B. POUR EN FINIR AVEC LA CONCURRENCE FISCALE DÉLÉTÈRE

1. Instaurer une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés dans l'Union européenne

Proposition n° 50 : Engager une coopération renforcée au plan européen pour créer une assiette commune obligatoire pour l'impôt sur les sociétés

Votre commission d'enquête estime que le projet d'assiette commune et consolidée d'impôt sur les sociétés (ACCIS) constitue une étape importante et positive dans l'établissement progressif d'une harmonisation fiscale européenne, seule à même de juguler durablement la concurrence fiscale intra-européenne. Etant donné qu'il apparaît impossible d'avancer à 27 États membres sur ce projet, il importe d'engager rapidement une coopération renforcée sur ce texte.

La France pourrait défendre au Conseil la position du Parlement européen, qui est aussi celle exprimée par le Sénat il y a un an 531 ( * ) : rendre obligatoire et non facultative l'assiette commune pour l'impôt sur les sociétés afin qu'elle vienne non pas s'ajouter mais se substituer aux vingt-sept régimes nationaux existants. En effet, tant que la concurrence fiscale entre États membres n'est pas encadrée par un serpent fiscal (c'est-à-dire des bornes ou au moins des taux planchers), il faut au moins garantir que cette concurrence soit lisible et loyale par la possibilité de comparer les taux d'imposition s'appliquant à une base identique. Il est vrai qu'il sera toujours possible de diminuer l'impôt dû par le biais de réductions ou de crédits d'impôt : ces dispositifs dérogatoires ne relèvent effectivement ni des règles d'assiette, ni du taux. Ils sont néanmoins encadrés par les règles en matière d'aides d'État.

2. Adopter des règles communes en matière de prix de transfert

La partie « consolidation » du projet d'ACCIS semble, quant à elle, hors de portée. Elle permettrait pourtant de neutraliser fiscalement les transactions intragroupes donc les prix de transfert. A défaut d'assiette consolidée, il importe au moins d'harmoniser les exigences de documentation sur les prix de transfert au sein de l'UE. Les États membres ont en effet des exigences différences en la matière, ce qui complique inutilement la tâche des entreprises transfrontalières. D'ores et déjà, le Conseil de l'UE a adopté le 27 juin 2006 un code de conduite relatif à la documentation des prix de transfert pour les entreprises associées au sein de l'Union européenne, qui vise à harmoniser la documentation que ces entreprises doivent fournir aux autorités fiscales au sujet de la méthode de fixation des prix qu'elles utilisent pour leurs transactions intragroupe transfrontalières. Néanmoins, ce code n'est qu'une simple résolution et n'a pas de valeur obligatoire ; peu de pays, sinon l'Espagne, l'ont suivi, et certains pays, comme la Belgique et l'Irlande, se distinguent par leurs exigences parmi les plus faibles au sein de l'Union européenne.

Proposition n° 51 : Harmoniser les exigences des États membres en matière de documentation des prix de transfert et travailler à la conclusion d'accords préalables de prix de transfert communs à plusieurs administrations fiscales européennes .

Approfondir les efforts de l'Union européenne en direction d'une harmonisation effective des exigences touchant à la documentation des prix de transfert permettrait de concilier la diversité des modèles économiques et sectoriels avec une plus grande transparence de la part des entreprises.

A ce titre, des accords préalables de prix de transfert ( APP) entre les administrations fiscales nationales et les entreprises, destinés à fixer un ensemble approprié de critères (concernant par exemple la méthode de calcul, les éléments de comparaison, les correctifs...) pour la détermination des prix de transfert appliqués aux transactions entre entreprises associées au cours d'une certaine période, pourraient être conclus avec plusieurs administrations fiscales européennes.

La conclusion d'APP communs à plusieurs administrations fiscales d'États membres pourrait constituer une voie pertinente pour, d'une part, sécuriser le traitement fiscal des prix de transfert de firmes ayant des activités dans différents pays de l'Union européenne et, d'autre part, diminuer les risques de différends entre ces États.

3. Donner plus de force juridique au code de conduite encadrant la fiscalité des entreprises dans l'Union européenne et étendre son champ d'action

Proposition n° 52 : Promouvoir la démarche du « code de conduite » qui encadre aujourd'hui la concurrence européenne sur l'impôt sur les sociétés, en lui donnant une plus grande force juridique et en l'étendant aux pratiques fiscales agressives des personnes physiques

La concurrence fiscale qui sévit entre États membres est encadrée par un code de conduite en matière d'impôt sur les sociétés.

Comme votre rapporteur l'a souligné plus haut, les limites de ce code sont patentes : il est temps d'élargir son champ d'application, à la fois géographique et matériel, et de consolider son processus. En effet, le « droit mou » ne suffit plus en matière fiscale et la lutte contre l'évasion fiscale ne peut se satisfaire du tour administratif  qu'a pris au fil du temps le rapport bisannuel du groupe « code de conduite ».

De surcroît, il serait utile d'élargir la démarche du « code de conduite » à la fiscalité des personnes physiques, qui n'est pas sans lien avec celle des personnes morales, comme l'examen récent des régimes fiscaux des îles anglo-normandes par le groupe « code de conduite » l'a prouvé. La notion de « pratique fiscale agressive » pourrait aussi bien trouver à s'appliquer pour les personnes physiques et ce concept pourrait même être introduit dans les travaux de l'OCDE sur la loyauté de la concurrence fiscale.

Convaincu de l'urgence qu'il y a à donner plus de consistance à la démarche initiée par le « code de conduite », votre rapporteur regrette que, dans sa dernière communication sur les moyens de renforcer la lutte contre l'évasion fiscale, la Commission européenne passe sous silence cette nécessaire révision du champ et du processus du « code de conduite ». La France pourrait insister sur ce point avant que la Commission ne présente son plan d'action global contre la fraude et l'évasion fiscales fin 2012, comme elle l'a annoncé.


* 531 Résolution européenne du Sénat n°166 sur la directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) du 11 juillet 2011.

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