EXAMEN EN DÉLÉGATION

Sous la présidence de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente, la délégation a examiné, le mardi 23 avril 2013, le rapport d'information de Mme Laurence Cohen sur les dispositions du projet de loi n° 377 (2012-2013) relatif à l'élection des sénateurs, dont la délégation a été saisie par la commission des Lois.

Mme Laurence Cohen, rapporteure . - Le projet de loi relatif à l'élection des sénatrices et des sénateurs dont la commission des Lois nous a saisis comporte deux séries de dispositions qui poursuivent chacune un objectif distinct. D'une part, elle augmente le nombre des délégués supplémentaires représentant les communes les plus peuplées de façon à permettre une meilleure représentation des communes urbaines. De l'autre, elle étend aux départements élisant trois sénateurs le scrutin proportionnel de façon à renforcer la parité au sein du Sénat.

Je me réjouis que la commission des lois nous ait saisis de ce texte, car la parité est au coeur de nos préoccupations. Elle nous intéresse ici d'autant plus qu'il s'agit du mode de scrutin de notre propre assemblée.

J'axerai donc mon propos exclusivement sur la problématique de l'égal accès des femmes et des hommes au mandat sénatorial, laissant à la commission des Lois, comme il se doit, l'exclusivité des considérations relatives au rééquilibrage démographique de la représentativité du Sénat. Mon approche m'amènera donc, évidemment, à traiter de l'abaissement du seuil pour le scrutin proportionnel. Mais je ne me désintéresserai pas pour autant de la composition du collège sénatorial, car je ne pense pas que l'on puisse se satisfaire de l'absence totale de considérations paritaires dans les modalités de sa désignation.

Je commencerai par un bref survol historique de l'évolution du nombre de sénatrices car il me paraît éclairant.

Le Sénat est longtemps resté une assemblée essentiellement masculine : entre 1959 et 1989, c'est-à-dire pendant les quarante premières années de la V ème République, le nombre de femmes élues dans notre assemblée a oscillé entre quatre et dix, ce qui représentait entre 1,5 et 3 % de son effectif global.

Sous l'influence du mouvement général de la société, ce nombre a certes progressé au cours des dix années suivantes, mais timidement : à la veille du renouvellement de 2001, on ne comptait encore que 20 sénatrices pour un total de 321 sièges, soit une proportion de 6,5 %.

C'est avec l'entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 et les obligations paritaires qu'elle a imposées que les choses ont véritablement changé. En une dizaine d'années, le nombre des sénatrices a été, très exactement, multiplié par quatre puisqu'à la veille du renouvellement de 2011 on comptait 80 sénatrices, soit 23,3 % des 343 sièges que comportait alors le Sénat. Cette dynamique ne s'est malheureusement pas poursuivie, et nous savons que le Sénat ne comptait plus, à l'issue des élections de 2011, que 77 sénatrices, soit 22 % des 348 sièges.

Ce constat appelle plusieurs remarques.

La première est que seuls les mécanismes paritaires introduits par la loi du 6 juin 2000 dans différents modes de scrutin ont permis aux femmes d'accéder enfin dans des proportions satisfaisantes à certains mandats électoraux, à certains et non à tous, les différents leviers juridiques utilisés s'étant à l'expérience révélés d'une efficacité très inégale.

Il faut rappeler que cette loi n'a été rendue possible que grâce à la révision constitutionnelle de 1999 qui a introduit dans la Constitution la fameuse disposition : « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » . Avant cette révision, les tentatives pour instaurer des mécanismes garantissant un meilleur équilibre femmes-hommes dans l'accès aux responsabilités électives s'étaient régulièrement heurtées à la censure du Conseil constitutionnel.

Cette révision, un peu timide, puisqu'elle ne parlait que de « favoriser » et non de « garantir » l'égal accès, a permis de faire sauter ce verrou juridique. Elle a également imposé aux partis politiques une responsabilité en ce domaine en précisant, à l'article 4 de la Constitution, qu'ils doivent contribuer à la mise en oeuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi. Ce sont des points que j'aurai l'occasion d'aborder à nouveau dans les recommandations que je vous proposerai dans un instant.

Pour en revenir à la loi du 6 juin 2000, celle-ci a mis en place les deux principaux mécanismes sur lesquels repose aujourd'hui encore la promotion de la parité en politique : elle oblige les partis à présenter des listes composées sur une base paritaire dans les élections au scrutin de liste proportionnel ; elle prévoit une retenue financière sur la dotation publique des partis qui ne présentent pas une proportion égale, ou presque, de candidats des deux sexes aux élections législatives.

