement, qu'entend faire Pôle emploi pour remédier aux problèmes posés par les offres d'emplois non pourvues ?

M. Serge Dassault . - Pôle emploi jouit d'une mauvaise réputation auprès des chefs d'entreprise et des demandeurs d'emplois de mon département. Ces derniers font d'ailleurs souvent davantage confiance aux missions locales qu'ils jugent plus efficaces et qui sont moins coûteuses.

J'estime par ailleurs que les maisons de l'emploi ne servent pas à grand-chose dans la mesure où elles ne font que redistribuer l'argent que l'Etat leur donne. La suppression totale de ce type de structures conduirait par conséquent à faire d'importantes économies.

M. Jean-Louis Walter . - J'irai personnellement voir ce qui se passe dans le département de l'Essonne, afin d'améliorer le fonctionnement de Pôle emploi. S'agissant des structures dépourvues d'utilité, force est de constater que nous sommes dans une république du « mille-feuilles » et que l'on ne cesse de créer de nouvelles institutions, sans avoir vérifié au préalable si les structures existantes fonctionnaient correctement.

S'agissant de l'efficacité de Pôle emploi, sur le terrain, j'ai eu l'occasion de visiter certaines agences, où les employeurs viennent avec plaisir car ils trouvent en face d'eux des agents compétents, dont le professionnalisme ne fait aucun doute. Fort heureusement, la situation de l'Essonne n'est donc pas généralisable à l'ensemble du territoire.

M. Alain Gournac . - Je peux le confirmer au vu de ce qui se passe dans mon département.

M. Jean-Louis Walter . - Pôle emploi doit porter une attention particulière aux métiers en tension - principalement ceux du secteur du bâtiment et de la restauration, qui ont souvent mauvaise presse auprès des jeunes. Pour ce faire, il faut entreprendre un important travail d'explication et d'harmonisation des conventions collectives.

Comme je le disais précédemment, il conviendrait en outre de trouver un endroit où tous les acteurs pourront travailler ensemble, plutôt que de continuer à travailler chacun dans leur coin, sans grande efficacité. Nous devrons également continuer à promouvoir le concept d'entreprise et de collectivité locale citoyennes, prenant une part active à la lutte contre le chômage. Il faut pouvoir travailler ensemble et éviter les erreurs de communication, dont les effets pervers sont parfois importants. J'en veux pour preuve la hausse du nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi, à chaque fois qu'un ministre annonce que des mesures seront prises prochainement pour lutter contre le chômage de longue durée...

M. Claude Jeannerot, président . - Comme nous l'indiquions précédemment, c'est le directeur général de Pôle emploi qui a défini votre fiche de poste, ce qui n'est pas neutre. C'est en effet à lui que vous êtes censé rendre compte.

M. Jean-Louis Walter . - Comme je vous l'ai dit, depuis huit mois que j'occupe le poste de médiateur, au sein de Pôle emploi, je n'ai encore jamais rendu compte de mon action à M. Christian Charpy.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Il est justement de notre ressort de faire des propositions d'évolution de la fonction de médiateur que vous occupez à l'heure actuelle.

M. Jean-Louis Walter . - Je n'ai pas pris connaissance de ma fiche de poste lors de mon entrée en fonction. J'ai simplement été reçu durant une dizaine de minutes par M. Christian Charpy en entretien, et je n'ai pas eu l'impression d'être complètement aux ordres de ce dernier, à l'issue de cette discussion. Mais peut-être suis-je totalement en dehors de toute réalité... En tout état de cause, je m'attacherai, au cours de mon mandat, à définir précisément le profil de mon successeur, afin de rendre plus lisible le rôle du médiateur, au sein d'une structure telle que Pôle emploi. Vous avez en effet tout à fait raison lorsque vous soulignez que l'indépendance d'une personne liée à son employeur par un contrat de travail est un leurre ; sauf si l'individu occupant un tel poste est suffisamment libre et autonome pour faire ce qu'il a envie de faire.

Le rapport que je soumettrai le 24 mars prochain au conseil d'administration porte notamment sur ce qu'il est advenu des six préconisations qui avaient été faites par mon prédécesseur, lesquelles étaient tout à la fois adressées aux partenaires sociaux, au directeur général et au Gouvernement.

M. Claude Jeannerot, président . - Lorsque vous évoquez les « partenaires sociaux », il s'agit des organisations qui siègent au conseil d'administration ?

M. Jean-Louis Walter . - Il s'agit surtout des organisations gestionnaires de l'Unedic, qui fournit une importante dotation à Pôle emploi pour son fonctionnement et qui définit la réglementation de l'assurance chômage. En ma qualité de médiateur, je m'adresse à l'ensemble des partenaires sociaux, que je m'efforce de persuader de la nécessité de faire avancer les choses.

M. Claude Jeannerot, président . - Nous vous remercions pour votre contribution.

Audition de Mme Rose-Marie VAN LERBERGHE,
présidente de la commission sur la territorialisation de Pôle emploi
(mardi 8 mars 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Je suis heureux d'accueillir Mme Rose-Marie Van Lerberghe que je connais bien puisque j'ai eu l'honneur de servir sous son autorité lorsqu'elle était déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle. Et, en cette date du 8 mars, correspondant à la journée mondiale de la femme, je me souviens avec une certaine émotion l'avoir vue, à l'époque, expliquer à un parterre de chefs d'entreprises relativement misogynes, réunis à Besançon pour l'occasion, les bienfaits des trente-cinq heures.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe, présidente de la commission sur la territorialisation de Pôle emploi. - Je m'en souviens parfaitement. C'était effectivement un moment difficile pour moi.

M. Claude Jeannerot, président . - Vous avez produit un rapport intitulé « Pour une dynamique territoriale de l'emploi » , qui nous intéresse évidemment beaucoup, puisqu'il est au coeur de la problématique que nous voulons approfondir. Vous y développez un certain nombre d'analyses et formulez des recommandations, concernant notamment les partenariats noués par Pôle emploi.

Nous aimerions que vous nous exposiez les réflexions de la commission sur la territorialisation de Pôle emploi que vous avez présidée, afin que nous puissions en débattre avec vous ensuite. Nous souhaiterions également connaître le sort qu'a connu ce rapport depuis sa publication, en avril 2010.

Vous êtes très au fait des questions d'emploi puisque, outre le poste de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle que j'évoquais précédemment, vous avez assumé d'importantes responsabilités dans le secteur privé, notamment chez Danone, et aujourd'hui à la tête du groupe Korian. Vous avez également été directrice générale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Je suis très touchée par votre accueil et très honorée d'être auditionnée par vous. Un peu intimidée également d'ailleurs, car j'ai quitté depuis un moment déjà les responsabilités de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, que j'ai exercées de 1996 à 1999.

Le rapport que vous évoquez, sur la dynamique territoriale de l'emploi, est le fruit d'un travail collectif, que j'ai piloté en vue d'aboutir à des conclusions opérationnelles. Notre petit groupe de travail était constitué pour moitié de directeurs régionaux de Pôle emploi, qui se sont révélés très impliqués et très intéressés par cette démarche, auxquels se sont notamment ajoutés le secrétaire général de l'Agefos-PME, ainsi qu'une magistrate exerçant des responsabilités associatives pour le soutien des jeunes en difficulté.

Nous avons tenté d'identifier les problèmes et nous nous sommes efforcés ensuite d'impliquer, pour chacun des thèmes retenus, des acteurs locaux dans la démarche que nous entendions mettre en oeuvre, sur le terrain. Nous avons ainsi pu constater, avec satisfaction, tout l'intérêt porté, par les acteurs rencontrés, au thème du partenariat.

Que ce soit au sein du service public ou dans les structures privées, nous sommes toujours confrontés au même problème : comment investir sur les compétences, tout en évitant que les différents acteurs accomplissent le même travail, chacun dans leur coin, et faire en sorte, dans le même temps, que les personnes prennent des initiatives sur le terrain ? C'est pour répondre à cette problématique que j'ai mené, lorsque j'étais directrice générale de l'AP-HP, une politique de déconcentration et que j'ai encouragé, lorsque j'occupais les fonctions de déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la fongibilité des crédits, partant du principe qu'il fallait permettre aux acteurs locaux de s'approprier les outils élaborés au niveau national.

Nous nous sommes attachés, lors des travaux que nous avons menés au sein de la commission, à réfléchir à la manière dont nous pourrions donner aux responsables locaux les moyens d'adapter à la réalité du terrain les outils qui étaient mis à leur disposition. Et nous sommes parvenus, à l'issue de nos travaux, à la conclusion selon laquelle la solution à ce problème résidait dans la conclusion de partenariats.

J'en profite pour souligner que nous avons malheureusement perdu en souplesse, à l'occasion de la fusion entre l'ANPE et les Assedic, et ce notamment dans le domaine de la formation. Le réseau des Assedic était en mesure, par le passé, de proposer des formations « cousues main » et n'était pas contraint de lancer des appels d'offres de grande envergure pour sélectionner les organismes à même de mettre en oeuvre ses programmes de formation.

En tout état de cause, notre rapport préconise de concilier les impératifs de la décentralisation et de la délégation de moyens avec la nécessité, pour les interlocuteurs présents sur le terrain, de nouer des relations les uns avec les autres. Pour ce faire, il convient de confier aux personnes en présence la résolution de problèmes concrets - seul moyen, selon moi, de faire tomber les préjugés qu'elles peuvent entretenir vis-à-vis de leurs partenaires potentiels.

S'agissant des expériences réussies de partenariats territorialisés, que vous me demandez de citer, j'évoquerai l'action que nous avons mise en oeuvre pour remédier à la pénurie d'aides soignantes à laquelle nous nous trouvons confrontés, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce métier est réputé pénible et mal payé, ce qui explique que les candidats à ces postes soient peu nombreux.

Pour remédier à cette situation, j'ai décidé d'aller chercher des personnes souhaitant travailler avec les personnes âgées et disposant de l'empathie nécessaire pour ce faire, mais qui ne possédaient pas nécessairement les qualifications requises. Nous avons passé une convention avec Pôle emploi et la Croix Rouge - l'idée étant que Pôle emploi recoure à la méthode du recrutement « par habileté ». Nous avons ensuite demandé à la Croix Rouge de proposer une préformation à l'école d'aides soignants, à destination des candidats retenus - le groupe Korian se chargeant quant à lui d'organiser les stages pratiques, tout en proposant à ces futurs aides soignants d'être embauchés en contrat de professionnalisation.

Dans le cadre du partenariat que nous avions conclu, Pôle emploi a annoncé l'ouverture de vingt-cinq places pour préparer le concours d'aides soignantes. Ils ont reçu 180 candidatures et ont dû sélectionner les personnes qui semblaient les plus à même d'exercer cette profession. Les vingt-cinq personnes retenues ont bénéficié de 450 heures de préformation au concours, lesquelles ont été dispensées par la Croix Rouge. A noter qu'elles ont toutes fait preuve d'une grande assiduité, ce qui n'est pas si fréquent avec des chômeurs de longue durée. Les directeurs des établissements qui les accueillaient étaient très satisfaits, prouvant par là-même que nos critères de choix étaient les bons.

Néanmoins, sur ces vingt-cinq candidats, huit seulement ont été admis au concours d'aides soignants. Certains d'entre eux se sont vu refuser l'accès à cette formation, alors qu'ils avaient obtenu des notes oscillant entre 12 et 14 à l'oral ; il se trouvait même, parmi les recalés, une infirmière brésilienne, qui a dû très probablement échouer à cause de son niveau d'orthographe. Lorsque nous avons dressé le bilan de ce partenariat, la directrice de la Croix Rouge m'a indiqué que nous aurions très probablement dû commencer par faire faire à nos candidats une dictée, afin de nous assurer qu'ils jouissaient d'un niveau suffisant en orthographe, pour ne pas être disqualifiés d'emblée sur la base de ce critère.

Il est important d'identifier les besoins et de déterminer les bons critères, dans un secteur où l'emploi ne manque pas et où il s'agit, qui plus est, d'emplois de proximité non délocalisables. Poussant plus avant l'analyse, j'ai découvert que des quotas étaient mis en oeuvre pour le recrutement des aides-soignants, dont la responsabilité a été déléguée aux régions, et ce alors même que le code de la santé publique ne prévoit pas de numerus clausus pour cette profession.

Au vu de cet exemple, et de bien d'autres encore, j'ai proposé, dans le rapport rendu par la commission, de procéder, au niveau local, à un tour de table des financeurs, afin de trouver les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de telle ou telle formation. A cet égard, il conviendrait de ne pas refuser l'accès à la formation des personnes susceptibles de bénéficier d'un financement, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, au seul motif que le nombre de reçus au concours d'aides soignants ne devrait pas excéder un certain seuil. Il est regrettable que des personnes motivées et qui avaient manifesté l'envie de s'occuper de personnes âgées échouent au concours sur la base de critères purement scolaires.

Ces personnes étaient, pour la plupart d'entre elles, en difficulté et ni l'entreprise, ni Pôle emploi ne peuvent remédier à leurs problématiques, qui ont davantage trait au logement, à la santé ou à l'accès au droit. A cet égard, il me semblerait opportun de mettre en place un partenariat d'accompagnement social, en sus du partenariat portant sur le financement des formations. Pour des populations particulièrement fragilisées, telles que les jeunes ou les chômeurs de longue durée, il me semblerait utile de désigner un référent social, en plus du référent professionnel, pour faciliter l'accès à l'emploi de ce type de publics.

Mme Valérie Létard . - Sur la base du cas concret que vous venez de nous présenter, on voit tout de suite la nécessité de garantir, au niveau local, le maximum de transversalité et de coordination entre les différents acteurs en présence.

Vous nous avez aussi montré qu'il était souvent difficile d'obtenir des financements adaptés, car nous nous heurtions aux effets pervers de ce dispositif « en tuyaux d'orgue » que j'ai déjà dénoncé précédemment. Dans le cadre de la délégation aux régions de la compétence en matière de formation professionnelle, les collectivités se trouvent contraintes de déterminer un nombre d'étudiants qui bénéficieront d'un financement pour suivre leurs formations, en fonction du montant de l'enveloppe déléguée. Et ce alors même qu'il serait tout à fait possible d'exploiter d'autres sources de financement, auprès des entreprises, des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et de bien d'autres partenaires encore, lesquels ne demanderaient qu'à contribuer à cet effort de financement, dès lors qu'on leur garantirait l'existence d'emplois à la clé en retour.

A cet égard, comme je l'indiquais précédemment, il conviendrait d'anticiper les besoins en formation et en recrutement suffisamment en amont, afin de les satisfaire dans les meilleures conditions possible.

Dans un champ aussi porteur d'emplois que celui du médico-social, il faudrait également avoir plus souvent recours à la validation des acquis de l'expérience (VAE), dont l'efficacité n'est plus à démontrer. A cet égard, nous ne pouvons que regretter que nombre de candidats échouent à valider leur module de culture générale, alors qu'ils ont franchi les autres étapes de ce processus avec succès et qu'ils jouissent, à n'en pas douter, des compétences, de l'expérience et des qualités humaines nécessaires à l'exercice de la profession recherchée.

En Belgique, il existe un diplôme intermédiaire entre celui d'aide soignante et celui d'infirmière, auquel il est possible d'accéder via la VAE. Cette progression, qui permet une véritable ascension sociale, a permis d'apporter des solutions aux problématiques rencontrées sur le terrain.

Dans un tel contexte, il semble important de décloisonner les différents modes de financement de la formation professionnelle. Il est en effet anormal que les bénéficiaires du RMI hier, du RSA aujourd'hui, soient pris en charge, en termes d'accompagnement social, par le conseil général, alors que c'est la région qui perçoit les crédits dédiés à la formation. Ce cloisonnement a contraint certaines personnes à rester en situation d'insertion sociale, se refusant à aller vers l'emploi alors qu'elles en avaient pourtant les compétences et les capacités.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Chez Korian, nous avons beaucoup utilisé la VAE mais cette voie de promotion sociale risque de se tarir, dans la mesure où je n'ai plus la possibilité, aujourd'hui, d'embaucher des agents de services hospitaliers (ASH). Les tutelles me l'interdisent.

M. Claude Jeannerot, président . - La VAE a aussi magnifiquement fonctionné pour le recrutement des auxiliaires de vie, notamment.

M. Ronan Kerdraon . - Dans le rapport que vous avez publié, comment appréhendez-vous le positionnement de proximité entre les agences de Pôle emploi, les élus locaux et les spécialistes de l'insertion et de la formation professionnelles ? Comment articuler l'action de Pôle emploi, des missions locales, des régions, des maisons de l'emploi et des départements, sur le terrain ? Et quel cahier de charges établiriez-vous pour la mise en oeuvre de partenariats efficaces, entre tous ces acteurs ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - J'aimerais que vous nous parliez du groupe Korian, sur lequel je n'ai aucune information.

Je souhaiterais par ailleurs souligner que l'accès à la formation est incontestablement difficile pour certains types d'emplois, comme ceux ayant trait à l'aide à domicile, ou les emplois d'auxiliaires de vie sociale (AVS). Je suis actuellement rapporteur d'un groupe de travail sur la situation des AVS dans le monde de l'éducation et force est de reconnaître qu'il n'existe pas vraiment de formation qualifiante, à l'heure actuelle, permettant l'accès à ce type de profession.

S'agissant des formations ayant trait aux secteurs sociaux et médico-sociaux, pensez vous que les méthodes mises en oeuvre soient transposables à tous les métiers ? Et considérez-vous qu'il faille obliger les Opca à conclure des partenariats, dans la mesure où ces organismes sont souvent réfractaires à initier de telles démarches ? Enfin, comment pourrions-nous coordonner l'action des organismes de formation présents sur un même territoire, qui sont le plus souvent en situation de concurrence à l'heure actuelle ?

M. Jean Desessard . - L'éducation nationale ne parvient pas à intégrer certaines catégories de jeunes, qui échouent ensuite à des concours de recrutement comportant des épreuves de culture générale. Il conviendrait de trouver une solution à ce type de problèmes, dans la mesure où nous ne pouvons tolérer que des personnes, qui seraient par ailleurs tout à fait aptes à exercer telle ou telle fonction, soient ainsi écartées de l'emploi.

S'agissant de la proposition faite par Mme Rose-Marie Van Lerberghe dans son intervention, je ne suis pas certain qu'il soit utile de désigner un référent social, en plus d'un référent professionnel, pour les demandeurs d'emplois présents sur le marché du travail.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Je n'ai pas fait cette proposition pour l'ensemble des demandeurs d'emploi, mais seulement pour les personnes en très grande difficulté.

M. Jean Desessard . - Même si votre proposition se cantonne à ce type de publics, je ne suis pas certain de partager votre point de vue, sur la pertinence d'un tel dispositif.

Comment les Opca repèrent-ils les formations débouchant immédiatement sur des emplois et font-ils réellement cet effort de repérage ? Plus globalement, ne pourrions-nous pas identifier toutes les sources de blocages contrariant la mise en oeuvre de formations adaptées, pour des secteurs pourtant jugés « en tension » ?

Mme Jacqueline Alquier . - Quid de la formation des conseillers d'orientation ? Ont-ils une bonne connaissance des réalités économiques locales ?

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - J'ai lu votre rapport et j'ai été frappé par le fait qu'il y est peu question des collectivités locales. Vous ne mentionnez pas les communautés d'agglomération, les communautés urbaines ou les communautés de communes, alors que la première des missions que ces structures sont censées remplir relève bel et bien de la sphère économique. Elles sont également parties prenantes dans la mise en oeuvre de la politique de la ville, dont l'insertion par l'économique constitue l'un des aspects.

Mme Valérie Létard dénonçait tout à l'heure les effets négatifs du fonctionnement « en tuyaux d'orgue », qui est encore trop souvent le nôtre, à l'heure actuelle. Mais comment pourrions-nous le contourner, sur le terrain, si ce n'est en recourant à l'action des collectivités locales, lesquelles ont certes encore quelque difficulté à se coordonner ?

Certains secteurs sont « en tension » et des expériences sont menées, avec plus ou moins de succès, pour faciliter le recrutement de candidats sur ce type de postes. Il existe également certains gisements d'emplois, qui ne sont encore pas exploités à ce jour. Je citerai ici l'exemple des « emplois verts » ou des emplois de services, susceptibles d'être développés par les collectivités territoriales. Celles-ci sont en capacité d'amener vers l'emploi des publics en difficulté, en mettant en place des structures d'insertion appropriées.

Il conviendrait également de favoriser la coordination entre les régions, les départements et les communes et intercommunalités, qui fait aujourd'hui encore trop souvent défaut. Cela constituerait en effet l'une des clés de l'évolution du service public local en matière d'emploi.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Il y a tellement de partenaires possibles qu'il faut tout de même choisir entre les différents acteurs en présence. Au sein de notre commission, nous avons réfléchi aux conditions de réussite des partenariats mis en oeuvre sur le terrain.

De manière générale, l'administration est trop centralisée dans notre pays. Pour être plus précise, nous nous trouvons confrontés à une situation que je qualifierai de binaire : soit nous pêchons par un excès de centralisation, en promulguant une loi, un décret, une instruction de quatre-vingts pages, et nous entretenons ensuite l'illusion que ces dispositions seront appliquées ; soit les acteurs en présence sont livrés à eux-mêmes et font ce qu'ils veulent, avec des contrôles insuffisants.

Dans le secteur public, à l'inverse de ce qui se passe dans la sphère privée, les personnes ont trop souvent le sentiment de pouvoir agir en toute liberté, simplement parce qu'elles ont reçu délégation pour telle ou telle tâche. En tout état de cause, être responsable d'une mission ne signifie pas que l'on puisse travailler sans rendre compte à sa hiérarchie des différentes étapes franchies dans la mise en oeuvre d'un processus donné.

Lorsque je dirigeais l'AP-HP, qui emploie 93 000 personnes et compte trente-neuf hôpitaux, j'ai pu constater que les notions de « délégation » et de « subsidiarité » étaient mal comprises, à tel point que la plupart des établissements s'étaient dotés de systèmes informatiques différents...

Il est navrant de constater que toutes les bonnes volontés et les compétences qui s'expriment, au niveau local, ne permettent pas de progresser plus rapidement, eu égard aux résistances statutaires et aux cloisonnements à l'oeuvre dans la sphère publique. Ceci explique d'ailleurs que j'ai fait le choix, à titre personnel, de revenir dans le secteur privé, estimant que celui-ci m'offrait davantage de possibilités de faire avancer toutes ces thématiques liées à l'emploi.

Le groupe Korian, que je dirige actuellement, se situe en aval de l'hôpital. Un tiers de notre activité concerne les cliniques de soins de suite et de réadaptation, les deux tiers restants relèvent des établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Dans les débats auxquels nous assistons à l'heure actuelle sur la prise en charge des personnes âgées, il semble primordial de garder à l'esprit que l'un des gages de réussite d'une telle démarche consistera à permettre à l'ensemble des acteurs de la filière de soins de travailler ensemble. Le défi que nous avons à relever est ainsi tout autant humain que financier.

Je dirigeais l'AP-HP au moment de la canicule. Je venais tout juste d'arriver et j'ai pu constater alors la mobilisation exemplaire des personnels, durant cette période difficile. Confrontés à un événement d'une telle ampleur, ils ont été contraints de se surpasser et de travailler en étroite collaboration, surmontant du même coup le cloisonnement habituel de leurs différents métiers. Cette organisation particulièrement performante, qui a pu être mise en oeuvre sous la pression, devrait pouvoir être reproduite en dehors des périodes de crise, en recourant à des modes de management adaptés. Il conviendrait en outre de permettre à l'ensemble des acteurs d'échanger, afin de surmonter les préjugés et la méfiance réciproque que j'ai pu constater, par exemple entre les personnels hospitaliers et ceux des Ehpad.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - A n'en pas douter, l'absence de mutualisation des bonnes pratiques pose un problème dans notre pays. Nous sommes par ailleurs loin d'avoir exploité tous les gisements d'emplois existants, notamment dans le secteur de la restauration. Ce dernier, comme bien d'autres, reste ainsi en tension depuis de nombreuses années déjà, et cette situation risque de perdurer. Outre la pénibilité et les bas salaires, attachés à ce type de métiers, il conviendrait de revoir l'organisation des filières de formation donnant accès aux emplois de ces secteurs en tension. A cet égard, Pôle emploi aura sans doute un rôle important à jouer pour « déverrouiller » l'accès à ces professions. Enfin, loin d'avoir atteint son efficacité maximale, le réseau de partenariats devra quant à lui être renforcé.

M. Jean Desessard . - Comment résumeriez-vous, en une phrase, les idées que vous venez de nous exposer ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe . - Je n'aurai qu'un mot d'ordre : « Libérez les initiatives de terrain ! ».

Lorsque j'étais déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, j'avais proposé de globaliser les différentes aides à l'emploi. Nous avions alors lancé une expérimentation en ce sens, dans le cadre d'une collaboration entre la direction du travail, l'Afpa et Pôle emploi. Nous avions alors favorisé la fongibilité des crédits, pour mieux répondre aux besoins identifiés sur le terrain, et un directeur régional m'avait créditée de ce très beau compliment, déclarant que j'avais su « libérer l'intelligence ». Néanmoins, en dépit de l'efficacité d'un tel dispositif, à la première hausse du chômage venue, la fongibilité a été contestée.

Je ne doute pas que la plupart des fonctionnaires de notre pays soient d'excellente qualité. Il n'en reste pas moins que le mode d'organisation administratif qui est aujourd'hui le nôtre ne correspond plus à la complexité du monde actuel. Tout semble plus simple aujourd'hui dans la sphère privée et je préfère pour ma part déléguer un certain nombre de responsabilités à mes collaborateurs directs, plutôt que de prétendre tout contrôler. Il me semble beaucoup moins grave d'avoir à réparer certaines erreurs de mes subordonnés, lorsque ceux-ci en commettent, plutôt que de m'épuiser à tout faire toute seule, avec un risque d'erreur bien plus important encore !

Audition des représentants des organisations syndicales
représentatives du personnel de Pôle emploi
(mardi 29 mars 2011)

Sous la présidence de M. Serge Dassault, vice-président , la mission commune d'information procède à une table ronde avec les organisations syndicales représentatives du personnel de Pôle emploi : Mme Colette Pronost, déléguée syndicale centrale et M. Jean Charles Steyger, membre du bureau national du Syndicat national unitaire - Fédération syndicale unitaire (SNU-FSU) , MM. Fabien Milon et Sébastien Socias, membres de la délégation nationale de Force ouvrière (FO), M. Rubens Bardaji, délégué syndical central adjoint de la Confédération générale du travail (CGT) , Mme Sandrine Etienne et M. Christian Fallet, délégués syndicaux centraux de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et Mme Suzie Petit, déléguée syndicale centrale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) .

M. Serge Dassault , président . - Nous accueillons cet après-midi les représentants de cinq organisations syndicales représentatives du personnel de Pôle emploi. Nous souhaitons connaître votre avis sur la manière dont s'est déroulée la fusion entre l'ANPE et les Assedic et sur le fonctionnement actuel de Pôle emploi. Le rapporteur, M. Jean-Paul Alduy, vous a fait parvenir un questionnaire qui précise certaines de nos interrogations : quel regard portez-vous sur la manière dont s'est déroulée cette fusion ? Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? Ont-elles toutes été résolues de manière satisfaisante ? Quels problèmes demeurent en suspens ?

Mme Colette Pronost (SNU-FSU) . - Le chômage étant la première préoccupation des Français, il est essentiel pour nous de rencontrer des parlementaires, afin de pouvoir échanger sur la création de cet opérateur public. Nous avons eu connaissance de cette mission d'information et nous vous avons fait déjà parvenir un courrier soulevant certaines interrogations que nous souhaitions partager avec vous.

S'agissant des conditions de mise en oeuvre de la fusion, le calendrier s'est avéré extrêmement court. La loi relative à la création de Pôle emploi date du 13 février 2008. La mise en place de l'instance nationale provisoire s'est effectuée en mars 2008. Les instances représentatives du personnel communes ont été mises en place entre juillet et décembre 2008.

Quatre rapports ont guidé la mise en place de cette nouvelle institution, ceux de MM. Jean-Marc Boulanger, Dominique Tian et Serge Dassault et celui de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). Au total, la fusion a été opérée en douze mois et le contexte politique de la campagne pour l'élection présidentielle a précipité le processus.

La fusion a touché 30 000 agents de l'ex-ANPE, 15 000 salariés des ex-Assedic et 300 salariés de l'Unedic.

De notre point de vue, la loi reste perfectible. Celle-ci a défini Pôle emploi comme une institution sui generis . Plus tard, fait essentiel, elle a été reconnue par décret comme un établissement public à caractère administratif. Le directeur général a été chargé de mettre en place l'instance nationale provisoire et de négocier la nouvelle convention collective nationale. Mais la loi prenait insuffisamment en compte deux tiers des agents, issus de l'ex-ANPE, relevant d'un statut public. En outre, le comité consultatif paritaire national (CCPN) avait disparu, et seules subsistaient les commissions paritaires locales et les commissions paritaires nationales, ce qui a compliqué le transfert des personnels et, plus largement, le dialogue social.

M. Jean-Charles Steyger (SNU-FSU) . - De toute évidence, notre organisation syndicale ne peut vous fournir une analyse des conditions de la fusion aussi positive que celle qui a été apportée par le directeur général, lors de son audition au Sénat.

Nous avons scrupuleusement relu l'ensemble des auditions que vous avez menées, en particulier celle de M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi. De notre point de vue, celui-ci a énoncé maintes contre-vérités, à la fois sur la situation sociale au sein de l'opérateur et sur la situation des demandeurs d'emploi. Le souci permanent, pour notre organisation syndicale, a toujours consisté à négocier les meilleures conditions de mise en oeuvre de la fusion pour le personnel et à faire en sorte que cette fusion permette un saut qualitatif pour les demandeurs d'emploi et les entreprises.

S'agissant des choix qui ont été effectués et du calendrier qui a été décidé, le bilan s'avère catastrophique, sur le plan opérationnel. Politiquement, une intention a été manifestée. Or, le rapprochement de 50 000 salariés répartis dans 1 700 sites immobiliers, aux cultures différentes, ne peut s'opérer sans causer de dégâts.

Nous avons une pensée pour les collègues qui ont trouvé la mort lors des opérations de fusion : comme vous le savez, de la souffrance s'est manifestée et des suicides ont eu lieu. Nous avions d'ailleurs été auditionnés au Sénat, l'an dernier, sur le mal-être au travail des personnels de Pôle emploi et nous vous avions déjà alerté sur ce problème. A votre initiative, nous revenons aujourd'hui vers vous, en souhaitant que la situation évolue. En effet, depuis un an et demi, rien n'a changé dans le domaine des risques psychosociaux, de la santé et de la sécurité des agents de Pôle emploi, qui se trouvent dans une situation extrêmement tendue, n'en déplaise à M. Christian Charpy. Il convient donc que l'exercice démocratique constitué par cette table ronde soit utile pour les citoyens, pour l'opérateur et pour les agents.

La loi qui a été votée a, bien sûr, fait l'objet d'un aller et retour entre les deux chambres. Une commission mixte paritaire a opéré un important travail d'amendements. Cependant, cette loi reste extrêmement imparfaite. Pôle emploi, institution sui generis , fonctionne tantôt comme un établissement public, tantôt comme une entreprise privée. Alors que la loi lui avait conféré six missions, il n'en exerce réellement que trois. Il convient donc que vous fassiez appliquer les lois que vous adoptez.

Dans ce texte de loi, les incertitudes restent si importantes qu'elles laissent une grande marge d'interprétation à la direction, au gouvernement et au Conseil d'Etat. Un important contentieux s'est d'ailleurs développé. Il appartient au tribunal de grande instance de traiter les affaires relatives à Pôle emploi, et non au tribunal administratif, comme cela nous est affirmé.

Par ailleurs, la convention collective et le droit d'option ne sont pas faciles à mettre en place. Un mélange a été opéré entre une institution nationale publique, l'ANPE, et un organisme de gestion de droit privé correspondant à une partie de l'Unedic. De toute évidence, cette fusion suscite de grandes difficultés.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Vos propos, semblent-il, englobent deux sujets, une analyse générale qui n'est pas forcément partagée, et des points concrets de dysfonctionnement, que vous avez commencé à évoquer. Je vous propose que chacun puisse d'abord exprimer son analyse générale de la situation, avant d'évoquer les dysfonctionnements par rapport auxquels des améliorations doivent être demandées.

M. Jean-Charles Steyger (SNU-FSU) . - D'une part, il convient de souligner que Pôle emploi se cherche encore, alors que les élections de 2012 se rapprochent. D'autre part, une exigence de dialogue, d'échanges et de discussions s'impose à tous les niveaux, avec les parlementaires, avec les territoires et avec les interlocuteurs qui assument des charges ou des responsabilités dans le champ de la formation, de l'orientation et de l'emploi au sens large, notamment les maisons de l'emploi.

M. Fabien Milon (FO) . - En ce qui concerne Force Ouvrière, notre organisation rappelle qu'elle s'est montrée, à l'échelle confédérale, opposée à la fusion qui pose un problème majeur de démocratie, puisqu'elle associe le donneur d'ordre et le payeur. Par ailleurs, Force Ouvrière considérait le rôle de l'ANPE, en tant que service public, comme indispensable, bien qu'elle ait vu d'un mauvais oeil sa création, en 1967. A cette époque, notre fédération avait considéré que la création de cet organisme empiétait sur les prérogatives du régime d'assurance chômage, relevant du champ du paritarisme.

Deux entités bien différentes ont été mariées, même si toutes les deux s'occupent des chômeurs. De nombreuses difficultés en découlent. Le problème majeur réside dans le fait que la loi du 13 février 2008 a institué un établissement sui generis . En tant que représentants du personnel, nous nous retrouvons confrontés à une direction qui jongle entre le droit privé, quand cette première option l'arrange, et le droit public quand cette seconde option lui convient mieux.

Salarié du secteur privé depuis le début de ma carrière, cette situation me préoccupe profondément. Des règles doivent être édictées de façon à garantir l'emploi et les contours de l'activité d'un agent salarié, en termes de rémunération et de conditions de travail. Certes, des avancées sont constatées et Force Ouvrière a, par exemple, signé la convention collective. Pour autant, d'autres dossiers font l'objet d'accrochages importants avec la direction, notamment celui de la retraite complémentaire. La loi stipulait clairement que les salariés de droit privé resteraient affiliés à l'Agirc-Arrco, de même que les nouveaux embauchés. Or, il a été décidé que l'ensemble des salariés seront transférés, dans des conditions très floues, à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec). Et les premières indications fournies montrent que les agents de droit privé perdront un certain nombre des garanties que leur conférait l'Agirc-Arrco.

L'évolution des métiers au sein de Pôle emploi, associée à la confusion entre le donneur d'ordre et le payeur, posent également un problème majeur. En témoignent les difficultés auxquelles la direction est confrontée pour mettre en place l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID), chaque agent devant apprendre le métier de l'autre.

M. Sébastien Socias (FO) . - Pôle emploi se porte mal, les agents de Pôle emploi ne vont pas bien et par conséquent, le service est malmené, comme les médias le montrent régulièrement.

Dès l'origine, le processus a été mal engagé. La création de Pôle emploi répond à une commande politique. Elle a associé deux entités qui délivraient des services complémentaires tout en relevant de cultures différentes. Aujourd'hui, les problèmes internes de Pôle emploi créent forcément des difficultés pour les usagers, qu'il s'agisse des demandeurs d'emploi ou des entreprises.

Pôle emploi comporte cinq catégories de personnels : les ex-agents du régime d'assurance chômage, les ex- agents de l'ANPE qui relèvent toujours du statut public institué en 2003, les ex-agents de l'ANPE qui ont opté pour la convention collective, les nouveaux recrutés qui relèvent eux-aussi de la convention collective et les collègues de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) qui nous ont rejoints.

Parmi les aberrations caractérisant les ressources humaines, des collègues sont actuellement chargés d'embaucher des personnes en CDI au sein de Pôle emploi, alors que leur propre contrat s'achève bientôt. Cette anecdote nous a été rapportée par une collègue qui en avait les larmes aux yeux. Ces personnes, que l'on renvoie s'inscrire comme demandeurs d'emploi, possèdent pourtant les « habiletés » requises pour aider les demandeurs d'emploi à retrouver un poste, pour reprendre le langage utilisé dans le cadre de la méthode de recrutement par simulation (MRS).

M. Rubens Bardaji (CGT) . - La CGT considère que la création de Pôle emploi a porté atteinte au service public et à un système de protection sociale qui consistait en la gestion, par les représentants des salariés, d'une partie du salaire différé.

D'emblée, la création de Pôle emploi a contribué à la dilution du service public de l'emploi. L'Etat s'est réapproprié une mission qui avait été déléguée aux partenaires sociaux. Dans tous les cas, cette situation conduit à mettre à mal les droits des demandeurs d'emploi et les statuts et les qualifications des personnels concernés, qu'il s'agisse des personnels issus de l'ANPE, agents non-titulaires de l'Etat sous contrat avec un établissement public à caractère administratif, ou des personnels de l'assurance chômage, régis par le droit privé dans le cadre d'une convention collective nationale que l'ensemble des organisations syndicales avaient élaborée.

Actuellement, cet établissement public à caractère administratif applique les règles de la comptabilité privée. La mission de service public qui avait été confiée aux partenaires sociaux a été récupérée pour être gérée par la puissance publique, alors même que l'Unedic se trouve privée des moyens de mettre en oeuvre sa politique. Il s'agit d'un système où des notions fortes ont volé en éclats : le paysage institutionnel dans lequel les droits des demandeurs d'emploi pouvaient être ouverts et garantis par l'existence de personnels qualifiés est remplacé par de la fragilité et de la précarité.

Cette situation est éminemment inconfortable pour les personnels comme pour les usagers de Pôle emploi. Elle crée notamment, pour les demandeurs d'emploi, une extraordinaire opacité en matière de voie de recours contre les décisions de radiations dont ils peuvent faire l'objet. Cette opacité, cette instabilité, cette difficulté à accéder au droit sont la marque de fabrique de Pôle emploi.

Il y a donc urgence à recréer des points de repère extrêmement forts afin que l'accès aux droits soit garanti, pour les populations comme pour les agents. Or telle n'est pas la direction suivie par les pouvoirs publics et par la direction générale. Au contraire, la tentative de mettre en oeuvre, à marche forcée, l'EID porte une attaque puissante au maintien et à l'amélioration des qualifications des personnels.

Nous ne pouvons nous contenter de la mise en place d'un établissement qui se contenterait de réaliser des missions a minima . Bien au contraire, la CGT souhaite que les missions de Pôle emploi soient assurées pour répondre aux attentes des usagers. Les personnels sont recrutés sous contrat de droit privé, et non par concours, et les relations collectives du travail sont régies par le code du travail. Des institutions représentatives du personnel, comité central d'entreprise et comité d'établissement, ont été créées en lieu et place des organismes consultatifs de droit public dont sont dotés les établissements publics de l'Etat, en application du statut général des fonctionnaires.

Dans ce contexte de précarité et de fragilité, le directeur général, lorsqu'il prépare un projet, peut décider de ne pas le soumettre à l'avis des représentants du personnel, en considérant qu'il s'agit d'une décision de puissance publique, et donc d'une décision unilatérale de l'employeur. En outre, le cas échéant, il peut faire reconnaître par la justice que cette décision ne relève pas du tribunal de grande instance mais de la justice administrative. Autrement dit, les salariés sont privés du droit de porter un point de vue sur les projets d'organisation des services dans lesquels ils sont employés.

Habituellement, dans la fonction publique, le comité technique paritaire est consulté sur tout projet de décret relatif à l'organisation des services ou au statut des personnels. Or, Pôle emploi ne comporte pas de comité technique paritaire. Cette situation curieuse est éminemment inconfortable, à tous points de vue. Il est urgent de la stabiliser. Pour cela, il faut préciser les règles qui doivent régir une mission de service public rendue par un établissement public à caractère administratif.

Mme Sandrine Etienne (CFDT) . - La CFDT tient à saluer la mise en place de cette mission, deux ans après la création de Pôle emploi. Vous souhaitez identifier les dysfonctionnements et les points de blocage dans l'organisation et le fonctionnement de Pôle emploi, en associant à vos travaux les personnels de Pôle emploi et les partenaires sociaux, ce qui nous convient parfaitement. Vous envisagez également d'étudier l'organisation du service public de l'emploi par bassin d'emploi, afin de vérifier si les objectifs initiaux de la fusion, qui visait à simplifier les démarches et améliorer le service rendu aux usagers, ont été atteints. Pour mieux appréhender l'organisation territoriale du service public de l'emploi, la CFDT vous suggère d'étudier l'organisation d'un bassin d'emploi retenu dans le cadre de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle (CTP), comme celui de Charleville-Mézières, dans la vallée de la Meuse, où le taux de chômage avoisine 13 %.

M. Christian Fallet (CFDT) . - La CFDT a souvent été perçue comme une organisation ayant souhaité la fusion. Plus précisément, dans le cadre d'une simplification et d'un meilleur accès aux services rendus par l'ex-ANPE et les ex-Assedic, notre confédération a souhaité que Pôle emploi fonctionne convenablement. Or, force est de constater, en tant que représentants du personnel, que la manière dont s'est construit Pôle emploi suscite de fortes déceptions.

La fusion a bouleversé le personnel et entraîné une perte d'identité. Le personnel de droit privé s'est trouvé engagé dans un système relevant de la fonction publique et le personnel du secteur public, dans le secteur privé. Différentes questions restent à résoudre. Pour de nombreux collègues, l'ouverture au métier de l'autre reste encore une difficulté. Pourtant, la CFDT considère que cette possibilité doit être donnée aux personnels. L'EID pourrait constituer une chance, si les agents étaient formés de manière efficace. Un salarié ne peut être contraint à évoluer vers un métier pour lequel il n'a pas été embauché, même si une bonne partie du personnel s'avère capable d'acquérir une « double compétence ».

Selon l'enquête lancée par la CFDT, la première demande d'un demandeur d'emploi, lorsqu'il franchit les portes de l'agence, porte sur les ressources dont il pourra disposer. Dans ce contexte, quel est le sens de la mission de l'agent ? Le personnel de Pôle emploi, à l'issue d'une formation très courte, est amené à fournir quelques réponses rapides et limitées sur les droits des usagers. Comment un demandeur d'emploi, ayant éventuellement fait l'objet d'une radiation, pourrait-il s'en contenter ? L'agent se retrouve dans l'incapacité de répondre à des attentes très fortes. Cette situation produit une perte de sens.

La CFDT considère avant tout que Pôle emploi doit mieux fonctionner. D'ailleurs, la confédération n'est pas si mécontente que le personnel de droit privé soit assujetti au code du travail et que les instances représentatives du personnel soient de droit privé. En effet, cette organisation donne du sens au travail d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui acquièrent ainsi une marge d'action supplémentaire.

Au total, la fusion s'est opérée dans des délais courts. Il a fallu concevoir des sites mixtes, en toute hâte. Le personnel s'est trouvé affecté en plusieurs lieux au long d'une même journée. Des dossiers ont été égarés. Des reportages éloquents ont montré des agents aussi perdus que les demandeurs d'emploi.

Il convient d'aménager des bureaux qui respectent la confidentialité du demandeur d'emploi lorsqu'il évoque sa vie personnelle, par exemple avec un psychologue du travail, amené à lui poser des questions extrêmement précises. Actuellement, ces personnes sont reçues dans des locaux ouverts à tout vent, ce qui peut conduire à des réactions d'agressivité. Des dysfonctionnements informatiques, liés aux évolutions permanentes du système, rendent plus complexes les démarches de l'usager. La liquidation des dossiers de demandeurs d'emploi, quoiqu'en dise M. Christian Charpy, s'effectue à coups d'heures supplémentaires, souvent de façon approximative, sans respecter complètement les stipulations de la convention d'assurance chômage.

L'objectif affiché consiste à suivre de manière personnalisée le demandeur d'emploi. Mais doit-il s'agir obligatoirement d'un suivi mensuel, alors que les demandeurs d'emploi ne présentent pas tous les mêmes besoins ? Certaines personnes nécessitent un suivi plus fréquent, d'autres peuvent, dans une large mesure, s'organiser seules pour leur recherche d'emploi. Or le système fonctionne comme s'il s'agissait simplement de remplir des statistiques. Quel est le sens, dans ce contexte, de la mission de l'agent de placement ? Il nous paraît essentiel que le suivi des demandeurs d'emploi soit véritablement personnalisé. Quant à la charge des portefeuilles confiés aux agents, cette question tend à devenir une antienne.

M. Serge Dassault , président . - Je vous remercie et je note que vous êtes, dans le contexte de cette table ronde, le seul intervenant dont l'intervention ait débuté par des inquiétudes sur le sort des demandeurs d'emploi, et non sur la situation des personnels.

Mme Suzie Petit (CFE-CGC) . - L'attention portée aux demandeurs d'emploi, pour bien connaître mes collègues, était sous-jacente dans leurs propos.

En ce qui concerne le choix de la fusion, la CFE-CGC ne s'est pas posé la question en ces termes : la loi a été promulguée, il faut maintenant avancer, dans l'intérêt des demandeurs d'emploi et des personnels.

Lorsqu'une maison est construite, des plans sont élaborés, des fondations sont bâties, puis des murs et une toiture. A Pôle emploi, les différents chantiers ont commencé en même temps. A peine les plans étaient-ils conçus que des murs étaient montés, voire un début de charpente et ceci, en l'absence de fondations. L'objectif consistait à offrir aux demandeurs d'emplois, trimbalés d'un lieu à l'autre, l'ensemble des services dans un même site, et à leur proposer un accompagnement susceptible de leur permettre un retour plus rapide à l'emploi.

Or, une fois la loi promulguée, nous nous sommes retrouvés face à une grande impréparation. Un malaise s'est exprimé et, plus grave, il s'exprime toujours. Parfois, lorsqu'un demandeur d'emploi attend une réponse à ses interrogations et demande, au sein de Pôle emploi, à quel interlocuteur il doit s'adresser, l'agent reste incapable de lui répondre. Au niveau régional, bien souvent, des collègues interrogent les services de ressources humaines au sujet du droit d'option. Or le téléphone sonne dans le vide et si leur appel est finalement intercepté, aucune réponse précise n'est fournie.

Au total, Pôle emploi donne encore l'impression d'un vaste chantier. Certes, la fusion des différents services en un même site constituait une bonne idée. Cependant, au-delà du contexte de la crise, ces ambitions n'ont pas été accompagnées par des moyens suffisants et aucune priorité n'a été établie. L'implantation de sites uniques, la mise en place de l'EID et le démarrage du logiciel informatique Neptune, qui a placé des régions entières dans d'immenses difficultés, ont débuté en même temps. Notre organisation syndicale, sans s'opposer au principe de la fusion, a demandé que l'on prenne le temps de la réflexion, afin de cerner les dysfonctionnements de Pôle emploi. Or cette option n'a pas été retenue, au risque d'aller dans le mur.

La chance de Pôle emploi, c'est son personnel. Certes, le service rendu aux usagers et aux entreprises n'est pas complètement à la hauteur des attentes, mais le personnel fait le maximum, compte tenu des moyens limités dont il dispose. Les agents ont le sens du service public et du service rendu à l'usager et permettent à Pôle emploi de fonctionner. Cependant, au cours d'une seule journée, les agents reçoivent des ordres et des contre-ordres, les priorités évoluent continuellement : ils ne savent plus quelles sont leurs missions, comment les effectuer, ce qui entraîne une perte de sens et de compétences. Une telle situation ne peut perdurer. Dans un contexte où les règles ne cessent d'évoluer, nos collègues souffrent de problèmes de santé au travail. Le fonctionnement de Pôle emploi ne peut continuer à se dégrader ainsi.

L'offre de services doit devenir plus stable et lisible, tant sur le plan externe que sur le plan interne. Des priorités doivent être énoncées. Certains chantiers doivent probablement être remis à plus tard. Pour cet établissement de 50 000 personnes, l'enjeu peut bel et bien se définir comme un changement de culture, la rencontre du public et privé. Dans dix ans, nous pourrons peut-être parler de culture commune. Cependant, beaucoup de dégâts auront été faits auparavant. La réflexion relative à l'impact de la fusion sur les conditions de travail et les changements induits pour les personnels doit être placée au coeur du projet. A défaut, Pôle emploi ne fonctionnera pas correctement.

Mme Annie David . - Je vous remercie, mesdames et messieurs, pour cette première présentation. Nous avons bien entendu les difficultés auxquelles sont confrontés les agents de Pôle emploi, les demandeurs d'emploi et les entreprises. L'an dernier, les syndicats de Pôle emploi avaient été auditionnés par la mission d'information relative au mal-être au travail qui a publié un rapport comportant d'intéressantes propositions, malheureusement pas encore suivies d'effets, ce que je déplore.

Vous avez évoqué la perte de sens à laquelle sont confrontés les personnels de Pôle emploi, qui reçoivent des instructions contradictoires. Au-delà des clivages suscités par les différents métiers, les personnels sont confrontés à certaines situations de précarité et à l'annonce de 1 800 suppressions de postes. Qu'en pensez-vous ? Avez-vous des propositions à formuler pour l'organisation future des sites, afin que les agents puissent retrouver le sens du service rendu aux usagers, quels qu'ils soient ?

Mme Colette Pronost (SNU-FSO) . - L'insuffisance des moyens humains a un impact direct sur le service rendu aux usagers qui constitue, pour l'ensemble des organisations syndicales ici présentes, un objectif prioritaire.

A la suppression annoncée de 1 800 postes s'ajoute le non-remplacement des salariés qui partiront prochainement en retraite. Contrairement à certaines affirmations, nous sommes assujettis à la révision générale des politiques publiques (RGPP), ce qui ne suscite guère d'espoir pour les mois à venir. En outre, la crise économique perdure, le taux de chômage augmente. Le gouvernement a mis en place le plan « Rebond pour l'emploi » puis le plan destiné aux chômeurs de longue durée sans allouer de moyens humains supplémentaires. Les locaux ne sont pas adaptés puisque nous assistons à la disparition d'antennes, en dehors de toutes négociations avec les représentants du personnel et les élus locaux. Le projet « Repere » définit de manière globale la mise en place de Pôle emploi et son organisation dans les mois à venir, y compris son organisation territoriale. Or, ce projet est déployé sans aucune discussion préalable. Nous attendons toujours que sa présentation soit effectuée au sein du comité central d'entreprise.

Quant à la perte de sens au travail, celle-ci a fait l'objet d'une alerte immédiate. Les remontées de terrain provenaient de collègues appartenant à des équipes différentes. Le rapport annuel rendu par le Médiateur de la République évoque les dommages collatéraux qui ont été engendrés par certaines réformes précipitées. Des fusions, comme celle de Pôle emploi, sont notamment citées. Selon ce rapport, les agents ont dû, tout en gérant l'accompagnement de 3,5 millions de chômeurs, « absorber et s'approprier en urgence de nouvelles pratiques, sans cadre spécifique et sans accompagnement adapté » . Pour quel résultat ? « Ce sont les usagers qui font les frais de cette absence de pédagogie de la décision et de défaillances managériales et/ou technologiques. Ce sont les agents qui sont injustement stigmatisés » . Ce texte résume l'ensemble du problème, même si des développements s'avèrent nécessaires.

M. Serge Dassault a indiqué, dans son rapport de 2008 sur la fusion ANPE-Assedic, que Pôle emploi devrait recruter plus de 20 000 personnes pour atteindre le ratio de soixante demandeurs d'emploi suivis par un conseiller. De notre point de vue, cette analyse reste pertinente. Pour que nous puissions rendre le meilleur service, nous devons conserver nos compétences et nos missions.

Nous refusons d'ailleurs que le placement se substitue à l'accompagnement, car ces deux termes recouvrent des réalités très différentes. Comme l'a rappelé mon collègue de la CFDT, la première préoccupation des demandeurs d'emploi, lors de leur inscription, porte sur les ressources dont ils disposeront pour nourrir leur famille à la fin du mois. Cette priorité doit être traitée avant toute démarche pour accompagner le demandeur d'emploi. C'est pourquoi nous sommes opposés à l'instauration de l'EID. Nous devons chacun conserver la maîtrise de nos compétences.

En outre, il importe de simplifier les démarches des demandeurs d'emploi et des entreprises, et de recevoir physiquement les usagers. L'instauration de services à distance a constitué une véritable catastrophe. La mise en place des centres d'appels « 39 95 » et « 39 49 » déshumanise complètement la relation aux usagers et fragilisent les collectifs de travail. Comme divers expertises et rapports l'ont montré, cette situation suscite des risques psychosociaux majeurs.

M. Serge Dassault , président . - Je vous remercie pour cette intervention. Pour ma part, je suis favorable, sur le principe, à l'augmentation des effectifs de Pôle emploi afin de mieux recevoir des demandeurs d'emploi toujours plus nombreux et de les aider à retrouver le plus rapidement possible du travail. En tant que rapporteur du budget de l'emploi, j'avais notamment demandé une augmentation des crédits en faveur de l'insertion des jeunes, mais je n'ai pas été suivi.

M. Ronan Kerdraon . - Au moment de la fusion, l'objectif affiché consistait à offrir aux demandeurs d'emploi un service plus réactif et plus efficace.

Or cette fusion ressemble à un mariage forcé. Il ne faut donc pas s'étonner que des difficultés apparaissent dans la vie commune. Les constats que vous effectuez apparaissent très différents de la vision idyllique qui a été présentée par M. Christian Charpy lors de son audition. Puisque vous déplorez une perte de sens au sein de Pôle emploi, pouvez-vous préciser quels sont les objectifs réellement affichés ? Quels moyens doivent-ils leur être alloués ?

Par ailleurs, j'ai été surpris de constater, dans le département des Côtes-d'Armor dont je suis l'élu, que Pôle emploi secrète en son sein la précarité de ses agents. Ainsi, après avoir enchaîné sept contrats aidés, une salariée de Pôle emploi a été remerciée. Certaines personnes sont titularisées, tandis que d'autres se voient proposer un emploi d'auxiliaire de vie sociale (AVS) au sein d'un collège.

Enfin, en tant que président d'une mission locale, je souhaiterais savoir quelles relations vous entretenez avec vos partenaires du service public de l'emploi.

M. Fabien Milon (FO) . - Une multitude d'exemples pourraient illustrer les incohérences observées à Pôle emploi. D'ores et déjà, nous ne parvenons pas à effectuer correctement nos missions. Bien évidemment, nous y parviendrons encore moins si 1 800 postes disparaissent.

Concernant la formation, nous avons demandé à des volontaires, parmi les agents chargés du placement, de suivre la formation relative à l'indemnisation des chômeurs. Cette formation, étalée sur un trimestre, a été proposée dans plusieurs établissements. Dans la plupart des cas, en dépit du temps et de l'argent investi, aucun tutorat et aucun suivi n'ont été mis en place à l'issue de cette formation et aucun dossier d'indemnisation n'a été confié à ces agents.

L'objectif prioritaire de Pôle emploi semble être la mise en place de l'EID qui relève d'une logique inverse de celle retenue en 1996-1997, lors du transfert de l'inscription des demandeurs d'emploi (IDE) de l'ANPE vers les Assedic. A cette époque, il nous avait été expliqué que ce transfert était logique, les demandeurs d'emploi souhaitant prioritairement être informés sur le montant de leurs allocations. Force Ouvrière, qui s'était opposé au transfert de l'IDE, n'avait pu contrer cet argument.

Aujourd'hui, nous assistons à un retour en arrière : l'EID consiste à inscrire le demandeur d'emploi, à élaborer son projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) et à examiner la recevabilité de sa demande d'allocations, qui est traitée postérieurement.

M. Rubens Bardaji (CGT) . - Au sein de Pôle emploi, on ne parle pas de la suppression de 1 800 postes mais de 1 800 équivalents temps plein (ETP). Cette rationalisation chiffrée déshumanise complètement l'approche de la situation : il ne s'agit plus d'êtres humains mais d'ETP.

Par ailleurs, la première préoccupation d'un demandeur d'emploi concerne bel et bien son indemnisation. Cependant, il faut rappeler qu'actuellement, la moitié des demandeurs d'emploi ne sont pas indemnisés. Nombreux sont les demandeurs d'emploi qui viennent s'inscrire en sachant qu'ils ne toucheront aucune allocation.

Pôle emploi ne crée pas et ne détruit pas d'emploi, sauf en interne et à la marge. Aujourd'hui, le chômage augmente en France parce que les entreprises détruisent plus d'emplois qu'elles n'en créent. Le rôle de Pôle emploi consiste à rapprocher offres et demandes d'emploi.

M. Jean-Charles Steyger (SNU-FSU) . - Le projet « Repere » nous inquiète : dans la perspective du regroupement des sites, environ 800 fermetures sont prévues ; le système de pilotage préconisé vise à l'individualisation et au contrôle de la production. Nous sommes désormais désignés comme des « agents de production ».

La loi d'août 2008 relative à la réforme de la représentativité syndicale a créé des incertitudes en interne. Aujourd'hui, cinq syndicats représentatifs au sens de cette loi, ont été invités au Sénat. Cependant, deux autres syndicats ont été oubliés, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), alors qu'ils ont signé l'ensemble des accords sociaux. Mais chacun d'entre eux a recueilli moins de 8 % des voix du personnel.

Selon M. Christian Charpy, Pôle emploi constitue une branche mono-entreprise. Nous sommes donc invités à négocier des conventions collectives nationales relevant d'une branche mono-entreprise, ce qui pose un problème.

Dans le cadre de la réforme des missions locales, nous nous inquiétons des préconisations contenues dans le rapport de l'Igas de juin 2010, relatif à l'emploi des jeunes dans les zones urbaines sensibles. Nous sommes opposés aux 300 suppressions d'emploi prévues dans le budget des missions locales, au niveau central. L'accompagnement des jeunes s'en trouvera encore dégradé. Or, vous le savez bien, il est impossible d'aborder la problématique de l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle en se limitant à la seule approche économique : une approche globale, notamment sociale, s'avère éminemment nécessaire. Le public de Pôle emploi s'appauvrit, il reste au chômage plus longtemps, et nous n'avons presque rien à lui proposer.

Mme Jacqueline Panis . - S'agissant des missions locales, il convient de rappeler que certaines municipalités ont signé des conventions avec Pôle emploi. Quels sont, selon vous, les aspects positifs ou négatifs de ces conventions ?

Mme Suzie Petit (CFE-CGC) . - Je vais tenter d'apporter une réponse à vos différentes questions.

S'agissant des 1 800 suppressions d'emploi annoncées, bien évidemment, celles-ci sont inopportunes dans le contexte actuel. Pôle emploi contribue ainsi à aggraver la précarité, alors que les agents ne parviennent pas à réaliser l'ensemble de leurs missions. Le recours aux CDD est parfois nécessaire, en cas de départ en congé maternité ou de congé maladie, mais il convient de trouver, en la matière, le juste équilibre.

Quant aux relations de Pôle emploi avec les missions locales, les conventions avec les mairies et les relations avec les entreprises, celles-ci s'effectuent à la marge. La priorité de Pôle emploi est continuellement donnée à l'accueil des demandeurs d'emploi. Si nous voulions travailler sur tous ces chantiers en même temps, nous ne parviendrions à rien.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Que sont devenus les biens immobiliers des Assedic ? Comment le regroupement des sites des Assedic et de l'ANPE a-t-il été effectué ?

Par ailleurs, dans quelle mesure la suppression de postes chez Pôle emploi peut-elle être mise en relation avec le fait que le recouvrement des cotisations d'assurance chômage ne sera plus assuré par Pôle emploi, mais par les Urssaf ?

S'agissant de la cotraitance instituée entre Pôle emploi et Cap emploi, est-il exact qu'un tiers seulement des demandeurs d'emploi handicapés sont envoyés vers ce réseau ?

Enfin, Mme Christine Lagarde avait affirmé que la création de Pôle emploi devait permettre à chaque agent de suivre seulement soixante demandeurs d'emploi. Quelle est la situation à l'heure actuelle ?

M. Rubens Bardaji (CGT) . - En ce qui concerne les implantations de Pôle emploi, les projets de la direction générale visent à passer d'environ 1 800 points d'accueil du public, issus des réseaux opérationnels de l'ANPE et des Assedic, à quelque 700 sites mixtes employant en moyenne soixante-dix agents, voire cent trente agents dans certains sites parisiens. Il s'agit donc d'une diminution très importante du nombre de points d'accueil, appelés à devenir des lieux de traitement à la chaîne des demandeurs d'emploi, plutôt que des lieux de service accueillants.

La CGT considère que la création de Pôle emploi, y compris la refonte du réseau, complique l'accès des usagers aux droits. Dans le système qui se construit, l'accès aux droits se limite à des services bas de gamme, correspondant, chez les salariés de Pôle emploi, à des compétences bas de gamme. L'expertise n'est réservée qu'à 20 % des agents et des usagers. Cette démarche, qui abandonne au bord de la route l'immense majorité des demandeurs d'emploi, est inacceptable.

Dans un tel contexte, Pôle emploi n'a pas besoin de 100 % d'agents hautement qualifiés. La suppression de 1 800 ETP paraît cohérente avec un projet qui renonce à toute exigence en matière d'accès aux droits.

S'agissant des relations de Pôle emploi avec les missions locales et les collectivités territoriales, il me semble significatif que l'on assiste à une tentative, de la part de l'Etat, de transférer vers les collectivités territoriales une partie de ses responsabilités en matière de prise en charge des populations à la recherche d'un emploi. Pôle emploi n'assure pas ce qui devrait être son rôle, c'est-à-dire le service public de l'emploi, en coopération avec les collectivités territoriales.

M. Serge Dassault , président . - Rappelons que les missions locales s'occupent de jeunes de moins de vingt-cinq ans en situation difficile, qui n'ont souvent jamais occupé d'emploi. Pôle emploi s'occupe plutôt de personnes qui ont déjà travaillé et recherchent un nouvel emploi.

M. Fabien Milon (FO) . - S'agissant des propriétés immobilières, un contrat a été signé entre l'Unedic et Pôle emploi. Le prix accordé défiait toute concurrence et l'Unedic a été encore une fois pillée.

En raison du transfert du recouvrement aux Urssaf, 1 500 agents de Pôle emploi ne peuvent plus continuer à exercer leur métier. Un accord interne a été signé, en décembre 2008, en vue de leur reclassement. Pôle emploi, qui doit reclasser les demandeurs d'emploi, a du mal à reclasser ses propres salariés, qui vivent des situations psychologiques très difficiles ! Seule une faible part des salariés de l'ex-groupement des Assedic de la région parisienne (Garp), environ trois cents personnes, continuera à assumer des tâches que l'Urssaf ne peut effectuer. Quelque huit cents personnes restent toujours dans l'attente d'un reclassement.

M. Christian Fallet (CFDT) . - En ce qui concerne l'Urssaf, je n'exprime pas tout à fait le même point de vue que mon camarade. Bien sûr, la situation est difficile pour des salariés qui voient disparaître leur métier et se retrouvent confrontés à une mutation professionnelle, souvent couplée à une mutation géographique. Il faut travailler à leur reclassement, afin de ne laisser personne au bord du chemin. Rares sont les personnes qui sont dirigées vers la « production », comme la direction le souhaitait. Ce personnel ne peut donc contribuer au désengorgement des agences ni alléger la charge de travail des conseillers chargés du placement.

Concernant l'immobilier, le président de l'Unedic, M. Gaby Bonnand, ne laisse pas si facilement son organisation se faire piller ! Les conventions immobilières avec Pôle emploi doivent servir l'intérêt de chacun. Certes, il a pu être considéré que les biens de l'Unedic pourraient permettre une baisse du montant des loyers. Les confédérations qui seront auditionnées la semaine prochaine pourront vous fournir des éclairages supplémentaires sur cette question.

Quant à l'idée selon laquelle chaque conseiller chez Pôle emploi devrait assurer le suivi de soixante demandeurs d'emploi, elle relève d'une utopie : il serait plus réaliste d'envisager un portefeuille d'une centaine de demandeurs d'emploi par agent. En tout cas, la réduction des portefeuilles constitue une nécessité et le suivi mensuel des demandeurs d'emploi doit être adapté. Pôle emploi semble énoncer des prescriptions, non seulement pour aider les chômeurs à retrouver un emploi, mais aussi pour remplir des statistiques. Or, dans le contexte de la réforme, la recherche continuelle d'économies va à l'encontre de l'objectif essentiel qui consiste à sortir les demandeurs d'emploi du chômage. Il faut se donner les moyens de traiter ce fléau, comme les Français de demandent.

M. Jean-Charles Steyger (SNU-FSU) . - S'agissant de l'immobilier, les opérations de préparation de la fusion, mises en oeuvre au cours de l'année 2008, n'ont pas été réalisées en toute transparence. Il me semblerait pertinent qu'un audit de la Cour des comptes soit diligenté sur cette question. A Nantes, l'Unedic vient de faire bâtir des immeubles dont elle loue une partie à Pôle emploi. Un audit a été réalisé, qui a coûté sa place au directeur régional de Bretagne. Le bilan financier du paritarisme, et probablement aussi celui de l'Etat à travers les biens de l'ex-ANPE, est loin d'être clair.

Par ailleurs, l'objectif de soixante demandeurs d'emploi suivis par conseiller ne correspond pas à un objectif avancé par Mme Christine Lagarde, mais relève d'une norme professionnelle, non seulement européenne mais aussi canadienne. Techniquement, pour que l'accompagnement soit efficace, il convient de ne pas dépasser soixante demandeurs d'emploi par agent. Or, un de mes collègues gère seul 423 personnes inscrites, dont 228 personnes relèvent de la catégorie A. Cette surcharge est liée à la mutation d'un autre collègue et au non-remplacement d'un troisième, parti en arrêt maladie.

Les missions locales reçoivent 650 euros par demandeur d'emploi indemnisé par Pôle emploi, afin d'assurer un suivi mensuel en cotraitance. Il en va de même chez Cap emploi. Or M. Christian Charpy a fait le choix, pour réaliser des économies, de diminuer de 20 % l'enveloppe financière destinée à l'accompagnement des personnes handicapées par Cap emploi, ce qui constitue, pour ces publics prioritaires, un véritable scandale. Au-delà de l'agitation présidentielle autour de la création de Pôle emploi, telle est la réalité de cette gestion.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Pour compléter cette audition, je vous propose de nous adresser des contributions écrites relatives à des cas concrets de dysfonctionnements. Nous en avons d'ailleurs déjà reçues dans nos départements. Au-delà de la tonalité générale de vos interventions, des dossiers précis ont été évoqués, à propos desquels notre interrogation se prolongera lors des déplacements que nous effectuerons sur le terrain. Aujourd'hui, les relations des entreprises avec Pôle emploi ont à peine été évoquées, et particulièrement le pourcentage des offres d'emploi qu'elles mettent à sa disposition, qui n'atteint, semble-t-il, que 20 % en moyenne. De même, le rapport qu'entretient Pôle emploi avec ses différents partenaires, comme les collectivités locales, a été peu abordé. Nous sommes donc preneurs de vos analyses complémentaires.

M. Serge Dassault , président . - Pour ma part, je conclus que vous manquez de financement, de personnel et de moyens matériels pour travailler dans des conditions correctes. On peut cependant se demander si la situation était réellement plus favorable avant la fusion. Je vous remercie d'avoir participé à cette table ronde. Je vous remercie également pour le travail que vous effectuez au quotidien, dans des conditions difficiles.

Audition de M. Dominique-Jean CHERTIER,
président du conseil d'administration de Pôle emploi
(mardi 29 mars 2011)

M. Serge Dassault , président . - Monsieur le président, je vous remercie pour votre présence. Nous souhaitons connaître votre point de vue sur la manière dont s'est opérée la fusion, sur le fonctionnement de Pôle emploi et sur les partenariats noués avec les autres acteurs du service public de l'emploi.

M. Dominique-Jean Chertier . - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue au sujet de Pôle emploi.

Je vous propose tout d'abord de replacer la création de cette institution dans une perspective historique. En 1958, l'assurance chômage a été créée, avec le réseau des Assedic et l'Unedic pour piloter l'ensemble. En 1967, l'ANPE voit le jour. A la différence d'autres pays, la France comporte donc, dès l'origine, deux institutions de nature différente, relevant de droits différents. En 2007, les pouvoirs publics décident du principe de leur fusion. La loi du 13 février 2008 organise la création de Pôle emploi. La mise en place de cette nouvelle institution débute, en mai 2008, par la création d'une instance nationale provisoire qui préfigure le conseil d'administration de Pôle emploi. Parallèlement, les deux institutions continuent à fonctionner. La création effective de Pôle emploi a lieu à la fin de l'année 2008. Bizarrement, la convention tripartite régissant les rapports entre Pôle emploi, l'Unedic et l'Etat est signée postérieurement, le 2 avril 2009. Elle a, en tout cas, été négociée avant la crise.

Cette fusion ayant eu lieu, une question se pose. Aurait-on pu agir différemment ? La réponse est probablement positive. Le statu quo aurait pu être conservé et la séparation entre le réseau des Assedic et celui de l'ANPE aurait pu perdurer.

Cependant, d'ores et déjà, des rapprochements avaient été opérés. Dans les années 1990, l'inscription des demandeurs d'emploi (IDE) a été transférée de l'ANPE au réseau des Assedic. La logique d'un tel transfert paraissait claire, puisque la première préoccupation d'une personne ayant perdu son emploi est de connaître le montant de son allocation. La frontière est devenue plus poreuse quand l'Unedic et les Assedic ont commencé à s'occuper, même de façon marginale, de placement. Des réseaux privés se sont vus confier ce type de mission, à titre expérimental.

La confusion a été portée à son comble quand le réseau des Assedic s'est mis à effectuer du profilage, c'est-à-dire à évaluer la difficulté, pour un chômeur, de retrouver un emploi. Il n'était pas rare, quand un demandeur d'emploi allait s'inscrire et effectuer ses démarches d'indemnisation à l'Assedic, que ce profilage lui soit proposé. Or l'opération recommençait à l'ANPE. Une clarification est apparue nécessaire pour éviter ces redondances.

Une autre attitude, plus « libérale », aurait pu consister à confier au réseau des Assedic l'inscription et l'indemnisation et à déléguer le placement à un opérateur public ou à des opérateurs privés, selon le choix des intéressés. Ce système existe dans d'autres Etats : en Californie, les demandeurs d'emploi effectuent eux-mêmes des démarches auprès d'un organisme privé ou semi-étatique, avant d'en rendre compte à l'organisme chargé de leur indemnisation. Cette option n'a pas été retenue, en France.

L'unification des réseaux, au sein d'une institution qui emploie 50 000 personnes, est loin d'être simple. Il faut constituer l'organigramme, bâtir le premier budget alors que chaque institution, jusqu'à présent, bâtissait son budget de manière différente. En outre, il convient d'uniformiser des réseaux informatiques particulièrement lourds. Il faut également négocier le statut des personnels. Les anciens agents de l'ANPE se sont vus proposer le choix entre le maintien de leur statut public et l'adoption d'un statut de droit privé inspiré de celui appliqué aux Assedic. Les anciens agents des Assedic sont couverts par la nouvelle convention collective qui a été négociée, de même que les nouveaux embauchés. Au total, un nombre très important d'agents de l'ex-ANPE ont opté pour la convention collective.

Par ailleurs, le conseil d'administration s'est mis en place : il rassemble des représentants de l'Etat, du patronat, des syndicats, un représentant des collectivités territoriales et deux personnalités qualifiées, dont je fais partie.

Dans chaque région, une instance paritaire réunit les partenaires sociaux. Elle favorise les échanges sur la situation régionale de l'emploi. Elle permet aussi de porter une appréciation sur le fonctionnement local de Pôle emploi et de traiter les dossiers contentieux qui ne sont pas gérés par les directions de Pôle emploi, par exemple des admissions en non-valeur ou le règlement des indus. La mise en place de ces instances paritaires régionales s'est avérée complexe. Les difficultés ont essentiellement résulté des débats internes au monde patronal. Une organisation patronale ayant considéré que j'avais agi brutalement, l'affaire a même été portée devant le Conseil d'Etat. Mon souci était cependant de mettre en place ces instances, dont la création avait été décidée par le législateur, et de faire en sorte que les dossiers contentieux soient traités.

Par ailleurs, il a été procédé à une simplification de l'accès aux services. Des numéros d'appel uniques, tant pour les demandeurs d'emploi que pour les employeurs, ont été institués. Tous les mois, les taux de réponse et les délais de réponse font l'objet d'un suivi.

Pour des raisons immobilières, il n'a pas été facile de regrouper les personnels au sein de sites uniques. Proposer des locaux centralisés, y compris au sein d'une même ville, est une affaire complexe. Cependant, dans la plupart des cas, le demandeur d'emploi ou l'employeur disposent d'un point d'accueil unique, même si certains usagers doivent encore se rendre en deux sites différents. A ce titre, en octobre 2010, les pouvoirs publics ont réalisé une enquête auprès de 100 000 personnes, notamment auprès de demandeurs d'emploi qui avaient déjà été au chômage auparavant. Selon cette enquête, les deux tiers des personnes interrogées considèrent que le traitement de l'ensemble des formalités en un seul lieu constitue une avancée sensible.

L'amplitude des horaires de travail a fait l'objet d'une uniformisation. Désormais, l'ensemble des bureaux sont ouverts au public trente-cinq heures par semaine. Par ailleurs, les entretiens redondants ont été supprimés, pour éviter aux demandeurs d'emploi d'avoir à répondre aux mêmes questions ou à effectuer plusieurs fois les mêmes formalités.

S'agissant de l'offre de services, l'amélioration a consisté à définir trois niveaux de suivi : un parcours d'appui est proposé aux demandeurs d'emploi les plus autonomes ; un accompagnement, à ceux qui sont plus éloignés de l'emploi ; enfin, certains demandeurs d'emploi se lancent dans l'aventure de la création d'entreprise.

Désormais, tous les demandeurs d'emploi, quelle que soit leur indemnisation, sont reçus de la même façon. Aucun service privilégié n'est réservé à un demandeur d'emploi au motif que son indemnisation est supérieure. Cette évolution constitue, depuis la création de Pôle emploi, une avancée essentielle.

Néanmoins, la création de Pôle emploi s'est élaborée dans un contexte de fortes contraintes, à la fois conjoncturelles et structurelles. Alors que cette institution a été officiellement créée au début de l'année 2009, elle a dû accueillir, chaque jour, dès le mois de janvier, 3 000 demandeurs d'emploi supplémentaires. Il est devenu plus difficile, en pleine crise, de leur proposer des débouchés : les employeurs se montraient plus préoccupés de sauver leur entreprise que de créer des emplois. L'orientation que le conseil d'administration a donnée à la direction générale a consisté à concentrer les missions de Pôle emploi sur les tâches d'inscription et d'indemnisation. Ayant vécu la crise de 1992-1994, à la tête de l'Unedic, je gardais le souvenir des difficultés rencontrées par les demandeurs d'emploi lorsque l'indemnisation leur parvenait tardivement dans le mois. Pôle emploi a fait le nécessaire : les retards de paiement sont restés très limités et le nombre de dossiers en instance n'a jamais représenté plus de deux jours de traitement.

Cependant, l'image de Pôle emploi a pâti de ce contexte de crise. Lorsque les offres d'emplois sont rares et que les personnes inscrites affluent aux guichets, ces personnes repartent persuadées que Pôle emploi ne propose aucun débouché. En outre, lorsque les personnels consacrent tous leurs efforts à l'inscription et à l'indemnisation, qui constituent deux missions fondamentales, le temps manque pour prospecter les entreprises et trouver des offres d'emploi.

Dans le cadre du plan de relance lancé par le pouvoir exécutif, des aides variées ont été mises en place, ajoutant au travail quotidien des agents. Cette situation n'a d'ailleurs pas changé, alors même qu'une sortie de crise s'amorce. Les pouvoirs publics se préoccupent, à juste titre, du chômage de longue durée. En effet, comme au début des années 1990, la reprise bénéficie d'abord aux jeunes et aux personnes qui ont perdu leur emploi récemment. Pour les autres publics, le chômage de longue durée risque de perdurer, accentuant les situations d'exclusion. Lorsque les pouvoirs publics mettent l'accent sur l'accueil de quelque 800 000 personnes, le rythme habituel du travail des agents s'en trouve bouleversé.

D'autres contraintes, récurrentes, portent sur les moyens dont Pôle emploi dispose. Les représentants du personnel, bien légitimement, insistent sur cette question. Il convient de trouver un équilibre entre les contraintes budgétaires de l'Etat et le point de vue des partenaires sociaux. Il convient également, lorsque l'on assume les responsabilités de président du conseil d'administration, de favoriser les gains d'efficacité en supprimant les redondances et en revisitant les procédures : l'objectif consiste à dégager, à moyens constants, des possibilités opérationnelles plus importantes. Or l'Etat annonce parfois les réductions budgétaires de façon inopinée, ce qui, au sein d'un conseil d'administration, soulève de l'irritation.

D'autres contraintes sont liées aux métiers. Nous avions pensé, peut-être benoîtement, que le mariage des métiers au sein de Pôle emploi serait facile. Or, nous constatons que l'inscription et l'indemnisation d'un côté, et le placement de l'autre, restent deux métiers de nature différente. Certains agents peuvent se montrer polyvalents mais d'autres n'y parviennent pas. Il est donc préférable que les personnes travaillent en binôme, plutôt que de les contraindre à exercer ces deux métiers.

Pôle emploi doit désormais travailler sur plusieurs objectifs.

Premièrement, l'offre de services doit tenir compte non du niveau de l'indemnisation du demandeur d'emploi mais de sa distance à l'emploi, qui peut nécessiter un accompagnement renforcé. Une segmentation des services doit être recherchée en fonction des différents publics.

Deuxièmement, Pôle emploi doit retravailler ses relations avec les autres acteurs de l'emploi. Lors de la fusion entre les deux institutions, une phase de forte centralisation s'est avérée inévitable. Cependant, Pôle emploi n'a pas de vocation « impérialiste », d'autant que cette conception serait particulièrement inefficace. Sur le terrain, il existe une multiplicité d'acteurs dans les domaines de la formation, du placement, ou encore de l'orientation des jeunes. Le rapport présenté au conseil d'administration par Mme Rose-Marie Van Lerberghe, ancienne déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, insiste sur ce point.

Troisièmement, en termes de gouvernance, il conviendra de retravailler la place respective des partenaires sociaux et de l'Etat. Dans les prochains jours, je présenterai des propositions aux ministres du travail et du budget.

En conclusion, Pôle emploi est une institution qui a fortement souffert. Comment en serait-il autrement, alors que sa mise en place s'est effectuée dans le contexte d'une crise survenue avec une telle rapidité ? Certes, la destruction des emplois, proportionnellement à l'emploi salarié global, s'est avérée moindre que lors des crises précédentes. Néanmoins, elle s'est manifestée de façon particulièrement violente, touchant des populations déjà fragilisées, essentiellement les intérimaires et les titulaires de CDD. L'institution en a supporté le contrecoup, en tentant de remplir au mieux ses obligations.

L'emploi constitue une problématique de terrain. Dans le cadre de la décentralisation, il existe des spécificités propres aux régions, de la Franche-Comté à la Bretagne ou au Nord-Pas-de Calais. Pôle emploi doit donc s'attacher maintenant à travailler de manière beaucoup plus décentralisée.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Concernant l'implantation géographique des agences, quels sont les objectifs du conseil d'administration ? Dans mon département, certains points d'accueil sont appelés à disparaître. Les agents, mais aussi les élus sont inquiets.

S'agissant de l'organisation du travail, les syndicats soulignent qu'ils ne savent pas où ils vont, ignorant quels postes seront supprimés. Le recours aux CDD, qui a été décidé lors de la crise, est désormais freiné. Les objectifs, en termes de service rendu, vont-ils être élargis pour aller au-delà de la seule indemnisation ?

Enfin, comment voyez-vous évoluer les relations avec les cotraitants de Pôle emploi, comme les missions locales ou Cap emploi ?

Mme Annie David . - En complément à ces questions, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le statut juridique de Pôle emploi ? Les personnels ont du mal à déterminer si les contentieux doivent être traités par le tribunal de grande instance ou le tribunal administratif.

Par ailleurs, les organisations syndicales mettent l'accent sur la perte du sens que ressentent les agents dans leur métier, par rapport à la mission de service public assumée auprès des usagers, qu'il s'agisse des demandeurs d'emploi ou des entreprises. Les métiers s'avérant différents, ne conviendrait-il pas de favoriser le travail en binôme qui commence à se mettre en place ?

S'agissant du placement, celui-ci va de pair avec le lien qu'il est nécessaire d'entretenir avec les entreprises. Or ce lien n'apparaît pas suffisamment étroit.

Pourriez-vous également préciser dans quels domaines des redondances ont été constatées entre les ex-Assedic et l'ex-ANPE ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Vous avez décrit le contexte de crise dans lequel le travail des agents s'est effectué, qui les a conduits à se concentrer sur les tâches d'inscription et d'indemnisation. Je voudrais évoquer le contrôle des demandeurs d'emploi, ainsi que les radiations. Parmi maints exemples, je citerai le cas d'une mère seule, en situation de chômage de longue durée. Etant souffrante, et ne pouvant se rendre à son entretien mensuel personnalisé, cette femme a joint une conseillère de Pôle emploi : celle-ci lui a demandé de justifier son absence à l'entretien et ses recherches d'emploi par mail. Or quelques jours plus tard, une radiation lui a été notifiée, la privant de son indemnisation. Ayant effectué un recours, cette femme s'est vue répondre que, selon la jurisprudence administrative, un certificat médical était requis, qu'elle n'avait pas produit. Or ce document ne lui avait pas été demandé par la conseillère de Pôle emploi. Ce dysfonctionnement n'a fait qu'aggraver sa situation de précarité. Je pourrais citer d'autres cas, tout aussi terribles. L'un des objectifs du contrôle des demandeurs d'emploi consiste probablement à les radier des statistiques.

M. Ronan Kerdraon . - Monsieur le président, vous venez d'énoncer, pour Pôle emploi, des objectifs que les syndicats n'ont pas forcément perçus, ce qui résulte peut-être de la méthode mise en place. En effet, tout comme la crise de 2008-2009, la fusion a été menée de façon très rapide et particulièrement violente pour les salariés. Aujourd'hui, cet élément pèse lourd dans le dialogue social et sur les usagers. Une réflexion est-elle engagée à ce sujet ? Comment rendre la démarche de Pôle emploi plus compréhensible et mieux partagée ?

Par ailleurs, Pôle emploi n'est pas épargné par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Des suppressions de postes sont prévues. Dans mon département, Pôle emploi a longtemps employé des personnes en CDD, dont le contrat était périodiquement renouvelé. Ainsi, des salariés se sont vus renouveler sept fois leur contrat en huit ans. Dans le secteur privé, voire dans certaines institutions publiques, leur titularisation aurait été obligatoire. Or Pôle emploi les a renvoyés sur le marché du travail. Humainement, cette situation est-elle acceptable ? Pôle emploi se devrait de faire preuve d'une éthique en la matière.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Dans mon département, le plan local d'insertion est pratiquement inexistant. De toute évidence, il n'existe pas d'articulation suffisante entre Pôle emploi et le secteur de l'insertion par l'économique, depuis les chantiers d'insertion jusqu'aux régies de quartier. Si cette institution ne sait pas aborder cette problématique, la précarité de tels publics ne peut qu'empirer.

Concernant l'offre de services, une distinction est aujourd'hui opérée entre deux catégories de demandeurs d'emploi, si je mets de côté le cas de la création d'entreprise. Cette organisation de l'offre de services est-elle pertinente ? Comment envisagez-vous le travail avec les autres acteurs de terrain ?

Enfin, s'agissant de la gouvernance, les organisations syndicales que nous venons d'interroger évoquent une situation d'opacité, l'absence de dialogue interne. Ils expriment une demande de transparence au sein de Pôle emploi.

M. Serge Dassault , président . - Certains syndicats ajoutent que la situation était plus favorable avant la fusion. Le passage du droit public au droit privé semble poser des problèmes. De toute évidence, Pôle emploi manque de personnel et le budget consacré à la formation reste insuffisant. Des problèmes de locaux se posent également. J'avais demandé une augmentation des crédits en faveur de l'insertion des jeunes mais je n'ai pas été suivi.

M. Dominique-Jean Chertier . - Tout d'abord, s'agissant du régime juridique, il existe deux sources normatives principales, la loi et la convention d'assurance chômage. Le médiateur, dans son dernier rapport, a évoqué cette difficulté. Les contentieux sont tantôt orientés vers les tribunaux administratifs, tantôt vers les tribunaux civils. Je ne suis pas sûr cependant que cette difficulté puisse être résolue à court terme car les partenaires sociaux sont attachés à leurs prérogatives en matière d'assurance chômage.

S'agissant des redondances entre les ex-Assedic et l'ex-ANPE, l'une d'elles portait sur le profilage, comme je l'ai indiqué. Cette démarche, mise en oeuvre par l'Assedic, était souvent reconduite à l'ANPE.

En ce qui concerne l'implantation régionale de Pôle emploi, j'avais demandé à Mme Bernadette Malgorn, lorsqu'elle siégeait au sein de l'instance nationale provisoire, de réaliser un rapport sur cette question. J'ai souhaité que les instances paritaires régionales, qui connaissent bien le terrain, jouent un rôle important dans ce domaine. Globalement, les points d'accueil seront moins nombreux. Cependant, certaines antennes de l'ANPE et des Assedic se trouvaient auparavant très proches, ce qui justifie une fusion des locaux. Au total, nous veillons à ce que la distance entre un demandeur d'emploi et une agence ne soit pas excessive.

En ce qui concerne l'organisation du travail, je rappelle que je suis président d'un conseil d'administration et non directeur général. Je n'ai donc pas à interférer sur des questions comme la gestion des relations avec les partenaires sociaux en interne, ce qui paraîtrait d'autant plus maladroit que siègent au conseil d'administration les représentants des organisations syndicales.

S'agissant des effectifs, d'importants débats ont lieu et des études sont en cours. Il convient de relativiser la comparaison avec d'autres pays. En outre, les psychologues de l'Afpa et les personnels anciennement chargés du recouvrement au sein des Assedic constituent des apports supplémentaires. En ce qui concerne les CDD, la situation ancienne qui a été évoquée concerne l'ex-ANPE.

La question de la « culture d'entreprise » de Pôle emploi reste difficile. Celle-ci ne se mettra pas en place du jour au lendemain. Dans certains cas, une personne peut assumer deux métiers, quand la pression ne s'avère pas trop forte. Par ailleurs, je crois beaucoup à la notion de collectif de travail. Face à un demandeur d'emploi, des agents peuvent constituer un binôme.

La situation était-elle meilleure auparavant ? J'ai vécu de nombreuses situations de fusion au sein de différentes entreprises, chez Usinor-Sacilor ou Air France, et je sais que les salariés conservent longtemps le souvenir de leur ancienne maison. L'enjeu consiste à dépasser cette nostalgie, sans la gommer pour autant, en se projetant vers des objectifs positifs.

La décentralisation et la territorialisation constituent une ouverture vers la sous-traitance ou la co-traitance. La capacité à travailler ensemble, sur la base d'un cahier des charges, et à apprécier le service rendu par tel ou tel partenaire paraît indispensable. Cependant, pourquoi confie-t-on à la sous-traitance les chômeurs qui vivent les plus grandes difficultés ? On peut se poser la question. Quoiqu'il en soit, plus la régionalisation sera effective, plus les personnels de Pôle emploi seront impliqués dans la démarche.

Quand une institution est périodiquement attaquée de l'extérieur, ces attaques peuvent susciter des phénomènes de repli. Je me souviens de personnes, lorsque j'exerçais des fonctions aux Assedic, qui avaient tendance à dissimuler leur profession et qui, par la suite, en sont devenues fières. Encore faut-il que la collectivité reconnaisse leur apport. Certes, il existe des cas douloureux : la réglementation s'applique globalement et ne tient pas toujours compte des spécificités de chacun.

Le médiateur national apporte son soutien aux médiateurs qui exercent dans l'ensemble des régions. Il ne faut pas hésiter à saisir ces instances. Souvent, dans le contexte d'une réglementation complexe et changeante, les agents ont peur de prendre des décisions qui pourraient faire jurisprudence.

En ce qui concerne les radiations, je tente de les suivre en termes de statistiques et de déceler d'éventuelles évolutions. Mois par mois, des variations peuvent être constatées. Cependant, depuis l'époque où j'exerçais des fonctions au sein de l'Unedic, c'est-à-dire depuis 1992, je n'ai pas assisté à des évolutions majeures, ni à l'injonction d'un gouvernement pour opérer des radiations massives. D'ailleurs, même si des pressions de cette sorte s'exerçaient sur les agents, ils ne s'y plieraient pas facilement. On ne vient pas travailler par hasard à Pôle emploi, pas plus que dans les hôpitaux, il faut posséder une fibre sociale. Même si des réactions de saturation s'expriment, les agents sont très sensibles aux difficultés des publics qu'ils côtoient.

Du travail collectif reste à effectuer. Après la phase de mise en place et la crise que nous avons traversée, il convient de définir une nouvelle étape, et de trouver un nouveau souffle. Pôle emploi est une institution encore jeune. La pire situation consisterait en un repli sur elle-même, dans un déni de la réalité. A l'inverse, un excès de critiques infondées constituerait l'autre écueil.

En France, le taux de chômage peine depuis longtemps à descendre en-dessous de 8 % de la population active. Chez les jeunes, il atteint 25 %. Chaque année, six millions de personnes passent par Pôle emploi. Cette institution rend de grands services. La communauté nationale doit l'inciter à mieux faire sans lui imputer toutes les difficultés d'ordre économique que le pays rencontre. Les agents exercent un métier difficile. Ils n'ont pas forcément de réponse à fournir aux personnes à la recherche d'un emploi, alors que cette problématique constitue la préoccupation majeure des Français.

M. Serge Dassault , président . - Je vous remercie, monsieur le président, et je vous propose, en septembre-octobre, de préciser vos besoins budgétaires pour 2012, afin que vous puissiez travailler dans de meilleures conditions, dans l'objectif primordial de réduire le nombre de demandeurs d'emploi.

Table ronde avec les représentants des organisations syndicales et patronales siégeant au conseil d'administration de Pôle emploi
(mardi 5 avril 2011)

La mission commune d'information auditionne, lors d'une table ronde , les représentants des organisations syndicales et patronales siégeant au conseil d'administration de Pôle emploi : M. Laurent Berger, secrétaire national et Mme Patricia Ferrand, secrétaire confédérale à la Confédération française démocratique du travail (CFDT) , M. Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO), Mmes Gabrielle Simon, première vice-présidente confédérale, chargée des négociations, de l'emploi, des rémunérations et du dialogue social à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) , Marie-Françoise Leflon, secrétaire nationale en charge de l'emploi à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) , MM. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail au Mouvement des entreprises de France (Medef) , et Jean-Michel Pottier, président de la commission formation et éducation à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) .

M. Claude Jeannerot, président. - Nous accueillons aujourd'hui les représentants de six des huit organisations syndicales ou patronales qui siègent au conseil d'administration de Pôle emploi. Nous avons souhaité vous entendre tous ensemble, organisations d'employeurs et syndicats de salariés, pour bénéficier de vos regards croisés et enrichir notre propre vision de la situation de Pôle emploi. Nous nous intéressons à la qualité du service rendu à l'usager, entreprise comme demandeur d'emploi, mais également aux partenariats que Pôle emploi a su ou non tisser avec les autres acteurs du service public de l'emploi.

M. Laurent Berger, secrétaire national à la CFDT. - La fusion de l'ANPE et des Assedic avait recueilli, à l'origine, l'assentiment de la CFDT. Cette réforme devait en effet permettre aux demandeurs d'emploi d'être davantage placés au centre du système et de bénéficier d'un suivi de meilleure qualité. L'objectif affiché était une prise en charge de soixante demandeurs d'emploi par conseiller, contre cent vingt auparavant. La réforme visait la création de guichets uniques et la loi avait fixé à Pôle emploi des objectifs ambitieux en matière d'orientation et de formation, avec l'association de tous les acteurs de l'emploi, en particulier les conseils régionaux.

La CFDT s'était, à l'époque, souciée de la gouvernance de Pôle emploi. Il nous importait que les partenaires sociaux soient reconnus comme co-constructeurs des objectifs stratégiques de l'institution. La présence des organisations syndicales et patronales au conseil d'administration de Pôle emploi se justifiait par nos prérogatives en matière de fixation des règles d'indemnisation des chômeurs mais aussi, au-delà, par notre rôle de représentation des demandeurs d'emploi et des salariés dont nous relayons les préoccupations concernant la qualité du service rendu.

Des points de fragilité, que nous avions mis en exergue avant le vote de la loi, perdurent cependant. Certes, la fusion a été réalisée en pleine crise, avec un million de demandeurs d'emploi supplémentaires en deux ans, mais cela n'explique pas tout. Il n'est pas question de dresser un tableau catastrophique ou de nier l'utilité des actions qui sont entreprises, mais des problèmes demeurent au niveau de la mise en oeuvre opérationnelle des services aux demandeurs d'emploi. Le projet initial prévoyait l'inscription du demandeur d'emploi, la définition de son projet personnalisé d'accès à l'emploi, un suivi mensuel personnalisé et diverses prestations réalisées en interne ou en externe. Une telle offre de services pour accompagner les demandeurs d'emploi dans un parcours personnalisé apparaît idéale, sur le papier, mais force est de constater que les demandeurs d'emploi comme les entreprises sont loin d'être satisfaits des services rendus par Pôle emploi.

Les problèmes rencontrés par les demandeurs d'emploi au quotidien sont multiples : difficulté d'accès à leur conseiller référent, manque de suivi, durée insuffisante des entretiens, rendez-vous de contrôle plus que d'accompagnement, perte de dossiers, offres d'emploi non proposées, courriers illisibles, formations non proposées, etc. Tels sont les éléments saillants de l'enquête que la CFDT a réalisée auprès de plus de 1 500 demandeurs d'emploi.

Ces difficultés s'expliquent d'abord par un manque d'effectifs chronique, aggravé par le fait que les salariés ont dû consacrer du temps à leur formation au moment de la fusion. Elles résultent sans doute aussi d'une erreur de départ tenant à la volonté de créer un métier unique, à une organisation très centralisée et à un management pyramidal. Tout ceci donne aujourd'hui le sentiment que Pôle emploi est devenu une administration bureaucratique, éloignée de l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi qui était prévu à l'origine. Le suivi mensuel personnalisé constitue un outil de suivi plus que d'accompagnement et s'opère d'une manière identique quelle que soit la distance à l'emploi du demandeur d'emploi. Cette situation se double d'un malaise du personnel, qui souffre de ne pouvoir offrir le service de qualité auquel il aspire. Ce mal-être doit être traité, notamment grâce à une réorganisation du travail.

Nous pensons enfin que le problème provient aussi du fait que l'« outil » a été construit avant que ses missions ne soient définies. Une certaine précipitation dans la mise en oeuvre de la fusion a conduit à un pilotage de court terme et à un fonctionnement administratif qui se révèlent contraires à la logique d'accompagnement et de parcours qui devrait prévaloir. Il s'avère donc urgent pour la CFDT de redéfinir les finalités de Pôle emploi, qui doit participer à la sécurisation des parcours professionnels des demandeurs d'emploi, c'est-à-dire les accueillir et les accompagner de manière personnalisée, en fonction de leur distance à l'emploi, mais aussi instruire leurs dossiers d'indemnisation et verser les allocations dans les conditions que sont en droit d'attendre tous les usagers du service public. Or, nous avons parfois eu le sentiment que la mission d'indemnisation restait annexe ou subalterne alors que nous savons bien qu'elle est prioritaire pour les demandeurs d'emploi.

Pôle emploi présente également des problèmes structurels de gouvernance. Un exemple en est l'élaboration du budget : au moment du vote de la loi de finances, le Parlement décide du montant de la dotation que l'Etat verse à Pôle emploi, puis le conseil d'administration de Pôle emploi se prononce sur le budget de l'institution. Ainsi, lorsque l'Etat décide des restrictions budgétaires et des suppressions d'emplois, comme c'est le cas en 2011, les partenaires sociaux sont mis devant le fait accompli et on leur demande d'approuver un budget qui entérine ces restrictions. En aucun cas le vote du budget ne devrait permettre à l'Etat de placer les partenaires sociaux sous tutelle et de leur faire porter la responsabilité de ses décisions. Tel est pourtant notre sentiment aujourd'hui, au vu de certaines décisions récentes : diminution de 187 millions d'euros de la dotation de l'Etat à Pôle emploi en 2009, non-compensation financière du transfert des neuf cents salariés de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), suppression de la compensation des frais de gestion de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), suppression de 1 800 postes, alors que le chômage reste élevé...

La CFDT formule donc un certain nombre de propositions pour renouveler la gouvernance de Pôle emploi. Le conseil d'administration ne doit pas constituer un lieu de validation de la politique de l'emploi décidée par l'Etat. L'Unedic doit être intégrée dans la gouvernance de Pôle emploi, sous une forme qui reste à déterminer, car nous pensons que la gouvernance de Pôle emploi ne doit pas se limiter à son conseil d'administration et à sa direction générale. Par son travail d'évaluation, notamment dans la mise en oeuvre de l'offre de services, l'Unedic doit être davantage reconnue comme un rouage essentiel à la gouvernance de Pôle emploi.

La convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi doit devenir l'outil de pilotage stratégique de Pôle emploi. Or, le comité de suivi de cette convention ne s'est pas réuni depuis la fin de l'année 2009. Dans la perspective du renouvellement de cette convention, en 2011, il faut tirer des enseignements des difficultés rencontrées jusqu'ici. Le rôle des trois parties signataires n'est pas de même nature : l'Etat y participe en tant que financeur et responsable de la politique publique de l'emploi, l'Unedic comme financeur et organisme chargé de la bonne application de la convention d'assurance chômage signée par les partenaires sociaux et Pôle emploi, enfin, comme opérateur pour le compte des deux premiers partenaires.

En conclusion, nous formulons les recommandations suivantes pour améliorer le fonctionnement de Pôle emploi : définir des objectifs de résultat plutôt que de moyens ; définir des publics prioritaires comme levier d'une plus grande différenciation dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi ; évaluer de manière transparente les résultats obtenus.

M. Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de FO. - Je partage en grande partie les remarques de M. Laurent Berger, bien que notre syndicat se soit opposé à la fusion. Nous considérions en effet que confier à un même opérateur l'accompagnement et l'indemnisation risquait de mettre à mal le rôle des conseillers et de faire peser une pression parfois insupportable sur les demandeurs d'emploi. La fusion a cependant eu lieu. Elle s'est avérée éminemment technocratique, reposant sur l'idée erronée que les agents de l'Assedic pourraient facilement se reconvertir dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Or, le métier de liquidateur se révèle complexe et nécessite une formation d'au moins six mois. Cette fusion s'est opérée dans un contexte de montée du chômage particulièrement forte, jamais vue dans les statistiques publiques, avec un choc de cultures entre les salariés des Assedic et ceux de l'ANPE.

Nous constatons aujourd'hui une perte de sens, notamment pour les anciens salariés des Assedic qui se considèrent comme appauvris par la fusion. Cette situation nous interpelle fortement depuis plusieurs mois. Ces salariés se sentent désoeuvrés, la fusion s'étant faite, selon eux, en créant une ANPE à la « puissance 10 ».

La question des moyens de Pôle emploi mérite d'être posée. Dans d'autres pays européens, les opérateurs publics comptent bien plus d'agents. Ils sont ainsi 75 000 au Royaume-Uni. La question de la formation à d'autres métiers se pose également. Il avait été envisagé, lors de la fusion, de créer un conseiller unique, qui assumerait seul toutes les tâches. Or l'accompagnement et l'indemnisation sont deux métiers bien différents. L'objectif devrait être plutôt de faciliter la formation d'un salarié qui souhaite passer de l'accompagnement à la liquidation, et inversement. La direction a renoncé, difficilement, à l'objectif du conseiller unique en recréant un système par filière. Mais la question de la formation et de l'accès à d'autres métiers n'est pas encore réglée. Nous avons ainsi rencontré très récemment des cas de salariés affectés à des tâches de liquidation après trois jours de formation seulement.

S'agissant de la gouvernance, tant au sein du conseil d'administration que de la direction générale, nous avons constaté que persiste une ambiguïté entre statut public et statut privé. Il faudra, à un moment donné, que vous puissiez émettre des recommandations pour que les agents de Pôle emploi aient une vision plus claire de leur statut. L'instabilité juridique crée de l'instabilité sociale et se révèle anxiogène pour les agents. Chaque fois qu'un comité d'entreprise demande à être consulté, on ne peut lui rétorquer que la direction agit en vertu de ses prérogatives de puissance publique... Pour les agents, le statut public ou privé de l'établissement importe peu mais ils souhaitent qu'une réponse leur soit apportée lorsqu'ils ont une question concernant leurs droits en matière sociale. Or tel n'est pas le cas actuellement et beaucoup d'ambiguïtés demeurent.

