9. Murielle Lafaye, Direction de la Stratégie, de la Prospective, des Programmes et des Relations Internationales, CNES49 ( * ) (Toulouse)
1. La prospective au Centre national d'études spatiales
La prospective est une activité qui a toujours existé au CNES. En complément à l'aspect technique, le CNES conduit depuis plusieurs années des réflexions prospectives dans le domaine sociétale, c'est-à-dire en quoi le spatial peut contribuer à l'évolution de la société et notamment à la mise en oeuvre des politique publiques.. Le CNES mène, par exemple, des réflexions de prospective consacrées sur l'éducation, la santé ou encore l'aménagement du territoire.
Le rôle du CNES est de proposer et de mettre en oeuvre la politique spatiale de la France dans les cinq grands domaines d'actions stratégiques :
- sciences spatiales ;
- terre environnement climat ;
- accès à l'espace ;
- défense et sécurité ;
- grand public.
Dans le domaine de la santé, le CNES a développé la télémédecine visant à favoriser le désenclavement sanitaire (réseau de télémédecine en Guyane, développement d'un poste de secours médical avancé mis à la disposition de SAMU mais également du ministère des affaires étrangères, développement de réseaux de surveillance spatiale des épidémies, systèmes de collectes de données par I-phone validées par l'OMS).
Parallèlement, le CNES s'est engagé dans la mise en oeuvre d'actions de télé-épidémiologie afin de mieux évaluer le risque environnemental favorisant le développement des maladies infectieuses liées à l'air et l'eau. A ce jour, la partie air est encore peu développée. En revanche, des expériences réussies et opérationnelles de cartes de prévision du risque environnemental favorisant des maladies à vecteurs ont été réalisées à ce jour (paludisme, fièvre de la vallée du Rift (RVF). Le CNES tente actuellement de transposer cette méthodologie pour des études sur la dengue dans les Caraïbes.
La télé-épidémiologie est un concept récent , qui a été fortement exploré au cours de la dernière décennie, qui consiste à surveiller et étudier les paramètres clés de la propagation des maladies humaines et/ou animales fortement liées aux variables du climat et de l'environnement en utilisant les techniques spatiales. Contrairement aux approches statistiques, il s'agit d'une approche déterministe afin de bien comprendre les mécanismes (notamment par des études entomologiques afin de constituer de longues données temporelles de terrain multidisciplinaires). L'imagerie spatiale vient appuyer ces travaux effectués sur le terrain, tant au niveau de la résolution temporelle que de la résolution spatiale.
En outre, le CNES dispose d'une convention Isis qui facilite l'accès à l'imagerie spatiale des laboratoires françaises qui paient un tiers du prix des images spatiales. Le CNES met au point des cartes de risque environnemental intégrées dans des dispositifs de surveillance des risques épidémiques.
La méthodologie développée par le CNES fait école à l'étranger comme en attestent les nombreuses coopérations internationales.
2. La « Télé-épidémiologie » et la fièvre de la vallée du Rift au Sénégal
La fièvre de la vallée du Rift est une maladie qui touche essentiellement les animaux, mais qui est transmissible à l'homme par les fluides. La compréhension des mécanismes en cours a demandé du temps et requis de nombreux travaux de recherches entomologiques sur le terrain. Transmise aux animaux domestiques par la piqure de moustiques infectés, principalement Aedes vexans et Culex poicilipes . L'abondance des vecteurs de la RVF est directement liée à la dynamique des mares, à leur couverture végétale ainsi que leur degré de turbidité. La dynamique des mares est associée à la variabilité spatio-temporelle des évènements pluvieux.
En début de saisons des pluies, entre juillet et octobre, les Aedes vexans sont les vecteurs de la maladie ; au milieu de la saison, lorsque les mares vont être remplies et que la végétation se développe, ce sont les Culex qui amplifient la propagation de la RVF. Les entomologistes sont également parvenus à mesurer la distance moyenne de vol des Aedes autour des mares soit environ 500 mètres.
L'imagerie spatiale permet de détecter les mares et consiste à caractériser un indice de végétation, la végétation favorisant le développement des Culex mais aussi un indice de turbidité, c'est-à-dire propice au développement des Aedes. Ces informations sont croisées avec la localisation des différents parcs à animaux, ce qui permet de cibler des parcs « prioritaires », c'est-à dire dont la vulnérabilité est accrue du fait de leur proximité avec les mares.
Une des premières mesures de prévention mises en oeuvre au Sénégal a été d'informer les éleveurs locaux à travers une campagne d'information en langue locale les invitant à installer leurs élevages à une distance supérieure ou égale à 500 mètres des mares à risques.
Cette méthodologie fait aujourd'hui l'objet d'un transfert de technologies vers le Sénégal, pour que la Direction des Services Vétérinaires dispose de bulletins de prévision de risque opérationnellement. Cette méthodologie a également été utilisée pour un projet sur le paludisme urbain à Dakar où des cartes de prévision du risque entomologique on été mises au point et validées.
3. Le scénario de prospective du CNES : vers une « météo des moustiques » en France ?
De grands organismes français (IRD et CIRAD ), riches de leurs propres expériences, s'intéressent d'ores et déjà aux projets d'imagerie spatiale du CNES, séduits par les résultats opérationnels de cette nouvelle méthode au Sénégal. Par conséquent, la recherche appliquée doit être stimulée et le CNES est prêt à soutenir les organismes de recherche en matière de télé-épidémiologie. L'expertise thématique et technique du CNES pourra être mobilisée par ces organismes ce qui nécessitera la mise en place de moyens associés (conventions, budgets, ressources humaines).
Le conseil général de Haute-Corse a récemment lancé un appel d'offres ; dans le cadre du projet européen Life+, comprenant l'utilisation de l'imagerie spatiale afin de caractériser le risque d'émergence des moustiques dans trois villes (Porto Vecchio, Montpellier, Nice).
* 49 Centre National d'Etudes Spatiales