Ce second mécanisme s'est révélé, vous le savez, plutôt décevant, de nombreux partis préférant, aujourd'hui encore, supporter ce « manque à gagner » plutôt que de promouvoir des candidatures féminines. Quant à la disposition de la loi du 31 janvier 2007 qui imposait, lors des élections cantonales, au candidat et à son remplaçant d'être de sexe différent, elle n'a eu que des effets plutôt limités. Le scrutin majoritaire est donc resté un mode de scrutin très défavorable à la parité.

En revanche, grâce aux obligations paritaires imposées dans la composition des listes, le scrutin proportionnel a permis à la parité de devenir une réalité effective dans les élections auxquelles il s'applique :

- les élections régionales : 48 % de femmes élues en 2010 ;

- les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants : 48,5 % de femmes élues en 2008 ;

- les élections européennes : 44,4 % de femmes au sein de la représentation française en 2009.

Ces résultats sont parlants !

Cette remarque générale sur les vertus du scrutin proportionnel au regard de l'objectif de parité se décline d'une façon particulière pour les élections sénatoriales, puisque celles-ci se déroulent suivant le mode de scrutin mixte que nous connaissons bien :

- scrutin majoritaire à deux tours dans les départements comportant un nombre réduit de sièges à pourvoir, conformément à l'article L. 294 du code électoral ;

- scrutin de liste et représentation proportionnelle dans les départements comportant un nombre plus important de sièges, conformément à l'article L. 295.

L'article 3 de la loi du 6 juin 2000 a introduit des obligations paritaires dans les départements à la proportionnelle en précisant que « sur chaque liste, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un » et que « chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe » .

Quant à la ligne de partage entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel, elle a été modifiée à plusieurs reprises : jusqu'en 2000, le scrutin proportionnel s'appliquait dans les départements comportant au moins cinq sièges de sénateurs ; la loi du 10 juillet 2000 a ramené ce seuil aux départements comptant au moins trois sièges et la loi du 30 juillet 2003 l'a relevé à quatre sièges au moins.

Quoiqu'il en soit, ces obligations paritaires ont permis, comme je vous le disais tout à l'heure, un quadruplement en dix ans du nombre de sénatrices.

Le Sénat étant alors renouvelable par tiers tous les trois ans, cette progression s'est effectuée en trois étapes correspondant à la première application des dispositions de la loi du 6 juin 2000 à chacune des trois séries ainsi renouvelées.

L'analyse des résultats des trois élections sénatoriales de 2001, 2002 et 2008 montre que la forte progression du nombre de sénatrices est principalement le fait des départements où l'élection se déroule au scrutin proportionnel.

Si l'on consolide les résultats de ces élections qui correspondent à elles trois à un renouvellement complet du Sénat effectué sous obligation paritaire, on obtient 10 sénatrices élues au scrutin majoritaire et 61 sénatrices élues au scrutin proportionnel. Autrement dit, le scrutin proportionnel a fait entrer six fois plus de femmes au Sénat, alors que le nombre de sièges pourvus par l'un et l'autre mode de scrutin est actuellement très proche.

Les élections sénatoriales de 2011, qui portaient pour la première fois sur un renouvellement de moitié du Sénat, ont à la fois confirmé et infirmé ces évolutions. Elles ont confirmé le rôle déterminant du scrutin proportionnel : sur les 49 sénatrices élues en 2011, 39 l'ont été au scrutin proportionnel et 10 seulement au scrutin majoritaire. Mais dans le même temps, la progression du nombre de sénatrices a marqué un palier, voire un léger tassement : le Sénat, qui comptait 80 sénatrices à la veille de son renouvellement, n'en comportait plus que 77 au lendemain de l'élection, et ce alors que son effectif global était passé de 343 à 348 sièges.

Cette stagnation du nombre de femmes élues au Sénat montre que les bénéfices des mécanismes paritaires de la loi du 6 juillet 2000 ont été pleinement engrangés à l'occasion de leur première application lors des élections de 2001, 2004 et 2008, mais qu'ils sont maintenant épuisés.

Un nouvel élan est donc aujourd'hui nécessaire pour reprendre le chemin d'une parité effective. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui peut-il y contribuer ?

Certes en prévoyant que dans les départements comportant trois sièges, les élections se dérouleront dorénavant au scrutin proportionnel, par nature plus favorable à la parité, ce projet devrait avoir un effet positif sur le nombre des sénatrices.