Quant à la gouvernance, je rappelle que 63 % du budget de Pôle emploi provient des cotisations des salariés et des employeurs. Or les partenaires sociaux ne décident de rien au sein du conseil d'administration. Nous n'avons pas vocation à y faire de la figuration mais telle est parfois notre impression. Je citerai quelques exemples : nous avons été informés par la presse du sondage diligenté par l'ancien secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez. Il en est de même de la mission de l'inspection générale des finances (IGF) mise en place à la demande de Mme Christine Lagarde sur les effectifs des services publics de l'emploi en Europe. Quant au budget 2011, se pose la question du respect de la parole publique : lorsqu'un ministre, quel qu'il soit, indique que le transfert des personnels de l'Afpa sera compensé par l'Etat et que cela n'est pas le cas, la confiance que nous accordons à l'Etat peut se briser, ce qui se révèle, pour FO, particulièrement grave.

De nouvelles méthodes nous permettraient, en matière budgétaire, de travailler dans une plus grande transparence. Un certain nombre de décisions s'imposent à nous de par la loi de finances mais nous considérons que la discussion du budget de Pôle emploi devrait intervenir beaucoup plus tôt dans l'année. Le projet de loi de finances est adopté la dernière semaine de septembre par le Conseil des ministres. Nous considérons qu'il faut anticiper le débat sur le budget pour que nous disposions plus tôt d'une vision claire des intentions de l'Etat concernant la subvention de fonctionnement de Pôle emploi. Cette anticipation apaiserait les crispations qui ont pu émerger au sein du conseil d'administration. Le conseil d'administration doit devenir un lieu de réflexion stratégique sur Pôle emploi, notamment sur l'offre de services.

Le comité d'évaluation, prévu par la loi et dont j'ai pris la présidence en mai 2010, travaille notamment sur cette question de l'offre de services et sur les relations avec les autres opérateurs du service public de l'emploi. Nous avons demandé que les évaluations qu'il réalise soient examinées par le conseil d'administration et discutées avec les directions concernées et institué un suivi de ces évaluations et du devenir des préconisations qui sont faites dans ce cadre. Les équipes de Pôle emploi doivent s'approprier cette démarche d'évaluation, qu'elles ont parfois perçu, au départ, comme une arme contre leur travail.

Pôle emploi constitue aujourd'hui un acteur non stabilisé. Des interrogations demeurent sur l'offre de services, les relations avec les entreprises en restructuration et la capacité d'intervenir en amont des licenciements, l'utilisation des nouvelles technologies et le risque de déshumanisation que représente le passage au tout numérique, la professionnalisation des intervenants de Pôle emploi et les liens avec les opérateurs privés.

Pôle emploi est confronté à la concurrence comme l'ensemble des services publics de l'emploi. Des géants mondiaux, comme Adecco ou Manpower, interviennent sur le marché de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Or nous n'avons qu'une vision comptable du recours à ces opérateurs privés. Le nombre de demandeurs d'emploi suivis par ces opérateurs est passé de 178 000 en 2010 à 78 000 en 2011 pour des raisons uniquement financières. Nous avons donc lancé une évaluation sur les opérateurs privés de placement et leur efficacité en termes de retour à l'emploi. Nous espérons en recueillir les premiers résultats au mois de juin.

Mme Gabrielle Simon, première vice-présidente confédérale à la CFTC. - Cette fusion a été mise en place à marche forcée et dans un contexte particulièrement difficile, qui n'avait pas été anticipé. Des rapprochements s'étaient déjà produits auparavant entre l'Unedic, les Assedic et l'ANPE, qui avaient apporté des améliorations, mais l'annonce de cette réforme a créé une véritable attente de la part des demandeurs d'emploi. Les agents de Pôle emploi devaient leur apporter un service nettement amélioré, ce qu'ils n'ont pu réaliser compte tenu de la crise et de l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi, en dépit de leur investissement et de leur engagement. La communication qui a accompagné cette réforme a fait croire qu'un référent unique serait en mesure d'accompagner concrètement chaque demandeur d'emploi pour l'aider à retrouver un emploi plus rapidement. Or nous savons bien que certains sites ont conservé deux implantations différentes et que les problèmes restent très importants.

Cette réforme présente cependant certains points positifs. Le principal tient, pour les demandeurs d'emploi, au lieu unique qui, lorsqu'il existe, permet au demandeur d'emploi de bénéficier d'une offre de services complémentaires et apporte aux agents une meilleure compréhension du travail de l'autre filière. L'aspect négatif de la réforme, pour les agents des Assedic notamment, consiste dans la perte de leur bureau, dans des aménagements de site qui n'offrent aucune confidentialité, dans un certain nomadisme et des fonds documentaires réduits. S'y ajoute parfois le sentiment d'un appauvrissement du travail des conseillers, en raison de la centralisation du traitement du courrier, de l'alourdissement des circuits et de réformes de structures qui s'accompagnent d'une perte de relation avec les demandeurs d'emploi.

Aujourd'hui, la présence de l'Etat au sein du conseil d'administration pèse sur la gouvernance de l'institution dans un sens court-termiste. L'Etat s'est désengagé de façon significative, alors que le nombre de demandeurs d'emploi croît : 187 millions d'euros, sur une subvention totale de 1,3 milliard d'euros, n'ont pas été versés par l'Etat en 2009, des fonds ont également été retirés sur la gestion de l'ASS (82 millions d'euros), le transfert des salariés de l'Afpa n'est pas compensé (coût de 52 millions d'euros en 2010 et de 72 millions d'euros en 2011), alors que les besoins se révèlent gigantesques. Ce désengagement s'est traduit par des suppressions d'emploi alors que la demande est forte et que le nombre de demandeurs d'emploi suivis par agent est déjà trop important pour apporter un service de qualité.

Des décisions politiques interviennent par ailleurs qui s'avèrent difficiles à mettre en oeuvre. Quand un nouveau plan de mobilisation vers l'emploi prévoit l'accompagnement prioritaire des demandeurs d'emploi de longue durée, les agents estiment que cela ne peut se faire, compte tenu du manque de moyens, qu'au détriment des autres demandeurs d'emploi. Un sentiment d'impuissance se développe et le personnel de Pôle emploi souffre de ne pouvoir assurer pleinement ses missions. La fusion, qui présentait de beaux objectifs, ne les a pas tous atteints du fait de la crise, des restrictions budgétaires, de la précipitation et du manque de préparation de la fusion.

Sur le service rendu aux usagers, il faut souligner que l'indemnisation constitue un sujet capital pour les demandeurs d'emploi. Les demandeurs d'emploi souhaitent avant tout connaître le montant de leur indemnisation afin de savoir s'ils pourront encore finir le mois. Or, aujourd'hui, nombre de demandeurs d'emploi subissent des retards dans le traitement de leur dossier, qui se révèle de plus en plus complexes du fait de la parcellisation des tâches. Le temps alloué au calcul de l'indemnisation s'est fortement réduit. Les conseillers en charge du placement se trouvent souvent seuls à l'accueil des sites et éprouvent des difficultés à répondre à toutes les questions car ils ne peuvent maîtriser les deux métiers, contrairement à ce qui avait été envisagé à l'origine. Les demandeurs d'emploi sont souvent, pour des questions de gain de temps, renvoyés à des plates-formes téléphoniques, subissant ainsi une perte de relation humaine dans le traitement de leur demande.

La fusion devait permettre aux agents de gérer des portefeuilles de soixante demandeurs d'emploi. Or les portefeuilles varient aujourd'hui entre cent et quatre cents demandeurs d'emploi. Nombre d'agents gèrent des portefeuilles de deux cents à trois cents demandeurs d'emploi et se trouvent dans l'impossibilité de faire leur travail correctement. Les agents de l'indemnisation auraient souhaité se former au placement mais ne disposent pas du temps nécessaire pour cela. Le suivi mensuel est source de stress et de tensions pour le demandeur d'emploi comme pour le conseiller. Les demandeurs d'emploi ont des besoins différents en termes de suivi, ce qui nécessite une organisation du travail différente de celle qui existe aujourd'hui. Il ne faut pas non plus oublier le manque d'offres d'emploi, de contrats aidés ou de formations à proposer.

La CFTC estime que la situation pourrait être améliorée si la proposition suivante était mise en oeuvre : nous estimons que quatre millions de personnes ont besoin aujourd'hui d'un accompagnement ; or, il s'avère difficile d'offrir à chacun un accompagnement sur mesure ; nous pensons donc qu'une segmentation de la population des demandeurs d'emploi permettrait d'atteindre l'objectif d'un accompagnement personnalisé. Il ne s'agit pas de placer les demandeurs d'emploi dans des cases mais de rassembler les personnes éprouvant des problèmes communs ou présentant des degrés d'autonomie similaires pour leur apporter le meilleur service. Une telle segmentation devrait être évolutive, en fonction du temps durant lequel le demandeur se trouve éloigné de l'emploi. S'orienter vers un tel dispositif susciterait cependant quelques problèmes et nécessite une grande finesse pour qu'il soit accepté par les conseillers. Certains se montrent en effet réticents, ayant le sentiment qu'ils perdraient ainsi leur autonomie et que leur professionnalisme serait mis en doute. Cette proposition nécessite donc une étude et devrait s'accompagner d'un vrai dialogue social, qui fait peut-être un peu défaut aujourd'hui.

Le comité d'évaluation effectue un travail de grande qualité. Une évaluation interne présente toutefois certaines limites et peut être considérée comme biaisée par certains. Le comité d'évaluation ne dispose pas, en outre, des moyens pour tout évaluer et des évaluations externes peuvent donc s'avérer nécessaires.

Quant à la direction et au conseil d'administration, au-delà des propos qui ont été tenus précédemment et auxquels je m'associe pleinement, je crois que la direction générale n'a pas véritablement la culture du paritarisme et du dialogue social. Nous avons le sentiment d'être peu écoutés et peu entendus au niveau du conseil d'administration. Or la gestion de Pôle emploi se révèle très complexe et il nous semble que tous les partenaires devraient détenir, enfin, une vraie place et un véritable pouvoir. La présence de conseillers techniques, comme c'est le cas à l'Unedic, permettrait de réduire la longueur des réunions du conseil d'administration. L'Unedic pourrait d'ailleurs, au titre de son rôle de financeur, très légitimement y siéger en tant qu'observateur.

Lors du lancement de la fusion, beaucoup pensaient que nous pourrions disposer de conseillers spécialistes à la fois de l'indemnisation et du placement. Or cela s'est avéré impossible, compte tenu de la complexité de ces deux métiers. Le manque d'offres d'emploi rend également la situation difficile. La législation évolue très vite et les agents éprouvent parfois des difficultés à se tenir à jour. Nombre d'agents sont aujourd'hui mécontents de cette fusion. Les agents de placement estiment qu'ils sont les seuls à être envoyés au front tandis que les autres se sentent dévalorisés et bloqués dans leur carrière. Le mélange des deux cultures ne s'est pas encore opéré, empêchant Pôle emploi de devenir une institution véritablement performante et appréciée de tous.

Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire nationale en charge de l'emploi à la CFE-CGC. - Cela fait maintenant trois ans que la loi du 13 février 2008 a organisé la fusion de l'ANPE et des Assedic et deux ans que Pôle emploi est né. Malgré un rythme soutenu, cette fusion est loin d'être achevée. La fusion de ces deux entités, employant 50 000 personnes, ne pouvait se faire en un jour, d'autant que les deux institutions concernées relèvent de cultures différentes et de métiers, certes complémentaires, mais qui font appel à des aptitudes professionnelles opposées. La fusion a été rendue plus complexe par la crise, qui a entraîné une augmentation considérable du nombre de demandeurs d'emploi mais cela n'explique pas tout. Il aurait fallu, selon la CFE-CGC, préparer les esprits à la fusion, chiffrer son coût et accompagner toutes les phases de la restructuration. C'est l'absence de cette étape préparatoire qui a donné l'impression d'une fusion bâclée. Une meilleure préparation aurait permis de déminer tous les sujets et d'accélérer la négociation de la convention collective de Pôle emploi, qui n'a été signée qu'en 2009 et appliquée en 2010.

La CFE-CGC ne peut considérer que cette fusion est achevée tant que le fonctionnement de Pôle emploi lui-même ne s'est pas amélioré avec un objectif d'efficacité pour les demandeurs d'emploi. Il est nécessaire, pour cela, de donner à Pôle emploi les moyens de fournir un service de qualité tant aux demandeurs d'emploi qu'aux entreprises.

Nous sommes aujourd'hui très loin de l'objectif initial d'un conseiller pour soixante demandeurs d'emploi. Les conseillers chargés du suivi mensuel personnalisé gèrent des portefeuilles de cent à cent cinquante demandeurs d'emploi. Il découle de cette surcharge de travail une baisse de qualité et une baisse du moral des agents. Les objectifs se révèlent d'ailleurs de moins en moins respectés et le suivi est de moins en moins personnalisé. La consultation par mail remplace de plus en plus un entretien individuel. Cette situation contribue à la dégradation des relations entre Pôle emploi et les demandeurs d'emploi, dont les médias se font l'écho. Pôle emploi reçoit environ 600 000 réclamations en une année, ce qui est révélateur de l'ampleur des dysfonctionnements. Cette situation s'avère d'autant plus préoccupante que Pôle emploi est en train d'actualiser et de développer l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) qui nécessitera un premier entretien de cinquante minutes, ce qui inquiète les salariés qui devront assumer cette nouvelle charge.

Par manque de temps pour accueillir les demandeurs d'emploi, Pôle emploi sous-traite de plus en plus leur suivi à des opérateurs privés de placement, une opération qui se révèle coûteuse (150 millions d'euros en 2009) et présente un risque pour Pôle emploi de perdre son expertise et ses compétences. Au regard du nombre de dossiers sous-traités, la CFE-CGC se demande si Pôle emploi ne risque pas de devenir un simple bailleur de fonds, réduisant sa mission à la seule indemnisation des demandeurs d'emploi. En outre, la loi du 23 juillet 2010, relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, a libéralisé l'activité de placement à toutes les entreprises qui le souhaitent. Pour corriger cette situation, la CFE-CGC estime qu'il est nécessaire avant tout d'embaucher. Pôle emploi attend toujours la compensation du transfert des personnels de l'Afpa. La CFE-CGC regrette aussi le non-renouvellement de 1 500 CDD, alors que Pôle emploi fait encore face au surcroît de travail engendré par la crise, qui a rendu la fusion encore plus difficile à accepter pour les agents.

La CFE-CGC estime également qu'il est nécessaire d'individualiser les services fournis. Dans le cadre du plan « Rebond », Pôle emploi n'a pu fournir aux chômeurs en fin de droits un accompagnement spécifique. Il aurait fallu nommer un responsable capable de conduire un projet aussi spécifique que celui-ci. De la même manière, Pôle emploi achète les formations en masse alors que celles-ci doivent correspondre aux besoins des demandeurs d'emploi pour être efficaces. Pour améliorer le fonctionnement de Pôle emploi, il nous semble également nécessaire d'unifier le régime juridique applicable à ses différentes activités. La coexistence de deux environnements juridiques, public pour le placement et privé pour l'indemnisation, suscite en effet incompréhension et tensions chez les salariés.

Le fonctionnement de Pôle emploi ne se révélera optimal que lorsque les relations de Pôle emploi avec ses partenaires seront moins compliquées. Lors de la conclusion des conventions, Pôle emploi apparaît encore comme une structure trop lourde. Il conviendrait de rechercher les complémentarités et d'éviter les doublons, notamment sur les terrains spécifiques de l'Afpa ou de l'association pour l'emploi des cadres (Apec). Enfin, il convient de s'interroger sur la gouvernance de Pôle emploi et la place accordée aux partenaires sociaux. Ceux-ci ont prouvé, au sein de l'Unedic notamment, leur capacité à assumer leurs responsabilités. Il n'existe aucune raison pour qu'il n'en soit pas de même à Pôle emploi.

M. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail au Medef . - Le rapprochement de l'ANPE et du réseau des Assedic a bénéficié, dès l'origine, du soutien du Medef. Nous avions considéré que la réforme du service public de l'emploi méritait d'être soutenue sous réserve, d'une part, qu'elle soit source d'économies, d'autre part, qu'elle associe largement les partenaires sociaux à sa gouvernance. Les partenaires sociaux, gestionnaires de l'assurance chômage, ont accepté que l'Unedic finance, au côté de l'Etat, la nouvelle institution même s'il leur paraissait préférable que le quantum de cette contribution ne soit pas légalement fixé mais fasse l'objet d'une discussion, au vu notamment des besoins de financement de Pôle emploi.

Depuis sa création, Pôle emploi a rencontré des difficultés dans quatre domaines : d'abord, l'établissement de la convention tripartite a nécessité de longs débats ; ensuite, l'Etat n'a pas tenu ses engagements financiers : à titre d'illustration, 187 millions d'euros de subvention n'ont pas été versés et le transfert des personnels de l'Afpa n'a pas été compensé ; le coût de la convention collective, pour laquelle 70 % des agents ont opté, a mécaniquement entraîné une augmentation de la masse salariale de 4 % ; enfin, la crise économique a eu des conséquences sur l'emploi qui ont fortement influé sur la capacité de Pôle emploi à remplir sa mission.

S'agissant du fonctionnement interne de l'institution, nous considérons que l'avis des partenaires sociaux doit être mieux pris en compte, notamment lorsque l'Unedic participe au financement de mesures exceptionnelles figurant à la section 5 du budget de Pôle emploi. Quant au maillage territorial, un travail de qualité a été réalisé, en liaison avec les partenaires sociaux. Les conclusions du rapport de Mme Rose-Marie Van Lerberghe, qui recommandait le développement des partenariats et l'adoption d'une stratégie plus poussée de territorialisation afin de tenir compte des spécificités des bassins d'emploi, restent valables à nos yeux.

Pôle emploi a été créé alors que le nombre de demandeurs d'emploi s'orientait, depuis trois ans, à la baisse. Or l'institution a dû faire face à une augmentation significative du chômage dans une période de récession économique. Son action nécessite donc, dans ce contexte, notre soutien pour être plus efficiente. Une évaluation de l'efficacité d'un tel organisme s'avère extrêmement difficile à conduire. Le seul indicateur qui doit, à notre sens, être retenu est celui du taux de retour à l'emploi, à trois ou six mois. Le comité de suivi de la convention tripartite, qui devait se réunir deux fois l'an, n'a été convoqué qu'une fois depuis 2009. Les indicateurs fixés par cette convention ne nous sont pas régulièrement transmis et concernent surtout les moyens alloués à Pôle emploi et non les résultats obtenus. Le rapport annuel prévu par la même convention n'a jamais été établi.

Le Medef formule deux recommandations pour améliorer la qualité du service rendu aux demandeurs d'emploi et aux entreprises. Pôle emploi a analysé les éléments qui constituent des freins au retour à l'emploi et en a établi la typologie suivante : une information insuffisante sur le marché du travail, qui peut se traduire par une recherche d'emploi orientée vers des métiers qui recrutent peu ; une difficulté à approcher les entreprises, due notamment à une mauvaise maîtrise des techniques de recherche d'emploi ; un déficit de compétences, qui suppose le recours à l'outil de formation dans une logique d'adaptation ou de qualification ; enfin, des difficultés de nature plus personnelle.

L'offre de services de Pôle emploi tient insuffisamment compte de cette analyse puisqu'elle distingue les demandeurs d'emploi en fonction de catégories extrêmement hétérogènes et non en fonction des difficultés qu'ils rencontrent dans le retour à l'emploi. Il nous paraît fondamental de placer la mesure de la distance à l'emploi au coeur du diagnostic.

Par ailleurs, Pôle emploi devrait s'attacher à renforcer encore davantage ses relations avec les entreprises. L'institution ne recueille que 15 % des offres d'emploi et 55 % seulement des entreprises qui disposent d'un fort potentiel de recrutement reçoivent la visite des agents de Pôle emploi. Le code ROME (répertoire opérationnel des métiers et des emplois) se révèle, au regard des besoins des entreprises utilisatrices, totalement inadapté.

Pour faire face aux variations conjoncturelles du chômage, Pôle emploi doit disposer d'une certaine souplesse dans la gestion de ses effectifs et s'appuyer sur les opérateurs extérieurs, recours qui permet de gérer le flux des demandeurs d'emploi et de placer les organismes de placement en concurrence. Nous pensons enfin que les partenariats de Pôle emploi avec d'autres acteurs s'avèrent essentiels dans la mesure où ils lui permettent de s'appuyer, pour le reclassement de publics particuliers, sur des savoir-faire dont il ne dispose pas et qu'il n'a pas vocation à acquérir. Le rôle des missions locales, par exemple, se révèle essentiel dans l'accompagnement des jeunes éloignés de l'emploi. Or, la mise en oeuvre de ces partenariats apparaît parfois complexe et n'offre pas toujours la réactivité nécessaire au regard de ces publics.

M. Jean-Michel Pottier, président de la commission formation et éducation à la CGPME. - Pour la CGPME, la fusion de l'ANPE et des Assedic a été subie et non voulue, ce qui a abouti à une gestion très lourde et administrative. Par ailleurs, la gouvernance de Pôle emploi est perfectible comme le démontrent les difficultés rencontrées au sein du conseil d'administration. Nous avons connu, en 2010, des moments de tension très forte lors du vote du budget, vote qui devrait se révéler encore plus douloureux en 2011. Si les partenaires sociaux sont bien représentés, le système s'avère ambigu avec un directeur général directement nommé par l'Etat et une stratégie qui n'est pas décidée par le conseil d'administration, ce qui remet en cause la légitimité des administrateurs. Cette situation est aggravée par le déroulement même des réunions du conseil d'administration, qui laisse peu de temps à l'examen des véritables questions stratégiques. Au sein du conseil, l'Etat est tantôt totalement muet, tantôt très contraignant, nous imposant une triple peine : des promesses budgétaires non tenues, des restrictions budgétaires et une pression sur les partenaires sociaux pour financer ce qu'il ne veut plus prendre en charge.

S'agissant de la territorialisation de Pôle emploi, le rôle des instances paritaires régionales (IPR) est faiblement pris en compte par les directions régionales de Pôle emploi, ce qui pose des problèmes et ne permettra pas de corriger les difficultés rencontrées sur le terrain. Nous avons aussi rencontré des difficultés dans la mise en oeuvre de certaines dispositions légales : ainsi, la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), prévue par la loi du 24 novembre 2009, commence à peine à se mettre en place. Pôle emploi a même redessiné les contours de la mesure : d'un dispositif créé au bénéfice des demandeurs d'emploi, il a fait un dispositif d'aide financière aux entreprises.

Deux indicateurs nous paraissent essentiels pour évaluer la qualité du service rendu par Pôle emploi. D'abord, la performance de Pôle emploi se mesure à sa capacité à individualiser la prise en charge des demandeurs d'emploi. Ensuite, l'indicateur lié au nombre d'offres d'emploi collectées reflète la qualité de la relation instituée avec les entreprises. L'ANPE s'était révélé plus qu'absente en la matière. Malgré quelques signes d'amélioration, des efforts doivent encore être réalisés. Nous proposons d'ailleurs la création d'un service dédié aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) sur le plan territorial, afin de mieux prendre en compte leurs offres d'emploi. Quant aux codes ROME, force est de constater qu'en classant les demandeurs d'emploi dans ces « petites boites », on nuit grandement à l'efficacité du site internet de Pôle emploi car le classement des offres se révèle particulièrement hétéroclite. Une réflexion devrait donc, en la matière, être entreprise.

La dimension territoriale me paraît tout à fait déterminante. Le fonctionnement du service public de l'emploi n'a d'efficacité que si celui-ci est envisagé au niveau du territoire. Mais un problème de gouvernance territoriale demeure : l'Etat est représenté, sur un territoire donné, par le préfet ou le sous-préfet, Pôle emploi, l'éducation nationale, ce qui ne facilite pas le travail avec les autres partenaires et complique la transmission des informations.

M. Claude Jeannerot, président. - Vos interventions montrent des convergences fortes. Vous convenez unanimement que le conseil d'administration, du fait même des règles du jeu définies, se trouve dépossédé des orientations stratégiques et que l'Etat, dans ses choix et sa gestion, se révèle relativement erratique, interdisant toute visibilité. Selon vous, la fusion, qui a pu constituer une bonne idée, se trouve aujourd'hui mise à mal par la surcharge de travail observée et le manque de moyens mis à disposition ainsi que par une organisation du travail inadaptée.

M. Laurent Berger, pourriez-vous qualifier l'organisation actuelle de Pôle emploi s'agissant de son ancrage dans les territoires ? L'efficacité de Pôle emploi semble dépendre de sa capacité à développer et entretenir des relations avec l'ensemble des acteurs sur un territoire donné. Or vous indiquez que l'une des sources des dysfonctionnements provient justement d'un ancrage territorial défaillant ou dissonant.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Les élus ont souvent l'impression que la territorialisation de Pôle emploi reste floue et que le service public de l'emploi, dans ses composantes locales, demeure peu cohérent. Les communautés d'agglomération y sont ainsi très diversement associées, alors qu'elles possèdent une bonne connaissance du tissu économique local. Il me semble que cette territorialisation constitue la clé du succès, tant en externe pour l'efficacité globale de Pôle emploi, qu'en interne pour donner du sens et une lisibilité à l'action quotidienne des salariés de l'institution.

J'ai été interpelé, M. Stéphane Lardy, par votre remarque sur l'absence de présentation des rapports d'évaluation au conseil d'administration. J'aimerais également mieux comprendre les rapports entre le médiateur et le comité d'évaluation. Le médiateur, nommé par le directeur général, doit rendre compte à ce dernier et ne dispose pas de l'autonomie dont bénéficie le comité d'évaluation.

Vous êtes nombreux à avoir évoqué l'illusion du « métier unique ». D'autres ont précisé que réapparaissent aujourd'hui les anciennes filières du placement et de l'indemnisation. Cette évolution est-elle réelle ou ne constitue-t-elle, pour l'instant, qu'une intention ?

M. Ronan Kerdraon. - Après quatre ou cinq auditions, le constat semble relativement partagé sur l'idée d'une fusion forcée, précipitée et mal préparée. Elle me fait penser à un paquebot mis à la mer par gros temps avec un équipage disparate ayant pour mission de mener tout le monde à bon port. Cela relève d'une mission impossible, d'autant que l'Etat « retire le carburant » en se désengageant financièrement.

Ne faudrait-il pas en finir avec l'illusion d'un traitement de masse des demandeurs d'emploi ? Comme cela a été dit à plusieurs reprises, les gens doivent être suivis d'une manière individualisée et dans la proximité. Des sondages ont été réalisés par des organisations syndicales sur une dizaine de régions, montrant bien que toutes ces problématiques sont présentes et notamment qu'un tiers des demandeurs d'emploi considère que les agents n'ont pas le temps de s'occuper d'eux. Nous nous trouvons devant une situation ubuesque. Ne faudrait-il pas revoir les missions et les objectifs assignés au départ à Pôle emploi et renoncer à l'idée erronée selon laquelle celui qui indemnise serait aussi apte à accompagner le demandeur d'emploi ?

J'ai noté avec satisfaction l'observation du représentant du Medef sur l'intérêt des missions locales mais, là encore, l'Etat supprime des milliers d'emplois au sein de ces organismes. Nous sommes confrontés à une réalité qu'il conviendra, à un moment donné, de remettre en cause. J'aurais souhaité recueillir votre avis sur la nécessaire complémentarité d'action entre toutes les structures travaillant dans le domaine de l'emploi et les collectivités territoriales, conseils généraux ou communautés d'agglomération notamment.

M. Claude Jeannerot, président . - N'oublions pas les conseils régionaux, qui sont compétents en matière de formation.

Mme Annie David . - Vous avez tous évoqués les difficultés relatives à la gouvernance de Pôle emploi. Est-ce la gestion tripartite qu'il faut revoir, l'Etat étant perçu comme un frein, ou est-ce que le dialogue social est insuffisant du fait de l'absence de prise en compte des partenaires sociaux dans les débats des instances ? Pourriez-vous formuler des propositions sur la gouvernance qui serait la plus à même de fonctionner ?

Vous avez également évoqué les différents statuts. S'il est vrai que les agents se soucient peu du statut juridique de Pôle emploi, cela a des conséquences en termes de fonctionnement. Quelle solution se révélerait, pour vous, la plus intéressante ?

Vous avez souligné l'insuffisance et l'inadaptation des formations ainsi que leur achat en masse. Ne pensez-vous pas que certaines de ces formations pourraient être dispensées par les agents de Pôle emploi eux-mêmes, et non par des sociétés privées de formation, pour renforcer les liens avec les demandeurs d'emploi ? Je pense notamment à la formation à la rédaction des curriculum vitae (CV) ou à la présentation à l'entretien d'embauche, formations qui étaient autrefois dispensées par les agents de l'ANPE.

Vous avez enfin évoqué le mal-être des agents. Un lien ne devrait-il pas, sur ce point, être opéré avec l'évolution de la gouvernance ? Une réorganisation ne permettrait-elle pas de remédier au mal-être des agents et à l'insatisfaction des demandeurs d'emploi - la CFE-CGC a parlé de 600 000 réclamations ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Vos interventions se sont révélées particulièrement riches. Vous évoquez des problèmes territoriaux, un tripartisme insatisfaisant, un management pyramidal, une gouvernance déséquilibrée au profit de l'Etat, le manque de suivi dans les partenariats, l'absence d'accompagnement individualisé des demandeurs d'emploi ou l'inadaptation du référentiel des codes ROME.

Comment pensez-vous améliorer la situation ? Faut-il changer le mode de gouvernance avec un pouvoir moins fort de l'Etat et un travail sur des objectifs plus qualitatifs que quantitatifs ? Comment permettre une réflexion des partenaires sociaux sur un projet réaliste et réalisable du fonctionnement de Pôle emploi ?

Comment analysez-vous le manque de relations entre les agents de Pôle emploi et les entreprises ? Est-ce dû, selon vous au manque de moyens et de temps des agents ou à l'inadaptation du service rendu aux besoins des entreprises ?

Différents intervenants nous ont fait part du mal-être du personnel. Pôle emploi compte-t-il des médecins du travail en interne ? Comment le personnel s'y retrouve-t-il dans son nouveau statut, notamment pour les anciens agents publics de l'ANPE ?

M. André Reichardt. - Selon moi, un conseil d'administration doit être le lieu où se fixent des orientations stratégiques. Avez-vous élaboré des stratégies nationales pour le traitement des publics particuliers, comme les chômeurs de longue durée qui cumulent les difficultés ? Met-on des actions en oeuvre pour éviter qu'une personne ne devienne un chômeur de longue durée, notamment dans le cadre d'un licenciement collectif ? Des stratégies ont-elles été définies pour traiter les dossiers le plus en amont possible ?

Mme Nicole Bonnefoy. - J'ai entendu dire qu'il existerait une prime versée en fonction du nombre de chômeurs sortis de la liste des demandeurs d'emploi. En avez-vous connaissance ?

M. Stéphane Lardy (FO). - Le comité d'évaluation n'a aucune relation avec le médiateur, pas plus d'ailleurs qu'avec le comité de suivi de la convention tripartite qui ne se réunit pas. Nous faisons appel à des prestataires externes pour réaliser nos évaluations. Actuellement, nous rédigeons un cahier des charges pour évaluer le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) et le suivi mensuel personnalisé (SMP), qui structurent l'offre de services de Pôle emploi. Nous avons été alertés sur le fait que certaines directions régionales lançaient des expérimentations d'évolution du SMP et avons été contraint d'intervenir auprès de la direction générale pour les différer, le temps que notre évaluation soit effectuée.

S'agissant du statut, la question n'est pas de déterminer la structure la plus adéquate entre un établissement public administratif (EPA) et un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Au terme de notre analyse juridique, il s'agit d'un établissement public administratif mais tel n'est pas le problème des agents, qui souhaitent plus de visibilité. La loi indique que la convention collective de Pôle emploi est une convention collective de branche. M. Christian Charpy représente donc la branche à lui tout seul ! De la même manière, l'Etat avait indiqué que les cotisations de retraite complémentaires relevaient de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) mais la situation n'est pas aussi claire. L'instabilité juridique crée de l'instabilité sociale. Il existe des ambiguïtés auxquelles nous ne savons répondre. Il convient de stabiliser la situation.

Quant au traitement de masse, il ne s'agit pas d'une illusion mais d'une réalité. Se pose dès lors la question des moyens humains. Le Royaume-Uni, durant la crise, a augmenté bien plus que la France les effectifs de ses services d'emploi. Pôle emploi est devenu une machine à prescrire. Il faut que cet opérateur mène une vraie gestion des ressources humaines, ce qu'il ne fait pas aujourd'hui et les directions régionales doivent disposer d'une réelle autonomie en la matière.

Le conseiller unique n'a jamais existé, la direction ayant très vite constaté l'échec de ce modèle. L'objectif que nous défendons est celui du référent unique qui, comme au Royaume-Uni, consulte le conseiller spécialisé en indemnisation ou en orientation et fait le lien avec le demandeur d'emploi dont il s'occupe.

Quant à la gouvernance du conseil d'administration, dans une entreprise privée, lorsque vous détenez 63 % du capital vous disposez, en principe, d'un réel pouvoir de décision. Or le conseil d'administration de Pôle emploi ne décide de rien. Nous sommes certes majoritaires mais ne disposons pas d'une majorité de gestion. D'autres expériences de tripartisme ont montré que c'est l'Etat qui, à chaque fois, reprend la main. Nous demandons un accord sur la méthode car les orientations stratégiques sont peu abordées au sein du conseil et le pilotage de Pôle emploi vient du plus haut niveau de l'Etat. Je citerai un exemple : un séminaire a été organisé en juin 2010 sur l'offre de services ; nous n'en avons plus entendu parler jusqu'à ce qu'une note, au dernier conseil d'administration, nous soit présentée sur l'offre de services. Cet exemple illustre les problèmes de transparence, de parole donnée et de méthode de travail.

M. Jean-Michel Pottier (CGPME). - Je souhaiterais recentrer le débat sur le problème de la gouvernance. La gouvernance, au niveau national, se révèle difficile d'abord parce que le directeur général est nommé par décret. Le directeur général ne rend donc pas compte au conseil d'administration, mais au Gouvernement qui l'a nommé, et les discussions stratégiques ont lieu en dehors du conseil, d'autant qu'il existe des dispositifs créés par les partenaires sociaux dont Pôle emploi est l'opérateur principal, ce qui rend le système encore plus complexe. Qu'une convention tripartite vienne préciser le dispositif et permette de faire un point régulier des engagements de chacun constitue une bonne solution. L'Etat doit jouer son rôle mais son interventionnisme permanent, opportuniste ou non, crée aujourd'hui des perturbations.

Nous sommes par ailleurs confrontés à un véritable problème en termes de gouvernance territoriale car chaque acteur veut prendre le pouvoir. Il faut désigner, d'un commun accord entre tous les partenaires, celui qui assumera le rôle d'animateur au niveau d'un territoire, qui veillera à la communication entre les acteurs et améliorera la cohérence du dispositif, en assurant une meilleure connaissance réciproque du rôle et des missions de chacun.

M. Claude Jeannerot, président . - Une circulaire récente de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, relative au service public de l'emploi local, rappelle qu'il incombe au préfet ou au sous-préfet de jouer ce rôle d'animateur. Ce système n'est pas encore effectif, cependant, et des concurrences se font jour entre les acteurs.

Je souhaiterais également demander à Mme Marie-Françoise Leflon la source de ce chiffre relatif aux 600 000 réclamations reçues par Pôle emploi.

M. Laurent Berger (CFDT). - Je partage les propos de M. Jean-Michel Pottier. Le rôle d'animateur se révèle toujours le plus difficile à assumer. Une gouvernance territoriale s'avère nécessaire, de même qu'une articulation entre les acteurs. Dans le fonctionnement de Pôle emploi, nous nous sommes étonnés que les instances paritaires régionales aient parfois été réunies par la direction générale sans que les organisations syndicales et patronales en soient informées.

L'organisation du travail à Pôle emploi est ultra-centralisée, sans esprit d'initiative et soumise à un contrôle statistique permanent. Le suivi mensuel personnalisé est parfois réalisé collectivement. Sa durée a été estimée à vingt minutes alors qu'elle devrait s'adapter aux besoins de chacun. Le rapprochement entre l'offre et la demande d'emploi répond à des objectifs statistiques, sans tenir compte des résultats réellement obtenus. Les agents, qui doivent réaliser dix rapprochements, se trouvent de fait contraints de proposer des offres qui ne conviennent pas du tout aux demandeurs d'emploi. Cette logique statistique est la réalité quotidienne des agents, qui ne trouvent plus de sens à leur travail. Il ne leur est plus demandé de répondre aux besoins des individus mais aux exigences de l'évaluation et de la statistique.

Je pense que le métier unique constituait un problème mais il faut aussi souligner qu'il n'existe pas un métier plus noble que l'autre. Le mal-être des agents issus de l'assurance chômage provient, pour partie, de la faible place qui leur a été accordée au sein de l'encadrement, au profit des agents de l'ANPE. La crise, certes, a joué un rôle mais la fusion s'est aussi opérée dans la précipitation.

Suivi et accompagnement sont par ailleurs souvent confondus. L'accompagnement doit s'effectuer en fonction du degré d'éloignement à l'emploi. Cessons de penser que nous pourrons accompagner quatre millions de personnes. Les organisations syndicales, dans le cadre de l'accompagnement renforcé, émettent des propositions relativement proches. Des outils ont aujourd'hui fait leur preuve pour les licenciés économiques mais cela ne concerne que 8 % des usagers de Pôle emploi. Il convient de mettre en place un système pour les autres catégories de demandeurs d'emploi.

Des moyens sont effectivement nécessaires mais le problème de Pôle emploi ne relève pas d'une simple question de moyens. Il s'agit d'un problème de gouvernance, d'organisation du travail, de territorialisation et de sens du travail accompli. La gestion tripartite ne fonctionne pas de manière satisfaisante aujourd'hui. L'Etat impose ses choix aux partenaires sociaux, mais ne parvient pas toujours à contrôler son opérateur. Je considère que Pôle emploi a par exemple décidé sciemment de faire échouer le plan « Rebond », notamment pour protester contre les interventions trop fréquentes de l'ancien secrétaire d'Etat à l'emploi dans son fonctionnement. En 2010, la CFDT n'a pas pris part au vote sur le budget pour ne pas bloquer son adoption. Nous voterons contre le projet de budget pour 2012 si les règles ne sont pas revues car nous ne pouvons jouer un rôle qui n'est pas le nôtre.

M. Claude Jeannerot, président . - Quelles solutions proposez-vous en matière de gouvernance ?

M. Laurent Berger (CFDT). - Je reconnais qu'il est normal que l'Etat soit le responsable de la politique de l'emploi mais il doit l'assumer. Nous proposons l'institution d'un comité stratégique chargé de suivre la convention tripartite et de définir les orientations stratégiques, mises en oeuvre ensuite par le conseil d'administration.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Certains intervenants ont souligné la nécessité de discuter le budget de Pôle emploi plus tôt dans l'année, suffisamment en amont pour mener un débat qui mette en évidence des stratégies et non seulement une analyse comptable des résultats.

M. Laurent Berger (CFDT). - Force est de constater que nos avis sur les décisions budgétaires récentes de l'Etat ne sont pas pris en compte. Je pense que le budget doit être examiné beaucoup plus tôt mais l'Etat doit également assumer ses responsabilités. Le conseil d'administration, en fonction des contraintes, agira dans le cadre budgétaire défini.

M. Benoît Roger-Vasselin (Medef). - Je partage largement les propos de mes collègues. Le fait que nous nous rencontrions régulièrement en tant qu'administrateurs de Pôle emploi nous permet de traduire assez largement notre consensus sur la tendance générale positive de Pôle emploi mais également sur l'existence de pistes d'amélioration relativement partagées.

Mme Gabrielle Simo (CFTC). - Un ancrage territorial plus affirmé apporterait du sens au travail des agents, en permettant une adéquation entre les besoins et l'offre de services. Il faut, pour cela, développer des coopérations et le dialogue entre les services et les différents acteurs de l'emploi tout en effectuant des arbitrages, sous peine de tourner en rond et de ne pas aboutir à une territorialisation efficace.

L'illusion du métier unique relevait de l'euphorie initiale suscitée par la fusion. Une réelle évolution s'est produite, la direction générale admettant que les agents ne peuvent à la fois assurer le placement et l'indemnisation. Tout n'est cependant pas clair et j'ai le sentiment que nous nous trouvons encore dans une phase de tâtonnements et de recherche. Une réunion a été organisée sur l'offre de services. Nous n'en avons reçu aucun retour. Il en est de même de nos remarques formulées au sein du conseil d'administration.

Le métier unique paraît impossible à instituer mais il importe d'accorder aux agents des possibilités d'évoluer entre les deux métiers. Ces mobilités fonctionnelles permettront aux uns de connaître le métier des autres et cela se révélera très positif.

Nous étudions de nombreux indicateurs portant sur les moyens mis en oeuvre. Il importe cependant de s'orienter vers des indicateurs de résultats relatifs aux taux de retour à l'emploi à six, douze ou vingt-quatre mois, afin d'apprécier si les personnes qui ont retrouvé un emploi reviennent ensuite au chômage ou si leur insertion professionnelle est au contraire durable.

S'agissant du tripartisme, dès lors que l'Etat prend les décisions seul, le conseil d'administration ne dispose de quasiment aucune marge de manoeuvre.

La fusion, dans un premier temps, exigeait un rapprochement des structures, qui ne pouvait être effectué que de façon centralisée. Il convient aujourd'hui de décliner la fusion au niveau territorial, en organisant des formations localement. La territorialisation doit toucher tous les domaines, y compris la gestion des ressources humaines.

Les relations avec les employeurs doivent être développées. Aujourd'hui émerge une forme de dépersonnalisation des relations entre Pôle emploi et les entreprises, dont le mécontentement croît. Les Assedic employaient des agents chargés de collecter les cotisations, qui sont aujourd'hui prélevées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf). Nous proposons donc d'affecter ces agents aux relations avec les employeurs, qu'ils connaissent bien. Il conviendrait de mettre en place des conseillers spécialisés en fonction des publics (jeunes demandeurs d'emploi, intermittents du spectacle, entreprises...) et, en tout cas, sortir d'une centralisation excessive pour s'adapter aux besoins.

Mme Marie-Françoise Leflon (CFE-CGC). - Le nombre de réclamations que j'ai cité est issu du rapport du médiateur. Pôle emploi traite six millions de dossiers par an. Le chiffre de 600 000 comprend toutes les réclamations, qui constituent du travail supplémentaire et participent au mal-être des agents. In fine, 32 % reçoivent une issue favorable, 30 % sont rejetées, 13 % sont classées sans suite, d'autres sont réorientées et 15 000 réclamations sont transmises au médiateur.

Dans toute fusion, les catastrophes se produisent lorsque le directeur général a pour objectif principal de réaliser des économies d'échelle. Peut-être faudrait-il, au contraire, construire un vrai service public de l'emploi, en plaçant le demandeur d'emploi au centre de la réflexion et en croisant les compétences afin de les rendre complémentaires. Or, avec la crise qui a doublé le nombre de demandeurs d'emploi et allongé la durée d'indemnisation, a été opérée une fusion technocratique visant à dégager des économies, ce qui n'a pas permis de créer une culture commune permettant ensuite une segmentation par type des demandeurs d'emploi.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le recouvrement doit être effectué par les Urssaf tandis que l'indemnisation restera à Pôle emploi. Le transfert du recouvrement est-il opérationnel ?

M. Stéphane Lardy (FO). - Le transfert du recouvrement des cotisations a été réalisé le 1 er janvier 2011.

Mme Marie-Françoise Leflon (CFE-CGC). - Nous avons connu, en matière de recouvrement, des problèmes d'échange de fichiers. Par ailleurs, le millier de salariés qui quitte les tâches de recouvrement devrait suivre des formations pour exercer de nouveaux métiers. Au sein du bureau de l'Unedic, les partenaires sociaux examinent les problèmes en amont. Nous regrettons l'absence d'une telle instance et d'une telle méthode de travail au sein de Pôle emploi.

M. Laurent Berger (CFDT). - Quant à la médecine du travail, à notre connaissance, les agents relèvent des groupements interprofessionnels de médecine du travail. Nous n'avons pas été informés de l'existence de primes indexées sur le nombre de sorties de la liste des demandeurs d'emploi. Mais la logique statistique à outrance que j'ai évoquée constitue, selon nous, une démarche catastrophique.

Audition de MM. Gaby BONNAND, président,
et Vincent DESTIVAL, directeur général,
de l'Unedic
(mercredi 13 avril 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Nous accueillons cet après-midi le président de l'Unedic, M. Gaby Bonnand, et son directeur général, M. Vincent Destival. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Votre audition est importante à plus d'un titre : en premier lieu, vous avez été impliqués dans le déroulement des opérations de fusion avec l'ANPE dans la mesure où l'Unedic, avant la création de Pôle emploi, pilotait le réseau des Assedic ; aujourd'hui, l'Unedic demeure le principal financeur de Pôle emploi, avec lequel vous avez d'ailleurs signé une convention. Nous souhaiterions donc connaître votre point de vue sur la question des moyens et de la gouvernance du nouvel opérateur qu'est Pôle emploi.

M. Gaby Bonnand . - Je voudrais à mon tour vous remercier d'avoir invité l'Unedic à s'exprimer dans le cadre des travaux que vous menez sur Pôle emploi.

Concernant d'abord le déroulement de la fusion entre l'ANPE et le réseau des Assedic, je rappellerai d'abord que, dans l'exposé des motifs du projet de loi qui a organisé cette fusion, le Gouvernement a défini ainsi le sens de la réforme qu'il souhaitait entreprendre : « Le Gouvernement a décidé de mettre en place à partir des réseaux de l'ANPE et de l'Unedic un opérateur unique pour l'accueil, le placement, le service des prestations d'indemnisation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il s'agit ainsi de passer à une nouvelle étape de la réforme du service public de l'emploi en capitalisant sur les acquis de ces dernières années » . Dès lors, un certain nombre d'éléments étaient actés dans la loi. L'Unedic et l'ANPE ont travaillé à la construction de l'opérateur unique qui a ensuite été dénommé Pôle emploi.

En outre, la loi faisait obligation à l'Unedic de travailler avec l'Acoss pour le transfert du recouvrement des cotisations. La loi indique que ce transfert devait avoir lieu le 1 er janvier 2012, au plus tard. Un décret a ensuite fixé cette date au 1 er janvier 2011.

La fusion a nécessité un travail considérable. Le réseau des Assedic, piloté par l'Unedic, était composé d'une trentaine d'organismes. Ils étaient initialement plus nombreux, mais depuis une dizaine d'années, l'Unedic avait entrepris une régionalisation de son réseau pour parvenir, à terme, à une Assedic par région. Pour réaliser la fusion, l'Unedic a travaillé dans le respect de la loi et a veillé à ce que les intérêts des entreprises, des salariés cotisants, des demandeurs d'emploi et des salariés des deux structures soient respectés. Elle a également veillé à ce que les Assedic aient les moyens de continuer à assumer leurs missions pour éviter toute rupture dans les services rendus aux demandeurs d'emploi.

Près de 15 000 salariés des Assedic et 30 000 agents de l'ANPE ont été transférés au nouvel organisme. Ont également été transférés des matériels, des locaux et des éléments immatériels, par exemple les applications informatiques que les Assedic et l'Unedic avaient développées.

Au moment de la création de Pôle emploi, l'ensemble des dispositions relatives au personnel, aux moyens et aux biens, nécessaires au fonctionnement du nouvel opérateur, étaient formalisées dans une convention de mise à disposition des biens et de transfert des créances et des dettes. Dès le premier jour, le service rendu par Pôle emploi a été opérationnel. Du point de vue de l'Unedic, aucune difficulté dans la mise en oeuvre du service, qui aurait résulté d'une préparation insuffisante, n'est apparue.

Cette priorité donnée aux aspects opérationnels a retardé le règlement de certains aspects financiers. Le principal d'entre eux a concerné le règlement d'un sujet identifié relativement tôt dans la préparation de la fusion, celui relatif à la dette sociale (provisions pour retraite et congés payés, notamment). Le sujet a été réglé après le recours à un expert au début de l'année 2010. L'avis de l'expert a permis de valider le principe du financement des dettes sociales par Pôle emploi à partir du financement apporté par l'Unedic au titre de sa contribution au fonctionnement de l'opérateur.

En 2010, le sujet de l'accès aux fichiers de l'indemnisation et de la « copropriété » de Pôle emploi et de l'Unedic sur ces fichiers a également été réglé, en garantissant aux deux institutions la capacité d'y accéder et de les faire évoluer pour l'exercice de leurs missions respectives. Il était important que l'accès aux fichiers, pour assurer les missions de Pôle emploi et les missions de gestion, d'évaluation et d'audit de l'Unedic, voit ses règles fixées. Nous avons donc conclu une convention dans ce domaine.

Concernant l'immobilier, une première mesure a consisté en la cession à Pôle emploi de quatre-vingts sites. La renégociation des baux est en cours. Les délais nécessaires à la définition du schéma d'implantation territoriale de Pôle emploi ont donné lieu à différentes approches successives. Aujourd'hui, Pôle emploi loue des locaux aux Assedic. Demain, certains locaux seront vendus, Pôle emploi ayant également des objectifs de construction ou de réaménagement de locaux.

Enfin, prévue dans la convention tripartite conclue entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi, la dissolution du groupement d'intérêt économique (GIE) n'a pas encore eu lieu à ce jour. Certains aspects comptables incitent à recourir à un avis d'expert.

S'agissant des relations financières avec Pôle emploi, il existe une convention de trésorerie qui règle les modalités pratiques d'échange entre Pôle emploi et l'Unedic, plus particulièrement les règles d'affectation à un compte courant de la contribution de l'Unedic, égale à 10 % des sommes qu'elle collecte. Le produit de la collecte, qui est effectuée mensuellement, est placé sur un compte courant sur lequel Pôle emploi effectue des prélèvements, compte tenu de ses besoins de trésorerie à un moment précis. Ces modalités de la relation entre Pôle emploi et l'Unedic permettent une gestion optimisée de leurs trésoreries respectives, sans préjudice du financement de Pôle emploi qui conserve un fonds de roulement de l'ordre de 200 millions d'euros.

Est-il possible de constater une amélioration de la qualité des services rendus par Pôle emploi ? Pour répondre à cette question, il convient de signaler, en premier lieu, que l'opérateur a eu à affronter la plus grave crise économique depuis les années 1930, crise qui a eu pour effet d'augmenter considérablement le nombre de demandeurs d'emploi : 1 million de demandeurs d'emploi supplémentaires se sont inscrits entre la mi-2008 et 2010. Cet élément ne peut être ignoré au moment de dresser un bilan, même s'il n'est pas simple de distinguer les conséquences de la crise et celles de la fusion. Quoi qu'il en soit, la crise a eu un impact sur la mise en place de Pôle emploi puisqu'il a fallu, dans le même temps, construire le nouvel opérateur, à partir de deux institutions qui avaient des cultures d'entreprise affirmées et des personnels de statut différent, et rendre le service aux demandeurs d'emploi et aux entreprises notamment en matière d'indemnisation, d'accompagnement et de recherche d'emploi.

Avec ce contexte en toile de fond, il est possible d'évoquer un certain nombre de constats. Il n'est pas possible aujourd'hui d'affirmer que la qualité du service rendu s'est améliorée. J'en veux pour preuve un certain nombre d'indicateurs : le taux des premiers paiements en retard auprès des demandeurs d'emploi est passé de 6,1 % au quatrième trimestre 2009 à 8 % au quatrième trimestre 2010, contre 4 % en 2008 ; on constate donc que le taux de retard de paiement dans les indemnisations est plus élevé, même s'il reste marginal ; le taux de décisions prises dans les quinze jours se situe, en 2010, entre 79 % et 87 %, selon les mois, tandis que l'objectif est de 92 % ; les dossiers ne sont donc pas nécessairement traités dans un délai de quinze jours ; un autre indicateur porte sur les réclamations reçues en 2010, en forte augmentation par rapport à 2009 (+ 13 %). Les réclamations sont en revanche traitées dans des délais conformes. Elles concernent essentiellement l'indemnisation : 55 % d'entre elles sont relatives à la réglementation, 41 % aux délais de paiement. Ces indicateurs montrent que le service, en matière d'indemnisation, reste à optimiser. Je tiens à souligner que le taux de recouvrement, en revanche, n'a pas été affecté par la restructuration et son transfert à l'Acoss depuis le 1 er janvier 2011. Ce transfert se déroule même de manière plutôt satisfaisante.

Je voudrais ajouter quelques éléments sur le suivi de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Vous savez que les partenaires sociaux y sont extrêmement attachés. En effet, plus l'accompagnement est efficace, plus le retour à l'emploi est rapide. A cet égard, chaque raccourcissement de la période de chômage est favorable aux finances de l'Unedic. De ce point de vue, nous nous montrons perplexes quant aux moyens dont dispose Pôle emploi pour accompagner les demandeurs d'emploi. Un premier problème porte sur le suivi mensuel personnalisé, qui est trop homogène. L'ensemble des demandeurs d'emploi n'ont pas des besoins d'accompagnement identiques. Il conviendrait de laisser davantage de marges de manoeuvre aux directions locales et aux agents eux-mêmes pour mieux adapter les services de Pôle emploi aux besoins des demandeurs d'emploi. En outre, les prestations réalisées par les opérateurs privés ne sont pas toutes à la hauteur des attentes. Le manque de bilan qualitatif dans ce domaine est regrettable. Le comité d'évaluation de Pôle emploi s'est toutefois saisi du sujet. Enfin, le nombre de demandeurs d'emploi suivis par agent est extrêmement élevé. Mme Christine Lagarde avait fixé, au moment de la fusion, un objectif de soixante demandeurs d'emploi suivis par conseiller. Or, les portefeuilles des agents sont aujourd'hui plus proches de 150 ou de 200 demandeurs d'emploi. Le rapport de l'inspection générale des finances (IGF), présenté avant-hier au conseil d'administration de Pôle emploi, procède à une comparaison avec l'Allemagne et le Royaume-Uni qui montre, à périmètre égal, d'une part, que le nombre d'agents dans le service public de l'emploi est moindre en France que dans ces deux autres pays, d'autre part, qu'il y a davantage d'agents dédiés au suivi des demandeurs d'emploi en Allemagne et au Royaume-Uni qu'il n'y en a en France.

J'en viens, à présent, à la place de l'Unedic dans la gouvernance du service public de l'emploi. Je souhaite, en premier lieu, rappeler l'attachement des partenaires sociaux à leurs prérogatives en matière de définition de la norme dans le domaine de l'assurance chômage. Je me félicite, à cet égard, que la nouvelle convention d'assurance chômage que nous venons de conclure ait été signée par quatre organisations syndicales et trois organisations patronales.

La création de Pôle emploi a favorisé une plus grande égalité de traitement dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi : aujourd'hui, conformément aux orientations données par le législateur, touts les demandeurs d'emploi, qu'ils soient indemnisés ou pas, bénéficient du même accompagnement.

Cela étant, nous ne sommes pas aujourd'hui totalement satisfaits de la gouvernance du service public de l'emploi. Elle se confond en effet exagérément avec celle de Pôle emploi, ce qui est source de confusions. Par exemple, quand au conseil d'administration de Pôle emploi, l'Etat annonce des décisions prises par le législateur, ces décisions ne peuvent être discutées.

Il n'est pas contestable que l'Etat assume des responsabilités qui dépassent sa fonction de financeur de Pôle emploi : il exerce, plus largement, une fonction de pilotage des politiques publiques de l'emploi. Simplement, le fait que les décisions soient annoncées au conseil d'administration de Pôle emploi entraîne la plus grande confusion. Sans me montrer caricatural, j'indiquerai que le conseil d'administration ne maîtrise ni les ressources, ni les dépenses de Pôle emploi. Le système de gouvernance n'est donc pas simple.

Pour un fonctionnement satisfaisant, nous pensons, pour notre part, que la gouvernance doit se penser autour de trois instances liées entre elles. Nous pensons également que la renégociation de la convention tripartite qui lie l'Etat, Pôle emploi et l'Unedic donne l'occasion de « remettre à plat » la gouvernance. Je rappelle qu'il existe une commission de suivi de la convention tripartie, qui devrait être un lieu stratégique où l'Etat et l'Unedic, les deux financeurs, fixeraient les grandes orientations de Pôle emploi, dans le cadre défini par le législateur et l'exécutif. Or, la commission, qui doit en principe se réunir à deux reprises chaque année, ne s'est réunie qu'une fois depuis l'entrée en vigueur de la loi qui a organisé la fusion. Le président et le vice-président de la commission ont écrit à plusieurs reprises aux ministres concernés, qui n'ont jamais daigné réunir l'instance. M. Xavier Bertrand vient cependant de s'engager à la réunir dans les semaines qui viennent. Parallèlement, le conseil d'administration de Pôle emploi devrait s'attacher à la mise en oeuvre des politiques et des actions décidées par l'Etat et les partenaires sociaux. Enfin, le bureau de l'Unedic et ses services doivent apporter un appui à la mise en oeuvre, au contrôle et à l'évaluation de la convention d'assurance chômage.

J'évoquerai enfin les instances paritaires régionales, qui réunissent les organisations d'employeurs et les organisations syndicales. Leur rôle a été défini par la loi et par la convention tripartite. Elles sont chargées, d'une part, de veiller à la bonne application de la convention d'assurance chômage, d'autre part, de veiller à la mise en oeuvre des plans d'accompagnement des demandeurs d'emploi dans les régions. Elles assument, en outre, un rôle de recours pour les demandeurs d'emploi. Ces instances devraient être davantage mises à contribution qu'elles ne le sont aujourd'hui. Nous ne parviendrons pas en effet à traiter correctement le chômage si nous ne sommes pas en capacité de décentraliser les actions et d'être plus proches du terrain. L'instance paritaire régionale est la seule où les employeurs sont représentés. Il ne sera pas possible de travailler à des plans d'insertion et à des plans de formation des demandeurs d'emploi correspondant aux besoins des entreprises si nous n'y associons pas leurs représentants dans les territoires.

Pour terminer, je souhaite dire un mot du montant de la contribution financière de l'Unedic. Cette contribution s'est substituée aux sommes que l'Unedic consacrait auparavant aux dépenses actives d'accompagnement des demandeurs d'emploi. La somme que verse l'Unedic à Pôle emploi, égale à 10 % des cotisations qu'elle prélève, est cependant supérieure au montant des dépenses que l'assurance chômage consacrait, avant la fusion, à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, puisque celles-ci n'atteignaient que 7,4 % des sommes collectées. Le montant de la contribution financière de l'Unedic nous paraît donc suffisant. J'ajoute que notre contribution atteint un montant d'environ 3 milliards d'euros, ce qui correspondait, en 2009, à 64 % du financement de Pôle emploi ; en 2011, cette somme correspond à 66 % du budget de Pôle emploi, ce qui montre que l'Etat s'est désengagé. J'achèverai mon propos en insistant à nouveau sur le fait que le cadre conventionnel qui régit aujourd'hui les relations entre l'Unedic et Pôle emploi doit être repensé, avec une gouvernance organisée autour des trois instances dont j'ai parlé précédemment.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur. - Vous avez évoqué la qualité du service rendu, en donnant des pourcentages précis, concernant notamment le nombre de décisions prises dans un délai de quinze jours. Vous avez indiqué que le pourcentage se situe entre 79 % et 87 %, selon les mois, tandis que l'objectif fixé est de 92 %. Cet objectif signifie-t-il que le taux était de 92 % avant la fusion ?

M. Gaby Bonnand . - Absolument.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur. - L'opérateur a donc régressé.

M. Gaby Bonnand . - Il n'est pas possible cependant de déterminer les causes de cette régression.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Il n'est pas possible d'affirmer si c'est la crise ou si c'est la fusion qui est à l'origine de la situation. Quoi qu'il en soit, ces chiffres sont importants car ils montrent que l'adaptation à la crise a été difficile.

Je souhaite revenir sur le problème de la gouvernance. Vous affirmez, pardon si je schématise, que l'Etat a profité de la fusion pour transformer une instance, le conseil d'administration de Pôle emploi, en un lieu de débat sur les politiques publiques de l'emploi alors qu'il aurait dû se limiter aux questions qui concernent l'opérateur. Pôle emploi est en effet un simple opérateur et non une instance de définition de la politique publique de l'emploi. Vous affirmez que le nouveau ministre, M. Xavier Bertrand, semble avoir pris conscience de la difficulté qui existe dans les méthodes de gouvernance et souhaite réunir la commission de suivi de la convention tripartite. Quand nous rencontrerons le ministre, nous l'interrogerons sur ce sujet pour aller plus avant dans la discussion.

J'ai cependant une question à vous poser, qui porte sur vos attentes vis-à-vis des réunions, qui pourraient être plus régulières, de la commission de convention tripartite. Quelles sont les questions dont vous n'avez pu débattre à ce jour qui pourraient être discutées demain, avec davantage d'efficacité, au sein de la commission ?

Vous avez également évoqué les instances paritaires régionales. Hier, nous avons effectué un déplacement en région parisienne, au cours duquel nous avons rencontré le directeur régional de Pôle emploi Ile-de-France. A titre personnel, j'ai eu le sentiment en allant sur le terrain, qu'il existe une vraie capacité de décentralisation et d'adaptation au territoire. En région parisienne, décomposée en quatre secteurs, j'ai vu une capacité d'adaptation aux spécificités de chaque secteur. Ce constat m'a semblé contredire votre vision quelque peu pessimiste de la capacité de Pôle emploi à se décentraliser pour s'adapter aux spécificités locales.

Mme Annie David . - Je ne reviendrai pas sur le sujet de la gouvernance, soulevé par notre rapporteur, qui mérite effectivement d'être approfondi. Je souhaite en revanche avoir des précisions concernant le GIE qui a été mentionné.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur. - Il s'agit du GIE créé avant la fusion.

Mme Annie David . - Absolument. Je souhaiterais également mieux comprendre le statut de l'Unedic aujourd'hui. Disposez-vous encore de salariés ou l'ensemble de vos salariés sont-ils passés sous la responsabilité de Pôle emploi ?

M. Claude Jeannerot , président. - Il conviendrait, en effet, que vous nous rappeliez, monsieur le président, les effets de la fusion sur l'Unedic, dont le réseau a été transféré vers Pôle emploi.

Mme Annie David . - Par ailleurs, vous avez mentionné certains retards et certaines réclamations. Nous ne savons pas s'ils sont dus à la fusion ou à la crise. Avez-vous des propositions à émettre pour tenter d'améliorer le fonctionnement de Pôle emploi, même si ce sujet relève davantage de Pôle emploi lui-même ? Enfin, en matière immobilière, vous nous avez parlé d'une convention de mise à disposition des biens et d'une renégociation des baux. Des ventes sont également en cours. Comment les opérations se concluront-elles réellement pour l'Unedic ? Vous vendez les locaux où vous logiez les Assedic par le passé et dont désormais vous n'avez plus besoin. Les vendrez-vous dans leur totalité ? En garderez-vous certains ? Et vendrez-vous nécessairement vos locaux à Pôle emploi ?

M. Alain Gournac . - Je souhaite prolonger la question du rapporteur sur la clarification de la gouvernance. Je m'interroge sur les effets que pourraient avoir les réunions que vous préconisez. Il est vrai que le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, souhaite réunir la commission de suivi de la convention tripartite. Mais qu'en attendez-vous réellement ? Quel serait l'apport de ces réunions, alors que l'Etat cherche, selon vous, à se désengager ?

Par ailleurs, il était prévu initialement que chaque conseiller de Pôle emploi suive soixante demandeurs d'emploi. Actuellement, chaque conseiller suit entre 150 et 200 demandeurs d'emploi. Une réunion peut-elle être organisée pour réfléchir à la façon d'abaisser le nombre de demandeurs d'emploi par portefeuille ?

Enfin, vous étiez propriétaires de nombreux locaux. Devez-vous, à présent, vendre automatiquement vos locaux à Pôle emploi ? Vous nous avez également parlé de locations. Le montant des loyers a-t-il été fixé en fonction des prix du marché ?

M. Serge Dassault . - Je vous parlerai de financement. Je suis en effet rapporteur du budget de l'emploi au Sénat. Considérez-vous qu'un budget supplémentaire soit nécessaire pour assurer les missions de Pôle emploi ? Le Président de la République a indiqué récemment qu'il affecterait 500 millions d'euros supplémentaires à Pôle emploi. En avez-vous eu confirmation ? Comment les 500 millions d'euros seront-ils utilisés ? Pôle emploi embauchera-t-il par exemple du personnel ? Le Président a insisté sur le nécessaire suivi des demandeurs d'emploi pour leur trouver un poste. Il existe en outre une demande importante en matière de formation professionnelle. Je souhaite par conséquent obtenir de votre part quelques informations d'ordre financier.

M. Claude Jeannerot , président. - Je souhaite prolonger la question de ma collègue Annie David, qui me semble mériter une clarification. J'ai le sentiment en effet que nous avons besoin de vous entendre sur la question de la distinction entre le réseau des Assedic et l'Unedic. Pourquoi, plus fondamentalement, le choix de conserver l'Unedic a-t-il été opéré ? Nous aurions pu imaginer une fusion intégrant l'Unedic. Il doit en l'occurrence exister une série de raisons qui pourraient peut-être éclairer la question qui est posée.

M. Gaby Bonnand. - L'Unedic existe parce qu'une partie de la réglementation est issue de la négociation entre les partenaires sociaux. L'Unedic est aujourd'hui à l'assurance chômage ce que l'Arrco et l'Agirc sont aux retraites complémentaires. Historiquement, l'Unedic possédait son propre réseau de distribution constitué par les Assedic. Je rappelle que Monsieur Ortoli, dans un rapport daté de 1967, préconisait, plutôt que de créer l'ANPE, de confier le placement à notre réseau. Il ne remettait pas en cause l'Unedic mais souhaitait un opérateur unique. En tout état de cause, l'Unedic par le passé gérait à la fois le compromis passé entre organisations syndicales et organisations patronales concernant l'assurance chômage, réactualisé tous les trois ans, et son réseau d'indemnisation et de collecte. A présent, la loi précise que la fonction opérationnelle d'indemnisation est réalisée par Pôle emploi pour le compte de l'Unedic ; l'Acoss, quant à elle, assure le recouvrement pour le compte de l'Unedic. L'Unedic n'emploie plus que 110 personnes qui travaillent autour de quatre missions, une mission de réglementation, une mission de gestion financière, une mission d'évaluation de nos accords et une mission d'audit et de contrôle des processus qui permet de vérifier que les opérations réalisées par Pôle emploi sont équitables sur l'ensemble du territoire.

M. Vincent Destival . - Les sommes gérées par l'Unedic s'élèvent à environ 30 milliards d'euros. Les coûts de gestion par l'Unedic de ces 30 milliards d'euros atteignent une trentaine de millions d'euros chaque année.

M. Gaby Bonnand . - Pourquoi la fusion n'a-t-elle pas prévu l'intégration de l'Unedic ? Il s'agit selon nous d'une reconnaissance de l'apport des partenaires sociaux dans la construction de la norme. En cas de fusion entre l'Unedic et Pôle emploi, la norme n'aurait plus été fixée par les partenaires sociaux. Le législateur aurait pu décider que la norme devienne totalement législative, mais cela aurait alors remis en cause les règles de notre démocratie sociale. Même si l'Unedic est une petite instance, elle est essentielle dans le fonctionnement démocratique de notre pays.

En ce qui concerne nos attentes vis-à-vis de la commission tripartite, il s'agit de faire en sorte que les partenaires sociaux ne participent pas à des réunions simplement pour acter des décisions prises ailleurs. Le budget de Pôle emploi voté par le conseil d'administration ne permet de maîtriser ni les dépenses, ni les ressources, ce qui pose une vraie difficulté.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Quelles sont les décisions qui pourraient se prendre au sein de la commission tripartite ?

M. Gaby Bonnand . - Je suis pour ma part intéressé par les décisions à prendre au sein de Pôle emploi. Il s'agit en l'occurrence des questions que nous avons évoquées, par exemple la question de l'offre de services. Travaillons par exemple à savoir si le suivi mensuel personnalisé doit être effectué à Castres comme il l'est à Nancy. Est-il possible de laisser des marges de manoeuvre pour affecter du personnel au plus près des demandeurs d'emploi dans une agence davantage que dans une autre ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Ces questions ne sont-elles pas discutées au sein du conseil d'administration.

M. Gaby Bonnand . - Elles ne le sont pas de manière satisfaisante.

M. Claude Jeannerot , président . - Vos propos confirment ceux tenus par les représentants des organisations syndicales et patronales qui siègent au conseil d'administration de Pôle emploi.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Mais un débat au sein d'une commission palliera-t-il le mauvais fonctionnement du conseil d'administration ?

M. Gaby Bonnand . - Je souhaite simplement que les deux financeurs que sont l'Unedic et l'Etat puissent réfléchir ensemble au budget et aux objectifs de Pôle emploi. Je vous cite un exemple : nous venons de prendre une décision au sein de Pôle emploi qui, de mon point de vue, n'est pas de son ressort ; il existait une prestation baptisée allocation de fin de formation (AFDEF), versée aux personnes en fin de droits, qui permettait de prolonger leur indemnisation jusqu'à la fin de leur formation ; l'Etat l'a supprimée ; nous avons créé une autre prestation, la rémunération de fin de formation (RFF), financée pour moitié par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Pourquoi une telle décision se prend-elle au sein du conseil d'administration de Pôle emploi ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - La décision devrait relever du dialogue entre l'Etat et les partenaires sociaux.

M. Guy Bonnand . - Je considère que le dialogue social doit se tenir dans un lieu autre que le conseil d'administration de Pôle emploi. J'ajoute que l'Unedic ne siège pas, en tant que telle, au conseil d'administration de Pôle emploi. Seuls y sont représentés les partenaires sociaux. J'y siège personnellement en tant que représentant de mon organisation syndicale. L'Unedic doit pouvoir participer à la définition des orientations de Pôle emploi, grâce à la commission tripartite.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Vous affirmez qu'elle est tripartite mais vous excluez Pôle emploi. Vous maintenez l'ambigüité.

M. Gaby Bonnand . - L'opérateur peut être présent sans avoir cependant une fonction identique à celle des deux financeurs. Pôle emploi reste un opérateur : sa mission consiste à mettre en oeuvre les décisions prises par l'Etat, à exercer les missions que l'Unedic lui confie et à appliquer les décisions prises en commun pour accompagner les demandeurs d'emploi. Le conseil d'administration de Pôle emploi doit simplement jouer son rôle de conseil d'administration de l'opérateur.

La convention tripartite fixe, par ailleurs, de nombreux objectifs relatifs aux moyens et aux méthodes mises en oeuvre. Les indicateurs qui en résultent donnent le sentiment que les personnes sur le terrain sont uniquement présentes pour « remplir des cases ». Dans les autres pays européens, les indicateurs sont plus orientés sur les résultats. Aujourd'hui, la négociation pour le renouvellement de la convention tripartite nous incite à réfléchir davantage à des indicateurs de résultats, plus ciblés, moins nombreux et qui puissent être évalués de façon plus certaine que les objectifs actuels.

M. Vincent Destival . - Je souhaite apporter d'abord une précision sur le GIE : il avait été mis en place lorsque nous travaillions sur la mise en commun d'un certain nombre d'actions entre l'ANPE et l'Unedic et servait à gérer les éléments communs concernant les systèmes d'information. Avant même la fusion, un travail de rapprochement et d'optimisation entre l'ANPE et l'Unedic avait donc été mis en oeuvre. Le GIE est à présent en cours de dissolution puisqu'il est intégré de fait à Pôle emploi.

En ce qui concerne l'immobilier, l'Unedic est propriétaire de l'ensemble des sites qui appartenaient auparavant aux Assedic. Quand les Assedic ont été dissoutes, leur patrimoine a été rapatrié vers l'Unedic. Quatre cents sites sont ainsi devenus la propriété de l'Unedic. Ce patrimoine, qui hébergeait les équipes des Assedic, est à présent loué à Pôle emploi pour permettre d'assurer la continuité de ses missions. Le montant des loyers a été négocié en 2009. Ensuite, Pôle emploi a mis en place une stratégie immobilière pour regrouper les équipes et a défini sa stratégie d'implantation. Pôle emploi libérera, par conséquent, un certain nombre de sites dans les mois et les années qui viennent pour s'implanter ailleurs. Dans le cadre de sa stratégie immobilière, Pôle emploi a cependant décidé de racheter à l'Unedic un certain nombre de sites : quatre vingts ont ainsi été rachetés l'année dernière. Il reste aujourd'hui environ 300 sites qui sont la propriété de l'Unedic. Une grande majorité d'entre eux sont loués à Pôle emploi et le resteront sans doute durablement. Néanmoins, l'Unedic n'a pas vocation à être un propriétaire immobilier tandis que, par ailleurs, elle affiche une dette d'environ 10 milliards d'euros. Le sujet des prochains mois consistera donc à valoriser ce patrimoine, dans des conditions qui permettent à Pôle emploi de continuer à assurer sa mission et qui nous permettent de réduire notre endettement.

M. Gaby Bonnand . - Pour répondre à M. Serge Dassault, j'indiquerai en outre qu'en raison de la confusion des instances, nous ne savons plus où sont prises les décisions, ce qui met chacun en porte-à-faux. Par exemple, les 50 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) supplémentaires qui ont été décidés et qui seront mis en place par Pôle emploi viendront compléter le budget voté initialement, qui était en diminution par rapport à 2010, 82 millions d'euros ayant été supprimés pour la gestion de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) et 72 millions d'euros correspondant à l'absence de compensation du transfert des ex-psychologues de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

Pour donner un autre exemple de la confusion des structures, quand l'ancien secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, a lancé une grande enquête nationale sur la satisfaction des usagers de Pôle emploi, les administrateurs de Pôle emploi ont appris cette décision dans la presse ! C'est pourtant Pôle emploi qui a payé l'enquête, qui n'était pas prévue dans son budget. Nous devons veiller à ce que les responsabilités de chacun soient reconnues.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous vous remercions, monsieur le président, pour la clarté de vos propos. Nous ne doutions pas de l'intérêt de cette audition, qui a permis de clarifier un certain nombre d'éléments. Merci également à M. Vincent Destival de vous avoir accompagné.

Audition de M. Benoît GENUINI,
ancien médiateur de Pôle emploi
(mercredi 13 avril 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Vous avez occupé le poste de médiateur de Pôle emploi entre le mois de janvier 2009 et le mois d'avril 2010 et vous êtes la première personne à avoir exercé cette fonction. Puisque vous avez du recul sur la fonction que vous avez abandonnée l'année passée et puisque vous avez été le premier à l'expérimenter, nous souhaiterions connaître votre point de vue sur le fonctionnement de Pôle emploi. Vous bénéficiez de la situation avantageuse d'être totalement libre de votre parole puisque vous avez démissionné de votre poste, en employant d'ailleurs à l'époque des mots relativement durs à l'égard de la direction de Pôle emploi : vous lui avez reproché de ne pas avoir disposé des moyens vous permettant d'exercer votre fonction. Nous souhaiterions aujourd'hui connaître les raisons précises qui vous ont amené à prendre cette décision. Après avoir entendu votre successeur, nous avons également été conduits à réfléchir au statut du médiateur et nous aimerions connaître votre point de vue sur ce sujet.

M. Benoît Genuini . - Je suis heureux et honoré d'être entendu par cette mission d'information. Je sais effectivement que ma parole est libre. Je la sentais cependant libre également lorsque j'étais médiateur. Dans le rapport que j'avais rédigé alors, j'avais d'ailleurs tenté de faire preuve d'une certaine liberté de parole tout en restant mesuré et courtois, en espérant que mon propos aurait ainsi un certain impact.

Je reviendrai brièvement, car je ne crois pas qu'il s'agisse du sujet central, sur les raisons de ma démission. Ma démission m'a préoccupé durant longtemps. Auparavant, mon parcours n'avait pas été celui d'un haut fonctionnaire. J'ai travaillé en effet dans une entreprise privée pendant plus de trente ans. J'étais chef d'entreprise. En 2005, j'ai décidé d'être utile différemment en démissionnant et en rejoignant M. Martin Hirsch pour créer l'association Solidarités actives . Dans le prolongement de cette action, il m'a ensuite été proposé de devenir le médiateur de Pôle emploi, ce que j'ai accepté immédiatement.

L'idée, née durant le « Grenelle de l'insertion », de créer un médiateur pour le service public de l'emploi m'avait paru extrêmement intéressante : elle permet de donner la parole à des personnes qui rencontrent de graves difficultés face au service public de l'emploi. J'ai accepté d'occuper cette fonction pour deux raisons : aider les demandeurs d'emploi qui rencontraient des difficultés avec Pôle emploi ; aider Pôle emploi, indirectement, à mieux remplir sa mission de service public en tirant des enseignements de la réalité du terrain et des difficultés que pouvaient rencontrer les personnes dans leur relation avec l'institution.

J'ai toujours été un idéaliste du service public. Je crois l'être toujours. Je réalise simplement que la situation est plus complexe qu'il n'y paraît. J'ai considéré, en premier lieu, l'ensemble des lettres de réclamation que j'ai pu trouver, même si elles ne m'étaient pas adressées. Un certain nombre de ministères envoyaient en effet des lettres de réclamation. J'ai récupéré en outre l'ensemble des lettres de réclamation qui parvenaient au directeur général. J'ai rencontré également des conseillers dans les agences et j'ai assisté à des entretiens pour enrichir mon expérience.

Le premier constat a été extrêmement dur. Nous nous retrouvons en effet face à des personnes qui vivent des situations extrêmement douloureuses. Elles sont fragilisées par la perte d'emploi mais également souvent par une cascade d'événements négatifs qui en résulte. Elles sont désorientées. Elles font face à une grande institution avec laquelle le dialogue est quelque peu difficile. Les entretiens sont rapides. Les personnes sont désemparées. Il leur est posé des questions sur leur projet professionnel alors qu'elles ne demandent qu'à retrouver un emploi.

J'ai également été frappé par la détresse des demandeurs d'emploi dans les courriers que j'ai progressivement reçus à mon nom. Dans mon rapport, j'ai d'ailleurs exposé une soixantaine de situations individuelles qui illustrent cette détresse. En réalité, deux mondes différents s'affrontent, d'un côté des personnes démunies qui ont un besoin pathétique d'explications, de contact, d'informations, avec une méconnaissance des textes, victimes d'un sentiment d'impuissance qui devient rapidement un sentiment d'injustice et d'arbitraire lorsqu'elles ne reçoivent pas de réponse, de l'autre des conseillers qui agissent du mieux qu'ils le peuvent mais qui se méfient de l'empathie et, surtout, qui essaient de traiter chaque cas de la façon la plus rapide et la plus standardisée dans le respect des consignes d'efficacité qui leur sont données.

Vous m'interrogez sur les enseignements à tirer de mon expérience. Je pense, en premier lieu, que l'idée initiale de fusionner des services qui s'adressent à un même usager était excellente. Sa mise en oeuvre a cependant été totalement défaillante. Pôle emploi est en effet une énorme machine dont il est souvent dit, par le directeur général lui-même notamment, qu'elle assure un « traitement de masse ». L'expression m'a frappé. Nous ne pouvons, au premier abord, qu'être d'accord avec cette formule puisque plus de quatre millions de personnes sont au chômage. Un traitement de masse est donc indispensable. Cependant, l'ensemble de l'institution s'est organisé dans cette perspective de traiter une grande masse de personnes le plus rapidement possible. Ainsi, il est devenu nécessaire de « faire entrer chacun dans le moule », pour traiter chacun à l'identique en espérant que l'ensemble des demandeurs d'emploi trouveront ainsi leur place. Il est vrai que ce dispositif peut fonctionner pour une grande majorité des demandeurs d'emploi. L'approche mise en oeuvre, quasiment industrielle, peut dès lors se légitimer. En revanche, une telle approche retire évidemment une part d'humanité à la relation avec le demandeur d'emploi.

La fusion, par ailleurs, s'est opérée verticalement, du sommet vers la base. Tous les deux mois, une nouvelle strate de la direction et du management était mise en place. Malheureusement, il n'y a pas eu, en parallèle, une écoute suffisante du terrain pour réussir la conduite du changement, en tenant compte du facteur humain. Les agents et les conseillers n'ont en effet été que très peu écoutés. L'opération a été menée de façon impersonnelle jusqu'à aboutir à une relation devenue elle-même de plus en plus impersonnelle. Il est tout de même frappant de constater le nombre élevé de courriers de personnes réclamant avec souffrance de pouvoir simplement parler à un agent de Pôle emploi. A l'inverse, la possibilité de parler apaise les angoisses des usagers. Je pense, dès lors, que le premier objectif à se fixer devrait consister à personnaliser de nouveau la relation, en particulier avec les personnes dont la situation est plus complexe qu'à l'habitude. La personnalisation du contact doit absolument être recherchée.

Le deuxième enseignement que je tire de mon expérience porte sur le fait qu'au sein de Pôle emploi, la qualité du service rendu à l'usager ne constitue pas une préoccupation centrale. J'avais imaginé, pour ma part, qu'il devait s'agir d'une préoccupation presque obsessionnelle. Des enquêtes ont été menées, l'été dernier, auprès de 500 000 demandeurs d'emploi, dont le ministre de l'emploi lui-même s'est fait l'écho, qui ont montré qu'entre 30 % et 50 % des usagers ne s'estiment globalement pas satisfaits des services de Pôle emploi. Même si ce taux n'était que de 10 %, il serait déjà trop élevé. Rappelez-vous que des entreprises automobiles, après quelques incidents sur deux ou trois véhicules dans le monde, rappellent parfois l'ensemble des modèles.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Les dysfonctionnements sur une automobile peuvent entraîner des morts par accident.

M. Benoît Genuini . - Mais les demandeurs d'emploi sont parfois dans des situations dramatiques ! Pôle emploi devrait donc être obsédé par la qualité du service rendu à l'ensemble des usagers. Le fait de s'occuper des cas complexes parallèlement à la grande masse des cas simples et faciles ferait d'ailleurs la grandeur du service public. Si un service public ne se consacrait qu'aux cas simples et faciles, l'activité pourrait être cédée à des prestataires extérieurs. Il est donc indispensable de replacer la qualité au centre de la démarche. Certes, les politiques publiques ne se construisent peut-être pas sur les cas particuliers. Les incidents ne sont cependant pas anecdotiques pour les personnes qui les vivent. Finalement, pour reprendre une expression du Médiateur de la République, que j'avais rencontré dans le cadre de mes fonctions, nous évoluons dans une situation où le confort du système est privilégié au détriment du service à la personne. Par exemple, une femme m'a expliqué avoir reçu le 28 janvier 2010 des chèques emploi-services universel (Cesu) valables jusqu'au 31 janvier 2010. Elle a d'abord cru à une farce ! Quelqu'un a décidé, au sein de Pôle emploi, d'écouler ces anciens chéquiers sans penser à l'impact sur cette femme. Il s'agit bien de privilégier le confort du système, sans penser à la personne. Il est donc absolument nécessaire de se préoccuper davantage de la qualité de service.

Enfin, j'ai été frappé par certains reportages télévisés montrant des conseillers de Pôle emploi extrêmement dévoués. Pourtant, ces reportages donnent le sentiment que Pôle emploi est un « grand bazar », pour reprendre le titre d'un article de La Tribune paru il y a quelques mois. L'organisation est en effet extrêmement médiocre. De l'approche que je mentionnais précédemment a résulté le fait que le travail des agences n'a pas été correctement organisé. Des erreurs stratégiques ont été commises dont la hiérarchie se rend compte après-coup. Pôle emploi a regroupé des conseillers des Assedic et des conseillers de l'ANPE, aux métiers totalement différents, en leur indiquant qu'ils pourraient suivre trois jours de formation pour se former au métier de l'autre. Les agents m'ont souvent indiqué qu'ils considéraient cette attitude comme une forme d'insulte à leur égard. Des personnes qui exercent un métier difficile depuis plusieurs années ne peuvent admettre que ces formations puissent ne durer que trois jours. Il s'agit d'une absence de reconnaissance de leurs compétences et de leurs qualifications. L'idée de faire reposer le poids de la fusion sur l'agent qui fait face aux demandeurs d'emploi, en lui demandant d'exercer le métier des Assedic et celui de l'ANPE, n'est pas raisonnable. Si demain une fusion était organisée avec la sécurité sociale, les conseillers devraient-ils acquérir également le métier des agents de la sécurité sociale ? En termes d'organisation collective d'une entreprise, l'option ainsi retenue est dénuée de sens. Il serait plus opportun de simplement organiser le travail dans les agences. Les demandeurs d'emploi demandent en effet à bénéficier d'un interlocuteur capable de répondre à leurs questions. Il importe peu qu'il ne s'agisse pas systématiquement de la même personne. Il aurait été nécessaire, dès lors, d'organiser les métiers et les compétences des uns et des autres afin d'accueillir les demandeurs d'emploi de la manière la plus appropriée et de répondre à leurs questions le mieux possible.

M. Claude Jeannerot , président . - Le constat que vous dressez du fonctionnement de Pôle emploi, au terme de votre mandat, est sévère. Les raisons qui vous ont conduit à démissionner sont-elles strictement liées à l'impossibilité de pouvoir faire entendre vos préconisations ? Je vous propose de répondre après que mes collègues auront posé leurs questions.

Mme Annie David . - Je partage votre souci de la qualité du service à rendre aux usagers, terme que je préfère à celui de « client » actuellement utilisé. Avez-vous malgré tout, dans vos préconisations, évalué le coût de cette exigence de qualité ? Comment en effet améliorer la qualité avec les moyens alloués aujourd'hui à Pôle emploi ? Pour apporter des réponses personnalisées aux demandeurs d'emploi, les possibilités données aux agents ne sont pas aujourd'hui suffisantes. Quel serait le coût d'une amélioration ?

M. Alain Gournac . - Je vous ai écouté, monsieur, avec beaucoup d'intérêt et vous m'avez étonné. Quand vous avez accepté le poste, pensiez-vous réellement ne pas rencontrer les cas critiques que vous évoquez ? Globalement, vous m'étonnez d'avoir accepté la tâche sans hésiter en ne pensant pas rencontrer un certain nombre de dysfonctionnements. Vous semblez avoir été bouleversé par les cas critiques que vous mentionnez. Pensiez-vous, en acceptant d'être médiateur de Pôle emploi, éviter d'être confronté à cette réalité ? Je sais que vous avez rencontré M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, que je connais personnellement. Vous l'avez étonné également. Il vous a trouvé en effet tendre et susceptible d'être aisément déstabilisé. Vous semblez penser que nous évoluons dans une société où l'humanité prévaut en toutes circonstances. Venez me rendre visite : je me bats constamment à mon poste de maire. J'ai dû me battre durant dix ans pour que mon administration respecte les clients qui entrent à la mairie ! Je souhaite connaître votre réaction à mon intervention.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - L'ensemble de vos propos tournent autour de la nécessité d'insuffler davantage d'humanité dans le fonctionnement de Pôle emploi, avec une question supplémentaire qui porte sur la manière la plus appropriée de rapprocher les cultures des deux anciennes institutions. Nous avons entendu le constat. Il aurait pu être dressé également au sein de l'ex-ANPE. Pour ma part, je préfère me tourner vers l'avenir. Comment améliorer la situation ? Dans votre mission de médiateur, avez-vous senti une capacité d'écoute chez les responsables de Pôle emploi, une capacité à avancer, à améliorer la situation ? Je vous donne un exemple. Nous étions hier en visite sur la plate-forme téléphonique de Pôle emploi Ile-de-France, située à Noisy-le-Grand. Nous y avons rencontré des personnes qui se posent la question de la qualité. Nous avons observé des améliorations quant à la gestion du « 39 49 », devenu plus efficace tout en accordant une plus grande liberté aux téléconseillers, dont j'ai pu apprécier la compétence. J'ai notamment été impressionné par la précision des réponses apportées par une jeune femme présente sur la plate-forme à des questions relatives au sujet complexe de l'indemnisation des intermittents du spectacle. Je comprends votre diagnostic relatif au problème de la déshumanisation de l'institution face à des personnes en détresse. Sentiez-vous cependant au sein de la direction et chez les cadres intermédiaires de Pôle emploi une envie d'améliorer le dispositif et une stratégie de progrès ? La fusion a tout de même été réalisée en accueillant un million de demandeurs d'emploi supplémentaires.

M. Claude Jeannerot , président . - Aujourd'hui, trois millions de demandeurs d'emploi sont, par construction, insatisfaits des services de Pôle emploi puisque, précisément, ils sont toujours demandeurs d'emploi. Pôle emploi n'a pas su répondre à leur demande de reclassement. L'insatisfaction n'est-elle pas, en somme, inhérente à la mission de Pôle emploi ?

M. Benoît Genuini . - Je m'attendais bien sûr à trouver des situations difficiles en acceptant le poste de médiateur. Je l'ai accepté car j'y voyais une manière d'être utile, de trouver des solutions, de donner des conseils. Je m'attendais à trouver des situations de détresse, mais pensais aussi pouvoir apporter mon expérience. Je savais que la tâche était ardue. Je ne voulais pas pour autant me montrer résigné ou cynique. Si je ne donne pas l'impression d'être cynique aujourd'hui, je m'en félicite. J'ai cru et je continue de croire, en effet, que des actions efficaces peuvent être mises en oeuvre. Elles doivent simplement l'être de façon plus sérieuse pour améliorer le dispositif. Le travail d'organisation n'a tout simplement pas été réalisé. Les conseillers ont reçu une charge de travail individuellement, sans organisation collective. Ainsi, plutôt que des formations des conseillers au métier de l'autre institution, je pense qu'il aurait été nécessaire d'organiser des formations au management d'équipe, à l'organisation d'une agence, pour organiser le travail collectif et alléger ainsi la charge qui pèse sur les conseillers qui gèrent l'ensemble des difficultés liées à la recherche d'emploi. Les conseillers ne seraient plus assaillis par des demandeurs d'emploi qui cherchent une réponse si un travail collectif était mis en place. Les conseillers sont, dans leur ensemble, isolés dans leur travail. Pôle emploi doit donc parvenir à organiser le travail différemment.

Par exemple, lors d'une visite dans une agence, j'ai pu constater qu'une stagiaire avait été placée à l'accueil. La personne la plus compétente devrait au contraire être placée à l'accueil, sous peine de provoquer des files d'attente, de mécontenter les usagers et de déstabiliser l'ensemble du service. Il me semble que le service public de l'emploi attend trop les décisions politiques. Une meilleure organisation de l'entreprise de service qu'est Pôle emploi devient indispensable pour rendre le service de la façon la plus efficace possible. Pour améliorer la situation, des compétences nouvelles doivent être apportées et la qualité du service doit devenir une obsession. Les conseillers sont extrêmement motivés et compétents. Nous avons cependant le sentiment d'un immense gâchis car l'activité n'est ni coordonnée, ni organisée. Pôle emploi doit s'atteler à cette tâche et délaisser le caractère politique qu'a pris sa construction chez les responsables placés à sa tête. Les personnes doivent être moins impliquées dans la gestion politique au profit d'un réel management de la qualité. Cette préoccupation n'existe pas à ce jour au sein de Pôle emploi qui s'inscrit dans une culture du déni.

Quant à votre question sur le mécontentement quasi-obligé des usagers, je prendrai l'exemple de l'administration des impôts. L'administration des impôts n'est pas une administration « facile » pour ses usagers. Pourtant, les procédures se déroulent de manière extrêmement satisfaisante. Nous entendons très peu parler de difficultés avec l'administration des impôts. Chez Pôle emploi, le travail aurait pu mieux s'organiser. Pôle emploi manque aujourd'hui de souffle, d'une âme et d'un objectif commun, qui doit être exprimé au plus haut niveau pour fédérer l'ensemble des énergies. Les conseillers sont en effet extrêmement motivés et engagés dans leur activité.

M. Claude Jeannerot , président . - Imputez-vous la situation à une taylorisation excessive du travail ? Est-il possible en l'espèce d'établir un parallèle avec France Telecom ?

M. Benoît Genuini . - La comparaison ne me semble pas pertinente. France Telecom souffre en effet de la difficulté à passer d'un statut d'opérateur public à un statut d'entreprise privée, dans un monde extrêmement concurrentiel où les méthodes de gestion se durcissent. Chez Pôle emploi, au contraire, il conviendrait de réaffirmer la vocation de service public. Par exemple, il serait utile de cesser d'utiliser le terme de « client » au profit du terme d'usager. Je ne comprends pas, pour ma part, la fatalité qui existerait selon laquelle un service public ne pourrait pas être de qualité.

Mme Annie David . - Hier, j'ai posé la question de l'utilisation du mot « client » au directeur de cabinet de M. Christian Charpy. Il m'a répondu que le terme d'usager donne précisément l'impression d'un service de moindre qualité. Le terme de « client » renferme au contraire la notion de qualité. Je lui ai exprimé mon désaccord.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - En réalité, les représentants de Pôle emploi se sont vu imposer une culture d'entreprise privée. Ils essaient dès lors de s'approprier le langage d'une entreprise privée tandis qu'ils ont à assumer une mission de service public. La situation est donc tout à fait particulière.

M. Alain Gournac . - Pourquoi ne serait-il pas possible de faire preuve de respect et d'humanité vis-à-vis d'usagers ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Je souhaite, avant de conclure, revenir à l'une de mes précédentes questions. Avez-vous de l'espoir concernant l'avenir de Pôle emploi ? La visite que nous avons effectuée à Noisy-le-Grand m'a laissé l'image d'une entreprise qui s'interroge, qui cherche à progresser, qui met en place des structures intermédiaires entre les différents échelons hiérarchiques. Je n'ai pas observé une structure repliée sur elle-même, avec une activité normée imposée à chaque agent. Je n'ai pas vu la société des robots qui nous est souvent décrite.

Mme Annie David . - Je suis d'accord avec vous. Au « 39 49 », notamment, nous n'avons pas vu de script préétabli. Y prévaut cependant la recherche de résultats chiffrés. Vous avez vous-même indiqué à la personne qui contrôlait l'activité des agents à l'aide de quatre écrans placés dans son bureau, qui lui donnent des indications sur le nombre d'agents au téléphone, sur les temps de réponse, sur les temps pour décrocher, qu'elle faisait penser à « Big Brother ». Dans l'agence de services spécialisée que nous avons visitée à Chessy, nous avons également beaucoup entendu parler de coûts mais pas nécessairement de résultats. Nous avons d'ailleurs dû poser les mêmes questions à plusieurs reprises pour obtenir les résultats du recrutement par simulation. Nous avons pris connaissance immédiatement du nombre de personnes ayant suivi l'atelier mais avons peiné à connaître le nombre de personnes ayant retrouvé un emploi grâce à ce dispositif. Certes, Pôle emploi se pose aujourd'hui des questions sur son fonctionnement mais sur son fonctionnement à moindre coût...

M. Claude Jeannerot , président . - J'ai perçu hier, pour ma part, un établissement en mouvement.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Nous avons senti une ambiance de service public et non une ambiance d'entreprise privée destinée simplement à gagner de l'argent.

M. Alain Gournac . - En outre, l'argent public mérite d'être bien utilisé.

M. Claude Jeannerot , président . - Mes chers collègues, arrêtons-nous à ce stade car la discussion pourrait nous emmener très loin.

Audition de Mme Marie-Pierre ESTABLIE D'ARGENCÉ,
déléguée générale de l'Alliance Villes Emploi
(mercredi 27 avril 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Nous accueillons Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé, déléguée générale de l'Alliance Villes Emploi, association qui fédère les maisons de l'emploi et les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie). Nous aimerions connaître votre point de vue sur le rôle des maisons de l'emploi, après la création de Pôle emploi, et sur l'articulation entre Pôle emploi et les Plie. Nous souhaiterions également mieux comprendre les relations entre les nombreux acteurs du service public de l'emploi au niveau local et savoir de quelle manière ce service public pourrait mieux fonctionner.

Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé, déléguée générale de l'Alliance Villes Emploi . - En préambule, je souhaite présenter l'Alliance Villes Emploi : il s'agit d'une association créée par huit maires, en 1993, à l'initiative de MM. Jacques Baumel, député-maire de Rueil-Malmaison, avec lequel j'ai développé la première maison de l'emploi en 1989, et Pierre de Saintignon, premier adjoint au maire de Lille, qui a développé les Plie.

L'association regroupe essentiellement des élus qui siègent dans des structures intercommunales, celles-ci étant compétentes pour les questions de développement économique et de politique de la ville. Les élus membres de l'association sont généralement président ou vice-président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et président d'une maison de l'emploi ou d'un Plie. Une centaine de Plie, sur un total de 188, sont portés juridiquement par une maison de l'emploi. On compte aujourd'hui 197 maisons de l'emploi en activité, à comparer avec un chiffre de 205 maisons de l'emploi labellisées ; cinq ou six ont décidé de fusionner, d'autres n'ont pas poursuivi leur activité. Notre association est un outil de représentation et de professionnalisation de l'ensemble de ces acteurs.

En ce qui concerne la place des maisons de l'emploi sur le territoire et leur partenariat avec l'ANPE, puis avec Pôle emploi, notre association a toujours insisté sur le fait que les maisons de l'emploi ne remplaceront pas Pôle emploi. Ce sont des outils d'expression des politiques territoriales et intercommunales d'insertion et d'emploi, qui travaillent en partenariat étroit avec Pôle emploi.

Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011, il a été rappelé que les maisons de l'emploi et Pôle emploi avaient cependant tous deux vocation à lutter contre le chômage. Les maisons de l'emploi se sont développées, conformément aux dispositions de la loi de 2008 portant réforme de l'organisation du service public de l'emploi, en vue d'animer et construire des projets territoriaux en matière d'emploi. Ce sont des outils d'observation du territoire et d'analyse des besoins en matière d'emploi. La maison de l'emploi est un outil qui doit construire des solutions évolutives, remises en permanence en question lorsque la situation économique et les difficultés du territoire l'imposent.

Les maisons de l'emploi disposent d'une gouvernance très particulière. Alors que les missions locales ou les Plie sont présidés par un élu, qui est le seul décideur, les maisons de l'emploi associent trois acteurs à la prise de décision : l'élu, président de la maison de l'emploi, l'Etat par le biais du préfet et de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), et Pôle emploi. Ces trois acteurs ont une vraie fonction de prise de décision, de pilotage de la structure et de mise en cohérence de ses interventions.

Dès lors que Pôle emploi participe à la gouvernance des maisons de l'emploi, il ne peut y avoir, sauf exception, de concurrence entre Pôle emploi et les maisons de l'emploi. Pôle emploi est l'outil national en capacité de ramener les personnes à l'emploi. Les maisons de l'emploi n'interviennent pas dans le domaine du placement, mais ont un rôle d'analyse de la situation de l'ensemble des intervenants et de construction de projets. Un débat a eu lieu, au moment de l'élaboration du cahier des charges, sur le point de savoir si les maisons de l'emploi devaient accueillir et accompagner des publics. C'est aujourd'hui une option ouverte par le cahier des charges. Certaines maisons de l'emploi le pratiquent, en partenariat avec Pôle emploi. J'ai animé aujourd'hui un comité directeur de maisons de l'emploi, au cours duquel certains directeurs ont indiqué que Pôle emploi ne pourrait pas accompagner et orienter les chômeurs si les maisons de l'emploi fermaient leurs antennes.

Il subsiste des marges de progression dans l'activité des maisons de l'emploi. L'emploi n'est pas uniquement une question de rapprochement de l'offre et la demande. Le fait que les maisons de l'emploi soient portées, dans 99 % des cas, par des élus en charge du développement économique leur permet de faire régulièrement le lien avec les entreprises. J'ai pu observer, au même titre que l'ensemble des présidents et directeurs de maisons de l'emploi, qu'il est nécessaire de créer une relation privilégiée, une médiation, un partenariat avec l'ensemble des acteurs afin d'être en capacité d'apporter une réponse aux demandeurs d'emploi.

J'analyse actuellement les résultats d'une enquête menée dans un territoire pour étudier le positionnement des entreprises sur la question de l'insertion : sont-elles prêtes à accueillir des chômeurs de longue durée, qui connaissent souvent des problèmes de santé ou de logement ? Au cours de cette enquête, les entreprises, notamment les plus petites, ont exprimé des besoins de compétences, non à temps plein, mais qu'elles pourraient partager avec d'autres entreprises. Cette demande nous a conduits à développer les formules de temps partagé. Les maisons de l'emploi ont donc vocation à capter l'ensemble des informations sur un territoire en vue de construire des solutions dans le champ de l'insertion, de l'emploi, de la formation, pour permettre aux chômeurs de retrouver un emploi et aux acteurs économiques de développer leur activité.

Nous conduisons en ce moment un projet sur le développement durable, en lien avec trente-trois maisons de l'emploi. Au cours du « Grenelle de l'environnement », nous avons noté que la question de l'emploi n'était pas centrale dans les débats. Le directeur d'une maison de l'emploi a cependant été, par la suite, nommé directeur régional de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). A cette occasion, nous avons discuté de l'évolution des métiers du développement durable et convenu que les maisons de l'emploi pourraient conduire un projet dans ce domaine. A l'heure actuelle, trente-trois territoires construisent des projets de développement durable, avec plus de soixante partenaires qui représentent, notamment, toute la filière du bâtiment. Il s'agit de procéder à un travail d'analyse économique, d'analyse du marché et des formations, pour vérifier si ce secteur est en mesure de répondre aux nouveaux besoins en matière d'emploi et de prévoir les formations adéquates. Ce projet est révélateur de la capacité des maisons de l'emploi à faire avancer les partenariats sur un territoire. Les maisons de l'emploi savent travailler avec les élus, qui sont eux-mêmes au contact direct des citoyens.

