III. UN BESOIN DE FINANCEMENT PUBLIC QUI APPELLE UN ENGAGEMENT DE L'ETAT À HAUTEUR DE SES RESPONSABILITÉS

Le soutien financier nécessaire pour que se concrétise la contribution attendue des collectivités territoriales à la modernisation numérique du pays est susceptible de varier, dans son ampleur et dans sa nature, en fonction des équilibres économiques qui prévaudront in fine .

Les termes actuels du programme présentent une forme de paradoxe : plus la zone couverte par les opérateurs privés sera large, moins le besoin de financement public sera élevé, mais avec pour contrepartie une déformation de la structure de financement des RIP. La part des subventions dans les plans de financement public devrait alors être supérieure du fait de l'atténuation des perspectives de revenus commerciaux des infrastructures assumées par les investisseurs publics.

Outre la répartition des responsabilités de l'investissement entre opérateurs privés et publics, la capacité des investissements publics à dégager des revenus commerciaux est au coeur des équilibres financiers des RIP. Comme on l'a souligné, plus cette perspective sera confortée moins le contribuable sera sollicité. Il est ainsi essentiel pour les intérêts financiers publics que les perspectives d'exploitation des RIP soient dégagées.

A son tour, cette condition est tributaire de la répartition du « marché » du THD entre les opérateurs privés et les opérateurs publics mais aussi, pour une répartition donnée, de la capacité des RIP à engendrer le plus de recettes d'exploitation.

Cette dernière contrainte est fondamentale et elle doit être au coeur des adaptations de la régulation à l'infrastructure projetée. Mais, elle doit aussi occuper toute sa place dans la conception de l'intervention financière de l'État (entendu au sens large des administrations publiques).

Dans des conditions idéales, les limites de l'investissement public et privé sont indifférentes.

Mais les conditions effectives ne correspondent pas à un cadre idéal et la diversité des attitudes des différents investisseurs face au rendement doit être considérée.

Pour l'État, une fois admis que son objectif est un choix rationnel, le risque est de ne pas atteindre cet objectif (risque d'inefficacité) mais aussi d'être inéquitable dans la distribution des opportunités aux différents investisseurs.

Étant donné les circonstances réelles qui entourent le programme de THD, il est équitable et efficace que les investisseurs les plus à même de faire prévaloir l'objectif de ce programme, au moindre coût final pour la collectivité, soient confortés par l'État .

On a exposé les implications économiques de ce choix, notamment en termes de sécurisation des perspectives de revenus des RIP. On devrait également le traduire par une répartition du marché, conçu sous sa dimension territoriale, adaptée à l'objectif de conforter les investisseurs publics. Sous cet angle, il serait logique que l'État choisisse d'élever les perspectives de rentabilité des investisseurs publics. C'est tout le sens des reproches adressés à la répartition actuelle de l'investissement qui distribue les perspectives de rentabilité aux dépens des collectivités territoriales et des propositions formulées pour corriger cette situation. Au demeurant, ces deux options se tiennent puisque les perspectives de commercialisation sont tributaires d'une protection des RIP contre une concurrence inégale et de leur extension géographique.

Mais, le programme de récompense de l'investissement public une fois accompli, il faut encore traduire la logique d'engagement de l'État sur le plan financier. Cela implique qu'il assume une part adaptée, c'est-à-dire, en l'espèce, importante du besoin de contribution publique à l'investissement nécessaire au THD dont on vient de préciser les contours.

On compte généralement sur les collectivités locales pour couvrir ce besoin de financement.

Cette approche est cohérente quand on la situe dans le cadre de la responsabilité des collectivités locales d'aménager leur territoire.

Comme on l'a montré, elle doit être enrichie par la prise en compte d'une autre logique, celle de la politique nationale d'aménagement du territoire et celle de la politique macroéconomique et sectorielle, qui conduit à attribuer à l'État ses propres responsabilités.

L'accompagnement des collectivités territoriales par l'État ne saurait être présenté comme une faveur que le second octroierait aux premiers.

C'est donc dans une perspective de coopération sur la base des responsabilités propres à chaque acteur que doivent être coordonnés les financements publics.

Cette coordination implique d'abord qu'une doctrine de soutien financier soit définie qui soit cohérente avec les objectifs des collectivités territoriales mais aussi avec les choix stratégiques du programme d'installation des infrastructures du THD.

Il faut également que l'objectif d'aménagement du territoire soit pleinement porté par l'intervention de l'État, ce qui invite à lui confier une dimension « péréquatrice » sans ambiguïté.

A. POUR UNE SOLUTION PÉRENNE POUR ALIMENTER LE FANT

1. Une impasse de financement

A l'évidence, malgré une première révision, le FSN n'a pas été suffisamment doté pour couvrir plus qu'une partie des besoins nécessaires au financement du THD.

Cette constatation est partagée par le récent rapport de l'inspection générale des finances (IGF) (« sur le soutien à l'économie numérique et à l'innovation »), qui estime que « le montant de l'aide publique fléchée au sein du FSN, combinée avec les perspectives de financement réduit des collectivités territoriales, empêche l'atteinte des objectifs fixés par le Plan Très haut débit ».

C'est également l'observation traduite dans le rapport annuel relatif à la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir, qui souligne la portée limitée du FSN qui a « vocation à cofinancer la première tranche d'investissement » et indique que « des financements complémentaires de l'État [...] devraient ainsi être mis en place ».

Au surplus, une partie de l'enveloppe totale, celle destinée à accorder des prêts aux opérateurs privés, n'a pas été mobilisée. Interrogés sur ce point les opérateurs ont estimé que les financements de marché leur offraient des conditions meilleures. Toutefois, un opérateur a déclaré son intérêt pour un tirage futur.

Quant à l'enveloppe destinée à aider les RIP, elle n'a été mobilisée que partiellement pour des engagements un peu supérieures à 200 millions d'euros dans le cadre des procédures en cours qui ont impliqué onze projets.

Le reliquat des crédits budgétés permettrait de couvrir les besoins de financement jusqu'au premier trimestre 2014, selon le CGI.

Mais l'essentiel est bien d'observer que les enveloppes budgétaires mobilisées à ce stade par l'État (2 milliards d'euros du FSN) ne permettront pas l'atteinte des objectifs de couverture THD pour tous avec une priorité à la fibre optique.

Dans la configuration actuelle, ces financements permettront au mieux à l'État d'accompagner une première étape de couverture de 70 %. Encore faut-il observer que cette perspective est doublement conditionnée.


• Elle suppose d'abord que les engagements d'investissement des opérateurs privés en zone AMII soient tenus , ce qui n'est pas conforme à la tendance prévisible. Tout déficit de réalisation sur ce point se traduirait par une élévation du besoin de financement public.


• Par ailleurs, les conditions d'apport en capital de l'Europe mais aussi des opérateurs doivent être prises en compte pour évaluer ce besoin de financement.

De façon relativement simplifiée, on peut considérer sur la base des premiers projets identifiés que le financement d'un projet de réseau d'initiative publique FttH est porté :

- à 60 % par la subvention (répartie entre différents acteurs publics : Europe/État/collectivités locales) ;

- à 20 % par de la dette ;

- à 20 % par apport en capital.

Toute défaillance d'un financeur augmenterait à due proportion la contrainte de financement .

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