Peut-on en attendre une reprise significative de l'augmentation du nombre de femmes élues au Sénat ?

Ce n'est pas le point de vue des personnes que j'ai entendues en audition, qu'elles aient des responsabilités au sein d'associations militant pour la parité ou au sein de partis politiques représentés au Sénat. Toutes jugent positif l'abaissement du seuil mais trouvent la loi trop timide.

Même si le changement de mode de scrutin concerne un nombre significatif de sièges (75), deux phénomènes devraient en limiter fortement la portée pratique : le fait que les têtes de listes sont presque toujours l'apanage des hommes ; la fréquence des listes dissidentes constituées pour contourner la parité.

Certes ces phénomènes ne sont pas propres aux départements comportant trois sièges, mais ils auront dans ceux-ci des effets déterminants. Avec des têtes de listes masculines, les femmes ne pourront se faire élire que si l'une des listes parvient à obtenir deux des trois sièges disputés. Cette hypothèse sera d'autant moins fréquente que l'on continuera d'assister à une floraison de listes dissidentes.

Toutefois, même si ses effets pratiques devaient, au moins dans un premier temps, se révéler modestes, je vous proposerai d'approuver, par une recommandation, cet abaissement du seuil pour le scrutin proportionnel, car en élargissant le champ d'application des obligations paritaires, il envoie par lui-même un signal positif.

Je me suis interrogée sur l'opportunité d'aller plus loin et de recommander d'abaisser à deux sièges le seuil de la proportionnelle. Il me semble qu'auparavant, nous avons besoin de données plus précises. Aussi, je vous proposerai, par une recommandation, de demander la réalisation d'une étude d'impact sur les effets qu'aurait une telle mesure sur la parité et le respect de la pluralité politique.

Cette proposition répond au souci de certains représentants des partis politiques auditionnés qui y voyaient le risque d'un renforcement du bipartisme et donc une menace pour la diversité politique.

J'ai également cherché les moyens de consolider cette réforme et, si possible, d'en accentuer les effets. Tel est l'objet des recommandations que je vais maintenant vous soumettre.

Avec la réforme qui nous est proposée, ce sont quelques 93 sièges qui continueront d'être pourvus au scrutin majoritaire dans les départements ainsi que dans les collectivités d'Outre-Mer élisant un ou deux sénateurs ou sénatrices. Devons-nous nous résigner à ce que ceux-ci soient dispensés de toute obligation paritaire ? Je ne le pense pas. Aussi vous proposerai-je, par une recommandation, de prévoir que dans les départements où l'élection se déroule au scrutin majoritaire, le candidat et son remplaçant doivent être de sexe différent, même si nous savons d'expérience que cette règle n'a que des effets limités. Entre 2008 et 2011, cinq de nos collègues élus au scrutin majoritaire ont cédé leur siège à leur remplaçant : quatre hommes et une femme. Dans un contexte comparable, une telle règle permettrait à l'avenir de faire entrer au Sénat quatre femmes pour un homme seulement.

Je crois ensuite que nous devons nous efforcer de stabiliser la ligne de partage entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel, pour éviter un retour en arrière comparable à celui effectué par la loi de 2003.

Il me semble qu'un renforcement de la valeur juridique des dispositions constitutionnelles relatives à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives serait de nature à contribuer à cette stabilisation. Pour cette raison, je pense que nous devrions recommander qu'à l'occasion d'une prochaine réforme constitutionnelle, le verbe « garantir » soit substitué au verbe « favoriser » dans la fameuse formule relative à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Cet égal accès ne serait ainsi plus considéré, comme c'est le cas aujourd'hui, comme un « objectif constitutionnel » de second rang, si vous me permettez l'expression, mais comme un principe constitutionnel que le Conseil constitutionnel devrait traiter sur un pied d'égalité avec les autres règles et principes de valeur constitutionnelle, quand il cherche leur conciliation.

La recommandation suivante est de portée symbolique. Il me paraît regrettable qu'un projet de loi qui a pour objectif revendiqué de favoriser l'accès des femmes au mandat sénatorial n'évoque dans son titre que « l'élection des sénateurs ». Je vous recommanderai donc de le compléter pour y ajouter la mention des « sénatrices ». La mesure est symbolique mais, justement, nous mesurons bien l'importance des enjeux symboliques qui s'attachent à la féminisation des noms de métiers et des fonctions.

Mes deux recommandations suivantes ont trait à la composition du collège sénatorial.