En conclusion, la maison de l'emploi répond à une stratégie de territoire, partagée avec Pôle emploi, l'Etat, les partenaires sociaux et les autres acteurs territoriaux, dans une relation de proximité extrêmement forte.

M. Claude Jeannerot, président . - Vous évoquez la complémentarité entre les maisons de l'emploi et Pôle emploi et vous avez raison d'indiquer que le marché du travail ne se réduit pas à la rencontre entre les offres et les demandes d'emploi. Vous estimez qu'il est nécessaire qu'il existe une structure qui oeuvre à l'ancrage territorial du service public de l'emploi. Mais y a-t-il une fatalité à ce que Pôle emploi ne soit pas capable de s'ancrer dans les territoires, de nouer des partenariats, de travailler avec les élus ? La construction d'un réseau unique ne contribuerait-elle pas à simplifier le paysage institutionnel et à apporter plus de transparence ?

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé a insisté sur le fait que Pôle emploi est un élément clé de la gouvernance des maisons de l'emploi. Le problème consiste à mesurer correctement la valeur ajoutée des maisons de l'emploi, pour déterminer si ces structures ne sont pas un élément de complexité supplémentaire. La création de Pôle emploi visait à simplifier le service public de l'emploi, mais celui-ci reste complexe.

Vous avez indiqué que les maisons de l'emploi apportent une valeur ajoutée dans deux domaines. Tout d'abord, elles aident à se repérer dans le maquis institutionnel : le département gère le revenu de solidarité active (RSA), l'intercommunalité développe les projets territoriaux, les régions ont une responsabilité en matière de formation, etc. Ensuite, les maisons de l'emploi ont été articulées, dès leur création, avec les Plie. Il y a peu d'endroits dans lesquels le Plie n'est pas relié à ces structures. Le fait de relier un Plie à une maison de l'emploi présente une vraie valeur ajoutée.

Le deuxième sujet important de votre intervention est la présentation de la maison de l'emploi comme une tête chercheuse de gisements d'emploi, notamment sur les « emplois verts » ou les services à la personne.

L'intégration, à moyen terme, des maisons de l'emploi dans Pôle emploi est-elle envisageable ? Une telle décision entraînerait-elle un appauvrissement du service public de l'emploi dans sa capacité à détecter les gisements d'emploi, à mettre en relation les offres et les demandes d'emploi ? Ne faut-il pas préserver un lieu dans lequel l'ensemble des partenaires se retrouvent autour de projets territoriaux, afin que Pôle emploi se concentre sur son coeur de métier ?

M. Ronan Kerdraon . - La question la plus intéressante a trait à la multiplicité des acteurs de l'emploi en France : la mission locale pour les jeunes, Pôle emploi pour les moins jeunes, les maisons de l'emploi, etc. Cette diversité crée un risque de confusion. Que proposez-vous pour rationaliser ce système, en évitant une dilution des crédits publics ? En outre, j'aurais souhaité savoir quel regard vous portez sur Pôle emploi. Il semble qu'un projet d'accord entre les maisons de l'emploi et Pôle emploi soit resté en suspens en l'absence de réponse de Pôle emploi.

Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé . - La convention bilatérale est en cours d'élaboration.

M. Ronan Kerdraon . - Quel est le frein à ce rapprochement ? Quand celui-ci pourrait-il aboutir ?

Mme Christiane Demontès . - J'ai participé à la mise en place des Plie, qui poursuivaient surtout, à l'origine, l'objectif de bénéficier des sommes allouées par le Fonds social européen (FSE) pour l'insertion des publics en difficultés. Par la suite, les Plie sont devenus des outils qui permettent de construire des parcours, en particulier pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Le dispositif bénéficie principalement à des jeunes qui n'ont pas réussi à trouver un premier emploi ou à des personnes qui ont eu des emplois précaires et qui, à un certain moment, se retrouvent décrochées de l'emploi et de la société. L'aspect le plus intéressant des Plie est lié au fait que leurs comités de pilotage associent tous les acteurs de l'insertion par l'économique, ce qui permet d'offrir à ces publics en difficulté des outils dont ne dispose pas Pôle emploi.

Dans ce cadre, quel est le rôle des maisons de l'emploi ? Sont-elles cantonnées à la mise en place de projets territoriaux, alors que la plupart des communes d'une certaine taille disposent déjà de leurs propres services compétents en matière d'emploi et d'activité économique ?

Nous-mêmes, élus, éprouvons des difficultés pour recenser tous les lieux susceptibles d'accueillir des demandeurs d'emploi : mission locale, maison de l'emploi, centre communal d'action sociale (CCAS), Pôle emploi, bureau d'information jeunesse (BIJ), etc. Il est donc essentiel de clarifier les dispositifs pour les décideurs, les professionnels et le grand public et je m'interroge sur la valeur ajoutée des maisons de l'emploi par rapport à tous les dispositifs existants.

Mme Annie David . - Je m'associe à cette question relative à la valeur ajoutée des maisons de l'emploi. Ciblez-vous un public particulier au sein des maisons de l'emploi ? Quel est la source de leur financement ? Quel type d'aide pouvez-vous apporter aux demandeurs d'emploi ? Pouvez-vous proposer des formations aux demandeurs d'emploi en grande difficulté ?

M. André Reichardt . - Certaines maisons de l'emploi ont éprouvé des difficultés à trouver leurs marques dans les territoires où elles étaient situées. Par exemple, les maisons de l'emploi n'ont pas réussi à trouver leur place dans certains territoires du Bas-Rhin, où je suis élu, du fait d'une difficulté à collaborer avec les collectivités territoriales qui estimaient que les CCAS et les actions mises en oeuvre par les élus locaux répondaient déjà à leurs besoins. Certains élus se sont demandé à quoi serviraient les maisons de l'emploi en complément de la mission locale. Ces structures ont donc fonctionné plus ou moins bien selon les endroits.

Je souhaiterais savoir comment les maisons de l'emploi ont pu nouer des relations de qualité avec Pôle emploi. Nous avons compris que la gouvernance de ces structures est originale, mais quel est le fonctionnement concret des maisons de l'emploi ? Leur vocation serait d'élaborer un projet de territoire, avec un diagnostic, une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), etc. Or cette mission soulève la question du choix du chef de file entre les différents partenaires, chacun estimant être le plus compétent en matière de développement du territoire. Nous avons auditionné le directeur général de Pôle emploi. A cette occasion, nous lui avons demandé si Pôle emploi pratiquait la GPEC, ce à quoi il a répondu positivement. L'Etat, représenté par le sous-préfet, propose également un projet de territoire. Les maisons de l'emploi peuvent également rencontrer des difficultés dans leurs relations avec les collectivités locales.

En Alsace, nous menons des actions importantes en matière d'aménagement du territoire. Ces projets de territoire structurants donnent lieu à des financements particuliers, par le biais d'une convention conclue avec les différents partenaires qui s'intègrent à ses orientations. Que font les maisons de l'emploi dans le cadre de ces projets régionaux qui sont élaborés au niveau territorial ?

Mme Anne-Marie Escoffier . - Je souhaiterais moi aussi que vous nous instruisiez sur la complémentarité et la concurrence de tous les acteurs de l'emploi, ainsi que sur le rôle particulier des anciennes directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, c'est-à-dire des services de l'Etat.

M. Claude Jeannerot, président . - Nous avons visité hier une agence de Pôle emploi à Trappes, dans laquelle nous avons constaté qu'il est demandé aux agents de créer du lien avec les entreprises, d'assurer l'accompagnement des demandeurs d'emploi et de suivre plus efficacement les chômeurs de longue durée. N'est-il pas temps de réunir l'ensemble des services de l'emploi ?

Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé . - La situation n'est pas simple. Je crois que la situation de l'emploi se dégraderait sans les maisons de l'emploi, mais aussi sans les missions locales et les Plie. L'option optimale serait que les maisons de l'emploi portent l'ensemble des outils territoriaux, comme c'est le cas en Picardie où s'est créée une association des présidents des maisons de l'emploi, missions locales et Plie.

Nous pourrions nous interroger sur la cohérence des outils territoriaux de l'emploi. Pôle emploi est un outil national. Même s'il y a eu un effort important de déconcentration des prises de décision lors de la création de cette entité, Pôle emploi reste néanmoins l'établissement national de gestion de l'emploi. Un directeur d'agence m'a fait part des difficultés qu'il rencontrait pour prendre des décisions de manière autonome. Les décisions de Pôle emploi sont rarement prises au plus près du terrain, ce qui est l'un des défauts de cette structure.

Les outils territoriaux sont l'expression des politiques intercommunales de l'insertion et de l'emploi. Aujourd'hui, la compétence de l'emploi est confiée à l'Etat. La seule loi qui ait imposé un début de compétence en matière d'emploi aux collectivités locales est la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, qui dispose que « les collectivités territoriales et leurs groupements concourent au service public de l'emploi ». Ce sujet est débattu au sein de notre association, ainsi que dans d'autres structures similaires comme l'Assemblée des communautés de France (AdCF). De manière impertinente, je vous invite à vous demander de quelle manière un jour en France, la compétence « emploi » pourrait être partagée avec les structures intercommunales. La situation de l'emploi serait catastrophique en cas de suppression des missions locales, des Plie et des maisons de l'emploi.

Un Plie est un outil de construction des étapes du parcours vers l'emploi. Il devrait bénéficier aux titulaires du RSA, mais ce dispositif se révèle être un échec. Les conseils généraux qui cofinançaient les Plie ont, pour la plupart, supprimé les aides qu'ils leur apportaient pour l'accompagnement des titulaires du RSA. A l'heure actuelle, ces chômeurs ne sont plus accompagnés et sont mal orientés. Dans certains Plie, nous constatons une baisse de l'accompagnement de ce public à hauteur de 70 %.

On disait autrefois que le volet « insertion » du RMI ne fonctionnait pas, or il ne fonctionne pas davantage avec le RSA. Ce dispositif a créé une situation encore plus préjudiciable car les chômeurs ne sont plus accompagnés. J'ai apporté quelques exemplaires du bilan des Plie depuis l'an 2000 : 38 % des bénéficiaires du RMI ont retrouvé un emploi grâce aux Plie. A l'heure actuelle, il n'y a quasiment plus de bénéficiaires du RSA qui reprennent un emploi par le biais de ces structures.

Les maisons de l'emploi ont renforcé les Plie lorsqu'elles ont été développées. Elles sont également des relais des centres d'animation de ressources et d'information (Carif) sur la formation. Le conseil régional d'Alsace participe d'ailleurs à leurs projets. Il y a bien évidemment trop d'acteurs de l'emploi, mais surtout trop d'interventions différentes. Le projet de maisons de l'emploi vise justement à assurer la cohérence des différents dispositifs en faveur de l'emploi. Mais l'ancien secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, a remis en cause un des objectifs des maisons de l'emploi, qui est celui d'être le guichet unique d'accueil et d'orientation des demandeurs d'emploi. Un demandeur d'emploi ne peut progresser dans son parcours s'il voit se multiplier les guichets.

Les Plie accompagnent les demandeurs d'emploi et continuent de fonctionner grâce aux fonds européens pour construire des solutions innovantes. Aujourd'hui, nous maintenons nos performances, que nous évaluons selon deux critères : l'entrée en formation qualifiante et le retour à l'emploi. Il apparaît que 48 % des demandeurs d'emploi passés par un Plie obtiennent un CDI ou un CDD de plus de six mois. Les conseils généraux affichent, pour leur part, un taux de retour à l'emploi de 78 %, mais en incluant tous les emplois précaires, que nous ne prenons pas en compte dans le cadre des Plie. Nous continuerons de nous battre, dans la perspective de la programmation 2014-2020, afin que les Plie soient pérennisés. Ce modèle présente toujours de l'intérêt, alors que nous sommes dans une période de crise qui impose de rassembler l'ensemble des interlocuteurs. La version optimale que nous aurions souhaité, mais M. Laurent Wauquiez s'y est opposé, aurait consisté à réunir les missions locales et les maisons de l'emploi ; le fait que ces deux structures soient parfois présidées et dirigées par une même personne apporte déjà plus de cohérence.

Vous estimez que Pôle emploi pourrait mener les mêmes projets que les maisons de l'emploi, mais la culture de portage de projet qui est celle des maisons de l'emploi ne se met pas en place du jour au lendemain. Elle suppose un travail de proximité avec les élus. Le montage de projet, qui suppose d'effectuer un travail d'ingénierie, ne fait pas non plus partie de la culture des établissements publics.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Il existe une véritable articulation entre Pôle emploi et les maisons de l'emploi : un représentant de Pôle emploi siège obligatoirement au conseil d'administration des maisons de l'emploi ; une partie du personnel et des moyens des maisons de l'emploi est mis à disposition par Pôle emploi ; enfin, Pôle emploi décide des orientations des maisons de l'emploi sur plusieurs sujets, comme les « emplois verts ». D'une manière générale, Pôle emploi entretient donc une relation structurelle avec les maisons de l'emploi.

Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé . - Il est exact que Pôle emploi met du personnel à disposition des maisons de l'emploi. Le Plie repose sur l'action conjointe des partenaires. L'insertion par l'activité économique (IAE) est un partenaire essentiel pour les Plie. Pôle emploi peut d'ailleurs être le chef de file de plans d'action, dans le cadre d'une décision concertée ; dans d'autres cas, c'est par exemple la mission locale ou une association intermédiaire (AI) qui sera chef de file.

Les maisons de l'emploi associent les élus locaux, l'Etat et Pôle emploi, c'est-à-dire les trois acteurs majeurs des politiques de l'emploi. La région et le département peuvent faire partie du conseil d'administration s'ils le souhaitent. Sauf dans deux régions, les conseils régionaux s'appuient partout sur les maisons de l'emploi afin d'élaborer des projets au niveau territorial.

La clause d'insertion a été inventée par les Plie, en 1995, à Strasbourg. Dans les premières années, les fédérations professionnelles du bâtiment nous ont reproché de leur faire subir une concurrence déloyale. Or, nous avons su développer, dans les collectivités territoriales, le poste de facilitateur de la clause d'insertion. A l'initiative de l'ancien ministre de l'économie, M. Thierry Breton, la clause d'insertion a été intégrée dans les marchés publics de l'Etat. Puis, en 2008, une circulaire du Premier ministre a consacré les maisons de l'emploi et les Plie comme animateurs de la clause d'insertion. On compte actuellement, sur l'ensemble du territoire, 262 facilitateurs de la clause d'insertion. L'Etat a calculé qu'il aurait besoin de quatre cents facilitateurs au niveau national s'il voulait que 10 % des heures de travail découlant des marchés publics soient consacrées à l'insertion.

Les maisons de l'emploi réunissent l'ensemble des partenaires et nous notons avec satisfaction que la quasi-totalité des maisons de l'emploi ne soulignent pas de difficultés dans leurs relations avec Pôle emploi. Cela révèle d'ailleurs un certain décalage entre le discours tenu, au niveau national, par les détracteurs des maisons de l'emploi et la réalité vécue sur les territoires. Pôle emploi et les maisons de l'emploi travaillent, le plus souvent, de manière harmonieuse, ce qui suppose de ne pas avoir une approche politique partisane, afin de maintenir une cohérence et qu'un seul élu préside la mission locale, le Plie et la maison de l'emploi.

Nous avons signé un accord cadre avec Pôle emploi au sujet des maisons de l'emploi et des Plie et nous travaillons à la rédaction d'une convention bilatérale. Nous avons découvert que le conseil d'administration de Pôle emploi devait traiter de la convention bilatérale sans que nous en soyons informés. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) n'en était pas plus informée et elle a bloqué le processus, qui reste actuellement en suspens. Nous sommes en train de revoir le texte de la convention bilatérale, qui était totalement déséquilibrée en faveur de Pôle emploi et qui ne correspondait absolument pas aux préoccupations des agences de Pôle emploi sur le terrain. Nous espérons que la nouvelle version sera acceptée par le ministère.

M. Claude Jeannerot, président . - Nous pourrions vous écouter encore longuement mais cette audition arrive maintenant à son terme. Je vous remercie encore pour votre participation.

Audition de Mme Nadine CRINIER,
directrice régionale de Pôle emploi Bretagne
(mercredi 27 avril 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Nous accueillons à présent Mme Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi Bretagne, que nous avons invitée sur la suggestion de notre collègue M. Ronan Kerdraon, sénateur des Côtes d'Armor. Vous présentez la caractéristique d'avoir, à la fois, une vision globale de Pôle emploi, où vous avez occupé la fonction de directeur du cabinet du directeur général, M. Christian Charpy, et une bonne connaissance de l'institution au niveau régional. Nous sommes notamment intéressés par la question de l'organisation territoriale du service public de l'emploi et nous essayons de comprendre comment l'ensemble des acteurs de l'emploi pourraient travailler ensemble plus efficacement.

Mme Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi Bretagne . - J'interviendrai dans un premier temps sur la fusion. Comment ai-je vécu la fusion entre l'ANPE et les Assedic ? J'ai travaillé vingt-cinq ans à l'ANPE où j'ai occupé la quasi-totalité des postes opérationnels susceptibles de l'être au sein de cette structure. L'enjeu de la fusion a d'abord été de constituer des équipes unifiées pour délivrer un premier niveau de service, au sein d'un même lieu. Pôle emploi compte aujourd'hui quarante-deux sites en Bretagne, contre soixante-deux auparavant pour l'ANPE et les Assedic.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Quelle était la part respective du personnel de l'ANPE et des Assedic en Bretagne ?

Mme Nadine Crinier . - Les sites ne couvraient pas nécessairement les mêmes périmètres géographiques. Mais les effectifs se répartissaient, globalement, entre deux tiers pour l'ANPE et un tiers pour les Assedic.

Le premier projet a donc consisté à rassembler les services et le management dans des sites communs. Ce travail a été réalisé alors que le chômage augmentait fortement, ce qui a entraîné le traitement d'un nombre considérable d'inscriptions.

Même si les Assedic et l'ANPE côtoyaient le même public, les cultures des deux structures étaient assez différentes. Au sein des Assedic, les salariés avaient surtout une formation en comptabilité et en gestion. Les agents de l'ANPE ont plutôt effectué un parcours universitaire, avant d'intégrer la structure dès leur premier emploi. Du point de vue du métier, les règles du régime d'assurance chômage imposaient aux agents des Assedic des limites strictes dans leurs relations avec les demandeurs d'emploi, alors que les agents du placement pouvaient avoir le sentiment d'une plus grande latitude dans leurs rapports avec les demandeurs d'emploi.

Dès 2010, nous nous sommes recentrés sur la délivrance des services aux demandeurs d'emploi et aux entreprises : 130 000 contacts et 30 000 visites en entreprises ont été réalisés cette année-là, ainsi qu'un million d'entretiens avec les demandeurs d'emploi ; nous avons procédé à 300 000 entretiens d'inscriptions, auxquels s'ajoutent les entretiens de suivi. Le niveau d'activité a donc été très soutenu à une époque où la conduite du changement était importante.

En Bretagne, nous avons décidé que le directeur et le directeur-adjoint de chaque agence seraient nécessairement issus, l'un de l'ANPE, l'autre des Assedic, ou inversement, afin qu'il n'y ait pas de perte de repères pour les agents. Cette situation constituait un atout au démarrage, mais il est désormais important que le directeur joue pleinement son rôle. Nous redéfinissons donc aujourd'hui les rôles de chacun, alors que nous avions auparavant plutôt une responsabilité partagée, un collaborateur pouvant avoir un référent différent selon la question posée. Nous créons de nouveaux repères, le directeur intervenant de plus en plus sur les partenariats dans les territoires.

Une convention collective est entrée en vigueur en janvier 2010, ce qui a contribué à fédérer les équipes. En Bretagne, 70 % des agents sont sous statut privé, la moyenne nationale d'agents sous ce statut étant de 60 %.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les 30 % restants relèvent donc du statut public ?

Mme Nadine Crinier . - Oui. Les personnes sous statut public espèrent parfois un avancement plus rapide et considèrent qu'il ne serait pas avantageux pour elles d'opter pour le statut privé.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Pourriez-vous préciser ce point ? L'avancement rapporte peut-être quelques dizaines d'euros supplémentaires alors que le salaire des agents de droit privé est souvent supérieur de 15 % à 20 % à celui des agents de droit public.

Mme Nadine Crinier . - L'avancement dans le statut public rapporte plus de quelques dizaines d'euros. Il s'agit d'un avancement qui s'effectue tous les deux ans et qui peut avoir un impact important pour ceux qui ont beaucoup d'ancienneté. Un autre élément qui peut expliquer le choix de conserver ce statut est lié à un attachement au service public ou à une représentation du statut de l'emploi public. Les personnels qui relèvent du statut public sont agents contractuels de l'Etat. Lors de l'annonce, fin 2010, d'une baisse des effectifs, un attachement à la sécurité de l'emploi s'est manifesté.

Nous avons également conclu, en février 2011, un accord régional sur l'organisation du temps de travail en Bretagne, qui est une déclinaison de l'accord national sur ce sujet. Cet accord est structurant car, auparavant, les agents de Pôle emploi relevaient d'horaires de travail différents.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les droits des salariés de statut public diffèrent-ils de ceux de droit privé en matière de temps de travail ?

Mme Nadine Crinier . - L'accord sur le temps de travail vient justement d'unifier les règles, quel que soit le statut des salariés. Nous avons également fait évoluer la classification des métiers avec deux référentiels métiers.

Pour citer un autre élément fédérateur, nous avons déployé l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) dans cinq sites bretons. Le fait d'avoir ce projet de service constitue un levier qui nous permet de susciter des échanges entre les agents autour du métier.

En ce qui concerne l'offre de services, nous avons, en avril 2010, intégré cinquante-huit agents de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) au sein de Pôle emploi Bretagne. Ils nous ont permis de compléter l'offre de services des agences spécialisées : contrat de transition professionnelle (CTP) ou convention de reclassement personnalisé (CRP), selon les bassins d'emploi, équipes d'orientations spécialisées des psychologues de l'Afpa, plates-formes de vocations en vue d'orienter les demandeurs d'emploi en fonction des besoins des entreprises.

Nous avons développé, à la fin de l'année 2010, un nouvel outil de stratégie commerciale visant à mieux segmenter les entreprises et à faire le lien entre les demandeurs d'emploi et les offres d'emploi. Nous avons également remis en place le suivi mensuel personnalisé, qui bénéficie aux demandeurs d'emploi à partir de leur quatrième mois d'inscription au chômage. En 2011, notre objectif est que 45 % des demandeurs d'emploi en Bretagne en bénéficient, contre 39 % actuellement. Les conseillers ont, en moyenne, un portefeuille de cent deux personnes. Le taux de chômage en Bretagne s'élève à 7,6 %, mais avec de grandes disparités selon les bassins d'emploi, de 4 % ou 5 % dans certains territoires, jusqu'à 9,2 % à Auray.

En 2009, nous avons financé pour 15 millions d'euros de sessions de formation en lien avec la région, pour près de 5 500 bénéficiaires. En 2010, 9 000 bénéficiaires ont bénéficié de 20 millions d'euros de dépenses de formation, grâce à des cofinancements apportés par la région, les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et les branches. Ces sessions ont permis d'atteindre un taux de reclassement de 80 % à l'issue des formations. Ces formations sont fortement liées au marché du travail et visent surtout une adaptation aux besoins des entreprises, en complément des formations qualifiantes proposées par la région. Ce système a permis de trouver des réponses au niveau local, en lien avec les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) et les maisons de l'emploi.

En ce qui concerne la déconcentration des services de Pôle emploi, je rappelle que l'offre de services de Pôle emploi s'applique dans l'ensemble du territoire, de la manière la plus homogène possible. Toutefois, le futur cahier des charges prévoit de donner plus de souplesse, notamment pour repérer les publics en difficulté et adapter l'appui susceptible de leur être proposé, c'est-à-dire personnaliser le service en lien avec la problématique de chaque public et de chaque bassin d'emploi. Par ailleurs, la programmation de nos moyens est annuelle, qu'il s'agisse des ressources humaines ou des budgets d'intervention et de formation. Une programmation pluriannuelle nous donnerait plus de lisibilité et nous serait utile pour inscrire nos partenariats dans la durée.

La mission majeure d'un directeur régional est de garantir le service le plus approprié aux demandeurs d'emploi. Nous avons chaque année un dialogue de performance avec la direction générale, qui donne des orientations stratégiques déclinées au niveau régional. Le directeur régional s'interroge sur la manière de mettre en oeuvre ces orientations. En 2010, le dialogue de performance a associé l'ensemble de la ligne managériale à l'élaboration des objectifs pour 2011, en vue de créer de l'adhésion et d'obtenir une action plus homogène sur le territoire. La conduite de ce dialogue de performance aboutit à la conclusion d'un contrat de performance, qui alloue aux directeurs régionaux, puis aux niveaux départemental et local, les moyens en termes d'effectifs et de budget pour atteindre nos objectifs.

Concernant l'appui dont peut bénéficier Pôle emploi au niveau régional, je rappelle qu'il existe une instance paritaire régionale, composée de représentants des partenaires sociaux. Son rôle consiste surtout à veiller à la bonne application de la convention d'assurance chômage. Mais elle nous apporte également un soutien dans nos relations avec les entreprises. Lors du transfert du recouvrement à l'Urssaf, la présence du président de l'Urssaf au sein de l'instance paritaire nous a aidés à avoir une approche régionale et à conduire une opération globale dans les quatre départements bretons. Un autre exemple très concret de notre collaboration porte sur le plan de formation. Nous programmons les formations par semestre et les présentons à notre instance paritaire, qui peut nous donner des indications sur les besoins des entreprises, ce qui permet ensuite de faire évoluer le plan de formation. L'instance paritaire vote enfin sur la convention bipartite qui régit les rapports entre Pôle emploi et l'Etat sur le territoire.

En termes de ressources, Pôle emploi comprend, en Bretagne, un effectif de 1 900 personnes. En 2010, Pôle emploi Bretagne comptait 126 salariés en CDD et cinquante trois en contrats aidés. Le taux d'absentéisme s'élève à 4,5 % en 2010, contre 4 % à 6 % au cours des dernières années. Soixante-trois nouveaux salariés ont été intégrés en 2010, dont quarante-six étaient auparavant en CDD et huit en contrats aidés ; les autres salariés qui nous ont rejoints sont arrivés d'autres régions. Nous avons délivré 76 000 heures de formation, chiffre en augmentation de 36 % par rapport à l'année 2009. Il est important de travailler sur les compétences des agents de Pôle emploi qui demandent à bénéficier de ces formations.

Trois priorités ont été définies pour la région Bretagne en 2011 :

- assurer une cohérence des réponses, tant sur l'accueil physique que sur l'accueil téléphonique, en préparant une réponse unique quelle que soit l'origine de l'agent, pour le premier niveau de réponse. A l'heure actuelle, près de la moitié des sites ont réussi à instaurer ce premier niveau de réponse homogène. Cet objectif suppose d'accompagner les conseillers sur les réponses à apporter et de les convaincre qu'ils sont en capacité de le faire ;

- mettre en place l'EID, dont le déploiement s'achèvera en novembre 2011, et améliorer le suivi mensuel personnalisé. En 2009, il fallait patienter 230 jours entre le moment où un besoin de formation était exprimé et validé et l'entrée en formation, contre 189 jours en 2010. Il est essentiel de réfléchir aux problématiques des demandeurs d'emploi afin de raccourcir ces délais et d'apporter une offre structurée au niveau des territoires ;

- la stratégie commerciale : rechercher des offres d'emploi pour les demandeurs d'emploi que nous connaissons mieux grâce à un suivi plus régulier.

Lors de la première année de la fusion, dans un contexte de montée du chômage, il a fallu expliquer la situation pour s'adapter et répondre aux besoins des demandeurs d'emploi. Un travail important doit encore être accompli pour donner de nouveaux repères aux agents et expliquer les nouvelles pratiques professionnelles, en rencontrant les managers de terrain pour qu'ils puissent relayer notre action. Chaque trimestre, nous organisons des séminaires avec la ligne managériale et nous nous déplaçons sur le terrain pour expliquer notre stratégie.

En ce qui concerne le maillage territorial, nous cherchons à nouer des partenariats pour compléter notre offre de services. Certains demandeurs d'emploi ont des problèmes qui ne peuvent être traités avec les outils dont dispose Pôle emploi. Il est alors important de pouvoir solliciter la mission locale, le Plie, ainsi que l'ensemble des acteurs, afin de trouver des réponses complémentaires.

En Bretagne, nous avons une convention annuelle avec la région qui définit notre contribution au programme régional d'actions de formation. Nous adressons chaque semaine à la région la liste des actions que nous conventionnons, afin que nos actions respectives soient cohérentes. Nous veillons à ce que les formations soient adaptées aux besoins de recrutement des entreprises, ce qui suppose des remontées de terrain sur ces besoins. La convention aborde également la question des cofinancements pour multiplier les actions.

Nous avons également des conventions avec les conseils généraux, qui portent sur l'orientation des bénéficiaires de minima sociaux et la mise à disposition de personnels, afin de renforcer l'accompagnement vers l'emploi de ces publics.

Nous avons également des conventions avec les missions locales et les Cap emploi, ainsi qu'avec les branches et les Opca, ce qui permet de démultiplier l'offre de formations et les contrats en alternance.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie pour cette première intervention. Je salue M. Jean-Luc Reicher, votre directeur adjoint, qui vous accompagne. Je voudrais me faire l'écho de deux critiques, auxquelles vous avez déjà en partie répondu, que nous avons souvent entendues concernant Pôle emploi.

Pôle emploi est d'abord confronté à un traitement de masse du chômage, qui impose de mettre en place des organisations de travail efficaces. Cette situation est conjuguée, en 2011, à une baisse des moyens alloués à Pôle emploi, dans un contexte de chômage élevé. Beaucoup de conseillers estiment que cette situation a abouti à un travail taylorisé et organisé de manière erratique, pour faire face aux flux, ce qui a une double conséquence : d'abord, une certaine inefficacité dans le traitement des demandes d'emploi ; ensuite, un sentiment d'insatisfaction par rapport au travail accompli.

Une deuxième critique, exprimée par les partenaires de Pôle emploi, consiste à dire que Pôle emploi est une structure trop centralisée, monolithique, qui éprouve des difficultés à développer une politique d'ancrage territoriale et ne travaille pas suffisamment en réseau. Ce diagnostic conduit un certain nombre de structures à affirmer qu'elles savent créer ce lien avec les territoires et qu'elles peuvent donc jouer un rôle complémentaire de celui de Pôle emploi.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Comment traitez-vous la situation des personnes en très grande difficulté, qui ne sont pas directement employables ? Leur suivi est-il sous-traité aux Plie ?

M. Ronan Kerdraon . - Je me réjouis que le président ait accédé à ma demande d'auditionner Mme Nadine Crinier. En effet, il est intéressant d'entendre son parcours et son regard sur la structure qu'elle dirige. Je souhaite poursuivre la réflexion amorcée par le président sur plusieurs points : critique interne des salariés vis-à-vis de Pôle emploi, regard nuancé du monde de l'entreprise sur l'action de cette structure. Nous devrions également parler du regard des élus sur Pôle emploi et du système informatique Neptune, qui a posé quelques problèmes.

En ce qui concerne les salariés, les représentants syndicaux et les agents sur le terrain font un constat relativement amer par rapport à la fusion. Ils regrettent que la gestion des personnels n'ait pas été suffisamment anticipée, ce qui provoque parfois des tensions entre les agents issus de l'ex-ANPE et les agents issus des ex-Assedic. Des préconisations devraient vraisemblablement être faites en la matière. Des erreurs ont-elles été commises ? Quelles seraient vos préconisations ?

De nombreuses personnes critiquent également le fait qu'en Bretagne, cent deux dossiers sont traités, en moyenne, par chaque agent. Ce nombre est très supérieur à celui annoncé initialement de soixante dossiers par agent. Cet écart empêche nécessairement de passer un temps suffisant sur chaque dossier. Les agents regrettent qu'il leur soit demandé de résoudre un maximum de cas en un minimum de temps. Nous recueillons également un certain nombre de critiques de la part des chefs d'entreprise.

Une enquête menée dans le département des Côtes d'Armor a montré que les relations avec Pôle emploi sont plutôt positives lorsque les demandeurs d'emploi ont un interlocuteur physique. De ce fait, cette voie est à privilégier plutôt que le recours à la plate-forme téléphonique ou à internet. En revanche, les demandeurs d'emploi regrettent que 70 % des offres d'emploi ne passent pas par Pôle emploi. Comment améliorer ce résultat ?

Enfin, ma dernière question portera sur le système Neptune, mis au point pour fusionner les systèmes d'information des Assedic et de l'ANPE, qui étaient peu compatibles. Ce système a connu des dysfonctionnements au cours de l'année 2010. Pourriez-vous apporter des précisions sur ce sujet ?

Mme Annie David . - Ma première question porte sur le statut de Pôle emploi. Lors de la séance des questions au Gouvernement qui s'est déroulée hier, le ministre a affirmé qu'il s'agissait d'un établissement public à caractère administratif (EPA), mais cette affirmation suffit-elle à lever toutes les incertitudes sur le plan juridique ?

En ce qui concerne le suivi mensuel personnalisé des demandeurs d'emploi, je note que seulement 39 % des chômeurs inscrits depuis plus de quatre mois sont suivis. Comment Pôle emploi sélectionne-t-il les demandeurs d'emploi inscrits depuis plus de quatre mois pour les accompagner ?

Je relève également que chaque conseiller de Pôle emploi Bretagne suit, en moyenne, cent deux personnes. Ce chiffre est-il calculé en prenant en compte l'ensemble des agents de Pôle emploi ou uniquement ceux en contact avec le public ? Il serait faussé si on incluait tous les agents de Pôle emploi dans cette moyenne.

Les formations dispensées par Pôle emploi sont-elles qualifiantes ou les demandeurs d'emploi doivent-ils multiplier les formations pour trouver un emploi ?

L'intégration du personnel de l'Afpa devrait permettre une meilleure orientation des demandeurs d'emploi. Mais comment se faisait l'orientation des demandeurs d'emploi lorsque ces salariés n'étaient pas intégrés à Pôle emploi ?

Enfin, l'EID semble mal vécu par les agents de Pôle emploi, alors que vous avez indiqué que ce dispositif était fédérateur.

Mme Nadine Crinier . - Il y a encore beaucoup d'inquiétude au sein du personnel par rapport à la fusion, notamment sur le devenir des différents métiers. Toutefois, la nouvelle organisation se met progressivement en place.

En ce qui concerne l'EID, nous avons conduit un dialogue social approfondi avec les représentants du personnel. Ce sujet a donné lieu à de nombreux échanges et nous avons rencontré les conseillers sur le terrain. Il était nécessaire de former et accompagner le personnel dans les cinq agences pilotes. Nous avons eu la volonté de procéder au déploiement de l'EID en accompagnant les agents afin de ne pas les laisser sans réponse.

Les directeurs d'agence affirment que la décision de créer l'EID favorise l'échange et une dynamique professionnelle, ce qui ne signifie pas que l'ensemble des agents n'ont pas de craintes. Ce nouveau dispositif est véritablement porteur, même s'il doit encore être déployé dans nos quarante-deux sites. Il faut se donner un peu de temps et ne pas oublier qu'un grand nombre d'actions ont déjà été menées depuis deux ans, dans un contexte difficile.

M. Claude Jeannerot, président . - Certains agents estiment que leur travail est devenu taylorisé et erratique dans sa gestion. Ils disent qu'ils peuvent passer d'une fonction à une autre, ce qui diminue l'intérêt de leur métier et remet en cause le sens de leur activité professionnelle.

Mme Nadine Crinier . - Nous avons élaboré des outils de planification afin de mieux prévoir la charge de travail et gérer le flux des personnes à recevoir. De cette manière, nous avons redonné de la visibilité aux agents, ce qui contribue à créer un environnement de travail plus sécurisant. Cependant, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour améliorer notre organisation, qui a été bouleversée avec la création des équipes et des sites mixtes. L'année 2010 a été le premier exercice au cours duquel nous avons pu reprendre en main l'organisation, en augmentant notamment le nombre d'heures de formation, ce qui a aidé les salariés à retrouver des repères.

Un directeur régional sait de quels moyens il dispose et il définit des priorités. Tout demandeur d'emploi qui arrive au quatrième mois de chômage intègre le suivi mensuel personnalisé. Nous effectuons des choix concernant les modalités de réception du demandeur d'emploi. Tous les demandeurs d'emploi n'ont pas besoin de rencontrer leur conseiller tous les mois. Un entretien téléphonique peut éventuellement remplacer l'accueil physique pour faire le point avec le demandeur sur ses démarches de retour à l'emploi.

Certains secteurs recrutent, par exemple pour des postes de chauffeurs, et pourtant des demandeurs d'emploi ayant, à première vue, le bon profil n'arrivent pas à se faire embaucher. Pour remédier à ce problème, des collègues organisent des « cafés-offres », auxquels ils invitent les entreprises de transport et des demandeurs d'emploi pour ajuster l'offre à la demande et voir quel suivi mettre en place. D'une manière générale, il faut adapter les parcours aux besoins. Les directeurs d'agence et les conseillers effectuent eux-mêmes des arbitrages en fonction des personnes suivies.

La moyenne de cent deux dossiers suivis par agent est calculée en prenant en compte les seuls agents chargés du suivi, et non l'ensemble du personnel de Pôle emploi. Un conseiller est amené à faire des choix, en fonction de sa connaissance du demandeur d'emploi et des parcours, ce qui suppose de leur part un professionnalisme important, de même que pour les directeurs d'agence et les animateurs d'équipe qui encadrent sept à dix personnes. Nous devons effectuer des choix d'organisation pour offrir un service optimal au plus grand nombre.

En ce qui concerne la qualité de service, j'estime que les conseillers de Pôle emploi délivrent des services de qualité. Ainsi, 95 % des dossiers d'indemnisation sont traités dans les quinze jours, ce qui est important pour les demandeurs d'emploi. Le fait que les offres d'emploi soient satisfaites dans le délai de trente jours traduit aussi une réelle qualité de service. Nous formons le management pour qu'il puisse valoriser l'action des conseillers et mettre en valeur leurs réussites. Un article publié récemment dans Ouest-France sur Pôle emploi est mitigé, d'autres articles sont très bons, d'autres plus négatifs. Le conseiller est en tout cas attaché à ses missions et il est important de rappeler que la qualité de service de Pôle emploi a été maintenue malgré un contexte difficile.

En ce qui concerne les outils, nous avons démarré notre activité avec des sites distincts, qui ont été progressivement fusionnés, et des outils informatiques situés dans des environnements différents, que le projet Neptune a unifiés. Il devait être déployé en juin 2010, mais sa mise en place a été reportée dans certaines régions, notamment en région Centre. En Bretagne, il a été déployé à la fin du mois de mars et fonctionne correctement. Il contribue à améliorer le confort de travail des agents.

Nous nouons aussi des partenariats avec des acteurs qui ont une offre de services complémentaire de la nôtre. Nous pouvons orienter vers les Plie les demandeurs d'emploi qui sont passés par Pôle emploi sans trouver de solution. Un conseiller référent de Plie suit cinquante à soixante personnes. Nous mettons à leur disposition des conseillers pour les aider à remplir leur mission. Le Plie, la mission locale ou Pôle emploi poursuivent la même finalité qui est de placer les demandeurs d'emploi. Notre offre de service, dans le cadre du suivi mensuel, consiste à offrir du conseil aux demandeurs d'emploi, à intervalle régulier, et elle est donc complémentaire du service d'accompagnement proposé par le Plie ou la mission locale.

Certains conseillers suivent la cotraitance mise en place avec les Cap emploi pour les personnes handicapées. Nous faisons le point régulièrement avec les Cap emploi pour savoir ce que ces personnes deviennent sur le plan professionnel. D'une manière générale, nous suivons des personnes dont les parcours peuvent être très hétérogènes.

Concernant nos relations avec les entreprises, une difficulté provient du fait que le tissu économique breton est surtout composé de petites entreprises, qui sont plus difficiles à approcher. Nous avons tendance à aller naturellement vers les grandes entreprises, qui sont plus structurées. J'encourage donc les directions territoriales à travailler avec les chambres des métiers afin de mieux connaître les besoins des petites entreprises. Nos conseillers ont effectué 30 000 visites en entreprise en 2010. Nous veillons à diversifier les contacts avec les entreprises et à les fidéliser. Les entreprises qui ne connaissent pas encore Pôle emploi peuvent entrer en contact avec nous en composant le 39 95, qui est un numéro facile à mémoriser. En Bretagne, le 3995 a été mis en place en avril 2010 et nous avons reçu environ 18 000 appels au cours de l'année. Il est vrai que Pôle emploi ne collecte pas toutes les offres d'emploi mais, si c'était le cas, nous ne saurions pas nécessairement toutes les traiter. L'essentiel est que nous ayons des offres à proposer aux demandeurs d'emploi que nous suivons.

En région Bretagne, une entreprise sur quatre est cliente de Pôle emploi, c'est-à-dire qu'elle a déposé au moins une offre auprès de nos services au cours des douze derniers mois. Nous cherchons à cibler les entreprises et à diversifier nos contacts. Nous devons tenir compte de la diversité du marché du travail afin que chacun puisse trouver une offre d'emploi qui lui corresponde.

M. Ronan Kerdraon . - Votre connaissance du marché du travail doit également vous permettre d'adapter les formations aux demandeurs d'emploi.

Mme Nadine Crinier . - En ce qui concerne la formation, nous dispensons à la fois des formations d'adaptation, qui ne débouchent pas sur un diplôme, et des formations qualifiantes, dans le cadre de cofinancements avec la région. Quand un demandeur d'emploi suit une formation, le taux de reprise d'emploi est de 70 % dans un délai de trois mois. Certes, la reprise d'emploi ne s'effectue pas toujours sur un emploi à durée indéterminée, notamment parce que nous recevons un grand nombre d'offres saisonnières. Néanmoins, ces offres sont porteuses pour les demandeurs d'emploi et accélèrent leur processus de retour vers l'emploi. Il ne serait pas satisfaisant, en tout état de cause, d'avoir un niveau de chômage élevé et des offres d'emploi non satisfaites.

En ce qui concerne l'intégration des psychologues et des assistants techniques de l'Afpa, je voudrais d'abord rappeler que la mission d'orientation et de formation de Pôle emploi a été réaffirmée en novembre 2009. Les Assedic et l'ANPE prescrivaient déjà des formations, mais cette mission a été fortement réaffirmée. L'arrivée des psychologues du travail de l'Afpa a complété notre offre de services. Il a d'abord fallu travailler sur leur intégration dans nos équipes. Nous avons accueilli cinquante-huit agents de l'Afpa, alors que nos équipes comptent 1 900 personnes. Ils ont dû s'intégrer à notre structure hiérarchique, alors que celle de l'Afpa était à la fois hiérarchique et fonctionnelle, et s'habituer à notre culture de travail, qui comprend des cibles et des objectifs, éléments nouveaux pour eux. Nous veillons maintenant à les intégrer à notre offre de services. Par exemple, nous étions confrontés à Lorient à une problématique importante de chômage des seniors. Nos collègues venus de l'Afpa ont créé, avec deux collègues d'une agence polyvalente, une nouvelle prestation pour les seniors. Il est également prévu de déployer des ateliers qui seront co-animés par les collègues venus de l'Afpa et par d'autres agents pour aider les demandeurs d'emploi à prendre les bonnes décisions en matière de formation.

Pour évaluer le degré de satisfaction vis-à-vis des services offerts par Pôle emploi, nous avons mis en place en Bretagne un « baromètre des parties prenantes » consistant à questionner, tous les trois mois, les agents, des demandeurs d'emploi, nos partenaires et des entreprises. Ce système a été mis en place en mars. Plus de trois cents agents, sur les sept cents qui ont répondu, ont formulé par écrit des remarques qualitatives. Nous avons la volonté de suivre l'évolution de ces indicateurs et de nous en servir pour anticiper le déploiement de nos futurs projets, étudier leur impact et maîtriser les risques. Le niveau de satisfaction des entreprises concernant notre travail est plutôt positif en Bretagne.

M. Claude Jeannerot, président . - Je souhaiterais faire une ultime observation. Comment réagissez-vous lorsque les maisons de l'emploi justifient leur rôle en indiquant qu'elles sont les seules en capacité de fédérer les acteurs locaux ? La multiplicité d'acteurs est un facteur d'opacité pour les demandeurs d'emploi, qui va à l'encontre du processus de simplification engagé avec la fusion entre l'ANPE et les Assedic.

Mme Nadine Crinier . - Nous sommes implantés dans trois maisons de l'emploi en Bretagne, à Loudéac, Vitré et Ploërmel, ce qui est l'idéal pour garantir une cohérence dans les actions et une optimisation du service rendu. Avec les autres maisons de l'emploi, nous sommes plutôt sur des logiques de plan d'action partagé. Nous ne ressentons pas de concurrence de la part des maisons de l'emploi et nous sommes plutôt dans une logique de complémentarité. Au sein du conseil régional de l'emploi, nous suivons régulièrement les résultats et les contributions des maisons de l'emploi.

Mme Annie David . - Vous n'avez pas encore répondu à ma question sur le statut juridique de Pôle emploi.

Mme Nadine Crinier . - Pôle emploi a le statut d'EPA depuis sa création, mais nous comptons des agents de statut public, d'autres de statut privé, et notre institution a un statut sui generis. En ce qui concerne le dialogue social, Pôle emploi Bretagne dispose d'un comité d'entreprise, d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de délégués du personnel, comme dans une entreprise privée. Lorsque nous nous interrogeons pour savoir si, sur telle ou telle question, nous devons appliquer le droit privé ou le droit public, nous faisons appel à nos juristes pour obtenir une réponse précise.

M. Claude Jeannerot, président . - Merci beaucoup.

Table ronde avec des représentants d'associations
de chômeurs et de salariés précaires
(mardi 3 mai 2011)

La mission commune d'information auditionne, lors d'une table ronde, des représentants d'associations de chômeurs et de salariés précaires : M. Alain Marcu, chargé de mission, et Mme Catherine Quentier, représentants d'AC ! Agir ensemble contre le chômage, Mme Hela Khamarou et M. Yannick Comenge, représentants de Génération précaire, Mme Marie Lacoste, secrétaire, MM. Robert Scalese et Pierre-Edouard Magnan, représentants du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), M. Patrick Boulte, vice-président, et Mme Sophie Bonnaure, déléguée générale, de Solidarités nouvelles face au chômage (SNC).

M. Claude Jeannerot , président . - Mesdames et messieurs, je suis heureux, au nom de la mission commune d'information relative à Pôle emploi, de vous accueillir au Sénat. Je vous remercie d'avoir accepté ce moment de partage et d'échange avec nous.

Cette rencontre est importante à nos yeux car nous avons beaucoup entendu les acteurs du service public de l'emploi. Mais il nous paraît essentiel d'entendre votre point de vue sur la manière dont Pôle emploi accueille, indemnise et accompagne les demandeurs d'emploi. Vous êtes vous-même quotidiennement au contact des chômeurs ou des salariés précaires et votre expérience de terrain est, au regard des objectifs que nous nous donnons, irremplaçable. Nous sommes intéressés par les suggestions et les propositions que vous pourriez nous faire afin que Pôle emploi améliore son offre de services au bénéfice des demandeurs d'emploi. Notre but n'est pas seulement de dresser un état des lieux du fonctionnement de Pôle emploi. C'est surtout, à partir du diagnostic que nous en ferons, de formuler des recommandations et des préconisations afin que Pôle emploi fonctionne mieux dans l'intérêt de ses bénéficiaires.

M. Alain Marcu, chargé de mission à AC ! Agir ensemble contre le chômage . - Nous avons lu avec attention le compte rendu de l'audition de M. Christian Charpy. Nous avons rencontré M. Christian Charpy, bien avant la création de Pôle emploi, mais pour ce faire, nous avions dû occuper les locaux de l'ANPE, à la suite de quoi il nous avait accordé un entretien. Nous avons retrouvé dans les propos qu'il a tenus devant la mission d'information les mêmes éléments que lors de cet entretien : Pôle emploi est un service public animé par des salariés de droit privé, avec des critères de rentabilité. Il y a là une grande distance avec notre appréciation de ce que doit être réellement un service public de l'emploi.

M. Christian Charpy argumente ensuite en rappelant l'explosion du chômage, dans une situation économique que chacun connaît. Dans une telle situation, l'accueil des chômeurs, dont le nombre a augmenté, suppose de leur accorder du temps et ceci vaut pour tous les types de demandeurs d'emploi : jeunes, salariés ayant occupé un emploi unique au cours de leur carrière, chômeurs de longue durée, chômeurs de plus de cinquante-cinq ans, etc. Or, tout a été fait pour « rentabiliser » l'activité de Pôle emploi. C'est pourquoi les entretiens sont courts, vingt à vingt-cinq minutes selon le portefeuille de chaque conseiller. Nous avons demandé à M. Christian Charpy si un demandeur d'emploi pouvait résumer ses compétences en vingt-cinq minutes d'entretien. Je note qu'il n'a pas répondu à cette question. Toujours est-il que la mission de service public n'est pas remplie, car les moyens permettant d'effectuer le « profilage » des demandeurs d'emploi n'ont pas été réunis. Les conséquences qui en découlent sont connues : brièveté des rendez-vous, mauvais fonctionnement du 39 49... Cela se traduit aussi par des tracasseries qui expliquent un nombre élevé de radiations, sans parler des conséquences sur le plan humain. Nous allons l'observer dans un proche avenir car 680 000 chômeurs de longue durée vont être convoqués prochainement. Nous savons que cette opération donnera lieu à 10 % ou 15 % de radiations automatiques car, devant l'inutilité des services de Pôle emploi, il est probable qu'une telle proportion des demandeurs d'emploi de longue durée ne se présentera pas au rendez-vous. Je note que ce chiffre de 10 % à 15 % de radiations est cohérent avec l'objectif fixé par le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, de faire diminuer de 55 000 le nombre de demandeurs d'emploi. Tout ceci me fait dire qu'un mécanisme est en train de se mettre en place pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage.

Mme Catherine Quentier, représentante d'AC ! Agir contre le chômage . - Les associations de chômeurs sont assez unanimes pour considérer que la fusion s'est faite à marche forcée et n'était pas très réfléchie. Nous pensions qu'il s'agissait du mariage de la carpe et du lapin, compte tenu des fonctions très différentes remplies par l'ANPE et les Assedic. Nous en avons très rapidement vu les effets, avec du personnel insuffisamment formé et en sous-effectif. Les chômeurs peinaient à trouver des réponses à leurs questions, ce qui dégradait le climat dans les agences, car les chômeurs attendent des réponses claires et précises. Cette situation a duré longtemps. Elle s'est peut-être un peu stabilisée aujourd'hui mais cela dépend des endroits. Nous recevons des échos différents suivant les agences de Pôle emploi concernées.

La situation s'est améliorée là où les deux fonctions remplies par Pôle emploi, indemnisation et placement, sont représentées à l'accueil dans les agences. Il manque toujours du personnel et le suivi est toujours aussi difficile car le personnel a encore trop de demandeurs d'emploi à suivre. Les beaux chiffres que M. Christian Charpy met en avant, soixante-dix demandeurs d'emploi par « portefeuille », dans le langage de Pôle emploi, constituent une moyenne. En réalité, ce nombre peut atteindre cent, cent cinquante ou deux cents demandeurs d'emploi. Les employés de Pôle emploi ont fait grève récemment car ils n'en peuvent plus. L'offre de services est donc toujours dégradée et des sanctions interviennent car les chômeurs ne pouvant pas tous être reçus, ils sont convoqués à des entretiens téléphoniques à leur domicile : il leur est demandé d'être chez eux à une heure précise. Ils reçoivent un ou deux jours plus tard un courrier et même s'ils étaient là, on leur annonce qu'ils n'étaient pas là, sous des prétextes injustifiés, ce qui se traduit par leur radiation temporaire. Ceci s'est produit récemment encore - même si les radiations injustifiées ont toujours eu lieu.

Pour le reste, il existe un surcroît de travail qui nous inquiète du point de vue de l'accueil des chômeurs de longue durée. M. Christian Charpy nous annonce aussi que l'appel d'offres à l'intention des opérateurs privés de placement sera réduit des deux tiers. Il en résultera un afflux de travail supplémentaire pour le personnel de Pôle emploi et nous voyons mal comment celui-ci pourra l'absorber, compte tenu de la réduction du personnel. Il existe ainsi des aberrations que nous ne comprenons pas.

Nous pensons que des dépenses injustifiées ont été effectuées comme nous l'avons dit à M. Christian Charpy, que nous rencontrons régulièrement dans les comités nationaux de liaison. Les associations de chômeurs ont souligné que le recours à des prestataires privés constituait, à leurs yeux, une gabegie financière. En outre, la fusion a requis des investissements immobiliers mal calculés et cela a entraîné un coût considérable pour Pôle emploi.

Mme Hela Khamarou, représentante de Génération précaire . - Nous faisons partie du collectif Génération précaire qui s'est constitué en 2005 sur la base d'un appel lancé sur Internet pour défendre les stagiaires. Avec la situation de crise, nous voyons de plus en plus des gens qui cumulent des stages, des CDD ou des expériences d'intérim et qui se retrouvent face à Pôle emploi. Je parlerai ici des jeunes qui sont confrontés pour la première fois à Pôle emploi et qui n'ont souvent pas connu l'ANPE.

Je rappelle que Pôle emploi a des missions étendues en matière d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement des personnes à la recherche d'un emploi ou d'une formation, de versement des allocations, de prospection du marché du travail et de collecte des offres d'emploi.

Lorsque nous avons été invités à nous exprimer devant votre mission d'information, nous avons collecté les témoignages des membres de notre collectif. Nous avons d'abord relevé une inadéquation entre la formation des demandeurs d'emploi et l'interface informatique utilisée par Pôle emploi qui, pour certains d'entre nous, ne comportait pas, à sa création en décembre 2008, notre diplôme ou notre catégorie de recherche d'emploi. Cela a conduit à une prise en compte approximative, voire fantaisiste, suivant les cas, des demandes. Les conseillers nous disaient clairement que cela les conduirait à nous proposer des offres ne correspondant pas à notre profil.

Il est possible d'adresser des questions par mail, par l'intermédiaire du site internet de Pôle emploi, qui promet une réponse en vingt-quatre heures. En réalité, il faut souvent plusieurs jours, voire un mois pour avoir une réponse. Nos interlocuteurs nous invitent souvent à contacter un conseiller par téléphone, au motif que ce mode de contact est beaucoup plus simple. Il s'avère cependant que la plate-forme téléphonique ne dispose pas des compétences requises et ferme très tôt. Elle ne répond pas aux questions auxquelles nous sommes confrontés. Or un jeune qui entre sur le marché du travail a de nombreuses questions et reste souvent sans réponse.

Chaque conseiller doit suivre plus d'une centaine de demandeurs d'emploi. Les chiffres fournis font effectivement état de soixante à quatre-vingt dix demandeurs d'emploi par conseiller. Des documents officiels révélés par Le Canard enchaîné ont fait état de plus de trois cents demandeurs d'emploi par conseiller dans certains sites. Il en résulte l'annulation de rendez-vous, faute de temps, à tel point que certains demandeurs d'emploi attendent pendant des mois un rendez-vous. Ils sont informés par courrier ou par téléphone de l'annulation de leur rendez-vous. A titre d'exemple, j'attends un rendez-vous depuis plus de trois mois.

Dès lors qu'un conseiller propose une offre d'emploi à un demandeur, nous entendons souvent dire que l'offre ne correspond pas au profil du candidat. Un profil est établi lors de l'inscription du demandeur à Pôle emploi. Un salaire minimum est alors défini mais celui-ci est généralement bien supérieur à ce qui nous sera proposé par la suite. Une conseillère a par exemple fixé à 2 400 euros le salaire minimum d'une collègue de niveau Bac + 5. Lorsqu'un emploi lui a été proposé, il s'agissait d'une mission d'intérim de vingt jours rémunérée 1 200 euros. Si l'on définit un niveau de salaire minimum en fonction du niveau d'études, je pense que nous sommes en droit d'attendre que ce niveau de rémunération soit atteint.

Le manque de personnel est manifeste. Quelques mois après la fusion des Assedic et de l'ANPE, nous étions dans un contexte de hausse du chômage. Aussi a-t-il été décidé d'embaucher 1 840 personnes à Pôle emploi. Dix-neuf mois plus tard, la direction de Pôle emploi a annoncé la suppression de 1 800 postes. Au total, quarante nouveaux postes ont donc été créés, alors que le nombre de demandeurs d'emploi s'est accru de plusieurs centaines de milliers dans l'intervalle, ce qui n'a pu qu'aggraver les problèmes posés par le manque de personnel. On observe par ailleurs un manque de connaissances criant de la part du personnel, qui connaît mal les secteurs d'activité. En outre, nous sommes souvent ballottés d'une agence à une autre. Il est par exemple demandé à des journalistes ou à des intérimaires de s'orienter vers un bureau spécialisé et nous sommes transférés d'un conseiller à un autre. Dans certains cas, le conseiller nous suggérait de supprimer quelques diplômes sur un CV, qui était jugé surqualifié.

Des motifs d'étonnement nous ont également été rapportés concernant les contrôles effectués lorsqu'il faut s'actualiser chaque mois. Cette étape est souvent perçue de façon humiliante car nous sommes réellement à la recherche d'un emploi. Il s'agit d'un travail en soi mais nous devons prouver notre bonne volonté. En tant que jeunes et précaires, nous sommes considérés comme des parasites de la société, de la mauvaise herbe et des paresseux. Nous avons l'image du chômeur fraudeur. Nous sommes nécessairement mauvais. Le suivi mensuel obligatoire ou les stages de coaching ne servent pas à grand-chose, quand il y reste des places.

Cela nous humilie encore davantage et en tant que jeunes, nous refusons d'être la variable d'ajustement du marché du travail ou de l'insertion. Nous avons des compétences. Il n'est pas normal d'être confronté à tant de difficultés avant même d'avoir mis un pied sur le marché du travail.

Il existe un besoin de transparence, notamment face aux pratiques abusives de radiation. Il existe une politique du secret au sein de Pôle emploi, où les effectifs sont insuffisants. Les grèves au sein même de l'institution attestent de l'ambiance délétère qui y règne. Il existe aussi un besoin considérable de formation du personnel de Pôle emploi. Au moment de la création de Pôle emploi, il avait été décidé d'inviter chaque conseiller à une formation de trois à sept jours. Ce projet a très vite été abandonné. Nous nous retrouvons face à des conseillers très gentils mais on ne demande pas à un conseiller d'être gentil. Son rôle est de nous aider à trouver du travail. Un jeune à la recherche d'un emploi, a fortiori dans un contexte de crise, n'a aucune connaissance de ses droits, des aides qu'il peut demander, s'il a droit à des indemnités chômage ou au RSA, etc. Ce sont des questions que les jeunes se posent. La fusion Assedic-ANPE a créé de nombreuses perturbations. On peut citer notamment le cas des intermittents du spectacle, qui sont moins bien pris en compte dans le nouveau système. Il se pose le problème de l'actualisation mensuelle obligatoire. Aucune prestation réelle n'est proposée au titre des missions « officielles » de Pôle emploi de conseil, d'orientation et d'accompagnement. Je terminerai par la formule d'un jeune demandeur d'emploi qui nous a dit : « L'accompagnement, avant d'être efficace, il faudrait qu'il existe. » Je n'ai pas parlé des entreprises mais nous pourrions aussi évoquer cet aspect.

M. Yannick Comenge, représentant de Génération précaire . - Il ne faut pas nécessairement accabler Pôle emploi car c'est aussi la vision du chômeur par la société qui est en cause. J'ai quatre-vingts mois de chômage, la plupart du temps sans indemnisation. J'ai dû me débrouiller de cette façon. La vision de la société nous renvoie toujours l'image du fraudeur, du fainéant, etc. Autour de moi, au sein d'associations de chômeurs qui sont parfois des associations locales, j'ai rencontré des gens qui se sentent plutôt « périmés ». A quarante ans, un professionnel du marketing qui a l'expérience du montage d'opérations de grande ampleur à titre bénévole se voit souvent rejeté par le marché du travail au motif qu'il serait dépassé. Cette vision, qui émane des employeurs et des directions des ressources humaines, est catastrophique et Pôle emploi peut difficilement agir de ce point de vue, si ce n'est, peut-être, pour tenter de décourager ces comportements désastreux. Certains partis politiques nous voient aussi en tant que fraudeurs et fainéants. Il est catastrophique de nous renvoyer ces images. Je côtoie, pour ma part, de nombreuses personnes qui font tout pour s'en sortir. Parfois, le travail gratuit est accepté en espérant un jour obtenir un CDI ou un CDD. Imaginez ce que l'on peut ressentir lorsqu'on s'entend dire, à l'âge de quarante ans, que l'on est « périmé », alors même que l'espérance de vie augmente et que nous serons tous amenés à travailler de plus en plus longtemps.

Pour faire évoluer la vision de la société vis-à-vis des demandeurs d'emploi, il faut voir comment se compose la population des demandeurs d'emploi. Nous avons des gens surqualifiés avec des diplômes de niveau bac + 5 ou bac + 8 qui sont malgré tout au chômage. Ces formations ont coûté à la société de 100 000 euros à 300 000 euros, dans certains cas, par exemple pour un chercheur dans le nucléaire ou en biologie. Ces gens-là se trouvent aujourd'hui au chômage et ne parviennent pas toujours à s'en sortir.

Mme Marie Lacoste, secrétaire du Mouvement national des chômeurs et précaires .  Le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) est une fédération d'associations locales qui reçoivent quotidiennement des chômeurs et précaires sur l'ensemble du territoire. Le MNCP existe depuis plus de vingt ans. Je viens, pour ma part, d'une association toulousaine.

Nous avons préparé, en prévision de cette rencontre, un document élaboré localement dans nos associations. Il prend la forme d'un cahier de doléances intitulé « propositions pour un Pôle emploi humain et efficace ». Telles sont, en effet, les deux principales pistes d'amélioration que nous identifions pour Pôle emploi.

Nous constatons que la fusion a été réalisée à marche forcée. Les agents n'ont pas été suffisamment formés : une formation de trois jours est extrêmement courte pour apprendre comment fonctionne le système d'indemnisation dans notre pays. Nous constatons que les personnels ne sont pas compétents, si tant est qu'une personne puisse être compétente pour répondre à des questions aussi différentes que l'indemnisation et l'accompagnement. Il existe aussi un considérable manque de personnel et donc de disponibilité pour recevoir les demandeurs d'emploi. Il faut absolument trouver des solutions pour que les compétences qui étaient celles de l'ANPE et des Assedic soient exercées par des personnes dédiées, au travers d'un accueil physique ou téléphonique. Le 39 49 permet d'orienter plus facilement les demandeurs d'emploi vers une personne plus compétente. Nous sommes en relation avec les syndicats de Pôle emploi et il est assez amusant de constater que les agents ont souvent conservé leur ancienne fonction. Dès qu'une personne est confrontée à une question à laquelle elle ne sait pas répondre, elle peut ainsi faire appel à un collègue plus spécialisé.

Nous demandons davantage de moyens pour cette énorme machine qui gère de plus en plus de personnes. La fusion a été faite à marche forcée pour des raisons très politiques, alors même que la crise faisait sentir ses effets. Pôle emploi a ainsi été confronté à un afflux important de demandeurs d'emploi et des problèmes sont apparus dans la gestion des dossiers. Les choses se sont un peu améliorées du point de vue des retards dans le traitement des dossiers. Ceci témoigne cependant du fait que Pôle emploi n'était pas en mesure de répondre à un afflux de dossiers soudain. Souhaitons qu'une crise ne se produise pas chaque année... Toujours est-il que cet afflux ne se dément pas, alors que le nombre d'agents tend à diminuer. Le manque de moyens de Pôle emploi a en tout cas été relevé dans un rapport de l'inspection générale des finances.

Il existe par ailleurs une confusion insupportable entre la mission d'accompagnement et la fonction de contrôle et de sanction. Comment peut-on être à la fois juge et partie ? Cette situation a pour conséquence une perte de confiance des demandeurs d'emploi dans leur conseiller, ce qui est très grave. Comment peut-on faire confiance à une personne qui a la possibilité de vous supprimer pendant deux mois les allocations qui vous permettent de vivre ? Une personne qui subit une radiation pendant deux mois ne peut plus payer son loyer, se nourrir ou payer ses charges pendant cette période. Les conséquences de telles radiations sont très graves. Du coup, nous savons que les agents utilisent cette sanction avec parcimonie.

Cette sanction s'applique toutefois aux demandeurs d'emploi qui ne se présentent pas à un entretien. On peut être absent à une convocation pour de multiples raisons, mais Pôle emploi considère que certaines raisons sont valables et d'autres non. Si votre voiture tombe en panne, Pôle emploi considère ainsi que ce n'est pas une raison valable. Si vous êtes malade, vous pouvez fournir un certificat du médecin. Dans le cas d'une panne de voiture, il ne viendrait à l'esprit de personne de demander une attestation à son garagiste. Je citerai un autre exemple éloquent : à Toulouse, il existe des quartiers en difficulté où l'acheminement du courrier est complexe et où de nombreuses lettres se perdent. Une personne ne recevant pas son courrier de convocation à un entretien a peu de chances de s'y présenter et risque d'être sanctionnée alors que seules les défaillances du système d'acheminement du courrier sont en cause. C'est pourquoi nous avons demandé à Pôle emploi d'envoyer aux demandeurs d'emploi des courriers avec accusé de réception. Cela coûte cher. Si une telle mesure ne peut être mise en oeuvre pour des raisons de coût, l'absence au contrôle ne doit pas être sanctionnée de cette manière. C'est absolument intolérable. La fonction de contrôle appartenait aux directions départementales du travail avant d'être transférée aux agents de Pôle emploi. La situation actuelle doit cesser. Nous en arrivons à des situations ubuesques et parfois très conflictuelles au sein des agences. Ces dernières années, des agences ont brûlé. Des agents ont été insultés, voire molestés. Des vitrines ont été cassées. On ne peut pas réellement s'étonner que l'on en arrive à des situations pareilles.

Un autre point est central à nos yeux : la relation entre les demandeurs d'emploi et leur conseiller référent. La communication devient virtuelle entre ces deux intervenants. Peut-être est-ce plus simple pour les jeunes d'utiliser Internet mais de nombreux demandeurs d'emploi n'ont pas d'ordinateur ni d'accès à Internet. Nous rencontrons régulièrement les directions départementales de Pôle emploi dans le cadre des comités locaux de liaison, qui sont des instances de dialogue social qui ont été « ranimées » depuis un an. Nous expliquons régulièrement aux directeurs de Pôle emploi que les demandeurs d'emploi n'ont pas de moyen de contacter leur agent. Lorsqu'on appelle le 39 49, il arrive souvent que l'agent soit indisponible, car en entretien. Si l'on ne dispose pas d'un accès à Internet, comment peut-on faire ? Ne pourrait-on pas au moins être autorisé à se déplacer dans l'agence afin de le rencontrer ou de rencontrer un autre agent ? La réponse est négative, car il faut de moins en moins de demandeurs d'emploi dans les agences de Pôle emploi. Une telle orientation est catastrophique. Pôle emploi gère de l'humain. Nous parlons de la vie des gens. Il nous paraît donc normal que des rencontres physiques puissent être demandées. Nous proposons des solutions dans notre document. Il faut réintroduire du lien et de l'humanité. Le rapport de M. Benoît Genuini, ancien médiateur de Pôle emploi, est tout à fait explicite à ce sujet.

Enfin, je voudrais évoquer la représentation des usagers. Depuis janvier 2010, ont été remis en place des comités départementaux de liaison. Y siègent des représentants des usagers qui font partie d'associations de chômeurs. Le dialogue peut se nouer dans ces lieux que nous jugeons très importants. Pour autant, les directeurs départementaux de Pôle emploi ont un pouvoir relativement restreint. Nous leur avons dit par exemple qu'il serait souhaitable que les coordonnées des associations locales de chômeurs figurent sur le site de Pôle emploi. Ils nous ont renvoyé, sur ce point, à la direction nationale de Pôle emploi. Nous pouvons le comprendre mais nous souhaiterions avoir la certitude que la direction nationale de Pôle emploi entendra nos préconisations.

Enfin, au-delà de la consultation au niveau local, nous jugeons fondamental qu'à terme un représentant des usagers soit présent au conseil d'administration de Pôle emploi.

Mme Sophie Bonnaure, déléguée générale de Solidarités nouvelles face au chômage . - Solidarités nouvelles face au chômage est une association de bénévoles, qui existe depuis 1985. Nous partons du principe que chacun, là où il vit et où il travaille, peut faire quelque chose pour aider des personnes en recherche d'emploi. Nous accompagnons des personnes en recherche d'emploi à travers un binôme de bénévoles, qui se réunit dans le cadre de groupes d'une quinzaine de personnes. Nous sommes ainsi en relation avec environ deux mille demandeurs d'emploi chaque année. Nous les accompagnons dans la durée et cet accompagnement, qui n'est pas institutionnel, dure aussi longtemps que nécessaire. Nos constats et préconisations sont tirés des échanges que nous avons quotidiennement avec les demandeurs d'emploi. En revanche, nous n'avons pas de capacité à établir un bilan global des deux mille personnes que nous accompagnons chaque année. Nous avons monté deux colloques avec le Mouvement national des chômeurs et précaires, en 2007 et 2008, en vue notamment de faire revivre les comités de liaison, qui nous paraissent extrêmement utiles du point de vue du fonctionnement de Pôle emploi.

M. Patrick Boulte, vice-président de Solidarités nouvelles face au chômage . - Nous recevons des personnes qui ont atteint, en quelque sorte, les limites du service public de l'emploi et qui restent sans solution. Nous les accompagnons dans leur recherche d'emploi. Nous effectuons ainsi un travail de « suppléance » par rapport à Pôle emploi et nous n'avons aucun élément d'évaluation de l'efficacité du travail de Pôle emploi dans ses deux fonctions majeures que sont l'aide à la recherche d'emploi et l'appariement d'une demande et d'une offre d'emploi.

Je voudrais d'abord rappeler que tout le monde a le droit de recourir aux services de Pôle emploi, que l'on soit en emploi, en formation, rémunérée ou non, ou employé dans le cadre d'un contrat aidé. Le fait qu'une personne occupant un emploi aidé ne puisse rester inscrite à Pôle emploi constitue une véritable aberration. Peut-être cet effet pervers découle-t-il du fait que Pôle emploi sert d'instrument de comptabilisation du chômage. Toujours est-il que cette situation est tout à fait anormale à nos yeux. J'ai encore vu récemment l'exemple d'une personne percevant l'allocation de solidarité spécifique (ASS) qui suivait une formation non rémunérée et qui a été radiée des listes de Pôle emploi alors qu'elle n'avait aucune ressource. Une telle décision est incompréhensible - en dehors des aspects statistiques que j'évoquais.

Je voudrais également évoquer l'économie des démarches qui incombent au demandeur d'emploi. Chaque fois qu'un manque de transparence est constaté, le demandeur d'emploi est « embarqué » dans des démarches inutiles. Il existe par exemple un dispositif nouveau d'aide individuelle à la formation, potentiellement très intéressant, auquel une page du site Internet de Pôle emploi est consacrée. Il semblerait que la mise en oeuvre de ce dispositif soit entourée de restrictions non explicitées et non publiées. Des demandeurs d'emploi vont ainsi se faire des idées fausses sur ce dispositif et rechercher les formations qui leur sont nécessaires mais risquent de se retrouver, une fois de plus, face à une déception en raison d'une règle cachée.

Tel était déjà le cas lorsque les Assedic existaient. Chaque agence avait une politique d'accès à la formation assortie d'un certain nombre de critères qui n'étaient pas rendus publics. De ce point de vue, le même type d'organisation prévaut.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés qui ont été mises en lumière, de façon tout à fait appropriée, par les intervenants précédents. Je voudrais, en revanche, évoquer les difficultés d'accès au médiateur. Si l'on peut comprendre que le médiateur ne réponde pas instantanément aux demandes qui lui sont adressées, il est anormal qu'il réponde en quatre mois à un demandeur d'emploi qui l'a saisi. En renvoyant son interlocuteur à l'agent de Pôle emploi, le médiateur ne fait pas son métier.

Je voudrais enfin dire deux mots du système d'indemnisation du chômage. Il existe encore un déficit d'explication et de transparence face aux demandeurs d'emploi dans les modalités de calcul des droits. Cela ne permet pas au demandeur d'emploi de vérifier la bonne application de la règle et peut le mettre en situation d'abus sans qu'il ne s'en rende compte - avec toutes les conséquences que cela suppose.

Certains problèmes tiennent aux pratiques des employeurs, concernant notamment la remise de l'attestation d'emploi. Le problème se posait particulièrement avec les employeurs publics, dont les pratiques doivent aussi être abordées. Je sais que des améliorations ont été apportées récemment dans les pratiques des employeurs publics vis-à-vis de leurs employés contractuels, notamment en vue de la remise systématique de ce document. Je souhaitais simplement rappeler que tous les dysfonctionnements, dans la mise en oeuvre du service de Pôle emploi, ne relèvent pas de Pôle emploi.

Enfin, le rôle de Pôle emploi est essentiel dans l'accès des demandeurs d'emploi à la formation professionnelle. L'accord national interprofessionnel (ANI) de 2009, et la loi qui a suivi, ont constitué une avancée, dans la mesure où les demandeurs d'emploi n'étaient même pas mentionnés dans celui de 2003, mis à part pour les contrats de professionnalisation. La prise en compte de ce que j'appellerai la formation des « pré-embauchés » s'est ainsi améliorée. Il reste cependant de nombreuses choses à faire et Pôle emploi est irremplaçable dans ce domaine. Les partenaires sociaux ne sont pas bien placés pour porter les préoccupations des demandeurs d'emploi qui ne sont pas déjà pré-embauchés. Qui peut le faire, si ce n'est Pôle emploi ? S'agissant de la récupération de sommes sur le fonds de péréquation, le dialogue entre les partenaires sociaux, qui prélèvent des ressources pour la formation professionnelle, et les régions est très important.

La question du fonctionnement des instances paritaires régionales doit également être évoquée. Cet aspect nous intéresse beaucoup. Je reprendrai les mots qu'a employés, devant votre mission, M. Gaby Bonnand, le président de l'Unedic : « Il ne sera pas possible de travailler à des plans d'insertion et des plans de formation des demandeurs d'emploi correspondant aux besoins des entreprises si nous n'y associons pas leurs représentants dans les territoires. » Nous sommes intéressés par cette question.

S'agissant de l'adaptation de la formation, il y a aussi énormément à faire. On évoque souvent, à titre d'exemple, le problème de la reconversion des salariés. Dans un pays qui consacre, chaque année, plusieurs dizaines de milliards d'euros à la formation, il est choquant que ce soient des fonds d'origine caritative comme les nôtres qui financent des actions de formation au bénéfice des demandeurs d'emploi, de façon adaptée à leur problématique, car ils n'ont pas trouvé de réponse du côté du service public de l'emploi. Nous avons placé beaucoup d'espérance dans le fonctionnement du dispositif d'aide personnelle à la formation. Je pense que les agents de Pôle emploi ne se le sont pas encore approprié. Encore faut-il définir des axes de progrès. Pôle emploi ne définit pas ces axes de progrès et ce que nous venons d'entendre l'illustre bien.

Il y a un manque de transparence que nous avons pu constater dès les premiers pas de la fusion. Si des voies d'amélioration étaient définies, tous les acteurs auraient sans doute davantage d'espérance dans l'évolution du système.

Mme Sophie Bonnaure . - La création de Pôle emploi a apporté une simplification pour les demandeurs d'emploi mais elle n'a apporté aucune transparence. Elle a asséché la relation humaine et l'accompagnement n'est pas assuré. Il arrive trop tard, après quatre mois d'inscription. En Allemagne, le nombre d'agents assurant l'accompagnement des demandeurs d'emploi est deux fois plus élevé qu'en France. Cela montre qu'un meilleur accompagnement est possible et peut donner des résultats. Nous avons besoin d'un Pôle emploi humain et efficace. M. Christian Charpy souligne souvent que Pôle emploi traite le chômage de masse, ce qui semble sous-entendre que l'institution ne peut pas être efficace pour chacun. Il doit pourtant exister une solution permettant de le faire.

M. Claude Jeannerot , président . - C'est effectivement une belle synthèse en forme d'interrogation.

Monsieur Marcu, vous avez dénoncé les critères de rentabilité assignés à Pôle emploi. Mais ne peut-on accepter l'idée qu'un service public soit soumis à des critères d'efficience ? En première analyse, cela ne me semble pas contradictoire avec une authentique démarche de service public.

Une autre question porte sur la confusion des fonctions d'accompagnement et de sanction. Ne considérez-vous pas que l'on pourrait s'inscrire, vis-à-vis de Pôle emploi, dans une démarche contractuelle, au travers de laquelle le demandeur d'emploi demanderait à Pôle emploi un certain nombre de prestations, moyennant quoi il s'engagerait à être présent aux rendez-vous ? S'il ne peut y être présent, il doit se justifier dans un dialogue avec Pôle emploi mais j'ai cru comprendre que cela n'était pas possible. Il serait sans doute intéressant que vous y reveniez.

Monsieur Boulte, quelle évolution pourrait-on proposer pour la fonction du médiateur, puisque vous semblez dire qu'elle ne répond pas à son objet ?

Je laisse maintenant à mes collègues de la mission commune d'information le soin de s'exprimer.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Il me paraît particulièrement intéressant de repérer, dans la discussion, les pistes permettant d'améliorer le fonctionnement de Pôle emploi. Les comités de liaison en constituent un exemple. Leur création est récente et je n'ai pas bien compris quelle était la fréquence de leurs réunions. Cela me paraît constituer une voie de progrès, pourvu que les interlocuteurs se trouvant face à vous soient en mesure de vous apporter des réponses.

Une autre voie de progrès me semble résider dans la fonction du médiateur. Nous avons reçu l'actuel médiateur de Pôle emploi et son prédécesseur. Nous avons un peu l'impression que le médiateur manque de moyens et que sa présence sur le terrain est assurée au travers d'un mécanisme complexe. Les médiateurs régionaux sont intégrés dans la structure de Pôle emploi et ne semblent pas disposer d'une autonomie suffisante. Quel regard portez-vous sur le rôle du médiateur et celui-ci peut-il constituer un mécanisme de correction ou d'adaptation de cette composante essentielle du service public de l'emploi qu'est Pôle emploi ?

Rappelons que le service public de l'emploi ne se réduit pas à Pôle emploi. De multiples autres organismes fonctionnent sur le terrain. Pôle emploi constitue-t-il, à vos yeux, un « guichet unique » qui simplifie le dispositif ou existe-t-il une sorte d'émulation, du fait de la multiplicité d'intervenants, qu'il vous paraît nécessaire de maintenir ?

Enfin, à qui avez-vous posé la question de la représentation des associations au conseil d'administration de Pôle emploi et quelles sont vos relations avec les organisations syndicales sur ce sujet ?

Mme Annie David . - Je voudrais vous remercier car au travers de vos interventions, nous nous sommes rendu compte de la diversité des demandeurs d'emploi et des travailleurs précaires. Il était intéressant notamment d'entendre les difficultés que peuvent rencontrer les jeunes arrivant sur le marché de l'emploi, qui ne sont pas toujours identiques à celles rencontrées par ceux qui ont atteint les limites de ce que peut offrir le service public de l'emploi.

Vous avez jugé insuffisamment opérant le 39 49. Nous avons visité une plate-forme téléphonique et, pour avoir vu les conditions de travail des agents qui animent ce service, j'ai eu beaucoup d'admiration à leur égard. Force est de constater qu'ils sont courageux et j'ai trouvé que les réponses qu'ils apportaient aux demandeurs d'emploi au téléphone étaient de qualité, au regard des moyens dont ils disposent. Je souhaiterais donc mieux comprendre en quoi vous jugez cette plate-forme insuffisamment efficace. Je comprends que vous déploriez le manque de contact humain et d'humanité dans ce type de service mais nous savons que les moyens humains de Pôle emploi ne seraient pas suffisants pour répondre, dans le cadre d'un accueil physique, à l'ensemble des demandes. Que préconiseriez-vous, dès lors, en termes de modification ou d'évolution du service apporté par le 39 49 ?

Vous nous avez dit que les systèmes informatiques ne permettaient pas de tenir compte de tous les diplômes existants. Il serait sans doute nécessaire de revoir l'ensemble du système informatique pour prendre en compte les nouveaux diplômes. Quelles améliorations identifiez-vous dans ce dispositif ? Personnellement, je n'ai pas voté en faveur de la fusion car les métiers du placement et de l'indemnisation sont distincts. Je ne suis pas opposée en soi à leur regroupement dans un même lieu, si cela peut simplifier les démarches du demandeur d'emploi. Il me semblait toutefois nécessaire de conserver une spécialisation de ces deux métiers. Maintenant que la fusion a été réalisée, comment faire pour améliorer la situation ?

Enfin, vous avez rappelé des cas d'agression qui se sont produits dans des agences de Pôle emploi. Ce fut le cas encore récemment à Grenoble, où un agent présent au guichet a reçu un coup de poing. Je comprends qu'il existe de l'agressivité. La généralisation de la présence d'un accueil de premier niveau, permettant d'orienter le demandeur d'emploi vers un conseiller en placement ou un conseiller en indemnisation, vous semble-t-elle de nature à diminuer le niveau de tension et d'incompréhension qui existe parfois dans certaines agences ?

M. Alain Marcu . - La rentabilité suppose un retour sur investissement. La recherche d'efficience consiste à savoir si un résultat est jugé satisfaisant, pour un temps de travail donné. On peut estimer que la nouvelle structure de Pôle emploi n'est pas efficiente, mais comme il s'agit d'un service public, il ne doit pas y avoir de notion de rentabilité : l'Etat détermine si ce service public répond aux missions qui lui sont confiées et le niveau des ressources qui doivent y être consacrées. Il s'agit donc d'une question d'efficience et non de rentabilité. Si l'on veut définir des critères économiques, ce qui ne paraît pas aberrant, il conviendrait d'abord de ne pas mettre en concurrence le service public de l'emploi avec des sociétés privées. Comme nous l'ont appris les organisations syndicales, le coût du placement d'un chômeur est sept fois supérieur lorsqu'il est effectué par un opérateur privé, ce qu'a admis M. Christian Charpy. Arrêtons de gâcher de l'argent public.

J'ai été cadre commercial et licencié à trois reprises. Dans l'exercice de mes fonctions, on m'a appris que le pouvoir d'une personne résidait dans sa faculté de dire non d'un trait de plume. Statutairement, le médiateur n'a aucun pouvoir. Il recommande au directeur d'agence ayant effectué une radiation de bien vouloir reconsidérer sa propre décision. Il lui est donc demandé d'être juge et partie. Donnez des pouvoirs au médiateur, qui doit être indépendant des structures de Pôle emploi pour commencer.

Il a été question des comités de liaison. Je rappelle que nous avons participé aux réunions du comité de liaison national, où siégeait la direction générale de Pôle emploi. Nous lui avons posé les mêmes questions que celles soulevées par nos collectifs régionaux et départementaux. Nous n'avons pas reçu davantage de réponses. Les comités de liaison sont une structure creuse, dans laquelle nous n'avons pas réellement voix au chapitre.

Il y aurait beaucoup à dire au sujet du 39 49, qui pourrait être une plate-forme de redirection des demandeurs d'emploi.

Mme Catherine Quentier . - Lorsqu'un demandeur d'emploi souhaite un rendez-vous pour s'entretenir avec un agent, il est souvent invité à prendre le téléphone pour appeler le 39 49. Certaines personnes d'origine étrangère rencontrent des difficultés pour utiliser ce service téléphonique, dans la mesure où un serveur vocal invite d'abord l'usager à prononcer des mots clés. S'il ne les prononce pas correctement, la situation se complique et le demandeur d'emploi peut perdre patience.

L'enquête de satisfaction réalisée auprès des usagers a laissé de côté un grand nombre d'usagers qui n'ont pas accès à Internet. De nombreux usagers ont déjà des difficultés lorsqu'ils doivent utiliser des machines ou des dispositifs automatisés en matière de recherche d'emploi ou pour actualiser leur dossier. Tout ceci contribue à la déshumanisation que nous dénonçons.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous avons le sentiment, en dialoguant avec Pôle emploi, que le 39 49 et d'autres initiatives ont pour but de développer l'autonomie du demandeur d'emploi, c'est-à-dire sa capacité à rechercher lui-même les réponses à ses propres questions. C'est un souci d'efficacité qui est ainsi affiché. Nous pourrions revenir quelques instants sur ce point.

Mme Marie Lacoste . - Certaines personnes se sentent relativement autonomes dans leur recherche d'emploi. Pour elles, la rencontre mensuelle constituerait presque un fardeau. C'est souvent le cas de cadres ou de personnes très diplômées. C'est aussi le cas de personnes exerçant des métiers très atypiques, pour lesquels Pôle emploi est souvent démuni et reconnaît l'être. Un sportif de haut niveau a, par exemple, peu à attendre de Pôle emploi.

D'autres personnes ont besoin, au contraire, d'un accompagnement renforcé, qui leur soit adapté et qui ne soit pas vécu comme une contrainte. Certains demandeurs d'emploi sont orientés vers des prestataires privés tels qu'Adecco et croient que celui-ci ne leur proposera que des missions d'intérim... Il existe un réel problème de transparence.

Nous ne sommes pas opposés à l'existence d'une forme de contractualisation entre Pôle emploi et le demandeur. Cependant, le jeu est faussé par ce que l'on pourrait appeler la carotte et le bâton. Un directeur d'agence de Pôle emploi m'a dit : « Dans un pays où, lorsqu'on brûle un feu rouge et que l'on risque de mettre en péril sa vie et celle des autres, l'on risque une amende de 90 euros, il est totalement disproportionné de perdre deux mois de revenu parce qu'on n'a pu se présenter à un rendez-vous. » Je partage cette analyse : il existe une disproportion entre la « faute » commise et la sanction appliquée. Les termes du contrat ne sont donc pas justes et les demandeurs d'emploi le perçoivent ainsi.

M. Claude Jeannerot , président . - Lorsqu'un demandeur d'emploi est absent à un rendez-vous fixé par Pôle emploi, la radiation n'intervient pas immédiatement après. Je crois qu'il reçoit une deuxième convocation.

Mme Marie Lacoste . - L'absence du demandeur d'emploi est enregistrée dans le système informatique, ce qui déclenche l'envoi d'un courrier fixant un délai dans lequel le demandeur d'emploi doit justifier son absence. Comme je l'ai indiqué, certaines raisons sont jugées recevables par Pôle emploi et d'autres ne le sont pas. Si un demandeur d'emploi est absent parce que son enfant est malade, il doit présenter un document du pédiatre en attestant.

M. Claude Jeannerot , président . - Pouvez-vous nous confirmer qu'il ne suffit pas d'affirmer que l'on n'a pas pu se rendre à un rendez-vous et en solliciter un deuxième ?

Mme Marie Lacoste . - Je puis vous l'assurer. Les critères d'absence sont extrêmement stricts. Je connais certaines personnes qui n'ont pu se présenter au rendez-vous parce qu'elles participaient, au même moment, à un entretien d'embauche. Pôle emploi leur a demandé de fournir un document de l'employeur attestant la réalité de cet entretien, faute de quoi elles allaient être radiées ! Récemment, une personne de plus de cinquante ans a été convoquée à une réunion collective qui vaut entretien. Cette réunion devait avoir lieu à 9 heures. A 9 heures, lorsqu'elle arrive dans l'agence, cette personne est informée que la réunion a été reportée à 14 heures. Pôle emploi a indiqué à cette personne, lorsqu'elle s'est étonnée de ne pas avoir été prévenue, que l'agence n'avait pas eu le temps de l'informer. La personne a indiqué qu'elle ne pourrait être présente l'après-midi dans la mesure où elle avait rendez-vous chez le médecin. Son interlocuteur lui a demandé d'annuler son rendez-vous chez le médecin, en ne lui laissant aucun autre choix. La dame a alors protesté et la personne qui se trouvait à l'accueil de Pôle emploi lui a dit : « Si vous n'êtes pas contente, vous savez ce qui va se passer. Cela peut aller très vite. » Lorsqu'on emploie ce ton dans une agence, il est clair que cela peut susciter des réactions un peu vives. Cette femme vit avec l'ASS, c'est-à-dire 420 euros par mois. Si elle a l'impression d'être maltraitée dans une agence, alors qu'elle se considère déjà comme une « sous-citoyenne », cela ne donne évidemment pas envie d'y retourner par la suite.

Les comités de liaison existent depuis la loi de lutte contre les exclusions de 1998. Ils ont mal fonctionné au départ et leur fonctionnement a été revu. Toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour qu'ils fonctionnent bien. C'est maintenant une question de volonté. Les directeurs territoriaux ont un rôle à jouer. Rouvrir des toilettes fermées après la mise en oeuvre du plan Vigipirate paraît un minimum. Disposer de chaises pour s'asseoir lorsqu'on consulte le site de Pôle emploi constitue aussi un minimum. Ces décisions peuvent être prises localement. A une échelle nationale, les comités nationaux de liaison se réunissent deux fois par an pendant deux heures. Mais M. Christian Charpy ne respecte pas les ordres du jour qui ont pourtant été fixés en commun et nous estimons que les réponses apportées sont extrêmement insuffisantes. Il ne sert à rien de créer des comités de liaison si l'on ne prend pas en compte les demandes qui y sont présentées. Ils mourront de leur belle mort et nous serons les premiers à le déplorer si nous continuons ainsi. Nous avons adressé une demande très claire au conseil d'administration de Pôle emploi, qui doit se réunir spécifiquement sur cette question.

M. Pierre Boulte . - Concernant le médiateur, je pense que celui-ci devrait être nommé par le conseil d'administration et lui rendre compte.

M. Claude Jeannerot , président . - Aujourd'hui, le médiateur est salarié de Pôle emploi. Son patron est donc le directeur général de Pôle emploi.

M. Pierre Boulte . - Sa fonction est d'aider les demandeurs d'emploi à résoudre les problèmes qu'ils rencontrent dans leurs relations avec Pôle emploi. Elle ne consiste pas à renvoyer les demandeurs d'emploi avant qu'une solution n'ait été trouvée et qu'une position n'ait été arrêtée. Il est très important de maintenir la qualité de la médiation et d'aller jusqu'au bout de la fonction de médiation. Il semble qu'il y ait eu une dégradation de cette fonction.

La question de la formation me paraît également très importante. Les divers acteurs du service public de l'emploi, au sens large (régions, associations, partenaires sociaux, Pôle emploi) doivent se rencontrer sur ce sujet. Le problème consiste à savoir qui convoque les réunions. Au niveau régional, les services de l'Etat semblent très absents de ces débats et nous ne parvenons jamais à rencontrer la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Il ne me semble donc pas possible que les services de l'Etat soient la « puissance invitante ». Les régions seraient probablement réticentes pour jouer ce rôle. Les partenaires sociaux n'ont pas vocation à s'intéresser aux problèmes des demandeurs d'emploi stricto sensu et ne joueront donc pas un rôle moteur. Il faudrait que cette fonction soit remplie par Pôle emploi mais ce dernier n'a pas nécessairement la capacité politique de convoquer les différents acteurs.

Nous avions demandé, en 2004, une auto-saisine du Conseil économique et social sur cette question. Le Président du Conseil économique et social avait accueilli favorablement cette demande mais cette position n'a pas été suivie par la section en charge du travail. La question de l'accès des demandeurs d'emploi à la formation a donc été très peu prise en charge au fil des années. Une commission quadripartite s'est réunie en 2009 mais je ne sais pas si elle a évoqué la façon dont pourrait s'organiser le débat et qui devrait convoquer les réunions. Il faudrait se reporter aux travaux de l'époque car la question se pose. Celle-ci me paraît en tout cas fondamentale compte tenu de la nécessité d'impliquer les partenaires sociaux dans le problème de l'utilisation des fonds de la formation, afin d'éviter que l'Etat ne vienne prélever les sommes qui seraient considérées comme non utilisées. Les régions, quant à elles, sont des acteurs de la formation professionnelle, y compris pour les demandeurs d'emploi.

M. Pierre-Edouard Magnan, représentant du Mouvement national des chômeurs et précaires . - Pôle emploi est peut-être l'un des seuls établissements publics administratifs de ce pays qui n'intègre pas les usagers dans son conseil d'administration. Le MNCP n'a pas vocation à représenter les salariés, même si nous en accueillons dans nos locaux. Les organisations syndicales sont des partenaires que nous rencontrons et avec qui nous apprécions de travailler aujourd'hui - ce n'était pas aussi vrai il y a vingt ans. Il n'en demeure pas moins que les organisations syndicales représentatives, selon la loi, ne représentent pas les chômeurs.

M. Claude Jeannerot , président . - Elles représentent les actifs, parmi lesquels figurent les demandeurs d'emploi.

M. Pierre Boulte . - Si les organisations syndicales avaient représenté les demandeurs d'emploi, l'accord de 2003 n'aurait pas été ce qu'il fut.

M. Pierre-Edouard Magnan . - Les organisations syndicales siègent au sein du comité national de liaison ou dans les comités départementaux de liaison. Je ne vois donc pas pourquoi nous ne siégerions pas au conseil d'administration de Pôle emploi. Il s'agit d'une demande récurrente de notre part et je note que la position des organisations syndicales évolue, puisque celles-ci n'y semblent plus opposées. Il ne s'agit donc pas d'un sujet de friction mais il me paraît important que chacun exerce son métier. Les organisations syndicales ont été fondamentalement conçues pour représenter les personnes qui travaillent et qui sont en activité au sens premier du terme. Tel n'est pas le cas des chômeurs - ce qui ne signifie pas que ceux-ci soient inactifs. Il serait normal que les demandeurs d'emploi soient présents au sein du conseil d'administration de Pôle emploi par le biais des organisations qui les représentent.

Je souhaiterais également revenir sur la question des prestataires privés. Je n'ai jamais croisé un demandeur d'emploi qui se soit déclaré satisfait de leurs services, ce qui est assez étonnant. Cela soulève de réelles interrogations. Je suis encore plus frappé de constater que Pôle emploi se dit incapable de nous fournir une évaluation de l'activité de ses prestataires. Soit c'est vrai, auquel cas le directeur général de Pôle emploi est incompétent ; soit c'est un mensonge, auquel cas la situation est tout aussi grave. Je suis prestataire de collectivités. Si je répondais la même chose aux collectivités dont je suis prestataire, elles me renverraient à bon droit à mes études. Je ne trouve pas choquant que l'on sollicite des prestataires lorsqu'on ne dispose pas d'une compétence en interne, à condition que l'on me démontre que cette prestation remplace une compétence que l'on n'a pas ou que le prestataire réalise mieux l'activité considérée. Jusqu'à nouvel ordre, Pôle emploi est incapable de faire cette démonstration, ce qui constitue un réel problème.

Enfin, je voudrais dénoncer l'infantilisation permanente dont sont victimes les demandeurs d'emploi. Lorsque je me rends au comité national de liaison, j'ai parfois l'impression d'être un délégué de classe que les enseignants condescendent à recevoir et à écouter avant de l'envoyer s'ébattre dans la cour de récréation pendant que les enseignants prennent des décisions. Nous ne sommes pas des délégués de classe et les chômeurs ne sont pas des élèves. Nous sommes des adultes et nous avons droit à une représentation. Pôle emploi n'est pas un lycée et les agents de Pôle emploi ne doivent pas être placés dans la posture de surveillants ou d'enseignants. Agir en ayant ces représentations en tête conduirait tout droit à l'échec, vis-à-vis des chômeurs comme vis-à-vis de leurs organisations représentatives.

Mme Sophie Bonnaure . - La mise en place des comités de liaison auprès de l'ANPE s'était soldée par un échec car l'information n'était que « descendante » dans ces instances, qui passaient une heure et demie à examiner les statistiques fournies par l'agence. Ce risque existe de nouveau aujourd'hui. Pôle emploi a décidé de conduire une étude afin de savoir comment ces comités fonctionnent et mettre en évidence les bonnes pratiques. Nous ne sommes pas du tout sûrs que ce dispositif soit pérenne car la réunion et l'échange ne font manifestement pas partie de la culture des directeurs locaux de Pôle emploi.

Il semble aussi que les référentiels « métier » n'évoluent pas assez vite. Les codes ROME de Pôle emploi n'évoluent pas aussi vite que les métiers à l'intérieur des entreprises. Il faut rechercher plus rapidement cette adéquation avec le terrain.

Enfin, il arrive que le fonctionnement de Pôle emploi gêne celui des prestataires. J'ai appris cela aujourd'hui. Des prestataires perdent des marchés et ne peuvent accompagner les demandeurs d'emploi car Pôle emploi n'est pas en mesure d'organiser des séances d'information collective, c'est-à-dire de réunir quinze demandeurs d'emploi qui pourraient être accompagnés, faute d'effectifs suffisants au sein de Pôle emploi. Une telle situation est à peine croyable mais force est de constater qu'elle pénalise les prestataires et les demandeurs d'emploi.

Mme Hela Khamarou . - La question des codes ROME est une question technique qui n'a rien d'insurmontable. Il suffit de regarder ce qui se fait et de mettre à jour ces codes. Cela n'a rien de compliqué.

Les demandeurs d'emploi qui le souhaitent peuvent désormais recevoir des informations par texto. Ils peuvent notamment être rappelés à l'ordre par ce moyen lorsqu'ils ont oublié d'actualiser leur dossier. Cependant, lorsqu'on est à la recherche d'un emploi, on ne pense pas toujours à actualiser son dossier à la fin du mois. Pourquoi un texto ne pourrait-il pas être envoyé quelques jours avant l'échéance et pas seulement lorsque le demandeur d'emploi a oublié de s'actualiser ?

S'agissant du 39 49, peut-être les demandeurs d'emploi hautement qualifiés et les jeunes sont-ils plus à même de gérer ce type de service téléphonique, qui est en revanche inadapté au profil et aux attentes d'une grande masse de demandeurs d'emploi. La technologie n'est pas nécessairement bonne pour tous.

Enfin, Pôle emploi cautionne, à mes yeux, la précarisation de l'emploi. Je suis titulaire d'un diplôme de niveau bac+5 et le salaire minimum estimé pour mon profil a été fixé à 2 700 euros. Je signerais immédiatement un CDI à ce niveau de rémunération. En tant que jeune sur le marché du travail depuis trois ans, je sais trop bien, hélas, que cela ne se produira pas. Même les CDD sont très rares. Lorsque je reçois une offre d'emploi, il s'agit plutôt d'un emploi à mi-temps au sein d'une ONG pour une activité qui correspond à peu près à mon profil mais avec une rémunération équivalente au Smic. Je suis jeune mais je ne suis plus étudiante. Je n'ai pas besoin d'un mi-temps pour financer mes études. J'ai besoin d'un emploi. Il faut se rendre compte que Pôle emploi est du côté des employeurs et leur facilite la tâche, qui consiste souvent, dans un environnement de crise économique, à brader les emplois et en particulier les emplois des jeunes.

M. Claude Jeannerot , président . - Je voudrais remercier chacun d'entre vous pour la richesse de vos observations. Je vous invite à nous transmettre éventuellement par écrit les informations complémentaires que vous souhaiteriez nous communiquer.

Audition de M. Bertrand HÉBERT, directeur du développement
des activités institutionnelles et partenariales
de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec)
(mardi 3 mai 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Je remercie M. Bertrand Hébert d'avoir répondu à notre invitation. Nous souhaitons que cette audition permette de mettre en évidence la nature des relations que l'association pour l'emploi des cadres (Apec) entretient avec Pôle emploi. Vous avez longtemps été un cotraitant de Pôle emploi et j'ai cru comprendre que la nature de ces relations était en train de changer. Vous nous éclairerez à ce sujet. Vous nous expliquerez également la façon dont l'Apec organise son offre de services en direction des demandeurs d'emploi et des entreprises, en complémentarité de celle de Pôle emploi. Je vous propose que vous commenciez par une première intervention d'une quinzaine de minutes.

M. Bertrand Hébert, directeur du développement des activités institutionnelles et partenariales de l'Apec . - Monsieur le Président, je vous remercie. Je vous prie d'excuser l'absence du directeur général de l'Apec, qui a été retenu par des obligations qui sont d'ailleurs liées à la fin de la cotraitance que vous évoquiez et au passage à une relation de sous-traitance. Cette évolution a impliqué une réorganisation en profondeur de l'Apec, sur laquelle je reviendrai.

Les origines de l'Apec remontent à 1954. Des groupes de cadres et de chefs d'entreprise appartenant au patronat chrétien du Nord de la France ont souhaité se mobiliser en faveur de leurs salariés les plus formés qu'ils considéraient indispensables et au développement économique du pays.

