2. Permettre le maintien des coopératives de consommateurs dans les zones où le commerce de proximité est menacé

Le maintien du commerce de proximité est un objectif d'aménagement du territoire important, qui peut justifier, sans entorse au droit sur les aides publiques, l'octroi de certaines subventions destinées à compenser les surcoûts liés à l'exploitation commerciale lorsque les conditions d'approvisionnement et la taille du bassin de consommation ne permettent pas d'obtenir spontanément une rentabilité suffisante 39 ( * ) .

Il faut savoir cependant que, à la différence de petits commerces indépendants, les points de vente des coopératives de consommateurs ne peuvent pas recevoir de subventions , car elles ne constituent pas des entités juridiques autonomes. Ce ne sont que de simples établissements de sociétés de grande taille. Il est donc impossible de les subventionner sans subventionner en même temps le fonctionnement de ces grandes sociétés, ce qui n'a aucune justification du point de vue du droit de la concurrence. En raison de cet obstacle juridique, la Fédération des coopératives de consommateurs estime entre 300 et 400 le nombre de ses points de vente menacés , dont la disparition se traduirait par la disparition d'un service pourtant indispensable à la population.

Votre rapporteur souhaite donc qu'une réflexion soit menée sur cette question. Une solution simple et satisfaisante peut sans doute être trouvée, car ces points de vente, bien qu'ils ne constituent pas des commerces indépendants, mettent malgré tout en oeuvre une comptabilité suffisamment précise pour qu'on puisse calculer les surcoûts liés à leur installation dans une zone économiquement défavorisée et déterminer, sur cette base, s'ils doivent être éligibles aux dispositifs d'aide au maintien du commerce de proximité.

3. Veiller à ce que la définition des normes comptables ne désavantage pas les banques coopératives

La question du statut comptable des parts sociales coopératives est une question récurrente , qui suscite une forte inquiétude parmi les banques coopératives. Le sujet est apparu avec la publication en juin 2002 par l' International Accounting Standards Board (IASB) d'un projet d'amendement à la norme comptable IAS32, « Financial instrument : disclosure and presentation » 40 ( * ) . Les parts dans une société à capital variable étant remboursables, il était en effet question de les classer en dettes plutôt qu'en fonds propres, ce qui aurait placé les banques coopératives en difficulté pour respecter les ratios prudentiels. Au-delà des banques, le fait de « déclasser » les parts sociales remboursables constituait une menace globale pour l'économie coopérative, car cela risquait de conduire à une redéfinition du bilan de toutes les sociétés coopératives. Le monde coopératif s'est mobilisé à l'échelle européenne pour que la spécificité des sociétés coopératives soit reconnue et cela a abouti à l'adoption d'un règlement d'interprétation des normes comptables en novembre 2004. Ce règlement, qui adapte la norme générale à la spécificité des coopératives, prévoit que les parts sociales des coopératives sont considérées comme du capital à condition que la coopérative ait le droit de refuser le remboursement de la part sociale 41 ( * ) et que les statuts ou la législation définissent un plancher pour le montant du capital social. Cette solution, bien qu'imparfaite, donnait satisfaction au mouvement coopératif.

Cette question qu'on croyait résolue est ressortie à l'occasion des négociations de Bâle III visant à définir de nouveaux ratios de fonds propres plus rigoureux. Devant l'inquiétude soulevée par cette nouvelle péripétie, le précédent Gouvernement a tenu à rassurer, la ministre de l'économie indiquant que : « Les instruments de fonds propres des banques coopératives peuvent désormais être admis dans le « common equity Tier » one, catégorie des fonds propres réglementaires de la qualité la plus élevée, dès lors qu'ils respectent les critères spécifiés par le comité. La capacité d'absorption des pertes en continuité d'exploitation de ces instruments est ainsi jugée équivalente à celle des actions ordinaires émises par les sociétés de capitaux. Les banques coopératives ne sont donc plus menacées par un déclassement massif de leurs fonds propres et ne sont plus pénalisées par rapport aux banques non-coopératives. C'est ce principe d'équivalence de traitement qui prévaut pour la transposition de Bâle III dans le droit bancaire européen » 42 ( * ) .

Votre rapporteur a cependant pu constater, dans les travaux préparatoires au présent rapport, que l'inquiétude reste vive chez les banques coopératives . Au-delà de la dégradation de leur bilan du fait d'un éventuel déclassement des parts sociales en dettes, les banques coopératives craignent en effet que leur engagement auprès des acteurs économiques et des territoires pâtisse des nouvelles règles prudentielles. A titre d'exemple on peut évoquer l'obligation faite par Bâle III d'imposer des réserves accrues en actifs considérés comme fortement liquides, comme les dettes souveraines, alors qu'aujourd'hui les caisses régionales investissent dans l'économie locale les sommes qui demain seront stérilisées sous forme de réserves. Sachant que les caisses régionales n'ont pas développé les comportements spéculatifs à l'origine des crises de liquidité que le système financier a connues ces dernières années et que la structure de leur activité et de leur actifs les exposent assez peu à ce type de crise, il est étonnant qu'on leur impose cette contrainte.

C'est pourquoi votre rapporteur appelle à rester vigilant et formule deux recommandations :

- il est souhaitable de mettre en oeuvre un groupe de suivi permanent au ministère de l'économie et des finances avec les différentes banques du secteur coopératif afin de veiller à ce que les nouvelles dispositions de régulation bancaire et de fonds propres ne contribuent pas à la contraction des crédits en direction de l'économie réelle et n'handicapent pas les banques coopératives dans leur intervention au service des territoires ;

- dans les débats et négociations qui ont actuellement lieu à Bruxelles sur la mise en oeuvre de Bale III, il est important que le Gouvernement français soutienne les amendements du Parlement européen qui tentent de faciliter la prise en compte de la spécificité des banques coopératives.


* 39 Aides à la mise aux normes et à la modernisation, aide à la tournée, etc.

* 40 Le Règlement n°1606/2002 du Parlement européen et du Conseil sur l'application des normes comptables internationales établit l'obligation d'utiliser le référentiel IAS pour l'établissement des comptes consolidés des sociétés européennes faisant appel public à l'épargne à compter de l'exercice ouvert le 1 er janvier 2005.

* 41 Concrètement, il suffit de soumettre le remboursement à l'autorisation du conseil d'administration pour que cette condition soit remplie, ce que prévoyait déjà la législation française.

* 42 Réponse ministérielle du 14/11/2010 en réponse à une question posée par le député Cambadélis. Voir : http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-71929QE.htm.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page