M. Claude Jeannerot . - L'Apec a ainsi été créée avant l'ANPE, dont la création date de 1967.

M. Bertrand Hébert . - Exactement. L'ANPE a été créée par M. Jacques Chirac, sous la forme d'un établissement public.

En 1966 est intervenu un accord entre les partenaires sociaux, c'est-à-dire le centre national du patronat français (CNPF) pour le patronat et les cinq grandes organisations syndicales : Force ouvrière (FO), la confédération française démocratique du travail (CFDT), la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), la confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFE-CGC) et la confédération générale du travail (CGT), qui sont les membres fondateurs et les seuls administrateurs de droit de l'Apec. Dans le cadre de ce « paritarisme pur », c'est-à-dire un paritarisme dans lequel l'Etat n'intervient pas dans les décisions de l'association, seuls les membres signataires de l'accord ont vocation à diriger la structure.

Cette démarche était visionnaire de la part des partenaires sociaux, car il n'existait alors pas de chômage des cadres en France. Les partenaires sociaux ont anticipé ce qui allait advenir dans les secteurs des charbonnages, de la sidérurgie ou du textile. Ils étaient animés par une volonté claire : conserver des compétences sur leur territoire. L'Apec n'a pas donc eu d'emblée une vocation nationale. Il s'agissait de mettre en place, dans certains bassins d'emploi, un accompagnement spécifique pour les cadres.

Le statut des cadres est particulier en France puisque sont considérés comme tels les salariés qui cotisent à une caisse de retraite relevant de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc). Celle-ci collecte les cotisations prélevées auprès des cadres du secteur privé et des entreprises, qui cotisent pour les cadres qu'elles emploient. N'en déduisez pas que les cadres du secteur public ne nous intéressent pas. Nous aurons certainement vocation à leur étendre, si nous en avons la possibilité, notre champ d'intervention, dans un marché du travail qui est beaucoup plus perméable qu'il ne l'était au moment de la création de l'association.

Dès son origine, l'Apec avait une mission de mise en relation et de fluidification du marché du travail. Il s'agissait de mettre à la disposition des entreprises qui recrutent les compétences adéquates. C'est ce qui explique notre mode d'organisation et notre façon de travailler aujourd'hui. L'Apec ne crée pas des emplois : ceux-ci sont créés par les entreprises. Mais il faut pouvoir offrir aux personnes en situation de mobilité professionnelle la possibilité de faire des choix. Telle était la dimension fondatrice de l'action de l'Apec. Très rapidement, nous sommes intervenus dans deux registres :

- la préparation des personnes à leur positionnement sur le marché de l'emploi ;

- la relation présentielle avec l'entreprise, afin de recueillir ses besoins en termes de recrutement et de les diffuser.

Au fil des années, par solidarité, les partenaires sociaux ont souhaité que le positionnement de l'Apec s'élargisse à la prise en charge des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, à partir du niveau bac + 4. Tel fut le cas à partir de 1972. Ce seuil est resté en l'état, même si la réforme « LMD » (licence - master - doctorat) a modifié sensiblement les niveaux de diplômes. Pour l'instant, tout du moins, le conseil n'a pas décidé de modifier cette gradation même s'il est probable qu'une telle décision intervienne au cours des mois qui viennent. La plupart des conventions collectives prévoyaient un accès automatique au statut « cadre » à partir d'un niveau de diplôme égal à bac + 4, ce qui explique que ce seuil ait été retenu. En outre, les méthodes de préparation des personnes à l'accès au marché du travail n'étaient pas fondamentalement différentes pour les cadres et pour les jeunes diplômés.

Nos relations avec les entreprises nous ont éclairés sur leurs pratiques de recrutement. Au départ, nous avons commencé en diffusant des offres sur des feuilles de papier que nous mettions à la disposition de notre public dans les quelques centres qui existaient. Le nombre de cadres a progressé très rapidement en France et nous avons été amenés, au fur et à mesure de la croissance de l'Apec, à éditer un journal de petites annonces. La loi imposait toutefois à tout diffuseur d'annonces de proposer dans son journal une partie rédactionnelle d'une taille au moins équivalente à celle réservée aux petites annonces. Nous avons donc fait paraître un magazine, Courrier Cadres , dont la publication était fort coûteuse. Simultanément, nous assurions la diffusion de nos offres via des micro-fiches puis par le biais du minitel. Tout ceci a disparu le jour où Internet a pris l'ampleur, en termes de diffusion, que nous connaissons aujourd'hui. Courrier Cadres , qui était un journal déficitaire et dont le passif était comblé par les cotisations de nos adhérents, n'existe donc plus aujourd'hui. Aujourd'hui, nous investissons essentiellement dans les outils de mise en relation dématérialisés.

Nous avons dû tenir compte des évolutions profondes de notre environnement économique. La France compte aujourd'hui 3,6 millions de cadres. Selon les derniers chiffres de l'Insee, le taux de chômage s'élève à 4,1 % ou 4,2 % dans cette population, contre 2,8 % avant la crise de 2008. Il est donc beaucoup plus faible que celui de l'ensemble de la population active. Nous constatons même une pénurie de candidatures dans un certain nombre de secteurs d'activité car une forme de reprise se fait jour et bénéficiera d'abord à des niveaux de compétences élevés, nécessaires au développement de ces entreprises.

A cela s'ajoutent des évolutions d'ordre juridique. Entre 1966 et nos jours sont intervenues plusieurs étapes de la construction européenne, qui s'est accompagnée d'une réglementation nouvelle, laquelle s'impose également à l'Apec. Nous savons que la Commission européenne est particulièrement vigilante en matière de distorsion de concurrence. S'agissant de l'Apec, la Commission s'est interrogée, il y a quelques années, quant à la qualification que l'Etat français souhaitait donner à la cotisation obligatoire qui nous est versée par les cadres et les entreprises. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a ainsi considéré que cette cotisation constituait une aide d'Etat et il a été demandé au conseil d'administration de l'Apec de déterminer le mandat de service public qui justifiait cette aide. Cette question a fait l'objet d'un premier rapport de la Cour des comptes, qui notait que les dispositions en vigueur au sein de l'Apec étaient loin d'être satisfaisantes au regard de la réglementation européenne, des règles concurrentielles et des impératifs en termes de comptabilité analytique.

Un deuxième rapport, émanant de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), a émis un certain nombre de recommandations, en particulier du point de vue des relations avec Pôle emploi. La position de la Commission européenne et de l'Etat concernant la cotisation, assimilée à une aide d'Etat devant correspondre à un mandat de service public, conditionne la relation que l'Apec a avec son environnement. Je parlerai du « marché solvable ». Il ne s'agit pas, à travers ce terme, de vouloir tout rendre marchand. Force est cependant de constater qu'il existe des services pour lesquels la collectivité paie et un marché de prestation de services. Nous ne déterminons pas la nature lucrative ou non des champs dans lesquels nous intervenons. Seul le marché détermine cette nature.

Je prendrai l'exemple de l'accompagnement des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur ou des étudiants en fin de cycle. Cette activité n'entre pas, a priori , dans le cadre d'activités marchandes. Si un ministre décide que, pour aider les jeunes diplômés, l'on passera par une procédure d'appel d'offres public, cela devient du jour au lendemain un service marchand solvabilisé. Dans une telle hypothèse, nous ne pouvons plus utiliser la cotisation pour accompagner les jeunes diplômés. Nous devenons un prestataire de services comme les autres, un « opérateur privé de placement » selon les termes de la loi.

La difficulté du positionnement de l'Apec porte sur la définition du mandat de service public et sur la mise en conformité avec les recommandations de l'Igas, qui s'appuient sur des données juridiques et économiques incontestables. Nous devrons d'abord améliorer la présentation analytique de notre comptabilité, ce qui n'est pas la chose la plus difficile à faire. Plus largement, il s'agira d'exprimer de façon beaucoup plus précise, dans un mandat de service public, la façon dont nous nous engageons à utiliser le produit des cotisations. La logique est celle des coûts unitaires a priori : nous devons indiquer, en début d'année, la façon dont nous allons utiliser les 100 millions d'euros de cotisations que nous recevons des entreprises et des cadres. Il peut s'agir d'accompagner, par exemple, dix jeunes diplômés pour un coût unitaire de 1 000 euros chacun. En fin d'année, nous devons rendre des comptes à l'Etat quant à la façon dont nous avons exécuté la mission convenue avec lui. Si nous n'avons accompagné que la moitié des jeunes, nous entrons dans un mécanisme dit de « surcompensation » qui permet à l'Etat de reprendre le trop-perçu par l'Apec. Ce système n'existait pas auparavant. La cotisation étant d'origine privée, les partenaires sociaux oubliaient qu'elle était autorisée par l'Etat, ce qui en faisait quasiment une « para-fiscalité ». L'Etat a donc un droit de regard sur son utilisation et un droit de reprise, à travers le mécanisme de surcompensation dans l'exemple que j'ai décrit.

Un autre exemple justifie l'existence, dans notre activité, d'une partie non lucrative correspondant au mandat de service public et d'une partie marchande correspondant à un certain nombre de prestations facturées. Jusqu'à présent, la diffusion des offres était préfinancée par la cotisation, et donc perçue comme gratuite par les entreprises. Aujourd'hui, il s'agit d'un marché aussi privé qu'on puisse l'imaginer. Nous sommes le deuxième support en termes d'audience derrière RégionsJob, premier diffuseur d'offres sur le web. Cela dit, RégionsJob fait payer sa diffusion. Si nous ne faisions pas payer notre diffusion en utilisant pour cela la cotisation, nous serions attaquables au motif d'une distorsion de concurrence. Notre conseil d'administration devra donc faire un choix consistant à évoluer soit vers le paiement des offres, soit vers la création de nouvelles activités marchandes venant compenser l'absence de gains réalisés sur la diffusion des offres, qui resterait alors gratuite. La publicité sur le web pourrait constituer une source de revenus non négligeable. L'Apec exerce donc aujourd'hui une mission correspondant à un mandat de service public et un certain nombre d'activités marchandes qui concernent essentiellement nos relations avec les entreprises.

L'Apec a toujours entretenu des relations avec l'ANPE puis avec Pôle emploi. Nous avons rencontré des difficultés qui étaient liées parfois à des questions de personnes ou des problèmes d'indépendance de gestion. Un organisme comme le nôtre, qui a toujours souhaité rester dans un paritarisme pur, a souvent perçu d'un oeil méfiant un partenaire public parfois envahissant.

La crainte d'une absorption est réelle pour une association de 800 salariés comme l'Apec, d'autant plus que certains ont imaginé, encore très récemment, qu'il serait utile que nos structures fusionnent pour constituer « le grand service public de l'emploi » dont tout le monde rêve depuis des années. Cette éventualité a été envisagée par plusieurs gouvernements de sensibilités différentes, dans le souci de servir le demandeur d'emploi. Cependant, l'Apec ne se positionne pas vis-à-vis des demandeurs d'emploi mais vis-à-vis des cadres et des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur. Si nous ne nous adressions qu'aux demandeurs d'emploi, notre public serait composé de 130 000 personnes. Je ne relativise pas ce que représente le chômage pour ces personnes mais cela représente peu de chose sur le plan macroéconomique. Si l'Apec devait concentrer l'essentiel de son activité sur le traitement du chômage, son action ne serait que curative. Les conseils d'administration de l'Apec ont demandé de longue date que les problématiques de carrière soient gérées par anticipation. Cela répond à une caractéristique sociologique du marché de l'emploi français. En France, on ne peut pas échouer : l'évolution professionnelle doit être constante. On ne peut avoir exercé des fonctions de direction et occuper ensuite une fonction d'ajusteur dans une usine. Cela n'existe pas. En outre, notre système est pyramidal. Une personne qui ne gère pas sa carrière très tôt dans son parcours connaîtra immanquablement des périodes de chômage et celles-ci seront d'autant plus dures qu'elle ne les aura pas anticipées.

Il convient aussi de rappeler que le marché de l'emploi n'est pas un marché de plaisir. Personne ne s'amuse à chercher du travail. Il s'agit d'une tâche difficile que nul n'effectue spontanément. J'ai été fonctionnaire et je suis passé par des entreprises privées. Même lorsqu'on sait que ses jours sont comptés dans une entreprise, il est compliqué de commencer à répondre à des petites annonces et de bâtir une démarche globale. Tous les cadres seront confrontés, de plus en plus souvent, à des ruptures professionnelles. Nous sommes donc entrés de plain-pied dans une démarche de sécurisation des parcours professionnels. Le public de l'Apec n'est pas segmenté suivant son âge ou sa situation au regard de l'emploi et du chômage : quel que soit son statut, une personne ayant cotisé est un ayant-droit des services de l'Apec pendant toute sa vie. Telle est la « promesse » de l'Apec, en termes de marketing et là se trouve l'enjeu pour l'association.

Le nombre de cadres que nous accompagnons est voisin de 40 000, en flux, et nous avons l'objectif de le faire augmenter. Nous sommes actuellement confrontés aux jeunes diplômés qui ont connu la crise. Cessons de confondre le chômage des jeunes et celui des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, qui n'ont rien à voir. Le chômage des jeunes est très important en France. Celui des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur est beaucoup plus faible. La meilleure garantie contre le chômage reste le niveau de diplôme.

Le passage de la cotraitance à la sous-traitance répond à une problématique liée aux marchés publics. Les montants en jeu sont importants : dans le cadre de la cotraitance, nous recevions environ 20 millions d'euros par an pour accompagner 35 000 cadres. La notion de cotraitance implique une relation de gré à gré qui pouvait être contestée sur le plan juridique. Un certain nombre d'opérateurs privés de placement se sont émus que l'Apec soit le destinataire de ce marché dans le cadre d'une attribution de gré à gré. C'est pourquoi une procédure d'appel d'offres a été introduite. L'Igas proposait que l'Apec ne se substitue pas à Pôle emploi mais intervienne de façon complémentaire. L'offre de services qui sera présentée aux jeunes diplômés, aux cadres et aux entreprises sera donc différenciée par rapport à l'intervention de Pôle emploi aujourd'hui.

Mme Annie David . - Si j'ai bien compris, tous les cadres cotisent, de même que les entreprises. Il s'agit donc de financements privés.

M. Bertrand Hébert . - Il s'agit de financements privés mais un arrêté d'extension rend la cotisation obligatoire. Dès lors que la cotisation est rendue obligatoire, elle est considérée comme une aide d'Etat.

Mme Annie David . - A quoi correspond le montant de 20 millions d'euros que vous avez mentionné, pour 35 000 cadres suivis par l'Apec.

M. Bertrand Hébert . - Ce montant correspond à ce que nous recevions dans le cadre de la relation de cotraitance. Récemment, dans le cadre de notre nouvelle relation de sous-traitance, nous avons répondu à l'appel d'offres de Pôle emploi. Ce fut sans doute une erreur.

M. Claude Jeannerot , président . - Pour quelle raison ?

M. Bertrand Hébert . - Nous avons du mal à trouver un équilibre économique dans la réalisation de cette prestation.

M. Claude Jeannerot , président . - Vous aviez, de fait, une sorte de monopole que vous avez perdu sur la cotraitance.

M. Bertrand Hébert . - De fait, nous étions seuls destinataires du marché de gré à gré. Nous sommes passés dans un champ concurrentiel.

M. Claude Jeannerot , président . - Vous n'avez pas le choix. Vous êtes obligés de passer par les appels d'offres.

M. Bertrand Hébert . - Nous pourrions ne pas y répondre.

M. Claude Jeannerot , président . - Mais, dans ce cas, vous n'existeriez pas en matière d'accompagnement.

M. Bertrand Hébert . - Nous n'existons pas si nous nous positionnons à travers une offre de services qui aurait vocation à se substituer à celle de Pôle emploi ou qui lui serait équivalente. Mais la logique du positionnement de l'Apec n'est pas du tout celle-là. Sur cent cadres qui s'adressent à nous, soixante-dix sont en activité et nous sollicitent dans une logique d'anticipation de leur carrière professionnelle. Pôle emploi ne les verra jamais. De plus, supposons que nous ne soyons pas du tout dans la relation de sous-traitance. Un cadre est suivi par Pôle emploi et éventuellement accompagné par un des prestataires ayant remporté l'appel d'offres. Si le cadre qui a cotisé à l'Apec souhaite venir rencontrer un consultant de l'Apec, qu'il s'agisse d'un conseil pour sa lettre de motivation, son CV ou son évolution de carrière, nous assurerons cet accompagnement. Nous le ferons pour tous les cadres qui ont cotisé. Ce principe traduit une évolution fondamentale dans la manière de penser au sein de l'Apec.

M. Claude Jeannerot , président . - Si je comprends bien, vous pouvez aujourd'hui faire l'économie du recours à l'appel d'offres. Vos adhérents cotisent et la législation européenne vous laisse toute liberté de garder un lien exclusif avec vos adhérents.

M. Bertrand Hébert . - Absolument, à la condition que nous ne prétendions pas faire la même chose que Pôle emploi car la même mesure ferait alors l'objet d'un double financement.

M. Claude Jeannerot , président . - Mais, dans la réalité, vos deux interventions seront largement similaires. Prenons l'exemple d'un adhérent de l'Apec qui s'inscrit dans une démarche d'anticipation. S'il devient demandeur d'emploi, il conserve ce lien avec l'Apec, qui lui apportera le même accompagnement. Je ne vois pas où est la différence.

M. Bertrand Hébert . - La différence résidera dans le contenu de l'offre de services et dans sa forme, notamment du point de vue de la fréquence des rendez-vous. L'approche extrêmement modélisée du retour à l'emploi que nous avons apprise à travers notre relation avec Pôle emploi n'est pas le schéma le plus efficace. Que nous voyions un cadre une fois ou cinquante fois, l'objectif est que nous l'ayons mis en relation dans les plus brefs délais avec une entreprise et que cela se traduise par un contrat de travail.

M. Claude Jeannerot , président . - Dans la réalité, un cadre demandeur d'emploi va chez Pôle emploi et chez vous à la fois.

M. Bertrand Hébert . - Certes. L'Igas disait explicitement qu'il ne serait plus possible, pour les cadres demandeurs d'emploi, d'être suivi par l'Apec au titre de la cotisation, dès lors que celle-ci constitue une aide d'Etat et que la puissance publique finance déjà Pôle emploi. Il n'y a aucune raison pour que la puissance publique paie deux fois pour le même service. Il fallait donc différencier les services. Cette notion s'est un peu estompée mais demeure présente en droit. Il s'agit d'une contrainte européenne. Ce serait entrer dans une rivalité ridicule de prétendre que l'Apec est meilleure que Pôle emploi. Simplement, nous accompagnons un public segmenté, spécifique et nous ne faisons que cela.

M. Claude Jeannerot , président . - En outre, ce public paie pour ce service.

M. Bertrand Hébert . - Tout à fait.

Mme Annie David . - Les relations avec les entreprises constituent aussi une spécificité de votre association.

M. Bertrand Hébert . - Cela constitue une énorme différence. Nous avons toujours eu des équipes de consultants dédiées à la relation avec les entreprises et présentes auprès de ces dernières, sans se contenter d'une relation à distance. Je ne méprise pas, cependant, la relation à distance. Chacun peut accéder aujourd'hui aux services de l'Apec sur son iPhone en téléchargeant l'application dédiée..

M. Claude Jeannerot , président . - Si vous me permettez de caricaturer un peu, un demandeur d'emploi cadre ne considère-t-il pas Pôle emploi comme une contrainte nécessaire liée à son indemnisation tout en misant plutôt sur l'Apec pour son accompagnement dans la recherche d'emploi ?

M. Bertrand Hébert . - Je connais la difficulté de l'exercice pour Pôle emploi, qui doit gérer le placement et l'indemnisation, dans des conditions objectivement difficiles, avec des différences de statut, d'expérience, avec des situations de rupture, etc. Des profils de ce type peuvent exister dans le public de l'Apec mais les volumes en jeu ne sont pas les mêmes. Le temps qui peut être consacré à l'accompagnement d'une personne et à son positionnement sur le marché du travail n'est évidemment pas le même.

M. Jean-Etienne Antoinette . - Les statistiques montrent qu'un cadre a plus de chances de trouver un emploi qu'un ouvrier. Mais ne nous invitez-vous pas à faire évoluer Pôle emploi en spécialisant son intervention par niveau de qualification ?

M. Bertrand Hébert . - Pôle emploi a déjà évolué en ce sens, notamment pour les cadres puisqu'il dispose d'agences qui leur sont dédiées. Il se pose néanmoins un problème de temps disponible pour les conseillers, qui sont absorbés par un ensemble d'activités considérable. En outre, j'ai vu des agences de Pôle emploi dédiées aux cadres être créées, supprimées, puis réapparaître ailleurs, etc. Pour autant, il convient de reconnaître que Pôle emploi est soumis à des contraintes de taille et de couverture du territoire que nous n'avons pas. Nous pouvons proposer des réponses telles que le travail à distance, dans la mesure où 99 % des cadres utilisent la micro-informatique à domicile. Si je propose un jour un entretien par visioconférence à un cadre qui habite à cent kilomètres d'un centre Apec, je pourrai proposer ce service pour un coût modique, en incluant l'envoi à nos frais d'une caméra à cette personne. Certains publics ont un accès aisé à ces technologies. Ce n'est pas le cas de l'ensemble de la population française. L'Apec travaille avec un public plus facile à accompagner de ce point de vue.

M. Claude Jeannerot , président . - Quelle part du marché des offres d'emploi des cadres l'Apec capte-t-elle et comment sa performance se compare-t-elle à celle de Pôle emploi ?

M. Bertrand Hébert . - Nous détenons 85 % du marché des cadres, pour ne pas dire davantage.

M. Claude Jeannerot , président . - Qu'en est-il de Pôle emploi pour le marché des cadres ?

M. Bertrand Hébert . - Cela ne voudra bientôt plus dire grand-chose car nous nous mettons en situation de mutualiser la diffusion des offres.

M. Claude Jeannerot , président . - Ceci confirme l'intuition que je livrais tout à l'heure. Il existe une telle distorsion dans le domaine de l'intermédiation que les demandeurs d'emploi vont à l'Apec pour retrouver un poste et se rendent à Pôle emploi pour leur indemnisation.

M. Bertrand Hébert . - Nous avons retenu des études que nous avons conduites que les gens attendent de la personnalisation et de la spécialisation dans leurs rapports avec leur conseiller. Nous sommes en mesure de leur donner satisfaction sur ces deux points. Dans le secteur du bâtiment, il est difficile de recruter aujourd'hui un chef de chantier cadre. Pour parler avec un tel professionnel du secteur, il faut connaître le bâtiment. Cela sera aussi un avantage pour parler avec une entreprise du bâtiment.

Mme Annie David . - Les jeunes diplômés, qui n'ont pas encore cotisé à l'Apec, peuvent-ils venir vous voir ?

M. Bertrand Hébert . - Ils le peuvent en effet. Comme je l'indiquais, c'est un choix de solidarité fait par les partenaires sociaux.

Mme Annie David . - Vous souligniez, à juste titre, la nécessité de ne pas confondre le chômage des jeunes et celui des jeunes diplômés. Il n'en demeure pas moins que les jeunes diplômés qui entrent sur le marché du travail rencontrent des difficultés, notamment du point de vue de leur rémunération.

M. Bertrand Hébert . - Nous constatons un effet de rotation qui est plus important pour les jeunes diplômés entrant sur le marché du travail. Il existe, pour chaque poste, un prix de marché qui est aisément identifiable. Nous avons d'ailleurs sur notre site internet un « analyseur de marché » qui permet à chaque cadre et à toute entreprise de se positionner en termes de salaire ou au regard du contenu d'un poste. Si une personne « vaut » 50 000 euros ou 200 000 euros par an, en fonction des métiers, de l'expérience, etc., nous le savons immédiatement. Il n'existe donc aucun enjeu de ce point de vue. La transparence est beaucoup plus grande que par le passé.

Mme Annie David . - Si un métier est répertorié sur votre site internet à un niveau de rémunération donné, un jeune embauché dans cette fonction sera-t-il nécessairement rémunéré à ce tarif-là ?

M. Bertrand Hébert . - On n'attire pas les mouches avec du vinaigre. S'il existe un trop grand décalage entre les qualités et les compétences du candidat et les caractéristiques du poste, la personne ne restera que deux mois et ira voir ailleurs.

M. Claude Jeannerot , président . - Au fond, vous êtes en train de nous dire que vous assurez, dans les faits, l'accompagnement à la recherche d'emploi des demandeurs d'emploi cadres, ce que nous comprenons dès lors que vous captez l'essentiel des offres d'emploi. Si j'étais le représentant de la puissance publique, je pourrais être tenté de pousser la logique plus loin : on pourrait ainsi se demander s'il ne serait pas logique de vous intégrer plus avant au sein de Pôle emploi en privilégiant une logique de « guichet unique » déjà mise en oeuvre en regroupant les Assedic et l'ANPE. Comment réagiriez-vous face à une telle proposition ?

M. Bertrand Hébert . - Ceci est théoriquement vrai. En pratique, toutefois, il est plus facile de gérer la productivité dans des unités de taille moyenne qu'avec des structures de très grande taille. Je pratique beaucoup la voile. On fait virer un swan beaucoup plus vite qu'un porte-avions.

M. Jean Desessard . - Je retiens de cet entretien que l'Apec est efficace parce qu'elle met en oeuvre une relation personnalisée avec les demandeurs d'emploi, de façon spécialisée et parce qu'il s'agit d'une structure souple qui permet d'adapter l'organisation au contexte d'un bassin d'emploi. Pôle emploi est en train de faire le contraire.

Mme Mireille Oudit . - Exactement.

M. Bertrand Hébert . - On a fait beaucoup de reproches à Pôle emploi au cours du processus de fusion, qui a été mis en oeuvre de façon extrêmement rapide. Je connais bien le directeur général, M. Christian Charpy, et je sais dans quelles conditions il a dû conduire ce processus. Je serais donc bien en peine de lui jeter la pierre. Si une petite structure comme la nôtre, que je qualifierai « d'agile », peut aider une structure importante et nécessaire, l'indemnisation n'étant pas une mince affaire à gérer, nous le ferons bien volontiers. C'est la raison pour laquelle nous aurions aimé rester dans la cotraitance. Le rapport de l'Igas prévoit d'ailleurs que nous puissions intervenir en complément de Pôle emploi en menant des actions différentes des siennes.

S'il faut trouver une solution juridique, je suis convaincu que des experts pourront trouver le schéma permettant à un tel modèle de fonctionner en accord avec les textes. Nous pouvons monter des projets avec la puissance publique dans une logique de co-investissement. Peu importe que l'on appelle cela une « subvention », une « compensation » ou par un autre nom. Il faut que le dispositif soit clair sur le plan de la gestion, de la comptabilité et de l'efficacité des services rendus. En tout état de cause, c'est toujours la collectivité qui paiera. Si nous sommes en mesure de définir des axes forts et de les faire valider par les partenaires sociaux, nous pouvons faire des choses intéressantes. Il est dommage que nous ayons trop peu de relations avec les représentants des partenaires sociaux qui siègent au conseil d'administration de Pôle emploi et qui revendiquent d'ailleurs un plus grand pouvoir de gestion de l'institution.

Mme Annie David . - J'ai l'occasion de rencontrer des cadres qui sont demandeurs d'emploi, parfois depuis longtemps. Ils sont naturellement affectés par cette situation et peinent à retrouver un emploi du même niveau que celui qu'ils occupaient. Comment l'Apec parvient-elle à accompagner ces cadres ?

M. Bertrand Hébert . - Nous ne sommes pas les seuls opérateurs. Nous pouvons rechercher auprès d'intervenants spécialisés un accompagnement psychologique ou en termes de formation lorsque cela apparaît nécessaire. Nous restons toujours fortement orientés vers la finalité de la démarche engagée. Nous faisons aussi varier la fréquence des entretiens avec ces personnes, sachant que ces temps-là sont extrêmement structurants pour les personnes qui viennent nous voir.

Enfin, l'Igas a estimé que le niveau des réserves de l'Apec, que les partenaires sociaux avaient souhaité constituer pour sécuriser la structure, était trop élevé. Ces réserves, qui atteignaient à un moment donné 100 millions d'euros, sont réaffectées dans des opérations spécifiques pour les demandeurs d'emploi de longue durée et pour des publics qui rencontrent davantage de difficultés.

M. Claude Jeannerot , président . - Merci pour votre franchise et pour la pertinence de vos propos. Si vous souhaitez compléter votre audition par une contribution écrite, nous en prendrons connaissance avec un grand intérêt.

Audition de Mme Agnès JEANNET et M. Laurent CAILLOT,
membres de l'inspection générale des affaires sociales (Igas),
auteurs du rapport « L'accès à l'emploi des jeunes des quartiers prioritaires
de la politique de la ville »
(mardi 10 mai 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Je suis heureux de vous accueillir dans le cadre des travaux de la mission commune d'information sur Pôle emploi. Membres de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), vous avez rédigé, en 2010, un rapport consacré à l'accès à l'emploi des jeunes résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans ce rapport, vous formulez un certain nombre de critiques notamment sur le manque de coordination entre les missions locales et Pôle emploi et formulez des propositions pour améliorer leur mise en réseau, en envisageant même une filialisation des missions locales dans Pôle emploi. Vous le savez, notre mission d'information souhaite mieux comprendre comment travaille Pôle emploi avec les autres acteurs du service public de l'emploi et dégager de ce constat des pistes d'amélioration. Il nous importe donc de connaître votre analyse et vos propositions. Je vous propose de commencer cette audition par une présentation des principales conclusions de votre rapport. Nous souhaiterions d'ailleurs savoir si vos conclusions ont été bien accueillies et si des suites leur ont déjà été données. Ensuite, nous engagerons le dialogue avec nous.

Mme Agnès Jeannet, inspectrice générale des affaires sociales . - Nous nous sommes intéressés à ce sujet dans le cadre du programme de travail annuel de l'inspection générale, qui nous permet de proposer au ministre des missions d'inspection. Cette mission se situait dans le programme de travail de l'année 2009. Nous avons souhaité, en quatre mois, étudier un dispositif de la politique de l'emploi en relation avec un public, les jeunes, et un territoire, les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Pour tenir ce délai, nous avons circonscrit le champ de notre étude, en laissant de côté le sujet, plus vaste, de l'insertion professionnelle pour nous concentrer sur l'intermédiation.

Nous avons examiné la façon dont les missions locales et Pôle emploi contribuent, dans leurs champs de compétences respectifs, à l'accès à l'emploi des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous avons choisi, au hasard, quatre régions et, au sein des 215 quartiers prioritaires du plan « Espoir banlieues », les zones urbaines sensibles (Zus) présentant les critères sociodémographiques les plus préoccupants en termes de taux de chômage. Nous avons, dans chaque région, sélectionné deux agglomérations différentes pour prendre en compte une certaine diversité territoriale et administrative. Nous avons ainsi choisi la région Champagne-Ardenne, avec Reims et Saint-Dizier, le Languedoc-Roussillon, avec Nîmes et Montpellier, Rhône-Alpes, avec Vénissieux et Valence, et l'Ile-de-France, avec Aulnay et Montereau.

Nous nous sommes d'abord rendus directement dans les quartiers concernés, afin d'éviter d'être influencés par les discours des différents acteurs, pour examiner, au sein de la Zus, quels services étaient présents. Nous avons ensuite rencontré les responsables hiérarchiques jusqu'aux niveaux du département et de la région. Cette enquête de terrain a été complétée par un questionnaire distribué dans des départements disposant de sous-préfets à la politique de la ville ou de préfets à l'égalité des chances, afin de conforter nos analyses et de disposer d'une vision plus exhaustive de la situation.

Notre constat sur le service rendu par ces deux composantes du service public de l'emploi que sont les missions locales et Pôle emploi peut se résumer en quatre points principaux.

En premier lieu, ni Pôle emploi ni les missions locales ne se sont fixé comme priorité durable le fait de suivre, avec une attention soutenue et des moyens à la hauteur des enjeux, les jeunes dans les Zus. Des priorités erratiques ont été fixées dans certains contrats de ville, mais sans aucune pérennité sur le long terme. La loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1 er août 2003 fait pourtant de la réduction des inégalités une priorité de politique nationale. Or force est de constater que cette priorité ne se retrouve pas de matière pérenne dans les orientations stratégiques de ces deux opérateurs. L'Etat doit pouvoir donner à ceux ci une priorité d'action ferme, qui s'inscrive dans la durée.

Notre deuxième point consiste en une critique assez forte de la manière dont Pôle emploi gère ses partenariats. Nous avons examiné la façon dont Pôle emploi travaille avec les opérateurs dédiés au suivi des jeunes et comment il s'articule avec ceux-ci. Or force est de constater que ce partenariat souffre de graves insuffisances, d'abord dans sa définition même. Ce partenariat est nommé cotraitance, une opération par laquelle Pôle emploi délègue à un opérateur une mission d'accompagnement vers l'emploi, en considérant que ses propres règles s'appliqueront dans le cadre de cette délégation. Soumis à l'examen, ce contrat de cotraitance reste néanmoins vague et ne comprend aucun cahier des charges précis ni aucune règle claire de partage des compétences. Ce contrat revêt donc un caractère plutôt administratif et présente des problèmes de définition qui, s'ils avaient été clarifiés, auraient permis une meilleure articulation, que nous avons appelée de nos voeux.

La mise en oeuvre de ce contrat pose également des difficultés sans doute liées au fait que l'accompagnement n'est pas véritablement renforcé. Le coût de cet accompagnement atteint 230 euros par jeune, alors que la plupart des autres actions de cotraitance ou de sous-traitance bénéficient de budgets nettement supérieurs, sans même parler du contrat d'autonomie, qui culmine à 7 700 euros. L'ambition d'un accompagnement renforcé suppose pourtant des moyens. Or les moyens mis en place par Pôle emploi vis-à-vis des missions locales ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce contrat nous est apparu, in fine, comme un contrat administratif, de subventionnement, sans trop d'ambitions. Pôle emploi donne 35 millions d'euros aux missions locales et leur fixe un objectif quantitatif de suivre 120 000 à 150 000 jeunes.

Le manque d'ambition de ce subventionnement constitue la critique la plus forte du dispositif, critique qui peut être mise en perspective avec les tentatives beaucoup plus ambitieuses lancées au début des années 1990. En 1999, l'Igas a publié un rapport sur les services de l'emploi face au chômage, qui faisait le bilan des « espaces jeunes ». Il s'agissait de services intégrés ANPE-missions locales, orientés sur le placement, et s'appuyant sur un système d'information commun, une formation commune des agents et une labellisation. Ces « espaces jeunes » n'ont cependant pas perduré. L'Igas expliquait leur disparition par une différence de culture entre les missions locales et l'ANPE et par une réticence de l'ANPE à mettre à disposition les moyens adéquats. Sans émettre de véritable recommandation sur le sujet, nous avons souhaité rappeler qu'une démarche d'intégration des moyens comme celle-ci ne doit pas être totalement écartée. Le fait de combiner les moyens, au service d'un objectif unique d'accès à l'emploi, permettrait en effet d'obtenir une plus grande efficacité qu'à l'heure actuelle, où les deux services travaillent chacun de leur côté sans véritablement échanger et partager les objectifs et les publics.

Enfin, l'Etat n'a pas non plus su faire travailler en complémentarité les deux réseaux pour la prescription des contrats aidés et nous avons constaté que chacun plaçait les jeunes sur ces contrats sans qu'un objectif commun ne soit fixé sur un territoire donné.

Quant aux recommandations, nous avons d'abord mis en évidence l'exigence de faire de l'emploi des jeunes dans les Zus une priorité pérenne. En 2009, lorsque nous avons lancé notre mission, la note d'orientation de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)-Pôle emploi ne mentionnait même pas l'emploi des jeunes des Zus. En 2010, en revanche, cette note d'orientation contenait un objectif en la matière. Des priorités apparaissent mais elles ne s'inscrivent pas dans la continuité des actions menées. Cette recommandation s'adresse donc, en premier lieu, à l'Etat qui conserve la main sur ces deux opérateurs.

Nous avons aussi recommandé de donner aux préfets de région une unité d'action sur ces deux opérateurs. Ceci permettrait d'éviter les concurrences et de confirmer le rôle de l'Etat dans la politique de l'emploi.

Des recommandations sur les offres de services ont également été émises. Il s'agit de bien conforter le rôle des missions locales sur le placement, en revenant à l'idée, déjà présente en 1999, d'une mise en commun des outils disponibles, avec notamment un accès homogène aux offres d'emploi des deux réseaux, sans chercher à partager les entreprises ou les secteurs professionnels, ce qui ne répondrait pas aux attentes de la population cible, qui se révèle aujourd'hui quelque peu délaissée.

Notre dernière préconisation concernait la territorialisation. Une orientation nationale sur un tel sujet doit certes exister mais elle s'avère largement insuffisante. Sur les quatre régions étudiées, deux n'avaient pas fixé, dans le cadre de leur convention annuelle régionale signée entre l'Etat et Pôle emploi sous l'égide du préfet de région, de priorité en faveur des jeunes des Zus. Il convient de généraliser ces priorités et de les assortir d'indicateurs, en établissant un mode de délégation à un niveau infrarégional qui permette de suivre ce qui se passe dans les bassins d'emploi. Il faut de la volonté pour que ces orientations soient réellement mise en oeuvre dans les territoires.

Nous avions enfin, formulé une dernière recommandation qui a été depuis mise en oeuvre par M. Christian Charpy, le directeur général de Pôle emploi. Cette recommandation proposait que les agences de Pôle emploi disposent de marges de manoeuvre pour la négociation de plans d'actions avec les missions locales. Lors de notre mission, nous avions en effet éprouvé le sentiment que les agences étaient quelque peu bridées par les décisions régionales et ne pouvaient nouer des partenariats qu'elles étaient pourtant prêtes à engager.

M. Laurent Caillot, inspecteur des affaires sociales . - Concernant la contribution que Pôle emploi pourrait apporter pour un meilleur accès des jeunes de ces quartiers à l'emploi, nous souhaitons rappeler, au préalable, que nous avons mené nos investigations dans un contexte difficile pour Pôle emploi, du fait de la fusion et de l'augmentation du chômage. Notre diagnostic et nos préconisations s'en sont donc trouvé nuancés.

La contribution de Pôle emploi semble pouvoir être envisagée sur deux plans. Pôle emploi joue d'abord un rôle en tant que responsable de l'intermédiation sur le marché de l'emploi. De ce point de vue, le récent accord national interprofessionnel (ANI) du 7 avril 2011 sur l'accompagnement des jeunes demandeurs d'emploi, largement partagé entre les partenaires sociaux, nous semble tracer une ligne de partage relativement pragmatique et opérante, en prévoyant d'orienter les jeunes déjà dotés d'un bon niveau d'employabilité vers Pôle emploi, ce qui correspond à sa vocation première, et les jeunes en situation de décrochage, confrontés à des obstacles sociaux ou à un manque de qualification, vers les missions locales dont ils constituent le public naturel depuis les origines de ce réseau, voilà trente ans. Compte tenu de cette orientation prise par les partenaires sociaux et de notre propre analyse, il nous semble que le problème de la contribution de Pôle emploi ne provient pas du caractère incomplet de son offre de services - il dispose en réalité d'une palette variée et graduée de prestations, allant des ateliers de recherche d'emploi au bilan de compétences jusqu'aux méthodes de recrutement par simulation, aux formations conventionnées et aux prestations d'accompagnement intensif sous-traitées à des opérateurs privés - mais plutôt de l'accès à l'offre de services de Pôle emploi à ses cotraitants. Pôle emploi devrait, en premier lieu, mettre à disposition des autres acteurs les offres d'emploi recueillies. Or nous avons constaté une réticence des services de Pôle emploi à partager ces offres, en particulier avec les missions locales.

L'autre contribution que nous pourrions attendre de Pôle emploi en tant qu'opérateur central du service public de l'emploi serait qu'il prenne l'initiative d'une clarification et d'une dynamisation de ses partenariats, pour faciliter le travail d'accompagnement mis à la charge des cotraitants. Nous avons conscience des difficultés internes et externes qui ont pu handicaper Pôle emploi. L'opérateur ne méconnait pas l'importance de nouer des partenariats mais il a sans doute fait passer cette préoccupation au second plan par rapport à sa propre installation. Nous avons été attentifs à la dissymétrie entre les deux réseaux : Pôle emploi, opérateur unique, établissement public, hiérarchisé, très centralisé, sécurisé dans ces financements, à comparer avec un réseau de missions locales hétérogène, d'ancrage local et plus fragile dans ses ressources puisque celles-ci proviennent pour moitié des contributeurs locaux et pour l'autre moitié de l'Etat et de Pôle emploi.

Pour une contribution plus efficace de Pôle emploi à l'accès à l'emploi des jeunes issus des quartiers difficiles, nous pensons que deux conditions doivent être réunies, qui tiennent au mode de fonctionnement de Pôle emploi et au rôle de l'Etat. La première condition consisterait à ce que Pôle emploi déconcentre son organisation et octroie des marges de manoeuvres à ses structures au niveau local afin que les responsables d'agence puissent nouer des partenariats et conclure des conventions sans avoir à obtenir l'accord de leur direction régionale. Le système de pilotage extrêmement descendant qui préside aujourd'hui à l'organisation de Pôle emploi freine, voire verrouille, en effet toutes les initiatives et l'action des services est centrée sur la prescription de mesures et le traitement du flux des demandeurs d'emploi, bien davantage que sur l'apport de solutions territorialisées. La seconde condition de réussite que nous avons identifiée tient au fait que l'Etat doit prendre toute sa part dans ce rôle d'animation régionale de la politique de l'emploi, via le préfet de région qui doit se saisir des conventions annuelles régionales signées avec Pôle emploi, pour garantir que cet opérateur intègre pleinement cette priorité de l'accès à l'emploi des jeunes de ces quartiers dans son action au niveau régional.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Vous indiquez que la coordination est défaillante et que les subventions ne sont pas associées à des objectifs précis et vous appelez l'Etat à jouer son rôle de coordinateur puisqu'il subventionne ces opérateurs. Or les missions locales sont placées sous la direction des collectivités territoriales et constituent, de ce fait, un instrument enraciné sur un territoire alors que Pôle emploi représente plus une émanation de l'appareil d'Etat. Ces deux opérateurs obéissent donc à des systèmes de décision très différents. C'est là que réside, selon moi, la grande difficulté de leur partenariat. Du point de vue financier, la partie sécurisée relève plus du niveau local puisque, lorsqu'une commune participe à une mission locale, elle est contrainte par la loi d'apporter sa part du financement. Les logiques de gouvernance diffèrent, rendant toujours difficile la coordination. Il faudrait peut-être que Pôle emploi accepte aussi d'écouter davantage les collectivités, ce qui ne semble pas être aujourd'hui dans sa culture. Comment envisagez-vous l'évolution de ces deux institutions placées dans des logiques de décision aussi différentes ?

M. Ronan Kerdraon . - Je suis moi-même président d'une mission locale et je me retrouve dans vos remarques même si ma mission locale, en Bretagne, n'est pas concernée par les problèmes propres aux Zus. Les missions locales sont effectivement financées par les collectivités et l'Etat. Au départ, ce financement était réparti à parts égales, alors qu'il est aujourd'hui à 60 % à la charge des collectivités. A côté de cela, des sommes importantes ont été dépensées pour financer les contrats d'autonomie. L'on peut s'étonner d'une telle situation. Votre vision a-t-elle évolué depuis votre rapport de 2009 ? Quelles conséquences opérationnelles l'Etat, Pôle emploi et les missions locales ont-ils tirées de votre rapport ? Quel regard portez-vous, au-delà des relations entre les deux réseaux, sur la notion de territorialisation, une notion importante à mes yeux qui rejoint celle de décentralisation et de droit à l'expérimentation ?

M. André Reichardt . - J'ai cru comprendre que vous imputiez la responsabilité de la mauvaise articulation entre les deux opérateurs à Pôle emploi, notamment parce que celui-ci ne fournit pas ses offres d'emploi. Est-ce exclusivement de sa faute ou cela ne relève-t-il pas d'une responsabilité partagée ? J'ai cru ressentir dans ma région, au moins dans deux missions locales, un sentiment de concurrence entre l'agence de Pôle emploi et la mission locale. Cette défiance, à mon sens, est bien partagée par les deux opérateurs. Quelle est votre vision ?

Mme Annie David . - Je m'associe à ces deux questions sur la territorialisation et l'accès aux offres d'emploi. Quelles améliorations préconisez-vous ? Vous avez aussi évoqué le manque de pérennité dans les objectifs en matière d'emploi des jeunes. Comment faire pour inscrire cette priorité de manière pérenne parmi les objectifs de Pôle emploi et des missions locales ?

Mme Agnès Jeannet . - Les missions locales ont été créées, au départ, à titre expérimental, dans une logique de mise à disposition de moyens de l'Etat sur un territoire. En 1989, lors de la création du RMI, elles ont été institutionnalisées. Elles ont toujours un statut associatif et sont présidées par les élus locaux mais elles sont pilotées par l'Etat, avec toutes les difficultés d'une telle gouvernance, et un financement conjoint encadré par des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO), conçues par la DGEFP. Nous nous trouvons donc face à un choc de ces deux histoires et il n'existe aucune garantie qu'un même service soit rendu sur tout le territoire et dans le temps.

S'agissant de la territorialisation, nous ne pouvons reprendre le sujet sur le plan institutionnel. Nous ne croyons pas à la filialisation. Deux éléments se révèlent néanmoins importants. Il faut trouver des modes de coopération sur un territoire donné, avec des objectifs conjoints, afin qu'élus et Etat se mettent en phase pour contraindre les deux opérateurs à coopérer. Il se révélera toujours difficile de garantir le service sur tout le territoire car des changements de majorité politique entraînent parfois le retrait de financements ou l'évolution des équipes mais cela existe dans tous les services publics. Nous ne voyons d'autre solution que de conclure des contrats d'action sur des bassins d'emploi avec des objectifs pour les Zus. Nous avons vu que la DGEFP mobilisait les sous-préfets. Il s'agit sans doute d'une bonne solution.

Le choc des cultures professionnelles et de modes de gouvernance était déjà évoqué en 1999 par l'Igas. Peut-être faut-il redéfinir le système au Parlement puisque cela fait maintenant vingt ans que cela ne fonctionne pas et que le dispositif reste inefficace en termes de service rendu pour cette population.

Quant aux priorités, il me semble qu'elles devraient être fixées par l'Etat.

M. Laurent Caillot . - Sur l'offre de services, vous avez évoqué le contrat d'autonomie. L'évaluation de celui-ci n'était pas l'objet central de notre enquête car nos investigations étaient centrées sur un public. Nous avons cependant constaté clairement que les conditions de lancement de ce contrat avaient invalidé le postulat de départ, selon lequel il faudrait faire intervenir des opérateurs privés dans certains bassins d'emploi à cause de l'inefficacité des missions locales dans le repérage et le suivi des jeunes en difficulté. Au contraire, le recrutement réalisé par les opérateurs privés, dans des conditions parfois difficiles, a été d'autant plus réussi que ces opérateurs privés se sont appuyés sur les missions locales. La Dares, le service statistique du ministère de l'emploi, a publié une étude qui reprend des conclusions similaires aux nôtres et fondées sur un constat opéré au même moment. Le contrat d'autonomie contient, selon nous, des innovations intéressantes, dans la mesure où il marque la reconnaissance du besoin des jeunes d'un accompagnement plus intensif, mais la forme qu'a pris cette mesure, qui consiste à acheter des prestations à un tarif élevé auprès d'opérateurs privés, ne nous a semblé appropriée que dans un premier temps avant le redéploiement des moyens au profit des missions locales, qui devraient bénéficier d'un financement à la hauteur de ces ambitions et avec la fixation d'objectifs proportionnés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Qu'en est-il du contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) renforcé ?

M. Laurent Caillot . - Le Civis renforcé représente une légère amélioration par rapport au Civis de droit commun mais il reste très en-deçà du niveau d'accompagnement offert dans le cadre du contrat d'autonomie. Ce contrat d'autonomie ne constitue qu'une expérimentation, qui ne concerne qu'un petit nombre de bassins d'emploi où la situation est très dégradée. L'ambition serait de redéployer les moyens qui y sont consacrés sur l'ensemble des missions locales.

Depuis un an, nous relevons des signes de progrès menant vers une plus grande territorialisation des politiques de l'emploi. Début 2011, le Gouvernement a ainsi, lors d'un comité interministériel des villes, pris une orientation claire en faveur d'une territorialisation des politiques de l'emploi et de l'inscription d'objectifs annuels pour les préfets en matière de diffusion de mesures facilitant l'accès à l'emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires. Le ministère de l'emploi a par ailleurs demandé aux sous-préfets d'activer et coordonner les acteurs locaux. Ceci s'avère cependant insuffisant, à nos yeux, car les obstacles au partenariat, plus structurels, tiennent à des logiques d'action opposées entre Pôle emploi et les missions locales. Pour autant, la mobilisation du corps préfectoral qui, repérant les dysfonctionnements, inciterait à les traiter constitue, selon nous, un premier pas intéressant vers la territorialisation. Il convient aussi de noter l'expérimentation récente des contrats urbains de cohésion sociale, lancée par le Premier ministre voilà deux semaines dans une trentaine de sites prioritaires. L'objectif est de mobiliser les moyens de droit commun dans les contrats des politiques de la ville, ambition fondatrice qui a été dévoyée par une pratique consistant à multiplier les outils spécifiques et à réinventer, dans les politiques de la ville, des outils parallèles à ceux de la politique de l'emploi. La relance de la politique de l'emploi en faveur des jeunes demandeurs d'emploi dans les dernières semaines va aussi dans le sens d'une mobilisation des acteurs, de même que le fait que les partenaires sociaux se soient saisis de la question, estimant qu'il entre dans leur mission de tracer des principes d'orientation des publics au sein du service public de l'emploi. Ces évolutions apportent une contribution utile et s'inscrivent dans une démarche de progrès depuis un an.

Je complèterai enfin notre réponse sur la responsabilité de la mauvaise articulation entre Pôle emploi et les missions locales. Notre rapport pourrait laisser penser que la faute revient principalement à Pôle emploi. Il est certain que dans un rapport aussi dissymétrique, si l'opérateur dominant fait preuve de peu de coopération, son partenaire dispose de peu de moyens pour l'y inciter. Ceci étant, il faut rappeler que les missions locales se sont organisées progressivement pour devenir un acteur à part entière, avec la reconnaissance par l'Etat d'une convention collective des agents des missions locales voilà dix ans. Ce cheminement les a isolées des autres composantes du service public de l'emploi. Après l'échec du rapprochement organique via les « espaces jeunes », chaque acteur a continué sa vie de son côté avec un accord cadre de partenariat flou. Les deux réseaux trouvaient avantage à cet arrangement. De ce point de vue, il existe sans doute aussi une responsabilité collective des missions locales, qui continuent à se satisfaire de cette situation, au détriment des intérêts du public dont elles ont la charge.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Ceci est d'autant plus facile que les collectivités locales viennent compenser un éventuel désengagement de l'Etat.

M. Laurent Caillot . - Tout à fait, même si l'on peut considérer que la situation des collectivités locales, avec leurs difficultés financières, rend les missions locales plus vulnérables.

M. Ronan Kerdraon . - Les missions locales sont financées par plusieurs institutions et n'ont pas le même dialogue de gestion en fonction de l'identité du financeur. Ne serait-il pas intéressant d'imaginer un dialogue sur des objectifs communs à l'ensemble des financeurs ? Avez-vous émis des préconisations en ce sens ? Les directeurs de missions locales doivent en effet accomplir un travail non négligeable pour recueillir les financements.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Nous avons ciblé, dans le cadre de la politique d'insertion des jeunes, les relations entre Pôle emploi et les missions locales. Dans votre rapport, avez-vous envisagé d'autres partenaires qui pourraient concourir à l'insertion des jeunes des quartiers difficiles ?

M. Laurent Caillot . - Il est clair qu'il s'avère difficile pour une petite structure de se trouver face à des financeurs qui ont des calendriers d'engagement et des objectifs différents. La CPO représentait déjà un premier progrès puisque, cosignée par l'Etat, la région et les collectivités départementales et communales, elle permettait déjà une mise en perspective de l'action des missions locales. On pourrait envisager que Pôle emploi soit intégré dans cette CPO, ce qui l'obligerait à mener un dialogue avec les différents acteurs. Le tour de table permettrait aussi de faciliter la gestion des désengagements partiels des uns et des autres.

Mme Agnès Jeannet . - J'ai vu fonctionner des conférences de financeurs. Il me semble qu'il s'agit là de bonnes pratiques, qui permettent à l'Etat de se rapprocher des régions voire des départements ou des agglomérations. Ces conférences peuvent permettre de faire avancer les choses. Nous avons également vu des pratiques d'audits coordonnés entre l'Etat et la région sur les missions locales. Ces deux mécanismes constituent, selon nous, de bonnes pratiques.

M. Laurent Caillot . - Quant à l'insertion par l'activité économique (IAE) ou les écoles de la deuxième chance, il s'agit de dispositifs destinés à des jeunes en très grande difficulté. Nous considérons bien sûr que ces outils ont toute leur place dans la palette des moyens destinés à conduire les jeunes vers l'emploi. Nous n'avons pas réservé une place particulière à l'insertion par l'économique dans notre rapport. Les missions locales et Pôle emploi orientent déjà un certain nombre de jeunes vers ces structures qui fonctionnent bien et dont les activités mènent à l'emploi. Nous n'avons donc pas noté de difficultés particulières en la matière, si ce n'est la pérennité du financement de l'IAE.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie d'avoir répondu à nos sollicitations et de vous être prêtés à cet échange de vues qui viendra, j'en suis sûr, enrichir notre analyse et nos propres propositions.

Audition de M. Jean-Patrick GILLE, président
de l'Union nationale des missions locales (UNML),
et de M. Vincent DELPEY, secrétaire général,
et Mme Karine BRARD-GUILLET, chargée de mission,
du conseil national des missions locales (CNML)
(mardi 10 mai 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Notre mission commune d'information s'intéresse aux partenariats que Pôle emploi a noués avec les autres acteurs du service public de l'emploi. C'est à ce titre que nous avons souhaité vous auditionner. Traditionnellement, Pôle emploi et les missions locales travaillent dans une démarche de cotraitance que vous avez vous-mêmes souhaité faire évoluer vers un partenariat renforcé. Nous souhaiterions aujourd'hui faire un point sur l'état des relations entre Pôle emploi et les missions locales et entendre vos remarques, suggestions et recommandations pour que cette coopération entre ces deux acteurs du service public de l'emploi soit plus efficiente au service des demandeurs d'emploi. Je vais vous laisser la parole avant d'engager le dialogue. Peut-être pourriez-vous commencer par nous expliquer la différence entre l'UNML et le CNML.

M. Jean-Patrick Gille, président de l'UNML . - Les missions locales auront trente ans l'an prochain. Elles sont issues d'une initiative locale lancée suite au rapport Schwartz de 1982 qui pointait la situation difficile et particulière des jeunes face à l'emploi et encourageait la mise en place de dispositifs locaux, à l'initiative des communes, regroupant des représentants du centre d'information et d'orientation (CIO), de l'ANPE, de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), de manière provisoire, pour remédier à cette situation. Trente ans plus tard, le problème de l'emploi des jeunes n'est pas réglé et les missions locales ont pris de l'ampleur. Aujourd'hui, l'ensemble du territoire est maillé par les missions locales et les quelques points d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) qui subsistent encore. A partir de ces initiatives locales, les missions locales ont souhaité se fédérer au sein d'une association avant de mettre en place une convention collective pour leur personnel salarié. Notre association, l'UNML, est donc un syndicat d'employeurs constitué pour une petite branche de plus de 10 000 salariés. Nous avons aussi la prétention d'effectuer un travail d'animation du réseau, en nous appuyant sur une structuration régionale. Les missions locales sont en effet regroupées au sein d'associations régionales qui prolongent cette animation au niveau local, grâce à des salariés dont le recrutement a été permis par un financement de l'Etat et des régions.

Au fil des années, nous nous sommes posé la question de l'articulation, voire des doublons, dans le travail des missions locales et de l'ANPE et aujourd'hui de Pôle emploi. Une longue histoire s'est construite peu à peu. Revient régulièrement le spectre d'une éventuelle fusion à laquelle nous ne sommes pas particulièrement favorables, estimant notre travail particulier. Nous avons en effet fondé notre approche sur l'accueil global du jeune, avec l'institution d'un référent par jeune, dans l'idée que nous ne traitons pas des dossiers mais accompagnons des jeunes. Au cours des dernières années, nous avons entrepris un travail vers les entreprises, en prenant aussi en compte les facteurs qui contribuent à l'insertion des jeunes (hébergement, accès aux soins, etc.). Notre deuxième originalité a trait à la conclusion et à la mise en oeuvre de partenariats avec les différents acteurs sur un territoire. Nos associations réunissent des représentants de l'Etat, des élus locaux et des représentants du monde économique et social. Nous mettons en oeuvre des politiques publiques. Un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) indique que nous constituons des structures locales d'intégration des politiques publiques et des financements publics. Les financements de l'Etat représentent environ 40 % de nos ressources, ceux des régions 20 %. Les communes contribuent plutôt par une mise à disposition de locaux. Nous bénéficions d'autres financements, notamment du Fonds social européen (FSE). A partir du travail avec l'ANPE et aujourd'hui Pôle emploi, s'est développé un rapprochement via une convention nationale de partenariat renforcé, renouvelée l'an dernier, qui se décline au plan régional puis par structure, chaque niveau comportant un comité de pilotage.

Cette démarche a pris du temps, l'ANPE considérant parfois les missions locales comme des amateurs. Nous avons cependant réussi à améliorer le partenariat et à établir une véritable relation de cotraitance. Au titre de celle-ci, Pôle emploi verse au réseau 34 millions d'euros pour assurer l'accompagnement de 150 000 jeunes. Ceci fonctionne aujourd'hui et nous atteignons ce niveau. Ce travail partenarial comporte un autre aspect tenant à la mise à disposition d'agents de Pôle emploi, dont le nombre correspond à 325 équivalents temps plein (ETP), désormais fortement professionnalisés. Nous en sommes aujourd'hui satisfaits. L'an dernier, les comités de pilotage nationaux et régionaux ont travaillé à la régulation des flux et nous avons atteint un niveau tout à fait satisfaisant dans ce partenariat, même si l'on peut considérer que, sur les activités territoriales, ce partenariat pourrait être plus fort et dynamique et que nous pourrions apporter une plus grande plus-value sur un territoire. Il demeure aussi, pour un dispositif comme le contrat d'accompagnement vers l'emploi (CAE) « Passerelle » par exemple, des difficultés pour savoir si le jeune doit être pris en compte dans les statistiques de l'un ou l'autre des opérateurs. Il conviendrait enfin d'améliorer la compatibilité de nos dispositifs informatiques.

M. Vincent Delpey, secrétaire général du CNML . - Les missions locales ont été créées dans les années 1980. Ce sont des structures complexes qui fédèrent des énergies locales et nationales au travers de leur financement et de la mise en oeuvre de politiques territoriales et nationales, dans le but de concourir à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté. L'architecture du dispositif doit sa complexité à cette diversité originelle. Nous avons, au niveau national, un conseil des missions locales, créé dans les années 1990, qui a vocation à fédérer l'ensemble des acteurs de cette politique nationale mise en oeuvre au niveau local. Le conseil national a été créé en application de dispositions du code du travail. Son secrétaire général est nommé par le Premier ministre. Il fédère des présidents de missions locales, les grandes associations d'élus que sont l'association des maires de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) ou l'association des régions de France (ARF) et les administrations investies dans la mise en oeuvre des politiques publiques qui concernent les missions locales. Il s'agit donc d'un ensemble relativement vaste dont les deux principales missions consistent à conseiller le Gouvernement sur toutes les évolutions nécessaires des politiques publiques mises en oeuvre par les missions locales et à animer le réseau, le CNML agissant dans le cadre des dispositions réglementaires prévues par le code du travail et l'UNML dans le cadre de son mandat social.

Je souhaiterais montrer en quoi les deux institutions, Pôle emploi et les missions locales, se révèlent différentes en substance et comment leur partenariat est à la fois indispensable mais problématique. Pôle emploi constitue une structure intégrée, verticale, dont le financement est purement étatique alors que les missions locales bénéficient d'un financement diversifié et sont constituées de différents partenaires locaux. La mission de Pôle emploi consiste dans le placement dans l'emploi de tous les demandeurs d'emploi alors que les missions locales exercent une mission d'insertion sociale et professionnelle des jeunes qui connaissent des difficultés. Le partenariat, indispensable, s'est mis en place voilà dix ans. La cotraitance a ainsi été instituée en 2001. Elle visait alors uniquement à adresser vers les missions locales des jeunes en difficulté, sur la base de certains critères. Le partenariat renforcé, qui voit naissance vers 2006, est d'une nature différente, allant au-delà de la cotraitance. La cotraitance est dirigée vers la prise en charge individuelle d'un certain nombre de jeunes envoyés par Pôle emploi vers les missions locales. Le partenariat renforcé, quant à lui, défini dans un accord-cadre, signé au niveau national par le CNML, l'Etat et Pôle emploi, vise à créer une synergie entre les réseaux, au-delà de la prise en charge individuelle des personnes, et à promouvoir des actions communes entre les deux réseaux, ainsi que des politiques de développement conjoint et homogène.

Il existe, au sein du CNML, un groupe de travail national, présidé par le vice-président du CNML, et un comité de pilotage national, piloté par la DGEFP, les deux instances travaillant ensemble avec les associations représentatives. Tout cela fonctionne. Les financements apportés par Pôle emploi ont connu un progrès significatif, passant de 22 millions d'euros en 2009 à 34,5 millions d'euros en 2010 et 2011 pour 150 000 jeunes adressés par Pôle emploi vers les missions locales. Nous rencontrons cependant des difficultés en termes de gestion de flux. Ce volume est en effet décidé au niveau national, en accord avec Pôle emploi, mais la réalité de terrain peut démontrer que ce flux ne correspond pas forcément aux besoins qui peuvent apparaître. Nous avons ainsi accueilli 180 000 jeunes en 2010, ce qui nécessite des compléments de financement qui s'avèrent parfois difficiles à obtenir. L'animation régionale est elle aussi financée par les régions et l'Etat, à parité. C'est cette originalité de construction des missions locales qui en font la force, comme l'ont démontré les deux récents rapports d'inspection de l'Igas et de l'IGF, qui ont estimé que les idées de fusion n'étaient pas forcément judicieuses et qu'il fallait conserver les missions locales en l'état et leur permettre de travailler.

M. Claude Jeannerot, président . - Vous avez vocation à conseiller le Gouvernement sur les évolutions nécessaires des missions locales. A vos yeux, au vu des différents rapports qui ont été publiés, quelles seraient les évolutions les plus significatives à mettre en oeuvre pour améliorer l'efficacité des missions locales ?

Pôle emploi résulte de la fusion de deux organismes : l'ANPE, avec laquelle vous aviez noué des relations étroites, et les Assedic. La fusion a-t-elle modifié votre partenariat ? Vous avez en effet oublié de citer la responsabilité de l'indemnisation des demandeurs d'emploi, confiée désormais à Pôle emploi. Cette double responsabilité change-t-elle la donne dans les relations que vous entretenez avec Pôle emploi et, le cas échéant, quelles sont vos préconisations en la matière ?

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Dans vos interventions, j'ai été surpris par le passage fréquent du terme de cotraitance à celui de partenariat et vice versa alors qu'ils recouvrent des notions très différentes. Les missions locales s'intègrent dans un réseau très structuré et assument des tâches différentes de celles de Pôle emploi. En principe, la cotraitance implique de définir des groupes très précis dont la responsabilité est confiée aux missions locales, avec un cahier des charges et un suivi. Le partenariat, en revanche, vise à nouer des liens sur des actions communes, chaque opérateur apportant ses propres moyens. Il me semble que cela mérite quelques précisions.

Vous évoquiez un financement de 34 millions d'euros pour 150 000 jeunes. D'aucuns trouvent que 230 euros par jeune, pour une insertion globale dans la société de jeunes en difficulté, est une somme très faible. Il importe donc de définir très précisément la relation entre Pôle emploi et les missions locales et que cette relation soit associée à des objectifs précis.

M. Ronan Kerdraon . - Nous avons auditionné précédemment l'Igas qui, dans un rapport, souligne la pertinence et l'efficacité des missions locales. La notion de fusion a été évoquée avec Pôle emploi et les maisons de l'emploi, un « ménage à trois » parfois difficile et problématique. Quelle est votre analyse de ces relations ?

Sur la notion de dialogue de gestion avec l'Etat, via les CPO, et les autres financeurs, une réflexion a-t-elle été lancée pour unifier ce dialogue et assurer une cohérence entre ces financeurs ? Faut-il tendre vers une refonte législative pour clarifier l'articulation et les compétences entre les différents réseaux, comme le préconise l'Igas ?

Mme Annie David . - Je rappelle que le financement de Pôle emploi n'est pas seulement étatique puisqu'il provient de l'Unedic pour les deux tiers, et que sa mission ne recouvre pas seulement le placement mais aussi l'indemnisation des demandeurs d'emploi. Les missions locales, en revanche, ne remplissent pas de mission d'indemnisation. Accueillez-vous de ce fait seulement des jeunes non indemnisés ou, s'ils le sont, quelles sont les interactions avec Pôle emploi ? A quels jeunes vous adressez-vous ? Aujourd'hui les missions locales rencontrent un vrai succès mais il existe des difficultés dans l'articulation avec Pôle emploi. J'ai bien entendu que vous n'étiez pas favorable à une intégration des missions locales dans Pôle emploi mais comment faire en sorte que l'emploi de nos jeunes obtienne de meilleurs résultats ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Mon collègue a évoqué la cotraitance entre Pôle emploi et les missions locales, à hauteur de 230 euros par jeune. Le contrat d'autonomie est rémunéré plus fortement, à 7 500 euros par personne. Des discussions entre le Gouvernement et les représentants des missions locales sont-elles actuellement menées pour renforcer le Civis ou d'autres actions au profit de jeunes très éloignés de l'emploi ?

M. Jean-Patrick Gille . - La cotraitance ne constitue qu'une partie du partenariat, la plus formalisée, qui fonctionne bien aujourd'hui, le reste de ce partenariat pouvant être encore amélioré. La cotraitance peut se définir comme un contrat par lequel Pôle emploi délègue à un organisme, pour un public spécifique dont il a légalement la charge, l'exécution de tout ou partie de ses missions, notamment la mise en oeuvre du projet personnalisé d'accès à l'emploi, (PPAE) en contrepartie de quoi il verse à cet organisme une participation financière, non corrélée à l'atteinte d'objectifs de retour à l'emploi. Ceci fonctionne bien.

Les jeunes continuent de s'adresser à Pôle emploi mais le suivi des jeunes cotraités est délégué entièrement à la mission locale, sauf pour l'indemnisation. Selon nos calculs, l'accompagnement moyen d'un jeune par une mission locale coûte 409 euros. Nous faisons donc des efforts en ramenant ce coût, dans le cadre de la cotraitance, à 230 euros.

Il existe des tensions sur le placement, qui constitue l'axe de progression des missions locales. Nous accomplissons des efforts sur le placement vers les contrats aidés, l'alternance et vers l'emploi pérenne. Dans le placement, l'offre peut se trouver à Pôle emploi. Sur ce plan, tout n'est pas parfaitement encadré. Nous ne nous satisfaisons pas de la CPO en cours de renouvellement et un mouvement de fronde a émergé. Nous avons rencontré le ministère et un groupe de travail réunissant la DGEFP, le CNML et l'UNML devrait être mis en place pour améliorer la CPO, que nous estimons trop tournée vers le placement. Nous ne voudrions pas être évalués et financés uniquement sur ce critère. Nous souhaitons que soit adjoint à cet objectif de placement un critère tenant à l'accompagnement. Par ailleurs, un critère vient d'être introduit qui nous pose problème dans nos rapports avec Pôle emploi : la collecte d'offres d'emploi. Pour l'instant, cette activité, très importante dans les statistiques de Pôle emploi, restait entièrement de son ressort. Si nous sommes placés en compétition sur la collecte d'offres d'emploi, cela pourrait créer des tensions.

Les maisons de l'emploi ont été créées avant la fusion. Un débat sur leur justification suite à cette fusion a émergé. Une circulaire a rappelé que s'il en existe une sur notre territoire, nous y participons, comme Pôle emploi, mais nous souhaitons conserver notre personnalité juridique, qui, inscrite dans le code du travail, constitue, pour nous, une garantie quant au fait de bénéficier d'un financement.

Quant au dialogue de gestion, la structuration régionale est complexe mais, dans ma région par exemple, nous arrivons à réunir une ou deux fois par an tous les opérateurs - Etat, Pôle emploi, la région, l'association régionale des missions locales (ARML) et l'éducation nationale - autour de la table. Aller vers un système de conférences des financeurs me paraît une bonne formule. Faut-il la formaliser ? J'ignore si nous devons aller jusque là mais cela me paraît apporter plus de clarté. La CPO néglige au contraire les autres partenaires. Nous avons posé cette question, qui devrait être revue dans le cadre de notre groupe de travail.

La création de Pôle emploi a-t-elle changé la donne ? Je n'en ai pas le sentiment. Notre dialogue avec Pôle emploi ne semble pas avoir fondamentalement changé, si ce n'est que Pôle emploi s'est un peu replié sur lui-même durant la phase de fusion. Le rapprochement du placement et de l'indemnisation, toutefois, ne m'a pas donné l'impression d'avoir fait émergé des problématiques nouvelles.

Le contrat d'autonomie suscite notre plus grande réserve. Les évaluations semblent montrer son inefficacité dans certains cas. Les missions locales l'ont d'ailleurs perçu comme un signe de défiance à leur égard. Le rapport de l'Igas a bien souligné que la situation dans les quartiers dits sensibles, ou ressortissant de la politique de la ville, était bien particulière et spécifique. Elle l'est pour nous aussi. Nous le constatons bien. Une mission locale placée dans un tel quartier ne mène pas la même existence que celle située dans une grande ville ou en zone rurale. Nous défendons l'idée d'un contrat d'autonomie, en créant un Civis renforcé « à la puissance deux ». Nous constatons en effet qu'un accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi, mais aussi dans l'emploi, fonctionne. Les nouveaux entrants dans l'emploi rencontrent des difficultés tenant à leur inexpérience et à la discontinuité de leur parcours professionnel, qui touche un public de plus en plus important. Le rapport montre en effet qu'un jeune sur deux est en rapport avec l'emploi mais de manière très intermittente.

Je pense que la place existe pour deux dispositifs autonomes. Le premier, Pôle emploi, gère le marché du travail, la collecte des offres, l'indemnisation et les salariés « employables » et autonomes. Il conviendrait d'en améliorer la fluidité et la rapidité de retour à l'emploi. Il me semble pertinent que d'autres dispositifs, centrés sur d'autres publics, permettent un accompagnement renforcé. Le dispositif de cotraitance, certes long à construire, s'avère aujourd'hui efficient et pertinent à cet égard. Nous avons bien vu que notre travail auprès des entreprises a porté ses fruits. Il nous importe que l'arrivée du jeune soit sécurisée auprès des entreprises car un jeune, à CV équivalent, reste aujourd'hui perçu comme un risque par rapport à un candidat plus âgé. Les jeunes se sont, de fait, habitués à une certaine précarité. Il faut donc remédier à cette situation, ce qu'à vocation à faire un accompagnement amélioré.

M. André Reichardt . - Pouvez-vous nous donner quelques indications sur la place de l'apprentissage dans votre dispositif ? Avez-vous noué des partenariats renforcés avec les chambres consulaires qui connaissent davantage les offres en la matière que Pôle emploi ?

M. Jean-Patrick Gille . - Le public concerné par l'apprentissage diffère légèrement de celui que nous suivons. L'apprentissage concerne plutôt les jeunes entre seize et dix-huit ans. Le public plus âgé qui passe par les missions locales ne cherche pas nécessairement à entrer en apprentissage. Toutefois, le recours à l'apprentissage tend à se développer. Peut-être nos conseillers éprouvaient-ils des appréhensions à placer des jeunes dans l'apprentissage. Je souligne cependant que notre public compte beaucoup de jeunes en sortie ou en rupture d'apprentissage, qui viennent nous consulter après un échec en ce domaine.

M. Vincent Delpey . - Je complèterai les réponses de mon collègue.

La cotraitance consiste en la délégation complète à la mission locale du suivi d'une personne en vue de son insertion sociale et professionnelle. Il s'agit d'un accompagnement individuel, au cours duquel les missions locales peuvent faire appel à des outils existant au sein de Pôle emploi, par exemple en matière de formation. Le partenariat, de son côté, vise à rendre complémentaires nos offres de services et s'inscrit dans une dynamique d'information et de travail en commun, voire de rapprochement pour renforcer l'efficience des deux institutions.

Vous avez raison de souligner les retards qui ont pu être pris dans la construction de notre partenariat. La fusion Assedic-ANPE a consommé beaucoup d'énergie. Les systèmes d'information ne prennent pas en compte le partenariat renforcé. La cotraitance est intégrée mais il convient d'adapter les systèmes d'information pour tenir compte du partenariat renforcé. Cet objectif, identifié, devrait être mené à bien dans les prochaines années.

Quant aux relations entre les missions locales et les maisons de l'emploi, chacun se trouve aujourd'hui à peu près dans son rôle. Certains territoires ont opté pour des maisons communes, des opérations ont parfois abouti à des fusions. Le bureau du CNML s'était déclaré défavorable à la fusion des deux institutions, craignant une remise en cause de la dynamique des missions locales, dont la spécificité et l'efficacité se sont avérées au cours des trente dernières années. Aujourd'hui, la répartition des rôles se révèle relativement claire : les maisons de l'emploi n'effectuent pas d'accueil ou de collecte d'emplois mais mènent un travail statistique de connaissance des bassins d'emploi. Il s'agit donc d'un travail complémentaire du nôtre et tout à fait nécessaire. Des choix se font cependant parfois au détriment de l'une ou l'autre structure, du fait de la rareté des financements publics.

Le dialogue de gestion, dans le cadre de la déconcentration, fonctionne. La circulaire sur la CPO reçoit une application progressive. Le dialogue de gestion va se mettre en oeuvre pour le financement des missions locales. Nous souhaitons, comme nous l'avons indiqué au cabinet du ministre, que ce dialogue de gestion permette de gérer au mieux les adaptations au territoire et aux besoins exprimés par les missions locales. Le ministre a garanti que le financement des missions locales serait maintenu cette année alors que les crédits dédiés à l'emploi ont baissé de 5 %. Cela est d'ailleurs inscrit en loi de finances. Le financement est garanti, il doit maintenant se décliner convenablement au niveau des territoires. Dans cette CPO, pour la première fois, est posée concrètement la volonté de faire en sorte que le placement dans l'emploi apparaisse comme une exigence pour les missions locales. Cela suppose une mutation culturelle, pour passer de la prise en charge globale des jeunes vers le placement dans l'emploi, qui constituerait désormais le but ultime des missions locales, avec toutes les difficultés que cela peut représenter, d'autant que les missions locales n'ont pas vocation, dans le cadre de la cotraitance, à collecter des offres d'emploi. Si les missions locales veulent continuer à bénéficier de la confiance que leur manifestent les entreprises, elles ne doivent pas collecter et conserver des offres d'emploi qu'elles ne pourraient pas satisfaire.

Concernant l'apprentissage, le CNML a passé des accords-cadres nationaux avec l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), et bientôt avec la chambre des métiers, qui permettent une déclinaison locale, afin de recueillir des offres d'apprentissage pour les jeunes des missions locales.

S'agissant d'une éventuelle modification législative, le CNML ne s'est pas prononcé sur la question. Nous sommes placés dans une situation de financements multiples qui doit être préservée avec beaucoup de soin. L'équilibre est subtil et résulte d'un dialogue entre les acteurs. Sa modification nécessite donc la plus grande prudence.

Mme Karine Brard-Guillet, chargée de mission au CNML . - En 2009, sur les 1,3 million de jeunes accueillis par les missions locales, 650 000 percevaient des allocations chômage versées par Pôle emploi. Cela ne signifie pas que d'autres jeunes présents dans les missions locales n'étaient pas bénéficiaires d'une allocation au titre, par exemple, du Civis.

Monsieur le rapporteur a évoqué la question des volumes. En 2011, nous allons accueillir 150 000 jeunes dans le cadre de la cotraitance et conclure 160 000 Civis. Les indicateurs de la CPO sont basés sur ces deux programmes, ce qui pose un problème car les financements des missions locales sont aussi affectés au suivi des autres jeunes, qui ne relèvent pas de ces programmes. Une réflexion sur les volumes devrait donc être entreprise dans le cadre de votre mission d'information.

M. Vincent Delpey . - Le chiffre de 1,3 million correspond au nombre des jeunes dont s'occupent les missions locales. Parmi eux figurent plus de 500 000 primo-arrivants. Selon les statistiques de la Dares en 2009, 435 000 jeunes ont obtenu un contrat de travail, de toute nature, et 241 000 jeunes sont entrés en formation.

M. Ronan Kerdraon . - Je souhaiterais nuancer vos propos. L'Etat a effectivement maintenu l'enveloppe budgétaire allouée aux missions locales. C'est la redistribution, en région, qui soulève des difficultés. Dans ma région, par exemple, l'enveloppe a été amputée de 3,46 % suivant des critères de performance dont nous ignorons le contenu. Or si l'Etat fait moins, à un moment donné, les collectivités devront-elles faire plus ? Le financement repose de plus en plus sur les collectivités locales.

Mme Nicole Bonnefoy . - Certains jeunes éprouvent de grandes difficultés à trouver des entreprises pour les accueillir dans le cadre de formations en alternance. Quelle réponse peut être apportée à ce problème ? Aucune, semble-t-il, puisque le problème perdure. Quelles sont les raisons d'une telle situation ? Quelle réponse effective pourrait y être apportée ?

M. Alain Gournac . - Ces 1,3 million sont-ils des jeunes suivis dans la durée ou des jeunes entrés une seule fois dans les missions locales ? Quels sont les frais de fonctionnement des missions locales ? Comment se déroule le suivi des jeunes indemnisés par l'assurance chômage ? Enfin, ne pensez-vous pas que nous devrions simplifier le système pour ces jeunes qui doivent frapper à plusieurs portes pour demander parfois la même chose ?

M. André Reichardt . - Ma question sur l'apprentissage s'inscrivait dans cet esprit. Le président Jean-Patrick Gille a indiqué que le public n'était pas le même. Il me semble au contraire qu'il est le même. Il s'agit de jeunes de dix-huit à vingt ans qui cherchent de nouvelles solutions dans les entreprises. Or l'apprentissage peut ici jouer un rôle puisqu'il est possible d'entrer en apprentissage, quel que soit son niveau, jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Force est de constater que Pôle emploi ne prescrit pas suffisamment de placement dans des contrats d'apprentissage, souvent parce qu'il ignore les offres en la matière. A l'heure actuelle, avez-vous le sentiment d'être suffisamment informés pour répondre à ce besoin ?

Mme Valérie Létard . - Suite à des échanges avec des professionnels de Pôle emploi et des missions locales, certains pensent que des améliorations pourraient être apportées avec une nouvelle structuration de l'orientation, du diagnostic et une prise en compte du bilan de compétences et des aptitudes du jeune, en amont de la recherche d'un emploi. L'échec résulte parfois de l'inadéquation entre les pistes de recherche d'emploi et les compétences des jeunes. Le transfert des psychologues de l'Afpa apporte de nouveaux moyens en termes d'orientation. Cette démarche, qui irait dans le sens d'une meilleure préparation du jeune, n'est-elle pas de nature à faire progresser la démarche d'insertion ? Vous avez par ailleurs évoqué la cotraitance. Quelle est la répartition exacte des rôles entre Pôle emploi et les missions locales ? Quel public accompagnez-vous en priorité ? Cette répartition des tâches est-elle clairement définie ?

M. Vincent Delpey . - Le contrat d'autonomie a été fortement contesté. Cette expérimentation était fondée sur l'intention d'intervenir sur des bassins d'emploi particuliers, notamment les Zus. Elle a obtenu des résultats contrastés. Nous avions cependant souhaité qu'elle soit menée jusqu'à son terme, d'autant que les missions locales pouvaient gérer ces contrats d'autonomie.

S'agissant de l'apprentissage, le président du CNML a fixé un objectif de 50 000 contrats d'apprentissage en 2011 dans les missions locales. Je pense que nous l'atteindrons. Le CNML ne s'est pas prononcé sur le fait que l'amélioration viendrait d'une simplification des structures. En revanche, nous percevons l'intérêt de développer les mécanismes mis en place auprès des chambres de commerce et d'industrie. Plus que la simplification des structures, il s'agit d'aller « construire l'emploi » dans les entreprises, en particulier dans les PME, souvent démunies face à cette question de l'apprentissage. Cela suppose que des personnes aillent sensibiliser les entreprises à l'idée qu'elles sont capables de créer des postes d'apprentissage en leur sein, ce qui est le rôle des développeurs de l'apprentissage qui obtiennent de bons résultats à cet égard. Nous souhaiterions disposer, au sein des missions locales, de nos propres développeurs, ce qui nous permettrait de maximiser les créations de postes en apprentissage.

1,3 million de jeunes sont suivis selon des modalités variables. Certains n'effectuent qu'une seule visite. L'une des difficultés que nous rencontrons face aux jeunes éloignés du marché de l'emploi est d'arriver à les atteindre. Des actions sont entreprises actuellement sur les « décrocheurs » du système scolaire. Une activité doit être développée en ce sens. Nous travaillons avec l'éducation nationale à la mise en place d'un système d'information pour repérer les jeunes qui, ayant quitté l'école, ne sont inscrits dans aucune structure.

Quant à la cotraitance, les critères qui permettent à un agent de Pôle emploi d'affecter un jeune à une mission locale sont les suivants : un projet professionnel mal défini ou en inadéquation avec le marché du travail ; une situation personnelle susceptible d'être un frein à l'accès ou au maintien dans l'emploi ; une absence de repère ou de réseau dans la recherche d'emploi ou un découragement par des échecs successifs ; un niveau de qualification insuffisant au regard du projet professionnel.

Les systèmes d'information de Pôle emploi et des missions locales doivent permettre d'éviter tout chevauchement ou gestion multiple. Plutôt que des simplifications de structures, dont l'effet n'est pas avéré, il convient de travailler sur les systèmes d'information pour permettre à chacun de jouer son rôle, de manière claire.

M. Alain Gournac . - Quels sont vos coûts de fonctionnement ?

Mme Karine Brard-Guillet . - Un rapport de l'IGF les a évalués en 2007 en analysant les coûts de fonctionnement pour établir des coûts standards par financeur et par résultat. Le coût pour l'Etat est, en moyenne, de 250 euros par jeune. Le coût pour chaque jeune accédant à l'emploi atteint 329 euros. Le coût par jeune accédant à l'emploi durable s'élève à 605 euros. Le coût, pour un conseil régional, d'un jeune accédant à une formation s'élève à 569 euros. Je vous invite à vous reporter à ce rapport qui détaille les coûts de manière précise.

M. Vincent Delpey . - Le budget des missions locales s'élève, au niveau national, à 480 millions d'euros, tous financements compris. Ce budget nous permet d'assurer toutes nos missions.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie de vous être prêtés à cet exercice très intéressant pour nous tous.

Audition conjointe de MM. Bernard CHARLES, adjoint au maire de Lille chargé de l'emploi et de l'insertion, représentant l'association des maires de France (AMF), Rémi PAUVROS, président de la communauté d'agglomération Maubeuge Val de Sambre, représentant l'assemblée des communautés de France (AdCF),
Mmes Arlette ARNAUD-LANDAU, vice présidente de la région Auvergne,
et Marie-Laure MEYER, membre du conseil d'administration de Pôle emploi de 2008 à 2010, représentantes de l'association des régions de France (ARF)
(mercredi 18 mai 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - L'objectif de notre mission commune d'information est notamment de réaliser un diagnostic du fonctionnement de Pôle emploi et d'émettre des préconisations pour son amélioration. Nous sommes particulièrement intéressés par la question de l'ancrage territorial de Pôle emploi et par la façon dont cet organisme noue des partenariats avec l'ensemble des acteurs du service public de l'emploi. Je vous rappelle que, depuis 2005, la loi indique que les collectivités territoriales concourent au service public de l'emploi. C'est à ce titre que nous vous avons conviés aujourd'hui. Il nous semble en effet que le facteur clé de succès de Pôle emploi réside dans sa capacité non seulement à adapter son action à chaque territoire, mais surtout à nouer les partenariats nécessaires au service de ce territoire. Nous aimerions bien sûr vous entendre sur ces différents aspects. Au niveau régional, c'est bien sûr plus particulièrement la fonction formation qui sera abordée.

Je précise que l'Assemblée des départements de France (ADF) n'a pu être représentée aujourd'hui. Nous devrons donc trouver une autre occasion d'entendre les représentants des départements. En effet, ceux-ci sont directement concernés, en particulier par la gestion du RSA.

M. Bernard Charles, adjoint au maire de Lille chargé de l'emploi et de l'insertion, représentant l'AMF . - J'évoquerai d'abord les localités où Pôle emploi n'est pas implanté. Dans ce cas, les maires sont chargés de recevoir et de consigner les déclarations des demandeurs d'emploi, puis de les transmettre aux organismes ayant signé une convention avec Pôle emploi, ou directement à Pôle emploi. Les maires qui ont conclu une convention avec l'Etat et Pôle emploi peuvent recevoir des offres d'emploi et réaliser des opérations de placement en faveur de leurs administrés à la recherche d'un emploi. La liste des demandeurs d'emploi domiciliés dans leur commune leur est adressée.

Je connais toutefois mieux la situation des communes où des établissements publics, aujourd'hui Pôle emploi, hier l'ANPE et les Assedic, sont implantés. Nous avions tissé avec l'ANPE un partenariat qui continue désormais avec Pôle emploi.

Les collectivités locales se montrent très investies sur les problèmes d'emploi. Elles ont volontairement mis en place, au cours des dernières années, un certain nombre d'outils, qu'il s'agisse des missions locales, des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) ou, depuis 2005, des maisons de l'emploi. Pôle emploi est présent, à des degrés divers, au sein de ces structures. Par exemple, dans le cas de ma collectivité, Pôle emploi est présent dans le conseil de gouvernance de la mission locale. Pôle emploi participe également au comité de pilotage qui sélectionne les projets avec l'ensemble des opérateurs du Plie. Celui-ci vise à amener les demandeurs les plus éloignés de l'emploi à des emplois pérennes, CDI ou CDD de plus de six mois, ceci au terme d'un parcours de dix-huit mois.

S'agissant de la maison de l'emploi, la nouveauté était de devoir partager une gouvernance, et donc de mobiliser une intelligence collective sur le territoire concerné, ceci dans les domaines économique et de l'emploi. Ainsi, toutes les décisions sont prises conjointement par l'Etat, Pôle emploi, et la collectivité ou l'intercommunalité qui anime cette maison de l'emploi. Chacun reste dans son champ d'intervention et les collectivités ne prétendent pas assumer la pleine responsabilité des questions d'emploi. En effet, celles-ci constituent une compétence régalienne de l'Etat, en lien étroit avec les problématiques de développement économique et de croissance. Cependant, pour les collectivités, par ailleurs très attachées à leur territoire et à leur autonomie de fonctionnement, ce nouveau champ de gouvernance partagée et de collaboration constitue un élément important. La collaboration fonctionne d'autant mieux dans les territoires lorsqu'elle est ancienne. Ainsi, le cas échéant, les missions locales et les Plie ont facilité ce travail et la mise en oeuvre de cette gouvernance partagée.

Un certain nombre de communes, souvent de taille modeste, font part à l'AMF de difficultés liées à un manque d'information et de communication sur les dispositifs nationaux. C'est d'autant plus vrai que les relations quotidiennes entre partenaires existent moins souvent dans ces collectivités. Lorsqu'il existe une démarche volontariste des collectivités, les partenariats de qualité et l'écoute s'avèrent possibles. Certes, des difficultés peuvent se présenter. Toutefois, elles se résolvent d'autant plus facilement qu'un cadre permet de mener à bien ce travail

Avec le nouveau cahier des charges des maisons de l'emploi, le diagnostic relatif aux questions économiques, aux métiers en tension et au niveau de formation des demandeurs d'emploi nécessite de travailler en cohérence. L'Alliance Villes Emploi constitue un important réseau d'offre de service et de mutualisation. Il a beaucoup oeuvré, notamment en faveur de la clause d'insertion. La commande publique représente une part considérable des investissements. Il faut qu'elle puisse profiter aux demandeurs d'emploi les plus en difficulté par la création de parcours d'insertion. Ceci ne peut bien se faire que dans le cadre de relations de travail régulières et constantes.

Il est également important que le développement économique puisse profiter à l'ensemble du territoire, non seulement en attirant des entreprises, mais aussi en veillant à ce que tous les habitants en bénéficient. Il ne s'agit pas seulement de rapprocher offre et demande d'emploi. La mise en place de dispositifs du type « emploi-formation » s'avère nécessaire pour accompagner les demandeurs d'emploi dans un parcours. Ce travail conjoint peut se faire, et se fait, avec Pôle emploi et les collectivités territoriales. Un tel processus se construit et crée de profitables habitudes de travail.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous allons maintenant entendre M. Rémi Pauvros, qui est à la fois maire de Maubeuge, président de la communauté urbaine et, me semble-t-il, vice-président du département du Nord, chargé de l'insertion.

M. Rémi Pauvros, président de la communauté d'agglomération Maubeuge Val de Sambre, représentant l'AdCF . - Je l'étais jusqu'au dernier renouvellement ; désormais, je suis premier vice-président du conseil général chargé des infrastructures.

M. Claude Jeannerot , président . - Vous êtes donc en mesure de nous apporter un regard très large sur le fonctionnement de Pôle emploi dans les territoires.

M. Rémi Pauvros . - J'ai en effet été amené à gérer 150 000 allocataires du RSA dans le département du Nord. Mais j'interviens aujourd'hui en tant que représentant de l'AdCF. Il est clair que les communautés d'agglomération et les communautés de communes s'investissent de façon progressive et très volontariste sur les domaines de l'emploi, de la formation et du lien entre l'emploi et l'économie.

En 2009, 31 % des communautés de communes et d'agglomérations s'investissaient dans ce domaine. Elles n'étaient que 26 % en 2005. Cette progression très nette est évidemment liée à la préoccupation partagée, quelle que soit leur sensibilité, par l'ensemble des élus des territoires quant à l'emploi et à la connexion entre l'offre et la demande de travail.

Je représente un territoire où le taux de chômage est, malheureusement, un des plus élevés de France. En outre, du fait d'une crise économique ancienne, 40 % des demandeurs d'emploi sont des chômeurs de longue durée.

J'estime impossible d'aborder ce sujet sans évoquer les différentes situations des demandeurs d'emploi. Les principaux paramètres de la problématique sont : un contexte économique extrêmement tendu, une difficulté d'adaptation à des emplois qui ont évolué ces dernières années, en particulier dans les secteurs industriels, et une difficulté permanente à adapter l'offre et la demande. Or, plus la situation s'avère difficile, plus il faut rapprocher l'offre et la demande d'emploi et jouer la carte de la décentralisation. Certes, la politique de l'emploi relève du niveau national, et de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement. Toutefois, la mise en oeuvre de cette politique doit intervenir au plus près du demandeur.

Je suis de ceux qui considèrent qu'il n'existe qu'un seul parcours pour un demandeur d'emploi, quel que soit son éloignement de l'emploi. Cette conception n'était pas partagée par tous lors du débat sur le RSA. Elle conduit forcément à une approche différente du rapport avec le demandeur d'emploi. Mon expérience en matière de RSA m'amène d'ailleurs à confirmer la pertinence de cette vision. Nous devons toujours être capables de proposer une perspective à un demandeur d'emploi. Il n'existe pas des personnes employables et d'autres inemployables. Les individus ont chacun leur parcours et leurs difficultés de vie peuvent s'avérer, en particulier dans des territoires comme les nôtres, extrêmement ardues à surmonter. Dans ce cas de figure, une démarche de proximité s'impose et nous devons assurer la cohérence de l'ensemble des dispositifs.

Il faut faire en sorte qu'un demandeur d'emploi, préoccupé par des problèmes de mobilité, ce qui est le cas de 30 % des demandeurs d'emploi, par des problèmes de santé, ce qui est le cas de 30 % des chômeurs de longue durée, ou par des problèmes de logement, ce qui est également le cas de 30 % des chômeurs de longue durée, soit assuré de trouver une réponse à sa demande et d'être suivi par les mêmes interlocuteurs, quel que soit son éloignement de l'emploi. Ce pari ne peut être tenu que sur le terrain, et non dans le cadre d'une organisation centralisée.

Là réside toute la problématique de Pôle emploi. Cette structure doit en effet répondre non seulement à une commande nationale, mais aussi à la nécessité absolue d'adapter son intervention à chaque cas concret. Or, quand un conseiller doit suivre, comme c'est le cas dans mon territoire, deux cents demandeurs d'emploi, nous sommes confrontés à une difficulté majeure. Néanmoins, même avec ce handicap, il faut avoir la capacité de créer une cohérence dans l'intervention des différents acteurs.

Il faut mettre en place un pilotage politique du service public de l'emploi local. Nous estimons, à l'AdCF, que l'adéquation entre un dispositif cohérent du service public de l'emploi local, les besoins du demandeur d'emploi et l'ouverture sur le développement économique du territoire devrait se faire avec un pilotage politique clairement défini.

C'est pourquoi nous considérons que, tout en laissant la responsabilité de chacune des structures à l'autorité de tutelle, il convient d'identifier les leviers qui permettront au politique d'orienter les travaux de celles-ci en direction du demandeur d'emploi. Plusieurs cas émergent en France actuellement. J'ai le plaisir d'avoir créé, dans mon territoire, un outil unique regroupant la mission locale, la maison de l'emploi et le Plie. Cette structure est présidée par un élu et a le statut d'un groupement d'intérêt public (GIP). Pôle emploi siège au sein de son conseil d'administration.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Le GIP rassemble donc la mission locale, le Plie et la maison de l'emploi. Il existe le même dispositif en Picardie. En revanche, il me semble que ce sont les deux seules expériences de ce type menées dans les territoires.

Mme Marie-Laure Meyer, représentante de l'ARF au conseil d'administration de Pôle emploi de 2008 à 2010 . - C'est également le cas à Nanterre, où une même structure rassemble ces trois entités ainsi qu'une cité des métiers.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous sommes vraiment au coeur de la problématique que nous voulons explorer aujourd'hui. De votre point de vue, ce qui a été défini dans votre territoire convient ou faut-il encore approfondir cette démarche ?

M. Rémi Pauvros . - Le GIP fonctionne depuis un an. Nous nous montrons donc extrêmement prudents quant aux résultats concrets obtenus. Le directeur général de cette structure m'a fait part de chiffres positifs en matière de retour à l'emploi des jeunes. La prudence s'impose toutefois. En effet, je vous rappelle que le taux de chômage est actuellement de 17 % dans l'arrondissement.

Les relations entre les différentes structures s'avèrent excellentes, bien que celles-ci soient désormais dirigées par un seul directeur, ce qui n'est pas le plus simple à mettre en oeuvre. Le siège de cette structure est par ailleurs en cours de construction. Il permettra aux différents collaborateurs de travailler encore mieux ensemble, ceci dans de bonnes conditions d'accueil du public.

L'AdCF plaide pour que Pôle emploi soit associé à cette démarche politique. En tant que président d'agglomération, je n'éprouve aucune difficulté à travailler avec les responsables de Pôle emploi, qui se montrent même demandeurs, en particulier quant au diagnostic et à la connaissance des projets économiques du territoire. Notre rôle essentiel est de donner une perspective à ces projets de développement en termes de recherche de qualifications.

L'AdCF a la volonté d'accompagner toute initiative dans ce domaine. Il s'agit d'ailleurs d'une très forte demande exprimée par les présidents d'intercommunalités aujourd'hui. J'estime en outre que cet échelon constitue le niveau opérationnel pertinent. Le redécoupage en cours des intercommunalités plaide dans le même sens. Il devrait en effet favoriser une meilleure cohérence entre les intercommunalités et les bassins de vie et d'emploi. La perspective s'avère donc intéressante. J'insiste cependant sur le fait que chacun doit conserver son champ de responsabilité.

Par ailleurs, dans le cadre de mon expérience de vice-président du conseil général, j'attire votre attention sur la situation des allocataires du RSA. Dans le département, nous recensons aujourd'hui 170 000 allocataires. Or je suis convaincu, s'agissant des allocataires du RSA socle, qu'un sur deux n'est pas suivi ou l'est très faiblement.

La volonté de transformer le RMI a cassé un système qui avait produit des résultats, puisque plus de 50 % des allocataires avaient conclu des contrats d'insertion. Je considère que nous en sommes loin désormais, en dépit de la bonne volonté des uns et des autres.

Par conséquent, il faut selon moi travailler sur le concept d'un parcours unique proposé aux allocataires du RSA. En effet, cette idée selon laquelle il y aurait, d'une part, des personnes employables, d'autre part, des personnes inemployables n'est pas conforme à la réalité.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous reviendrons sur ce point essentiel pour éclairer la suite de nos réflexions. Nous aurons en outre l'occasion, au cours des débats, d'approfondir les différentes dimensions que vous avez évoquées.

Mme Arlette Arnaud-Landau, vice-présidente de la région Auvergne . - Je laisserai la parole à Mme Marie-Laure Meyer, qui a représenté l'ARF, lorsqu'elle était élue, au sein du conseil d'administration de Pôle emploi. Désormais, elle est directrice d'un service de formation dans une région. Je suis appelée à lui succéder en tant que représentante de l'ARF au conseil d'administration de Pôle emploi.

Mme Marie-Laure Meyer . - Je suis également présidente de la maison de l'emploi et de la formation de Nanterre, qui fonctionne depuis cinq ans. Elle comprend une mission locale, un Plie, une cité des métiers, une plate-forme d'ingénierie interentreprises et une maison de l'emploi. Ces structures sont regroupées dans un Gip. Celui-ci comporte un collège « Etat et collectivités », dont font partie le conseil régional, le conseil général et la commune, un collège « partenaires sociaux », et un collège « partenaires de la formation, partenaires économiques et acteurs de l'insertion ».

J'étais précédemment secrétaire de la commission « formation professionnelle » au conseil régional d'Ile-de-France. A ce titre, j'ai représenté l'ARF au conseil d'administration de Pôle emploi, au cours de l'année préparatoire de la fusion, puis au cours de la première année de fonctionnement, puisque je ne suis plus élue régionale depuis l'année dernière. Cette expérience s'est révélée extrêmement intéressante.

La loi donne aux régions la responsabilité de la formation des demandeurs d'emploi et de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. L'articulation avec le nouvel outil que constituait Pôle emploi était donc pour nous essentielle. Nous avions commencé à développer avec les Assedic des partenariats qui fonctionnaient bien en matière de financement.

La loi a prévu un seul siège au conseil d'administration de Pôle emploi pour les trois associations de collectivités. Cette situation complique les débats, et j'ai donc essayé de représenter les trois niveaux de collectivités au cours des discussions. Cette action m'a permis d'approfondir un certain nombre de sujets. Je souhaiterais revenir sur plusieurs points, à commencer par les problèmes de fonctionnement du conseil d'administration.

Au moment où je l'ai quitté, c'est-à-dire en mars 2010, il y avait un problème de gouvernance. Compte tenu des résultats observés, il me semble que la situation n'a pas énormément évolué depuis cette date.

Le conseil d'administration est composé de représentants des partenaires sociaux et de représentants des services de l'Etat, qui parlent d'une seule voix. S'y ajoutent deux « extra-terrestres » : le représentant des collectivités territoriales et M. Jean-Baptiste de Foucauld, en tant que personnalité qualifiée.

Je dis « deux extra-terrestres » car nous étions les seuls membres du conseil d'administration à ne pas avoir participé aux négociations préalables à sa formation. Notre capacité à contribuer au débat en a été réduite et l'exercice s'est avéré douloureux, aussi bien pour M. Jean-Baptiste de Foucauld, porteur d'une expertise sur les problématiques des publics très éloignés de l'emploi, que pour moi-même au sujet des enjeux régionaux. Nous avions pourtant l'un et l'autre une envie très forte d'être partenaires.

Une gouvernance régionale a été créée sous la forme du conseil régional de l'emploi (CRE). Cette structure est globalement redondante, malgré des modalités de pilotage différentes, avec les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP), et avec les services publics régionaux de l'emploi (SPER). Ainsi, à l'échelle régionale, nous disposons de trois instances de concertation. Deux d'entre elles sont pilotées par le préfet de région, l'autre est co-présidée par le président du conseil régional et le préfet de région. Ces instances comportent à peu près les mêmes acteurs, cependant pas dans les mêmes rôles. De plus, les régions ne participent pas toutes aux SPER. D'ailleurs, la dernière circulaire relative au service public de l'emploi local ne mentionne pas les conseils régionaux dans la liste des partenaires utiles figurant en annexe, même si elle fixe comme objectif la formation des personnes les plus éloignés de l'emploi. Du fait de ces différents niveaux de gouvernance, il s'avère extrêmement compliqué de parvenir à débattre et de faire émerger des projets partagés.

En ce qui concerne maintenant les services à rendre, il convient de savoir si Pôle emploi constitue une structure industrielle de production de normes ou une structure qui rend réellement des services.

Les services à rendre concernent, d'une part, les demandeurs d'emploi. Il s'agit alors d'un service d'accompagnement et d'ingénierie de parcours, qui inclut la sécurisation par l'indemnisation. Je rappelle que cette dernière constitue une assurance, et non une assistance. Les services concernent, d'autre part, les employeurs par une ingénierie d'aide au recrutement. Les PME ont particulièrement besoin de cette assistance, notamment en matière de description de postes.

Au sujet de cette culture de service, nous avons beaucoup débattu pour faire en sorte que la nouvelle instance puisse adopter un fonctionnement différent de celui de l'ANPE, en particulier en s'appuyant sur l'expérience des Assedic : celles-ci avaient mis en place un système très orienté client, alors que l'ANPE se situait davantage dans une logique descendante, très centralisée et procédurière. Nous n'avons malheureusement pas réussi.

Je citerai l'exemple d'un demandeur d'emploi qui ne dispose d'aucun diplôme validé et exerce un métier en voie de disparition. Attendre quatre à six mois, à partir du premier entretien avec ce demandeur, pour que celui-ci soit à nouveau reçu et que la pertinence d'une validation des acquis de l'expérience ou d'une formation soit examinée, constitue, selon moi, une importante perte de temps. Nous ne nous demandons pas comment construire une ingénierie de parcours, s'appuyant notamment sur la formation, adaptée à chaque demandeur.

Lorsque j'ai soulevé cette question, M. Christian Charpy m'a répondu que, puisque 30 % des demandeurs d'emploi parviennent par eux-mêmes à retrouver un emploi dans les quatre mois, il est inutile de s'occuper des demandeurs pendant ce délai. Néanmoins, je doute qu'une vision statistique du chômage soit la plus efficace pour obtenir des résultats.

S'agissant des jeunes, je rappelle que l'analyse du chômage effectuée par Pôle emploi n'intègre pas tous ceux qui sont pris en compte par le logiciel Parcours 3 des missions locales. Dès lors, le nombre de jeunes demandeurs d'emploi se trouve systématiquement sous-estimé, puisque seuls les demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A, B ou C sont pris en compte. Or, ayant réalisé, à l'échelle locale, des dédoublements de listes, j'ai pu constater que 70 % des jeunes de niveau V, par exemple, ne sont pas inscrits. En fait, les personnes les plus éloignées de l'emploi, et donc les moins indemnisables, sont celles qui sont le moins souvent inscrites. Nous sommes donc confrontés à une sous-estimation systématique du chômage des jeunes.

De même, le nombre des bénéficiaires du RSA se trouve systématiquement sous-estimé car ils ne sont eux aussi comptés que lorsqu'ils sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi.

Enfin, les publics ayant besoin d'un soutien immédiat sont également sous-estimés. Le mode d'accueil et de suivi n'est pas conçu en fonction de la personne et de ses demandes.

En ce qui concerne la territorialisation de l'action de Pôle emploi, je rappelle que l'ensemble des budgets et des moyens de Pôle emploi doit être régionalisé. L'objectif est de pouvoir établir une corrélation entre les problématiques de chômage, de répartition de moyens et d'adaptation du système. Par exemple, suite à la crise, il y a deux ans, une explosion du chômage a été constatée en Franche-Comté, et les moyens de Pôle emploi, tels qu'ils avaient été répartis, se sont avérés insuffisants.

Nous avions constitué un groupe de travail avec Mme Bernadette Malgorn, alors secrétaire générale du ministère de l'intérieur et des collectivités territoriales, pour essayer de définir des critères d'égalité d'accès au service public de l'emploi. Parmi ceux-ci figurait un critère de trente minutes de trajet, au-delà desquels des outils compensatoires devaient être prévus, par exemple, une prise en charge des déplacements ou un système de visio-guichets. Or, l'objectif de Pôle emploi était très clairement une réduction de coûts en période d'explosion du chômage, ce qui a induit une réduction du nombre de sites, là où un travail de proximité, tenant compte des difficultés et développant les partenariats territoriaux, s'avérait nécessaire.

En effet, au niveau des régions, des agglomérations et des départements, des réseaux de points d'accueil ont été mis en place. Nous étions tous d'accord pour créer des partenariats en vue d'une mutualisation de ces réseaux, par exemple en organisant des permanences assurées par des conseillers de Pôle emploi.

Pour mener de telles négociations, il faut disposer d'interlocuteurs. Or, l'organisation dans le cadre de laquelle interviennent les directeurs régionaux de Pôle emploi n'est pas vraiment déconcentrée. En effet, ceux-ci disposent de peu de marges de négociation, car ils doivent impérativement utiliser des outils nationaux et sont placés sous la tutelle d'une direction nationale.

Il existe donc une vraie problématique de gouvernance, à la fois nationale et régionale, et d'articulation avec les responsabilités des régions, aussi bien quant à la formation tout au long de la vie que sur les questions de transition professionnelle.

Je rappelle que 80 % à 85 % de la formation des demandeurs d'emploi est financée par les régions. Pour sa part, Pôle emploi, prenant la succession des Assedic, n'assure qu'environ 15 % de ce financement.

La circulaire relative au service public de l'emploi local considère que Pôle emploi doit être jugé sur sa capacité à orienter les demandeurs d'emploi vers les formations qu'il a lui-même achetées. De même, l'indemnité de fin de formation ne sera accordée qu'aux personnes qui ont suivi des formations achetées par Pôle emploi. Cette disposition signifie donc que nous serons confrontés à une inégalité, que je considère non constitutionnelle, entre les demandeurs d'emploi qui suivront des formations financées par les régions et ceux qui suivront les formations financées par Pôle emploi.

Nous avons, dans presque toutes les régions, mis en place des partenariats avec Pôle emploi en matière de prescription de formations, afin de s'assurer que les formations s'intègrent dans un projet professionnel validé par Pôle emploi. Or, nous nous trouvons actuellement contraints d'annuler des formations car Pôle emploi se révèle incapable d'en prescrire suffisamment. En effet, il ne dispose pas des effectifs suffisants pour rencontrer tous les demandeurs d'emploi qui ont un projet de formation. Dès lors, nous nous interrogeons sur la possibilité d'abandonner ce pré-requis de la prescription pour que les demandeurs d'emploi puissent suivre une formation.

Par ailleurs, nous sommes tous confrontés à une explosion des financements de fin de formation. La reconversion d'un demandeur d'emploi nécessite une formation longue. Or, comme la prescription de ces formations intervient souvent tardivement, beaucoup de demandeurs d'emploi cessent d'être indemnisés avant que leur formation soit achevée. Nous ne parvenons plus à gérer la sécurisation du revenu, qui, sur la reconversion, s'avère plus onéreuse que la formation.

Certaines régions, notamment Rhône-Alpes et la Bourgogne, ont mis en place un co-achat. D'autres ont pu trouver d'autres systèmes. Toutefois, il s'agit toujours du résultat, variable, de relations interpersonnelles entre les responsables et les services de la région et les élus. Il n'existe aucun cadre structuré pour la mise en oeuvre de ces différents dispositifs.

La politique de formation ne se limite pas à un achat de places. Elle intègre également de l'ingénierie. Nous avons travaillé avec Mme Valérie Létard sur les problématiques des « métiers verts » et de la « croissance verte ». Il est évident que se contenter de prendre l'offre telle qu'elle existe ne permet d'apporter aucune garantie aux demandeurs d'emploi en termes d'adéquation avec les besoins des employeurs.

Nous intervenons actuellement davantage sur des compléments de formation que sur des requalifications complètes. De tels parcours ne s'achètent pas, mais se construisent. Nous avons besoin de mener ce travail de construction avec Pôle emploi, en cohérence avec notre compétence en matière de développement économique et d'aménagement du territoire. En effet, les demandeurs d'emploi suivent une formation à condition de disposer d'une offre près de chez eux. 80 % des mobilités professionnelles interviennent à l'intérieur d'une région et 80 % des formations suivies en-dessous du niveau IV le sont près du domicile.

M. Claude Jeannerot , président . - S'agissant de la gouvernance, M. Rémi Pauvros, vous nous avez indiqué que le GIP que vous avez mis en place vous semblait constituer, au niveau territorial, une bonne solution. En particulier, vous avez précisé qu'il n'existait qu'un seul directeur pour cet ensemble. Je me demande dès lors comment cette organisation peut fonctionner compte tenu du mode de fonctionnement très pyramidal de Pôle emploi.

M. Rémi Pauvros . - Pôle emploi ne fait pas partie du GIP, mais est membre de son conseil d'administration et travaille en partenariat avec la structure. C'est pourquoi j'ai insisté sur les responsabilités des uns et des autres. Dans le cadre actuel, nous ne pouvons pas aller plus loin.

M. Claude Jeannerot , président . - Une orientation est actuellement prise par le ministre du travail qui consiste à confier aux sous-préfets la responsabilité de l'animation du service public de l'emploi au niveau territorial. Dans cet ensemble, j'aimerais comprendre la place et le rôle qu'il conviendrait de donner aux collectivités locales.

Suite à l'exposé de Mme Marie-Laure Meyer, nous voyons bien qu'il existe un problème de gouvernance à Pôle emploi. Nous avons le sentiment parfois que la fusion entre l'Assedic et l'ANPE n'a pas effacé tous les cloisonnements. Nous devrons également approfondir la problématique de la formation. En effet, la formation et l'emploi doivent donner lieu aux synergies nécessaires. Il s'agit sans doute d'un domaine dans lequel nous aurons à élaborer ensemble des propositions importantes.

Nous avons constaté hier, en région Nord-Pas-de-Calais, qu'il existe des tentatives de réponse aux questions que vous avez posées. En particulier, une plate-forme de formation a été mise en place à l'initiative de la région. Son objectif est d'apporter de la cohérence entre les achats de formations effectués par Pôle emploi et par le conseil régional.

Mme Marie-Laure Meyer . - Le problème est que ce type d'initiative résulte de relations interpersonnelles. Les directeurs régionaux de Pôle emploi ne se trouvent d'ailleurs pas récompensés lorsqu'ils mettent en place de telles actions.

M. Claude Jeannerot , président . - Il serait intéressant que vous nous fassiez connaître vos propositions pour une mise en cohérence des achats de formations. J'ignorais, en outre, que l'évaluation de Pôle emploi s'exerçait surtout sur sa capacité à prescrire les formations qu'il a lui-même achetées. Si tel est le cas, un problème se pose par rapport à la prescription des formations financées par les régions.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - La création de Pôle emploi, qui était une réforme incontournable, présente un certain nombre d'avantages : cette structure propose en effet une offre de service globale, comprenant l'accompagnement et l'indemnisation. Sa création a eu lieu dans un contexte difficile et a sans doute été préparée trop rapidement.

J'estime important aujourd'hui de repérer les expérimentations qui montrent les voies de progrès. Par exemple, hier, comme le président l'a rappelé, nous avons vu travailler en partenariat les services de Pôle emploi et ceux de la région dédiés à la formation. Il semble que tout fonctionne correctement. Peut-être cette réussite ne tient-elle qu'à des relations humaines. J'ai pourtant observé qu'il existait un réel processus de concertation et de gouvernance réunissant tous les acteurs autour de la table.

Par ailleurs, des expériences regroupant maison de l'emploi, Plie, mission locale et même cité des métiers ont été évoquées. Ma propre expérience s'avère complètement différente de celles-ci. Dans mon territoire, région et département ne souhaitent pas s'impliquer dans la maison de l'emploi. Quant au Plie, il s'affaiblit année après année. Cette situation pose des difficultés, aussi bien pour les titulaires du RSA que pour les jeunes éloignés de l'emploi. Le mode d'organisation que vous avez évoqué me parait donc très important. En effet, il permet de coordonner et de réunir tous les partenaires.

Nous pourrions ainsi envisager de créer, aux côtés de Pôle emploi, un dispositif où tous les acteurs se retrouveraient, et qui disposerait d'une vision globale depuis le développement économique jusqu'à l'accompagnement vers l'emploi, en passant par les questions relevant de la formation. Une telle création ne constituerait-elle pas une voie de progrès ? En effet, les collectivités se sentent aujourd'hui marginalisées. Les régions le sont un peu moins, car elles disposent du budget de la formation.

Par ailleurs, j'aurais besoin de comprendre davantage les propos tenus quant au parcours unique. Je conçois qu'il faille rechercher un emploi pour tout le monde. Toutefois, il me semble impossible de traiter chacun de la même manière.

M. Rémi Pauvros . - S'agissant de la responsabilisation des sous-préfets, je tiens à souligner que nous disposons de sous-préfets de très grande qualité. Toutefois, dans le cas d'un arrondissement tel que le mien, qui regroupe 240 000 habitants, je ne vois pas le sous-préfet, avec les moyens qui sont les siens, mener à bien une mission de cette importance. De plus, l'élu du territoire doit s'exprimer. Il en a la légitimité du fait du mandat que lui a confié la population.

S'agissant du parcours unique, certes, nous ne pouvons pas apporter les mêmes réponses à chacun. Toutefois, entre l'insertion sociale et l'insertion professionnelle, il ne peut pas y avoir de rupture. Or, à ce jour, il en existe une dans les textes. Il s'agit de prendre en compte l'individu tel qu'il est. Ainsi, celui-ci peut se trouver confronté à des problèmes de mobilité. Si aucune réponse n'est trouvée à ce problème, tous les stages de qualification professionnelle imaginables ne lui permettront pas de retrouver un emploi. La santé constitue également un frein essentiel au retour à l'emploi sur un territoire tel que le nôtre. Nous devons donc traiter la question dans son ensemble.

Ainsi, quel que soit l'éloignement de l'emploi, il faut pouvoir proposer au demandeur d'emploi un parcours, qui pourra s'avérer plus ou moins long ou difficile. C'est vraiment ce que je retiens de mon expérience de vice-président en charge de l'insertion au conseil général.

M. Claude Jeannerot , président . - Je partage tout à fait votre position. Parmi les bénéficiaires du RSA, une distinction est opérée entre ceux qui ont besoin d'un accompagnement social et ceux qui peuvent être directement accompagnés vers l'emploi. Or, cette vision du monde ne correspond pas à la réalité. En effet, chaque individu nécessite une approche globale.

M. Alain Gournac . - J'ai écouté Mme Marie-Laure Meyer avec beaucoup d'attention. Elle s'est montrée extrêmement précise quant aux différents dysfonctionnements constatés. En revanche, je n'ai pas entendu un seul mot de sa part sur ce qui fonctionne bien. Hier, dans le Nord-Pas-de-Calais, nous avons pu observer des modalités de collaboration efficaces, non seulement à Arras, mais aussi à Villeneuve d'Ascq.

J'aimerais donc que Mme Marie-Laure Meyer nous dise quels sont les points qu'elle estime positifs.

M. André Reichardt . - J'avais compris que nous devions interroger aujourd'hui les collectivités locales sur leurs rôles respectifs dans le fonctionnement du service public de l'emploi. Si vous le permettez, je vais revenir à ce sujet et examiner comment, à l'aune des interventions des uns et des autres, nous pouvons obtenir une réponse à cette question.

Je précise que je suis premier vice-président d'un conseil régional. Il se trouve que celui-ci est de droite. En outre, j'ai été maire pendant près de dix-sept ans. Je suis donc de près ce type de problématiques. Je m'intéresse en priorité aux personnes les plus éloignées de l'emploi.

En revanche, je n'ai jamais été conseiller général. Je regrette d'ailleurs que l'ADF ne soit pas représentée. En effet, le niveau départemental est vraiment concerné par le sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Appartient-il aux communes, dans l'esprit des représentants de l'AMF, de s'occuper de tous les demandeurs d'emploi ? Lors de mon premier mandat de maire, j'ai reçu tous les demandeurs d'emploi de ma commune, qui compte 8 000 habitants. Je ne recommencerai pas. J'estime pour ma part qu'il n'appartient pas aux communes d'assurer ce genre de mission. Il me paraît plus sûr, de la part d'une commune, de s'occuper des personnes les plus éloignées de l'emploi, notamment de celles qui émargent au centre communal d'action sociale (CCAS).

Quant au niveau régional, je m'interroge sur l'affirmation de Mme Marie-Laure Meyer selon laquelle Pôle emploi serait incapable de prescrire des formations.

Mme Marie-Laure Meyer . - J'ai indiqué que nous sommes actuellement contraints d'annuler des formations parce que Pôle emploi ne parvient pas à recevoir les demandeurs d'emploi et à prescrire suffisamment de formations. De plus, Pôle emploi privilégie ses propres places de formations, en vertu des objectifs qui lui sont assignés. Enfin, Pôle emploi est confronté à un problème d'effectifs, les portefeuilles pouvant atteindre plus de deux cents demandeurs d'emploi. Ces chiffres figurent d'ailleurs dans les comptes rendus du conseil d'administration de Pôle emploi.

M. Claude Jeannerot , président . - C'est bien ce que nous avons compris.

M. André Reichardt . - Pourtant, dans ma région, le dispositif fonctionne. Nous avons construit un réel partenariat avec Pôle emploi, grâce auquel de nombreux demandeurs peuvent suivre nos actions de formation. Il convient de définir, dans le cadre d'une démarche partenariale, quelles sont les formations à mettre en oeuvre.

Je rappelle que les régions sont compétentes pour s'occuper des demandeurs d'emploi. Or, certaines s'occupent d'autres personnes que les demandeurs d'emploi. Quand la coordination entre Pôle emploi et les régions ne fonctionne pas bien, c'est peut-être parce que les relations avec la région dépassent les compétences régionales.

L'articulation institutionnelle existante ne convient peut-être pas, mais encore faut-il essayer de la mettre en oeuvre. Or, si les communes veulent placer tout le monde, en se substituant à Pôle emploi, le dispositif ne peut pas fonctionner. Il en est de même si les régions veulent mettre en place des formations à destination de tous les publics.

Mme Valérie Létard . - Nous devons réfléchir à l'intégration de Pôle emploi dans son environnement. Or, en fonction du territoire et des réalités locales, ainsi que des partenaires et des volontés en présence, cet environnement ne présente pas le même potentiel de développement. En tout cas, son organisation et le résultat obtenu ne peuvent pas être les mêmes partout. En effet, les choix politiques et stratégiques des régions, des départements, des communes et de l'Etat, ainsi que la réalité économique et sociologique des territoires, rendent compliquée une analyse uniforme sur l'ensemble du territoire national. C'est ce qui ressort de la richesse de vos témoignages.

M. Rémi Pauvros a évoqué le RSA. Le public bénéficiaire du RSA constitue, dans la région Nord-Pas-de-Calais, une importante réalité. Or, la question récurrente lors de tous nos échanges porte sur l'articulation entre les différents acteurs et sur la capacité à donner de la fluidité à un parcours professionnel. Je partage en outre l'opinion de M. Rémi Pauvros : quel que soit le degré d'éloignement de l'emploi, une prise en charge globale de l'individu avec toutes ses problématiques constitue un préalable à toute action relative à l'emploi.

Par ailleurs, M. Rémi Pauvros a indiqué qu'un bénéficiaire du RSA sur deux n'était pas suivi. Avant la réforme, il existait un guichet unique pour bénéficier du RMI : tout le monde passait par le CCAS, c'est-à-dire par la commune. Ainsi, tous les bénéficiaires étaient connus et recensés dans un seul dispositif. Aujourd'hui, il existe plusieurs guichets d'entrée, notamment les communes, les départements, la caisse d'allocations familiales (Caf). Dès lors, comment disposer d'une vue d'ensemble des bénéficiaires ? Il est pourtant important de disposer d'une connaissance de ce public pour s'assurer que personne ne passe au travers des mailles du filet. Je ne pense pas, en effet, que Pôle emploi, les départements ou d'autres partenaires fassent preuve de mauvaise volonté ou manquent de moyens pour prendre en charge un certain nombre de bénéficiaires du RSA. Toutefois, il peut exister des publics non identifiés. Un croisement des données relatives aux bénéficiaires, avec la confidentialité qui s'impose, s'avère donc nécessaire. Il s'agit d'un élément non négligeable : avant d'affirmer que quelqu'un accomplit mal son travail, il faut vérifier qu'il dispose des bonnes informations en amont.

En fonction des profils, l'accompagnement à apporter sera ensuite de différentes natures. J'aimerais savoir comment la coordination est assurée pour apporter une approche globale aux titulaires du RSA.

S'agissant de l'adéquation entre l'offre et la demande d'emploi, je souhaiterais citer l'exemple de mon territoire, un arrondissement en reconversion industrielle, comprenant 360 000 habitants. En dix ans, nous avons créé 20 000 emplois. Nous disposons d'un solde positif, par rapport à nos actifs, de 8 000 emplois. Le taux de chômage est d'environ 13 %. Ce territoire se caractérise par l'héritage industriel des mines et de la sidérurgie, un public très éloigné de l'emploi, un dispositif très étayé pour accompagner les demandeurs les plus en difficulté, une coordination importante et l'existence de grands chantiers. Un travail par bassin d'emploi et par bassin de vie s'avère en fait nécessaire.

M. Bernard Charles . - S'agissant de l'interpellation concernant les communes, je confirme qu'il ne s'agit en aucune façon de se substituer à Pôle emploi quand celui-ci est présent. Toutefois, dans certaines zones rurales, des maisons de l'emploi, par convention, sont amenées à se substituer à Pôle emploi.

Je préside un quartier qui a conclu un contrat de ville. L'élu local que je suis se trouve en permanence sensibilisé à deux questions : le logement et l'emploi. Ainsi, notre responsabilité ne consiste pas à recevoir chacun, mais à organiser le maximum de cohérence sur le territoire avec l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des acteurs publics, des chambres de commerce et des métiers, du monde économique ou des partenaires sociaux. Il ne faudrait surtout pas perdre cette capacité, ensemble, à innover, à former et à se projeter dans l'avenir.

S'agissant de la formation des demandeurs d'emplois, il est nécessaire d'anticiper. Ainsi, il ne faut pas attendre les difficultés de l'entreprise et le plan social pour préparer les hommes et les femmes, tout au long de leur vie, aux métiers d'aujourd'hui et de demain, et pour leur donner une capacité à rebondir. Les actions préventives doivent être menées parallèlement aux actions curatives.

S'agissant de la question du RSA, l'affirmation par la loi de la dichotomie entre les parcours sociaux et les parcours d'insertion professionnelle, ainsi que les problèmes de financement des conseils généraux, ont conduit au retrait de certains d'entre eux qui s'étaient pourtant montrés très volontaristes en matière d'accompagnement.

M. Claude Jeannerot , président . - Il s'agit d'un point essentiel, sur lequel Mme Valérie Létard a eu raison d'insister. Je propose que nous le reprenions ultérieurement avec les représentants de l'ADF.

M. Bernard Charles . - Quand vous disposez d'outils, tels que les Plie, qui regroupent tous les acteurs dans un comité de pilotage, vous avez la capacité de créer des parcours, et d'éviter des ruptures dans l'accompagnement. Une collectivité dispose d'une légitimité pour assembler, sur un territoire, l'ensemble des énergies et des initiatives.

Mme Marie-Laure Meyer . - Si j'ai pris la peine de venir, à la demande de l'ARF, c'est parce que j'ai considéré que votre mission était importante. Il est vrai qu'en dix minutes je n'ai pas pu parler de ce qui fonctionnait bien, qui ne me semblait pas constituer l'essentiel de l'objectif de votre mission.

Par ailleurs, j'estime que votre mission s'avère d'autant plus importante qu'une loi bien faite ne dépend pas seulement de la bonne volonté des individus. Ainsi, elle doit comporter des points de passage et de cohérence qui obligent les différents acteurs à produire des accords, qu'ils aient ou non envie de travailler ensemble.

La loi sur le RSA a prévu que les régions soient partenaires des pactes territoriaux d'insertion, ce qui se met en place dans toutes les régions au-delà des états d'âme des uns et des autres. En revanche, la réforme de la formation professionnelle de 2009 n'a pas prévu que les contrats de plan régionaux de formation professionnelle (CPRDFP) soient signés par Pôle emploi ni d'ailleurs par les partenaires sociaux.

Nous nous trouvons donc actuellement confrontés à la difficulté suivante. Nous négocions avec l'Etat, à la fois avec le préfet de région et avec l'autorité académique. En revanche, aucune contractualisation ne nous lie, de par la loi, avec les cofinanceurs de formation que sont les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), d'une part, et Pôle emploi, d'autre part. Il manque donc un verrou obligatoire à ce niveau.

Par ailleurs, trois niveaux de cohérence s'avèrent indispensables dans le domaine de l'orientation, de la formation et de l'emploi : une ingénierie de proximité, ou individualisée, c'est-à-dire le suivi des personnes ; une ingénierie de l'offre, qui se situe au niveau régional, et concerne l'offre de formation adaptée aux territoires, en articulation avec les schémas régionaux de développement économique et d'aménagement du territoire ; des outils réglementaires, élaborés au niveau national, qui permettent ensuite une déclinaison dans les différents échelons.

S'agissant de la prescription par Pôle emploi, je vous renvoie à la circulaire du 24 mars de la DGEFP qui donne aux sous-préfets, comme critères d'évaluation des priorités pour l'emploi, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi, ce qui laisse de côté les jeunes qui sont suivis uniquement par les missions locales, et les formations achetées par Pôle emploi.

Ainsi, dans certaines régions où des formations sont cofinancées par Pôle emploi, celui-ci nous demande s'il est possible de trouver d'autres sources de financement, arguant qu'il n'a pas le droit de les compter dans ses résultats et que ses moyens vont dépendre de sa capacité à atteindre le résultat fixé. Or, il s'agit de formations aux métiers du secteur sanitaire et social, qui sont actuellement en grande tension.

S'agissant de ce qui fonctionne bien aujourd'hui, le principe d'un copilotage réalisé par l'Etat et les partenaires sociaux constitue une très bonne idée. Il nous manque toutefois des verrous législatifs, ainsi qu'un pilotage interne à Pôle emploi.

En outre, l'accompagnement vers l'emploi nécessite non seulement un front-office correct, permettant l'accueil des publics dans de bonnes conditions, mais aussi un back-office , des outils et des financements. Or, aujourd'hui, les acteurs de terrain de Pôle emploi se trouvent en situation d'asphyxie.

Un certain nombre d'études ont mis en évidence l'état de souffrance du personnel de Pôle emploi. Toutefois, un jour, nous serons également amenés à examiner les risques psychosociaux encourus par les demandeurs d'emploi eux-mêmes, et induits par la difficulté que ceux-ci éprouvent à être acteurs de leur parcours et à disposer d'interlocuteurs disponibles pour en discuter.

Mme Arlette Arnaud-Landau . - Les régions ont été interpellées quant à leurs compétences. Cependant, il est heureux qu'elles ne s'occupent pas uniquement de la formation des demandeurs d'emploi et qu'elles adaptent leurs moyens dans une logique de complémentarité avec leurs différents partenaires.

M. Claude Jeannerot , président . - Je vais devoir mettre un terme à nos échanges. Si vous souhaitez nous adresser des contributions écrites, en particulier quant à la gouvernance de Pôle emploi et à la territorialisation de son action, celles-ci seront examinées avec attention.

Table ronde des organisations chargées de l'insertion
professionnelle des personnes handicapées
(mercredi 18 mai 2011)

La mission commune d'information auditionne, lors d'une table ronde, les représentants d'organisations chargées de l'insertion professionnelle des personnes handicapées : M. Pierre Blanc, directeur général, et Mme Anne Tourlière, directrice des interventions, de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), MM. Camille Monin, président, et Gilles Lenice, délégué, du réseau national Ohé Prométhée, Jean-Claude Garnier, président de Cap emploi 35, vice-président, et Pascal Michel, délégué général, de l'union nationale pour l'insertion des travailleurs handicapés (Unith).

M. Claude Jeannerot , président . - Nous allons aborder la question des partenariats entre Pôle emploi et les organisations chargées de l'insertion des personnes handicapées. Nous aimerions que vous nous aidiez à mieux comprendre les relations que vous entretenez avec Pôle emploi dans le cadre de la cotraitance, que vous nous indiquiez si les partenariats que vous avez mis en oeuvre vous paraissent satisfaisants et que vous nous fassiez part de vos propositions d'amélioration.

M. Pierre Blanc, directeur général de l'Agefiph . - L'histoire du réseau Cap emploi est ancienne. Ce réseau est piloté, au niveau national, par la DGEFP, Pôle emploi, l'Agefiph et le FIPHFP. Cette même configuration existe également au niveau régional.

La multiplicité des financeurs rend indispensable la coordination de leurs interventions en direction du réseau. Cette coordination prend la forme d'une administration du réseau par l'Agefiph, qui réunit ses propres financements, ceux du FIPHFP et ceux de Pôle emploi.

Les objectifs et les financements sont décidés essentiellement au niveau régional, ceci après une approche nationale. Ce mode de fonctionnement nous amène à signer des conventions avec Pôle emploi. Celles-ci vont bien au-delà de la cotraitance : elles précisent la façon dont le réseau Cap emploi peut mobiliser les aides et les prestations en faveur des demandeurs d'emploi et prévoient aussi la possibilité pour les agents de Pôle emploi de mobiliser les aides que l'Agefiph met à la disposition des entreprises et des personnes handicapées.

La constitution de Pôle emploi s'est traduite, à nos yeux, par un désinvestissement de l'institution en ce qui concerne le placement et la prise en charge des travailleurs handicapés. Ce désengagement n'est certes pas volontaire, mais résulte des priorités données à Pôle emploi par le Gouvernement. La restructuration des services déconcentrés de l'Etat a accentué ce désengagement.

Mme Anne Tourlière, directrice des interventions à l'Agefiph . - S'agissant des montants consacrés au financement du réseau, ils provenaient, en 2010, de l'Agefiph et du FIPHFP, à hauteur de 71,42 millions d'euros, et de Pôle emploi, au titre de la cotraitance, à hauteur de 26 millions d'euros.

M. Camille Monin, président du réseau national Ohé Prométhée . - Tout le monde s'inquiète des difficultés rencontrées aujourd'hui. Celles-ci découlent peut-être du contexte général. Toutefois, à ma connaissance, depuis longtemps, tous les partenaires se montraient d'accord pour travailler sur des objectifs en rapport avec les personnes en situation de handicap.

Le système est devenu très complexe. La multiplicité d'acteurs entraîne des interférences qui peuvent brouiller les messages.

Nous nous apercevons par ailleurs que toutes les personnes handicapées ne sont pas traitées de la même manière en France, alors que cette dimension constituait un point crucial de la loi de 2005. En effet, les moyens mobilisés ne s'avèrent pas uniformes.

Aujourd'hui, les Cap emploi constatent également le désengagement qui a été précédemment évoqué. Celui-ci est notamment financier. Je ne pense pas, cependant, qu'il s'agisse d'un désengagement moral.

Nous devons atteindre, en 2011, des objectifs dont nous avons eu connaissance en novembre 2010. Or nous ne disposons pas, à ce jour, des éléments financiers qui pourraient nous le permettre, ce qui constitue une difficulté majeure. D'une année sur l'autre, les moyens financiers ne sont pas pérennes. Nous avons certes conclu plusieurs conventions. Cependant les partenaires ne sont pas solidaires dans ce système. Or, j'estime impossible de travailler de manière aléatoire sur de tels sujets. Sur le plan pratique, certains aspects nous dérangent beaucoup et entravent notre mission de service public.

Je reconnais qu'il existe également des dimensions positives. Toutefois, je suppose que nous pourrons échanger sur les points à améliorer.

M. Gilles Lenice, délégué du réseau national Ohé Prométhée . - Cette audition se déroule dans un contexte où les Cap emploi ont subi un audit sur lequel ils ont d'ailleurs exprimé un certain nombre de réserves. Par ailleurs, Pôle emploi a décidé unilatéralement de diminuer le nombre des accompagnements confiés à Cap emploi.

M. Claude Jeannerot , président . - Quel est l'audit auquel vous faîtes référence ?

M. Gilles Lenice . - Il s'agit d'un audit prévu par la convention cadre. Il a été confié au cabinet Accenture.

Il est aujourd'hui important que les deux réseaux, Unith et Ohé Prométhée, soient reconnus. Notre volonté est de nous positionner comme partenaires. Il est anormal d'avoir dû écrire au directeur général de Pôle emploi pour être reçus quand nous avons eu vent de la diminution du nombre d'accompagnements. Aucun échange, verbal ou écrit, n'avait eu lieu sur ce sujet avec Pôle emploi, qui savait pourtant manifestement que cette mesure allait produire un effet significatif sur le budget des Cap emploi.

Il s'agit pour nous d'un élément essentiel. Nous sommes là pour faire des propositions. Encore faut-il que nous ne soyons pas sur un strapontin. M. Pierre Blanc a évoqué la coordination qui existe entre financeurs. Toutefois, comme M. Camille Monin l'a souligné, il s'agit uniquement de coordination et non de solidarité entre ceux-ci. Ainsi, lorsque l'un fait défaut, le budget s'en ressent.

M. Jean-Claude Garnier, vice-président de l'Unith . - L'approche des deux réseaux, Ohé Prométhée et Unith s'avère en pleine symbiose. Au niveau de l'Unith, nous représentons soixante-deux Cap emploi.

Dans ce contexte, je complèterai les propos précédents en précisant que notre rôle est défini exclusivement par Pôle emploi et l'Agefiph. La convention dite de cotraitance est ensuite diffusée aux niveaux régional et local et s'applique aux acteurs de terrain, qui sont exclus de son élaboration.

Les chiffres définis au niveau national - 70 000 accompagnements en 2010 et 64 000 en 2011 - font l'objet d'une répartition régionale. A l'intérieur de la région, nous donnons notre avis quant à la répartition du montant régional. Mais à aucun moment nous ne sommes parties prenantes des décisions prises.

Heureusement, sur le terrain, les relations avec les acteurs de Pôle emploi s'avèrent bonnes, voire excellentes. Ceci étant, les uns et les autres travaillent le mieux possible avec les moyens dont ils disposent. Nous aurons ainsi quelques suggestions d'améliorations à apporter.

M. Pascal Michel, délégué général de l'Unith . - Je précise que les conventions qui fixent les règles de cotraitance avec les opérateurs de Cap emploi sont issues d'une convention établie par l'Agefiph et Pôle emploi, mais pas par les autres membres du comité de pilotage national évoqué par M. Pierre Blanc. Si la politique visant à l'insertion professionnelle des personnes handicapées est pilotée et coordonnée par l'Etat, ce n'est toutefois pas le cas de la convention de cotraitance qui régit nos opérations de terrain.

Un autre élément important concerne l'inégalité des chances inhérente à cette convention et aux missions opérationnelles qui nous sont confiées.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - D'une manière générale, je rappelle que nous sommes preneurs de documents écrits qui permettraient de préciser quelques axes d'améliorations. L'échange d'aujourd'hui a d'abord pour vocation de repérer un certain nombre de difficultés.

S'agissant des Cap emploi, vous avez indiqué que l'Unith en rassemble soixante-deux. Où sont les autres ?

M. Camille Monin . - Ohé Prométhée en comprend vingt-cinq.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - D'après ce que j'ai compris, le dialogue entre ces deux réseaux fonctionne bien. En revanche, il semble que la communication avec l'Agefiph et Pôle emploi, notamment quant aux difficultés rencontrées et aux besoins exprimés, soit moins facile. Comment l'améliorer ? A quel niveau doit-elle avoir lieu ? Pour sa part, Pôle emploi est organisé au niveau régional. Comment voyez-vous le dialogue entre les associations de terrain et le niveau national qui définit les moyens qui sont ensuite redistribués ?

Par ailleurs, quels sont les services et prestations spécifiques que vous proposez aux demandeurs d'emploi handicapés ? Aucun d'entre vous n'a abordé cette question pourtant importante.

Mme Jacqueline Alquier . - Observez-vous un impact de la diminution des moyens sur la demande de participation des entreprises ou des collectivités qui ne remplissent pas leurs obligations en matière d'emploi des personnes handicapées ?

Quelles sont vos propositions d'amélioration ?

Mme Annie David, vice-présidente, prend la présidence de la réunion .

Mme Annie David , présidente . - Vous évoquez un désengagement. Nous avons compris qu'il se traduisait par une diminution du nombre d'accompagnements prévus par la convention de cotraitance. Comment ce désengagement se concrétise-t-il sur le terrain ? Rencontrez-vous des difficultés pour permettre à des salariés handicapés de retrouver du travail du fait de leur propre situation ou du fait que certains employeurs restent réticents à embaucher des personnes handicapées, malgré les obligations qui leur incombent ?

Par ailleurs, vous nous disiez que la convention était élaborée sans vous. Une association à l'élaboration de cette convention fait-elle partie des propositions d'amélioration que vous souhaitez nous soumettre ? Pensez-vous que, le cas échéant, cette solution vous permettrait de réaliser un plus grand nombre d'accompagnements ? Ne pensez-vous pas, au contraire, que la diminution du nombre d'accompagnements résulte d'un problème financier ?

M. Pascal Michel . - Il me semble que les observations déjà formulées permettent d'envisager l'architecture de la convention de cotraitance. Celle-ci, signée par l'Agefiph, la FIPHFP et Pôle emploi a une déclinaison régionale. Ensuite, les conventions passées avec nos structures constituent des conventions subsidiaires.

En termes d'intervenants, le principal absent de l'élaboration et de la signature de la convention est l'Etat. La Cour des comptes en a fait d'ailleurs l'observation. Il serait cohérent que l'Etat siège au sein du comité de pilotage, aux côtés de l'Agefiph, du FIPHFP et de Pôle emploi.

Aujourd'hui, le manque de circulation de l'information découle de l'absence de schémas cohérents et de l'existence d'une certaine étanchéité. C'est pourquoi les capacités d'intervention des uns ne sont pas toujours maillées avec celles des autres. Il nous est difficile, dès lors, de mettre en oeuvre les réponses les plus adéquates.

Par exemple, la politique des contrats aidés est décidée et mise en place par les préfets de région. Il s'avère que, d'une région à l'autre, les personnes handicapées ne sont pas toujours considérées comme un public prioritaire. En tant qu'opérateurs intervenant principalement au niveau des départements, il nous est difficile de déchiffrer la complexité de la politique de l'emploi en général.

Par ailleurs, Pôle emploi, aujourd'hui, mène une politique de sous-traitance et une politique de cotraitance. La première concerne les opérateurs privés de placement (OPP). Les cotraitants sont des organismes spécialisés qui s'adressent à des publics subissant une discrimination d'accès à l'emploi, à savoir les personnes handicapées et les jeunes. La création d'organismes tels que les Cap emploi constitue une réponse politique à cette question.

Nos organisations sont subventionnées. Elles apportent donc une réponse durable, ceci pour la durée de la convention, qui est de trois ans. De plus, dans le cadre de leur mission de service public, leurs interventions sont gratuites. En outre, un accompagnement individualisé de la personne et de l'entreprise est mené jusqu'à l'obtention des réponses attendues par chacune de ces deux parties. Enfin, elles disposent d'un ancrage local pluridisciplinaire.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Des complémentarités n'ont-elles pas pu être définies entre les démarches de sous-traitance et de cotraitance ?

M. Pascal Michel . - Notre originalité réside notamment dans notre capacité à agir dans la durée et à réagir à l'évolution de la situation des travailleurs handicapés. Nous travaillons chaque jour avec les sous-traitants de Pôle emploi qui sont nos partenaires. Nos organisations peuvent accompagner les personnes qui ont des parcours discontinus : accès à l'emploi, rupture, formation, travail avec un OPP... A ce dernier est demandé un travail à court terme alors que nous devons accompagner le demandeur jusqu'à l'emploi. Ce sont également nos objectifs qui nous différencient des OPP.

M. Gilles Lenice . - Cette spécificité s'avère importante dans la durée. En effet, 35 % des placements réalisés au premier trimestre concernent des personnes dont le parcours est d'une durée supérieure à dix-huit mois. Nous constatons en effet un allongement de la durée du parcours d'insertion. Une intervention si longue ne peut être confiée à un OPP.

Par ailleurs, la connaissance des acteurs, des dispositifs et des outils mis en place nous permet d'apporter une réponse adaptée aux différents parcours du public.

Nos deux réseaux réalisent en outre un très gros effort de professionnalisation de leurs équipes.

M. Jean-Claude Garnier . - Au niveau du réseau Cap emploi, en 2010, les résultats obtenus en matière de placement s'avèrent largement supérieurs aux objectifs fixés. Et les chiffres du premier trimestre 2011 montrent une forte progression par rapport au premier trimestre 2010.

M. Pierre Blanc . - Quand l'Agefiph fait référence à un désengagement, elle parle fondamentalement du nombre de personnes placées par Pôle emploi comparativement au nombre de placements réalisés par le réseau Cap emploi. Aujourd'hui, en France, il est heureux que celui-ci soit présent. Quand l'ANPE existait, elle réalisait environ 15 % de placements de plus que le réseau Cap emploi. En revanche, depuis la création de Pôle emploi, ce rapport s'est inversé. La loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées indique clairement que les personnes handicapées doivent bénéficier en priorité des services de droit commun. Or, les partenaires sociaux et les associations qui gèrent l'Agefiph considèrent que la tendance observée est contraire à l'esprit de la loi. Il existe donc des risques de dérapages structurels.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - N'avez-vous pas également l'impression que l'existence de Cap emploi encourage Pôle emploi à se décharger sur ce réseau d'une partie de son activité ?

M. Pierre Blanc . - Bien sûr. Quand l'Agefiph évoque un désengagement, il s'agit d'un désengagement quantitatif sur l'effort de placement. En théorie, Pôle emploi accompagne les deux tiers des travailleurs handicapés, et le réseau Cap emploi l'autre tiers.

Les représentants du réseau Cap emploi ont insisté sur l'existence d'un désengagement conjoncturel, lié à l'exercice 2011, pour lequel Pôle emploi a réduit ses financements en direction du réseau Cap emploi. Cette diminution est consécutive au vote du budget de Pôle emploi, sur lequel l'Etat a opéré une réduction drastique. En outre, les partenaires sociaux, cofinanceurs aux deux tiers, n'ont pas joué la carte de la solidarité.

S'agissant de l'équité, l'Agefiph tient des indicateurs d'équité de traitement territoriaux. Sur cette base, il est possible de négocier avec les délégués régionaux. Chaque région est comparée à la moyenne nationale. Au niveau régional, nos structures participent à des comités de concertation. Nous observons que c'est du côté de Pôle emploi que le nombre de placements a diminué.

La convention tripartite Unedic-Etat-Pôle emploi doit donc redonner une priorité forte à Pôle emploi sur l'accueil et le placement des personnes handicapées, avec une exigence de résultats. Il faut dès lors que Pôle emploi améliore l'identification des travailleurs handicapés dans son système d'information.

M. Pascal Michel . - Je souhaite réagir aux propositions de M. Pierre Blanc. Je rappelle qu'en tant qu'opérateurs nous observons les échanges entre l'Agefiph, le FIPHFP et Pôle emploi concernant la cotraitance que nous sommes amenés à assurer. En 2009, c'est Pôle emploi qui a proposé à l'Agefiph de modifier le volume d'accompagnement à la hausse. M. Christian Charpy assure que cette dernière aurait refusé. Nous ignorons toutefois ce qui se passe à ce niveau, comme nous ignorons ce qui a présidé à la répartition des accompagnements entre Pôle emploi et les Cap emploi.

L'inégalité des chances découle d'ailleurs de ce problème. Par ailleurs, les outils développés par les deux fonds s'avèrent peu ou pas utilisés par Pôle emploi. En outre, si les Cap emploi accompagnent un tiers des demandeurs d'emploi et réalisent plus de 50 % des placements dans l'année, ils utilisent 80 % des aides de l'Agefiph.

M. Pierre Blanc . - Je vais rester centré sur les relations avec Pôle emploi. Il nous semble nécessaire de nous interroger sur la capacité de Pôle emploi à accueillir et orienter les personnes handicapées vers les dispositifs Cap emploi, même si des référents ont été nommés. Il existe une différence sensible avec les missions locales, pour lesquelles il existe un critère d'âge : le handicap est en effet multifactoriel. La répartition des publics s'avère dès lors beaucoup plus complexe.

Par ailleurs, il est inacceptable, alors qu'un décret le prévoie, que la DGEFP ne publie pas la circulaire permettant au réseau Cap emploi de prescrire des contrats aidés.

Mme Annie David , présidente . - Je vous remercie pour ces échanges et vous invite à remettre d'éventuels documents écrits.

Table ronde avec les représentants d'opérateurs privés de placement
(mardi 24 mai 2011)

La mission commune d'information auditionne, lors d'une table ronde , MM. Pierre Beretti, président-directeur général d'Altédia, Pierre Ferracci, président, et Mme Estelle Sauvat, directrice générale de Sodie, Mme Martine Gomez, directrice, déléguée du président en charge des relations avec la profession et les institutions, médiateur Emploi Responsable à Manpower France, M. Patrick Oger, directeur de Manpower Egalité des chances, Mme Bénédicte Guesné, directrice France d'Ingeus, MM. Nabil Bellaafar, directeur des opérations d'Ingeus, et Patrick Monbrun, directeur général de VAR (Valorisation Accompagnement et Reclassement), filiale du groupe Randstad France.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi les représentants de cinq opérateurs privés de placement.

Les entreprises représentées ont toutes travaillé avec Pôle emploi dans le cadre d'une relation de sous-traitance. Le recours à des entreprises privées par Pôle emploi ayant fait débat, il est intéressant de recevoir leurs représentants, qui sont à même de nous expliquer les modalités du suivi des demandeurs d'emploi qui leur sont adressés par Pôle emploi. Nous souhaiterions connaître vos méthodes en matière d'accompagnement, vos résultats en termes de placement des demandeurs d'emploi et la manière dont ils sont mesurés.

De l'extérieur, le recours à la sous-traitance par Pôle emploi apparaît erratique ; il semble varier en fonction des moyens mis à disposition de l'opérateur public. De ce fait, il serait instructif de connaître l'opinion des opérateurs privés sur ce partenariat. Est-il encore aléatoire ? Faudrait-il passer à une nouvelle forme d'organisation ?

Je propose de vous laisser la parole, à tour de rôle, pour une première intervention, ce qui vous laissera le loisir de répondre aux questions qui vous ont été adressées par notre rapporteur, M. Jean-Paul Alduy. Ensuite, vous pourrez échanger avec les sénateurs ici présents pour approfondir certains points.

M. Pierre Beretti, président-directeur général d'Altédia . - Merci de nous recevoir afin que nous puissions échanger sur un sujet aussi important.

En 2010, Altédia a réalisé un peu plus de 90 millions d'euros de chiffre d'affaires et employé environ sept cents consultants, dans plus de soixante bureaux répartis dans toute la France. Cette assise géographique étendue est cruciale pour notre coeur de métier, qui est l'accompagnement de demandeurs d'emploi. Au cours des trois dernières années, nous avons accompagné, en moyenne, 22 000 personnes et collecté plus de 50 000 offres d'emploi dans tous les secteurs d'activités, à 90 % dans le secteur privé.

Altédia accompagne des candidats vers l'emploi depuis plus de trente ans. Nos outils, nos méthodes et nos procédures font partie de notre savoir-faire et de nos compétences spécifiques. De ce fait, ils sont entourés d'une certaine confidentialité. Je ne pourrai donc pas les partager dans leur intégralité avec vous aujourd'hui, même si le voile pourra être levé sur certains points.

Je dirais que nous avons une très forte complémentarité avec Pôle emploi. Altédia connaît très bien les entreprises ainsi que les bassins d'emploi dans la mesure où ses consultants sont établis dans toute la France.

Concernant nos relations avec le secteur public, nous avons opéré dans le cadre de deux grands contrats. Le premier, couvrant la période 2005-2010, avait été signé avec l'Unedic. Dans le cadre de celui-ci, Altédia avait pris en charge plus de 8 000 personnes dans trois régions.

Le deuxième contrat est celui conclu avec Pôle emploi, qui nous a attribué cinq lots dans cinq régions différentes. Nous avons déjà accompagné 10 500 personnes et nous devrions en accompagner encore quelques milliers. A ce stade, environ 54 % des personnes prises en charges ont été reclassées, en tenant compte des critères de reclassement établis par Pôle emploi. Si l'on tient compte de toutes les formes de placement dans l'emploi, c'est-à-dire aussi bien les CDD d'une durée inférieure à six mois que le travail à mi-temps, Altédia atteint un taux moyen de reclassement de 70 %.

Nous sommes très satisfaits de notre travail pour Pôle emploi qui représente 8 % de notre chiffre d'affaires. Celui-ci fait donc partie de notre portefeuille d'activités sans en être un point essentiel. Il constitue cependant pour nous une expérience importante. Nous en tirons cinq suggestions pour le futur :

- une simplification des dispositifs actuels (convention de reclassement personnalisé, contrat de transition professionnelle...) devrait être envisagée, en ayant l'objectif de créer des dispositifs incitatifs pour les candidats, sur des durées raisonnables, de l'ordre de douze mois, à adapter en fonction des publics. La poursuite de l'accompagnement une fois que les personnes sont dans l'emploi nous semble également importante. En maintenant l'accompagnement après la reprise d'activité, le taux de maintien dans l'emploi dépasse les 80 % ;

- la recherche d'emploi ne devrait pas exclure les CDD de moins de six mois et le travail temporaire ;

- il serait nécessaire d'adapter les dispositifs aux différents publics. Pour certains demandeurs d'emploi, il est crucial de mobiliser des consultants beaucoup plus performants et de consacrer plus de temps à leur suivi ;

- un accompagnement à l'issue d'une formation longue devrait être prévu, quand celle-ci est identifiée comme étant la solution la plus adaptée ;

- un dernier point est l'adéquation entre le nombre d'accompagnements et les ressources mises en place, c'est-à-dire le nombre de consultants et de locaux mobilisés pour accueillir les candidats. Ce sont en effet ces éléments qui conditionnent la qualité et l'efficacité de l'accompagnement.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Pouvez-vous apporter plus de précisions sur le dernier point que vous venez d'évoquer ?

M. Pierre Beretti . - Quand on nous propose de suivre quelques centaines ou quelques dizaines de personnes, nous mobilisons un certain niveau de ressources, que ce soit en termes de consultants ou de locaux. Cependant, si les objectifs de volumes ne sont pas remplis, l'amortissement des coûts fixes, qui nécessite au minimum une trentaine de candidats par consultant et plusieurs consultants par bureau, n'est plus garanti.

La définition du volume minimal nécessaire dépend du bassin d'emploi et du profil des personnes accompagnées, selon la facilité ou la difficulté de leur reclassement. Les candidats n'étant pas mobiles dans la majorité des cas, la reconversion nécessite un travail important quand le bassin d'emploi n'offre pas d'opportunités correspondant aux compétences des personnes accompagnées.

M. Pierre Ferracci , président de Sodie . - Dans le cadre du dernier contrat signé avec Pôle emploi, Sodie s'est occupé de 44 000 demandeurs d'emploi au cours des deux années écoulées, avec un taux de reclassement de 55 %. Nous étions également intervenus dans le cadre d'un contrat avec l'Unedic en 2007, pour environ 6 000 demandeurs d'emploi, mais cette intervention relevait à mon avis d'une logique légèrement différente concernant la relation aux opérateurs privés.

Sodie essaye d'inscrire dans la durée sa relation avec Pôle emploi, ce qui est difficile compte tenu de la conjoncture mouvante et des contraintes budgétaires de l'opérateur public. En effet, cette situation rend difficile le suivi de nos modèles économiques qui sont compliqués. En jouant la carte du partenariat de longue durée et de la complémentarité, il est possible d'améliorer la relation entre les opérateurs privés et Pôle emploi. Aujourd'hui, il me semble que cette logique n'est pas présente, non par manque de volonté des parties, mais du fait des contraintes que j'ai évoquées.

Le premier point que je voudrais souligner concerne l'amélioration de l'efficacité du partenariat. En effet, par rapport à notre partenariat avec l'Unedic, notre liberté dans le choix des moyens à mettre en oeuvre a disparu. Le contrat avec l'Unedic était très contraignant en termes de résultats, avec deux tiers de la rémunération établie sur une base variable. La part de la rémunération variable, fixée à 50 %, est restée forte dans le cadre du partenariat avec Pôle emploi, mais l'obligation de moyens est beaucoup plus strictement définie. Ce changement est peut-être dû à la fusion de l'ANPE et des Assedic qui a donné lieu à une synthèse peu satisfaisante. Quoi qu'il en soit, cette approche rend les choses plus difficiles pour les opérateurs privés, qui exercent pourtant ce métier depuis de nombreuses années avec des entreprises privées et qui ont appliqué une partie de leurs méthodes au secteur public. Tout en renforçant l'obligation de résultat, il devrait être possible d'accorder aux opérateurs privés une plus grande maîtrise des moyens mis en oeuvre.

Il se trouve également que, dans le cadre de l'appel d'offres réalisé en 2009, nous avons récolté beaucoup de lots « Licenciement économique », par opposition aux lots « Trajectoire », du fait de la conjoncture. Or, la carte des restructurations, qui a été établie par Pôle emploi au premier semestre de 2009, a beaucoup évolué depuis cette date. En effet, les plans sociaux sont devenus moins nombreux, du fait de la montée en puissance des ruptures conventionnelles et des plans de départs volontaires dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). Cela pose un problème dans la mesure où le cahier des charges de l'appel d'offres nous impose des implantations géographiques extrêmement rigides. Ceci rend difficile le maintien de l'équilibre de notre modèle économique face aux transformations de l'environnement social, d'autant plus que ce manque de souplesse s'associe à des prix qui sont fortement tirés vers le bas et auxquels il faut également s'adapter.

De même, les modalités de rémunération pourraient évoluer en fonction des objectifs politiques qui sont assignés à Pôle emploi par la puissance publique. Au moment de la crise, le lien entre la formation des demandeurs d'emploi et l'emploi a été très souvent évoqué. Or le cadre administratif qui nous amène à traiter ces questions de formation est extrêmement rigide et peu incitatif. Les opérateurs ne sont donc pas encouragés à placer les demandeurs d'emploi dans des formations, car les contraintes imposées par l'administration rendent le processus plus difficile à maîtriser. Une solution pourrait être la simplification des relations entre les opérateurs privés et les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Aujourd'hui, ces relations existent mais par le biais d'un détour un peu compliqué passant par Pôle emploi, qui conduit parfois à perdre le fil de la demande de formation. Tous les demandeurs d'emploi ne doivent pas nécessairement suivre des formations, mais pour ceux qui en ont besoin, que ce soit sur une durée plus ou moins longue, le système actuel ne me semble pas adapté.

Les ratios utilisés devraient également être plus souples et varier en fonction de la population, du bassin d'emploi et du secteur d'activité. Aujourd'hui, les ratios sont de trente personnes suivies par consultant pour les contrats de transition professionnelle (CTP) et de cinquante personnes par consultant pour la convention de reclassement personnalisé (CRP). Quand des comparaisons sont faites entre Pôle emploi et les opérateurs privés, il arrive souvent que l'on aboutisse à la conclusion que ces derniers ne sont pas plus efficaces que l'opérateur public. Or, dans le même temps, les taux d'encadrement de Pôle emploi sont décrits comme étant inadaptés à l'afflux de demandeurs d'emploi pendant la crise. Cela démontre la relativité des ratios entre nombre de consultants et nombre de demandeurs d'emploi. Sur ce point, il faudrait laisser plus de marge de manoeuvre aux opérateurs, qu'ils soient publics ou privés. En effet, les expériences étrangères le prouvent, le nombre adéquat de demandeurs d'emploi par consultant peut varier selon les situations.

Concernant Pôle emploi, je pense qu'une plus grande liberté devrait être accordée aux unités opérationnelles tandis que le rôle du service achats devrait être réduit. La logique dominante semble aujourd'hui se baser sur le seul critère du prix pour le choix et l'évaluation des opérateurs privés. C'est en effet un indicateur utile, surtout en cette période de contraintes pesant sur les finances publiques. Cependant, si la relation entre public et privé doit s'inscrire dans la durée, le critère du prix doit être relativisé. Des comparaisons avec les pratiques étrangères pourraient encore une fois se révéler utiles.

Mme Martine Gomez, directrice, déléguée du président en charge des relations avec la profession et les institutions, médiateur Emploi Responsable à Manpower France . - Nos relations avec Pôle emploi dans le cadre d'un appel d'offres sont récentes, mais Manpower avait déjà noué, depuis 2003, des partenariats au niveau régional avec l'opérateur public dans le cadre de nos activités de travail temporaire.

Concernant le partenariat établi dans le cadre de l'appel d'offres, l'expérience de Manpower rejoint ce qui a été dit précédemment par les autres intervenants. Il y a des voies de progrès à explorer afin que les relations futures se passent mieux.

Le premier point serait d'assurer au prestataire les flux prévus dans l'appel d'offres. Dans le cas de Manpower, il était prévu que 70 000 demandeurs d'emploi nous seraient confiés. Les ressources nécessaires ont été mobilisées et des locaux ont été aménagés. Or, en fin de compte, nous n'avons suivi que 42 000 personnes. Une absence de planification des flux a également été constatée : nous pouvions recevoir cinq cents personnes une semaine et deux seulement la semaine suivante. Un travail est à mener sur ce point.

De plus, nous avons été très encadrés en ce qui concerne nos modalités d'organisation alors que nous sommes des professionnels de l'accompagnement. Nous n'avions pas le choix de mettre en place nos propres méthodes alors que nous étions évalués sur les résultats obtenus. Ainsi, au moment de répondre à l'appel d'offres, nous devions fournir les curriculum vitae des consultants qui allaient être affectés à cette activité alors que nous ne savions pas encore si nous serions retenus. Et l'aspect administratif était extrêmement lourd à gérer.

Le choix d'une structure de prix unique a également été une pierre d'achoppement. Des prix progressifs ou dégressifs en fonction de l'accompagnement proposé auraient peut-être été plus intéressants. De plus, nous avons rencontré des difficultés dans l'accès aux formations et aux aides de Pôle emploi. Les circuits pour y parvenir sont très complexes et les critères d'éligibilité des salariés peu adaptés. Par exemple, seul un contrat de travail d'une durée d'au moins six mois pouvait être pris en compte, alors que ce n'était pas le cas de douze contrats répartis sur un an de travail.

Je pense qu'il faudrait travailler sur la complémentarité entre Manpower et Pôle emploi. Jusqu'à présent, nous avons pu ressentir une certaine concurrence. Au niveau régional, la coopération est assez satisfaisante. Cependant, par comparaison avec les relations qui existaient hors appel d'offres, où seuls les principes étaient fixés, laissant aux directions régionales le soin de définir les moyens et les plans d'actions, la coopération actuelle est enfermée dans un carcan trop rigide et contraignant. Cet aspect mis à part, le partenariat a relativement bien fonctionné, si l'on tient compte du contexte de crise économique sans précédent et de la fusion de l'ANPE et des Assedic.

M. Patrick Oger, directeur de Manpower Egalité des Chances . - Il serait dommage de ne pas continuer car, malgré tout, Manpower a accueilli 42 000 demandeurs d'emploi avec un taux de placement de 56 %. En ce qui me concerne, j'ai rejoint Manpower Egalité des chances, filiale de Manpower, il y a un an, donc après le lancement de l'appel d'offres. Je suis d'accord avec beaucoup de remarques qui ont été faites. Cependant, malgré un contexte difficile pour les uns et les autres, un véritable partenariat a été tissé à travers l'exécution de ce marché. Nous avions remporté huit lots, ce qui n'est pas rien, compte tenu du fait que c'était une première pour Manpower et pour Pôle emploi. Or la qualité du service rendu dans les différentes régions a été appréciée.

Cependant, le cahier des charges extrêmement rigide, en particulier sur le lieu d'exécution, a rendu la tâche plus difficile en sus d'un contexte déjà compliqué. De plus, l'exigence de mise en place de moyens importants n'était pas assortie d'une garantie en termes de flux. Nous avons reçu moitié moins de personnes à accompagner que ce qui était prévu originellement. Or nous avons investi pour nous structurer en fonction du volume annoncé, ce qui pose un problème par rapport à l'équilibre de notre modèle économique. Il faudrait que Pôle emploi laisse plus de flexibilité aux opérateurs qui ont un vrai savoir-faire et des capacités opérationnelles.

Dans le cadre de son contrat avec Pôle emploi, Manpower Egalité des chances est intervenu uniquement sur le marché « Trajectoire », qui représente aujourd'hui 90 % de notre chiffre d'affaires. De ce fait, Manpower est très investi dans ce partenariat et souhaite le voir évoluer en capitalisant sur l'expérience acquise. La perception des opérateurs privés par les collaborateurs de Pôle emploi a certainement évolué positivement. L'accompagnement que nous proposons est reconnu et apprécié du fait des liens tissés au quotidien et il serait dommage de ne pas en tirer profit.

Mme Bénédicte Guesné, directrice France d'Ingeus . - Je vais commencer avec quelques chiffres sur Ingeus. Notre entreprise compte 170 collaborateurs, dont 130 conseillers, et possède vingt-quatre implantations au niveau national. En 2010, notre chiffre d'affaires a atteint 23,7 millions d'euros. Depuis le démarrage de nos activités en France, début 2005, Pôle emploi a représenté près de la moitié de notre chiffre d'affaires. C'est donc un partenariat qui a vocation à se poursuivre et à se développer.

Fin 2004, notre société s'est vue confier par l'Unedic et l'ANPE la mise en place d'un programme pilote de deux ans destiné à tester de nouvelles méthodes d'accompagnement vers l'emploi pour des personnes exposées à un risque élevé de chômage de longue durée. Nous avons accompagné 6 100 demandeurs d'emploi dans le cadre de ce dispositif. Le bilan a été très positif, avec un taux de retour à l'emploi de 77 %, ce qui a conduit à un renouvellement et à un élargissement du programme en 2006, toujours pour le compte de l'Unedic. Nous avons ainsi pu accompagner 15 500 personnes supplémentaires.

En 2010, Ingeus, en groupement avec VAR, a remporté 44 % du marché « Atouts Cadres » passé par Pôle emploi pour accompagner, au maximum, 30 000 cadres demandeurs d'emploi dans trois régions. Dans ce contrat, aucun objectif de placement n'est exprimé. Toutefois, pour les cadres au chômage depuis plus de douze mois et ayant en majorité plus de 50 ans, un objectif est fixé de reprise d'activité durable dans le cadre d'un CDI, d'un CDD de plus de six mois à temps plein ou par la création d'une entreprise hors statut auto-entrepreneur. Le lancement de ce programme a été très convaincant puisque seulement huit mois après son démarrage, près d'un cadre sur trois en fin d'accompagnement a accédé à une forme d'emploi durable, majoritairement en CDI. Dans certains lots en Ile-de-France, ce ratio atteint même un cadre sur deux.

Aujourd'hui, six ans après notre implantation, nous avons accompagné 42 000 demandeurs d'emploi appartenant essentiellement à des publics rencontrant des freins importants à la reprise d'activité, voire, pour certains, une exclusion du marché du travail, à l'instar des chômeurs de très longue durée, des seniors, des jeunes sans qualifications habitant dans des zones urbaines sensibles, des travailleurs en situation de handicap ou encore des titulaires du RSA. En effet, en plus de notre partenariat avec Pôle emploi, nous travaillons avec des collectivités territoriales, des conseils généraux, des maisons de l'emploi, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ou encore avec l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph).

Vous avez posé en introduction, Monsieur le président, la question de savoir en quoi l'offre des opérateurs privés se différencie de celle de Pôle emploi. Je suis d'accord avec les intervenants précédents pour défendre l'idée qu'il existe une véritable complémentarité. Pôle emploi est dans une logique de traitement de volumes, surtout compte tenu du taux de chômage qui est particulièrement élevé depuis mi-2008, alors que les opérateurs privés spécialisés interviennent en appui complémentaire pour des publics en grande difficulté ou pour des prestations ad hoc comme des diagnostics d'employabilité ou l'élaboration de projets professionnels. Nous déployons des méthodes adaptées aux besoins particuliers des demandeurs d'emploi qui nécessitent un suivi régulier, personnalisé, intensif et sur-mesure. Chaque personne que nous accompagnons est assignée à un consultant précis, ce dernier disposant d'un portefeuille limité à un maximum de cinquante candidats. Les demandeurs d'emploi que nous accompagnons bénéficient d'un entretien individuel en face à face chaque semaine sur toute la durée du contrat.

Depuis la création de Pôle emploi, nous avons remarqué un changement dans les prestations commandées, qui sont aujourd'hui beaucoup plus orientées vers les moyens, avec un cahier des charges très strict et une prestation qui est décrite dans le détail. Le risque est de standardiser l'offre, en ne laissant que peu de place au sur-mesure et à l'innovation. Nous avons l'impression que nous sommes à présent davantage vus comme des sous-traitants que comme des partenaires.

Pôle emploi vient d'annoncer qu'une nouvelle vague d'appels d'offres de grande ampleur allait être lancée au mois de juin. Ces appels d'offres exigent d'importants investissements de la part des opérateurs, mais nous avons pu constater que les volumes et les budgets annoncés par Pôle emploi ne sont pas garantis et ne sont pas souvent respectés. Cette situation ne permet pas de rentabiliser de manière sûre nos investissements. Pour prendre l'exemple de l'engagement d'Ingeus sur le programme « Atouts Cadres », le cahier des charges exigeait que nous mettions à disposition des moyens logistiques et des locaux afin d'accueillir, au maximum, 30 000 candidats. Aujourd'hui, huit mois après le début du programme, le flux d'orientation mensuel s'est stabilisé au minimum du marché, après un démarrage très fort sur les trois ou quatre premiers mois. Au final, Ingeus pourrait ne traiter au total qu'un marché de 15 000 cadres. Cependant, toutes les directions régionales nous confirment que les candidats additionnels attendus existent au sein des portefeuilles de Pôle emploi et qu'il suffirait de les orienter vers le privé.

Une autre difficulté réside dans la durée des marchés, qui est très courte, entre vingt-deux et vingt-quatre mois, et dans l'instabilité des flux qui ne permettent pas un retour sur investissement pour la collectivité. Ces éléments ont pour conséquence la précarisation croissante des employés des opérateurs privés. Conjuguée à la pression accrue sur les prix déjà évoquée, cette situation pourrait amener à une baisse de qualité de nos prestations.

Enfin, je confirme que les tâches administratives imposées par le cahier des charges à nos conseillers sont de plus en plus lourdes, au détriment de notre coeur de métier, c'est-à-dire le placement des demandeurs d'emploi en difficulté.

Par rapport à cette situation, Ingeus a développé trois préconisations majeures :

- une meilleure exploitation de la valeur ajoutée que représente le recours à des opérateurs privés serait possible en nous laissant une plus grande capacité d'initiatives dans l'accompagnement. Une idée serait de nous laisser prescrire des formations, ce que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui ;

- l'utilisation de l'argent public peut être optimisée, tout en obtenant un meilleur retour sur investissement pour la collectivité, en améliorant la procédure d'achat de Pôle emploi, c'est-à-dire en garantissant les flux prévus et en lançant des appels d'offres pour une durée plus longue ;

- l'élaboration d'une véritable politique d'évaluation permettrait de piloter les opérateurs privés par la performance. Indexer la rémunération sur les résultats plutôt que sur la prise en charge favoriserait la sélection des prestataires les plus efficaces et donc une meilleure utilisation de l'argent public investi. Aujourd'hui, 50 % de la rémunération est liée au retour vers l'emploi durable et au maintien dans l'emploi plus de six mois.

M. Patrick Monbrun directeur général de VAR, filiale du groupe Randstad France . - Je représente la société VAR (Valorisation Accompagnement et Reclassement), qui a été créée en 2006 et a accompagné, à ce jour, 34 000 demandeurs d'emploi. Nous sommes intervenus sur les marchés « Trajectoire », « Licenciement économique » et plus récemment avec Ingeus sur le marché « Atouts Cadres ».

Concernant les méthodes d'accompagnement, il semblerait qu'il soit assez compliqué de se différencier des autres opérateurs dans la mesure où Pôle emploi impose une approche très stricte dans son cahier des charges. La seule différence devient le taux de placement.

Nous avons constaté une inadéquation entre les tarifs pratiqués par Pôle emploi et les coûts que nous devons supporter. La gestion des flux pose particulièrement problème car d'un mois sur l'autre il est impossible d'estimer le nombre de demandeurs emploi à prendre en charge. Cette situation entraîne une grande précarité pour nos personnels. De même, le nombre total de personnes à prendre en charge est inconnu. Alors que nous investissons à hauteur des estimations médianes qui nous sont transmises par Pôle emploi, force est de constater que, dans pratiquement tous les cas, les volumes atteignent à peine les minima, voire n'y parviennent pas du tout. Pour atteindre les volumes minimaux annoncés, il arrive que Pôle emploi redirige vers VAR des publics qualifiés de « publics élargis », c'est-à-dire non conformes au cahier des charges.

Concernant les modes de rémunération, VAR est favorable à des rémunérations plus incitatives, basées sur le taux de placement constaté, de manière à libérer les opérateurs privés des lourdeurs administratives et à leur rendre une autonomie permettant une plus grande créativité. Au cours des divers comités de pilotage auxquels j'ai participé, j'ai rarement entendu parler de placement. Les discussions étaient plutôt centrées sur la question de savoir si tel tampon administratif était correctement placé ou si telle signature était bien apposée. A mon avis, il faut revenir à l'objectif premier, qui est le placement des demandeurs d'emploi.

M. Claude Jeannerot , président . - Je vous propose maintenant de poursuivre en invitant mes collègues à vous poser les questions suscitées par vos présentations. Avant de laisser M. Jean-Paul Alduy prendre le relais, je voudrais revenir sur la question des critères de choix des opérateurs privés. Si j'ai bien compris les propos de Mme Bénédicte Guesné, les cahiers des charges de Pôle emploi traduisent déjà une volonté de piloter par la performance mais il faudrait aller plus loin. Cependant, cela me semble contradictoire avec le point soulevé par M. Pierre Ferracci, qui déclare que le critère du prix serait excessivement privilégié.

Je souhaiterais également comprendre selon quels critères les lots de demandeurs d'emploi vous sont confiés.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Pour résumer à grands traits ce que j'ai compris, vous vous plaignez d'avoir des cahiers des charges trop précis sur les moyens à mettre en oeuvre et souhaiteriez plutôt être rémunérés en fonction des résultats. De même, vous êtes insatisfaits que Pôle emploi vous encadre sur la manière de travailler tout en restant assez flou sur les volumes finaux, qui sont de plus aléatoires. La conséquence en est une précarisation de votre personnel, qui a un effet négatif sur la qualité de vos services.

A partir de ces constatations, je me pose plusieurs questions.

Premièrement, quel type de dialogue avez-vous avec Pôle emploi ? Le but principal des opérateurs est-il uniquement de remporter l'appel d'offres du moment ou existe-t-il de véritables méthodes de dialogue, qui permettent de créer, au fil des appels d'offres, une relation qui ne soit pas de simple sous-traitance mais au moins de cotraitance ?

Deuxièmement, qu'en est-il de l'efficacité économique de la prestation des opérateurs privés par rapport à celle de Pôle emploi ?

M. Ronan Kerdraon . - Mes doutes sur l'opportunité de confier à des opérateurs privés le reclassement des demandeurs d'emploi semblent s'être confirmés cet après-midi. En effet, la terminologie employée m'a donné l'impression que le sujet du débat était des marchandises et non des personnes. Je pense que la décision de confier ce dossier à des opérateurs privés était une erreur.

Concernant les cahiers des charges qui seraient trop rigides, il m'apparaît normal qu'à partir du moment où une entreprise décide de sous-traiter, des règles du jeu soient mises en place. Afin d'effectuer une évaluation comparative, il faut que les méthodologies des uns et des autres soient connues.

J'aimerais que les représentants des opérateurs privés nous donnent des chiffres précis sur le nombre de candidats par consultant et nous expliquent plus en détail les méthodes mises en place dans le cadre de l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, afin d'ajouter une dimension humaine à notre discussion.

M. Alain Gournac . - Contrairement à mon collègue, j'ai soutenu l'idée d'une recherche d'expériences à l'extérieur de la sphère publique, mais je suis malgré tout étonné. Vous avez souligné la précarisation de votre personnel, le non-respect des volumes, les exigences trop importantes en termes de locaux, des prix qui ne sont pas adaptés, des cahiers des charges trop précis et contraignants, mais celui qui paie in fine , c'est tout de même Pôle emploi. Or, quand une prestation est demandée, il est normal de l'encadrer.

Voici la question que je me pose : malgré toutes ces critiques, qui parmi vous ne répondra pas au prochain appel d'offres ? J'aimerais aussi savoir précisément comment est calculé le chiffre que vous avancez de quarante ou cinquante candidats par conseiller.

Mme Christiane Demontès . - Je serai peut-être moins sévère que mes collègues, mais en vous écoutant, j'ai renforcé ma conviction que l'offre de formation n'est pas un marché comme les autres. En effet, derrière cette notion de formation, l'idée d'accompagner l'individu est toujours présente, même s'il est nécessaire de dissocier formation qualifiante et formation d'adaptation.

Quelle serait, selon vous, une alternative possible à la commande actuelle passée par Pôle emploi, au-delà des problèmes spécifiques de vos relations actuelles avec l'opérateur public ?

M. Jean Desessard . - La question centrale est de savoir s'il existe bel et bien une valeur ajoutée à sous-traiter à des organismes privés et s'il est possible de l'évaluer. En même temps, je vous comprends bien quand vous affirmez que votre liberté d'action est ce qui vous démarque de Pôle emploi. En effet, si l'on vous demande d'utiliser les mêmes moyens que l'opérateur public, il est certain que les résultats seront similaires.

M. Pierre Beretti . - A propos de la valeur ajoutée, nous n'avons pas aujourd'hui la capacité de comparer les performances, mais je suis d'accord que c'est une nécessité. A mon avis, le recours aux opérateurs privés de placement est pertinent dans le cas d'une surcharge due à des flux plus importants que prévus.

Pour l'accompagnement, chaque opérateur a ses méthodes. Les groupes de travail et les ateliers sont très efficaces et répandus. Altédia a eu la chance d'accompagner dans le cadre d'un dispositif de suivi dit « intensif » un millier de personnes dirigées vers le privé par l'Unedic. Cet accompagnement intensif mais de courte durée a abouti à un taux de reclassement de 67 %. Cependant, il doit être souligné que les candidats étaient volontaires pour y participer.

Il faut avoir la possibilité de s'adapter aux publics et aux bassins d'emploi dans lesquels on se trouve, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il faut pouvoir passer de quarante demandeurs d'emploi pour un consultant à seulement une vingtaine suivant les difficultés de l'accompagnement. Cela favoriserait non seulement une meilleure qualité du suivi mais aussi de la relation aux personnes. En effet, tous nos consultants vous le diront, la dimension humaine est omniprésente dans notre métier.

Quand les qualifications des personnes que nous accompagnons ne correspondent pas au marché et que leur mobilité est quasiment nulle, il est nécessaire d'augmenter le volume de formations qualifiantes et de mettre en place un système de suivi post-formation à la demande du client. Ces mesures permettent d'atteindre un taux de reclassement très élevé en orientant les formations selon les besoins du bassin d'emploi que nous pouvons évaluer grâce au nombre élevé d'offres d'emploi que nous collectons.

Répondrons-nous au prochain appel d'offres de Pôle emploi ? La réponse à cette question dépendra des conditions de l'appel d'offres. Altédia a déjà renoncé à participer à certains appels d'offres car ce qui nous était demandé en termes de prix et de prestations n'était plus adapté à la qualité des services qu'Altédia garantit à ses clients.

Un dernier point sur lequel j'aimerais insister est le fait que nos relations avec les entreprises privées s'inscrivent dans le cadre d'une délégation : elles nous évaluent sur nos performances par le biais d'un comité de suivi qui se réunit généralement à un rythme mensuel et qui réunit des représentants du personnel et de la direction. Dans le cadre de ces programmes, Altédia engage au départ une trésorerie importante, ce qui n'est pas le cas avec Pôle emploi. Ainsi, certains opérateurs peuvent être tentés d'abandonner dès qu'ils ont reçu la première moitié de la rémunération liée à la prise en charge du demandeur d'emploi. Pôle emploi devrait plutôt mettre en place un système incitatif de bonus qui serait fonction de la performance.

M. Claude Jeannerot , rapporteur . - Vous dites reclasser 50 % des cohortes de demandeurs d'emploi qui vous sont confiés. Qu'advient-il de ceux qui ne sont pas reclassés ? Reviennent-ils chez Pôle emploi avec, malgré tout, de meilleures chances de retrouver un emploi ?

M. Patrick Monbrun . - Quand on parle de trente ou cinquante candidats par consultant, voire quatre-vingts, il faut faire attention car ces chiffres correspondent à différentes prestations qui ont des durées et des modalités variables.

Actuellement, nos prestations sont assez encadrées, mais le problème n'est pas là car, en fin de compte, la décision de répondre à l'appel d'offres est prise par les opérateurs. Un contrôle qualité de l'accompagnement des candidats est mis en place par Pôle emploi, mais il manque une véritable évaluation de ce que les opérateurs apportent réellement aux demandeurs d'emploi. Ainsi, tous les cabinets contrôlés ont en général de bons résultats compris entre 15 et 20, 20 étant la note maximale. Or les opérateurs privés préféreraient être évalués sur leur taux de reclassement, car cela permettrait de mettre en avant la valeur ajoutée de leurs prestations.

Dans la majorité des cas, les conseillers de Pôle emploi reprennent le suivi des candidats qui ne sont pas reclassés. Le travail effectué par l'opérateur privé est résumé dans un document d'évaluation finale du candidat qui peut servir au conseiller de Pôle emploi pour continuer la prestation.

M. Pierre Ferracci . - Je voulais souligner que ni moi, ni mes collègues ne traitons les candidats comme des marchandises. Sodie fait d'ailleurs partie d'un groupe qui conseille les comités d'entreprise et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sur les questions de santé au travail, ce qui montre notre attachement à la dimension sociale de l'entreprise.

Je suis un grand défenseur du service public et je trouve que la cohabitation entre pratiques privées et publiques peut bénéficier à la collectivité en lui permettant de réaliser des économies. Les opérateurs privés peuvent apporter un plus à Pôle emploi, tout comme les bonnes pratiques développées par Pôle emploi peuvent être assimilées par le secteur privé. Il est regrettable que le cahier des charges très strict imposé par Pôle emploi empêche le mélange d'approches collectives et individuelles. Or les approches collectives sont également un moyen de faire passer un message aux personnes angoissées par le chômage tout en permettant des économies de ressources.

Une expérience très intéressante a été développée dans le cadre de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) sur le CTP. L'efficacité de ce modèle était tributaire de la maîtrise du lien entre l'emploi et la formation. Le succès de ce dispositif, qui est aujourd'hui géré par Pôle emploi, me fait regretter que le cahier des charges imposé par l'opérateur public ne permette pas aux organismes privés d'être aussi souples dans leurs relations avec les opérateurs de formation du fait de lourdeurs administratives.

Un autre domaine où les opérateurs privés peuvent apporter un plus est la relation aux entreprises privées, où Pôle emploi doit encore rattraper son retard. Les relations que nous entretenons avec elles depuis des années nous ont apporté une connaissance des entreprises qui peut être très utile pour trouver des emplois dont n'a pas forcément connaissance l'opérateur public. Sodie avait d'ailleurs mis en place des cellules de consultants spécialisés non pas dans l'accompagnement mais dans les relations aux entreprises. Pôle emploi souhaitait avoir des consultants qui s'occupent des deux aspects à la fois, mais ce sont tout de même deux métiers différents.

Dans le cadre des réunions mensuelles avec Pôle emploi, les discussions sont centrées sur le respect du cahier des charges. Le reclassement ou les échanges de bonnes pratiques ne sont pas abordés. La conséquence est que les deux parties ne progressent pas suffisamment vite en termes de créativité, c'est-à-dire dans l'élaboration de méthodes plus efficaces pour un retour à l'emploi durable. On peut être assez critique sur les opérateurs privés, mais quand des sondages sont effectués auprès des usagers de Pôle emploi, le retour est malheureusement aussi très sévère. Il y a donc une obligation de progresser ensemble.

Concernant les prix, je ne pense pas être en contradiction avec ce que ma collègue d'Ingeus a déclaré à propos de l'utilisation de la performance économique et opérationnelle comme critère essentiel d'évaluation des opérateurs privés. A mon avis, le prix des prestations des opérateurs privés doit être défini en fonction des économies effectuées par l'assurance chômage. Cela permettrait de prendre en compte les contrats courts, qui constituent malgré tout des tremplins vers des contrats de travail plus longs ou un CDI.

Sodie a surtout travaillé sur des lots « Licenciement économique ». Sur une période de deux ans, Pôle emploi nous assurait un minimum de 34 000 demandeurs d'emploi et un maximum de 86 000. Or, à la fin du contrat au mois de juin, nous n'aurons accompagné que 28 000 candidats. Comment équilibrer un modèle économique dans ces conditions, alors que le minimum n'est même pas atteint ? Je comprends les difficultés de Pôle emploi face à la crise, qui a abouti à un flux très important de chômeurs, ainsi que les complications créées par la fusion et les contraintes budgétaires, mais il faut également se mettre à la place des opérateurs privés qui ont construit des modèles économiques permettant un retour sur investissement à partir des minima garantis.

Aujourd'hui, la comparaison entre les opérateurs publics et privés n'a aucun sens car les demandeurs d'emploi redirigés vers les opérateurs privés sont souvent les candidats les plus difficiles à reclasser. De plus, si les problèmes de gestion de flux ne sont pas intégrés dans les modèles d'évaluation, la comparaison est biaisée.

La rigidité du cahier des charges que j'ai évoquée est très bien illustrée par les obligations de localisation définies à partir d'une cartographie datant du début de l'année 2009. Ainsi, il nous a été demandé d'ouvrir en septembre 2009 une implantation à Bressuire, dans les Deux-Sèvres, en attendant le plan social d'Heuliez. Or celui-ci n'a jamais eu lieu. Au lieu d'ouvrir des sites fixes et durables, il serait possible d'appliquer les pratiques du privé en mobilisant des équipes de consultants sur des missions temporaires. C'est un dispositif contraignant pour les consultants mais cela leur évite au moins de passer plusieurs mois sans travailler.

Je pense que la spécificité des opérateurs privés peut être un vrai plus pour faire progresser Pôle emploi vers les objectifs que lui assigne la puissance publique et qui correspondent aux exigences de la collectivité. Nous avions proposé un groupe d'évaluation de nos pratiques et de celles de Pôle emploi, composé d'observateurs extérieurs qui auraient été des universitaires spécialistes de l'évaluation des politiques publiques. Malheureusement, cela ne s'est pas fait, ce qui est dommage, surtout au vu du poids démesuré pris par les discussions sur les cahiers des charges. A mon avis, il est possible d'alléger le dispositif administratif dans l'intérêt des demandeurs d'emploi.

M. Nabil Bellaafar, directeur des opérations d'Ingeus . - Pour répondre à la question sur la taille des portefeuilles, les chiffres de quarante à cinquante candidats actifs par consultant sont calculés en prenant en compte les personnes en cours d'accompagnement et non celles dans l'emploi qui bénéficient d'une continuation du suivi.

La rigidité du cahier des charges nous a, par exemple, posé un problème dans le cas de cadres seniors qui savent exactement quel métier ils recherchent. En effet, la prestation « Atouts Cadres » prévoit que nous ne pouvons entamer la recherche active d'emploi qu'après avoir effectué un ou deux mois de diagnostic personnel et professionnel.

Lorsque l'appel d'offres prévu au mois de juin sera lancé, la question du prix se posera. Aujourd'hui, Ingeus rencontre des difficultés, car le modèle économique développé à partir des volumes minimaux prévus ne tient pas. Face à cette situation, les opérateurs vont prendre la décision mathématique d'augmenter leurs prix.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - J'ai un peu de mal à comprendre cette discussion sur les prix car dans un appel d'offres, le prix est déterminé par le niveau de compétition sur le marché.

Mme Estelle Sauvat, directrice générale de Sodie France . - Vous avez raison de mettre en avant le rôle de la concurrence dans la détermination des prix, mais j'aimerais rappeler que l'une des règles fondamentales du droit de la concurrence est que les acteurs ne discutent pas entre eux.

J'aimerais revenir sur la genèse du travail avec les opérateurs privés. L'ANPE faisait appel à des partenaires privés depuis très longtemps. En 2006, certains de ces partenaires ont été nommés opérateurs privés de placement. La question qui a alors été posée était de savoir quelles économies pouvaient être réalisées dans le cadre du reclassement de demandeurs d'emploi. Dans un second temps, l'interrogation a porté sur les méthodes innovantes qui pourraient faire avancer le service public d'aide au retour à l'emploi ainsi que les autres acteurs intervenant sur ce marché.

Lorsque la question du prix est mise en avant, les problématiques liées au reclassement sont reléguées au second plan, voire oubliées. Cela fait déjà cinq à six ans que nous intervenons sur un métier qui semble nouveau mais qui est pourtant historique. Sodie intervient avec des taux de performance élevés depuis vingt-sept ans dans le domaine du reclassement des licenciés économiques en France. Ces activités s'inscrivent dans le cadre de commissions de suivi qui parviennent à créer des dynamiques positives pour les acteurs impliqués. En effet, face aux interlocuteurs que sont les services de l'Etat et les partenaires sociaux, Sodie se trouve dans l'obligation de rendre compte de ses résultats. Dans le cadre de l'appel d'offres de Pôle emploi, tous les efforts sont orientés plutôt vers le fait de savoir s'il y aura bel et bien des demandeurs d'emploi à accompagner et si Sodie pourra continuer à appliquer les compétences spécifiques de ses conseillers.

La question du reclassement étant passée au second plan, domine une logique du chiffre : la priorité est de savoir si les dix rendez-vous prévus vont être effectués dans l'heure. Les six opérateurs qui ont répondu aux appels d'offres de Pôle emploi ont forcément des pratiques différentes mais qui sont complémentaires. Or le travail consistant à identifier les meilleures pratiques de chacun n'a pas encore commencé.

Mme Bénédicte Guesné . - La question du prix est en effet essentielle, mais il faut également se demander ce que Pôle emploi souhaite acheter. En tant qu'opérateur privé de placement, nous sommes très attachés à la délégation de service public qui nous est faite, mais si Pôle emploi considère qu'il n'achète que de l'externalisation de la prestation d'accompagnement, cette approche diffère de notre métier, qui consiste à accompagner nos candidats vers un emploi durable. Quand nous définissons nos prix, ceux-ci sont calculés afin de mettre en place des moyens permettant d'accompagner les demandeurs d'emploi, prospecter les entreprises, communiquer sur les techniques de recherche d'emploi, le tout dans une perspective de placements. Or si l'opérateur public considère que le privé n'est là que pour accompagner les candidats sur une période définie, nos modèles économiques devraient alors être différents et ne prendre en compte que la partie de la rémunération liée à la prise en charge. En revanche, si Pôle emploi souhaite acheter de la performance de placement, il est nécessaire de mettre en place de véritables mesures d'évaluation de l'efficacité des opérateurs privés.

M. Claude Jeannerot , président . - Nous remercions les représentants des opérateurs privés présents aujourd'hui de s'être prêtés à cet échange, dont nous tirerons sans nul doute beaucoup de profit.

Audition de M. Claude SEIBEL, inspecteur général honoraire de l'Insee,
et de Mme Béatrice SEDILLOT, administrateur de l'Insee,
auteurs du rapport « Les expérimentations d'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi conduites par l'Unedic et l'ANPE en 2007 »
(mardi 24 mai 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Claude Seibel et Mme Béatrice Sédillot, qui sont les auteurs d'un rapport, publié fin 2009, comparant les prestations d'accompagnement des opérateurs privés de placement avec celles de l'ANPE. Votre éclairage va nous être précieux pour répondre à notre interrogation sur le principe même du recours de Pôle emploi à la sous-traitance. Nous aimerions savoir, à la lumière de vos observations, qui est le mieux à même de conduire un accompagnement renforcé.

M. Claude Seibel, inspecteur général honoraire de l'Insee . - L'histoire de notre projet commence en 2005, lorsque le bureau de l'Unedic a décidé de mener une expérimentation d'accompagnement renforcé pour des demandeurs d'emploi considérés comme présentant un risque accru de chômage de longue durée. Sa mise en oeuvre a été confiée à Ingeus, société australienne implantée en Europe. Ce projet a cependant engendré beaucoup de tensions au sein du bureau de l'Unedic. Il a été relancé, courant 2006, pour être opérationnel en 2007. Entre-temps, l'ANPE avait mis en place des équipes « Cap vers l'entreprise » (CVE), qui exerçaient le même métier que les opérateurs privés de placement.

L'évaluation que nous avons conduite a été décidée par la direction générale de l'ANPE, qui avait reçu une proposition de deux équipes de chercheurs, issues de l'Ecole d'économie de Paris d'une part et du centre de recherche en économie et statistique (Crest), le centre de recherche de l'Insee, d'autre part. Leur projet était de réaliser un travail scientifique à partir d'une méthode d'évaluation expérimentale qui consistait à tirer au sort des candidats pour leur proposer un accompagnement renforcé ou classique. M. Gérard Larcher, à l'époque ministre de l'emploi, a demandé que cette évaluation concerne également les opérateurs privés de placement. J'ai été choisi comme président du comité de pilotage de cette expérimentation, qui nécessitait de faire travailler ensemble l'Unedic, l'ANPE et la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).

L'intérêt de cette évaluation est d'être fondée sur une méthode scientifique permettant de calculer une marge d'erreurs. Le tirage au sort, qui a permis de constituer la cohorte, a été complété par une enquête statistique à dominante plutôt qualitative, qui a été confiée à la Dares et à deux consultants. L'évaluation a reposé sur un suivi mensuel des personnes prenant part au programme, sur une durée de douze mois, ainsi que sur des recoupements reposant à la fois sur l'enquête statistique et sur des monographies de terrain.

Mme Béatrice Sédillot, administrateur de l'Insee . - L'évaluation que nous avons menée se basait sur un protocole novateur et cherchait à évaluer l'impact de l'accompagnement renforcé sur le retour à l'emploi. En effet, à cette époque, le débat sur le coût des différents modes d'accompagnement ne reposait sur aucun élément de comparaison solide.

Un premier résultat important est la confirmation que l'accompagnement renforcé apporte, de manière générale, une plus-value aux demandeurs d'emploi concernés. L'accroissement de la probabilité du retour vers l'emploi était, respectivement, de cinq et sept points pour les équipes des opérateurs privés et les équipes CVE.

Il a été constaté que le programme CVE avait un effet plus rapide et plus élevé sur le taux de sortie vers l'emploi. En effet, dès le troisième mois, un surcroît de sortie des listes était observable, alors que pour les opérateurs privés de placement, les effets n'étaient significatifs qu'à partir du sixième mois.

Bien sûr, les programmes n'étaient pas forcément déployés dans les mêmes zones, mais dans certains endroits cohabitaient l'accompagnement renforcé assuré par l'ANPE, celui assuré par les opérateurs privés ainsi que l'accompagnement classique. Or, lorsque les deux dispositifs de suivi renforcé étaient présents sur une même zone, il était possible d'observer une amélioration assez importante des résultats à travers un effet d'émulation et de concurrence.

Nous avons également cherché à mesurer le caractère durable de ce retour vers l'emploi. Ainsi, les demandeurs d'emploi accompagnés par les opérateurs privés de placement ou par les équipes CVE se réinscrivaient moins fréquemment sur les listes de l'ANPE au cours des six mois suivant leur sortie vers l'emploi.

Nous avons pu observer que, parmi les demandeurs d'emploi accompagnés par les opérateurs privés, l'effet positif était uniquement lié à des sorties vers des contrats de plus de six mois, ce qui est cohérent avec les objectifs qui leur avaient été assignés. Dans le programme CVE, une partie du surcroît de reclassement était liée à des sorties vers des emplois de courte durée, même si les retours vers des emplois durables étaient plus fréquents.

Nous avons procédé à la même analyse en prenant en compte les personnes qui reprenaient une activité réduite tout en continuant à être inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi. Nous avons pu remarquer que les résultats obtenus par les opérateurs privés de placement étaient supérieurs à ceux obtenus par l'opérateur public. Ce résultat peut être expliqué, en partie, par les incitations qui étaient données aux opérateurs privés, qui valorisaient le retour vers l'emploi durable, alors que la sortie de la liste des demandeurs d'emploi était sans doute une préoccupation plus forte pour les conseillers de l'ANPE.

L'évaluation a aussi permis de comparer les méthodes d'accompagnement. De manière générale, une grande proximité entre les pratiques des opérateurs privés et celles des équipes CVE a été constatée. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas des initiatives intéressantes mises en place par les uns et par les autres, mais globalement les modalités d'accompagnement étaient similaires.

On pouvait imaginer que les opérateurs privés de placement avaient une relation plus forte avec les entreprises. Cependant, au cours de notre évaluation, il est apparu que les demandeurs d'emploi accompagnés par les équipes CVE recevaient, en général, plus d'offres d'emploi. En revanche, ceux qui étaient suivis par les opérateurs privés de placement ont bénéficié de davantage de prestations sur la méthodologie de la recherche d'emploi, par exemple pour la préparation des entretiens d'embauche.

Au niveau du pilotage du suivi des demandeurs d'emploi, celui-ci était assez hétérogène sur l'ensemble du territoire et n'était pas entièrement satisfaisant, voire insuffisant dans certains cas.

Quelques éléments importants doivent cependant être soulignés pour permettre une interprétation adéquate de ces résultats. Ainsi, le contexte de notre étude était caractérisé par un niveau de concurrence et de défiance très fort entre les équipes de l'opérateur public et celles des opérateurs privés. En effet, le demandeur d'emploi pris en charge par un opérateur privé n'étant plus suivi par l'ANPE, les deux opérations étaient vécues comme étant très distinctes. De plus, il faut rappeler que les équipes CVE étaient constituées sur la base du volontariat et elles voulaient sans doute prouver qu'elles pouvaient faire aussi bien, ou même mieux, que les opérateurs privés de placement.

Du côté des opérateurs privés, il faut avoir en tête que le marché était relativement récent. Nous étions donc en présence d'acteurs très hétérogènes en termes de taille, d'expérience et d'ancrage territorial. Or l'évaluation, qui souhaitait s'appuyer sur des résultats robustes et statistiquement significatifs, avait d'emblée exclu l'idée d'effectuer une évaluation opérateur privé par opérateur privé.

Enfin, je souhaite souligner que les performances des deux réseaux étaient cohérentes avec les objectifs qui leur avaient été assignés. Ainsi, les opérateurs privés ont rempli leurs obligations contractuelles, qui étaient un retour vers l'emploi durable même dans le cadre d'une activité réduite. De leur côté, les équipes CVE avaient également pour but le retour vers un emploi durable mais assorti d'une mise en relation avec les entreprises, ce qui peut expliquer le plus grand nombre d'offres d'emploi proposées.

M. Claude Seibel . - Cette dernière remarque peut apporter une réponse à votre question sur la valeur ajoutée des opérateurs privés, en faisant le lien avec la théorie des contrats. En effet, celle-ci suppose que lorsque la puissance publique passe un contrat, soit interne avec les équipes CVE, soit externe avec les opérateurs privés de placement, les termes de celui-ci sont pris au sérieux par les acteurs concernés. Ainsi, le retard dans le retour à l'emploi observé chez les opérateurs privés peut être expliqué par les modalités du contrat qui leur était proposé.

Je voudrais rapidement évoquer ce que nous considérons comme des lacunes dans l'étude.

Tout d'abord, nous ne sommes pas parvenus, malgré des demandes répétées, à obtenir une analyse solide des coûts comparés des deux dispositifs. Pourtant, des travaux effectués au sein de l'Unedic ou de l'ANPE devaient exister car lorsqu'un nouveau marché a été ouvert par la suite les prix proposés aux opérateurs privés étaient beaucoup plus faibles. Même si nous n'avons pas pu publier de chiffres, car ils manquaient de robustesse, il semble que les prix étaient compris entre 2 000 et 3 000 euros par personne accompagnée.

En outre, les agences locales pour l'emploi (ALE) où les opérateurs privés et les CVE cohabitaient n'étaient pas réparties de manière aléatoire sur le territoire. Or nous n'avons pas réussi à obtenir des indicateurs solides permettant d'évaluer la situation dans chaque ALE pour déterminer, par exemple, si le taux de retour à l'emploi est plus élevé là où l'environnement économique est plus dynamique.

Un troisième regret est qu'une bonne partie de l'explication des différences observées provient des caractéristiques des personnes qui ont travaillé dans les deux dispositifs. Si nous avions eu plus de temps, nous aurions pu étudier le profil des conseillers impliqués.

J'ai été cependant très heureux de piloter ce chantier en raison de son caractère scientifique innovant. Il est nécessaire de souligner qu'une fois tirés au sort, les candidats étaient libres de refuser de participer au dispositif d'accompagnement renforcé. Il y a un écart important, compris entre 40 % et 50 %, entre le nombre de personnes tirées au sort et la cohorte participant à l'étude. Les personnes qui n'acceptaient pas de participer au programme renforcé se retrouvaient dans le programme dit « classique ».

Un autre élément fondamental est le dialogue qui a été instauré, qui a permis à l'ANPE d'améliorer significativement son fonctionnement interne. Le manque de coordination qui avait été repéré entre les opérateurs privés et les équipes CVE d'une même zone a été corrigé par la désignation d'un conseiller en charge de la coordination.

De même, l'ANPE ne s'occupait plus des demandeurs d'emploi confiés à un opérateur privé, même si ceux-ci avaient besoin d'un service dispensé par l'opérateur public, comme un atelier d'élaboration de CV par exemple. Aujourd'hui, des améliorations sensibles ont été constatées dans ce domaine.

M. Claude Jeannerot , président . - Avez-vous retiré de l'étude une conviction personnelle sur la question de principe que nous nous posons concernant la répartition des tâches entre le service public et les opérateurs privés de placement ?

M. Claude Seibel . - La conclusion évoquée par Mme Béatrice Sédillot, à savoir que la cohabitation des acteurs publics et privés dans une même zone donnait de meilleurs résultats, est intéressante. A mon avis, une situation de monopole n'est jamais la plus bénéfique. Après, il faut savoir gérer la cohabitation. Les consultants de terrain nous ont indiqué que la spécialisation de chaque réseau sur un certain type de public n'était vraisemblablement pas tenable. En effet, cette approche ajoutait des catégorisations à celles existantes, qui étaient déjà nombreuses. Selon eux, il valait mieux laisser la répartition se faire d'elle-même, tout en observant ce qui se passait lorsque les décisions d'allocation étaient prises par les conseillers de l'ANPE.

M. Claude Jeannerot , président . - Avant que mes collègues n'interviennent, je souhaite poser une dernière question à laquelle vous répondrez à l'issue de ce tour de table. Considérez-vous que le fait de centrer le cahier des charges sur une évaluation de la performance est un bon choix ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Les opérateurs privés de placement ont affirmé précédemment que la comparaison entre le public et le privé n'avait pas de sens car les demandeurs d'emploi confiés au privé ne sont pas sélectionnés de manière aléatoire, contrairement à ceux de votre étude. De plus, ils sont en présence de flux très erratiques, ce qui n'est pas le cas de Pôle emploi.

Les opérateurs privés ont également souligné que leur action était intéressante pour faire face à un pic du nombre de demandeurs d'emploi. De même, ils ont mis en avant l'émulation engendrée par leur activité, ce qui est confirmé par votre rapport, mais à condition que le cahier des charges ne soit pas contraignant au point de gommer la spécificité de leurs parcours.

A leur avis, il manque un échange des bonnes pratiques entre le public et le privé, ce qui est lié au fait que les opérateurs privés sont considérés comme de simples sous-traitants. Cette approche est intéressante car elle permet de dépasser la logique d'attribution de bons points au public ou au privé, en permettant de valoriser les différentes expériences.

M. Claude Jeannerot , président . - Je voudrais ajouter que les contrats conclus par Pôle emploi sont dénoncés comme étant relativement léonins, ce à quoi s'ajoute le fait que les volumes promis ne sont pas respectés.

M. Ronan Kerdraon . - Vous avez signalé votre inquiétude quant au devenir des demandeurs d'emploi qui n'avaient pu être reclassés. Avez-vous tout de même obtenu des éléments d'information à ce sujet ? Selon les représentants des opérateurs privés, ils retourneraient dans les fichiers de Pôle emploi, avec un bilan personnalisé de leur parcours. Dans cette hypothèse, ce bilan pourrait servir de base à un échange de bonnes pratiques.

M. Claude Seibel . - Je pense que la comparaison entre le public et le privé est très intéressante. Dans le cadre de notre rapport, on a observé une distorsion entre le profil des personnes tirées au sort et celui des personnes qui ont participé à l'étude car le refus de participer n'est pas homogène pour tous les publics. Ainsi, les personnes proches de l'emploi sont plus enclines à refuser. Une autre cause de refus se trouve être la distance entre le domicile et le lieu du suivi, notamment dans le cas de personnes vivant en zone rurale.

Les opérateurs privés reclassent plus facilement certaines catégories de population grâce à leur réseau de relations. L'appel d'offres lancé en 2010-2011 a d'ailleurs retenu une démarche intéressante en faisant appel à des équipes proches du monde de l'intérim, qui disposent d'un grand nombre de correspondants dans les entreprises, accroissant de ce fait le nombre d'offres d'emploi potentielles.

Je suis d'accord sur le fait que, pour permettre une comparaison plus efficace, il serait indispensable que des travaux soient réalisés en commun. Le coordinateur régional pourrait ensuite permettre aux différentes équipes de se rencontrer pour qu'il y ait un dialogue autour des bonnes pratiques.

J'espérais que notre rapport irait un peu plus loin, c'est-à-dire que l'on renverrait les consultants sur le terrain, à l'automne 2008, après la publication des premiers travaux, afin de voir si certaines pratiques s'étaient améliorées. Or, du fait de la fusion, cela n'a pas été possible.

Concernant Pôle emploi, j'ai pu remarquer, dans le Tarn-et-Garonne, que l'opérateur public était beaucoup plus ouvert à l'échange de bonnes pratiques sur certaines catégories de publics difficiles car l'idée de complémentarité semblait s'imposer plus facilement.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - D'après ce que j'ai pu comprendre, le public concerné par votre étude était composé essentiellement de candidats plutôt éloignés de l'emploi. Avez-vous pu faire la même analyse pour des publics en grande difficulté comme les travailleurs handicapés ou des jeunes sans expérience ? En effet, il semblerait que les opérateurs privés aient développé dans ce domaine des méthodes de travail complémentaires de celles de Pôle emploi.

Mme Béatrice Sédillot . - Un cahier des charges basé sur les performances est-il un bon choix ? J'aurais envie de dire oui, mais cela dépend des objectifs fixés. Ce problème rejoint la question des effets de sélection que nous avions essayé de gommer dans notre étude par le biais d'un tirage au sort aléatoire. C'est justement cette difficulté de comparer des groupes différents que nous rencontrons dans l'enquête que nous menons actuellement avec Pôle emploi, où la décision d'orienter un demandeur d'emploi vers un opérateur privé est laissée au conseiller.

Les opérateurs privés mettent toujours l'accent sur le problème du flux de demandeurs d'emploi et de la volumétrie. Au moment de notre étude, nous avions résolu cette question en faisant sortir certains demandeurs d'emploi du réseau public pour alimenter les opérateurs privés à hauteur des objectifs fixés.

Pour revenir à la question de savoir ce qu'il faut rémunérer, la rémunération des opérateurs privés dans le cadre de notre étude était divisée en trois parts : un tiers était versé au moment de la prise en charge du demandeur d'emploi, un tiers au moment du placement dans l'emploi et un tiers en cas de maintien dans cet emploi pendant plus de six mois. Le choix a été fait de ne pas rémunérer l'opérateur trop fortement au départ pour l'inciter à atteindre ses objectifs de placement. Cependant, si la rémunération initiale est trop faible, il est possible que la participation au programme ne soit pas rentable pour l'opérateur privé. Actuellement, d'autres expériences de recours à des opérateurs privés sont en cours, notamment pour l'accompagnement d'un public de jeunes diplômés. La question de la structure optimale du contrat et des paiements est donc une question récurrente. A mon avis, il serait contreproductif d'accorder une trop forte rémunération au moment de la prise en charge.

Il est important que le choix d'être suivi par un opérateur privé soit neutre pour le demandeur d'emploi et qu'il ne pâtisse pas de cette décision. Or, ce n'était pas forcément le cas au moment de notre étude car l'ANPE et les opérateurs privés avaient tendance à fonctionner de manière trop cloisonnée, mais ce point semble avoir été amélioré dans la période récente grâce à une meilleure collaboration entre le public et le privé. Il reste tout de même des aspects à améliorer, par exemple en ce qui concerne les systèmes d'information.

Il est possible que les opérateurs privés soient plus efficaces pour certains publics, mais nous n'avons pas d'éléments de preuve à ce sujet. Dans notre évaluation, nous avions constaté que l'impact sur la sortie vers l'emploi était un peu plus élevé pour les femmes ou les jeunes diplômés, mais ce résultat n'est que le fruit d'une première étude qu'il faudrait approfondir. De plus, nous avons recommandé de ne pas spécialiser le recours aux opérateurs privés.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - La polyvalence a des avantages mais la spécialisation n'est pas forcément mauvaise.

M. Claude Seibel . - Nous sommes arrivés à cette conclusion après avoir discuté avec les consultants présents sur le terrain, qui nous avaient expliqué que le processus était déjà assez complexe et qu'il fallait éviter d'y ajouter des catégorisations supplémentaires.

En 2005, l'Unedic et l'ANPE ont mis en place un outil qui avait pour but d'évaluer le risque de maintien dans le chômage, outil qui avait déjà été utilisé dans les pays anglo-saxons et aux Pays-Bas. Ce projet a été source de tensions car les indicateurs de l'Unedic étaient utilisés pour déterminer quel parcours proposer au demandeur d'emploi, alors que les équipes de l'ANPE estimaient que ce rôle devait leur revenir. Finalement, cet outil a servi de guide aux conseillers de l'ANPE pour évaluer le risque de chômage de longue durée de certaines catégories de demandeurs d'emploi. La démarche adoptée par les conseillers pour évaluer ce risque mériterait d'ailleurs d'être un jour analysée de près. Par exemple, la variable qui joue le plus dans le risque de maintien dans le chômage se trouve être l'ancienneté dans le poste. Ainsi, un salarié qui a occupé pendant vingt ans le même poste de travail a des chances beaucoup plus grandes d'être exposé à un chômage de longue durée.

M. Claude Jeannerot . - Nous pourrions vous écouter encore longtemps mais nous arrivons au terme de cette audition. Je vous remercie pour la qualité de ces échanges.

Table ronde avec les représentants d'organismes de formation
(mardi 31 mai 2011)

La mission commune d'information auditionne, lors d'une table ronde , M. Philippe Caïla, directeur général, Mmes Patricia Bouillaguet, directrice générale adjointe, et Anne-Marie Bjornson-Langen, directrice d'Afpa Transition, de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), MM. Laurent Boulanger, président de la commission sociale, et Philippe Scelin, président de la commission marchés et partenaires publics, de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), Michel Clézio, président de la Fédération nationale des unions régionales des organismes de formation (Urof), et Gérard Navarro, vice-président du syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes), affilié aux Urof .

M. Claude Jeannerot, président . - Nous avons le plaisir de recevoir les représentants de plusieurs organismes de formation.

Nous nous intéressons à la question de l'accès des demandeurs d'emploi à la formation professionnelle, qui est souvent décisive pour favoriser leur retour à l'emploi. Comment travaillez-vous avec Pôle emploi sur ce sujet pour orienter les demandeurs d'emploi vers les formations que vous proposez ?

L'Afpa occupe une position particulière par rapport à Pôle emploi. En effet, récemment, un millier de psychologues de vos équipes de travail ont été transférés à Pôle emploi. Par ailleurs, Afpa Transition, filiale de l'Afpa, accompagne les titulaires de contrats de transition professionnelle (CTP). Nous aimerions que vous nous présentiez cette expérience, qui vous place à peu près sur le même terrain que Pôle emploi, celui de l'accompagnement.

M. Philippe Caïla, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) . - Je précise qu'Afpa Transition est un département, non une filiale de l'Afpa ; cependant, nous détenons bien une filiale, qui est dédiée aux contrats de transition professionnelle historiques gérés par l'Afpa.

Pôle emploi a été constitué le 1 er janvier 2009. Simultanément, le cadre institutionnel de l'Afpa a connu deux changements importants. Premièrement, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a abouti à la décentralisation de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi vers les conseils régionaux et à l'élargissement des compétences des conseils régionaux en matière de formation professionnelle. Auparavant, la formation professionnelle était financée par une subvention de l'Etat votée annuellement par le Parlement dans le cadre de la loi de finances. Deuxièmement, un avis du Conseil de la concurrence, rendu le 18 juin 2008, a modifié le cadre juridique de la formation des demandeurs d'emploi. Les activités de service public de l'Afpa, parmi lesquelles l'orientation des demandeurs d'emploi, ont été distinguées des opérations ouvertes à la concurrence, dont font partie les activités de formation des demandeurs d'emploi. L'Afpa exerce d'autres missions de service public, comme l'élaboration des titres du ministère du travail, qui était une de ses missions historiques.

En dépit des modifications juridiques intervenues, personne ne contestera le rôle de l'Afpa au sein du service public de l'emploi (SPE). Le changement d'organisation et d'environnement de deux grands opérateurs du SPE est intervenu en même temps. De ce fait, l'Afpa devait renouer et reconfigurer ses partenariats avec Pôle emploi.

Aujourd'hui, Pôle emploi, en tant que prescripteur de formations, pour les demandeurs d'emploi, détient un rôle de prescripteur vis-à-vis de l'Afpa. L'Afpa est également un opérateur de formation pour Pôle emploi, avec parfois des rapports de sous traitance dans le cadre de mises en concurrence. Enfin, l'Afpa peut être, au cas par cas, partenaire de Pôle emploi, notamment lorsque nous montons des opérations financées par d'autres, notamment par les conseils régionaux.

Vous avez fait allusion à l'article 53 de la loi de novembre 2009 sur la formation professionnelle, qui a organisé le transfert des psychologues de l'Afpa vers Pôle emploi. Ce transfert nous a conduits à redéfinir nos relations avec Pôle emploi dans le cadre de l'action de prescription de Pôle emploi et de l'activité d'opérateur de l'Afpa. En revanche, les relations partenariales que nos deux organisations pourraient entretenir dans le cadre du service public de l'emploi n'ont pas encore été bien définies à ce stade.

Le 30 mars 2010, l'Afpa et Pôle emploi ont signé une convention, portant sur la mise à disposition des outils que l'Afpa utilisait pour la réalisation de ses prestations d'orientation, dites de S2. La convention vise également à rendre l'offre de formation de l'Afpa plus lisible, pour fluidifier l'entrée en formation. Notre relation s'organise autour d'un Extranet, mais le calage de cet outil informatique nous a posé des problèmes tandis que Pôle emploi a eu du mal à l'intégrer dans son propre système d'information. Enfin, la convention précise les modalités de sécurisation des parcours d'accès à l'emploi et à la qualification pour les bénéficiaires.

Le transfert des psychologues de l'Afpa à Pôle emploi a véritablement déchiré le corps social de l'Afpa, historiquement constituée autour d'un pôle « formateurs » et d'un pôle « psychotechnique du travail ». Jusque récemment, l'Afpa était le premier employeur privé de psychologues du travail en France. Elle a transféré 600 psychologues, 197 assistants techniques de l'orientation, 27 ingénieurs de formation, 55 adjoints technico administratifs et 34 managers. Selon nous, ce transfert constitue un apport de savoir faire à Pôle emploi pour réaliser ses missions d'orientation.

Le départ des agents de l'Afpa vers Pôle emploi a été organisé sur la base du volontariat. Conformément à nos prévisions, les trois quarts des salariés concernés ont choisi de partir, un quart demeurant à l'Afpa. L'organisation de l'Afpa en a été modifiée : nous avons créé une nouvelle direction « relation clients stagiaires », et mis en place le département interne Afpa Transition pour gérer l'activité d'accompagnement des personnes en transition professionnelle et des entreprises. Afpa Transition supervise les contrats de transition professionnelle et travaille avec Pôle emploi pour accompagner les personnes licenciées pour des raisons économiques.

Alors que la loi avait fixé la date du transfert au 1er avril 2010, Pôle emploi a été absorbé par ses problèmes d'organisation jusqu'en septembre 2009. C'est à partir du moment où la loi a été adoptée que les partenaires sociaux de l'Afpa ont commencé à négocier pour organiser les conditions du transfert, qui a été préparé entre novembre 2009 et mars 2010. Nous avons respecté les délais qui nous étaient impartis, ainsi que notre engagement auprès des salariés de leur laisser la possibilité de choisir ou non d'être transférés à Pôle emploi.

En 2009, dernière année pleine de réalisation de notre prestation d'orientation dite S2, 235 067 services d'appui à la construction d'un parcours de formation ont été réalisés par nos psychologues. Cette prestation consistait à recevoir les demandeurs d'emploi pour les orienter vers une action de formation, de préqualification ou vers d'autres prestations. L'année du transfert sur les neuf mois écoulés à partir du 1 er avril 2010, Pôle emploi, qui a repris cette prestation sous le nom de prestation d'orientation professionnelle spécialisée (Pops), a réalisé 89 000 Pops. La continuité du service a donc été globalement assurée, mais à un moindre niveau.

Nous nous félicitons de l'esprit de coopération qui a animé les équipes qui ont mené le projet de transfert, à la direction générale comme dans les directions régionales de Pôle emploi. Nous avons réuni plusieurs fois le comité de pilotage pour assurer le suivi du transfert après le 1 er avril. La dernière réunion a eu lieu le 14 décembre 2010. Ces réunions nous ont permis de régler toutes les questions administratives.

Apprécier l'impact du transfert sur les relations entre l'Afpa et Pôle emploi me semble prématuré. L'Afpa est, par sa taille, le premier opérateur de formation de France et nous pouvons donc recevoir des flux importants de demandeurs d'emploi et de salariés. De ce fait, nous avons besoin d'une organisation industrielle pour amener dans nos formations un nombre significatif de demandeurs d'emploi. En 2010, année du transfert, nous avons reçu le même nombre de demandeurs d'emploi qu'en 2009, à 1 % près. Cependant, en 2011, nous devrons assurer nous-mêmes le recrutement des demandeurs d'emploi à qui Pôle emploi a prescrit des formations.

Mme Patricia Bouillaguet, directrice générale adjointe de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) . - Dans le cadre des marchés subséquents passés par Pôle emploi, nous avons intégré près de 3 300 demandeurs d'emploi dans nos formations en 2010, soit un nombre plus élevé qu'en 2009, ce qui a généré 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.

75 % des formations commandées par Pôle emploi sont qualifiantes. 28 % concernent les activités du bâtiment et des travaux publics (BTP), 10 % l'industrie, 12 % le tertiaire administratif et 31 % le tertiaire de services (hôtellerie et restauration, transports, services aux personnes et aux entreprises). 19 % des commandes de Pôle emploi portent sur des formations de remise à niveau sur les compétences de base ou sur des formations courtes d'adaptation des compétences.

Nous avons constaté une rigidité des commandes et une lourdeur des procédures administratives. A titre d'exemple, un appel d'offres a été lancé en juillet 2009 mais les premiers bons de commande nous sont parvenus seulement en décembre 2009. Or, la crise économique était manifeste dès la fin de l'année 2008 et la mobilisation de l'ensemble des acteurs était requise pour trouver des solutions rapides à la montée du chômage, notamment dans les régions touchées par des sinistres économiques.

Les modalités actuelles d'achat de formations, telles qu'elles sont mises en oeuvre, ne nous permettent pas de réagir rapidement à des évolutions conjoncturelles de l'emploi ni d'adapter le système de formation aux besoins qui en découlent en termes de reconversions et de formations pour les demandeurs d'emploi. Les formations se programment en amont, en tenant compte des formateurs et des activités proposées. Peut-être le dialogue avec les opérateurs de formation sur les modalités pratiques de mise en oeuvre des formations commandées est-il insuffisant ? Nous ne pouvons répondre dans un délai de trois jours à une commande de formation. Certaines commandes ont donc été traitées avec difficulté. Une réponse rapide à une commande n'est pas toujours compatible avec une programmation normale de nos activités. Nos formateurs ne peuvent intégrer à la dernière minute des demandeurs d'emploi supplémentaires. C'est pourquoi nous dialoguons en permanence avec Pôle emploi pour trouver des modes de passation de commandes de formation qui répondent aux besoins du marché de l'emploi tout en permettant aux opérateurs de maintenir un niveau de qualité conforme aux exigences des publics que nous recevons.

M. Philippe Caïla . - Je précise que nous ne remettons pas en cause le principe de l'appel d'offres lui-même, ni la mise en concurrence. Cependant, les modalités d'achat des prestations de formation par voie d'appel d'offres n'ont pas encore atteint en France un degré de maturité suffisant. En effet, soit le délai de passation des commandes est trop long, soit on nous demande de faire preuve de réactivité dans des délais beaucoup trop courts pour pouvoir redéployer notre offre de formation. Pour certains métiers, dans le BTP ou l'industrie par exemple, l'organisation d'une formation peut nécessiter le montage d'un atelier d'installation thermique et sanitaire à l'autre bout d'une région, ce qui est bien sûr plus compliqué que d'organiser une présentation sur paper board dans une salle.

Pour que nos procédures arrivent à maturité, il convient de faire travailler ensemble les différentes strates qui concourent à l'appel d'offres : les juristes, qui se préoccupent de rédiger un cahier des charges conforme au code des marchés publics, les techniciens, à la recherche des meilleures prestations possibles, les acheteurs, qui s'intéressent avant tout aux coûts.

M. Laurent Boulanger, président de la commission sociale de la Fédération de la formation professionnelle (FFP) . - Le code des marchés publics, qui est le cadre juridique dont dispose la puissance publique pour gérer sa politique d'achat, est structurant aux yeux de la FFP. Il permet de donner corps aux grands principes de la liberté d'accès au marché et de l'égalité de traitement. Cependant, il faut distinguer l'esprit des textes de leur application. C'est là que le bât blesse parfois car la lecture que chaque institution a des textes peut être laxiste ou au contraire limitative et formaliste, comme c'est plutôt le cas pour Pôle emploi.

En effet, cet établissement obéit à une logique très normative, notamment en ce qui concerne l'achat de prestations d'accompagnement, un peu moins pour l'achat de prestations de formation. Les cahiers des charges sont exagérément centrés sur les moyens et les procédures. Ils laissent peu de place à la différenciation, à la singularité et à la plus-value des offres des différents prestataires. Nous devons décrire nos locaux par le menu, les fiches CV de nos formateurs sont entièrement modélisées et la prestation attendue est définie au quart d'heure près. Parallèlement, la pondération entre la note technique et la note attribuée en fonction du prix a conduit à favoriser le moins-disant, en contradiction avec l'esprit du mieux-disant qui anime le code des marchés publics.

Par ailleurs, le marché des prestations de formation est l'un des seuls, dans l'univers de la commande publique, à être aussi fragile financièrement. Nous espérons que cette situation évoluera lors du prochain appel d'offres. Les prestataires dépendent des flux prescrits par Pôle emploi, or les flux minimum et maximum prévus par les contrats varient dans un écart de un à trois. Pôle emploi nous a posé de réels problèmes de flux, au mépris du contrat moral que nous avions passé avec l'institution. En outre, une part de notre rémunération, de l'ordre de 30 % à 40 %, varie en fonction du placement des stagiaires. La récession économique a remis en cause notre modèle économique initial et créé une insécurité financière pour un nombre important de nos structures.

Au moment de mener les actions de formation, l'application des procédures administratives a occasionné de nombreuses difficultés. J'ai en effet l'impression de consacrer davantage de temps à rapporter nos actions qu'à les réaliser effectivement. Par exemple, une prestation de trois mois donne lieu à trois comptes rendus écrits. En outre, la gestion calendaire des signatures est kafkaïenne. Nous devons saisir les données sur deux systèmes d'information distincts. J'ai constaté qu'une prestation de trois mois peut nécessiter quatorze ou quinze procédures administratives différentes. Enfin, les preuves d'emploi sont gérées de façon très pointilleuse, ce qui complique le versement de notre part de rémunération variable. Pour caricaturer, nous avons l'impression que Pôle emploi n'a pas délégué ses services mais les a simplement externalisés.

En décembre 2010, la FFP et Pôle emploi ont signé une charte de coopération, qui repose sur le principe suivant : associer le stagiaire à la « production » de la formation. Cette charte vise à appliquer ce principe au stade de l'élaboration de la demande de formation, aussi bien qu'à celui de sa mise en oeuvre. Nous devons adopter une logique de co-construction avec Pôle emploi et dialoguer en permanence avec lui afin d'améliorer le service rendu. Cependant, dresser un bilan serait prématuré. Notre objectif est l'appropriation et la déclinaison locale de cette charte par les instances régionales de Pôle emploi et de la FFP. Les directions régionales de Pôle emploi semblent plutôt séduites par cette démarche.

En ce qui concerne la coordination entre Pôle emploi, les conseils régionaux et les branches professionnelles, il est difficile d'apporter une appréciation globale en raison des disparités qui existent entre les régions. Aussi, nous devrions peut-être plutôt nous demander si l'organisation actuelle favorise une coordination régionale efficace. Nous en doutons car chaque institution a sa propre légitimité qui découle de la nature de ses financements. Pôle emploi gère des financements nationaux, qui sont déconcentrés au niveau régional, tandis que les lois relatives à la décentralisation ont consacré l'autonomie des régions en matière de gestion des fonds de la formation. Les branches, quant à elles, sont financées par des fonds privés et obéissent à une logique sectorielle et non territoriale. Si l'espace régional représente, selon nous, le niveau d'intervention le plus adéquat, le fait régional n'existe pas encore. De plus, comme les acteurs sont concentrés sur l'élaboration des contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle (CPRDFP), qui doivent être achevés d'ici le 30 juin, nous manquons de temps pour discuter de notre nécessaire coordination.

M. Michel Clézio, président de la Fédération nationale des unions régionales des organismes de formation (Urof) . - Le rapport de la Cour des comptes de 2008, le rapport de M. Jean-Marie Marx sur la formation professionnelle et celui de Mme Rose Marie Van Lerberghe sur la territorialisation de Pôle emploi, tous deux parus en 2010, dressent les mêmes constats et tirent les mêmes conclusions. La mise en oeuvre des axes de progrès est difficile pour plusieurs raisons :

- les demandeurs d'emploi sont mobiles, contrairement aux idées reçues. Ainsi, 40 % retrouvent un emploi dans un métier qui n'était pas le leur initialement, ce qui témoigne de leur bonne volonté lorsqu'il s'agit de changer de qualification professionnelle et d'être formés ;

- cependant, les demandeurs d'emploi bénéficient moins que les salariés de la formation professionnelle, en dépit de l'ouverture du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) aux demandeurs d'emploi et des efforts des partenaires sociaux en ce sens ;

- presque la moitié des demandeurs d'emploi auxquels les conseillers de Pôle emploi ont prescrit une formation n'y entrent pas effectivement.

Les rigidités liées à l'application du code des marchés publics ont conduit Pôle emploi à signer un accord-cadre qui permet des achats plus souples à travers la labellisation pluriannuelle des opérateurs de formation. Cependant, nous constatons que la politique d'achat reste problématique, malgré cet accord, en raison de problèmes techniques qui pourraient facilement être corrigés. Obliger chaque opérateur à être présent sur toute une famille de métiers et dans l'ensemble d'une région empêche de s'appuyer sur les compétences historiques reconnues des opérateurs sur un territoire. De même, les marchés subséquents relèvent parfois d'une logique obscure, tant en ce qui concerne la commande de certains métiers que la localisation des actions de formations. On m'a rapporté des situations incongrues, par exemple l'ouverture d'une formation de pizzaïolo dans un bourg, qui ne me semblent pas relever d'une analyse économique des besoins du territoire. Ce problème pose également la question de la complémentarité des acteurs, y compris en amont de la formation, en termes d'orientation, d'analyse économique et de mise en oeuvre des actions sur le territoire.

Je confirme que la procédure d'achat actuelle a un caractère technocratique. Cependant, elle présente l'avantage d'empêcher des opportunistes de remporter des marchés, sur un fondement déclaratif, en étant ensuite incapables d'assurer les prestations promises. Je suis favorable à une mise en concurrence exigeante des opérateurs.

De même, je suis plus favorable à une individualisation des parcours des demandeurs d'emploi qu'à l'émission de commandes ponctuelles de formation, de date à date, sur un parcours préétabli. Chaque demandeur d'emploi possède déjà des compétences et bénéficie d'expériences antérieures. Il doit s'approprier d'autres connaissances. C'est pourquoi nos prestations doivent être plus individualisées et organisées sous forme de modules. Nous devons réaliser un effort et les différents financeurs doivent agir en cohérence et en complémentarité. Or, aujourd'hui, cette définition d'une politique commune n'est sans doute pas suffisamment aboutie.

Enfin, le problème des compétences-clés doit être mieux pris en compte. Pôle emploi doit repérer plus finement les difficultés de certains demandeurs d'emploi dans l'appréhension des savoirs de base.

M. Gérard Navarro, vice-président du syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes), affilié aux Urof . - Pôle emploi, en dépit de ses efforts, n'organise pas une concertation suffisante avec les opérateurs de formation. Les appels d'offres ne donnent pas lieu à une véritable évaluation. Les engagements de qualité ne sont pas souvent respectés et nous gérons très difficilement les flux, qui dépendent du calendrier scolaire et d'autres événements externes, ce qui est inacceptable. Les exigences administratives sont très importantes et les conditions financières qui nous sont imposées drastiques. Un demandeur d'emploi qui manque un jour de formation sur six mois n'est pas payé les six mois, ce qui me semble inique. Les délais de mise en oeuvre sont très courts et les opérateurs ne maîtrisent pas le volume des formations, ce qui leur complique la tâche.

Par ailleurs, le dialogue entre Pôle emploi et le demandeur d'emploi est limité, pour ne pas dire inexistant. Les demandeurs d'emploi n'ont pas de référent attitré et ignorent souvent où ils iront lorsqu'une formation leur est prescrite. Il nous est impossible de satisfaire aux exigences de placement demandées par Pôle emploi, qui sont intenables lorsque les demandeurs d'emploi sont très éloignés de l'emploi.

En outre, j'ai l'impression que Pôle emploi n'a pas pris la mesure de la réforme considérable de la formation professionnelle qui est aujourd'hui en cours. La coordination avec les conseils régionaux est satisfaisante en Franche-Comté, en Midi-Pyrénées ou dans le Limousin, mais est absente dans d'autres régions. Ainsi, en Ile-de-France, le conseil régional et Pôle emploi ont ouvert chacun, il y a une quinzaine de jours, un CAP petite enfance, ce qui n'était pas nécessaire au regard des besoins. Les offres de formation des différents acteurs ne sont pas assez complémentaires. Selon moi, nous devrions engager une réflexion globale entre les différents acteurs pour savoir plus précisément ce que nous pourrions offrir à nos concitoyens les plus démunis.

M. Claude Jeannerot, président . - Vos propos semblent attester d'un manque de concertation et d'échanges, et d'une organisation pointilleuse et bureaucratique de la commande de formations par Pôle emploi.

Le directeur général de l'Afpa a soulevé la question du recrutement des stagiaires de la formation professionnelle. Pôle emploi achète des formations en passant commande à un certain nombre d'organismes comme l'Afpa. Cela dit, la région représente un autre donneur d'ordres important. Comment Pôle emploi joue-t-il son rôle de prescripteur de formation, non seulement pour les formations dont il est lui-même commanditaire, mais également pour celles qui ont été achetées par la région ? Le joue-t-il correctement ? Si nous voulons considérer la formation comme une solution potentielle pour les demandeurs d'emploi, mobilisable par Pôle emploi et par les opérateurs de formation, comment les connexions fonctionnent-elles ?

M. Jean-Paul Alduy . - Après avoir écouté vos interventions, nous n'avons pas le moral ! La formation professionnelle est une clé du retour à l'emploi, or le mécanisme semble bureaucratisé et les flux non maîtrisés. Nous pouvons avoir le sentiment que les sommes dédiées à la formation professionnelle sont mal utilisées. Vous qui êtes directement concernés et désireux de voir le système fonctionner, quelles voies de progrès identifiez-vous ?

Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous avons observé une plate-forme de formation qui réunit Pôle emploi et la région. Nous avons eu l'impression que son fonctionnement était satisfaisant, que le dialogue était réel, que les accords-cadres destinés à définir la politique de formation à moyen terme permettaient un travail efficace. Cette plate-forme est-elle la seule voie de progrès ? D'autres ont-elles été expérimentées ?

Mme Annie David . - De même que mon collègue, je comprends difficilement comment les demandeurs d'emploi peuvent espérer retrouver du travail par le biais de la formation dans ce contexte. Quelle était la situation antérieure à la création de Pôle emploi ? Ces difficultés sont-elles nouvelles ou anciennes ? Le caractère très technocratique et administratif des appels d'offres était-il déjà manifeste auparavant ? Selon vos propos, l'Afpa proposait 235 000 parcours d'orientation S2. Or Pôle emploi n'a réalisé que 89 000 Pops. Comment gérez-vous les conséquences de ce recul ?

Mme Christiane Demontès . - Je m'interroge sur l'évolution des relations entre l'offre de formation, les donneurs d'ordres et les stagiaires demandeurs d'emploi et salariés. Je vous rappelle que nous sommes partis d'une situation très insatisfaisante. Ancienne vice présidente de la région Rhône-Alpes en charge de la formation, j'ai le sentiment que le marché de la formation a été fortement assaini. Autrefois, beaucoup de personnes peu sérieuses répondaient aux appels d'offres. Les critères plus rigoureux établis ensuite ont permis d'écarter les opérateurs les moins professionnels du marché de la formation. Quel est votre avis à ce sujet ?

Vous êtes évalués en fonction de vos résultats en matière de placement dans l'emploi. Est-ce choquant d'évaluer un opérateur proposant des formations aux demandeurs d'emploi à travers ce critère ?

M. Philippe Caïla . - Pôle emploi travaille bien avec l'ensemble des financeurs, sans privilégier les formations qu'il a lui-même achetées, si l'on excepte un ou deux problèmes sporadiques en région. Nous ne devons pas dresser de mauvais procès à Pôle emploi sur ce thème. Cependant, la qualité de la prescription s'est dégradée : nous devons nous assurer que les personnes qui nous sont envoyées sont en mesure de suivre la formation prescrite, pour éviter les spirales d'échec.

Monsieur le rapporteur, nous sommes optimistes. Seulement, les opérateurs que nous sommes jugent que les fonds publics seraient mieux employés s'ils n'étaient pas perdus dans une gestion administrative de la commande publique.

Je précise continuellement à nos formateurs que leur mission n'est pas de former à un métier mais de conduire les personnes à l'emploi par un métier. Telle est la finalité de notre action. Je ne m'oppose pas au paiement au résultat, tant que nous disposons d'une liberté sur nos moyens et nos modalités d'actions. Pour nous, la formation ne se limite pas à l'obtention d'un titre professionnel mais doit aboutir à l'insertion dans l'emploi. Nous demandons des procédures administratives allégées. Pôle emploi est un établissement public administratif, qui est régi par le code des marchés publics. Auparavant, les Assedic achetaient les formations de façon plus souple. Ses achats portaient sur des montants plus réduits et s'adressaient à un public plus restreint, circonscrit aux seuls demandeurs d'emploi indemnisés.

Je regrette l'absence d'une gouvernance régionale et d'une conférence des financeurs. La formation professionnelle est organisée selon un système de tiers payant : 5 % des ménages seulement en France paient leur formation, contre 30 % en Allemagne. Nous devrions envisager la création d'une conférence des financeurs au niveau régional. Cette structure permettrait d'additionner les financements, afin que les demandeurs d'emploi soient placés au centre d'une politique de développement territorial. Un système de gouvernance régionale est nécessaire compte tenu de la multiplicité des acteurs finançant la formation : conseils régionaux, Etat, organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et demandeurs d'emploi.

Les 89 000 Pops ont été réalisées durant les neuf derniers mois de l'année 2010. La fusion de deux organismes aux cultures si différentes que l'ANPE et les Assedic a conduit à ce que les problèmes d'organisation prennent le pas sur la mission, dans un contexte où l'organisme faisait face à une conjoncture très difficile. La conduite de la fusion était prioritaire. Elle a gêné la continuité de nos actions et de celles du service public de l'emploi. Cependant, nous sommes rassurés car nous avons reçu autant de demandeurs d'emploi en 2010 qu'en 2009, en organisant le recrutement avec le conseil régional.

M. Claude Jeannerot, président . - Cela veut-il dire que la fonction de recrutement dans les formations que vous proposez aujourd'hui est gérée de façon satisfaisante ?

M. Philippe Caïla . - Tout ceci est encore très récent puisque le système a été mis en place il y a moins d'un an. Notre fonction de sourcing en recrutement doit bénéficier d'une montée en compétences. D'ici deux ans, je saurai si le processus est devenu plus fluide.

La prescription de formation doit être souple, pour permettre aux organismes de formation de positionner les demandeurs d'emploi et de les accompagner dans leur parcours de formation. Or la prescription est parfois trop bureaucratisée.

M. Claude Jeannerot, président . - Nous pressentons qu'il y a une marge de progrès dans la prescription de formations par Pôle emploi et c'est pourquoi nous insistons sur ce point.

M. Laurent Boulanger . - Nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'avoir un système d'information transparent et reconnu comme efficace par tous les acteurs. Les différentes institutions concernées n'ont jamais réussi à trouver un terrain d'entente sur ce sujet. Certaines voudraient construire un système regroupant uniquement les formations financées sur fonds publics, à l'exclusion des fonds privés ; or, comme cela a été rappelé, 5 % des actifs financent eux-mêmes leur formation. La construction d'un système d'information transversal, qui reprendrait l'ensemble de l'offre de formations, me semble pertinente.

Pour paraphraser une formule célèbre, je dirai que le code des marchés publics est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres. Nous avons maintenant un peu de recul pour l'analyser au vu de ce qui a été fait par les conseils régionaux, qui l'utilisent depuis plus longtemps que Pôle emploi. Il est toujours difficile, au début, pour une institution, de se servir du code des marchés publics. On observe qu'il est souvent appliqué, dans un premier temps, de manière excessivement rigide, mais cela s'arrange généralement par la suite. Les régions appliquent ainsi le code des marchés publics avec discernement. Enfin, je vous l'accorde, cette procédure nous a permis d'assainir le secteur.

Je suis tout à fait favorable à l'intéressement des opérateurs au résultat. Cependant, je doute de la viabilité du modèle économique propre aux prestations d'accompagnement. En effet, la part variable liée au résultat, qui est par nature incertaine, me semble excessive par rapport à la part fixe.

Aujourd'hui, la taille de Pôle emploi et la masse des financements dont il dispose, expliquent que les répercussions soient plus importantes en cas de dysfonctionnement.

Monsieur le rapporteur, nous sommes optimistes. Pour moi, deux voies incontournables de progrès s'imposeront dans les années à venir : remettre de la souplesse dans le système français de formation professionnelle et réaffirmer la place de l'individu au coeur du dispositif, par le développement de comptes épargne-formation et du droit individuel à la formation (Dif). Nous gagnerions à voir l'individu s'approprier sa formation et avoir voix au chapitre sur le financement de celle-ci, avec un accompagnement et une régulation, plutôt que d'aborder la formation par les statuts et les dispositifs.

M. Michel Clézio . - Pôle emploi prescrit insuffisamment sur les formations financées par les régions. Il prescrit même parfois difficilement sur ses propres marchés subséquents. Des axes de progrès existent à cet égard : la loi de 2009 contient des dispositions sur le développement du service public de l'orientation (SPO) et sur la mise en oeuvre d'un portail exhaustif qui permette d'avoir accès, en temps réel, aux offres de formation et aux places disponibles.

Je me prononce, moi aussi, en faveur de la mise en place d'une conférence des financeurs. Au regard de l'objectif de l'individualisation de l'offre de formations, nous avons besoin de mener des actions plus complémentaires avec les financeurs. Les acteurs de l'orientation doivent également dialoguer davantage. Une concertation avec les organismes de formation, qui sont souvent ceux qui connaissent le mieux les freins à l'emploi que rencontrent les demandeurs d'emploi, est également indispensable.

Nous pensons que le système fonctionnait mieux auparavant parce qu'il était plus empirique et n'avait pas la même dimension. Aujourd'hui, certains acteurs ont pris de l'importance. Toutefois je suis mal placé, en tant qu'opérateur, pour affirmer de manière définitive que le système antérieur était meilleur.

Je ne partage pas le point de vue exprimé par Mme Christiane Demontès. En effet, pour moi, les acteurs opportunistes n'ont jamais été aussi nombreux qu'aujourd'hui sur le marché de la formation. En trente ans, j'ai constaté que des acteurs s'étaient professionnalisés grâce aux régions. Or, aujourd'hui, je constate l'existence d'opportunistes qui s'implantent dans des régions pendant deux ans, avant d'être invalidés par Pôle emploi, une fois que leur manque de moyens est constaté.

Aucun d'entre nous n'est choqué d'être rémunéré en fonction du placement. Cependant, une prime au placement n'est pas équitable lorsqu'elle représente l'unique condition d'équilibre financier de l'opération. Elle devrait être un bonus pour permettre à l'opérateur de se développer. Telle est l'ambiguïté d'un marché dont les vertus sont louées mais dont seuls certains aspects sont retenus.

Enfin, je ne fais pas l'apologie de la procédure des marchés publics en matière de formation et de placement des demandeurs d'emplois, ce en quoi je me distingue peut-être de mes collègues. Je suis favorable à la constitution d'un service public de la formation et du placement des demandeurs d'emploi qui respecterait l'égalité de traitement et les règles de la concurrence. Le droit communautaire permettrait la construction d'un tel organisme, qui nous permettrait de nous inscrire dans une politique structurelle de long terme et de nous appuyer sur ce que chacun d'entre nous propose de meilleur.

La loi de 2009 a apporté de nombreuses améliorations. Cependant, la situation s'améliorera encore si les rouages administratifs sont agrémentés d'un soupçon d'intelligence.

Mme Anne-Marie Bjornson-Langen, directrice d'Afpa Transition . - Nous sommes à mi-chemin dans nos relations avec Pôle emploi, qui nous considère souvent comme de simples sous-traitants. Or, ce mode de relation n'est pas le bon en matière d'accompagnement et d'orientation, qui réclament plutôt un partenariat. Je suppose que la situation sera différente le jour où les organismes de formation et d'accompagnement, Pôle emploi et l'ensemble des acteurs du retour à l'emploi travailleront ensemble autour d'un même objectif, à savoir le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi.

Je ne connais pas la plate-forme que vous avez mentionnée, mais je sais que les opérations se déroulent correctement lorsque plusieurs financeurs et interlocuteurs débattent pour régler les problèmes des demandeurs d'emploi en situation difficile, en poursuivant un objectif commun. Or cette relation de confiance fait aujourd'hui défaut car le code des marchés publics a instauré une relation qui n'est pas la plus efficace pour le client ou le bénéficiaire final.

M. Claude Jeannerot, président . - Votre propos touche au sens même de l'action que vous menez. Je vous remercie de compléter vos interventions de contributions écrites, si vous le souhaitez.

Audition de M. Marc PICQUETTE,
directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi
(mardi 31 mai 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Nous avons débattu avec les opérateurs de formation des fonctions d'acheteur et de prescripteur de formation de Pôle emploi. La politique d'achat de Pôle emploi ne nous semble pas toujours répondre avec suffisamment de précision aux besoins des demandeurs d'emploi. En outre, les délais nécessaires à l'entrée d'un demandeur d'emploi en formation semblent parfois trop longs. Nous avons également des interrogations sur la coordination entre Pôle emploi et les conseils régionaux, qui sont également acheteurs de formation. En effet, nous aimerions nous assurer qu'elle fonctionne correctement sur l'ensemble du territoire.

M. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi . - La création de la direction de l'orientation et de la formation de Pôle emploi est récente et traduit la volonté de l'établissement de mettre l'accent sur la formation et l'orientation et, plus globalement, sur la mobilité professionnelle des actifs. La direction a été créée à l'initiative du directeur général, M. Christian Charpy, en avril 2010, à l'occasion du transfert des personnels d'orientation de l'Afpa vers Pôle emploi.

La mobilité professionnelle fait partie de nos missions et représente une réalité pour les demandeurs d'emploi. Parfois voulue, elle est souvent subie. Nous devons accompagner la mobilité pour garantir un retour des demandeurs d'emploi à un emploi durable.

Le marché du travail s'est fortement dégradé durant les deux dernières années. A présent, nous accompagnons la reprise économique en cours, afin d'orienter les demandeurs d'emploi vers les métiers à fort recrutement, vers les emplois émergents et, plus généralement, vers les métiers en tensions.

La loi assigne à Pôle emploi des missions d'information, d'orientation, d'accompagnement et de formation des demandeurs d'emploi. En tant qu'opérateur, notre enjeu est d'apporter les éléments de réponse correspondant à ces missions aux demandeurs d'emploi, ainsi qu'aux entreprises qui recherchent des compétences sur les territoires. Nous devons aider les demandeurs d'emploi à mieux cerner leur projet professionnel, leurs atouts et leurs compétences, qui sont nécessaires à la sécurisation de leur parcours professionnel.

Pôle emploi construit actuellement une offre de services d'orientation professionnelle. A cet égard, le transfert du personnel de l'Afpa vers Pôle emploi a constitué une première étape décisive. Notre mission de formation des demandeurs d'emploi nous conduit également à prescrire et à acheter des formations en complément d'autres financeurs. Pôle emploi accompagne, enfin, les demandeurs d'emploi vers le retour à l'emploi.

Pôle emploi est un acteur majeur de l'orientation et de la formation, mais un acteur parmi d'autres. En effet, le marché de la formation, complexe dans notre pays, regroupe un certain nombre de partenaires financiers, de prescripteurs et d'opérateurs. C'est pourquoi nous avons tissé des partenariats afin de coordonner notre stratégie de formation avec les conseils régionaux, les Opca et les branches professionnelles. L'Etat, quant à lui, définit le cadre légal et est acheteur de formations. Quant aux régions, elles dépassent Pôle emploi par le volume de leurs achats de formation. Le président de l'association des régions de France (ARF) et le directeur général de Pôle emploi ont formalisé un engagement commun de coordination et de complémentarité des achats de formation sur chacun des territoires.

Nous positionnons l'information et l'orientation dans le parcours de retour à l'emploi de chaque demandeur. Nos conseillers construisent des outils et aident les demandeurs d'emploi à définir leur projet professionnel. Nous lancerons prochainement un nouveau marché sur les prestations de service en matière d'orientation, afin d'élargir notre gamme de prestations. En tout état de cause, ces projets sont ancrés dans les territoires en cohérence avec la connaissance et l'expertise existant en région sur le marché du travail et les entreprises locales.

Nous voulons accélérer et simplifier l'accès à la formation pour favoriser le placement et l'employabilité des demandeurs d'emploi. Pôle emploi est un prescripteur de formations. Même si nous ne délivrons pas de formation, nous armons progressivement nos conseillers pour leur permettre de diffuser de l'offre de formation. Pour atteindre ce but, l'offre doit être lisible et les conseillers doivent pouvoir inscrire directement les demandeurs d'emploi à des formations. Nous cherchons également à centraliser certaines tâches administratives afin de libérer le conseiller de ce qui ne constitue pas son coeur de métier.

Enfin, dans le cadre de la construction de cette offre de service « orientation-formation », Pôle emploi souhaite sécuriser le financement de la formation. Chaque conseiller dispose d'une palette d'outils où figurent les formations achetées par Pôle emploi et celles des conseils régionaux, ainsi que les contrats en alternance, qui relèvent à la fois de la formation et du retour à l'emploi. Nous menons une réflexion d'ensemble afin de développer une ingénierie de parcours de formation qui mobiliserait l'ensemble des outils, y compris ceux dont les autres acteurs disposent.

Pour l'accueil et l'information du public, nous avons développé des modalités d'accès par téléphone et par Internet. Cette démarche s'accélère avec la création du service public de l'orientation (SPO), auquel Pôle emploi contribue, soit sous sa forme électronique et téléphonique, soit dans les lieux uniques du SPO.

Nous avons aussi renforcé la notion de diagnostic, opéré par le conseiller dès l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) du demandeur d'emploi. Ce dispositif permet de définir un projet d'évolution ou de mobilité professionnelle dès l'inscription du demandeur d'emploi, alors qu'auparavant la discussion sur la formation intervenait souvent après plusieurs mois. Aujourd'hui, l'orientation est au coeur du métier du conseiller. La question de l'orientation doit être abordée dès ce premier entretien pour mettre en oeuvre rapidement les solutions adéquates.

L'arrivée des psychologues du travail de l'Afpa à Pôle emploi, le 1 er avril 2010, a offert une nouvelle opportunité à notre établissement. Nous avons d'abord préparé leur accueil et veillé à assurer la continuité du service au demandeur d'emploi. Ces personnels ont délivré un peu plus de 90 000 Pops en 2010. Nous voulons en réaliser 200 000 en 2011. De nouvelles prestations compléteront le dispositif pour permettre à Pôle emploi d'assurer complètement sa mission d'orientation professionnelle. Elles seront expérimentées cette année, avant d'être généralisées dès l'année prochaine. Certaines de ces prestations seront proches de ce qu'étaient les bilans de compétences approfondis, d'autres permettront un accompagnement long sur le projet professionnel. Il y aura aussi des ateliers mis en place dans les agences locales, par exemple l'atelier « Choisir mon organisme de formation », qui sera notamment utile aux demandeurs d'emploi qui veulent utiliser leur droit individuel à la formation (Dif), ou « Atouts et compétences », plus axé sur l'orientation et la formation. Au total, quatre ateliers et deux prestations seront proposés dès l'an prochain. En 2010, Pôle emploi a délivré aux demandeurs d'emploi 300 000 prestations d'orientation et de formation, en prenant en compte les évaluations de capacité et de compétences professionnelles.

Pôle emploi peut prescrire des formations. Dans ce cadre, il a financé 118 570 places de formations en 2010, alors que l'objectif fixé était de 104 000. La notion de places de formation financées par Pôle emploi, recouvre notre marché d'achat de formations mais aussi les actions de formation préalables au recrutement (AFPR) et l'aide individuelle à la formation (AIF). 55 % des formations que nous achetons ont un objectif d'adaptation et 30 % concernent des formations certifiantes. Ceci positionne plutôt Pôle emploi comme un acheteur d'actions d'adaptation de la demande à l'offre d'emplois, tandis que les conseils régionaux ciblent davantage les formations qualifiantes. 80 % de nos achats de formation ont bénéficié à des demandeurs d'emploi d'un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat.

En 2011, nos ambitions en matière d'achat de formations consistent à maintenir notre positionnement sur les formations d'adaptation mais également à mieux cibler les métiers en tension. Plus de la moitié de nos achats de formation concernent aujourd'hui les secteurs du transport et de la logistique, les services à la personne et les formations générales. Nous avons créé l'AIF en septembre 2010 pour compléter notre dispositif : elle n'est pas destinée à remplacer notre politique d'achat par voie d'appels d'offres régionaux mais à permettre aux acteurs locaux d'acheter des formations lorsqu'il n'y a pas de réponse locale adaptée. Les actions de formation préalables au recrutement et la préparation opérationnelle à l'emploi (POE) font aussi partie de notre panel de prestations.

Nous nous sommes fixé quatre objectifs opérationnels pour 2010 et 2011.

Premièrement, nous souhaitons pérenniser l'élargissement et la personnalisation de notre offre de services. Nous ne nous bornons pas à développer des outils : nos conseillers doivent monter en compétence sur le champ de l'orientation et du projet professionnel. Nous souhaitons également redéfinir nos modalités d'achat avant le terme de notre accord-cadre, en juin 2012. Nous examinons les conditions dans lesquelles nous achèterons nos formations à l'avenir, dans une logique de coordination et de complémentarité avec les autres acteurs.

Deuxièmement, nous voulons travailler avec nos partenaires-clés dans le champ de l'orientation et de la formation. J'ai cité le service public de l'orientation, qui regroupe de nombreux acteurs, et, dans le champ de la formation, les conseils régionaux et les Opca qui nous aident à définir au mieux les besoins et à anticiper les mutations économiques et les recrutements à venir dans les territoires. Les Opca sont un acteur important pour la construction de notre offre de formation. Un plus large recours à l'alternance, et au contrat de professionnalisation en particulier, peut constituer un axe d'amélioration de notre action.

Troisièmement, nous souhaitons simplifier l'accès et la gestion de la formation. Aujourd'hui, deux tiers de nos régions disposent de plates-formes administratives de traitement de la formation. Nous voulons couvrir l'ensemble du territoire afin de permettre aux conseillers de se focaliser sur la construction des parcours des demandeurs d'emploi. Nous développons actuellement un outil informatique qui mettra à la disposition des conseillers toute l'offre de formation financée par Pôle emploi et qui leur offrira la possibilité, dès la fin de l'année 2011, de réserver une formation pour un demandeur d'emploi. Le périmètre de cet outil est voué à évoluer pour constituer avec nos partenaires une base unique de l'offre de formation.

Enfin, nos agents doivent monter en compétence pour animer ces nouvelles prestations et apprendre à mieux travailler avec les autres acteurs, locaux et régionaux de la formation.

M. Claude Jeannerot, président . - Les opérateurs de formation reprochent à Pôle emploi une procédure d'achat de formations excessivement bureaucratique et centralisée, qui accorde peu de place aux débats de fond sur les choix de formation dans les bassins d'emploi. En outre, les opérateurs vous reprochent un manque d'efficacité de vos prescriptions de formation qui, à leurs yeux, ne permettent pas suffisamment d'orienter les demandeurs d'emploi vers les formations appropriées. Ce double reproche est-il justifié selon vous ? Croyez-vous que les quatre objectifs que vous avez identifiés peuvent répondre à ces critiques ?

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les opérateurs vous ont également reproché l'insuffisance de vos diagnostics sur les besoins de formation des demandeurs d'emploi. Les conseillers semblent avoir des difficultés à cerner les besoins de formation des demandeurs d'emploi, peut-être en raison de leur surcharge de travail.

Les organismes de formation ont également critiqué un manque de concertation. D'après ce que nous avons compris de leurs propos, ils aimeraient ne plus être considérés comme de simples sous-traitants mais comme des partenaires, qui oeuvrent avec vous pour accompagner les demandeurs d'emploi vers l'emploi à travers la formation. Un dialogue de meilleure qualité permettrait d'améliorer le dispositif existant.

Nous avons enfin eu l'impression que les directeurs de vos agences manquaient de liberté pour s'adapter aux réalités qu'ils constatent sur le terrain, alors même que la réactivité et l'adaptation sont nécessaires. Comment envisagez-vous d'améliorer la capacité d'adaptation au territoire des agences ?

M. Alain Gournac . - Alors que certaines évolutions sur le marché du travail peuvent se produire en l'espace de trois ou quatre mois, comment pouvez-vous passer un contrat pour l'année avec un partenaire, vous adapter à la demande du marché et répondre à la nécessité d'aider les demandeurs d'emploi ? Même si vous êtes payeurs, vos partenaires sont des professionnels. La discussion est-elle possible avec ces prestataires ? Quelles marges de manoeuvre leur accordez-vous ? Les opérateurs regrettent également que les flux de demandeurs d'emploi orientés vers la formation soient irréguliers et parfois bien en-dessous des volumes promis.

Mme Annie David . - Les opérateurs de formation ont l'impression que vos relations manquent de confiance. Quels liens avez-vous avec eux ? Sans doute vos objectifs de progrès apporteront-ils une réponse à cette question. Cependant, je regrette leur arrivée tardive car la formation est tout de même au coeur du métier de Pôle emploi.

A vous entendre, tout va bien à Pôle emploi. Or je n'ai pas cette impression, pour avoir été une des participantes les plus assidues aux auditions. Selon vous, l'EID résoudra de nombreux problèmes. Cependant, il n'a pas encore été mis en place. Les conseillers n'y sont pas encore tout à fait préparés. Comment les formerez-vous pour leur permettre de trouver des réponses aux problèmes de formation des demandeurs d'emploi ?

Quelle place accorderez-vous aux nouvelles formations et aux nouveaux métiers, dans le cadre de votre objectif général de lisibilité de l'offre de formation ? Comment répondre à des demandes qui n'existent pas encore ?

Vous avez dénombré 118 000 entrées en formation financées par Pôle emploi. Visent-elles à intégrer le demandeur d'emploi dans un nouvel emploi ou lui permettent-elles aussi d'évoluer professionnellement ? Pour moi, l'intérêt de la formation est d'amener le demandeur d'emploi vers l'emploi, mais également de lui offrir une qualification supplémentaire.

La formation est au coeur des missions de Pôle emploi. Cependant, votre présentation m'a semblé trop idyllique au regard de ce que nous avons entendu dans les différents sites que nous avons visités.

M. Serge Dassault . - Je travaille depuis longtemps avec Pôle emploi et avec les missions locales de Corbeil-Essonnes. Elles se plaignent de manquer de crédits, en particulier pour la formation. Les missions locales, souvent occultées, réalisent les mêmes tâches que Pôle emploi à l'attention de jeunes qui sont peu employables. Or, aujourd'hui, leurs crédits sont insuffisants pour financer, par exemple, des formations au permis de conduire, pourtant nécessaire pour qu'un jeune trouve du travail. Comment obtenir davantage de crédits pour organiser ces formations ? Cette question est fondamentale car les jeunes qui arrivent dans les missions locales ne sont pas formés. Des problèmes de délinquance peuvent se poser à plus long terme. En tant que rapporteur spécial du budget de l'emploi, j'ai tenté d'augmenter le budget pour que Pôle emploi et les missions locales puissent proposer des formations complémentaires. Finalement, l'Etat a décidé de dépenser 500 millions d'euros supplémentaires pour l'emploi. Comment les gèrerez-vous ? En affecterez-vous une partie à la formation ?

Mme Christiane Demontès . - Comme ma collègue, j'ai le sentiment que votre exposé rassurant ne correspond pas à la réalité que nous constatons. Nous recevons des courriers qui décrivent des situations extrêmement douloureuses.

Vous avez évoqué la formation des demandeurs d'emploi et l'orientation. Mais comment mobilisez-vous les dispositifs de validation des acquis de l'expérience (VAE), que vous n'avez pas mentionnés ?

M. Claude Jeannerot, président . - Vous avez fait référence au service public d'orientation. Quelle est sa traduction concrète dans les territoires ?

M. Marc Picquette . - J'ai tenté de vous présenter notre situation de départ et la direction dans laquelle nous nous engageons à présent. Nous savons que nous avons encore du chemin à parcourir, comme en témoigne d'ailleurs la définition de plusieurs objectifs de progrès.

Nous devons nous souvenir que l'achat de formations obéit à des modalités nouvelles pour Pôle emploi. Notre accord-cadre, qui couvre la période 2009-2012, constitue certes une contrainte pour notre établissement mais nous l'assumons. Nous avons accompagné nos collègues en région, pour les aider à comprendre les conditions d'utilisation de ce marché, qui est divisé en quinze lots qui couvrent tous les domaines de formation. Les marchés sont passés au niveau régional, Pôle emploi n'achetant aucune formation au niveau national. Chaque direction régionale a sélectionné, pour chaque lot, trois organismes de formation. Il peut arriver que, dans certains territoires, les organismes référencés ne soient pas en mesure de fournir certaines formations. Lorsque ce cas se présente, nos agences locales disposent de crédits pour acheter des formations via l'AIF.

Nos achats de formation découlent de l'analyse des besoins sur les territoires. L'étude annuelle « Besoins de main-d'oeuvre » (BMO), réalisée par Pôle emploi, nous offre une vision prospective. La confrontation des offres et des demandes d'emploi nous permet de réaliser nos achats de formation.

Lorsque nous voulons acheter, par exemple, cinquante places de formation en cuisine dans un territoire qui peut être intéressé par ces compétences, encore faut-il que l'un des trois organismes sélectionnés puisse répondre à notre demande. Or ce n'est pas toujours le cas pour des raisons qui tiennent notamment aux dates des sessions de formation. L'entrée et la sortie en continu n'existent pas pour un certain nombre de formations. Les organismes de formation, quant à eux, ont besoin d'anticiper pour programmer leurs moyens, leurs ressources et leurs formateurs. Nous devons donc trouver un équilibre entre la nécessité d'être réactif et l'impératif d'une programmation à plus long terme.

Pôle emploi achète deux catégories de formations : celles qui sont dévolues aux métiers en tensions, comme nos instructions le prévoient, et celles qui sont dédiées aux secteurs émergents. Nous avions prévu, en 2010, de consacrer 5 % de notre budget de formation aux métiers de la « croissance verte ». Or nous leur avons consacré finalement 16,7 % de notre budget. Le taux de retour à l'emploi, six mois après la sortie de ces formations, est de 60 % alors qu'il n'est que de 43 % en moyenne. Nos actions de formation sont toujours centrées sur le retour à l'emploi.

Cependant, cette dynamique dans le domaine de la formation n'est pas pleinement intégrée au niveau local. L'accompagnement des conseillers pour leur montée en compétence réclame du temps. Le travail en commun des conseillers issus de l'indemnisation et du placement apporte une véritable valeur ajoutée car leurs réflexes professionnels sont complémentaires. L'interaction de leurs compétences sur le champ de la formation est intéressante dans une perspective de sécurisation des parcours. En attendant que chaque agent soit formé, nous installons des référents formation dans chaque agence locale. Nous transposons désormais ce mode opératoire à l'échelle nationale, en l'accompagnant d'un plan de formation, non pour avoir des experts en formation mais des référents qui soient en capacité d'aider leurs collègues dans la construction de parcours de formation particulièrement complexes.

Il est vrai que nous avons centralisé un certain nombre de procédures du fait de l'accord cadre, mais l'AIF, l'AFPR et la POE apportent de la souplesse. Pour nous, un projet de formation ne vaut qu'avec la certitude d'une embauche ou, au moins, un positionnement sur un secteur prometteur au niveau local. La POE dure 400 heures au maximum, pour ne pas entrer en concurrence avec le contrat de professionnalisation. Elle permet d'adapter les compétences d'un demandeur d'emploi grâce à une véritable formation, financée par Pôle emploi et pouvant être cofinancée par un Opca. La POE est mobilisée au niveau local.

Nous préparons actuellement notre prochain marché de formation, qui permettra à de nouveaux prestataires d'être référencés. Les différents acheteurs travaillent à la programmation de leurs formations, notamment dans le cadre des plans régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP). Pôle emploi, quoique non signataire des CPRDFP, participe au diagnostic et à la détermination des besoins. Nous nous coordonnons avec les conseils régionaux et avec les autres acheteurs pour définir des politiques d'achat réellement complémentaires. Les organismes de formation eux-mêmes entretiennent des relations au niveau local avec Pôle emploi. Ceci dit, je vous accorde que les relations entre notre établissement et les organismes de formation n'obéissent pas encore à des modalités bien définies.

La VAE, insuffisamment utilisée aujourd'hui, est un outil à la disposition de nos conseillers. Nous avons prévu de remédier à l'absence de prise en charge de la validation partielle de parcours VAE grâce à l'AIF, ce qui confirme que la VAE est un outil important à nos yeux.

Enfin, Pôle emploi a vocation à participer au SPO. Dans le cadre de l'expérimentation d'un numéro téléphonique court du SPO, menée dans trois régions, nous prévoyons de doter les téléopérateurs et les téléconseillers de scripts adaptés, pour informer largement tous les publics. Dans le domaine informatique, nous devrons construire des liens entre divers sites. Au niveau local, nous préparons actuellement la contribution de Pôle emploi aux sites uniques à venir, afin de faire de Pôle emploi un acteur de la délivrance de l'offre de services d'orientation tous publics, qui n'en est qu'à ses débuts.

Table ronde consacrée aux relations entre Pôle emploi
et les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca)
(mardi 31 mai 2011)

Lors d'une table ronde , la mission commune d'information auditionne conjointement MM. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi, Jean-Philippe Leroy, vice-président, Joël Ruiz, directeur général d'Agefos-PME, Francis Da Costa, vice-président, et Jean Pierre Therry, trésorier-adjoint du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), Patrice Lombard, président, Dominique Schott, vice-président, et Vincent Graulet, directeur du département veille et prospective d'Opcalia .

M. Claude Jeannerot, président . - Nous souhaitons débattre avec vous de la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), qui est un nouveau dispositif en cours de déploiement. Plus généralement, nous tentons de mieux comprendre les relations que Pôle emploi entretient avec les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), dans le cadre de sa double fonction de prescripteur et d'acheteur de formations. Les Opca, acteurs importants du monde de la formation, sont chargés de la collecte des fonds versés par les entreprises, tandis que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) les mutualise. Compte tenu du nombre élevé d'Opca en France, nous avons choisi d'en inviter deux : Opcalia et Agefos-PME.

M. Patrice Lombard, président d'Opcalia . - Opcalia avait signé une première convention pour travailler, notamment, sur les publics concernés par les contrats de transition professionnelle (CTP) et les conventions de reclassement personnalisé (CRP). En tout début d'année, nous avons signé une nouvelle convention-cadre avec Pôle emploi, afin de préciser et d'identifier des champs de coopération : information et communication, intermédiation entre l'offre et la demande d'emploi, mise en oeuvre et promotion des dispositifs mis en place par les partenaires sociaux, dont le droit individuel à la formation (Dif) portable et la POE, développement du contrat de professionnalisation, expérimentation conduite dans quatre régions sur la formation aux savoirs de base, mise en place d'actions collectives de validation des acquis de l'expérience (VAE) et poursuite du partenariat relatif au CTP et à la CRP.

Pour la mise en place de la POE, nous avons signé une convention nationale spécifique en début d'année. Elle vise à la promouvoir et à repérer les entreprises, les territoires et les secteurs potentiellement intéressés. Nous voulons aider les petites entreprises, qui n'ont pas de dispositif de gestion des ressources humaines très sophistiqué, à utiliser la POE.

Pour rappel, la POE vise à former des jeunes ou des demandeurs d'emploi, avec un emploi à la clé, moyennant une prise en charge par Pôle emploi et par un Opca. Nous travaillons avec les branches pour repérer celles qui ont des besoins auxquels la POE peut apporter une réponse. Nous devons coopérer avec le FPSPP pour développer encore davantage les projets de POE.

M. Dominique Schott, vice-président d'Opcalia . - La POE constitue une petite révolution culturelle, puisqu'elle conduit Pôle emploi à coopérer avec les Opca, qui apportent essentiellement des services aux PME. Si nos conseillers en entreprise détectent un besoin de recrutement dans une entreprise, quel que soit le niveau de qualification recherché, ils peuvent transmettre l'information à Pôle emploi et présenter à l'entreprise les dispositifs existants. A la rentrée, nous aurons les premiers indicateurs pour en évaluer les effets.

M. Francis Da Costa, vice-président du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels . - Vous avez raison d'insister sur la définition précise de la POE. En fait, la révolution culturelle qui a été évoquée a eu lieu il y a déjà trois ans quand les Opca et l'ANPE ont mis en place ensemble le CTP et la CRP, qui ont prouvé leur efficacité.

Dans l'accord national interprofessionnel (ANI) du 7 janvier 2009, les partenaires sociaux ont insisté sur la nécessité de développer les politiques en faveur de la qualification et de la requalification des demandeurs d'emploi. L'intérêt d'apporter des formations courtes et rapides visant l'accès à un emploi a été mis en avant, notamment pour les demandeurs d'emploi qui alternent des périodes de chômage et d'activité et pour ceux éloignés de l'emploi. L'article 114 de l'ANI définit le dispositif individuel de la POE tandis que l'article 115 est relatif à la POE dite « collective ».

En principe, la POE est mise en oeuvre quand une offre d'emploi est clairement identifiée. On observe d'ailleurs, sur ce point, un écart entre les stipulations de l'ANI, qui fait référence à une offre d'emploi identifiée, et le texte législatif qui mentionne une « offre d'emploi déposée à Pôle emploi ». La différence entre ces deux notions est importante. La POE permet de former, pendant 400 heures au maximum, un demandeur d'emploi à qui il manque les compétences requises pour répondre à une offre d'emploi. La POE est prise en charge par Pôle emploi, les Opca pouvant apporter un cofinancement.

Le fonds paritaire a émis un appel à projets pour la POE, qui accorde une attention particulière aux jeunes qui accèdent difficilement à l'emploi, en cohérence avec les objectifs définis par l'ANI sur l'accompagnement des jeunes dans l'accès à l'emploi. Nous avons prévu de réaliser 5 000 POE pour des jeunes de moins de trente ans. Un appel à projet ultérieur prendra en compte les besoins de formation identifiés par les branches professionnelles. De cette manière, si nous apprenons qu'un chantier commencera dans six mois, une POE collective pourra être mise en oeuvre, sans attendre que les offres d'emploi soient déposées.

M. Jean-Pierre Therry, trésorier-adjoint du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels . - L'appel à projet qui a été lancé va concerner 5 000 jeunes, sur la base d'une estimation de 400 heures de formation par jeune et d'un coût horaire global maximal de 15 euros. Mais si les formations durent 250 heures en moyenne pour un coût horaire moyen de 13 euros, l'appel à projets pourrait concerner jusqu'à 6 500 personnes. Nous avons fondé notre estimation sur les coûts maximaux, mais tous les cursus n'impliquent pas de dispenser le maximum d'heures de formation prévu dans le cadre de la POE.

M. Jean-Philippe Leroy, vice-président d'Agefos-PME . - J'introduirai mon exposé en citant les quatre accords nationaux qui ont fondé notre relation avec Pôle emploi depuis sa création en 2008.

Le premier accord, signé en janvier 2009, était relatif à l'augmentation du nombre de bassins d'emplois concernés par le CTP, passé de huit à vingt-cinq. L'accord-cadre tripartite a été signé par Agefos-PME, Transitio CTP, qui est une filiale de l'Afpa, et Pôle emploi, sous l'égide de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi.

En janvier 2010, un accord-cadre sur le contrat de professionnalisation est intervenu. Nos conseillers se rendent dans les entreprises pour repérer leurs besoins en matière de contrats de professionnalisation. L'objet de notre accord était la transmission de ces informations à Pôle emploi.

Comme Agefos-PME se caractérise par un fort ancrage territorial, ces deux accords ont été déclinés dans l'ensemble des régions. Des commissions de suivi se sont constituées, qui interviennent sur le CTP et la CRP, les contrats de professionnalisation, l'estimation des besoins en main-d'oeuvre et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

Agefos-PME a été le premier Opca à signer un accord avec Pôle emploi sur la POE, le 26 janvier 2011, en présence de Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. L'accord, qui prévoit 5 000 entrées en POE, témoigne de la volonté des membres de notre conseil d'administration de s'engager dans cette démarche, en particulier de la CGPME qui a été en pointe sur cette question.

Cependant, la vision que Pôle emploi a de la POE diverge parfois légèrement de celle des partenaires sociaux : ainsi, nous considérons que la POE doit être mise en oeuvre à partir d'une offre d'emploi identifiée, au profit d'un demandeur d'emploi à qui il manque une compétence pour correspondre tout à fait au profil recherché, et qui pourrait l'acquérir avec moins de 400 heures de formation ; pour Pôle emploi, la POE vise davantage les branches professionnelles, dans le cadre de formations organisées en commun. Nous parvenons toutefois à trouver un terrain d'entente.

M. Joël Ruiz, directeur général d'Agefos-PME . - La relation de partenariat des Opca avec Pôle emploi est ancienne et porte sur plusieurs dispositifs. Elle vise à anticiper les besoins en ce qui concerne les trajectoires professionnelles dans les territoires, l'appui aux licenciés économiques et les offres d'intégration durable dans l'emploi à travers les contrats d'alternance et la POE.

Nous avons désormais des correspondants régionaux qui assurent la liaison entre Pôle emploi et Agefos-PME. L'ajustement de nos différents réseaux a parfois été long, notamment lors du lancement de nouveaux dispositifs comme la POE, mais les échanges au niveau local, sur le plan opérationnel, sont maintenant de bonne qualité. Nous devons également veiller à animer notre réseau.

Agefos-PME s'est engagée sur un objectif de 5 000 entrées en POE à travers la signature d'un accord. Cet objectif ne sera sans doute pas atteint dans l'immédiat. En effet, le lancement du dispositif a réclamé du temps. Toutefois, Agefos-PME a cofinancé, à ce jour, 450 POE sur les 1 000 qui ont été cofinancées par les Opca. Nous lancerons un appel à projets, le 27 mai, au titre du FPSPP, pour 3 200 POE supplémentaires. Nous espérons en réaliser davantage ; le résultat final dépendra de la mobilisation de nos réseaux sur le terrain. La mise en oeuvre opérationnelle s'appuie sur nos référents régionaux, voire départementaux.

Vous nous demandez pourquoi la POE a été mise en place seulement deux ans après la conclusion de l'ANI du 7 janvier 2009. Cette question est très politique et ne dépend pas seulement des Opca. Elle pourrait être abordée par les représentants du FPSPP.

Pour la remontée des offres d'emploi des entreprises, nous travaillons avec Pôle emploi sur la base d'une relation de confiance, en partant du principe que celui qui repère le premier un besoin de recrutement est présumé d'office avoir l'accord de l'autre partenaire pour mettre en oeuvre la POE. Ce principe nous permet d'éviter de multiplier les interlocuteurs pour les entreprises et les demandeurs d'emploi au niveau local. Notre demande, à présent, serait que l'on puisse avoir connaissance des suites données aux offres d'emploi gérées par Pôle emploi, au-delà même du dispositif de la POE, car nous voulons pouvoir rendre des comptes à nos adhérents en ce qui concerne l'appariement entre offres et demandes d'emploi dans un territoire.

Vous nous interrogez également sur le développement des compétences des demandeurs d'emploi. Il nous importe de partir d'une demande réelle des entreprises afin que l'accompagnement du demandeur d'emploi soit efficace. Nous souhaitons être informés de l'évaluation des dispositifs d'accompagnement. Nous devons parvenir à mettre en place des dispositifs plus individualisés et à évaluer leurs effets, afin de pouvoir ensuite en rendre compte au FPSPP et au conseil d'administration d'Agefos-PME.

M. Claude Jeannerot, président . - Vous semblez évoluer dans un monde très complexe. Nous identifions quatre types d'acteurs sur la question de la formation : les opérateurs de formation, les prescripteurs et les acheteurs, qui peuvent parfois se confondre, et les financeurs, dont vous faites partie. Nous pressentons que l'efficacité de l'ensemble dépend de la capacité de ces différents intervenants à se coordonner, d'autant que la mise en oeuvre de la formation est souvent individuelle et sur mesure.

D'aucuns nous ont affirmé que la multiplicité des financeurs rendait une nouvelle gouvernance indispensable pour la fonction d'achat de formations et la mise en oeuvre des formations. Ils souhaitaient qu'une gouvernance soit imaginée pour associer davantage les financeurs au niveau régional. Je voudrais le point de vue de Pôle emploi et des Opca sur la question de la gouvernance. La territorialisation de l'action publique de Pôle emploi dans le champ de la formation est essentielle.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - La question de la gouvernance régionale est centrale, même s'il ne faut pas oublier l'Etat, qui est également prescripteur et acheteur de formations. Nous estimons que le dispositif devrait se coordonner à ce niveau. Certaines régions ont progressé en matière de gouvernance, d'autres moins.

Pôle emploi est au contact des entreprises et vous aussi. Je n'ai pas bien compris la question de l'accord présumé d'office que vous avez évoqué au sujet de la POE. Concrètement qui fait entrer les jeunes dans la POE ? Sachant que les missions locales sont en charge des jeunes de moins de vingt-cinq ans, Pôle emploi s'occupe-t-il des jeunes entre vingt-cinq et trente ans ?

Je ne comprends pas bien non plus comment la coordination s'établit, en amont, pour découvrir l'emploi ou le gisement d'emplois pertinent pour la POE. Comment les demandeurs d'emploi sont-ils repérés ? Comment vont être sélectionnés les 5 000 demandeurs d'emploi bénéficiaires de la POE que vous avez évoqués ?

Mme Annie David . - Vous nous avez décrit la multiplicité des contacts entre les Opca et Pôle emploi. Nous nous en félicitons et espérons que ces échanges sont fructueux. Cependant, j'éprouve moi aussi des difficultés à saisir la façon dont vous établissez la relation avec les demandeurs d'emploi.

Je n'étais pas favorable à la POE, qui ne me semblerait pas suffisamment qualifiante puisqu'elle ne permet pas au demandeur d'emploi d'obtenir un véritable diplôme à l'issue de ces 400 heures de formation. Le demandeur d'emploi est placé dans l'entreprise sans que nous sachions si son emploi sera pérenne ou non et s'il pourra ensuite faire valoir sa formation. La formation dispensée dans le cadre de la POE donne-t-elle lieu à une validation, d'une manière plus ou moins formalisée ?

Je profite, enfin, de la présence des représentants du FPSPP pour leur demander si la ponction opérée par l'Etat sur le budget du fonds leur a posé des difficultés de fonctionnement.

M. Claude Jeannerot, président . - La POE rappelle une mesure, née en 1973-1974, et financée par l'Etat, utilisée lorsque l'ANPE constatait que certaines offres d'emploi ne trouvaient pas de profil correspondant aux exigences du poste. Ces formations étaient alors appelées « stages de remise à niveau ». Même si les partenaires sociaux sont désormais les cofinanceurs de la POE, elle n'est donc pas entièrement une nouveauté.

M. Francis Da Costa . - Ces stages de remise à niveau étaient des stages de groupe, très différents donc de la POE, alors que le stage d'accès à l'emploi (SAE), financé par l'ANPE, permettait quant à lui de préparer une personne à un emploi.

Il n'était pas nécessaire de rendre la POE certifiante ou qualifiante car des formations certifiantes ou qualifiantes existent déjà. La POE vise à apporter à un demandeur d'emploi les compétences qui lui manquent pour occuper un poste dans une entreprise. D'autres dispositifs existent dans le cadre de la formation tout au long de la vie, comme la période de professionnalisation pour les salariés qui sont en poste ou le congé individuel de formation.

Avec la POE, nous avons voulu apporter un complément par rapport aux dispositifs existants. Pôle emploi est spécialiste des demandeurs d'emploi, les Opca connaissent l'entreprise et ses besoins, l'intérêt de la POE est de permettre la rencontre de ces deux acteurs.

L'ANI stipule que la durée précise de la formation sera définie en fonction du diagnostic établi conjointement avec le demandeur d'emploi. En revanche, la loi dispose que l'entreprise, en concertation avec Pôle emploi et l'Opca dont elle relève, définit les compétences que le demandeur d'emploi acquiert au cours de la formation pour occuper l'emploi proposé. Je regrette que la loi ait fait passer le demandeur d'emploi au second plan... Heureusement, Pôle emploi a une bonne connaissance des demandeurs d'emploi et travaille avec les Opca, qui connaissent les entreprises, ce qui permet de mettre en oeuvre une POE efficace.

En revanche, la demande de formation individuelle est plus compliquée à satisfaire. Nous ne payons évidemment pas le même prix selon que nous organisons une formation individuelle ou collective. Nous avons souhaité compléter l'apport financier de Pôle emploi mais le plafond de rémunération de 15 euros de l'heure, prévu par la POE, est trop faible pour rémunérer convenablement un formateur qui intervient en tête-à-tête.

Concernant la gouvernance, nous nous sommes tous impliqués dans la réflexion menée autour des contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP). Même si ces contrats sont seulement signés par la région, le préfet et le recteur, Pôle emploi a participé à leur élaboration. Les partenaires ont travaillé dans des commissions en amont, le travail a été mené à un rythme soutenu et tous les acteurs ont été impliqués.

La concertation est indispensable dès lors que les Opca, donc les partenaires sociaux, peuvent intervenir auprès des demandeurs d'emploi et que Pôle emploi peut intervenir auprès des entreprises. La POE prépare à un véritable poste de travail et, dans 95 % des cas, le poste sera pourvu par la personne entrée dans le dispositif de la POE. Une coordination entre les différents financeurs est donc indispensable. L'ANI de 2009 a voulu lever les obstacles à l'embauche liés au statut ou à l'âge. Il importe que les différents financeurs puissent maintenant trouver ensemble les solutions les plus opérationnelles.

La ponction sur notre budget n'a pas bloqué l'avancée de notre programme car nous avons décidé de la lisser sur trois ans, ce qui est moins douloureux en termes de trésorerie, à condition bien sûr que cette ponction ne se renouvelle pas tous les ans... Nous attendons beaucoup de la réforme du plan comptable des Opca et du fonds paritaire, qui devrait nous permettre de mieux prendre en compte les charges constatées d'avance et les coûts fixes. Aujourd'hui, notre trésorerie, apparemment confortable, est trompeuse, car elle ne nous permet même plus de faire face à nos charges constatées d'avance. Toutefois, nous n'avons pas voulu renoncer aux projets que nous mettons en oeuvre au profit des salariés et des demandeurs d'emploi.

M. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi . - Je rejoins les propos de M. Francis Da Costa sur les CPRDFP. En effet, Pôle emploi, même s'il n'en est pas signataire, a été associé à tous les travaux de contractualisation et de programmation des actions de formation. En Bourgogne et en région Rhône-Alpes, nos directions régionales ont constitué un groupement d'achats avec le conseil régional, qui devient alors l'unique acheteur de formations. Nous en mesurerons les effets à l'occasion du futur marché d'achat de formations par Pôle emploi.

L'idée de conférences des financeurs me paraît essentielle pour faire vire le CPRDFP, mais aussi pour participer à l'accompagnement de l'évolution des besoins et à de grands projets. Nous sommes fréquemment sollicités pour des opérations de POE. Quand des entreprises nous annoncent qu'elles réaliseront de grands travaux et que des terrassiers, par exemple, devront être formés, un effort d'anticipation est nécessaire pour répondre à leurs besoins, En outre, acheteurs et organismes de formation doivent s'accorder sur des outils et savoir comment ils seront articulés et comment chacun les mobilisera. La POE n'est pas la panacée, même si elle offre un nouveau levier pour le financement de formations et l'adaptation des compétences. Elle est complémentaire d'autres outils, comme les contrats de professionnalisation. Tous nos projets se déroulent naturellement à l'échelle d'un territoire.

En ce qui concerne l'entrée en POE, la règle est que le premier, de Pôle emploi ou de l'Opca, qui a un contact avec une entreprise, ouvre le dossier. Ainsi, nous ne nous concurrençons pas de façon stérile. Pôle emploi et les Opca ont formalisé des conventions nationales qui précisent les conditions de prise en charge. Les tarifs de Pôle emploi sont nationaux et connus de tous, contrairement à ceux des Opca. C'est pourquoi nous avons choisi de traiter cette question au niveau national, de manière à éviter de reporter au niveau régional des négociations complexes. Si la majorité des Opca partagent nos préoccupations, certaines conventions ne sont pas encore finalisées car des Opca nous proposent des conditions de financement trop complexes pour être mises en oeuvre à l'échelle d'un territoire.

A ce jour, dix-sept conventions ont été signées pour organiser la POE. Depuis le début de l'année, 3 000 personnes en ont bénéficié, sans compter les projets qui n'ont pas encore été formellement enregistrés. Parmi les bénéficiaires, un tiers était âgé de moins de trente ans, ce qui signifie que nous respectons nos objectifs relatifs aux jeunes. Nous pourrons vous proposer un bilan plus complet de la POE et de ses effets, à la fin du mois de juin, car nous avons prévu de dresser un bilan semestriel. La POE démarre, mais 3 000 personnes en ont déjà bénéficié, ce qui laisse présager une courbe ascendante.

M. Joël Ruiz . - L'organisation de la formation professionnelle peut sembler complexe dans la mesure où plusieurs opérateurs interviennent désormais sur le même public. Autrefois, chacun se cantonnait dans son domaine réservé, celui des salariés ou celui des demandeurs d'emploi. Le gouvernement, le législateur et les partenaires sociaux ont souhaité mettre fin à ce cloisonnement pour travailler sur les trajectoires professionnelles. Il en résulte, naturellement, une organisation plus complexe, qui pose le problème de la coordination. Des commissions techniques travaillent avec Pôle emploi et les Opca sur un certain nombre de sujets. En outre, nous veillons à ne pas mener d'actions qui seraient redondantes avec celles des conseils régionaux.

La formation professionnelle vise à entretenir et à perfectionner les connaissances des actifs, à les qualifier et à les adapter à l'emploi. Lorsqu'une personne est déjà qualifiée, il n'est pas forcément nécessaire de lui apporter une qualification ou un diplôme supplémentaire. Nos dispositifs poursuivent donc, selon les cas, un objectif d'adaptation à l'emploi ou de qualification. La création de la POE poserait un problème seulement si elle se développait au détriment des dispositifs de qualification, par exemple, le contrat de professionnalisation. Ces dispositifs peuvent d'ailleurs se compléter : un contrat de professionnalisation à durée indéterminée peut ainsi être conclu à l'issue de la POE si un besoin de qualification est apparu.

M. Vincent Graulet, directeur du département veille et prospective d'Opcalia . - Notre souci est d'élaborer des outils et des pratiques homogènes, notamment lorsque nous travaillons avec un nouvel acteur comme Pôle emploi. Nous devons nous accorder sur des procédures, des outils, des éléments de régulation et des tableaux de bord, afin de faciliter le travail des collaborateurs des différents réseaux. C'est d'autant plus vrai avec la mise en oeuvre de la POE. C'est le sens des travaux menés actuellement sous l'égide du fonds paritaire, pour préciser le rôle dévolu à chacun.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie et vous invite à nous adresser des contributions écrites si souhaitez compléter vos propos.

Audition de Mme Véronique HESPEL et de MM. Pierre-Emmanuel LECERF et Emmanuel MONNET, membres de l'inspection générale des finances (IGF), auteurs de l'« Étude comparative des effectifs des services publics de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni »
(mardi 31 mai 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Tous trois membres de l'Inspection générale des finances (IGF), vous êtes les auteurs d'un rapport sur les effectifs du service public de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. La comparaison de ces trois services publics de l'emploi peut conforter, nous semble-t-il, les réflexions et les propositions que nous pourrons formuler dans notre rapport. Nous avons en effet constaté que la question des moyens humains du service public de l'emploi ne pouvait être éludée. Le service public de l'emploi français nous semble sous-doté à cet égard. Exposez-nous les constats de votre rapport, avant que nous engagions le dialogue.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf, inspecteur des finances . - Commandé par la ministre de l'économie, Mme Christine Lagarde, et le secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, en juillet 2010, ce rapport visait à comparer les effectifs des services publics de l'emploi en Europe. Faute de temps, nous avons restreint l'analyse à trois pays. Cependant, le rapport a été enrichi de compléments sur sept autres pays européens, qui touchent non seulement aux effectifs, mais aussi à l'organisation et à la performance des services publics de l'emploi.

Les systèmes institutionnels diffèrent d'un pays à l'autre, selon le degré d'intégration du service public de l'emploi. C'est en France que le degré d'intégration est le plus faible malgré l'unification de deux réseaux dans Pôle emploi. Le système allemand, et davantage encore le système britannique, sont plus intégrés.

Dans ces pays, plus ou moins touchés par la crise économique, les niveaux de chômage sont inégaux. Le taux de chômage de la France est le plus élevé des trois. Cependant, le chômage au Royaume-Uni a fortement augmenté pendant la crise, ce qui a eu un impact sur les ressources et la charge de travail du service public de l'emploi.

La définition du service public de l'emploi n'est pas homogène entre les différents pays. Par convention, nous avons retenu quatre missions opérationnelles pour en cerner les contours : l'accueil, l'accompagnement et le placement, l'indemnisation des demandeurs d'emploi et les services aux employeurs. Cette approche correspond au périmètre de Pôle emploi. Nous aurions cependant pu y inclure la formation professionnelle, par exemple.

Nous devions ensuite décompter les effectifs du service public de l'emploi, ce qui n'est pas une tâche aisée. Nous nous sommes appuyés sur des outils méthodologiques de comptabilité analytique, dont la fiabilité est inégale.

Enfin, nous devions comparer et expliquer nos conclusions en termes de moyens et de niveau d'activité. Nous ne nous sommes pas arrêtés à la productivité du service public de l'emploi mais nous nous sommes également intéressés à l'analyse des résultats.

M. Emmanuel Monnet, inspecteur des finances . - Le décompte des effectifs totaux des SPE suppose d'agréger les effectifs des organismes correspondant au périmètre des quatre missions dans les différents pays. Nous avons retenu deux ratios pour comparer les effectifs. Le premier rapporte les effectifs décomptés au nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT), qui ne concerne que les personnes sans emploi. Le second rapporte ces effectifs au nombre de chômeurs au sens des administrations nationales, ce qui reflète plus fidèlement la charge de travail potentielle des services publics de l'emploi mais repose sur des conventions de décompte hétérogènes.

En valeur absolue, les effectifs du SPE français, soit 62 056 équivalents temps plein (ETP), sont supérieurs à ceux du SPE britannique (53 844 ETP) et inférieurs à ceux du SPE allemand (127 450 ETP).

Rapporté au nombre de demandeurs d'emploi, le SPE français a un taux d'encadrement de 215 ETP pour 10 000 demandeurs d'emploi au sens du BIT, soit un niveau inférieur à celui des deux autres pays (420 ETP en Allemagne et 221 ETP au Royaume-Uni). L'écart s'accroît lorsque l'on prend en compte le nombre de demandeurs d'emploi au sens des administrations nationales : 159 ETP pour 10 000 en France, 377 ETP en Allemagne et 349 ETP au Royaume-Uni.

Le taux d'encadrement en France est inférieur pour trois des quatre missions. Il n'est supérieur que pour les services aux entreprises. Nous constatons que le Royaume-Uni accorde une priorité plus nette à l'accompagnement du demandeur d'emploi que les deux autres pays, puisque cette mission y mobilise 51 % des effectifs du SPE.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - A quoi correspondent les effectifs résiduels qui sont cités dans votre rapport ?

M. Emmanuel Monnet . - Ce sont des personnels administratifs affectés à des fonctions support qui concourent à la réalisation des quatre missions. Les effectifs résiduels sont importants à Pôle emploi.

L'Allemagne affecte une plus forte proportion de ses effectifs aux missions d'accueil et d'indemnisation du demandeur d'emploi, tandis que la France consacre un effort plus important aux relations avec l'employeur que dans les autres pays.

La prise en compte de la sous-traitance ne modifie pas l'analyse. En 2009, année prise en compte pour notre comparaison, la France a eu recours à la sous-traitance pour le placement des demandeurs d'emploi. Elle y a consacré un budget inférieur à celui du Royaume-Uni, légèrement supérieur à celui de l'Allemagne, mais en tout cas pas de nature à modifier la hiérarchie que nous avons constatée.

Mme Véronique Hespel . - Au départ, nous avions envisagé de comparer les effectifs des sous-traitants mais ces données ne sont pas disponibles. Nous avons donc préféré rapprocher les budgets et constaté que notre budget de sous-traitance correspondait au tiers de celui du Royaume-Uni.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Quels organismes avez-vous intégrés en France pour effectuer votre comparaison ?

M. Emmanuel Monnet . - Nous avons pris en compte, pour la France, Pôle emploi, les missions locales, les maisons de l'emploi, les caisses d'allocations familiales (Caf), les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), les Cap emploi, l'Apec, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l'Unedic, en retenant à chaque fois les emplois correspondant aux missions qui nous intéressent.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les Opca sont-ils à l'extérieur du périmètre ?

Mme Véronique Hespel . - Nous avons extrait du périmètre les organismes chargés de la formation professionnelle. Nous avons choisi une définition conventionnelle afin de simplifier le calcul.

Les collectivités locales manquent à notre identification des effectifs français. Nous avons réalisé une enquête pour connaître la part des effectifs des Direccte affectés à des missions relatives à l'emploi et une enquête auprès des Direccte pour leur demander d'estimer les effectifs affectés, dans les départements, à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Or, le taux de réponse à cette deuxième enquête a été faible, de l'ordre de 15 %, ce qui nous a amenés à exclure ces personnels de notre décompte. En extrapolant à partir de ces résultats très partiels, nous serions arrivés à une estimation de l'ordre de 2 000 postes de travail. On parle beaucoup du coût du RSA pour les départements mais on connaît mal, manifestement, les moyens qui sont consacrés à l'insertion.

M. Emmanuel Monnet . - Sur la mission d'accueil et d'information du demandeur d'emploi, le SPE français paraît le plus apte à fournir un service de proximité à moindre coût en dépit d'effectifs limités. Il nous paraît productif, avec un réseau d'accueil de proximité qui n'est pas négligeable. Ainsi, nous pensons que notre offre de services est satisfaisante sur ce point, quoique moins étendue en matière de guichet unique.

L'offre de services aux entreprises, plus étendue et moins ciblée en France, peut expliquer l'importance relative des effectifs consacrés aux relations avec les employeurs. En effet, nos voisins semblent cibler les grandes entreprises qui sont celles qui proposent le plus de postes.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Outre Pôle emploi, les Opca recherchent aussi les emplois disponibles dans le monde de l'entreprise.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Notre constat en est renforcé : en France, les moyens consacrés aux services aux employeurs sont élevés alors que le Royaume-Uni cible davantage les employeurs engagés dans des partenariats pour recruter les personnes les plus éloignées du marché du travail. L'Allemagne se concentre sur les 20 % d'entreprises qui proposent 80 % des offres d'emploi.

M. Emmanuel Monnet . - Nous avons été surpris de constater que la mission d'indemnisation en France comptait, proportionnellement, moins d'effectifs qu'ailleurs. En effet, le Royaume-Uni présente a priori le degré le plus poussé de rationalisation de ces fonctions. Finalement, nous nous demandons si la supériorité numérique des effectifs des autres SPE en ce domaine est due à une meilleure qualité de service ou à une organisation moins efficace. Il y a là encore matière à investigation.

Mme Véronique Hespel . - Les Caf semblent gérer le RSA de façon extraordinairement économe par rapport au système allemand. Au Royaume-Uni, les services d'indemnisation ont sans doute accueilli une partie des 20 000 agents qui travaillaient dans les Job Center Plus et dont l'emploi a été supprimé avant la crise, ce qui peut expliquer des sureffectifs. En Allemagne, le surcroît de personnel dédié à l'indemnisation s'explique vraisemblablement par le fédéralisme. En effet, toutes les collectivités ont leur système de gestion propre.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - L'introduction d'un nouveau système informatique en Allemagne devrait cependant accroître la productivité de 16 % et permettre de réduire les effectifs.

En ce qui concerne l'accompagnement, les écarts d'effectifs sont très importants entre les pays. Cependant, les trois pays présentent des spécificités institutionnelles fortes et les acteurs sont très différents d'un pays à l'autre.

En Allemagne, les communes sont très impliquées dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi, les Britanniques recourent beaucoup à la sous-traitance et en France de nombreux acteurs se côtoient.

Par ailleurs, l'offre de services en France est plus restreinte. En Allemagne, l'accompagnement est fortement intégré au dispositif d'orientation et de formation professionnelle. Au Royaume-Uni, l'accompagnement du demandeur d'emploi est plus intensif qu'en France. Un demandeur d'emploi britannique passe 7 heures 25 en face à face avec son conseiller sur douze mois, là où un chômeur français est reçu, en théorie, pendant 5 heures. Depuis la crise, seulement 36 % des entretiens prévus à partir du quatrième mois de chômage sont réalisés. En réalité, la durée des contacts avec le conseiller est donc plutôt d'une heure.

Mme Véronique Hespel . - Au Royaume-Uni, le suivi du demandeur d'emploi s'intensifie entre le sixième et le douzième mois. S'il n'a pas trouvé de travail au bout de six mois, il est reçu en entretien toutes les deux semaines et doit présenter les dix démarches de recherche d'emploi qu'il a réalisées depuis le dernier rendez-vous et les dix autres qu'il compte réaliser dans la prochaine quinzaine. Si le demandeur d'emploi est toujours au chômage après douze mois, il est confié à un sous-traitant du SPE.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Cela signifie que les sous-traitants suivent les personnes les moins employables.

Mme Véronique Hespel . - Le demandeur bénéficie ainsi d'un autre interlocuteur lorsque l'accompagnement n'a pas abouti.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les Britanniques mettent donc en place des moyens pour aider les personnes qui n'ont pu retrouver un emploi grâce au suivi de droit commun.

Mme Véronique Hespel . - Au Royaume-Uni, la moitié des sous-traitants sont des associations. Le SPE britannique passe des contrats avec les sous-traitants qui sont mis en concurrence. Toutefois, on observe que des partenariats de long terme se mettent en place, de sorte que les associations qui interviennent sont à peu près toujours les mêmes. De fait, les projets sont pluriannuels.

M. Claude Jeannerot, président . - Avez-vous comparé la durée moyenne du chômage dans ces différents pays ? L'efficacité de l'accompagnement s'évalue aussi à l'aune de ce critère.

Mme Véronique Hespel . - Nous sommes malheureusement les champions en ce domaine.

Du point de vue des finances publiques, une seule question compte : ces moyens humains rapportent-ils ? Nous avons étudié toutes les évaluations britanniques et allemandes, qui attestent que l'intensification de l'accompagnement réduit la durée d'indemnisation. Les Britanniques ont décidé d'intensifier le suivi car cette approche est la moins coûteuse.

Cependant, les effets d'un suivi plus intensif dépendent du niveau d'emploi, des salaires, de la politique d'offre et du niveau de l'indemnisation. Le système britannique indemnise les demandeurs d'emploi au chômage depuis plus de six mois à un niveau équivalent à celui du RSA, ce qui rend moins surprenante la plus faible durée d'indemnisation en Grande-Bretagne.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Le système britannique oblige-t-il les demandeurs d'emplois à accepter une offre d'emploi ?

Mme Véronique Hespel . - Le point fort de ce système est l'activation.

M. Claude Jeannerot, président . - Cependant, les personnes qui bénéficient du RSA depuis longtemps ne voient pas leur durée moyenne de chômage réduite si les mesures d'accompagnement ne sont pas suffisantes.

Mme Véronique Hespel . - Le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité qui ne sont pas effectivement demandeurs d'emploi est à peu près le même en Allemagne et au Royaume-Uni. Cependant, l'incitation à rechercher un emploi est plus forte au Royaume-Uni qu'en France ou en Allemagne car le lien entre indemnisation et recherche d'emploi est plus fort et contrôlé tous les quinze jours.

M. Claude Jeannerot, président . - Le nombre élevé d'agents du SPE en Allemagne a-t-il un effet sur la durée moyenne du chômage ?

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Dans les deux pays que nous avons étudiés, où les marchés du travail et les systèmes d'indemnisation sont pourtant différents, l'intensification de l'accompagnement réduit manifestement la durée moyenne de chômage. Le SPE allemand a décidé progressivement de se rapprocher d'une cible de soixante-dix demandeurs d'emploi par conseiller. L'équivalent allemand de Pôle emploi, la Bundesagentur für Arbeit, gère la caisse d'assurance chômage et a donc un intérêt budgétaire immédiat à avoir une moindre durée d'indemnisation.

M. Claude Jeannerot, président . - Nous avons observé dans le Nord-Pas-de-Calais un dispositif d'accompagnement renforcé mis en place pour l'emploi des jeunes. Chaque conseiller doit suivre soixante dossiers. Nous constatons que les jeunes, au-delà d'un an d'indemnisation, sont convoqués quasiment chaque semaine. La probabilité de voir ces jeunes sortir du chômage est infiniment plus forte. Malheureusement, Pôle emploi a fait de ce dispositif une variable d'ajustement et tend à en réduire les effectifs.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Le fait que seuls 36 % des entretiens mensuels soient réalisés montre que la variable d'ajustement, face à un surcroît d'activité, a été l'accompagnement. Pôle emploi a accordé la priorité à l'indemnisation des chômeurs dans un délai raisonnable.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Pôle emploi existe aujourd'hui depuis deux ans. Nous vivons une période de légère reprise. C'est l'occasion de mettre à plat ces questions. Comment adapter le dispositif ? Les moyens de Pôle emploi constituent une question essentielle. Des rapports tels que le vôtre présentent des données sans analyse idéologique, ce qui est bienvenu.

Mme Véronique Hespel . - Pour moi, Pôle emploi comporte encore des gisements d'efficience réelle. Alors que Pôle emploi résulte d'une fusion, la hiérarchie et les fonctions supports comportent encore de nombreux doublons. Deuxièmement, un chantier est à mener pour un meilleur ciblage, avec la fixation d'objectifs clairs de taux de retour à l'emploi ou de durée de chômage. De nombreuses procédures doivent être améliorées. Nous appelons de nos voeux un pilotage plus ciblé sur le taux de retour à l'emploi de qualité, ou l'entrée dans une formation qualifiante.

L'Allemagne s'appuie en outre sur un troisième indicateur : combien de chômeurs potentiels ont évité le chômage ? En Allemagne, une entreprise qui licencie doit prévenir la Bundesagentur trois mois avant le départ effectif du salarié de l'entreprise. Ainsi, les agents sont également jugés sur leur capacité à éviter le chômage à des personnes qui vont être licenciées. Lorsque nous avons présenté cet indicateur à Pôle emploi, certains directeurs régionaux l'ont jugé pertinent, car avant le licenciement on peut encore mobiliser les dispositifs qui existent dans les entreprises ou dans les branches.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Vous avez également noté la complexité du SPE français.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - L'Allemagne et le Royaume-Uni ont parié sur l'intensification de l'accompagnement, et donc sur des effectifs supplémentaires, pour diminuer la durée d'indemnisation et bénéficier d'un retour budgétaire positif. Dans les deux cas, on observe un système de pilotage par la performance très développé. Les agences locales sont jugées sur le taux de retour à l'emploi. Dans les deux cas également, la souplesse de gestion est importante : le Royaume-Uni comme l'Allemagne, au pic de la crise, ont recruté jusqu'à 20 % de CDD, ce qui n'est pas possible actuellement pour Pôle emploi car la convention collective limite le nombre de CDD à 5 % des effectifs. Les Anglais ont pu recruter 16 000 ETP en CDD sur neuf mois. Lorsque le chômage stagne ou diminue, le nombre de CDD peut être réduit. Cette souplesse de gestion permet de revenir à un niveau de croisière lorsque le chômage revient à son taux d'équilibre.

Plusieurs pistes peuvent être examinées pour intensifier l'accompagnement des demandeurs d'emploi en France : des gains de productivité peuvent encore être réalisés à la suite de la fusion ; le ciblage des services proposés aux entreprises pour privilégier celles qui s'engagent dans des partenariats ; et l'orientation du système de pilotage vers des indicateurs de performance et de résultats en termes de retour à l'emploi.

Nous avons identifié quatre pistes complémentaires de réflexion, autour de la souplesse de gestion, de l'organisation institutionnelle des minima sociaux et notamment du RSA, où l'accompagnement est assuré par les départements et l'indemnisation par les Caf, de l'articulation entre le SPE et la formation professionnelle et de la répartition des tâches de l'opérateur principal, de ses cotraitants et de ses sous-traitants.

Mme Véronique Hespel . - Quand les services doublonnent, aucune économie d'échelle n'est réalisée. Par ailleurs, l'individualisation du suivi du demandeur d'emploi est insuffisante, ce qui le contraint à naviguer entre différents guichets.

M. Claude Jeannerot, président . - Les opérations sont juxtaposées sans complémentarité.

Mme Véronique Hespel . - Je me suis rendue récemment dans une mission locale où j'ai assisté à un comité de distribution des aides d'un fonds départemental. Dix personnes ont traité soixante dossiers en une matinée. Toutes les collectivités étaient présentes en plus de la mission locale, ce qui interdit toute économie d'échelle. Il convient de rationaliser le système dans l'intérêt du demandeur d'emploi.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - La signature de conventions de partenariat donne l'occasion de belles photos dans la presse, mais n'a pas toujours beaucoup de portée concrète.

Mme Véronique Hespel . - A l'occasion d'une enquête sur l'insertion, j'ai constaté la lassitude des usagers lorsqu'ils devaient raconter leur parcours à une multitude de personnes différentes.

Mme Christiane Demontès . - A vous entendre, j'ai l'impression que le système français souffre d'un pilotage insuffisant. On organise des partenariats sans en évaluer les résultats.

Ne serait-il pas plus simple de confier à Pôle emploi la mission de piloter le SPE ? Je suis satisfaite que l'indemnisation et l'accompagnement du demandeur d'emploi soient réunis dans un seul lieu. Cependant, je constate aujourd'hui que l'indemnisation prend le pas sur l'accompagnement, car le demandeur d'emploi, après avoir réglé la question de son indemnisation durant une heure, n'a pas l'esprit disponible pour discuter de son projet professionnel. Pourquoi un organisme ne piloterait-il pas les autres qui seraient ses sous-traitants ?

M. Claude Jeannerot, président . - Les gains de productivité sont au coeur du problème de la mise en réseau avec les partenaires. Comment le Royaume-Uni pilote-t-il le SPE par exemple ?

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Le partenariat y est complexe à analyser, car il repose sur plusieurs strates. Des partenariats nationaux sont élaborés avec des grandes entreprises qui recrutent des personnes en difficulté. Des partenariats régionaux et locaux les complètent. Ils sont plus ou moins formalisés compte tenu de la décentralisation d'une partie de la gestion des agences, et sont tout à fait adaptables, ce qui ne permet pas de livrer une analyse systémique. Cela dit, les partenariats locaux sont nombreux, avec un ciblage important des PME.

M. Claude Jeannerot, président . - Ces partenariats nombreux signifient-ils que le pilotage effectif est assuré par Job Center Plus ?

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Le pilotage est réalisé essentiellement à travers les résultats. Ainsi, la recherche de partenariats s'organise de façon informelle, sur la base de l'efficacité des opérateurs.

Mme Véronique Hespel . - Je ne crois guère aux grandes conventions nationales. En comparant les différentes réformes de l'Etat, nous avons constaté que les Britanniques se désengagent du suivi et de l'évaluation de ces expérimentations locales pour les laisser se développer. Ainsi, l'initiative locale peut foisonner pour améliorer les résultats. Peut-être pourrions-nous réfléchir à cette voie.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Pôle emploi est financé par 10 % des recettes de l'Unedic et par une subvention de l'Etat, adoptée lors du vote de la loi de finances en fin d'année. La rigueur budgétaire est appliquée à la lettre. C'est pourquoi l'intéressement de Pôle emploi au bon fonctionnement du dispositif est très faible. Le système britannique prévoit-il un intéressement direct ?

M. Emmanuel Monnet . - C'est surtout le cas en Allemagne. Le SPE britannique est une administration soumise aux mêmes contraintes budgétaires que le SPE français. Nous n'avons pas observé de rémunération à la performance dans ce réseau, en tous cas pas au niveau des agences. En Allemagne, le système est tripartite, financé par des cotisations sociales et géré par les partenaires sociaux, et est autonome sur le plan budgétaire. Dans ce cas, le payeur est directement intéressé aux résultats obtenus en matière de retour à l'emploi, qui lui permettent de réaliser des économies.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Le modèle économique allemand permet d'équilibrer les bénéfices et les coûts alors que le système anglais repose sur un service public.

Quelles sont les méthodes de négociation budgétaire de ces pays ? Je pense que nous pourrions améliorer la performance des méthodes de négociation budgétaire en France en faisant dépendre une part du budget des résultats obtenus.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Nous avons interrogé des responsables dans les deux pays sur les conséquences, en termes de gestion, qui résultent du pilotage par les résultats. Ils nous ont conseillé d'éviter de donner moins aux agences les moins performantes afin de ne pas pénaliser les demandeurs d'emploi. Le pilotage par la performance est principalement lié à la gestion des ressources humaines. Les managers qui améliorent la performance de leur agence locale sont promus plus rapidement que les autres.

Les directeurs d'agence allemands sont fonctionnaires ou contractuels. Les premiers peuvent bénéficier de parcours accélérés, tandis que la rémunération des seconds comprend une part variable selon l'atteinte des objectifs. Cette gestion est efficace car elle intéresse les directeurs d'agence aux résultats. L'Allemagne compare les performances des agences en tenant compte du contexte local. Les managers sont comparés sur cette base.

En Angleterre, la performance est surtout gérée au niveau du district, échelon intermédiaire entre l'agence locale et les directions régionales.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie de votre contribution, qui nous est utile à ce stade de notre réflexion.

Audition de M. Christian CHARPY,
directeur général de Pôle emploi
(mardi 21 juin 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - J'accueille avec plaisir le directeur général de Pôle emploi, M. Christian Charpy. Nos auditions arrivent quasiment à leur terme et nous avons souhaité, monsieur le directeur général, vous donner un « droit de réponse ». Depuis le début de nos travaux, beaucoup de critiques ont été formulées à l'égard de Pôle emploi. Je m'en suis d'ailleurs fait l'écho devant les directeurs régionaux, au nom de la mission commune d'information, il y a quelques jours. Nous avons entendu les syndicats, les associations de chômeurs, les opérateurs privés de placement, les opérateurs de formation, les collectivités territoriales : ces nombreux acteurs portent un jugement contrasté sur Pôle emploi. Nous souhaiterions vous permettre de répondre aux observations formulées au cours de nos travaux. Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient d'adopter un avis sur Pôle emploi auquel vous souhaiterez sans doute réagir. Enfin, cette audition nous permettra d'obtenir des précisions sur un certain nombre de points. Notre rapporteur, M. Jean-Paul Alduy, vous a adressé une liste de questions.

M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi . - Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est avec beaucoup de plaisir que je me retrouve devant vous pour cette seconde audition. Je reconnais que votre mission a conduit un travail considérable de rencontres, d'auditions et aussi de visites sur le terrain, qui vous ont permis de sentir la réalité de ce qu'est au quotidien le travail des conseillers de Pôle emploi. Au niveau de la direction générale, nous avons tout fait pour faciliter votre travail et votre mission.

Tout d'abord, j'ai pris effectivement connaissance avec intérêt du rapport du CESE. Les éléments qui figurent dans ce rapport ne me choquent pas. En outre, contrairement aux premières impressions à la lecture de la presse, ce rapport est assez équilibré. Le diagnostic du CESE montre que le processus de fusion a bien été effectué. Cette fusion a été menée en assurant la continuité du service : l'inscription, l'indemnisation et le démarrage de l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Nous avons réussi à assurer de manière satisfaisante la complémentarité de nos deux métiers, avec un socle commun de compétences. Nous avons intégré le personnel d'orientation de l'Afpa. Enfin, nous avons mis en place l'ensemble de la structure juridique de Pôle emploi et sa structure managériale. Cependant, il reste bien sûr des actions à accomplir : certaines visent à renouer avec les ambitions initiales de Pôle emploi et d'autres consistent en des ajustements ou des transformations qu'il faudra réaliser au cours des prochaines années.

La principale critique émise contre Pôle emploi a trait à la promesse initiale d'un renforcement de l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi. Effectivement, au début de la réforme, l'ANPE assurait un suivi personnalisé avec des portefeuilles d'environ soixante-quinze demandeurs par conseiller. Alors que le chômage baissait, il semblait réaliste d'assigner à Pôle emploi la cible de soixante demandeurs par conseiller. Malheureusement, cette cible est devenue inatteignable, compte tenu de la progression massive du nombre de chômeurs. Même si nous avons accru les effectifs de Pôle emploi au début de la crise, nous ne l'avons pas fait dans les mêmes proportions que certains de nos collèges européens. Les Britanniques ont en effet embauché 18 000 conseillers en l'espace de quelques mois et ont investi près de 5 milliards de livres sterling. Nous avons été moins ambitieux dans la réponse en termes de moyens, d'abord parce que nous ne savions pas que la crise serait durable et d'une grande ampleur, et ensuite parce que la création de Pôle emploi laissait apparaître des synergies que la fusion permettrait de dégager. Il est incontestable qu'il y a eu des synergies. Par exemple, le poids des fonctions supports au sein de Pôle emploi s'est réduit significativement. Par conséquent, une partie des effectifs a pu être redirigée vers des fonctions d'accompagnement ou d'indemnisation. Cependant, malgré les 3 000 agents supplémentaires que nous avons embauchés, nous ne sommes pas à la hauteur des besoins.

Nous pouvons et nous devons poursuivre les synergies, la réduction des fonctions supports, mais aussi la réduction des effectifs de la direction générale, des directions régionales et des directions territoriales. Toutefois, l'augmentation du nombre de chômeurs de 1,9 à 2,7 millions rend difficile notre mission. Nous avons préféré nous concentrer sur l'accompagnement des chômeurs en plus grande difficulté, que ce soit les licenciés économiques ou les personnes loin de l'emploi, en les prenant en charge soit directement au sein de Pôle emploi par les équipes spécialisées, soit en ayant recours à la sous-traitance. Par rapport à notre ambition initiale, il nous reste encore du travail à faire. Les travaux menés par l'inspection générale des finances (IGF) montrent que cette réorientation peut passer par une poursuite des redéploiements internes et aussi, peut-être, par une redéfinition des priorités et des moyens. Sur ce point, ce sera au Gouvernement de dire ce qu'il souhaite faire, et je pense que vous aurez l'occasion d'interroger à ce sujet le ministre de l'emploi.

Le deuxième sujet sur lequel nous devons avancer est celui de la gouvernance, qui implique à la fois la place des partenaires sociaux, la procédure d'élaboration du budget et puis, globalement, le pilotage de Pôle emploi. J'ai lu avec beaucoup d'attention ce qu'ont dit les partenaires sociaux au cours de leur audition et je les ai rencontrés à plusieurs reprises. Il y a véritablement un problème de gouvernance, puisque le tripartisme est déséquilibré. Bien que les partenaires sociaux aient une place prépondérante au conseil d'administration, où ils détiennent les deux tiers des sièges, et bien que le budget ne puisse être approuvé sans leur accord, l'Etat garde une prééminence dans la fixation de la politique de l'emploi. En effet, l'Etat a considéré que Pôle emploi était un opérateur de l'Etat et que, par conséquent, ses moyens et ses effectifs devaient être fixés en loi de finances : par conséquent, des décisions importantes qui concernent Pôle emploi sont prises en dehors du conseil d'administration. Je considère néanmoins que les partenaires sociaux, au sein du conseil, jouent un rôle réel, à égalité avec l'Etat, sur différents sujets, comme la définition des implantations territoriales, l'offre de services, les dispositifs d'aide et les conventions passées avec nos partenaires. En revanche, sur certaines décisions structurantes, notamment de nature financière, les décisions sont prises en amont. Peut-on changer cette situation ? Après les tensions qui ont accompagné l'adoption du projet de budget fin 2010, nous nous sommes demandé si nous ne pouvions pas, au cours de l'été précédant l'examen du projet de loi de finances, lorsque les premiers arbitrages se décident, avoir une procédure d'information du conseil sur les évolutions du budget et des effectifs. Je pense que le ministre souhaiterait mettre en oeuvre cette procédure. Cependant, la question du calendrier reste posée : les grands équilibres budgétaires sont arrêtés au moment du débat d'orientation budgétaire, entre le début de l'été et le début du mois de septembre. Si le conseil d'administration est informé en amont, il n'est pas sûr que son avis sera suivi.

Enfin, je regrette que certaines initiatives un peu maladroites aient pu être mal ressenties. Par exemple, quand le ministre de l'économie et le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi ont mandaté l'IGF pour réaliser un benchmark sur Pôle emploi, j'en étais informé, mais le conseil d'administration, lui, ne l'a appris que par hasard dans la presse. Je n'avais pas porté une grande importance à se sujet, mais le conseil d'administration n'a pas apprécié que la décision ait été prise sans qu'il en soit informé.

En ce qui concerne le pilotage global de Pôle emploi, je suis parfaitement conscient de deux éléments. Premièrement, nous pilotons Pôle emploi trop largement par des indicateurs d'activité et de moyens, et pas assez par des indicateurs de résultats. Nous devons observer la manière dont les demandeurs d'emploi, pris en charge par notre organisme, sortent du chômage. Nous allons pouvoir évoluer sur ce point, mais jusqu'à présent, nous ne connaissions que les sorties de chômage déclarées ; en revanche, nous ne savions rien des chômeurs qui disparaissaient de nos listes parce qu'ils ne s'étaient pas actualisés. Cette dernière catégorie concerne entre 150 et 180 000 personnes par mois. Nous ne savions pas ce que devenaient ces personnes, sauf lorsque nous faisions une enquête rétrospective, en les interrogeant sur leur situation. Nous avons décidé de récupérer en 2012 l'ensemble des déclarations préalables d'embauche, afin d'obtenir toutes les données nominatives concernant les personnes ayant signé des contrats. Nous compilerons ces données (nom, numéro de sécurité sociale, type d'emploi retrouvé, secteur d'activité, niveau de qualification), exclusivement à des fins statistiques, pour pouvoir faire des recoupements de fichiers. Nous pourrons, ainsi, obtenir des taux de sortie du chômage vers l'emploi, aux niveaux national, régional et territorial. Cependant, peut-on comparer des sorties du chômage dans des bassins d'emploi différents ? L'abondance ou la rareté des offres proposées, dans un bassin d'emploi donné, ne relève pas de notre responsabilité. Nous évaluerons ensuite l'efficacité des différentes prestations suivies par les demandeurs d'emploi. Par conséquent, dès 2012, nous travaillerons sur la mise en place d'indicateurs de résultats.

Néanmoins, nous ne devons pas complètement oublier les indicateurs d'activité, comme la régularité du paiement des allocations, la durée et les retards des paiements ou le taux de décroché au téléphone. Si nous perdions la maîtrise des plateformes téléphoniques, les conséquences seraient redoutables. Par conséquent, je suis pleinement favorable à l'instauration d'indicateurs de résultats et à la réduction progressive du nombre d'indicateurs d'activité, sans pour autant relâcher notre attention sur les indicateurs d'activité essentiels.

Deuxièmement, en matière de pilotage, la première période de la création de Pôle emploi a été une période de centralisation incontestable. Il était impossible de mener une réforme aussi lourde si chacun, dans son agence, dans sa région, interprétait la fusion à sa manière. En outre, nous étions confrontés à une contradiction : certains souhaitaient davantage de déconcentration alors que la convention tripartite précisait clairement les objectifs et les modalités de mise en oeuvre. La première convention tripartite fixait non seulement les objectifs, mais aussi les moyens et la manière de faire. J'étais tenu par cette feuille de route. Nous devons aujourd'hui passer à une seconde phase, vers plus de déconcentration. Ceci implique davantage de déconcentration au niveau régional, ce qui a été engagé dès 2010, et nous devons aller plus loin. Il faut pour cela que les directions territoriales et les directions d'agence disposent de plus de marges de manoeuvre. Cela passe notamment par un travail sur les diagnostics territoriaux, sur la stratégie territoriale et aussi par un dialogue de performance, qui doit impliquer tous les niveaux hiérarchiques, de la direction générale jusqu'aux directeurs territoriaux et aux directeurs d'agence.

Je voudrais réagir sur la question de la déshumanisation de la relation liée au traitement par le téléphone ou par Internet. Il ne faut pas attendre de ces différents canaux d'accès aux services de Pôle emploi le même usage. Il est indispensable de garder une relation physique en face-à-face avec le demandeur d'emploi, qui doit pouvoir venir en agence se renseigner quand il le souhaite au sujet de sa recherche d'emploi ou de son indemnisation. De ce point de vue, je considère que nous faisons plus aujourd'hui en matière d'accueil du public en libre-accès que du temps de l'ANPE et des Assedic. Autrefois, l'usager qui venait pour un renseignement sur l'indemnisation était orienté vers le téléphone et il n'avait pas accès à un conseiller. Aujourd'hui, quelle que soit la demande, si elle peut se traiter rapidement, l'usager a accès à un conseiller. Le téléphone et Internet n'ont pas vocation à se substituer au suivi mensuel, mais ils doivent permettre d'avoir accès à des services et à des renseignements rapides. Au temps de la dématérialisation et de la numérisation de l'information, Pôle emploi ne doit pas rester à l'écart. Le téléphone et Internet sont donc utiles, en tant que compléments de service.

La complexité juridique de Pôle emploi est incontestable. Elle se vit aussi au niveau de la relation de Pôle emploi avec ses usagers. Par exemple, les contestations concernant l'indemnisation chômage se font devant les juridictions de l'ordre judiciaire, tandis que les problèmes de placement se règlent devant la juridiction administrative. Nous devrions prochainement récupérer la compétence sur les indus de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Le Gouvernement souhaite que Pôle emploi reprenne l'intégralité de cette procédure, dont le fonctionnement n'est pas satisfaisant. Par conséquent, dans le cas d'un recouvrement forcé sur des indus d'ASS, l'affaire se réglera devant le tribunal administratif et, dans le cas d'un recouvrement forcé sur les allocations d'assurance chômage, devant le tribunal judiciaire. Le médiateur a justement mis l'accent sur ce sujet. Cette question nous pose beaucoup de problèmes parce que Pôle emploi est obligé d'avoir les deux types de compétences dans son service juridique. Ce système n'est d'ailleurs pas compréhensible pour les clients.

Nous avons le même problème sur les relations sociales en interne. Les organisations syndicales ont souligné le fait que je mettais souvent en avant les prérogatives de puissance publique pour les laisser à l'écart de certaines décisions. Je n'ai jamais contesté que les contentieux liés aux procédures d'information et de consultation des instances du personnel relèvent de l'ordre judiciaire ; cependant, j'ai considéré que les tribunaux judiciaires ne pouvaient pas décider de mesure d'astreinte sur des décisions relevant de la puissance publique. Par exemple, nous avions été condamnés par la cour d'appel de Paris à des astreintes extrêmement lourdes de remise de document et de pénalités en cas d'ouverture de sites mixtes. J'ai trouvé que cette décision était excessive et que le juge avait empiété sur le pouvoir administratif. Nous nous sommes pourvus en cassation et nous avons gagné. La décision de justice nous a même été plus favorable que nous ne le pensions. En effet, la Cour de cassation, en janvier 2011, a considéré que toutes les procédures de consultation concernant l'organisation du service public relevaient des tribunaux administratifs. La situation est donc désormais clarifiée. Cependant, un éventuel défaut de fonctionnement du comité d'entreprise (CE) ou du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peut relever des tribunaux judiciaires. C'est en effet compliqué. Une autre solution consisterait à considérer des mesures législatives, ce qui serait faisable sur la partie allocation. En revanche, sur l'autre partie concernant le fonctionnement, le code du travail et les prérogatives de puissance publique, nous sommes tellement inscrits dans l'ordre juridique français qu'aucune mesure simple ne pourrait régler le problème.

Au sujet de la segmentation, nous avons avancé par rapport à ce que je vous ai dit lors de ma première audition. Contrairement à ce que dit la presse, il n'y a pas de consensus entre les partenaires sociaux sur ce sujet. Les uns prônent un service identique pour tout le monde, les autres sont favorables à une segmentation qui laisserait les demandeurs près de l'emploi chercher seuls et qui renforcerait l'accompagnement de ceux qui sont loin de l'emploi. Certains conseillers, aussi, demandent un service plus personnalisé. J'ai travaillé sur trois outils de segmentation complémentaires : la distance à l'emploi, les freins à l'emploi, tels qu'ils ressortiront de l'entretien avec le demandeur d'emploi, et le métier recherché, ce qui nécessite de distinguer les métiers qui recrutent et les métiers qui ne recrutent pas. A partir de ces trois catégories, Pôle emploi peut définir sept à huit segments à peu près homogènes de demandeurs. Cette opération n'est pas simple. Je compte faire des propositions au conseil d'administration, au cours de l'été ou début septembre, après le séminaire des 6 et 7 juillet prochains pendant lequel les directeurs régionaux auront mené une réflexion intensive. Nous devons toutefois rester conscients de la difficulté de savoir à l'avance quel sera le retour à l'emploi d'un demandeur d'emploi classé dans une catégorie « loin de l'emploi ». Les Britanniques procèdent, quant à eux, de manière très différente : ils considèrent que la segmentation dépend de la durée de chômage. Dès lors, un jeune qui est au chômage depuis plus de six mois ou un adulte au chômage depuis plus de dix-huit mois suivront des types d'accompagnement différents. Nous subirons toujours, néanmoins, la critique de ceux qui pensent que la segmentation ne conduit pas à une vraie personnalisation. Je pense que la vraie personnalisation passe par le dialogue singulier qui se noue entre, d'une part, un conseiller, qui suit un demandeur d'emploi, qui est capable d'analyser la situation et de proposer un certain nombre de prestations et, d'autre part, un demandeur d'emploi qui fait confiance à son conseiller. D'ailleurs, nos enquêtes de satisfaction montrent que nos usagers sont satisfaits lorsqu'ils ont un conseiller personnel, et qu'ils ne le sont pas lorsqu'ils n'en ont pas. Je serais prêt à ce que l'accompagnement débute dès le premier mois, ce qui augmenterait de 30 % le nombre de personnes dans le portefeuille des conseillers.

Le premier enseignement que je tire du benchmark européen confirme l'une de mes idées. En France, les personnes qui se consacrent à l'accompagnement des demandeurs d'emploi sont beaucoup moins nombreuses qu'en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Néanmoins, en Grande-Bretagne, une large partie des chômeurs n'est pas recensée au Jobcentre Plus . Toutes les personnes handicapées, ou inadaptées, ainsi que les parents isolés, ont été placés dans d'autres dispositifs, ce qui a permis de faire baisser de manière considérable le nombre de chômeurs inscrits. Cela dit, même en tenant compte de cette particularité, nous n'avons pas le même niveau d'accompagnement. La question du renforcement des effectifs de Pôle emploi devra donc être posée dans la convention tripartite. Le redéploiement interne suffira-t-il ou devrons-nous aller au-delà ? D'après moi, cette question relève du Gouvernement.

Le second point du benchmark que je souhaite évoquer concerne la relation aux entreprises. Pôle emploi doit-il rester dans une offre de services large allant jusqu'à l'aide au recrutement, même pour les grandes entreprises ? Ou doit-il se concentrer sur une offre de services aux seules entreprises qui offrent des emplois qui sont en correspondance avec les compétences et les qualifications des demandeurs d'emploi qui sont dans notre fichier ? Je pense qu'il ne faut pas tout rejeter en bloc : nous devons impérativement garder une relation forte avec l'ensemble des entreprises pour assurer la transparence du marché du travail. Cependant, le fait que nous disposions de nombreuses offres d'emploi ne signifie pas que nous devons offrir les mêmes services à toutes les entreprises. Par ailleurs, nous devons avoir un service renforcé pour les entreprises qui offrent des emplois qui sont en correspondance avec les qualifications actuelles ou prévisibles des demandeurs d'emploi. Enfin, je pense que nous devons rester attentifs aux entreprises qui connaissent des difficultés de recrutement et à qui nous devons proposer une offre de services renforcée. Je proposerai d'inscrire ces idées dans la convention tripartite.

La lettre paritaire signée par les partenaires sociaux rejoint ce que j'ai déjà évoqué. Je considère néanmoins que réduire l'intensité du suivi mensuel mettrait en danger notre capacité d'accompagnement de tous les demandeurs d'emploi. Déjà, en 2000, les conseillers recevaient les usagers une fois sur trois au lieu de tous les mois ; en 2011, la fréquence est remontée à 45-50 %, c'est-à-dire à un rendez-vous tous les deux mois. Descendre en deçà de cette fréquence ne serait donc pas une bonne solution.

Vous m'avez demandé s'il fallait créer un CHSCT national à Pôle emploi. Cette question me surprend un peu, mais je vois qu'elle a été fortement portée par les syndicats. Ceci dit, dans la convention collective de Pôle emploi, il est prévu que soit créée, auprès du comité central d'entreprise (CCE), une commission hygiène et sécurité qui ait les mêmes compétences, à une exception près, qu'un CHSCT classique. Cette commission doit être instituée par le règlement intérieur du CCE de Pôle emploi sur lequel les organisations syndicales n'ont pas encore réussi à s'entendre. J'ai obtenu deux réunions de négociation avec les syndicats. Je leur proposerai un texte définitif la semaine prochaine, qui permettra, je l'espère, la mise en place, d'abord, d'un règlement intérieur et, ensuite, d'une commission hygiène et sécurité. La seule différence entre cette commission et les CHSCT classiques en région réside dans le fait que les CHSCT peuvent requérir des expertises payées par l'entreprise sur un sujet de leur choix. Cependant, la commission, telle qu'elle est proposée dans le cadre du règlement intérieur, ne peut pas avoir cette capacité-là, parce que je ne veux pas que Pôle emploi paye à la fois une expertise nationale et vingt-sept expertises régionales. Je considère aussi que la question des conditions de travail doit s'examiner au plus près du terrain. Par conséquent, je dis clairement qu'il doit y avoir une commission d'hygiène et de sécurité ; elle est prévue dans le règlement intérieur. Elle aura la capacité d'auditionner des personnes et elle pourra, si l'employeur est d'accord pour payer les frais, solliciter une expertise. Cette proposition correspond donc bien à la demande formulée initialement et est conforme aux dispositions de la convention collective.

Au sujet de l'inspection du travail, nous avons du mal à savoir quel est son rôle à Pôle emploi. Nous avons posé de nombreuses questions à la direction générale du travail (DGT). Finalement, il apparaît que l'inspection du travail joue, chez Pôle emploi, à peu près le même rôle que dans les entreprises. Cependant, elle ne peut pas dresser de procès-verbal, parce que Pôle emploi est un établissement public. Pour autant, l'inspection du travail vient assez souvent dans les locaux de la direction générale ou des directions régionales, notamment pour réaliser des contrôles sur les heures supplémentaires. Concernant la médecine du travail, deux régimes différents coexistent : la médecine du travail, qui relève du droit privé, et la médecine de prévention, qui s'applique aux personnes de droit public. Cette situation n'est effectivement pas logique et il faudrait procéder à une unification. Je suis plutôt favorable à l'application de la médecine du travail pour tout le monde ; cependant, les textes du statut ne me le permettent pas. Cette question devra être réglée.

Concernant les remarques et les critiques exprimées par les opérateurs privés de placement et de formation, je trouve assez singulier que des prestataires que nous payons considèrent que nos demandes ne correspondent pas à leurs souhaits. Objectivement, Pôle emploi ne se situe pas dans un rapport de partenariat avec les opérateurs privés, mais dans une logique d'achat de prestations.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Ce sujet est récurrent : met-on en avant les moyens ou bien les performances ? Dans toutes les démarches de Pôle emploi, on retrouve cette philosophie qui consiste à être très précis sur les moyens et beaucoup moins sur l'analyse des performances. Les opérateurs privés de placement demandent un objectif en termes de performances. Il faut certes respecter la procédure, mais ils cherchent à valoriser leur savoir-faire, plutôt que de répondre à des demandes tatillonnes et détaillées concernant les moyens.

M. Christian Charpy . - Le cahier des charges des opérateurs n'est pas ma création personnelle puisqu'il a été renforcé dans son niveau d'exigence par la commission d'appels d'offres qui comportait des représentants des partenaires sociaux membres du conseil d'administration de Pôle emploi. Quelles sont ces exigences ? La première est d'avoir des lieux accessibles, notamment aux personnes handicapées. A une époque, certains opérateurs, parmi ceux qui critiquent le caractère scandaleusement précis du cahier des charges, recevaient les demandeurs d'emploi dans des chambres d'hôtel. Le cabinet qui agissait ainsi n'avait pas de locaux. Par ailleurs, nous demandons aux prestataires d'actualiser le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) et de nous le transmettre, conformément à la loi qui s'applique à Pôle emploi. Cependant, les opérateurs privés ont raison sur un point, nous avons été trop exigeants sur les livrables, qui sont les documents qu'ils devaient nous envoyer pour témoigner qu'ils suivaient les différentes étapes du parcours. J'ai demandé que, dans le cadre de l'appel d'offres que nous allons lancer en 2012, nous soyons beaucoup moins consommateurs de ces documents. Je rappelle que les opérateurs reçoivent 50 % du paiement au moment de la prise en charge du demandeur d'emploi, 25 % selon la performance, puis 25 % si les personnes restent six mois dans leur nouveau travail. Pour le prochain appel d'offres, nous allons proposer de diviser le paiement en trois tiers égaux. Si j'ai monté à 50 % le paiement de la prise en charge, c'est d'abord parce que je ne voulais pas que les prix globaux soient trop élevés. En effet plus le paiement au moment de la prise en charge est faible, plus les opérateurs ont tendance à augmenter les prix de la prestation globale pour se sécuriser, surtout en période de forte augmentation du chômage. Je souhaite baisser les prix pour éviter que les opérateurs ne sécurisent les 50 % relatifs à la prise en charge et n'engagent que peu d'actions pour le reste de la procédure.

Par ailleurs, nous avons interrogé 6 000 demandeurs d'emploi qui étaient suivis par des opérateurs privés de placement et par Pôle emploi. Nous avons regardé le taux de retour à l'emploi à huit mois. Nous avons constaté, d'abord, que les demandeurs d'emploi reçus par les opérateurs privés étaient plus régulièrement reçus qu'à Pôle emploi et qu'ils étaient plus souvent reçus par un conseiller identique. En revanche, les opérateurs privés de placement proposaient moins d'offres d'emploi nouvelles que Pôle emploi. Enfin, après huit mois de suivi, 44 % des personnes suivies par Pôle emploi, en convention de reclassement personnalisé (CRP), avaient retrouvé un travail contre 38 % pour les personnes suivies par les opérateurs privés de placement. Ces résultats ne me surprennent pas : nous avions observé la même conclusion dans une évaluation réalisée en 2007-2008. Je ne dis pas que les opérateurs privés font mal leur travail, mais je trouve excessif qu'ils justifient leurs résultats moins bons par les contraintes que nous leur imposons. Cependant, je suis d'accord pour que nous soyons moins tatillons et plus souples sur les documents administratifs. Toutefois, que les opérateurs privés nous dressent un compte tendu tous les deux ou trois mois des modifications du PPAE et des offres d'emploi que les demandeurs d'emploi ont reçues ne me paraît pas scandaleux. Par ailleurs, nous devrons probablement renforcer la part du paiement à la performance. Dans cette logique, nous proposons un paiement en trois tiers égaux.

S'agissant de la formation, la situation est quelque peu différente. Le marché des offres de formation est compliqué et, souvent, l'offre y créait la demande. Pôle emploi a un peu inversé la mécanique et, désormais, la demande commande l'offre. Nous devons sûrement progresser sur certains points : nos marchés sont encore un peu compliqués et la mécanique de notre accord-cadre reste complexe et peut être assouplie. Nous sommes exigeants sur les cursus de formation que nous vendent les organismes, car les offres proposées sont de qualité inégale. Les organismes de formation affirment, par ailleurs, que les procédures imposées pas Pôle emploi sont trop lourdes. Il est vrai que la procédure d'appel d'offres est exigeante. Toutefois, il est difficile de la modifier, dans la mesure où elle est encadrée par la réglementation européenne. Cette situation est véritablement difficile. Nous pourrions opter pour un dispositif dans lequel Pôle emploi n'achèterait plus de formation mais verserait une subvention aux chômeurs afin qu'ils trouvent un organisme de formation. Toutefois, ce système serait 30 % plus coûteux et permettrait donc à moins de personnes de suivre une formation. Si Pôle emploi n'est pas parfait, les organismes de formation et les partenaires sociaux n'ont, quant à eux, pas toujours eu un comportement irréprochable.

Vous avez évoqué le projet d'accord-cadre avec l'association des régions de France (ARF). Nous avons été assez loin dans la négociation et puis j'ai arrêté le processus pour deux raisons. La première raison, c'est que Pôle emploi et l'ARF ne pouvaient laisser de côté un partenaire, l'Etat, qui ne l'aurait pas bien accepté. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) craignait qu'un accord-cadre ne mette en difficulté les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et les préfets de région dans leurs relations avec les conseils régionaux et avec Pôle emploi. Comme cet accord ne comportait pas de dispositions d'une importance essentielle, j'ai considéré qu'il n'était pas nécessaire de se froisser avec l'Etat à ce sujet. J'ai donc privilégié les négociations régionales. Dans certains cas, les préfets de région ont été associés à la signature, dans d'autres, ils ont considéré que ce sujet n'était pas de leur ressort, préférant laisser Pôle emploi traiter avec la région. La situation dépendait aussi de la relation politique locale entre le préfet de région et le président du conseil régional. Je ne suis pas certain qu'en région Aquitaine, par exemple, il sera facile de signer un accord Etat-Pôle emploi-région. En revanche, en Rhône-Alpes, un accord Etat-Pôle emploi-conseil régional sur la formation a été signé. Enfin, au moment où je devais décider de continuer ou pas, l'ARF a présenté des propositions pour l'avenir qui prévoyaient une décentralisation de Pôle emploi. J'ai alors décidé d'attendre de voir comment la situation évoluerait. Nous avons laissé ce sujet de côté et près d'une vingtaine d'accords ont été signés entre des conseils régionaux et les directions régionales de Pôle emploi.

Nous avions signé avec l'Assemblée des départements de France (ADF) un accord, qui date de juin 2009, au moment de la mise en place du RSA. Cet accord n'a pas eu la même portée politique que celui que j'avais signé du temps de l'ANPE avec l'ADF lors de l'entrée en vigueur du RMI. Au moment de la signature, j'ai senti que l'ADF ne savait pas si les départements allaient fortement s'investir dans le financement de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA ou si Pôle emploi, sur qui pesaient de grands espoirs à sa création, en aurait la charge. L'ADF n'a pas souhaité que nous définissions l'offre de services spécifique et la grille tarifaire. Nous ne sommes donc pas allés au-delà d'un accord de principe. Je pense qu'il serait nécessaire de reprendre contact avec l'ADF, notamment pour travailler sur le RSA. Je partage d'ailleurs pleinement les observations qui ont été formulées à ce sujet.

Je suis d'une manière générale favorable à toute simplification des procédures régionales de concertation. Les conseils régionaux de l'emploi (CRE), les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP), les commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l'emploi (Copire) et les instances paritaires régionales (IPR) regroupent plus ou moins les mêmes personnes. Un peu de simplification ne nuirait donc pas.

Pôle emploi doit-il être signataire des contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle (CPRDFP) ? Par fierté pour mon établissement, je répondrais positivement, mais nous ne sommes qu'un modeste opérateur et les commanditaires, l'Etat et le conseil régional sont politiques. Nous nous contentons donc d'être associés au travail. Si nous étions signataires au même titre que le préfet de région et le conseil régional, l'égo de l'établissement en serait flatté. Toutefois, je ne suis pas certain qu'un fonctionnement de ce type soit possible. Néanmoins, si on me le proposait, je le ferais volontiers.

J'ai largement évoqué la déconcentration tout à l'heure. Je pense qu'elle doit se traduire par des transformations internes dont la plus significative sera la réduction des effectifs des directions générales et régionales. Plus les effectifs sont nombreux dans ces structures, plus le système crée de la norme, de l'instruction et de la volonté de contrôler. Je n'ai pas ou peu diminué ces effectifs au cours des trois premières années d'abord parce que les directions générales et régionales ont été submergées de travail. Ensuite, lorsque deux réseaux fusionnent, des doublons apparaissent. Or des personnes qui n'ont pas démérité peuvent être concernées et il n'est pas aisé de les déplacer. Nous avons donc lancé un programme qui s'appelle « Références », qui consiste à référencer l'organisation des fonctions supports, le dimensionnement des directions régionales et des directions territoriales et qui prévoit une réduction globale de la ligne managériale. Nous estimons que quelques centaines d'emplois devront être supprimés au niveau des directions régionales et territoriales. Afin de montrer l'exemple, j'ai décidé que les effectifs de la direction générale seraient baissés dans des proportions deux fois plus importantes que ceux des directions régionales. Par ailleurs, nous accorderons davantage de confiance aux acteurs de terrain, dont la qualité est très grande. Chacun doit apprendre à faire confiance et à faire baisser la pression sur les indicateurs et les instructions. A l'heure actuelle, les boîtes électroniques des directeurs d'agence sont inondées d'instructions en provenance de la hiérarchie. En effet, les instructions de la direction générale sont d'abord transmises aux directions régionales. Ces dernières rédigent une seconde note pour contextualiser avant de la transmettre aux directions territoriales qui, elles aussi, en écrivent une nouvelle mouture. Nous devons donc mettre en place une discipline collective et nous aurons besoin de temps.

M. Claude Jeannerot , président . - Merci, monsieur le directeur général. La parole est à mes collègues et au rapporteur.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Je voudrais remercier M. Christian Charpy et, à travers lui, ses équipes, car nous avons été très bien reçus au cours de nos visites sur le terrain. Personnellement, je trouve que cette réforme a été en effet conduite dans une période difficile - un million de chômeurs supplémentaires - mais visiblement, l'essentiel est aujourd'hui acquis. En outre, Pôle emploi est effectivement entré dans une stratégie de progrès. Nous voudrions savoir sur quels axes ces progrès peuvent être confortés. Je voudrais simplement insister sur deux points auxquels vous n'avez pas suffisamment répondu. Nous avons observé de nombreuses expériences menées sur le terrain en matière d'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi. Comment ces expériences seront-elles évaluées ? Quelle stratégie managériale permettra à Pôle emploi de profiter de ces résultats ? Nous avons eu l'impression parfois que les équipes concernées par ces expérimentations étaient les premières touchées par les réductions d'effectifs.

M. Claude Jeannerot , président . - Pour illustrer le propos du rapporteur, nous avons observé, dans le département du Nord, un dispositif d'accompagnement renforcé des jeunes, dont l'équipe d'une quinzaine de personnes s'était rétrécie à huit ou neuf, parce que ce service était devenu la variable d'ajustement du réseau. La question des moyens abordée tout à l'heure est donc à nouveau posée.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Ma deuxième question concerne la gouvernance par la performance. Nous n'avons pas l'impression que le budget de Pôle emploi soit discuté sur des critères de performance. Or, dans les débats précédant la réforme, l'argument selon lequel plus le montant investi dans l'accompagnement serait élevé, plus les économies sur l'indemnisation seraient importantes, a été soulevé. Pourtant, à aucun moment, cette logique n'apparaît. Comment améliorer le dialogue avec les partenaires sociaux et la négociation avec l'Etat en l'absence d'un budget comportant des indicateurs de performance permettant d'analyser le coût global ? Pourquoi ne pas mettre en place une rationalisation des choix budgétaires ?

M. Claude Jeannerot , président . - J'avais prévu d'insister sur cette question des moyens. Avec un accompagnement efficace, nous pourrions diminuer la durée moyenne du chômage et enregistrer des économies substantielles sur l'indemnisation. Nous souhaitons privilégier cette approche. Si nous voulons que nos revendications en termes de renforcement des moyens soient entendues, nous devons pouvoir les paramétrer.

M. André Reichardt . - Je voudrais remercier à mon tour M. Christian Charpy pour la qualité de ses réponses et je voudrais surtout rendre hommage au président de la mission et au rapporteur. Je reprends vos propos sur la nécessité d'accroître les indicateurs de résultats, de renforcer la déconcentration, de développer le conseil personnalisé et d'améliorer les relations avec les conseils généraux pour favoriser le retour à l'emploi des titulaires du RSA. Il s'agit d'une véritable feuille de route que nous avons vu apparaître au fil des auditions.

S'agissant des moyens, quelles priorités souhaitez-vous privilégier ? Des embauches supplémentaires ou un recours accru à la sous-traitance ? Envisagez-vous une approche différente du management ? Voulez-vous accorder une importance plus grande aux partenaires sociaux siégeant au conseil d'administration ?

Mme Annie David . - A mon tour, je félicite MM. Claude Jeannerot et Jean-Paul Alduy pour la qualité des travaux de notre mission. Je vous remercie également, M. Christian Charpy, pour votre présentation. Vous avez su montrer, aujourd'hui, votre volonté d'améliorer Pôle emploi, pour répondre aux attentes des demandeurs d'emploi et de vos agents, malgré le manque de moyens. Je constate, par ailleurs, que le statut juridique de Pôle emploi n'est pas simple, malgré les dernières décisions de la Cour de cassation. Sans doute la question concernant la médecine du travail trouverait-elle une réponse si ce statut juridique venait à être clarifié et que les personnels, publics ou privés, étaient soumis au même régime.

Concernant la segmentation, je crains que son développement ne se traduise par un risque de discrimination entre les demandeurs d'emploi, au détriment de leur retour à l'emploi. Nous devons rester vigilants à ce sujet.

S'agissant du statut juridique, quel est l'état d'avancement de la discussion sur la clarification des métiers et les classifications ? Lors de nos rencontres avec les agents dans les territoires, ceux-ci ont déploré que l'appellation « conseiller » s'applique à tous et qu'aucune référence ne soit faite à leur ancien métier. Ils s'interrogent sur leur identité et se demandent si, dans la nouvelle classification, les anciens métiers existeront toujours. Les personnels de l'Afpa ont des interrogations similaires, dans la mesure où ils seront appelés « chargés de l'orientation et de la formation professionnelle » plutôt que « psychologues du travail ». Ils y voient une dévalorisation de leur métier et s'en montrent inquiets.

Je souhaite également soulever la question des risques psychosociaux. Le rapport du CESE avait, d'ailleurs, déjà sonné l'alerte à ce propos. Vous savez que beaucoup d'agents sont en souffrance. Par ailleurs, vous avez évoqué la quantité d'informations qui submerge les conseillers dans les agences. Comment faire pour que les personnels vivent un peu mieux leur situation ?

Une autre question concerne la mise en oeuvre de l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID). Ces entretiens ne sont pas mis en place dans tous les départements. En Isère, par exemple, l'EID sera instauré en septembre. Toutefois, ne pensez-vous pas que les demandeurs d'emploi seront traités différemment, selon qu'ils seront reçus par un conseiller ex-Assedic ou ex-ANPE ? Les anciens métiers de ces conseillers font qu'ils seront plus performants pour gérer l'indemnisation ou le placement.

Enfin, j'ai une question plus spécifique concernant les saisonniers. En Rhône-Alpes, un plan va être mis en place qui se traduira par des inscriptions collectives ou par téléphone pour les demandeurs d'emploi qui souhaitent renouveler leur inscription et même par une conclusion du PPAE par téléphone. En outre, il semblerait que ce dispositif concerne également les primo-demandeurs d'emploi. Or, pour ces personnes, l'entretien en face-à-face est très important. Vous l'avez d'ailleurs précisé tout à l'heure. Les saisonniers sont des travailleurs comme les autres et ils doivent avoir les mêmes droits que l'ensemble des travailleurs.

Mme Christiane Demontès . - Merci à vous, monsieur le directeur général, pour votre disponibilité vis-à-vis des membres de cette mission. Je remercie également, à travers vous, l'ensemble des personnels que nous avons rencontrés et auditionnés dans les agences. Même si nous n'avons pas eu toutes les réponses souhaitées, nous avons apprécié votre volonté de dialogue et d'échange.

Ma première remarque concerne les personnels. Lorsque la fusion ANPE-Assedic a été décidée, je pensais que le rapprochement ne serait pas difficile. Toutefois, notre mission actuelle me fait changer d'avis. Aujourd'hui, Pôle emploi regroupe trois types de métiers qui correspondent à trois missions : l'indemnisation, primordiale pour les demandeurs d'emploi ; le placement et l'accompagnement des demandeurs d'emploi ; l'orientation, assurée par les psychologues issus de l'Afpa. Comment clarifier les problèmes des statuts de personnel qui se posent ?

Ma deuxième remarque concerne un sentiment de déshumanisation dans la relation avec les demandeurs d'emploi. Ce phénomène n'est pas propre à Pôle emploi et existe dans d'autres administrations. A mon avis, la standardisation de la demande et une sorte de mécanisation et de technicité, liée à l'usage d'Internet et des plateformes téléphoniques, alimentent cette déshumanisation. Pourtant, chaque demandeur d'emploi, avec son profil, son histoire et sa demande, est différent. Cette question est-elle évoquée avec vos agents et comment la ressentent-ils ? Il m'a semblé, lors des échanges que j'ai eus lors des visites sur le terrain, que cet aspect suscitait des interrogations. Par ailleurs, pouvez-vous nous donner des précisions sur le suivi personnalisé ? Comment est-il traité, au-delà des chiffres ? Quelle est la valeur humaine de la prise en charge des demandeurs d'emploi ?

M. Claude Jeannerot , président . - Nous avons évoqué cette question de la personnalisation du suivi avec les directeurs régionaux. Quant à la segmentation, nous devons rester attentifs afin qu'elle ne renforce pas ce processus de déshumanisation. Tous ces problèmes me semblent liés au traitement de masse du chômage que doit assurer Pôle emploi.

M. Christian Charpy . - Etant patron d'un établissement subissant régulièrement des critiques, j'ai parfois eu la réaction de minimiser les problèmes, notamment lors de la première année d'existence de Pôle emploi, pour protéger la structure. J'ai désormais décidé d'arrêter de pratiquer la langue de bois et de dire la vérité.

Nous devons impérativement favoriser les expérimentations locales et laisser des marges de manoeuvre aux agences pour ce faire. Pour améliorer les résultats des expérimentations, deux possibilités s'offrent à nous. Nous pouvons mettre en place un forum de l'innovation permanent ou créer un site recensant les expérimentations validées par la direction générale. Pour ma part, je suis favorable à la première hypothèse. Par le passé, j'ai renforcé de manière permanente les moyens des directions régionales de l'ANPE qui voulaient mener des expérimentations. Je pense désormais qu'il est préférable d'accompagner, avec les effectifs nécessaires, les initiatives intéressantes. Ainsi ai-je décidé de soutenir un dispositif local innovant favorisant la prise en charge précoce des intérimaires.

Sur la gouvernance par la performance, je pense que nous parviendrons à mettre en place une prime de résultat pour les cadres. Nous négocions sur le sujet. Toutefois, il sera compliqué de trouver les bons indicateurs de résultats, en tenant compte de la difficulté de certains bassins d'emploi. Paradoxalement, si Pôle emploi réduit la durée de chômage moyenne et dégage des économies pour l'assurance-chômage, les partenaires sociaux réduiront les cotisations et les moyens de Pôle emploi diminueront. Si la caisse était globalisée, toute économie réalisée se répercuterait sur nos finances. Nous devons donc inventer un mécanisme d'intéressement de Pôle emploi à ses résultats. Notre comptabilité analytique, quasiment finalisée, nous permettra d'analyser nos performances budgétaires.

Il est délicat pour moi de revendiquer plus de moyens, car les décisions à ce sujet relèvent du ministre, que vous auditionnerez. Nous avons consenti énormément d'efforts en supprimant 1 800 emplois en 2011. Je souhaiterais ne plus avoir à supprimer d'emplois.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Aujourd'hui, les demandeurs d'emploi ne sont pas tous reçus chaque mois. Or, lorsqu'une personne est au chômage depuis longtemps, il est indispensable de renforcer son accompagnement. Nous revenons donc au problème des moyens. Ce point est essentiel, car un retour à l'emploi constitue une économie financière et sociale.

M. Claude Jeannerot , président . - Cette approche rejoint le concept d'activation des dépenses passives, qui visait à investir une part de l'indemnisation au service de l'accompagnement.

M. Christian Charpy . - Cette activation des dépenses passives est faite automatiquement par la règle des 10 % prélevés sur les cotisations.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Nous avons l'impression que le dialogue entre les partenaires sociaux et l'Etat est inexistant, l'Unedic se contentant de verser ses 10 % tandis que l'Etat cherche surtout à faire des économies.

M. Christian Charpy . - Cette règle des 10 % imposés par la loi est une erreur. Il aurait fallu que Pôle emploi et l'Unedic se mettent d'accord sur un montant des financements consacrés à l'activation des dépenses et qu'en l'absence d'accord, l'Etat tranche. Ces 10 % étaient excessifs la première année, mais sont insuffisants aujourd'hui. Si les partenaires sociaux ont peu réagi au rapport de l'IGF, c'est parce qu'ils savent que l'Etat n'a pas d'argent et que s'il faut dépenser plus pour l'accompagnement, c'est l'assurance chômage qui sera mise à contribution.

M. Claude Jeannerot , président . - Mme Roselyne Bachelot-Narquin a introduit dans la loi le concept intéressant de fongibilité asymétrique selon lequel le budget médico-social pouvait être fongible dans les budgets sanitaires, la réciproque n'étant pas vraie. En transposant ce concept à l'emploi, les budgets d'indemnisation pourraient être davantage mobilisés sur l'accompagnement.

M. Christian Charpy . - Vous avez raison, mais les bases du dialogue sont un peu viciées par la règle intangible des 10 % minimum.

La question de la clarification des métiers est essentielle. Pôle emploi exerce trois métiers différents, dont celui du placement, qui inclut l'EID, et celui de l'indemnisation. Ces deux métiers doivent concourir à l'accueil dans les agences. D'ailleurs, l'EID n'est fait que par un agent ayant la compétence complète sur le placement. Le troisième métier est celui de l'orientation. Le débat sur les psychologues du travail devrait se régler car il ne repose que sur une question sémantique, alors que leurs compétences restent inchangées. Certains agents ayant la double compétence, exerceront à la fois les métiers de gestion des droits et d'intermédiation. Pour répondre aux variations saisonnières de notre activité, ces agents pourront d'ailleurs changer de poste selon les besoins. J'ai clarifié les principes sur cette question des métiers, mais la négociation est longue. Je suis prêt à avancer vite, pour signer les accords avant la fin de mon mandat en décembre. Je pense que les syndicats veulent progresser rapidement aussi. Ce sujet n'est pas simple parce qu'il a deux aspects : un aspect financier, car une reclassification coûte cher ; et un aspect lié aux dignités respectives des métiers. En outre, si les niveaux de classification sont différents, des conflits en découleront.

Le rapport du CESE remet l'accent sur les risques psychosociaux. En l'absence de moyens et d'effectifs, il m'est difficile de reprendre une négociation. Je préfère donc mettre en oeuvre le plan d'action concertée, avec notamment une charte des réunions au sein de Pôle emploi, pour améliorer les conditions de travail. Nous nous penchons également sur les risques psychosociaux des managers. Mener à son terme le plan me paraît donc la meilleure solution.

Concernant le plan pour les saisonniers en Rhône-Alpes, j'interdirai la conclusion des PPAE par téléphone. Quant aux primo-demandeurs, ils seront traités comme les autres ; toutefois, l'EID dure environ quarante-cinq minutes et je préconise pour eux un entretien plus court. Autrefois, ils n'étaient même pas reçus aux Assedic, car ils n'étaient pas concernés par l'indemnisation.

Je suis sensible à la question de la déshumanisation car une période de chômage est toujours difficile à vivre. Néanmoins, nous devons concilier la gestion d'une situation de masse et des relations individuelles. Ayant un jour donné mon adresse mail à la télévision, je reçois souvent des plaintes d'usagers. Ainsi une dame m'a-t-elle indiqué qu'elle avait été reçue avec mépris. Une autre, malade, n'a pas été reconnue comme telle. Le traitement par téléphone ou Internet n'arrange pas la situation. Certains conseillers, aussi, réagissent de façon excessive parce qu'ils sont énervés et excédés. Toutefois, ils doivent veiller à garder leur humanité car leur professionnalisme est en jeu.

M. Claude Jeannerot , président . - Que pensez-vous de l'évolution du statut du médiateur vers plus d'indépendance ?

M. Christian Charpy . - Je n'ai pas demandé à nommer moi-même le médiateur et j'ai été surpris de cette décision. Ceci étant, dans les autres entreprises publiques, le médiateur est désigné par le directeur général. Toutefois, si le conseil d'administration devait nommer le médiateur, je n'y verrais aucun inconvénient.

Mme Annie David . - En région parisienne, un coaching a été mis en place par Pôle emploi pour aider les femmes à s'habiller et à se coiffer. L'existence de cette prestation m'a mise en colère, car elle devrait s'adresser aux hommes comme aux femmes.

M. Christian Charpy . - Cette initiative m'a également surpris, car s'adressant uniquement aux femmes, elle était discriminante. J'ai signé la convention, après avoir longuement hésité, lorsque les hommes ont finalement été inclus dans ce dispositif, même si les femmes représentent 99 % des participants. Lorsque j'ai travaillé auprès de Mme Simone Veil, en 1993-1994, pendant la guerre en Bosnie, une association apportait des produits de beauté aux femmes enfermées dans les camps. Mme Simone Veil m'a dit que cette initiative permettait à ces femmes de retrouver leur dignité. J'y ai repensé quand cette prestation m'a été présentée.

M. Claude Jeannerot , rapporteur . - Merci, monsieur le directeur général. Je voudrais, au nom de mes collègues, vous remercier très sincèrement de vous être prêté une fois encore à cet exercice. Je souhaite aussi vous adresser nos remerciements pour la qualité de l'accueil que nous avons rencontré dans votre réseau et pour la qualité de l'organisation de nos déplacements. Notre rapport portera nécessairement des critiques, mais dans le but d'engager des axes de progrès. Partout où nous sommes allés, nous avons trouvé dans vos équipes la passion et la volonté d'engagement au sein du service public.

Audition de M. Guy BONNEAU,
vice-président du conseil général de l'Essonne, en charge
des politiques d'insertion, représentant de
l'Assemblée des départements de France (ADF)
(mardi 21 juin 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Guy Bonneau, vice-président du conseil général de l'Essonne, qui intervient au titre de l'Assemblée des départements de France (ADF). Lorsque nous avons organisé la table ronde avec les associations d'élus, l'ADF n'avait pu être représentée. Compte tenu de l'importance pour les départements, mais aussi pour Pôle emploi, de la question du revenu de solidarité active (RSA), nous tenions néanmoins à auditionner un représentant de l'ADF. Il nous semble, d'après nos observations sur le terrain, nos rencontres avec les personnels de Pôle emploi et nos contacts avec les présidents de conseils généraux que le RSA n'est pas traité à sa juste mesure par Pôle emploi. D'ailleurs, le directeur général de Pôle emploi que nous venons d'auditionner reconnaissait lui-même que la convention conclue avec l'ADF au sujet du RSA était en retrait par rapport à la convention qui portait sur le revenu minimum d'insertion (RMI). La question des moyens est également posée : beaucoup de départements ont décidé que le suivi des titulaires du RSA relèverait de l'offre de services de droit commun de Pôle emploi. Nous souhaitons être force de propositions à l'égard de Pôle emploi pour que le retour vers l'emploi des bénéficiaires du RSA soit mieux pris en charge, dans un souci d'efficacité.

M. Guy Bonneau, vice-président du conseil général de l'Essonne, représentant de l'Assemblée des départements de France (ADF) . - Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vous remercie d'entendre l'ADF sur ce sujet. Je voudrais d'abord rappeler quelques éléments de contexte : le RSA a été créé il y a deux ans seulement et ce délai est un peu court pour réaliser une évaluation. Le RSA a mis la question du retour à l'emploi de ses bénéficiaires au premier plan, en faisant en sorte qu'il soit plus intéressant pour eux de reprendre un travail plutôt que de rester inactifs. L'objectif était aussi de ne pas stigmatiser les publics, en affirmant que tous les bénéficiaires étaient appelés à retrouver un emploi.

Trois partenaires principaux ont dû gérer la mise en place du RSA. Les caisses d'allocations familiales (Caf) ont dû faire face à un afflux important de demandes et Pôle emploi a dû assumer de nouvelles responsabilités, parallèlement à sa gestion de la fusion entre l'ANPE et les Assedic qui a compliqué la situation. Les conseils généraux étaient prêts à assumer leur responsabilité de chef de file, malgré un contexte budgétaire difficile. Dans un contexte de crise économique, le chômage a explosé et les publics concernés ont été plus nombreux que prévu. Le projet du RSA était donc intéressant théoriquement, mais il est arrivé à un moment compliqué. Malgré tout, six mois après le vote de la loi, tous les départements avaient réussi à mettre en place cette nouvelle prestation.

Le RSA pose également la question des partenariats. En effet, la loi a redéfini le rôle de chaque partenaire : le département, responsable de la prestation, doit intégrer des compétences d'insertion et d'emploi. Les Caf ont également reçu une responsabilité forte pour le versement des prestations et pour l'accompagnement des publics. En Essonne, nous avons signé une convention avec la Caf, pour définir les modalités d'accompagnement des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API), remplacée par le RSA. Pôle emploi, les autres partenaires infra-départementaux, notamment les centres communaux d'action sociale (CCAS), le tissu associatif, les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) et les acteurs de l'insertion sont aussi amenés à jouer un rôle important dans la mise en oeuvre du dispositif. N'oublions pas les régions et l'Etat, dont les prérogatives en matière d'emploi restent essentielles.

Deux ans après la création du RSA, nous sommes encore au milieu du gué et nous devons envisager les améliorations à apporter. La fusion de l'ANPE et des Assedic a été peu préparée, s'est déroulée de façon rapide et reste inachevée. Je pense que ce constat est général. Nous ne pouvons pas gérer les politiques d'insertion à une trop grande échelle. Or on parle maintenant d'agences régionales de Pôle emploi ce qui nous inquiète en raison de l'éloignement du terrain qui pourrait en résulter.

Pôle emploi a bien sûr des objectifs nationaux et des comptes à rendre, mais il devrait adapter son action au contexte économique de chaque territoire. Les conseils généraux ont un peu perdu la maîtrise de la définition des grandes orientations, ce qui a rendu leur approche locale plus difficile. En 2007, à l'époque du RMI, les trois quarts des départements avaient contractualisé avec l'ANPE ; ce travail a été partiellement déstabilisé avec l'arrivée du RSA. Les difficultés liées à la création de Pôle emploi ont desserré les liens que les conseils généraux avaient noués avec les directions départementales de l'ANPE. Nous évoluons toujours dans un contexte marqué par la faiblesse des moyens et par des ambigüités quant au rôle des différents partenaires.

Le département, comme chef de file, est logiquement demandeur de partenariat avec Pôle emploi, mais ce dernier préfère suivre sa logique, ne cherchant pas forcément à s'associer aux départements. Cela se voit sur la définition de l'offre d'insertion, par exemple : les offres de Pôle emploi et des départements ne sont pas bien articulées. Ce travail de partenariat est nécessaire, mais a peut-être été freiné en raison de la crise, qui a installé un clivage entre les publics employables et ceux qui le sont moins et qui doivent bénéficier d'un travail d'insertion sociale. Alors que l'un des objectifs du RSA était de ne pas stigmatiser certains publics, le clivage entre les personnes employables et les autres me semble trop marqué. Si certains conseils généraux ont arrêté de financer des postes à Pôle emploi, c'est parce qu'ils souhaitaient un retour d'information, qui justifierait cet accord dans une logique de donnant-donnant. Pôle emploi ne peut pas se contenter de proposer des prestations en demandant au département de les payer. Je rappelle aussi le poids des contraintes budgétaires des départements.

Les résultats de Pôle emploi en matière de retour à l'emploi des titulaires du RSA dépendent des territoires. Dans les départements où la crise économique a été très forte et s'est traduite par une perte d'activité et des fermetures d'entreprises, la situation est beaucoup plus difficile. Ceci étant, Pôle emploi est mieux armé pour les publics les plus proches de l'emploi que pour les bénéficiaires du RSA. Par ailleurs, les conseils généraux ne savent pas ce que deviennent les bénéficiaires du RSA qui sont suivis par Pôle emploi. Ces personnes sont traitées par Pôle emploi comme le public de droit commun. Elles ne sont pas identifiées dans le système d'information de Pôle emploi, qui ne sait pas évaluer les résultats de son action les concernant. Cependant, nous travaillons, en Essonne, avec Pôle emploi pour trouver des solutions à ce problème. Les départements ressentent mal les critiques sur leur travail d'insertion, puisqu'un tiers de leur public leur échappe entièrement. En Essonne, 6 000 allocataires sont suivis par Pôle emploi et nous n'avons aucune information à leur sujet. Même si la loi ne l'indique pas spécifiquement, Pôle emploi devrait avoir une politique spécifique pour les bénéficiaires du RSA, qui constituent un public prioritaire. Les conseils généraux ne veulent pas payer pour compenser, car la loi ne le prévoit pas.

Pour aider au retour à l'emploi, les emplois aidés peuvent être utiles. Toutefois, la politique concernant ces emplois aidés est trop erratique : les départements sont d'accord pour en prescrire mais ils constatent parfois, en cours d'année, qu'il n'est plus possible d'en signer. Il faut au contraire de la continuité dans la politique d'insertion. En ce qui concerne l'aide personnalisée de retour à l'emploi (Apre), la situation n'est pas non plus optimale car la politique menée a varié dans le temps, voire d'un département à l'autre.

Quelles améliorations seraient envisageables pour offrir un accompagnement global aux personnes les plus éloignées de l'emploi ? La question de la territorialisation est importante. L'idée qui a été avancée de création d'agences régionales pour l'emploi ne nous paraît pas très opérationnelle, car une approche plus locale serait mieux en phase avec les besoins des publics en difficulté. Des dispositifs locaux comme les Plie ont montré leur utilité. Les systèmes informatiques des Caf et de Pôle emploi, qui doivent être améliorés, ne nous permettent pas d'exploiter les données relatives aux titulaires du RSA. Je regrette également qu'un seul représentant des collectivités territoriales siège au conseil d'administration de Pôle emploi. Quant au parcours d'accompagnement, il faut qu'il soit construit conjointement par le département et Pôle emploi. Dans notre département, nous allons expérimenter une plateforme commune d'orientation avec Pôle emploi.

En ce qui concerne le fonctionnement du service public de l'emploi au niveau local et la place des conseils généraux, nous sommes souvent dans des situations de concurrence : par exemple, les crédits du fonds social européen (FSE) peuvent être utilisés par les départements ou les Plie. Les départements devraient avoir les moyens d'assumer leur rôle de chef de file sur la question du RSA, dans le cadre contractuel défini par le programme départemental d'insertion (PDI).

Pour conclure, l'ADF avait proposé, au moment de la réforme territoriale, qu'il y ait, au niveau des départements, des commissions de coordination locale, avec tous les acteurs concernés, pour mettre en oeuvre les projets communs décidés dans le cadre de la conférence des exécutifs régionaux, qui a un rôle d'impulsion en matière économique. Aujourd'hui, nous sommes tous inquiets au sujet des moyens financiers qui nous sont alloués suite à la décentralisation. Cette situation explique pourquoi nous ne souhaitons pas nous engager dans des politiques de l'emploi que nous ne pourrions pas assumer financièrement. Les départements ont-ils un rôle à jouer dans les politiques de l'emploi ? Il faudrait certainement clarifier les compétences dans ce domaine.

M. Claude Jeannerot , président . - Merci, Monsieur le vice-président, pour ces réponses. Il me semble que le fait de distinguer les bénéficiaires du RSA qui relèvent d'un traitement social, d'une part, et ceux qui peuvent être placés directement dans l'emploi, d'autre part, est porteur de beaucoup d'inconvénients, notamment par un effet de cloisonnement qui rend les catégories en difficulté difficilement employables. Je pense qu'une approche globale, prenant en compte l'emploi et le social, serait plus efficace.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - Malgré le contexte difficile lié à la crise, je ne comprends pas pourquoi les départements ne mettent pas en place des politiques d'emploi plus actives. Les départements bénéficieraient financièrement d'une baisse du nombre de titulaires du RSA. Les départements et Pôle emploi devraient discuter, s'associer autour d'un cahier des charges et fixer des objectifs mais, apparemment, le dialogue ne fonctionne pas. Certes, des expériences intéressantes sont parfois menées, mais je ne comprends pas pourquoi ce dialogue ne parvient pas à être noué partout. Par ailleurs, on ne peut se satisfaire que les publics en difficulté disparaissent définitivement de votre contrôle dès que leurs dossiers sont transférés à Pôle emploi. Ces publics sont ceux qui ont le plus besoin d'être aidés, dans une approche globale, incluant emploi, santé et logement. Les budgets sociaux représentent des sommes considérables pour les départements, qui auraient donc intérêt à traiter le problème pour faire des économies. Certains départements ne disposent même pas d'un Plie, alors qu'il s'agit d'un outil efficace pour mener une politique d'insertion par l'économique. Je déplore que ce soient les publics les plus en difficulté qui soient pénalisés par ces dysfonctionnements.

Mme Annie David . - Dans une agence Pôle emploi d'un quartier de Grenoble, des conseillers m'ont fait part de leurs difficultés à appréhender l'ensemble des procédures pour la mise en oeuvre des partenariats. Ils sont en effet en charge de la politique d'insertion par l'économie, de la politique de la ville et des relations avec le département. Cette complexité des dispositifs est difficile à gérer, sans compter le manque de moyens. Ne pourrait-on pas clarifier ou simplifier ces procédures, afin de simplifier le travail des agents ? Enfin, je partage avec vous l'idée que la séparation entre les deux catégories d'allocataires du RSA n'est pas pertinente.

M. Guy Bonneau . - Le fait de différencier les publics n'est pas forcément une mauvaise politique mais nous ne savons pas ce qu'il advient des titulaires du RSA suivis par Pôle emploi. Certaines personnes retrouvent du travail, mais peuvent retomber au chômage un peu plus tard. Cependant, il faut reconnaître qu'il existe des catégories différentes : les travailleurs pauvres, par exemple, n'ont pas besoin d'un accompagnement global. L'accompagnement global était l'un des enjeux de la création du RSA et avait pour objectif de différencier le suivi selon la nature des difficultés des personnes. Les choses ne peuvent pas se mettre en place seulement avec la bonne volonté des différents partenaires. Je pense que le Gouvernement doit donner des orientations à Pôle emploi. M. Jean-Paul Alduy n'a pas tort lorsqu'il dit que l'intérêt des départements réside dans le retour à l'emploi. Toutefois, il faudrait que le département ait plus de maîtrise sur la politique de l'emploi, qui est pilotée essentiellement au niveau national, ce qui renvoie à la question de la décentralisation. L'ADF préconise une clarification à ce sujet. Si un dispositif est reconnu comme efficace, comme les contrats aidés, alors il faut que les départements s'y impliquent et que l'Etat assure la continuité du dispositif. Les départements ne sont pas frileux, mais ils se méfient, car ils craignent de s'engager dans une politique qu'ils n'auront pas les moyens financiers d'assumer. Si les conseils généraux se comportaient comme des donneurs d'ordres avec Pôle emploi, alors il faudrait que les départements aient un représentant dans le conseil d'administration de Pôle emploi. Je pense donc qu'il faut creuser ces pistes d'amélioration, en gardant à l'esprit cette notion de donnant-donnant.

M. Claude Jeannerot , président . - Merci Monsieur le vice-président, de vous être rendu disponible. Nous tirerons parti de votre audition dans notre rapport.

Audition de MM. Yves CENSI, président, et Guy DECOURTEIX,
secrétaire général, du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) et de M. Pascal DUPREZ, président de la commission insertion par l'activité économique, emploi et formation de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars)
(mardi 28 juin 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Nous avons aujourd'hui le plaisir de recevoir MM. Yves Censi, président du conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), Pascal Duprez, président de la commission insertion par l'activité économique, emploi et formation de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) et Guy Decourteix, secrétaire général du CNIAE. Nous souhaitons vous entendre afin d'avoir votre éclairage sur les relations entre le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) et Pôle emploi. Nous pressentons, et nous voudrions le vérifier avec vous, que l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi dépend beaucoup de la qualité du partenariat entre ces deux acteurs.

M. Yves Censi, président du CNIAE . - Je veux dire d'abord combien je suis heureux de pouvoir apporter ma participation à la réflexion de votre mission d'information, car c'est une occasion pour moi de mieux faire connaître le CNIAE et son action. Il n'est pas si fréquent en effet que le CNIAE soit appelé à témoigner. S'il est très présent et reconnu sur le terrain, on songe peu à lui et à l'importance de l'insertion par l'activité économique, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions en matière de politique d'insertion et de politique de l'emploi, y compris lors des débats budgétaires relatifs aux emplois aidés. Quelques mots de présentation générale du CNIAE ne sont donc pas inutiles.

Le CNIAE est une structure directement rattachée au Premier ministre. Il a été créé par MM. Michel Rocard et Claude Alphandéry, qui considéraient que le pendant du RMI devait être l'insertion par l'activité économique. Cette approche très pragmatique de l'insertion, à la frontière de l'économique et du social, devait être au coeur des politiques d'emploi. L'insertion par l'activité économique a la particularité de ne pas être une politique de guichet. Elle ne propose pas des prestations sociales, mais repose sur un suivi de la personne qui mobilise, bien au-delà de l'administration, un certain nombre de fédérations, de réseaux associatifs et d'entreprises d'insertion. On n'est donc pas dans le cadre d'un projet national diffusé de façon uniforme au travers de guichets, mais dans un processus où chaque personne prise en charge est elle-même un projet et fait l'objet d'un accompagnement personnel avec un parcours d'insertion. C'est ce qui lui donne, nous le croyons fermement, son efficacité. Evidemment, l'IAE s'adresse à des personnes plutôt éloignées de l'emploi.

Le CNIAE représente près de 5 000 structures d'insertion par l'activité économique. Il rassemble, autour du Premier ministre, quarante et un membres, appartenant à quatre collèges : les représentants des administrations, avec bien sûr la DGEFP, un certain nombre d'élus nationaux et locaux, des réseaux d'insertion représentatifs et les partenaires sociaux. Le CNIAE est consulté sur tous les textes relatifs à l'IAE. C'est aussi un lieu de réflexion et une plate-forme d'échange des bonnes pratiques. C'est enfin un acteur économique important, puisque l'IAE réalise 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, généré par l'activité d'environ 250 000 personnes par an.

Concernant les questions que m'a transmises le rapporteur et, pour commencer celle des relations entre Pôle emploi et les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE), je rappellerai que la vocation de l'IAE est d'accompagner vers l'emploi les personnes qui en sont le plus éloignées. Elles y parviennent en combinant, dans un même parcours, l'emploi et l'accompagnement professionnel et social. Pôle emploi est bien entendu un partenaire privilégié des structures d'IAE. Pôle emploi intervient d'abord comme prescripteur. Au vu du profil du demandeur d'emploi, Pôle emploi, normalement aux côtés d'autres acteurs comme les missions locales, le plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie) et les missions locales, effectue un diagnostic qui permet d'orienter le demandeur d'emploi vers une SIAE. Ensuite, il y a un agrément délivré par Pôle emploi, qui permet à la personne d'intégrer une structure et, à cette dernière, de bénéficier des aides de l'Etat. Enfin, Pôle emploi intervient dans le suivi et, comme on le verra, ce suivi se passe plus ou moins bien selon les territoires.

En tant que tel, ce schéma nous paraît adapté mais, sur le terrain, les pratiques sont très inégales du fait du fonctionnement plus ou moins actif des commissions techniques d'animation (CTA), qui sont normalement le lieu opérationnel de suivi des parcours. Nous avons réalisé une étude de la gouvernance dans quatre territoires, dont le Doubs, qui le montre clairement. La connaissance de l'offre d'insertion proposée par les structures d'IAE est, dans certains cas, insuffisante et je pense qu'il appartient à Pôle emploi de mieux la faire connaître. Je passe la parole à M. Pascal Duprez, qui entrera plus dans le détail.

M. Pascal Duprez, président de la commission insertion par l'activité économique, emploi et formation de la Fnars . - Il faut commencer par rappeler que le rapprochement de Pôle emploi et des Assedic s'est fait à un moment difficile, avec un afflux des demandeurs d'emploi. Il ne faut pas oublier ce contexte : les agences de Pôle emploi, sur les territoires, ont été déstructurées. Parallèlement, il y a eu la déstructuration des structures partenaires, comme les Direccte, qui sont elles-mêmes issues d'une réforme concomitante à celle de Pôle emploi. L'IAE a elle-aussi été bousculée par de nouvelles modalités de conventionnement et une réforme des conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique (CDIAE). Tout cela s'est produit en même temps et a perturbé les relations entre les acteurs. Il n'empêche que des discussions ont pu avoir lieu et qu'elles ont débouché sur un accord-cadre entre l'Etat, Pôle emploi et les SIAE. On en est au stade de sa déclinaison locale, qui est achevée dans certaines régions, mais qui reste encore à faire dans d'autres.

La deuxième remarque que je voudrais faire porte sur les disparités entre les territoires : les relations fonctionnent bien ou très bien dans certains endroits et pas dans d'autres. Les choses marchent bien lorsque les SIAE ont affaire à des interlocuteurs issus de l'ex-ANPE, qui connaissent bien l'insertion par l'activité économique. Ceux-là continuent à utiliser les outils qu'ils connaissent. Ceux qui sont issus de l'indemnisation se retrouvent en revanche face à un monde qu'ils ignorent, ce qui crée des difficultés de relations. Selon les territoires, Pôle emploi peut donc être bien présent ou complètement absent des CDIAE, qui sont pourtant les lieux où est censé se nouer le partenariat entre les SIAE, les Direccte, Pôle emploi et les conseils généraux.

Autre point à souligner : le contexte économique de la fusion a fait de la gestion des flux la priorité, notamment pour assurer l'indemnisation. Dans ces conditions, on ne s'occupe pas des gens les plus en difficulté, dont l'accompagnement exige du temps. Quand on reçoit un chômeur de longue durée en trente minutes, il est impossible d'aborder des problématiques personnelles lourdes en matière de santé ou d'addiction qui peuvent pourtant être des freins importants au retour à l'emploi. Donc, il y a actuellement une contradiction entre les exigences de l'IAE et le traitement de masse du chômage par Pôle emploi.

Pour ce qui est de nos préconisations, j'insiste tout d'abord sur l'importance de l'accord-cadre et de ses déclinaisons régionales et locales, dont je vous ai déjà parlé. C'est important pour dynamiser les relations entre les SIAE et Pôle emploi.

Nous proposons aussi de mettre en place des objectifs chiffrés en matière d'IAE dans les agences de Pôle emploi car, si on laisse un directeur d'agence avec ses seuls objectifs généraux de retour à l'emploi, il n'investira pas ses moyens dans les tâches qui réclament le plus de temps, telles que l'IAE. Donc si on veut que l'IAE soit véritablement prise en compte dans la stratégie de Pôle emploi, il faut l'identifier par des objectifs spécifiques.

Notre troisième préconisation est de former systématiquement les agents de Pôle emploi à l'IAE. Il faut que les SIAE puissent informer Pôle emploi sur ce qu'elles font et, inversement, il faut que les SIAE soient au courant de ce que fait Pôle emploi et de son mode de fonctionnement. La formation et l'information doivent se faire dans les deux sens.

Il est également important de travailler sur les passerelles vers l'emploi plus durable à l'issue de l'insertion par l'activité économique. Il ne faut pas que Pôle emploi ou les missions locales donnent aux SIAE le soin de faire ce travail parce qu'elles n'ont pas les moyens de le faire - ou alors il faut les financer pour cela. Il y a des problèmes très concrets à résoudre. Par exemple aujourd'hui, quand le demandeur d'emploi entre dans une SIAE, il est souvent radié de la liste des demandeurs d'emploi et perd tout droit aux prestations de Pôle emploi. Donc on passe énormément de temps et on perd beaucoup d'énergie à réinscrire des gens qui ont été radiés automatiquement par le système informatique.

La question du contingentement des contrats aidés est un autre point qui appelle une réponse. Les contrats aidés affectés à l'IAE ont été, nous dit-on, sanctuarisés à 65 000, alors que les besoins sont de 80 000. Pôle emploi ne prescrit pas les contrats aidés en fonction des besoins, mais du quota disponible : quand les quotas sont dépassés, les conseillers cessent de prescrire. Cela est très défavorable à l'insertion.

M. Claude Jeannerot , président . - Je vous remercie. Je voudrais vous poser cette question, monsieur le président : s'il y avait une seule mesure à prendre pour améliorer les relations entre l'IAE et Pôle emploi, quelle serait-elle ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - J'ai compris qu'il y avait un accord-cadre en cours de déclinaison locale et que cela pourrait apporter des réponses à certaines de nos interrogations. Ceci étant, j'ai été étonné de ne pas vous avoir une seule fois entendu évoquer les collectivités territoriales au cours de votre présentation. Or, dans l'IAE, elles jouent un rôle essentiel. Les conseils généraux suivent les bénéficiaires du RSA, qui font souvent partie du public de l'IAE. Les plans locaux pour l'insertion et l'emploi sont en général présidés par des élus et définissent la feuille de route en matière d'insertion, où l'IAE prend toute sa place. Nous avons remarqué, au cours de nos travaux, que le service public de l'emploi, localement, forme une sorte de mosaïque et que les choses s'organisent de manière efficace quand un élu met tout son poids pour impulser des actions cohérentes. Donc j'aurais voulu avoir votre sentiment sur la place des collectivités locales dans le service public local de l'emploi, puisque cela conditionne, me semble-t-il, largement l'efficacité de votre action.

Mme Annie David . - Je voudrais prolonger les propos de M. Jean-Paul Alduy en soulignant qu'on ne peut poser la question de la place des collectivités locales sans poser en même temps celle de leurs moyens, car on sait très bien qu'elles ne disposent pas toutes des mêmes ressources pour mettre en oeuvre leur politique sociale. Le problème se pose pour la mise en oeuvre des compétences sociales obligatoires et a fortiori pour les politiques non obligatoires comme l'insertion.

M. Yves Censi . - L'insertion par l'activité économique offre une véritable ingénierie, une ingénierie complexe, qui intéresse d'ailleurs de plus en plus, je voudrais le souligner, les écoles de management. Il s'est créé à l'Essec une chaire d'économie sociale et solidaire. Quel mode de management adopter avec des personnes qui rencontrent des difficultés très différentes et présentent parfois une incapacité à s'adapter ? Ce problème de fond a des conséquences sur les questions que vous avez soulevées.

Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, on trouve localement des solutions portées par une forte personnalité et, selon les personnalités considérées, les voies suivies sont différentes. Ce que nous défendons, ce n'est pas telle solution plutôt que telle autre, c'est l'idée qu'il n'y a pas d'alternative à l'IAE pour s'occuper des personnes en grande difficulté. L'important est que, sur les territoires, dans leur diversité, à un certain moment, on se dise : la priorité, c'est l'emploi et seule l'IAE peut apporter à ces personnes l'accompagnement pour accéder à l'emploi. C'est un choix politique, sur la base duquel ensuite, on va mettre en place des solutions, des coopérations.

Vous avez parlé des moyens. Il y a au sein du CNIAE un débat entre les représentants des départements et des régions sur le thème : qui va payer ? Mais je trouve que les débats ont trop longtemps été pollués par cette question des moyens. Avant de parler des moyens, il faut parler des objectifs. D'abord, on se rassemble sur les objectifs, ensuite on détermine les modes de financement. Le débat sur le partage des enveloppes a été catastrophique pour le développement de ce secteur et il ne faut pas y revenir. Nous aurons, début juillet, une plénière avec le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, qui s'est engagé à signer un maximum de conventions avec les conseils généraux pour fixer les conditions dans lesquelles l'Etat apportera son aide financière.

Reste à trouver la charnière entre les conseils généraux et régionaux, puisqu'on va être confronté à la difficulté de cette ingénierie de l'IAE dont le succès repose sur la diversité et la capacité d'adaptation aux territoires, aux personnes et aux ressources disponibles localement. On va bien sûr retrouver à ce niveau quelques données majeures. D'abord, la question de la capacité de mobilisation, parce que les projets ne vivent pas tout seuls, ils dépendent de porteurs de projets. Donc il faut qu'il y ait un porteur de projet à Pôle emploi. La présence d'un « référent IAE » au sein des agences de Pôle emploi et des directions régionales est essentielle. Pour les collectivités locales, si cette volonté n'existe pas, peut-on les obliger à s'investir ? Je ne le crois pas. On va retrouver, par exemple, le problème de la question des clauses sociales, qui sont extrêmement efficaces. Mais, là encore, doit-on les rendre obligatoires avec de véritables quotas ou doit-on mobiliser les collectivités sur ce thème et les convaincre d'utiliser au maximum cet outil ? Ce que je sais, c'est que, lorsqu'on parvient à les rassembler et qu'on trouve des porteurs de projet, c'est un outil très efficace. Pour finir, je dirai que la clé n'est pas dans l'obligation, dans la création d'un modèle unique. En matière d'insertion par l'activité économique, quelle que soit la structure institutionnelle, elle restera toujours une coquille vide sans un porteur de projet mobilisé. Ma conviction est que les bonnes volontés existent et qu'il faut les libérer. La bonne solution institutionnelle, c'est celle qui leur permet de s'exprimer au lieu de leur opposer des freins qui les épuisent.

M. Pascal Duprez . - Je ne suis pas sûr qu'il faille mettre des systèmes identiques partout. Il faut disposer d'une boîte à outils qui permette à chaque territoire de choisir celui qui lui convient le mieux. Ce que nous réclamons, c'est de l'autonomie, de l'initiative et des moyens. Il faut avoir un réel CDIAE : c'est le lieu où tous les acteurs devraient être présents. C'est sur ce point qu'il faudrait renforcer l'obligation, au besoin par un texte. Il ne suffit pas de prévoir que les acteurs sont associés, parce qu'ils peuvent très bien ne pas être présents. Je l'ai constaté s'agissant de Pôle emploi. Les conseils généraux y sont plus ou moins. Les partenaires sociaux y sont en théorie. Et puis il faut renforcer le lien avec le pacte territorial d'insertion. Les conseils généraux en sont en charge, mais certains l'élaborent tout seuls ! Il faut en faire un pour telle date, alors on en fait un, mais ce n'est qu'un papier.

Le service public de l'emploi local (SPEL) peut être l'outil adéquat pour assurer une bonne coordination. A ce niveau de maille, autour du sous-préfet, il y a des choses à faire. C'est peut-être le bon niveau pour organiser les structures d'insertion par l'activité économique. Je prends un exemple : quelqu'un qui est public de l'Etat, c'est-à-dire qui ne relève pas du RSA, est géré par l'Etat ; quelqu'un qui est allocataire du RSA est géré par le conseil général. C'est un système cloisonné. Or, cette distinction concerne les modalités de financement mais est sans conséquence sur la nature de l'accompagnement dont bénéficient les personnes dans le cadre de l'IAE. Donc l'IAE suppose de faire dialoguer des systèmes qui ne se parlent pas et de dépasser le cloisonnement des financements.

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - J'entends bien ce que vous dites, mais il y a tout de même quelque chose de désespérant. On voit bien sur certains territoires ce qui marche, mais, au nom de la diversité, on dit : laissons chacun s'organiser. Alors je reviens sur les Plie : le rôle des Plie était bien de faire ce que vous dites. Il y avait cette instance départementale, qui était l'instance de gouvernance, et le Plie était l'instance opérationnelle, qui fixait la feuille de route et coordonnait les différents acteurs. Dans certains endroits, on voit la mission locale, la maison de l'emploi et le Plie réunis dans une même structure. Il y a dix-huit bassins d'emplois dans ce cas. Je crois que cette mission d'information devrait être l'occasion de dégager certaines idées force et cette idée ne peut pas être : la France est diverse, donc gardons la diversité. Quand on a construit la politique de la ville, on a fait les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs). Je ne dis pas que c'est formidable, mais il y a tout de même une sorte de cahier des charges de base et un comité de suivi. On évalue. Le premier Cucs n'est pas terrible, mais le suivant est un peu mieux. Bref, il me semble, et pourtant je suis plutôt un girondin, qu'il y a tout de même un certain nombre d'outils qu'il faut rendre obligatoires si on veut faire progresser le dispositif. Il y a urgence. Il y a des trésors de compétences qui sont démolis, des chantiers d'insertion qu'on ferme, des régies de quartier qui disparaissent. Il y a une entreprise d'insertion qui fonctionne pendant quelques années, puis qui disparaît subitement parce qu'un des acteurs institutionnels se désinvestit. Un minimum de structure est donc nécessaire pour éviter ce gâchis. Les Plie, normalement, devraient nous éviter ce gâchis.

Mme Annie David . - Au-delà de la perte d'outils et de compétences, ce sont aussi des drames pour des femmes et des hommes qui se retrouvent encore plus fragilisés.

M. Yves Censi . - On retrouve ici les discussions que nous avons au sein du CNIAE. Pour ma part, je pense que la multiplication des outils, pas plus que l'obligation de les utiliser, ne se traduiront par une meilleure insertion. Nous sommes sur un terrain spontanément très fertile. L'insertion par l'activité économique est un modèle économique, je n'ai pas peur d'utiliser cette expression de « modèle économique », très dynamique. L'IAE, ce n'est pas que du social, c'est aussi un modèle d'action économique responsable, qui a certes besoin d'un accompagnement public pour être viable, mais qui reste malgré tout une démarche économique de création de richesse et d'utilité sociale. Ce type d'entreprise a donc besoin qu'on la laisse vivre. Il y a donc besoin d'une aide publique, aide dont le niveau global est déterminé en loi de finances, mais la difficulté est dans la mise en oeuvre de l'aide. J'ai beaucoup de respect pour la DGEFP, mais l'Etat doit comprendre que le temps où on disait « nous avons trouvé des solutions moyennes et uniformes applicables à toutes les structures » est révolu. Il faut mettre au point des critères d'évaluation souples et modernes. Il faut se dire que la politique de l'emploi aujourd'hui en France, ce doit être une politique qui confie une délégation de service public à ces structures sans regarder dans le détail ce qu'elles font. Pôle emploi pourrait utilement entrer dans ce processus.

M. Pascal Duprez . - Je souhaiterais revenir sur certaines de nos propositions. Il nous paraît utile d'inciter à la constitution de conférences de financeurs. Il faut aussi élaborer des contrats pluriannuels d'objectifs, avec des moyens afférents à ces contrats. Il faut aussi trouver des moyens d'évaluation de la performance qui aient un sens statistiquement. Quand on dit à une structure d'IAE qu'elle a de bons résultats une année parce qu'elle place une personne et de mauvais résultats l'année suivante parce qu'elle n'en place pas, cela n'a pas de sens. Il vaut mieux avoir une vision globale au niveau d'un CDIAE, où on apprécie la performance collective sur un territoire. Il nous paraît utile aussi de prévoir les moyens pour mettre en oeuvre l'accord-cadre, car signer un accord est une chose, l'animer en est une autre. Par exemple, à Pôle emploi, au niveau national, il n'y a même pas une personne qui s'occupe à temps complet du partenariat avec l'IAE. On a une personne à mi-temps qui va s'occuper de la coordination des partenariats locaux : est-ce efficace ? C'est la même chose au niveau des agences de Pôle emploi. Il faut aussi que Pôle emploi participe aux diagnostics territoriaux sur les publics et les besoins en emploi. Les enquêtes de besoin en main-d'oeuvre actuelles ne reflètent pas la réalité des besoins de l'économie sociale et solidaire. Pour resserrer les liens entre Pôle emploi et l'IAE, nous pensons par ailleurs qu'il faut non seulement un « référent IAE » dans chaque agence, mais aussi un « correspondant IAE » au sein de la direction régionale de Pôle emploi. Il faut en outre s'appuyer davantage sur les structures d'IAE pour développer des activités nouvelles. Si vous considérez par exemple des domaines comme la récupération des déchets, la valorisation du patrimoine ou l'éco-construction, vous verrez que les entreprises d'IAE ont eu un rôle pionnier. Mais leur développement est bloqué par le contingentement des contrats aidés. Cela crée une incertitude qui bloque le développement des entreprises d'insertion. Comment se lancer sur un marché, même comportant des clauses sociales, si on ne sait pas si on pourra disposer de contrats aidés ?

M. Claude Jeannerot , président . - Merci pour ces contributions précieuses.

Audition de M. Xavier BERTRAND,
ministre du travail, de l'emploi et de la santé
(mardi 28 juin 2011)

M. Claude Jeannerot , président . - Au terme de nos travaux, nous souhaitons vous entendre, monsieur le Ministre, sur le fonctionnement de Pôle emploi. Vous réfléchissez à une nouvelle feuille de route : c'est le bon moment pour vous interroger. Quels changements pourraient être initiés par l'Etat dans le cadre du renouvellement de la convention tripartite ? Quelles sont les intentions du gouvernement sur le plan budgétaire ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé . - J'ai pris mes fonctions il y a sept mois, mais je m'intéressais déjà à Pôle emploi en tant qu'élu local et parlementaire... La fusion entre l'ANPE et les Assedic, on en parlait depuis vingt ans, sans la faire. Elle est enfin réalisée. Il ne s'agissait pas de produire un meccano administratif, mais un outil au service des demandeurs d'emploi et des entreprises. Une crise sans précédent est intervenue et le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté comme jamais : un demi-million de plus en un court laps de temps.

On voulait créer un lieu unique pour aider les chômeurs dans leur recherche d'emploi et traiter leur dossier d'indemnisation, faire plus simple et plus efficace ; on entendait aussi aider les entreprises en relayant les offres d'emplois. La fusion consistait à marier deux institutions de cultures différentes, deux catégories de personnels, deux systèmes informatiques, etc. Le rendez-vous était incontournable, le défi inégalé, mais tout ce qui a été réalisé est désormais un acquis. Après la fusion, après le choc de la crise, à présent que nous sommes dans l'après-crise, une nouvelle feuille de route m'a parue nécessaire.

Pôle emploi est un acteur incontournable mais non exclusif de la politique de l'emploi. Or toute la pression est focalisée sur cette institution et sur ses agents. La part de marché de Pôle emploi pour la collecte des offres d'emploi n'est pourtant que de 18 %. A Suresnes récemment, un chef d'entreprise m'a dit : « Pôle emploi, ça ne va pas ». Quand je l'ai interrogé, il m'a expliqué qu'il préférait passer par des cabinets de recrutement, qui attirent des salariés déjà en poste dans d'autres entreprises, en leur proposant de meilleures conditions salariales, mais ne cherchent pas des chômeurs. Pôle emploi ne répond donc pas au besoin de ce chef d'entreprise. Trop souvent, on dit comme lui que Pôle emploi « ça ne va pas », sans réfléchir à ce que l'on peut ou non lui demander. Les agents ont à coeur d'aider les demandeurs d'emploi. Ils ont su être au rendez-vous. Mais leur charge de travail a beaucoup augmenté avec la crise...

La centralisation était indispensable au moment de la fusion. En période de sortie de crise, il faut déconcentrer pour gagner en réactivité ; ce sont les agences locales qui sont les mieux à même de répondre aux multiples enjeux. Je pourrais vous parler des procédures d'accueil simplifiées, du parc immobilier en restructuration, des formations de plus en plus nombreuses, du numéro de téléphone unique. Je précise que la grande enquête de satisfaction menée auprès de 100 000 demandeurs d'emploi et de 30 000 entreprises a montré que les résultats étaient là. Comme le rapport intermédiaire sur la mise en oeuvre de la convention tripartite l'a mis en évidence, la crise a ralenti la fusion. Il y a eu le rapport de l'Inspection général des finances (IGF), qui procédait à une comparaison entre pays, le rapport du Conseil économique, social et environnemental, assorti de recommandations, le rapport du Centre d'analyse stratégique (CAS), qui appelle à plus d'autonomie des conseillers - je le souhaite aussi. Bientôt votre rapport va compléter ces analyses.

Il y a de fortes attentes pour plus de simplicité dans les démarches, pour un service plus personnalisé. Les agents, quant à eux, veulent plus intervenir dans l'organisation, car ils connaissent leur métier. Je n'élaborerai pas seul dans mon bureau la feuille de route de Pôle emploi, je tiendrai compte des rapports, de ce que disent les partenaires sociaux, les administrateurs de Pôle emploi - j'ai eu une première réunion avec ces derniers et j'ai constaté que nous n'étions pas très éloignés les uns des autres. Le 11 mai, j'ai réuni le comité de suivi de la convention tripartite ; nous aurons une autre réunion en juillet pour préciser la feuille de route. Car pourquoi attendre le début de l'année 2012 si nous sommes d'accord dès maintenant sur le nouvel esprit à insuffler ?

Le chômage a augmenté au mois de mai, après une période de baisse : 17 700 chômeurs de plus, il faut redoubler d'efforts. Les résultats sont très liés à la conjoncture économique ; en avril et mai, la consommation a été inférieure à celle du premier trimestre. Je veux plus d'apprentissage, plus d'emplois aidés, une mobilisation du service public local de l'emploi, une personnalisation des services en fonction des besoins et une plus grande marge de manoeuvre donnée au niveau régional, départemental, et surtout local. Parce qu'il faut se situer au coeur des territoires, j'ai demandé aux sous-préfets de réunir, tous les mois, les acteurs du service public de l'emploi, le SPEL.

Le pilotage, au sein de Pôle emploi, doit passer d'une logique de moyens à une logique d'impact. Nous consacrons de nouveaux moyens à la politique de l'emploi, un demi-milliard d'euros en plus, dont 300 millions d'euros pour les contrats de professionnalisation. La proposition de loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels est sur les rails. Enfin, une action sera entreprise pour les métiers en tension.

J'ai une obligation de résultat. J'avais fixé un objectif de baisse du chômage en deçà de 9 %, à une période où personne n'y croyait. Aujourd'hui, on me dit que « ce n'est pas ambitieux »... Si l'on peut mieux faire, j'attends la recette !

M. Claude Jeannerot , président . - Le rapport comparatif de l'IGF montre que les moyens consacrés en France au service public de l'emploi sont inférieurs à ceux constatés en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Quelle conclusion en tirez-vous ?

Une baisse d'un mois de la durée moyenne du chômage, c'est un gain de 2,2 milliards d'euros pour l'assurance chômage. Peut-on en tirer des enseignements pour mieux attribuer les moyens ?

M. Jean-Paul Alduy , rapporteur . - La réforme était incontournable et l'essentiel a été réalisé. Personnalisation des parcours, marges de manoeuvre données aux agences, action au coeur des territoires, logique d'impact : vos propos et nos propres orientations sont en phase. Cependant, où est la culture de la performance dans ce dispositif ? Impact et performance ne sont pas équivalents. Personne n'est capable d'analyser les critères de performance inscrits dans la convention tripartite... Chaque mois, 500 000 personnes sortent de la liste des demandeurs d'emploi, sans que l'on sache ce que deviennent 200 000 d'entre elles - ont-elles retrouvé un travail par elles-mêmes ? Le comité de suivi de la convention tripartite ne s'est réuni que très irrégulièrement et les critères de performance ne font pas l'objet d'un suivi suffisant. N'est-il pas possible d'envisager une gouvernance plus centrée sur les performances et moins sur les moyens ? Cela renvoie aussi à la question de la composition du conseil d'administration et à la façon dont on discute le budget avec l'Unedic.

Vous avez parlé des territoires. En Picardie, missions locales, maisons de l'emploi, et plans locaux pour l'insertion et l'emploi se sont regroupés, ce qui contribue à simplifier la mosaïque du SPEL. Pourquoi ne pas favoriser de tels regroupements par de meilleures dotations budgétaires ? La gouvernance du SPEL est encore faible. Les collectivités sont diversement associées : certains départements ont signé des conventions avec Pôle emploi, mais pas tous, et leur nombre est en recul sur les trois dernières années. De même, peu de régions ont créé des plates-formes de formation communes avec Pôle emploi pour coordonner leurs achats. Quant au bloc communal, il est peu sollicité. Les sous-préfets, qui sont missionnés pour animer avec plus de régularité le SPEL, changent d'affectation tous les deux ans : or une continuité est nécessaire. Le triangle Pôle emploi, Etat et collectivités territoriales mérite d'être revu, avec le souci de l'efficacité des sommes investies plutôt qu'une logique comptable.

M. Alain Gournac . - Cette mission a été très bien menée. Je félicite le président et le rapporteur ainsi que les autres membres de la mission pour le travail accompli. Je fournirai une contribution si le rapport s'écarte de ce que j'ai moi-même perçu durant nos travaux.

Il est très bien d'avoir fait la fusion ; le personnel est très engagé, malgré des cultures différentes. J'ai constaté aussi le professionnalisme des agents, au cours des discussions que nous avons pu avoir avec eux. Mais ils sont débordés, or un contact de qualité ne peut être trop rapide.

La procédure d'appels d'offres pour le recours aux opérateurs privés de placement n'est pas satisfaisante. Je souhaiterais plus d'intelligence dans cette procédure, afin que chaque opérateur exploite au mieux ses points forts et contribue à de meilleures performances. Le système peut mieux fonctionner. De l'argent est investi. Il faut des résultats humains, et une meilleure considération de la personne afin de la remettre au travail.

Mme Annie David . - Vous avez raison, monsieur le ministre, de dire que la fusion a coïncidé avec la crise et que le chômage a augmenté. Pourquoi alors ne pas avoir, comme certains le demandaient, repoussé sa mise en oeuvre et pourquoi avoir décidé ensuite des suppressions de postes ? Vous saviez que la fusion ne serait pas simple. Mariage d'institutions différentes, avez-vous dit. Or les mariages forcés sont toujours difficiles au début. Parfois, sur la durée, ils se passent bien - ce serait le cas ici, selon vous. Je l'espère...

Vous annoncez de nouvelles suppressions de postes, sans que l'on soit fixé sur le statut exact de Pôle emploi. Votre collègue, M. François Baroin veut en tout cas soumettre Pôle emploi à la RGPP ! Comment les agents auront-ils dans ces conditions plus de moyens pour travailler ?

Comment prenez-vous en compte les risques psycho-sociaux ? Le rapport du Conseil économique, social et environnemental, tout comme certains comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), soulignent que le problème est bien réel. Croyez-vous résoudre quoi que ce soit avec une simple ligne d'écoute ?

Le chômage, après quelques mois de baisse, a augmenté en mai. Que faites-vous pour lutter contre la désindustrialisation ? Un site de Siemens va fermer à Grenoble, victime d'une délocalisation, et des emplois sont supprimés. Pourquoi ne menez-vous pas une vraie politique contre les délocalisations ? Ces entreprises traditionnelles comptent de nombreux salariés de plus de cinquante ans, difficiles à reclasser.

Pôle emploi prescrit plus de formations qu'auparavant, dites-vous. Mais lesquelles ? Sont-elles diplômantes ou adaptées à un emploi précis ? La préparation opérationnelle à l'emploi (POE) relève à mon avis de la responsabilité de l'entreprise qui recrute. Il faut aussi clarifier les partenariats et négocier au sein de Pôle emploi sur la classification des métiers qui est une question importante pour les agents.

M. Serge Dassault . - Pôle emploi est centré sur la recherche d'activité professionnelle pour ceux qui ont été licenciés, qui ont une formation, des compétences, une expérience. Les missions locales, elles, s'occupent des jeunes qui n'ont jamais travaillé, qui traînent dans les rues et font parfois des bêtises. Et elles rencontrent bien des difficultés, car elles ne reçoivent pas de dotations substantielles de l'Etat, seulement quelques subsides attribués par les collectivités territoriales. Certains jeunes ne savent pas travailler, parce que personne ne leur a appris. Monsieur le ministre, devant la commission des finances, vous aviez dit que le budget de l'emploi augmenterait de 3 milliards d'euros : ne peut-on en attribuer une petite fraction, 100 millions par exemple, aux missions locales, qui paient des permis de conduire, assurent aux jeunes des formations pratiques, afin que ceux-ci rentrent dans le circuit normal et soient à l'abri de la délinquance ? Pôle emploi et les missions locales sont complémentaires. On aimerait s'en rendre un peu mieux compte dans le budget !

Mme Christiane Demontès . - Centralisation au moment de la fusion, mais plus en sortie de crise : pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Vous avez évoqué la personnalisation des parcours dans la nouvelle convention : quelles directives seront-elles données à Pôle emploi à propos de la gestion des radiations ? Au moment du vote de la loi sur la fusion, on allait répétant que les deux métiers ne feraient plus qu'un. Or partout où nous sommes allés, on nous a affirmé qu'il y avait bien deux métiers à Pôle emploi. Qu'en est-il exactement ? Enfin, quel est votre point de vue sur les partenariats noués par Pôle emploi, et notamment sur ses rapports avec les opérateurs privés de placement ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Pour « redoubler d'efforts » comme vous le souhaitez, monsieur le Ministre, quels moyens humains prévoyez-vous ? La surcharge de travail est telle que chaque conseiller suit un portefeuille de 150 à 300 demandeurs d'emploi. Et pourtant l'on supprime des postes !

M. Charles Revet . - La fusion de l'ANPE et des Assedic relevait du bon sens. Sur le terrain, j'observe que les entreprises qui ont besoin d'un pâtissier ou d'un maçon n'en trouvent pas, malgré le nombre élevé des chômeurs. Pôle emploi devrait pouvoir recenser les besoins et proposer des formations plus pointues

Mme Annie David . - Qualifiantes !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Les effectifs de Pôle emploi sont passés de 42 531 ETP avant la fusion à 47 200 en 2010 et 45 400 en 2011, soit plus qu'avant la fusion, contrairement à ce qu'on entend dire. Un renfort particulier a été organisé pendant la crise, il n'avait pas vocation à perdurer. J'ai tout entendu sur les effectifs, mais que l'on cherche à tromper ou que l'on se trompe, la réalité est là !

Il faut comparer ce qui est comparable, et, pour comparer à missions comparables les dotations française, britannique et allemande, il faudrait ajouter tout le personnel et tous les moyens humains mis en oeuvre dans les collectivités locales...

M. Claude Jeannerot , président . - L'IGF l'a fait.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Je le sais. Cependant, quand on procède aux corrections nécessaires, la France se retrouve au niveau de la Grande-Bretagne, et loin de l'Allemagne parce que celle-ci assigne également à son service public de l'emploi une mission d'accompagnement social. Les Jobcentres anglais effectuent une partie des missions de la caisse d'allocations familiales (Caf). Il faudrait pour la France consolider une partie des dépenses des Caf, voire des centres communaux d'action sociale. Tout le monde était tétanisé par le rapport de l'IGF, qui ne fait pourtant que montrer ce qu'affirmait M. Jean-Paul Alduy : la question de la performance a trop été laissée de côté, et cela était déjà le cas avant la fusion. On s'est focalisé sur les process , mais le nombre d'indicateurs imposés à Pôle emploi relève de la pure folie, cinq indicateurs principaux déclinés chacun en dix indicateurs secondaires. Quel temps perdu à les remplir ! Il faut libérer le temps des agents.

Les moyens sont plus importants qu'avant la fusion. La vraie question est la mesure de la performance, et je veux dire à M. Serge Dassault ce que j'ai répondu à l'Assemblée nationale cet après-midi, à savoir que le budget des missions locales cette année est rigoureusement le même que l'an dernier. C'est celui voté par les parlementaires, à quoi s'ajoutent 3 millions d'euros débloqués pour des actions particulières par le ministère du travail, ainsi que 30 millions de contribution décidée par les partenaires sociaux. Nous avons pris le temps de regarder comment améliorer le taux d'insertion des jeunes par les missions locales, qui varie entre 18 % et 62 %. Il est forcément moins bon dans un territoire qui compte trois zones urbaines sensibles, mais à 18 %, l'on peut progresser un peu. Derrière la logique de la performance, il y a des jeunes qui trouvent un emploi. Les missions locales ont un meilleur retour sur investissement que d'autres opérateurs - souvenez-vous du débat entre contrats d'autonomie et contrats aidés avec accompagnement par les missions locales, dont nous voulons conforter le rôle.

Mme Christiane Demontès m'a interrogé sur les deux métiers de Pôle emploi : l'objectif était de rendre 20 % des agents polyvalents, ce qui ne me paraît pas incongru. En revanche, il n'a jamais été question d'aller à 100 %.

J'en viens aux radiations : je l'ai dit aux administrateurs de Pôle emploi, ce n'est pas grâce aux radiations que nous ferons baisser les chiffres du chômage. Cela dit, il y a des règles à respecter : lorsque tel n'est pas le cas, le demandeur d'emploi est radié, et s'il respecte ensuite les règles, il est réintégré. D'ailleurs, il n'y a pas d'évolution notoire des chiffres des radiations. S'il en allait autrement, faites confiance aux agents de Pôle emploi et aux partenaires sociaux pour le faire savoir.

Vous m'avez également interrogé sur les risques psychosociaux : un plan d'action a été élaboré, mais les syndicats n'ont pas voulu le signer. Des niveaux d'alerte ont été définis et une ligne d'écoute est en place pour prendre en compte les problèmes de détresse.

Mme Annie David . - Une ligne d'écoute, c'est bien, mais il faudrait faire plus !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Que faites-vous du plan d'action ?

Mme Annie David . - Il n'a pas été signé par les syndicats !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Il a quand même été mis en oeuvre : je préfère un plan, même unilatéral, à une absence de plan. Les risques psychosociaux posent un problème de santé publique, mais sont aussi un sujet de société. Il faut que les entreprises comprennent qu'elles peuvent toutes être concernées.

Je n'ai jamais fait de visite traditionnelle à Pôle emploi : à chaque fois que je me suis rendu dans des agences, j'ai été voir les agents et je leur ai demandé si nous pouvions leur simplifier la vie. Plusieurs d'entre eux se plaignent de la durée des entretiens : trente minutes, c'est parfois trop court. Ils ne peuvent se permettre de déborder car ils ont un portefeuille de demandeurs d'emplois à gérer et d'autres rendez-vous les attendent. Je suis persuadé que certains demandeurs d'emploi n'ont pas besoin de rendez-vous réguliers, ce qui permettrait d'accorder plus de temps à ceux qui en ont vraiment besoin. En même temps, je pense qu'un entretien en face à face doit être de droit pour ceux qui le demandent.

J'en viens aux métiers en tension. Les agents perdent beaucoup de temps à trouver des formations pour ces métiers, d'autant que la plupart des offres de formations sont décidées au niveau régional et ne correspondent pas toujours aux besoins. Il faudrait donner un droit de tirage aux agences locales pour qu'elles ne dépendent pas des appels d'offres régionaux. En outre, ces agences n'ont pas de budget pour organiser des rencontres, notamment avec les employeurs ; elles doivent demander des crédits au niveau départemental ou même régional. Tout cela doit être simplifié.

Autre exemple de lourdeur administrative : quand il arrive à Pôle emploi, un demandeur d'emploi indique au conseiller dans quels secteurs d'activités il souhaite travailler. Or, le système informatique ne permet de cocher que deux cases. Si trois ou quatre secteurs l'intéressent, il ne sera avisé des offres d'emploi que dans deux secteurs. Ne croyez-vous pas qu'une réforme pratique s'impose ici, d'autant plus qu'elle serait facile à mettre en oeuvre ? De plus, il faudrait que le premier rendez-vous soit moins administratif qu'il ne l'est aujourd'hui et que la question de l'orientation soit abordée d'emblée.

La formation maintenant : à Rennes, le fonctionnement de la direction régionale de Pôle emploi a été décentralisé et chaque agence dispose d'un droit de tirage pour anticiper les demandes de formation. Je veux développer ce système sans attendre janvier 2012. J'ai obtenu l'autorisation du Président de la République et du Premier ministre de travailler en direct avec les sous-préfets, qui tiennent des réunions régulières pour inscrire Pôle emploi dans les territoires. Pour l'instant, l'organisation reste un peu institutionnelle et je souhaite qu'elle devienne plus opérationnelle.

M. le président Claude Jeannerot a dit que si la durée du chômage baissait d'un mois, 2,2 milliards seraient économisés. C'est vrai, mais un autre chiffre m'interpelle : aujourd'hui, le temps moyen pour satisfaire une offre d'emploi est de trente-trois jours. Si nous raccourcissions ce délai d'une journée, on compterait 10 000 chômeurs de moins.

Aujourd'hui, 250 000 offres d'emplois ne trouvent pas preneur alors que notre pays compte 2 680 000 chômeurs. C'est incompréhensible pour nos concitoyens ! En mars, Pôle emploi a publié une étude d'où il ressortait que 36,7 % des offres d'emplois étaient difficiles, longues et parfois impossibles à pourvoir. C'est sans doute dû à des problèmes de formation initiale, d'adaptation à l'emploi, mais parfois aussi de motivation.

Mme Annie David . - Et les salaires ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Et les conditions de travail ?

M. Xavier Bertrand, ministre . - Comme nous sommes en sortie de crise, j'ai bien l'intention de faire appliquer la loi qui impose aux demandeurs d'emploi d'accepter un poste après deux offres raisonnables d'emploi : l'absence de motivation ne doit pas être un frein à l'emploi.

Je veux que tous les mois, nous examinions de près trois à cinq métiers en tension afin d'y ramener les demandeurs d'emploi. Je crois à la méthode de recrutement par simulation qui permet de faire abstraction du manque de diplômes ou d'expérience professionnelle. Or, nombre de chefs d'entreprise ne connaissent pas encore cette méthode et s'y intéressent pour peu qu'on leur en parle - je viens encore de le constater dans les Ardennes.

J'ai la ferme intention de faire passer le chômage en-dessous de la barre des 9 %, et les chiffres d'aujourd'hui ne remettent pas en cause ma détermination. Quand un chef d'entreprise s'installe dans une région, il veut être sûr de pouvoir trouver une main d'oeuvre qualifiée qui réponde à ses attentes. Les politiques, qu'ils soient de gauche ou de droite, devront aller vers une société du plein emploi. La gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) et la gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC) devront rapidement se développer. Ainsi, la principale préoccupation de Total qui investit au Havre est de savoir si nous serons capables de former d'ici quelques années, des personnels en nombre suffisant pour satisfaire ses offres d'emplois.

Enfin, comme vous, j'estime que la politique du « zigzag » en matière de recours à la sous-traitance n'est pas de bonne méthode, car l'on perd en efficacité : Pôle emploi doit travailler en confiance avec tous ses partenaires.

Mme Nicole Bonnefoy . - Vous parlez de métiers en tension. Je veux vous parler de jeunes en tension : dans ma permanence, je vois tous les jours des familles qui me disent que leur fils, leur fille veulent se former en alternance mais que trouver un entreprise qui les accepte relève d'un véritable parcours du combattant. Il y a encore une heure, une mère me disait que son fils ne parvenait pas à trouver une formation en alternance.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Quelle formation en alternance ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Peu importe. En l'occurrence, il s'agissait d'un BTS.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Mais quel BTS ? Certes, il y a 158 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification mais combien de jeunes s'engagent dans des formations sans débouchés ?

Mme Nicole Bonnefoy . - Dans les métiers du bâtiment ?

M. Xavier Bertrand, ministre . - J'ai récemment visité en Savoie un centre de formation des apprentis (CFA) qui dispose de deux cents places vacantes : qu'attend Pôle emploi pour passer une convention avec le secteur du bâtiment et avec le CFA afin de former des demandeurs d'emploi pour ces métiers ? Je pense aussi à ce que j'ai fait dans un quartier difficile de ma ville, Saint-Quentin : j'ai réuni dans un centre social tous les services en charge de l'emploi et des agences d'intérim et nous avons réussi à procurer à quinze jeunes un emploi ou une formation qualifiante et quatorze autres sont en attente d'une réponse. Il faut faire du maillage au plus près du terrain.

Mme Nicole Bonnefoy . - C'est aussi ce que je fais.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Et ça marche !

Mme Nicole Bonnefoy . - Pas toujours...

M. Xavier Bertrand, ministre . - On a trop tendance à parler du chômage en fonction des statistiques. Mais c'est surtout une lutte de tous les jours pour mailler le territoire. Et puis, les jeunes sont-ils prêts à affronter le monde du travail ? Enfin, il faut avoir le courage de dire aux jeunes de ne pas s'engager dans certaines formations qui n'offrent pas de débouchés.

M. Serge Dassault . - De nombreux jeunes qui cherchent un emploi en apprentissage ne trouvent pas d'entreprise prête à les accueillir. En outre, les jeunes qui ne trouvent pas de travail ne sont pas comptabilisés parmi les demandeurs d'emploi alors qu'ils sont oisifs et qu'ils traînent dans les rues. Vous devriez intégrer ces jeunes dans les missions locales.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Contrairement à d'autres, mon budget n'a pas diminué par rapport à l'année dernière.

M. Serge Dassault . - Mais les conseils régionaux ne financent pas suffisamment les CFA, et les chambres de commerce font ce qu'elles peuvent. La formation professionnelle doit revenir dans les collèges : il faut un collège pour tout le monde, pas un collège unique.

M. Charles Revet . - Je crois beaucoup à la formation en alternance. Or les jeunes ont du mal à trouver des entreprises qui les accueillent. Ne faudrait-il pas revoir les conditions d'accueil de ces jeunes, d'autant qu'ils coûtent souvent plus cher à l'entreprise qu'ils ne lui rapportent, surtout la première année ? Il nous faut réfléchir au meilleur moyen d'augmenter le nombre des entreprises qui accueillent des apprentis.

M. Xavier Bertrand, ministre . - Pendant des années, la formation professionnelle a été le parent pauvre de l'éducation nationale.

Mmes Christiane Demontès et Annie David . - Cela a bien changé !

M. Xavier Bertrand, ministre . - Je me souviens encore de ce camarade de classe, quand j'étais collégien, qui allait être orienté vers un apprentissage en chaudronnerie et qui s'inquiétait de la réaction de ses parents. Je l'ai revu quelques années plus tard, et il avait bien réussi dans son activité professionnelle. Le regard porté sur ces formations, par les enfants, les parents et la société doit encore changer.

Par ailleurs, quand nous allégeons les charges, ce n'est pas pour faire des cadeaux aux entreprises mais pour compenser le temps passé à former les apprentis.

M. Claude Jeannerot , président . - Merci pour votre intervention, monsieur le ministre.

II. COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS

Compte rendu du premier déplacement en région parisienne
(mardi 12 avril 2011)

Composition de la délégation : MM. Claude Jeannerot, président, Jean-Paul Alduy, rapporteur, Mmes Christiane Demontès, Annie David, Nicole Bonnefoy, MM. Ronan Kerdraon et André Reichardt.

- Visite de l'agence de services spécialisés de Chessy (Seine-et-Marne)

1. Présentation d'une agence de services spécialisés (A2S)

M. Jean-François Virot, directeur, a d'abord présenté les missions et l'activité de l'A2S de Chessy. Une A2S reçoit les demandeurs d'emploi uniquement sur rendez-vous et fonctionne comme un prestataire interne dans ses relations avec les agences locales de Pôle emploi. Elle s'inscrit dans l'offre de services de Pôle emploi en proposant des dispositifs particuliers d'accompagnement renforcé, d'orientation et d'évaluation professionnelle. Chaque agence propose quatre dispositifs :

- la prestation d'orientation professionnelle spécialisée (POPS) ;

- Cap vers l'entreprise (CVE) ;

- la convention de reclassement personnalisé (CRP) ou le contrat de transition professionnelle (CTP) ;

- et la plate-forme de vocation, qui utilise la méthode de recrutement par simulation (MRS).

Il existe environ une A2S par département au niveau national. L'Ile-de-France en compte onze, dont l'agence de Chessy qui fonctionne en réseau avec les agences de Pôle emploi dans le nord de la Seine-et-Marne.

2. La méthode de recrutement par simulation

Mme Sofia Ikhelif, responsable de la plate-forme de vocation, a ensuite présenté la MRS et exposé les étapes menant de l'évaluation des besoins de recrutement des entreprises à l'embauche des demandeurs d'emplois.

Les principes de la MRS

Cette méthode a été conçue en 1995 pour répondre notamment aux besoins de recrutement de l'entreprise Heuliez, qui avait du mal à recruter des agents de montage, Pôle emploi ne disposant pas des profils adéquats dans ses fichiers.

Destinée à l'origine à l'insertion des jeunes de moins de vingt-six ans, elle est aujourd'hui utilisée pour favoriser l'embauche de demandeurs d'emploi, ou de salariés souhaitant changer d'emploi, quel que soit leur âge. Elle permet d'évaluer si les candidats à un poste de travail possèdent les habiletés requises pour l'occuper, en faisant abstraction de leur diplôme ou de leur expérience professionnelle antérieure. Les habiletés sont repérées en faisant effectuer aux candidats des exercices élaborés à la suite d'une analyse approfondie des postes de travail. Ces exercices tendent à reproduire des conditions de travail proches de celles qu'ils connaîtront s'ils sont recrutés. La MRS, non discriminatoire par nature, favorise l'égalité des chances sur le marché du travail et a été labellisée, à ce titre, par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde).

L'élaboration des exercices

Les exercices sont conçus par Pôle emploi au niveau national. Compte tenu de leurs coûts de développement, ils ne sont élaborés que si une entreprise envisage des recrutements en nombre suffisant (au moins une vingtaine d'embauches). Dans le contexte de crise actuel, Pôle emploi a cependant accepté de développer des exercices en mutualisant les besoins de recrutement exprimés par plusieurs petites entreprises.

Pour élaborer les exercices, un agent de Pôle emploi se rend dans l'entreprise pour procéder à une analyse fine du poste de travail, nécessaire pour déterminer les habiletés requises pour l'occuper. Cette analyse est effectuée en interrogeant les salariés en poste, leur supérieur hiérarchique direct, ainsi que le service des ressources humaines, et en étudiant l'environnement de travail et les interactions avec les autres salariés.

Une fois élaborés, les exercices sont soumis à un « étalonnage », c'est-à-dire qu'ils sont testés auprès des salariés en poste. Cette étape permet de s'assurer de leur pertinence et de fixer le barème d'évaluation qui sera utilisé dans le cadre de la MRS.

Actuellement, Pôle emploi a développé la MRS pour quatre-vingts métiers. Il s'agit essentiellement de métiers opérationnels, mais aussi de postes d'encadrement, assistant-manager en restauration et chef de rayon par exemple. Les secteurs d'activité dans lesquels la MRS est la plus utilisée sont les transports et la logistique, le commerce, l'hôtellerie-restauration, les services à la personne, le bâtiment et les travaux publics et l'industrie.

Tous les métiers ne se prêtent pas à l'utilisation de la MRS : cette méthode n'est adaptée que pour les postes de travail qui présentent un niveau de « technicité » inférieur à 50 % et pour lesquels la motivation et les habiletés du candidat sont donc les éléments déterminants à prendre en compte. Les candidats doivent avoir un niveau minimal de maîtrise de la langue française, sans quoi ils ne peuvent comprendre les consignes.

Le déroulement de la MRS

La MRS n'est mise en oeuvre que si l'entreprise qui souhaite recruter propose des postes en CDI ou en CDD d'au moins six mois, à temps plein ou à temps partiel à hauteur d'au moins vingt heures par semaine. La procédure commence par l'organisation d'une séance d'information collective au cours de laquelle la MRS est présentée aux candidats intéressés par ces offres d'emploi.

Ceux qui l'acceptent effectuent ensuite les exercices prévus dans le cadre de la MRS, ce qui permet de détecter s'ils possèdent les habiletés requises pour le poste. Les candidats ainsi sélectionnés sont ensuite orientés vers un atelier de préparation à l'entretien d'embauche. L'employeur reçoit les candidats sélectionnés pour un unique entretien d'embauche : compte tenu des étapes qu'ils ont déjà franchies, il ne serait pas justifié que l'entreprise impose à ces candidats un processus de recrutement plus complexe.

Une fois les recrutements effectués, la plate-forme de vocation procède à un premier bilan avec l'entreprise. Elle l'interroge notamment pour savoir pourquoi elle n'a pas retenu certains candidats, afin d'en tirer des enseignements utiles pour la suite de leur recherche d'emploi. Les candidats qui n'ont pas été embauchés conservent pendant encore six mois le bénéfice de leur sélection, ce qui leur permet de postuler à de nouvelles offres d'emploi pendant cette période sans avoir à refaire les exercices. Ceux qui ont été recrutés bénéficient obligatoirement d'un tutorat ou d'un complément de formation. Un nouveau bilan est effectué à la fin de leur période d'essai afin d'apprécier comment se déroule leur intégration dans l'entreprise.

La MRS, totalement gratuite pour l'employeur, permet de réduire le turn-over du personnel, grâce à l'attention portée à l'accueil du salarié dans l'entreprise et à la présélection rigoureuse des candidats. A chaque étape du processus, le nombre de candidats diminue environ de moitié, de sorte qu'il est nécessaire que deux cents personnes environ assistent à la première réunion d'information pour qu'une vingtaine d'embauches soient effectuées.

Données statistiques

En 2008, la MRS a été utilisée pour évaluer les habiletés d'environ 150 000 candidats au niveau national ; en 2009, avec la crise, ce chiffre a été ramené aux alentours de 139 000.

En 2010, dans la seule région Ile-de-France, la MRS a été utilisée pour évaluer les habiletés de 13 638 personnes, dont 6 664 jeunes de moins de vingt-six ans. 8 195 personnes ont passé les tests avec succès et 3 845 ont trouvé un emploi. Au total, 46,9 % des personnes ayant réussi les tests ont donc été recrutées (ce taux atteint 49,7 % pour les jeunes de moins de vingt-six ans).

En ce qui concerne l'A2S de Chessy, elle a procédé, en 2010, à 314 placements au moyen de la MRS (dont 173 jeunes) pour 1 300 candidats inscrits, 989 candidats évalués et 721 candidats ayant réussi les tests.

3. L'atelier de recrutement par simulation : le cas concret de La Poste

Sous la conduite de Mme Juliana Sardinero-Buhot, conseillère référente, les membres de la délégation ont participé à un atelier de détection des habiletés requises pour l'embauche des facteurs employés par La Poste. Les exercices tendent à recréer l'ambiance de travail, y compris sur le plan sonore, d'un centre de tri postal.

- Déjeuner de travail au siège de la direction régionale de Pôle emploi Ile-de-France

A l'issue de la visite de l'A2S, la délégation de la mission s'est rendue à Noisy-le-Grand pour participer à un déjeuner de travail au siège de la direction régionale de Pôle emploi Ile-de-France.

Participaient à ce déjeuner de travail : M. Raymond Lagré, directeur régional, Mme Sabine Franty, directrice régionale adjointe, MM. Bruno Poirier, directeur régional délégué Sud-Est francilien, Christophe Carol, directeur régional délégué Paris, Bernard Chambre, directeur régional délégué Est francilien, Alain Maumy, directeur régional délégué Ouest francilien, Alain Baleston, directeur du cabinet du directeur régional de Pôle emploi Ile-de-France, Alain Cazeuneuve, directeur du cabinet du directeur général de Pôle emploi, Mmes Corinne Tevar, conseiller à la direction générale, et Sandrine Jounet, du département presse et relations institutionnelles de Pôle emploi.

M. Raymond Lagré, directeur régional de Pôle emploi Ile-de-France, a présenté l'organisation territoriale de Pôle emploi dans la région. Il a indiqué que la direction régionale a pour fonction de mutualiser certaines fonctions support (ressources humaines, communication...) et qu'elle est secondée par quatre directions régionales déléguées, compétentes chacune pour une partie du territoire régional, qui pilotent les directions territoriales compétentes dans le ressort d'un département.

La direction régionale emploie environ cinq cents personnes, au lieu de 857 avant la fusion de l'ANPE et des Assedic. Si la fusion est globalement réalisée, il demeure des projets à réaliser dans le domaine immobilier et informatique (les deux systèmes d'information pour la gestion des ressources humaines ne sont par exemple pas encore compatibles).

Sur le plan social, le directeur régional a fait observer que certains syndicats contestent toujours le principe même de la fusion, notamment le SNU, Sud et la CGT. Les syndicats ont multiplié les recours contentieux, ce qui a retardé la constitution des sites mixtes.

- Visite de la plate-forme téléphonique régionale

Mme Maryse Quoniam, directrice, accompagnée de Mme Marie-Alexia Veyer, directrice adjointe, MM. Wilfrid Goyat, directeur adjoint et Yannick Peron, responsable de la supervision, a présenté le fonctionnement du 39 49 et celui de la plate-forme téléphonique régionale, dont les locaux jouxtent ceux de la direction régionale de Pôle emploi Ile-de-France.

Le 39 49

Le demandeur d'emploi qui compose le 39 49 entre d'abord en relation avec un système de reconnaissance vocale qui lui permet de choisir le service dont il a besoin. En cas d'échec de la reconnaissance vocale, l'appelant a la possibilité de sélectionner le service souhaité par le biais de son clavier téléphonique.

Sept files, correspondant à différents types de services, lui sont proposées :

- deux sont automatisées : elles permettent d'obtenir des informations sur les tarifs en vigueur et surtout d'actualiser le dossier du demandeur d'emploi ;

- une file Inscription/Réinscription : un agent enregistre l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ;

- une file Conseil, relative aux règles du régime d'assurance chômage (RAC) : un agent donne des informations au demandeur d'emploi sur ses droits à indemnisation ;

- trois files Prestations de service téléphonique (PST) : elles permettent au demandeur d'emploi d'obtenir des conseils sur sa recherche d'emploi, de demander un rendez-vous, d'obtenir des renseignements sur la marche à suivre après une radiation, etc.

L'appel est facturé 11 centimes d'euro lorsqu'un agent décroche et est gratuit lorsqu'il est traité par un automate. Le temps d'attente est également gratuit.

Il est prévu, à partir de 2012, de rationaliser cette offre de services en créant quatre files : deux automatisées et deux dédiées au conseil.

La plate-forme téléphonique régionale

Ouverte en août 2009 avec un effectif de cent cinq conseillers et quatre responsables d'équipe, la plate-forme emploie actuellement environ 230 personnes et devrait compter, à terme, 320 salariés. Elle a été créée pour décharger les agences des tâches d'inscription afin qu'elles puissent mieux se concentrer sur l'accueil et le placement des demandeurs d'emploi.

La plate-forme assure la prise en charge des appels des demandeurs d'emploi sur :

- la file Inscription/Réinscription, qui concentre entre 40 % et 60 % des appels selon les périodes ;

- la file Conseil du RAC.

En outre, en avril 2011, la plate-forme a débuté une expérimentation sur les files PST pour les annulations ou modifications de rendez-vous et les radiations.

Les appels qui concernent la file Inscription/Réinscription sont toujours traités par un agent de la plate-forme téléphonique. Ceux qui arrivent sur la file Conseil peuvent, en revanche, être traités par un conseiller en agence. Il existe par ailleurs deux plates-formes de débordement nationales, à Caen et à Vitré, pour traiter les éventuels appels en surnombre sur la file Inscription/Réinscription.

Chaque agent traite, en moyenne, entre cinquante et soixante appels par jour lorsqu'il est affecté sur la file Conseil, autour de soixante-dix lorsqu'il est affecté sur la file Inscription/Réinscription. Les agents affectés sur cette dernière file doivent respecter un script.

Les conseillers qui arrivent sur la plate-forme bénéficient de cinq jours de formation puis de cinq jours de tutorat avec un collègue plus expérimenté. Ils reçoivent une formation complémentaire avant d'être affectés sur la file Conseil. Un important effort de formation a été mené dans ce domaine, afin que les conseillers puissent répondre aux questions des demandeurs d'emploi relatives à l'indemnisation : alors que quarante-six agents seulement intervenaient sur la file Conseil en juin 2010, ce nombre est à présent de l'ordre de 180. La direction souhaite que les agents soient polyvalents afin de mieux gérer la saisonnalité des appels, dont le nombre et la nature varient au cours du mois. En Ile-de-France, beaucoup d'appels sur la file Conseil portent sur les règles d'indemnisation propres aux intermittents du spectacle.

Le taux de décroché était assez médiocre en 2009, puisqu'il atteignait seulement 67 %. Il était de l'ordre de 80 % en 2010 et proche de 85 % au premier trimestre de 2011, ce qui permet, selon Pôle emploi, de satisfaire la totalité de la demande.

A l'issue de la présentation, les membres de la délégation ont visité les locaux de la plate-forme téléphonique, observé le fonctionnement de la console informatique de supervision des appels et ont écouté des échanges téléphoniques entre les demandeurs d'emploi et les conseillers.

Compte rendu du deuxième déplacement en région parisienne
(mardi 26 avril 2011)

Composition de la délégation : MM. Claude Jeannerot, président, Jean-Paul Alduy, rapporteur, Mmes Jacqueline Alquier, Christiane Demontès, et M. Alain Gournac.

- Visite de l'agence Pôle emploi de Trappes

Mme Anne-Marie Barbot, directrice territoriale déléguée de Pôle emploi, et M. José Rodriguez, directeur, ont accueilli la délégation à l'agence de Trappes, dont les locaux sont accessibles en quinze minutes à pied depuis la gare. L'agence est située à une cinquantaine de mètres d'une cité des métiers, où les demandeurs d'emploi peuvent recueillir des informations complémentaires de celles fournies par Pôle emploi.

1. Visite de l'agence

La délégation a d'abord visité l'agence tout en obtenant des informations sur son organisation et son fonctionnement.

Dans les espaces d'accueil, les demandeurs d'emploi ont accès à des postes informatiques et téléphoniques, ainsi qu'à des photocopieuses en libre-service. L'agence fait appel à un prestataire de services extérieur qui délègue un salarié chargé de former les demandeurs d'emploi au maniement des outils informatiques mis à leur disposition. Les demandeurs d'emploi peuvent s'inscrire ou actualiser leur dossier grâce à une borne internet ; à défaut, ils sont invités à appeler le 39 49 pour entrer en relation avec la plate-forme téléphonique de Pôle emploi.

Lorsque la file d'attente s'allonge, un « manager accueil » peut alerter des agents de Pôle emploi occupés à d'autres tâches afin qu'ils puissent venir renforcer les équipes d'accueil. Le temps d'attente ne dépasse pas en général un quart d'heure. Les demandeurs d'emploi qui viennent à l'agence sans rendez-vous ont, le plus souvent, des questions relatives à leur indemnisation.

En moyenne, une centaine de demandeurs d'emploi sont présents dans les locaux de l'agence, qui emploie quarante-neuf personnes. En moyenne chaque conseiller gère un portefeuille de 99 demandeurs d'emploi. Au total, plus de 4 200 demandeurs d'emploi sont suivis et environ 1 700 entretiens ont lieu, chaque mois, dans le cadre du suivi mensuel personnalisé (SMP). Le délai moyen de traitement des dossiers d'indemnisation est de six jours, contre une dizaine de jours au niveau national, avec un taux d'erreur évalué à 5 %.

L'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) va bientôt être mis en oeuvre dans l'agence. L'EID se substituera aux deux entretiens jusqu'ici pratiqués lorsqu'un demandeur d'emploi s'inscrit à Pôle emploi : entretien consacré à l'indemnisation puis entretien d'élaboration du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE). Les conseillers chargés de l'EID seront, dans un premier temps, accompagnés par un tuteur.

Le cas particulier des demandeurs d'emploi sans domicile fixe a été évoqué : l'agence accepte de les domicilier à l'adresse d'un centre communal d'action sociale (CCAS), ce qui permet de leur faire parvenir du courrier, bien que cette possibilité ne soit pas prévue par les textes. Un certain pragmatisme est ici nécessaire pour accompagner ces personnes en situation de grande précarité.

La directrice territoriale déléguée de Pôle emploi a indiqué qu'elle supervisait sept directeurs d'agence et précisé que les équipes de direction ont été constituées en associant systématiquement des agents issus de l'indemnisation et du placement. Elle a indiqué qu'un conseiller chargé de l'indemnisation « valide » en moyenne 15 000 euros d'allocations chômage par jour, ce qui impose de faire preuve de rigueur dans la gestion des dossiers.

Le directeur de l'agence a admis que les agents manquent de temps pour monter des projets, constituer des groupes de travail ou développer leurs compétences. Pour réaliser des gains de productivité, il veille à ce que les agents soient occupés lorsqu'un demandeur d'emploi est absent à un rendez-vous. De nouvelles tâches peuvent être confiées aux agents en fonction des flux constatés dans l'agence. L'entretien de suivi mensuel peut également être remplacé par un entretien téléphonique réalisé le vendredi, jour où l'agence est fermée au public. La relation avec les entreprises a pu servir de variable d'ajustement pour faire face à l'afflux des demandeurs d'emploi mais ceci est de moins en moins le cas, les plages horaires réservées à la relation avec les entreprises étant davantage préservées.

Le directeur est secondé par des responsables d'équipes, qui organisent une réunion par mois avec leurs collaborateurs pour faire le bilan des résultats obtenus et être à l'écoute des problèmes rencontrés par les agents.

2. Présentation de l'organisation de l'accueil dans les agences de Pôle emploi

Mme Anne-Marie Barbot a présenté aux membres de la délégation les objectifs et les modalités de l'accueil des demandeurs d'emploi.

L'organisation de l'accueil dans une agence de Pôle emploi

Elle a été pensée de façon à garantir la satisfaction des visiteurs, rendre les clients autonomes dans l'utilisation des outils mis à leur disposition en salle d'accueil (documentation, services à distance ...) et apporter une réponse appropriée afin de limiter les visites répétées.

L'équipe chargée de l'accueil est composée au minimum d'un collaborateur maîtrisant l'indemnisation et d'un collaborateur maîtrisant le placement. Un conseiller à l'accueil a pour mission d'apporter un service immédiat et personnalisé, d'accompagner les clients dans l'utilisation des outils mis à leur disposition (bornes Internet, documentation, 39 49) et de s'engager sur un délai de réponse en cas de situation complexe qui ne peut pas être traitée immédiatement.

L'espace accueil est divisé en trois zones qui correspondent à des niveaux de réception différents :

- la première, à l'entrée de l'agence, a pour fonction l'« accueil coordination ». Le conseiller est tout d'abord chargé d'accueillir le client et d'identifier l'objet de sa visite. Il apporte ensuite au client un premier niveau de réponse lorsque la demande ne nécessite pas l'accès à son dossier. Enfin, il oriente le client vers d'autres espaces : la zone de libre accès, la zone d'attente en cas de rendez-vous avec un conseiller ou l'accueil « relation client » si la demande nécessite une réponse plus approfondie. Selon l'organisation de l'agence, il peut également animer la zone de libre accès ;

- la deuxième zone est celle de l'« accueil relation client ». Les agents qui y sont affectés reçoivent les demandeurs d'emploi qui se présentent spontanément à l'agence et dont la situation nécessite un accès à leur dossier personnel. Le conseiller de cette zone traite les remboursements des trop-perçus ainsi que les demandes nécessitant une modification des éléments du dossier ou une analyse approfondie de ce dernier. Il peut animer la zone de libre accès ;

- la zone de « libre accès » met à la disposition des clients plusieurs outils : des postes informatiques avec, notamment, l'accès aux offres d'emploi publiées sur le site internet de Pôle emploi, des postes téléphoniques permettant d'appeler le 39 49, de la documentation sur les métiers, les formations et le marché de l'emploi ainsi que des photocopieurs. Le conseiller qui anime cette zone a pour mission d'accompagner les clients dans l'utilisation des outils mis à leur disposition, de favoriser leur autonomie et de vérifier ponctuellement l'avancée des clients dans leur utilisation des outils.

Lorsque la demande du client ne peut être traitée immédiatement, le conseiller peut réagir de quatre façons différentes : en s'engageant sur un délai de réponse, en fixant un rendez-vous, en transmettant l'information vers le conseiller personnel pour qu'il prenne contact avec le demandeur d'emploi ou en rappelant au demandeur d'emploi la date de son prochain rendez-vous de suivi.

3. La présentation de l'enquête de satisfaction des demandeurs d'emploi à l'agence de Trappes

La directrice territoriale déléguée de Pôle emploi a indiqué que, de façon générale, le recours au sondage vise à mesurer la satisfaction des demandeurs d'emploi quant à la qualité des services rendus au sein de chaque agence. Trois principaux thèmes sont évalués : l'accueil, l'entretien d'inscription et l'entretien de suivi. En fonction des résultats de l'enquête, des actions correctives sont mises en place.

Puis elle a présenté les résultats de la dernière enquête, menée par un institut de sondage, qui s'est déroulée du 7 au 18 juin 2010 à l'agence de Trappes : 306 demandeurs d'emploi, sur un total de cinq cents personnes interrogées, y ont répondu.

Présentation des résultats de l'enquête de satisfaction locale
des demandeurs d'emploi à l'agence de Trappes

94 % des demandeurs d'emploi se déclarent satisfaits de l'accueil réservé dont 61 % s'estiment très satisfaits.

I. L'accueil dans l'agence

1) Les demandeurs d'emploi se déclarent très satisfaits de l'organisation de l'accueil de l'agence et du premier contact en ce qui concerne :

- l'accueil à l'arrivée dans l'agence : 95 %

- l'écoute du conseiller : 100 %

- la réponse apportée à la demande : 94 %

- la clarté et la précision des informations apportées : 97 %

- la disponibilité du conseiller : 92 %

- l'orientation vers le service approprié : 76 %

2) Les demandeurs d'emploi se déclarent satisfaits des services mis à disposition dans l'agence en ce qui concerne :

- la rapidité de l'accueil : 98 %

- l'amabilité du conseiller : 98 %

- la prise en compte de la demande : 96 %

- l'agencement des espaces : 96 %

- la documentation mis à disposition : 85 %

- les jours et horaires d'ouverture : 92 %

II. L'entretien d'inscription

Le premier contact des demandeurs d'emploi avec Pôle emploi est établi via :

- le téléphone : 39 %

- internet : 39 %

- le déplacement en agence : 22 %

1) Les demandeurs d'emploi sont satisfaits à 93 % des dates et des horaires proposés et du respect de l'heure du rendez-vous.

2) Les demandeurs d'emploi se déclarent satisfaits du déroulement de l'entretien concernant :

- la présentation des objectifs et de la durée de l'entretien : 72 %

- les explications données sur les droits, les devoirs et l'actualisation : 83,5 %

- la présentation des outils et services pour la recherche d'emploi : 75 %

3) Les demandeurs d'emploi jugent la clarté des informations communiquées lors de l'entretien et de la qualité d'écoute :

- satisfaisantes : 90 %

- dont très satisfaisantes : 62 %

Les demandeurs d'emploi déclarent à :

- 56 % que leur conseiller a effectué une recherche d'offres d'emploi en cours de l'entretien ;

- 72 % que leur conseiller a trouvé une ou plusieurs offres d'emploi.

86,5 % des demandeurs d'emploi ont convenu avec leur conseiller des prochaines actions à mener pour leur recherche d'emploi et repartent avec un exemplaire des conclusions qui précisent ces actions.

II. L'entretien de suivi

1) Les demandeurs d'emploi sont satisfaits à 79 % de l'organisation mise en place concernant le respect de l'heure du rendez-vous.

2) Les demandeurs d'emploi se déclarent satisfaits du déroulement de l'entretien en ce qui concerne :

- la personnalisation de l'entretien et présentation des objectifs : 90 %

- le contenu de l'entretien : 78 %

3) Les demandeurs d'emploi jugent la qualité d'écoute et le bilan des actions menées depuis le dernier entretien :

- satisfaisants : 94 %

- dont très satisfaisants : 57 %

Les demandeurs d'emploi déclarent à :

- 56 % que leur conseiller a effectué une recherche d'offres d'emploi au cours de l'entretien ;

- 72 % que leur conseiller a trouvé une ou plusieurs offres d'emploi.

78 % des demandeurs d'emploi sont satisfaits de pouvoir repartir avec un exemplaire des conclusions de l'entretien et une convocation pour un prochain rendez-vous.

19 087 entretiens ont été dispensés en 2010

1 158 ateliers « recherche d'emploi par internet » ont été mis en place en 2010

M. Claude Jeannerot, président, s'est interrogé sur l'échantillonnage de cette enquête et sur le taux de retour des réponses. M. Jean-Paul Alduy, rapporteur, a exprimé des réserves, d'une part, sur le principe même de ces sondages, en observant que le personnel de l'agence pouvait repérer les difficultés sans recourir à cet outil, d'autre part sur la méthodologie de l'enquête qui tend à éliminer un certain nombre de demandeurs d'emplois, à commencer par ceux qui ne maîtrisent pas suffisamment bien l'écrit pour pouvoir remplir les questionnaires qui leur sont distribués. Le rapporteur a estimé qu'en tout état de cause, ces enquêtes devaient être utilisées comme des outils de management et non de marketing.

M. José Rodriguez a constaté que plus de 90 % des demandeurs d'emploi se déclarent satisfaits de l'accueil qui leur est réservé à l'agence de Trappes ainsi que de la qualité de l'écoute des conseillers au cours des entretiens. Il a fait observer que le pourcentage de satisfaction le moins élevé (76 %) concerne « l'orientation vers le service approprié » : or, une fois qu'il a été adressé à un interlocuteur extérieur à Pôle emploi, la qualité du traitement du demandeur d'emploi dépend du service partenaire.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur, a alors estimé nécessaire de renforcer les partenariats en définissant leurs modalités précises au moyen de chartes d'accueil et de conventions.

Interrogé sur les relations entretenues avec le secteur de l'insertion par l'activité économique, le directeur a précisé que l'agence a passé des conventions avec cinq entreprises d'insertion ou associations intermédiaires sur Trappes. Une convention est également en cours de finalisation avec le plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie) qui suit des personnes très éloignées de l'emploi.

- Déjeuner de travail

Les membres de la délégation ont déjeuné en compagnie des salariés de l'agence, avec qui ils ont pu échanger sur leurs pratiques professionnelles et les difficultés rencontrées dans l'exercice de leur métier.

- Visite de l'agence de services spécialisés de Poissy

- Présentation du dispositif d'accompagnement renforcé mis en oeuvre pour les bénéficiaires de la convention de reclassement personnalisé (CRP) et du contrat de transition professionnelle (CTP).

Mme Brigitte Robin, directrice de l'agence, après avoir indiqué que deux agences spécialisées (A2S) sont implantées dans le département des Yvelines, a précisé que celle de Poissy, compétente pour le nord du département, met en oeuvre quatre dispositifs : la méthode de recrutement par simulation (MRS) ; « Cap vers l'entreprise », qui offre un suivi intensif d'une durée de six mois à des demandeurs d'emplois ; la convention de reclassement personnalisé (CRP) ; et le contrat de transition professionnelle (CTP).

Après avoir rappelé que ces deux derniers dispositifs, assez similaires, sont appelés à fusionner, la directrice de l'agence a laissé le soin aux conseillères qui animent les équipes d'accompagnement, Mmes Marie Wallis et Eliane Fontauzard, d'exposer aux membres de la délégation les modalités concrètes du service rendu aux personnes qui s'engagent dans le dispositif du CTP ou de la CRP.

Les publics éligibles à la CRP sont les salariés licenciés économiques ayant deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ; le CTP, créé à titre expérimental dans un certain nombre de bassins d'emplois, concerne également les licenciés économiques mais sans condition d'ancienneté. A compter du jour où l'employeur propose le bénéfice de l'une ou l'autre de ces conventions, le salarié dispose d'un délai de vingt et un jours pour accepter ou non d'y souscrire.

S'il a au moins deux ans d'ancienneté dans son entreprise, le titulaire de la CRP perçoit pendant douze mois une allocation égale à 80 % de son salaire brut antérieur, soit un montant presque équivalent à celui de son salaire net. S'il a moins de deux ans d'ancienneté, il perçoit une allocation de même montant que l'allocation de retour à l'emploi (ARE). Le titulaire du CTP perçoit pendant douze mois une allocation de transition professionnelle (ATP) égale à 80 % du salaire brut antérieur.

L'accompagnement est individualisé et renforcé : le titulaire du CTP ou de la CRP est suivi par un référent unique, qui gère un portefeuille de cinquante adhérents dans le cadre de la CRP et de seulement trente adhérents dans le cadre du CTP. A Poissy, le référent est un conseiller de l'A2S ou un salarié travaillant chez un opérateur privé de placement (OPP). L'adhérent à la CRP a droit à un entretien de pré-bilan dans les huit jours suivant la fin de son contrat de travail, tandis que l'adhérent au CTP a droit à un premier entretien dans les huit jours suivant la désignation de son référent. Le rythme des entretiens est ensuite bimensuel pour la CRP, hebdomadaire pour le CTP. Dans un délai de trente jours, l'adhérent à la CRP définit avec son référent un plan de reclassement et l'adhérent au CTP définit un plan concerté. Les titulaires de la CRP ou du CTP peuvent bénéficier d'aides au reclassement (VAE, aides à la création d'entreprise, à la formation, à la mobilité...).

Mmes Marie Wallis et Eliane Fontauzard ont ensuite présenté en détail l'offre de service commune aux deux dispositifs. Cette offre se décompose en trois séries d'ateliers dont les objectifs et les contenus sont décrits dans le tableau ci-dessous.

Objectifs

Contenu

Ateliers relatifs aux compétences et aux entretiens d'embauche

Stratégie d'attaque du marché du travail - Elaboration des outils de recherche d'emploi (durée : quatre jours)

Identifier ses propres compétences et qualités afin de pouvoir élaborer un CV. (une journée)

Faire échanger les participants sur leur expérience d'entretien d'embauche afin de susciter une dynamique de groupe et initier un nouveau réseau. (une journée)

Déverrouiller des situations de blocage en redynamisant les adhérents par une approche différente. (une journée)

Connaissance de soi - Connaissance de son marché - Travail sur le CV et simulation d'entretiens d'embauche.

Définition et échanges sur les termes « compétences », « savoir-faire » et « qualités » - Analyse d'offres d'emploi pour en dégager les compétences et qualités demandées par l'employeur - Construire ses arguments

Identifier les difficultés, les freins et les expériences positives - Savoir élaborer un argumentaire d'entretien d'embauche individuel.

Echanges autour des difficultés identifiées par les participants - Approche orientée solutions pour ouvrir de nouvelles possibilités - Construction d'un plan d'action individuel.

Ateliers concernant la formation

Faire émerger et/ou valoriser les compétences et le savoir-faire des participants dans l'éventualité d'une reconversion professionnelle. (durée : une demi-journée)

Acquérir une méthodologie pour définir et valider un projet professionnel - Construire un plan d'action individuel. (deux jours)

Mettre en évidence les différentes étapes de validation d'un projet de formation en rendant l'adhérent acteur de son projet. (une demi-journée)

Donner aux participants une piste de transfert de leur expérience par des jeux de rôle et des exercices oraux.

Définition des « compétences » et du «projet professionnel » - Identification de ses intérêts professionnels et des pistes de progrès qui en découlent - Mettre en place un plan d'action pour validation du projet professionnel.

Etat des lieux des représentations des adhérents sur la formation - Etapes incontournables du projet de formation - Confrontation à la réalité : ce que veulent les entreprises - Ma formation à envisager : mes ressources et mes contraintes - Le financement de la formation.

Ateliers centrés sur la création d'entreprise

Savoir si la personne est en capacité ou non de se lancer dans l'aventure de la création d'entreprise.

(durée : deux heures)

Présenter les étapes incontournables d'un projet de création ou de reprise d'entreprise - Informer sur la méthodologie des la création. (entre deux heures et demie et trois heures)

Faire travailler les participants sur leur projet de création d'entreprise en identifiant et en explorant les étapes incontournables à respecter. (trois heures et demie)

Présentation du statut d'auto-entrepreneur (une demi-journée)

Travail individuel sur sa propre idée ou son projet et sur l'adéquation qualité/compétences/projet, avec l'appui de l'animateur - Repérer ses points forts et points faibles en tant que créateur afin de permettre aux participants de décider de poursuivre ou d'arrêter les recherches.

Présentation des étapes de la création d'entreprise, des aides et du réseau existant.

Formalisation par écrit du projet jusqu'à l'amorce du business plan.

Bilan après 2 ans d'expérience de ce statut - Son régime et ses caractéristiques - Ses avantages et points d'alerte - Les chiffres, statistiques - Les aides (accompagnements) - Les prestations Pôle emploi - L'indemnisation chômage.

Le titulaire de la CRP qui reprend un emploi conserve une partie de son allocation s'il travaille mois de 110 heures dans le mois et perçoit moins de 70 % de son salaire journalier antérieur. S'il justifiait de deux ans d'ancienneté, il peut également percevoir une indemnité différentielle si la rémunération horaire au titre de l'emploi repris est inférieure d'au moins 15 % à la rémunération antérieure. L'incitation à la reprise d'emploi est encore plus forte dans le cadre du CTP. Si l'adhérent au CTP reprend un emploi en CDD de moins de six mois, il touche une allocation complémentaire différentielle si la rémunération qu'il perçoit est inférieure à l'ATP, dans la limite de 80 % de son salaire journalier antérieur. S'il reprend un emploi en CDD de plus de six mois ou en CDI, le CTP prend fin et le titulaire peut alors percevoir une prime égale à la moitié du montant de l'ATP restant à courir (dans la limite de 91 jours d'allocation). Une allocation différentielle est versée si la rémunération est inférieure d'au moins 15 % à la rémunération antérieure.

Des données chiffrées ont ensuite été présentées pour apprécier les résultats des deux dispositifs à l'agence de services spécialisés de Poissy :

- en 2010, 580 personnes ont adhéré à la CRP ; 31 % ont repris un emploi et 11 % ont suivi une formation. Le taux de retour à l'emploi atteignait 53 % en 2009 ;

- entre le 1 er septembre 2009 et la fin de l'année 2010, 716 personnes ont adhéré au CTP ; 40 % ont repris un emploi et 30 % ont suivi une formation.

M. Claude Jeannerot, président a constaté que malgré la similarité des deux dispositifs, la moitié des personnes ayant conclu une CRP se trouvaient sans solution à l'issue de leur contrat alors que les résultats de l'accompagnement semblaient meilleurs pour les adhérents à un CTP : il s'est interrogé sur les raisons de ce décalage.

Mmes Marie Wallis et Eliane Fontauzard ont fait observer que, dans un certain nombre de cas, les prétentions salariales d'adhérents peu diplômés mais ayant bénéficié de la promotion interne apparaissaient comme déconnectées de la réalité du marché du travail. Par ailleurs, l'impact du ralentissement conjoncturel se traduit globalement par des résultats en net retrait par rapport à 2009 et il convient de tenir compte du fait que les adhérents au CTP ou à la CRP proviennent de secteurs professionnels qui offrent des perspectives de reclassements différents.

En ce qui concerne la formation des adhérents, Mmes Brigitte Robin et Marie Wallis ont apporté plusieurs précisions : tout d'abord, Pôle emploi peut solliciter l'intervention des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) pour le financement des formations ; ensuite, la concertation avec les conseils régionaux, qui financent ces formations environ à hauteur de la moitié, demeure essentielle ; enfin, il convient de souligner que les formations proposées aux adhérents à un CTP ou à une CRP présentent la particularité de ne pas devoir nécessairement être achetées en ayant recours à une procédure de marché public, ce qui permet de les individualiser plus facilement.

- Les membres de la délégation ont ensuite observé le fonctionnement de deux ateliers de l'agence de Poissy, l'un consacré à la validation des acquis de l'expérience (VAE) et l'autre à la création d'entreprise.

L'agence accueille un « Point Relais Conseils » qui dépend du conseil régional. C'est dans ce cadre que les demandeurs d'emploi peuvent recevoir des informations sur les possibilités offertes par la validation des acquis de l'expérience (VAE) et être guidés dans leur parcours de validation.

MM. Claude Jeannerot, président, et Jean-Paul Alduy, rapporteur, ont regretté que le système de certification professionnelle demeure insuffisamment lisible pour les demandeurs d'emploi et que ces derniers redoutent la longueur excessive et la complexité des procédures. Pourtant, la validation des acquis de l'expérience constitue un vecteur essentiel de changement dans un pays qui a du mal à reconnaître la diversité des formes d'excellence. De plus, pour le demandeur d'emploi, la VAE présente l'avantage de stimuler l'envie d'apprendre et de progresser, et de bénéficier d'un meilleur positionnement sur le marché du travail.

Enfin, les membres de la délégation ont brièvement assisté au déroulement d'un atelier consacré à la création d'entreprise . Une conseillère a exposé selon quelles modalités un créateur d'entreprise peut conserver une partie de son indemnisation dans la phase de lancement de son entreprise.

Compte rendu du déplacement dans le Nord-Pas-de-Calais
(mardi 17 mai 2011)

Composition de la délégation : MM. Claude Jeannerot, président, Jean-Paul Alduy, rapporteur, Mmes Jacqueline Alquier, Nicole Bonnefoy, MM. Jean-Claude Danglot, Alain Gournac et Jean-Marie Vanlerenberghe.

- Visite de l'agence de services spécialisés de Villeneuve d'Ascq

Participants : M. Karim Khetib, directeur régional de Pôle Emploi Nord-Pas-de Calais ; Mme Sophie Boutin, responsable de service à la direction régionale ; Mme Agnès Menard, directrice territoriale déléguée de Pôle emploi ; M. Pascal Fournier, directeur d'agence ; Mme Annick Desplanques, directrice adjointe ; Mme Odile Decanter, responsable d'équipe de production, ainsi que les membres de l'équipe dédiée à l'accompagnement renforcé des jeunes : Mmes Valérie Carlier, Florence Duflos, Sylvie Herbaut, Christelle Sailliot et M. Jacques Lindor.

L'agence de services spécialisés (A2S) de Villeneuve-d'Ascq emploie cinquante-trois personnes réparties sur plusieurs sites. Elle couvre un territoire correspondant à l'agglomération de Lille et à sa périphérie, dans lequel se trouvent neuf agences locales plus une agence spécialisée pour les cadres et les intermittents du spectacle. L'A2S met en oeuvre un dispositif d'accompagnement renforcé des jeunes demandeurs d'emploi.

Présentation du dispositif d'accompagnement renforcé des jeunes (ARJ)

En préambule, M. Karim Khetib, directeur régional, a indiqué que le taux de chômage dans la région Nord-Pas-de-Calais est de 12,7 % de la population active, ce qui correspond à 320 000 demandeurs d'emploi. On sait que le chômage des jeunes est supérieur à la moyenne ; or, la population du Nord-Pas-de-Calais, avec une moyenne d'âge de 37,1 ans, est l'une des plus jeunes de France : ainsi, 19,8 % des demandeurs d'emploi du Nord-Pas-de-Calais ont moins de vingt-cinq ans contre 15,2 % pour la moyenne nationale.

La durée moyenne d'inscription au chômage est de neuf mois pour les jeunes, alors qu'elle est de douze mois pour la population générale, en raison de l'instabilité de leurs parcours, qui comprennent des périodes d'emploi, de chômage et de formation. Beaucoup de jeunes trouvent leur premier emploi dans l'intérim et ont, de ce fait, été très rapidement touchés par la crise.

La désindustrialisation a laissé des traces durables et influence les choix de carrière : il demeure aujourd'hui encore difficile d'orienter les jeunes demandeurs d'emploi vers les métiers de l'industrie.

En septembre 2009, alors que le taux de chômage des jeunes atteignait 36% dans la région, la direction régionale a envisagé la mise en place d'un dispositif d'accompagnement renforcé pour ce public. Elle pouvait s'appuyer sur l'expérience acquise dans le cadre du dispositif « Cap vers l'entreprise » (CVE) mis en place à l'ANPE en 2006 et sur celle du contrat de transition professionnelle (CTP) mis en oeuvre à Valenciennes.

Le dispositif d'accompagnement renforcé des jeunes (ARJ) a été mis au point par Pôle emploi Nord-Pas-de-Calais en 2010 et expérimenté en 2010-2011 pour combattre les difficultés d'insertion des jeunes de la région.

Le diagnostic précis de ces difficultés a été conduit en se basant sur des analyses générales et de terrain effectuées par les conseillers en charge du public jeune : des forums de discussion organisés sur onze territoires leur ont permis de rencontrer 340 jeunes. Du coté des jeunes demandeurs d'emploi, cette analyse a révélé une certaine méconnaissance du monde du travail et des moyens d'y accéder, un manque d'expérience professionnelle, une méconnaissance du monde de l'entreprise et de ses codes, la persistance de représentations négatives ou limitées du monde du travail, une inadéquation entre leur formation et les offres d'emploi, des cibles professionnelles trop restreintes et un manque de réalisme ou de clarté du projet professionnel. En ce qui concerne les entreprises, les freins qui ont pu être identifiés consistent en des représentations stéréotypées des jeunes ainsi qu'en une connaissance insuffisante des mesures d'insertion et de formation du public jeune. Pour leur part, les conseillers de Pôle emploi ont pu rencontrer des difficultés de coordination de l'ensemble des outils existants et ont parfois tendance à axer le travail d'accompagnement sur la recherche d'emploi en n'accordant pas toujours suffisamment d'importance à l'élaboration d'un projet professionnel par le jeune.

L'expérimentation d'accompagnement renforcé des jeunes vise les jeunes demandeurs d'emploi de longue durée (DELD) de moins de vingt-six ans ayant atteint un niveau d'études supérieur ou égal au baccalauréat, prêts à travailler dans un secteur différent de celui correspondant à leur orientation initiale, ces critères pouvant être assouplis en cas de besoin.

Deux types d'accompagnement ont été mis en place : un ARJ « Recherche d'emploi », pour les jeunes qui ont un projet professionnel clair et réaliste, et un ARJ « Projet » destiné à permettre aux jeunes de préciser leur projet professionnel. Un cahier des charges régional diffusé dans le réseau Pôle emploi depuis le milieu de l'année 2010 définit les principes et le contenu de l'ARJ ; ses grandes lignes sont résumées dans l'encadré suivant.

Résumé du cahier des charges
relatif à l'accompagnement renforcé des jeunes

- Le bénéficiaire de l'ARJ conserve le statut de demandeur d'emploi et dispose d'un référent tuteur.

- L'accompagnement est renforcé : chaque bénéficiaire fait l'objet d'un suivi hebdomadaire et non plus seulement mensuel, les modalités de suivi pouvant varier selon les actions, les bénéficiaires et les options retenues par le conseiller.

- Les premières phases de l'accompagnement sont consacrées à l'analyse des freins et des leviers à l'insertion dans l'emploi du bénéficiaire. Sont pris en compte les besoins du jeune de perfectionner sa connaissance du monde du travail, des métiers en tension et du fonctionnement d'une entreprise. Il est également familiarisé avec les techniques de recherche d'emploi et de rencontre avec les professionnels ainsi que de création ou de reprise d'entreprise. S'agissant de l'ARJ « Projet », la première étape est consacrée à la clarification ou à l'élaboration du projet professionnel. Les phases ultérieures sont axées sur la recherche d'un emploi durable.

- L'ARJ est personnalisé : son contenu et la durée des phases de l'accompagnement sont ajustés aux besoins de chaque bénéficiaire.

- Le jeune et le référent tuteur respectent leurs engagements respectifs définis dans un « contrat d'engagement ».

- L'accompagnement s'appuie sur l'analyse systématique des retours d'expériences relatifs aux actions réalisées par le jeune.

- Il s'arrête dès lors qu'une solution durable d'emploi est trouvée. L'ARJ « Recherche » est d'une durée de six mois renouvelable une fois. L'ARJ « Projet » peut durer un an, une prolongation de six mois étant envisageable.

Mme Agnès Menard, directrice territoriale déléguée de Pôle emploi, a poursuivi la présentation du dispositif en indiquant que l'ARJ mobilise aujourd'hui neuf agences de services spécialisés dans la région, soit au total cinquante-sept conseillers, avec la possibilité de faire appel aux équipes d'orientation spécialisées composées de cinquante-et-un psychologues du travail issus de l'Afpa. Les conseillers ont pu bénéficier chacun de deux modules de formation d'une durée totale de huit jours, l'un relatif aux spécificités de l'accompagnement des jeunes et l'autre portant sur l'élaboration du projet professionnel.

Un bilan provisoire fait apparaitre que, depuis le 1 er juin 2010, 9 747 demandeurs d'emploi ont été orientés vers l'ARJ ; 56 % d'entre eux ont accepté d'entrer dans le dispositif (soit 495 par mois en moyenne) et 3 072 étaient en cours d'accompagnement au 31 mars 2011.

Le public suivi est composé de 52 % de femmes et de 48 % d'hommes. Les cinq domaines de formation initiale des jeunes les plus représentés sont le commerce, le secrétariat, la gestion financière, l'électrotechnique et les sciences humaines. 88 % suivent un accompagnement « Recherche d'emploi » et 12 % un accompagnement « Projet ».

Au total, 37 533 entretiens et 31 678 mises en relation avec une offre d'emploi ont été réalisés. Les indicateurs de retour à l'emploi sont bien meilleurs pour les adhérents que pour les non adhérents. 83 % des adhérents ont bénéficié d'une mise en relation avec une offre d'emploi. Un adhérent sur deux a accédé à un emploi (alors que ce pourcentage atteint 8 % pour les non adhérents) et 13 % ont obtenu un contrat de plus de six mois (contre 5 % des non adhérents). Depuis le début de l'expérimentation, les jeunes ont accédé à 655 emplois pérennes (13 % des contrats), 1 915 CDD d'une durée de un à six mois (40 %) et 2 193 de moins d'un mois (46 %).

L'ARJ a permis aux équipes de conseillers d'innover et de développer leurs compétences pour répondre aux difficultés des jeunes - cet acquis étant susceptible de servir, à terme, à améliorer l'accompagnement d'autres publics - en créant de nouveaux ateliers, de nouvelles formes d'organisation et de nouvelles synergies. Les jeunes ont appris à se mobiliser, à mieux connaitre le monde du travail et ses codes ; ils ont amélioré leurs techniques de recherche d'emploi, par exemple en déclinant leurs diplômes en compétences pour les rendre plus lisibles par les employeurs, et travaillé sur leur projet professionnel tout en apprenant à s'affirmer.

Le dispositif a également été l'occasion de créer de nouvelles dynamiques entre Pôle emploi et les entreprises : des accords ont été conclus avec différentes branches professionnelles afin de mettre en oeuvre des parcours d'insertion de jeunes. Une coopération s'est mise en place avec le Forco, qui est l'organisme paritaire collecteur agréé des entreprises du commerce et de la distribution, et différentes entreprises adhérentes. Pôle emploi présente des jeunes ayant des compétences validées dans des métiers bien définis ainsi que les aptitudes et la motivation nécessaire pour y postuler.

Si les premiers résultats de l'expérimentation sont encourageants, puisque les jeunes adhérant au dispositif retrouvent une activité plus facilement que les autres, il est encore prématuré de tirer des conclusions définitives quant à son rapport coût-bénéfice. Mais l'ARJ ouvre d'intéressantes perspectives pour les publics, les entreprises et les conseillers de Pôle emploi, il est envisageable d'étendre un tel accompagnement à d'autres publics comme les bénéficiaires du RSA ou les seniors.

Présentation du parcours de jeunes bénéficiaires de l'ARJ

Les conseillers ont ensuite présenté le parcours de jeunes qui ont bénéficié de l'ARJ.

Mme Florence Duflos a d'abord présenté le cas d'un jeune homme de vingt-trois ans titulaire d'un BEP de mécanique au chômage depuis douze mois et titulaire du RSA, en précisant qu'elle avait diagnostiqué la nécessité de perfectionner sa formation technique, de l'aider à reprendre confiance en lui et d'améliorer ses capacités relationnelles. Il poursuit actuellement une formation de niveau bac plus deux mise en place dans un délai de trois mois et financée par l'Afpa. Il a pu bénéficier, grâce au partenariat avec la mission locale, d'un prêt de scooter ou de voiture pour ses déplacements.

Puis Mme Valérie Carlier a évoqué le parcours d'un jeune de vingt ans, titulaire d'un baccalauréat professionnel et inscrit depuis un an comme demandeur d'emploi. Les premières priorités ont consisté à l'aider à obtenir son permis de conduire et à trouver un employeur acceptant d'embaucher un débutant après qu'il a suivi une action de formation préalable au recrutement. La première expérience de ce jeune a toutefois mis en évidence qu'il lui fallait mieux s'adapter aux comportements spécifiques requis par la vie dans une petite entreprise qui laisse une certaine autonomie à ses salariés : animé d'une volonté de bien faire son travail, ce jeune a pris des risques en manipulant des outils dangereux et n'a pas respecté les consignes.

Les parlementaires ont ensuite dialogué individuellement avec des jeunes bénéficiaires du dispositif.

- Tables rondes thématiques

La délégation de la mission s'est rendue à Arras où elle a d'abord déjeuné avec les collaborateurs des trois agences de la ville : Rivage, Bonnettes et Bellevue.

Puis elle a participé à trois tables rondes thématiques, animées par M. Fabien Manouvrier, directeur territorial délégué de Pôle emploi, dans les locaux de l'agence d'Arras Rivage.

Première table ronde : « bâtir des réponses territorialisées aux besoins des entreprises »

Participants : M. Henry Carlier, directeur des ressources humaines d'Eiffage travaux publics (TP) ; M. Philippe Huarte, directeur des services fonctionnels, et Mme Laetitia Oddo, directrice des ressources humaines d'Orthos ; M. Patrick Katarczynszki, chef de l'entreprise « Patrick le traiteur » ; Mme Laurence Choquet, directrice d'Alliance emploi ; M. Fabrice Bailleul, directeur de la maison de l'emploi d'Arras ; Mme Catherine Savary, directrice d'Arras Emploi ; M. Didier Hochart, animateur territorial de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Pas-de-Calais (UT62 Direccte) ; M. Karim Khetib, directeur régional de Pôle emploi Nord-Pas-de-Calais ; M. Fabien Manouvrier, directeur territorial délégué ; M. Jean-Michel Duquesnoy, adjoint du directeur de l'agence Pôle emploi d'Arras Rivage ; Mme Hélève Wavelet, directrice de l'agence Pôle emploi d'Arras Bonnettes ; Mme Brigitte Desplanques, responsable d'équipe, M. Hedi Benrached, conseiller, et Mme Caroline Lupine, conseillère à Pôle emploi.

Tout d'abord, M. Hedi Benrached, conseiller à Pôle emploi, a présenté une nouvelle méthode d'aide au recrutement pour les petites entreprises. Après avoir cerné les besoins de l'employeur, le conseiller de Pôle emploi établit une grille de questions à poser aux candidats à un recrutement de manière à ce que l'embauche réponde à des critères objectifs. Cette méthode a été illustrée par un cas concret d'embauche d'un jeune en alternance par M. Patrick Katarczynszki, chef de l'entreprise « Patrick le traiteur ». L'employeur, qui avait l'intention de recruter un cuisinier, a dialogué avec un conseiller de Pôle emploi, ce qui lui a permis de préciser qu'il recherchait, plus largement, une personne capable de le seconder et ayant donc des capacités de gestion. Signalant qu'il nourrissait certaines inquiétudes relatives à l'embauche d'un jeune, M. Patrick Katarczynszki s'est félicité de la pertinence de cette démarche de Pôle emploi en indiquant qu'il envisageait à présent de recruter d'autres jeunes en alternance.

M. Fabrice Bailleul, directeur de la maison de l'emploi d'Arras, a indiqué que la structure qu'il dirige assume une rôle de coordination de projets et d'anticipation des mutations économiques dans un territoire qui couvre onze intercommunalités. Un contrat de territorialisation est en cours de finalisation avec Pôle emploi, l'Etat et les collectivités locales. Avec trois agences de Pôle emploi, une expérimentation a été lancée visant à mieux évaluer les besoins de recrutement des entreprises du secteur agro-alimentaire. A la demande des intercommunalités de Bapaume et Bertincourt, une action été engagée pour mieux connaître leur tissu d'entreprises artisanales, ce qui a conduit la maison de l'emploi à mettre en place une stratégie de prospection des entreprises de ce secteur afin d'anticiper leurs recrutements, de les sensibiliser aux problématiques de la transmission et de la reprise d'activité ainsi qu'à l'alternance.

M. Philippe Huarte, directeur des services fonctionnels, et Mme Laetitia Oddo, directrice des ressources humaines, du groupe Orthos, ont indiqué que leur entreprise, qui travaille principalement avec des bailleurs sociaux, s'efforce de recruter des agents de maintenance polyvalents ayant des compétences dans plusieurs domaines comme la plomberie et l'électricité. Les représentants du groupe Orthos ont salué la réactivité de Pôle emploi qui leur a permis de procéder à plus de cinquante embauches en trois ans pour des postes d'agents de maintenance ou de télé-conseillers.

Mme Laurence Choquet, directrice, a présenté l'Alliance Emploi : il s'agit d'un groupement d'employeurs, constitué sous forme d'association à but non lucratif, dont l'objet de mettre à la disposition des 320 entreprises qui y adhèrent du personnel à temps partagé. Le groupement emploie 750 salariés dans le Nord-Pas-de-Calais, dont 84 % en CDI. L'Alliance Emploi compte cinq établissements dans la région ; celui d'Arras a soixante-dix entreprises adhérentes, essentiellement dans le secteur de l'agro-alimentaire. Elle travaille en partenariat avec Pôle emploi, qui l'a aidé à réaliser 30 % de ses recrutement, notamment en utilisant la méthode de recrutement par simulation et en finançant des actions de formation préalables à l'embauche.

M. Henry Carlier, directeur des ressources humaines d'Eiffage TP, a indiqué que son groupe emploie 3 500 salariés dans la région et 70 000 dans toute la France. Il a conclu une convention avec Pôle emploi, qui porte sur le recrutement, la mise en oeuvre de la clause d'insertion, la formation et l'ouverture à tous les publics, notamment les titulaires du RSA. L'entreprise souhaite disposer d'un interlocuteur unique pour l'accompagner sur toute la durée d'un projet. Le chantier du stade de Lille représente un million d'heures de travail, dont 156 000 réservées à des actions d'insertion. Si la coopération avec Pôle emploi apporte des résultats, la logistique administrative est souvent lourde.

M. Karim Khatib a convenu que Pôle emploi avait besoin de simplifier ses circuits administratifs, qui doivent être transparents pour l'entreprise, et a précisé que les conventions passées avec les entreprises comportent toujours des objectifs soumis à évaluation.

Deuxième table ronde : « accompagner les besoins d'évolution des compétences sur un territoire et faciliter l'accès aux formations pour les demandeurs d'emploi »

Participants : Mmes Sylvie Bocquet, responsable du service d'animation territoriale à la direction de la formation, Aïcha Rahmouni, responsable du programme de formation et M. Jean-Pierre Beaumont, chargé de mission territorial, du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais ; Mme Maïté Joye, conseillère en accompagnement des publics à Cap emploi ; M. Didier Hochart, animateur de l'UT 62 Direccte ; M. Karim Khetib, directeur régional de Pôle emploi Nord-Pas-de-Calais ; M. Fabien Manouvrier, directeur territorial délégué ; Mme Cathy Sirop, directrice de l'agence Pôle emploi d'Arras Bellevue ; Mme Maryvonne Payeux, responsable d'équipe, et Mme Valérie Fleury, conseiller à la plate-forme de formation Littoral Grand Artois de Pôle emploi.

Une plate-forme de formation a été mise place dans le département au cours du premier semestre 2010. Cette initiative régionale, qui a vocation à être généralisée au niveau national, répond à plusieurs objectifs : optimiser les achats de formation sur la base des besoins exprimés sur le terrain, mettre à la disposition des conseillers des outils d'aide à la prescription, sécuriser les remboursements de frais aux demandeurs d'emploi ainsi que la rémunération des stagiaires et, enfin, consolider le partenariat avec le conseil régional.

Mme Maryvonne Payeux, responsable d'équipe à la plate-forme de formation, a précisé que la plate-forme donne accès non seulement aux formations achetées par Pôle emploi mais aussi à celles acquises par le conseil régional. La plate-forme emploie huit conseillers, quatre chargés d'une mission de conseil et quatre en charge de la gestion administrative. Un référent dans chaque agence est chargé d'évaluer les besoins de formation. Une des principales difficultés consiste à rassembler suffisamment de candidats pour alimenter les sessions de formation, sans quoi elles sont annulées. Au niveau régional, 77 % des places de formation achetées sont effectivement pourvues. Le délai moyen d'entrée en formation est de trois ou quatre mois.

Mme Sylvie Bocquet, responsable de la mission d'animation territoriale au conseil régional, a indiqué que le conseil régional achète environ soixante-dix mille places de formation par an, à comparer aux 6 800 places achetées par Pôle emploi (hors actions de formation préalables au recrutement et préparation opérationnelle à l'emploi). La plate-forme de formation a favorisé la complémentarité des achats de formation de Pôle emploi et du conseil régional, en s'appuyant sur les besoins exprimés par les chefs d'entreprise et les demandeurs d'emploi. Le contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle (CPRDFP) est en passe d'être finalisé.

M. Jean-Pierre Beaumont, chargé de mission territorial au conseil régional, a indiqué que les chargés de mission territoriaux assurent la liaison avec Pôle emploi, les missions locales et les autres acteurs du service public de l'emploi. Pour chaque bassin d'emploi, un conseiller de la plate-forme de formation de Pôle emploi a pour interlocuteur un chargé de mission du conseil régional.

Les représentants de Pôle emploi ont indiqué que Pôle emploi achète chaque année des formations récurrentes, complétées par des achats fondés sur une analyse des besoins des entreprises ; une part du budget finance des formations individuelles et le solde est consacré à des projets spécifiques. La procédure d'achat de formation par voie d'appel d'offres est source de rigidités. La mise en concurrence des opérateurs de formation se déroule selon des modalités fixées par un accord-cadre, valable trois ans, qui a permis de sélectionner vingt-huit attributaires. Lorsqu'un besoin ponctuel apparaît, il faut un mois et demi pour acheter une formation.

Le partenariat avec le conseil régional pourrait être encore amélioré, d'une part, par un meilleur partage des données statistiques, qui devraient aussi être mises à la disposition de la maison de l'emploi pour faciliter l'élaboration de ses diagnostics territoriaux, d'autre part, en sécurisant les parcours de formation tout au long de la vie.

Pour garantir la qualité des formations dispensées, les conseillers vérifient l'application du cahier des charges et procèdent à des contrôles inopinés sur place. Par ailleurs, les stagiaires eux même peuvent alerter Pôle emploi, par exemple lorsque les conditions d'accueil ne sont pas satisfaisantes.

Mme Maïté Joye, conseillère à Cap emploi, a souligné que la formation est un enjeu majeur pour les demandeurs d'emploi handicapés. L'Agefiph finance beaucoup de formations de courte durée. Lorsque le projet professionnel du demandeur d'emploi est validé, il peut bénéficier de formations certifiantes ou qualifiantes.

Enfin, s'agissant de la validation des acquis de l'expérience (VAE), M. Karim Khetib a précisé que l'on recense, à l'heure actuelle, seize points-relais implantés dans les agences de Pôle emploi, qui délivrent une information sur les parcours de VAE. A terme, leur nombre doit quadrupler de façon à ce que l'ensemble des implantations de Pôle emploi dans la région dispensent cette information. Pôle emploi aide ensuite le demandeur à constituer son dossier et finance un « Pass VAE » qui permet de prendre en charge une partie des frais.

Troisième table ronde : « construire des dispositifs d'accompagnement des publics rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle »

Participants : Mme Catherine Savary, directrice, et Florence Pressé, responsable des Parcours Plie, à Arras Emploi ; M. Denis Dembsky, chef de service à l'Association le coin familial ; Mme Béatrice Caron, responsable du service insertion du conseil général du Pas-de-Calais ; Mme Anne Marie Bury, directrice départementale, M. Frédéric Denoyelles, conseiller d'insertion et de probation, et Mme Laurence Marchandin, chef du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip), à la maison d'arrêt d'Arras ; M. Didier Hochart, animateur territorial de l'UT 62 Direccte ; M. Karim Khetib, directeur régional, Mmes Graziella Dubois et Marie-France Renard, conseillères référentes IAE, et M. Jean-Christophe Guillemetz, conseiller justice à Pôle emploi.

M. Didier Hochart, animateur de l'unité territoriale de la Direccte dans le Pas-de-Calais, a rappelé que l'Etat est le garant de la coordination des acteurs du service public de l'emploi local (SPEL). Aucun aspect des partenariats n'est négligé, depuis le développement économique jusqu'au travail d'insertion. La Direccte contribue à l'animation du SPEL sous l'autorité du sous-préfet. L'impulsion donnée par le sous-préfet est importante ; il est par exemple souvent difficile de mobiliser les organisations patronales et une invitation lancée par le sous-préfet a plus de poids qu'une invitation d'un fonctionnaire de la Direccte.

Mmes Catherine Savary, directrice, et Florence Pressé, responsable des Parcours Plie, ont indiqué que l'association Arras Emploi gère le plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie) du pays d'Artois, dont le rôle est d'accompagner jusqu'à l'emploi durable les publics fragiles en les faisant notamment participer à des chantiers de rénovation immobilière. Dans un souci de simplification, le Plie se rapproche de la maison de l'emploi. Arras Emploi travaille avec les structures d'insertion par l'activité économique (IAE) pour les aider dans leurs recrutements.

Mme Béatrice Caron, responsable du service insertion du conseil général du Pas-de-Calais, a indiqué que le département avait noué autrefois un partenariat avec l'ANPE pour le suivi des titulaires du RMI. Ce partenariat n'a pas été renouvelé avec Pôle emploi au moment où le RMI a été remplacé par le RSA, de sorte que les titulaires du RSA bénéficient aujourd'hui simplement de l'offre de services de droit commun de Pôle emploi. Un pacte territorial pour l'insertion se décline dans neuf territoires. Le département a par ailleurs passé des conventions avec les structures d'IAE pour la professionnalisation des personnes les plus éloignées de l'emploi.

M. Denis Dembsky, chef de service à l'Association le coin familial, a indiqué qu'il animait un atelier et chantier d'insertion (ACI) qui propose différentes activités : maraîchage, repassage, déménagement et maçonnerie. L'ACI embauche environ quatre-vingt-dix personnes chaque année, les bénéficiaires demeurant dans la structure en moyenne huit à neuf mois, avant de passer le relais au référent du conseil général ou du Plie. Trois fois par an, un comité de pilotage réunit l'association et ses partenaires.

M. Jean-Christophe Guillemetz, conseiller Pôle emploi-justice, a présenté l'expérimentation mise en place, depuis juillet 2010, avec les maisons d'arrêt de Bapaume et d'Arras. Une équipe de huit personnes se rend dans les maisons d'arrêt pour travailler à la réinsertion professionnelle des détenus. Depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, les détenus peuvent bénéficier d'un aménagement de peine sous le régime de la semi-liberté pour rechercher un emploi. Auparavant, seuls ceux qui avaient déjà retrouvé un emploi pouvaient prétendre à un aménagement de peine. Au cours des premiers mois de cette expérimentation, six personnes détenues ont accédé à un entretien d'embauche et une a été recrutée.

Compte rendu du déplacement à Dunkerque
(mercredi 1er juin 2011)

Composition de la délégation : M. Claude Jeannerot, président.

A l'invitation de M. Michel Delebarre, député-maire et président de la communauté urbaine, le président de la mission commune d'information s'est rendu à Dunkerque pour y étudier la politique mise en oeuvre en matière de coordination des acteurs du service public de l'emploi.

- Table ronde sur le thème : « une politique de lutte contre le chômage étroitement liée à la politique de développement du territoire »

Participants : M. Michel Delebarre, président de la communauté urbaine de Dunkerque ; M. Michel Tibier, directeur général, et M. Martial Blanckaert, directeur général adjoint d'Entreprendre Ensemble ; M. Jean-François Vereecke, directeur de l'observatoire de l'emploi ; M. Christophe Porthois, directeur des ressources humaines de Capdune ; M. Sylvain Ringot et Mme Sylvie Lebreux, représentants de Dunkerque LNG ; Mmes Agnès Menard, directrice territoriale, et Sylvie de Clercq, directrice territoriale déléguée de Pôle emploi ; Mme Murielle Leroy, directrice de l'agence Pôle emploi de Coudekerque ; M. Cyrille Rommelaere, adjoint au directeur de l'agence Pôle emploi de Grande-Synthe.

M. Michel Delebarre, président de la communauté urbaine de Dunkerque (CUD), a indiqué avoir développé, il y a déjà une vingtaine d'années, une maison de l'emploi (MDE) pour combattre le chômage qui touchait alors 20 % de la population active dans l'agglomération. La MDE regroupe de nombreux acteurs de l'emploi et de la formation, comme la mission locale, le plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie), l'école de la deuxième chance, la chambre de commerce, les services de l'Etat, etc. Elle est financée par la CUD, qui verse une subvention de 1,7 million d'euros par an, et par les communes qui versent 1 million supplémentaire. Le rassemblement de ces différents acteurs dans la MDE a produit des effets de synergie puissants

En décembre 2009, la CUD a lancé, avec le soutien de M. Martin Hirsh, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, le dispositif « 3XL - 10 000 solutions pour l'emploi ». Son objectif est de trouver dix mille solutions d'insertion ou d'emploi pour les jeunes et les adultes en difficulté.

Programmé sur trois ans, il s'organise autour de trois axes : l'accès à l'emploi direct là où des postes sont disponibles, la mobilisation de solutions de formation et d'insertion préalables à l'emploi et l'accompagnement des bénéficiaires pour contourner les obstacles à l'emploi liés, par exemple, au logement, au permis de conduire, ou à la garde d'enfants. Au bout de dix-huit mois, le dispositif 3XL a permis de trouver une solution pour 6 500 personnes, avec une reprise d'emploi dans 60 % des cas.

M. Michel Delebarre a conclu son intervention en soulignant que les collectivités territoriales peuvent être des acteurs à part entière du service public de l'emploi.

Mme Agnès Menard, directrice territoriale de Pôle emploi, a rappelé que la territorialisation de l'action de Pôle emploi est indispensable pour prendre en compte l'hétérogénéité des bassins d'emploi. Bien que Pôle emploi soit une institution centralisée avec une offre de services homogène sur le territoire national, il peut être coauteur de projets de territoires définis localement. Elle a ensuite insisté sur trois enjeux :

- la construction de réponses territorialisées aux besoins de recrutement des entreprises ; une plate-forme de vocations a été ouverte à Dunkerque, ce qui permet d'avoir recours à la méthode de recrutement par simulation ;

- l'accompagnement de l'évolution des besoins de compétences dans les territoires, ce qui suppose d'anticiper, de repérer les besoins et d'acheter des formations complémentaires de celles du conseil régional ;

- la construction de partenariats, notamment avec les missions locales et le réseau Cap emploi, pour accompagner les publics les plus fragiles ; un nouveau contrat urbain de cohésion sociale (Cucs) va être expérimenté sur la période 2011-2014.

M. Michel Tibier, directeur général d'Entreprendre Ensemble (EE), a indiqué que la MDE, la mission locale et le Plie allaient fusionner prochainement dans l'association Entreprendre Ensemble.

M. Jean-François Vereecke, directeur de l'observatoire de l'emploi, a indiqué que la MDE a mis en place, il y a trois ans, un observatoire partenarial de l'emploi, animé par une agence d'urbanisme et de développement. Puis il a présenté les chiffres clés de la situation économique sur le territoire dunkerquois et la méthode suivie par l'observatoire pour recueillir les données utiles à l'élaboration du plan d'action territorial en faveur de l'emploi. Le diagnostic du marché de l'emploi dunkerquois s'appuie, pour réorienter les politiques locales de l'emploi en fonction de la conjoncture, sur l'analyse des besoins de main-d'oeuvre, sur la définition de publics cibles (jeunes, femmes, personnes handicapées), et sur des axes stratégiques en matière de qualification, sans oublier les partenariats nécessaires avec les acteurs des bassins d'emplois limitrophes.

Le taux de chômage de l'agglomération de Dunkerque, qui s'élevait à 12 % à la fin de l'année 2010, est nettement supérieur à la moyenne nationale. Le différentiel s'est aggravé depuis 2008, la crise économique ayant durement touché Dunkerque en raison de son importante base industrielle. La proportion de chômeurs de longue durée et de plus de cinquante ans a également augmenté.

M. Jean-François Vereecke a ensuite présenté un schéma qui représente les relations entre les entreprises industrielles du Dunkerquois. Ce schéma permet d'analyser les réactions en chaîne qui peuvent résulter d'une modification dans le tissu industriel local.

M. Martial Blanckaert, directeur général adjoint d'Entreprendre Ensemble, a expliqué qu'Entreprendre Ensemble intervient en complément de Pôle emploi pour apporter un accompagnement renforcé aux publics les plus en difficulté. Entreprendre Ensemble dispose de seize antennes locales qui travaillent avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) pour toucher des personnes qui n'iraient pas spontanément à Pôle emploi. Ces antennes accueillent environ 12 000 personnes par an. Pôle emploi oriente les jeunes éloignés de l'emploi vers la mission locale, qui est en contact avec 7 000 jeunes, tandis que les adultes en difficultés sont orientés vers les conseillers du Plie, qui sont en contact avec 2 500 personnes.

M. Claude Jeannerot, président, a estimé que la distinction entre le suivi social et le suivi professionnel pour les titulaires du RSA n'est pas satisfaisante dans la mesure où ce public a besoin d'un accompagnement global. Mme Agnès Ménard a précisé que le conseil général du Nord distingue très nettement le suivi social du suivi professionnel.

Mme Sylvie de Clercq, directrice territoriale déléguée de Pôle emploi, a précisé que les conseillers de Pôle emploi, de la mission locale et du Plie se rencontrent régulièrement pour suivre les parcours des demandeurs d'emploi. Quand une entreprise a d'importants projets de recrutement, Pôle emploi travaille avec ses partenaires pour les satisfaire.

Mme Murielle Leroy, directrice de l'agence Pôle emploi de Coudekerque, a précisé que la prospection des offres d'emploi auprès des entreprises est réalisée en partenariat par Pôle emploi et Entreprendre Ensemble. Chaque conseiller « relations entreprises » au sein d'Entreprendre Ensemble a un correspondant à Pôle emploi, avec lequel il travaille en binôme pour éviter que les chefs d'entreprises aient de multiples interlocuteurs.

Puis deux exemples d'opérations de recrutement de grande ampleur menées par Pôle emploi et par Entreprendre Ensemble ont été présentés.

M. Christophe Porthois, directeur des ressources humaines de Capdune, a expliqué que sa société, fondée en 2009, a décidé d'implanter un centre d'appels à Dunkerque, ce qui a conduit à l'embauche de 480 salariés. L'entreprise a travaillé avec un binôme composé d'un conseiller de Pôle emploi et d'un conseiller d'Entreprendre Ensemble.

M. Cyrille Rommelaere, adjoint au directeur de l'agence de Pôle emploi de Grande-Synthe, a expliqué que ces embauches ont notamment été rendues possibles par le recours à la méthode de recrutement par simulation, qui a été utilisée pour évaluer les habiletés d'environ deux mille demandeurs d'emploi. En outre, 550 actions de formation préalable au recrutement (AFPR) ont été dispensées, pour un coût global de 320 000 euros. Le coût d'une AFPR est en moyenne de 600 euros par demandeur d'emploi, mais Pôle emploi estime qu'un euro dépensé au titre de l'AFPR fait économiser 6 euros sur l'indemnisation du chômage en considérant une hypothèse d'embauches en CDD d'une durée moyenne de neuf mois.

M. Christophe Porthois a ajouté que les salariés recrutés par sa société bénéficient encore d'un suivi après leur entrée dans l'entreprise, ce qui permet de résoudre les problèmes auxquels ils peuvent être confrontés et facilite leur intégration. L'entreprise opère dans un secteur qui connaît habituellement une forte rotation de sa main-d'oeuvre et cherche donc à la stabiliser.

M. Sylvain Ringot et Mme Sylvie Lebreux, représentants de Dunkerque LNG, une filiale d'EDF spécialisée dans le gaz naturel liquéfié, ont ensuite présenté le projet de construction d'un terminal méthanier à Dunkerque, dont la capacité annuelle d'accueil devrait être de 13 milliards de mètres cubes, ce qui correspond à environ 20 % de la consommation française. Le chantier du terminal débutera en 2012 pour une mise en service prévue en 2015. Il devrait mobiliser environ 1 850 personnes au plus fort des travaux. En phase d'exploitation, le terminal devrait créer environ 250 emplois directement liés à son exploitation ou relevant des professions portuaires.

Afin que les entreprises participant au chantier embauchent localement, un travail d'évaluation des besoins de compétences a été mené, de manière à pouvoir acheter les formations nécessaires, en concertation avec le conseil régional. M. Michel Tibier a fait observer que des clauses d'insertion ont été insérées dans les marchés passés dans le cadre de ce projet, ce qui est rare pour ce type d'opération. Une équipe composée de conseillers de Pôle emploi et de la MDE sera présente sur le chantier en permanence pour répondre rapidement aux besoins de recrutement.

- Visite du pôle formation à la maison du développement économique, de l'emploi et de la formation.

Participants : M. Christophe Manka, chargé de mission au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais ; Mme Avril Buniet, conseillère à Pôle emploi ; Mme Nadine Desoutter, conseillère en insertion à Entreprendre Ensemble.

Le pôle formation, créé en 2006, constitue une expérience originale de gestion commune et de mutualisation de l'offre de formation professionnelle dans un territoire. Il fonctionne grâce à une équipe d'une douzaine de salariés : trois sont employés par le conseil régional, cinq par Entreprendre Ensemble, deux par la MDE et deux par Pôle emploi.

M. Christophe Manka, chargé de mission au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, a résumé les quatre principales missions assignées à cette équipe :

- tout d'abord, elle coordonne les programmes de formation du conseil régional, de la Direccte, de l'Agefiph et de Pôle emploi, ce qui représente près d'un million d'heures de formation et plus de 4 500 stagiaires formés dans seize domaines professionnels ;

- ensuite, elle apporte un appui au développement de la formation des personnes en contrats d'insertion, en informant les employeurs et les conseillers sur l'offre de formation mobilisable et sur les mécanismes de financement existants ;

- elle anime également le comité technique territorial emploi-formation (COTTEF), qui réunit tous les acteurs de la formation professionnelle et dont l'objectif est, notamment, de coordonner les achats de formation ;

- enfin, l'espace Info-Formation accueille le public et est un vecteur d'animation territoriale sur les thèmes de l'emploi et de la formation.

Par ailleurs, les futurs stagiaires de la formation professionnelle trouvent au pôle formation une aide pour la constitution de leur dossier et l'appui d'un service « rémunération » qui les accompagne dans leurs démarches auprès des institutions.

Les intervenants ont ensuite présenté l'outil informatique, unique en région Nord-Pas-de-Calais, développé par le pôle formation : il permet d'accéder, en temps réel, à l'ensemble de l'offre de formation régionale, tous financeurs confondus, soit près de deux cents actions de formation, et de prescrire des stages de formation.

Compte rendu du déplacement à Tarbes
(mardi 7 juin 2011)

Composition de la délégation : MM. Claude Jeannerot, président, Jean-Paul Alduy, rapporteur, Mmes Jacqueline Alquier, Christiane Demontès, Annie Jarraud-Vergnolle et Jacqueline Panis.

- Visite de l'agence de services spécialisés de Tarbes

Mme Catherine Guilbaudeau, directrice territoriale de Pôle emploi, et M. Francis Lordon, adjoint de la directrice territoriale, ont accueilli la délégation à l'agence de services spécialisés (A2S).

1. Présentation générale de la direction territoriale ouest

La direction territoriale ouest emploie 213 agents, répartis dans sept agences de proximité (Tarbes Briand, Tarbes Pyrénées, Lourdes, Lannemezan, Condom, Auch et Lisle Jourdain) et une agence de services spécialisés, basée à Tarbes et Auch, qui comprend une équipe orientation spécialisée, une plate-forme de vocation pour la méthode de recrutement par simulation, une équipe CRP (convention de reclassement personnalisé), une équipe « Cap vers l'entreprise » (CVE) et une force de prospection.

La présence territoriale de Pôle emploi est renforcée par neuf visioguichets (dont quatre sont en service et cinq en cours d'installation). Dans le cadre d'un partenariat avec la région, Pôle emploi implante en Midi-Pyrénées des visioguichets dans des locaux mis à disposition par les communes. Pôle emploi partage l'usage de ces locaux avec d'autres services publics ce qui permet d'assurer leur présence en zone rurale et de limiter les déplacements des usagers. Si l'entretien d'inscription se fait toujours en agence, le suivi mensuel personnalisé peut en revanche être réalisé par visioconférence pour les demandeurs d'emploi situés dans les zones éloignées des agences de proximité de Pôle emploi.

Mme Catherine Guilbaudeau a ensuite donné des précisions sur l'activité des deux agences tarbaises qui recueillent, à elles seules, plus de 60 % des offres d'emploi enregistrées dans le département (avec un portefeuille de 1 105 entreprises clientes et une part de marché de 23 %, nettement supérieure à la moyenne nationale) et comptent 10 600 demandeurs d'emploi inscrits. L'agence Tarbes Briand comprend vingt-neuf conseillers et cinq managers répartis en trois équipes professionnelles mixtes (indemnisation et placement) et celle de Tarbes Pyrénées, vingt-sept conseillers et quatre managers, répartis en deux équipes professionnelles mixtes.

Il existe dans certains territoires des maisons communes emploi-formation (MCEF) qui regroupent tous les acteurs du service public de l'emploi (SPE) dans un lieu unique.

2. Présentation de l'agence de services spécialisés

Mme Catherine Cibe, directrice de l'A2S, a présenté les services proposés par l'agence :

- deux agents mettent en oeuvre la prestation « Cap vers l'entreprise » qui offre un accompagnement renforcé aux demandeurs d'emploi ayant une cible d'emploi clairement définie. Le taux de sortie vers un CDI, un CDD de plus de six mois ou une création d'entreprise est de 63 % en 2010 ;

- six agents sont chargés de l'accompagnement des titulaires de la CRP, qui s'adresse aux salariés licenciés pour motif économique. Fin décembre 2010, 515 personnes étaient suivies dans ce cadre, dont 56 % par des opérateurs privés de placement. Leur taux de reclassement 1 ( * ) en 2010 s'établit à 43 % ;

- sept agents composent l'équipe d'orientation spécialisée (EOS). Ils sont chargés de mettre en oeuvre la prestation d'orientation professionnelle spécialisée (Pops), qui vise à aider les demandeurs d'emploi à faire aboutir leur projet professionnel par le biais de la construction d'un projet de formation professionnelle. L'EOS organise aussi l'atelier expérimental « décider de se former » , qui aide les demandeurs d'emploi à prendre la décision d'élaborer ou de finaliser un projet de formation ou de s'orienter dans une autre direction. L'EOS Hautes-Pyrénées et Gers a réalisé, entre avril et décembre 2010, 1 150 Pops et deux ateliers ;

- cinq agents animent la force de prospection spécialisée chargée de visiter des entreprises pour promouvoir l'offre de services de Pôle emploi et gagner des parts de marché. Ils ont réalisé 1 848 visites en 2010 ;

- enfin, cinq agents travaillent sur la plate-forme de vocations. Ils ont évalué, en 2010, 944 demandeurs d'emploi au moyen de la méthode de recrutement par simulation. 703 personnes ont réussi l'évaluation et 403 ont été recrutées.

3. Dialogue avec les membres de l'équipe EOS

La réunion s'est poursuivie par un dialogue avec les membres de l'équipe EOS. M. Claude Jeannerot, président, a souhaité savoir selon quelles modalités les demandeurs d'emploi sont dirigés vers les spécialistes de l'orientation.

Ce sont les conseillers des agences de proximité qui prennent la décision d'orienter les demandeurs d'emploi vers les membres de l'équipe EOS. Le succès de la Pops a conduit à une augmentation de la charge de travail de l'équipe.

Interrogés sur les difficultés qu'ils rencontrent dans leur travail, les agents ont indiqué que les possibilités de prescription de formation se heurtent à un problème de frontières administratives. Il n'est pas toujours possible de placer les demandeurs d'emploi d'une région sur les formations d'une autre région, même limitrophe. Ce problème concerne non seulement le catalogue de formation des conseils régionaux, mais aussi les formations achetées par les directions régionales de Pôle emploi. Cela pose un problème tout particulier pour les formations d'intérêt national. Des accords de gré à gré entre directions territoriales peuvent permettre de lever ponctuellement des difficultés de cet ordre, mais il ne s'agit pas d'une solution pérenne. L'aide individuelle à la formation (AIF) est un autre moyen pour contourner le cloisonnement régional des formations, mais c'est une solution coûteuse. Les agents ont donc souligné qu'il s'agit là, de leur point de vue, d'un problème urgent à résoudre.

Une seconde difficulté mise en avant par les agents de Pôle emploi spécialisés dans l'orientation concerne la transparence de l'offre de formation. Une bonne orientation suppose que le conseiller connaisse l'offre disponible. Cela fonctionne assez bien avec l'offre de formation des conseils régionaux, parce son cycle de vie est suffisamment long, mais mal avec les formations achetées par Pôle emploi, car elles obéissent à des cycles beaucoup plus court. La création d'une plate-forme des formations constituerait donc un progrès.

M. Claude Jeannerot, président, a souhaité savoir quels liens existent entre le travail de terrain des agents de Pôle emploi et la construction de l'offre de formation de l'établissement public.

Mme Catherine Guilbaudeau a indiqué que, deux fois par an, ses services procèdent à une analyse des offres d'emploi en souffrance (offres annulées ou dont le délai de satisfaction est trop long) afin d'identifier des besoins de formation sur le territoire. Ces données sont remontées au niveau régional de Pôle emploi, qui les compile et lance des appels d'offres en conséquence. Cette procédure est toutefois assez longue.

- Déjeuner de travail

Ce déjeuner a réuni autour des membres de la mission d'information et du directeur régional de Pôle emploi, M. Yves Dubrunfaut, les agents responsables de la mise en place, intervenue entre février et juin 2011, de l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID).

L'EID remplace les deux entretiens consécutifs réalisés auparavant lors de l'inscription des demandeurs d'emploi, le premier consacré à l'indemnisation, le second au placement. Ce nouvel entretien présente un intérêt pour l'usager mais aussi pour Pôle emploi auquel il confère une plus grande souplesse d'organisation. Jusqu'à présent en effet, un tiers des conseillers étaient spécialisés dans l'entretien d'indemnisation, les autres dans l'entretien de placement. En cas de pic d'activité la capacité de traitement de flux était donc limitée par la disponibilité des spécialistes de l'indemnisation. L'EID peut, en revanche, être réalisé par deux tiers des agents. L'organisation peut donc désormais absorber des pics d'activité deux fois plus importants sans accumuler de retard. Autre avantage : l'EID permet des gains de productivité importants (de l'ordre de 15 %) qui permettent de redéployer les moyens vers le suivi mensuel personnalisé.

La mise en place de l'EID s'est accompagnée d'un plan de formation ambitieux. Chaque agent a reçu une formation de quatre jours sur le volet a priori non maîtrisé de l'entretien (placement pour les agents issus de l'indemnisation et inversement), avec un complément possible de formation de deux jours. Chaque conseiller s'est également vu attribuer un tuteur (son responsable d'équipe) chargé de réaliser un débriefing après chaque demi-journée d'entretien. Les managers de proximité ont reçu une formation spécifique pour assurer ce tutorat. Les agents pouvaient aussi s'adresser à un référent technique. Lors de la phase de mise en place, le planning des agents a été allégé : trois entretiens réalisés par demi-journée au lieu de quatre, le créneau libéré étant systématiquement consacré au débriefing.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur, a souhaité savoir quel accueil le personnel a réservé à l'EID. Le directeur régional a souligné que les agents reconnaissaient au nouveau dispositif deux avantages : d'une part, il simplifie les démarches des usagers, d'autre part, il renforce la culture commune des conseillers et soude les équipes. L'accueil est donc globalement favorable.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souhaité savoir ce qu'il advient des agents autrefois chargés du recouvrement des contributions d'assurance chômage. Le directeur régional a rappelé que le transfert du recouvrement aux Urssaf avait entraîné la disparition de leur métier et qu'il avait fallu mettre en place un programme d'accompagnement renforcé pour les reclasser. Certains se sont orientés vers des fonctions support, d'autres vers les métiers de l'accompagnement, d'autres enfin vers les métiers de l'indemnisation. Chacun a pu bénéficier d'une formation longue lui permettant de réaliser son projet.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur, s'est interrogé sur la qualité du dialogue social. Le directeur régional a indiqué qu'il avait souhaité centraliser, au niveau de la direction régionale, l'ensemble des procédures de dialogue social afin de libérer le temps des managers de terrain. Il a indiqué par ailleurs que la mise en place de l'EID a été conçue comme un laboratoire pour rétablir la confiance entre les agents et les managers après la période difficile de la fusion.

Enfin, M. Jean-Paul Alduy, rapporteur, a posé une question sur le recrutement du médiateur de Pôle emploi de la région Midi-Pyrénées. Le directeur régional a indiqué qu'il l'avait lui-même recruté mais que ce dernier bénéficiait néanmoins d'une totale indépendance.

- Visite de l'agence Pôle emploi de Tarbes Briand

Le but de cette visite était de permettre aux membres de la mission d'information d'observer le déroulement d'un entretien d'inscription et de diagnostic et d'un entretien de suivi mensuel personnalisé (SMP). Chaque sénateur, placé auprès d'un conseiller de Pôle emploi, a ainsi pu assister au déroulement d'un EID et d'un SMP avec l'accord des demandeurs d'emploi concernés. Il a ensuite pu questionner en tête-à-tête ce conseiller sur sa pratique professionnelle et sur son opinion en ce qui concerne l'EID.

Cette séance d'observation a été suivie d'une réunion de débriefing avec la directrice territoriale, le directeur de l'agence et les responsables d'équipe.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur, a souhaité savoir comment les conseillers en charge de l'EID avaient accueilli le nouveau dispositif. Il lui a été répondu qu'une enquête de satisfaction montrait que 85 % des agents de la filière placement se disaient satisfaits de l'EID et 100 % de ceux venant de la filière indemnisation. La directrice territoriale a souligné que les compétences requises en matière d'indemnisation distinguent fortement l'EID du métier unique. Les agents, lors de l'EID, doivent simplement vérifier la recevabilité du dossier et n'ont à statuer sur la demande d'indemnisation que dans les cas les plus simples. Dans les autres cas, la réponse est apportée, après étude par un spécialiste de l'indemnisation, dans un délai d'une semaine.

M. Claude Jeannerot, président, a fait part de son étonnement après avoir constaté que de nombreux demandeurs d'emploi ne se présentaient pas au rendez-vous d'inscription. Les responsables de l'agence ont souligné que cet absentéisme constitue un problème réel, puisque, sur les quatre-vingt-dix plages prévues chaque semaine pour les EID, on compte seulement soixante demandeurs d'emploi présents aux rendez-vous. Les plages libérées sont cependant mises à profit par les agents pour effectuer les tâches administratives nécessaires au suivi de leur portefeuille « employeurs » ou « demandeurs d'emploi ».

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur, a posé une question sur la part des parcours d'accompagnement délégués à des tiers. Ce taux atteint 30 % sur l'agence Tarbes Briand, en incluant le réseau Cap emploi, la délégation aux missions locales et la sous-traitance aux opérateurs privés de placement (OPP).

Le rapporteur a ensuite voulu savoir comment s'organise localement l'insertion par l'activité économique (IAE). Trente-neuf conventions ont été signées avec les organismes d'IAE. Par ailleurs, quatre conseillers de Pôle Emploi travaillent au sein du plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie) et sont financés par ce dernier.

- Entretien avec le Préfet

M. René Bidal, Préfet des Hautes-Pyrénées, a reçu les membres de la mission à sa demande pour leur faire part de ses réflexions sur le rôle de Pôle emploi au sein du service public de l'emploi local (SPEL). Il a souligné que Pôle emploi est une pièce maîtresse du SPEL en raison de sa connaissance des demandeurs d'emploi mais aussi parce qu'il offre une gamme de services très utile aux employeurs. Cette offre est cependant méconnue par ces derniers car Pôle emploi pâtit d'une image dégradée, tout particulièrement auprès des PME et des TPE. Le rôle du préfet est de contribuer à restaurer cette image en profitant des contacts fréquents que lui-même et les services de l'Etat entretiennent avec le monde économique local. Le préfet a souhaité calquer l'organisation du SPEL sur celle de Pôle emploi. Chaque sous-préfet pilote un SPEL dont les frontières recouvrent celles des trois bassins d'emploi du département.

Le président de la mission a souhaité avoir des précisions sur les relations entre Pôle emploi et les services de l'Etat chargés de l'emploi au sein du département. Le préfet a indiqué que ces relations sont excellentes et que Pôle emploi est associé étroitement à toutes les actions. Pôle emploi est cependant un établissement national très centralisé et le bon fonctionnement du SPEL dépend beaucoup de la volonté des dirigeants locaux de Pôle Emploi.


* 1 Est considéré comme reclassé un adhérent à la CRP qui n'est pas inscrit dans la catégorie A, B ou C de la liste des demandeurs d'emploi un an après son entrée en CRP.

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