Dans le souci d'améliorer la représentativité de ce collège, le projet de loi prévoit d'augmenter le nombre de délégués supplémentaires représentant les communes de plus de 30 000 habitants. L'étude d'impact avoue naïvement : « l'augmentation du nombre de délégués supplémentaires n'a pas d'effet sur la parité. En effet, l'obligation de parité ne s'impose pas dans la désignation des délégués supplémentaires » .

Il me semble que c'est un état de choses dont on doit d'autant moins se satisfaire qu'un nombre appréciable des délégués composant le collège sénatorial et de leurs suppléants est élu au scrutin de liste, un mode de scrutin qui se prête tout particulièrement aux obligations paritaires.

Il me paraît évident que la composition par sexe du collège sénatorial n'est pas une question indifférente. Une composition paritaire ne suffirait évidemment pas à garantir par elle-même l'élection d'un plus grand nombre de candidates. Mais je ne doute pas qu'elle pourrait avoir, par exemple, un effet dissuasif sur le dépôt de ces listes dissidentes un peu trop ostensiblement conçues pour contourner la parité.

J'ai demandé au ministère de l'Intérieur s'il disposait de données sexuées sur la composition du collège sénatorial dans son ensemble et pour chacune des catégories de délégués qui le composent. Il m'a été répondu que les données étaient sans doute disponibles dans les préfectures, mais qu'il faudrait du temps pour les réunir et les agréger. C'est édifiant ! Je vous propose de formuler une recommandation pour que ces données nous soient effectivement fournies et qu'elles soient, à l'avenir, systématiquement établies à l'issue de chaque élection sénatoriale.

Faute de données précises, nous en sommes réduits aux conjectures sur la composition par sexe du collège électoral.

La question ne se pose pas pour les délégués issus des conseils régionaux qui sont déjà paritaires et ceux des conseils départementaux qui sont appelés à le devenir avec les binômes paritaires. L'attention se reporte sur les délégués des conseils municipaux qui représentent au demeurant 95 % de leur effectif. Leur nombre varie en fonction de la taille des communes qui sont elles-mêmes réparties en trois catégories.

Dans les communes de moins de 9 000 habitants, les conseillers municipaux élisent en leur sein un nombre de délégués qui varie en fonction de l'effectif du conseil mais qui est toujours impair. Or les nombres impairs ne sont, par nature, pas favorables à la parité, puisque leur caractéristique est précisément de ne se pouvoir diviser par deux ! Si les données que doit nous fournir le ministère de l'intérieur devaient faire apparaitre un trop grand déséquilibre entre les femmes et les hommes dans les 40 000 délégués élus dans ces communes, se poserait alors la question d'une modification de l'article L. 284 du code électoral pour substituer des chiffres pairs aux chiffres impairs.

Dans les communes de 9 000 à 30 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont membres de droit et, comme on l'a vu, ceux-ci ont atteint la parité ; celle-ci doit donc se retrouver dans les 16 000 délégués qui en sont issus.

Dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent, en sus des délégués de droit, des délégués supplémentaires à raison, actuellement, de un pour 1 000 habitants au-dessus de 30 000 habitants, tranche que le projet de loi propose de ramener à 800. Ces délégués supplémentaires sont élus au scrutin de liste, par application des dispositions de l'article L. 289 du code électoral, sans que celui-ci prévoie d'obligation paritaire dans la composition de ces listes. Avec le projet de loi, le nombre de ces délégués supplémentaires devrait passer de 12 569 à 15 744. Il est anormal que ces délégués, qui représentent une proportion significative du collège sénatorial, soient élus sans aucune garantie de parité. Je vous proposerai donc par une recommandation d'y remédier.

Ma dernière recommandation portera sur les partis politiques.

La révision constitutionnelle les a investis, vous vous en souvenez, d'une responsabilité particulière en matière d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. L'article 4 de la Constitution dispose en effet que « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en oeuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi » .

Les obligations paritaires imposant une stricte alternance entre les candidats des deux sexes ne peuvent, à elles seules, garantir une parité véritable, particulièrement dans les départements comportant un petit nombre de sièges. Aussi est-il nécessaire que les partis politiques veillent, à l'occasion de chacun des scrutins sénatoriaux, à une stricte parité au sein de la série renouvelée dans la désignation des têtes de listes se réclamant de leur appartenance politique.

Je crois indispensable de rappeler les partis politiques à la responsabilité que leur confie la Constitution en ce domaine, même si nous savons que la bonne volonté dont ils font preuve dans la poursuite de cet objectif est très inégale.

C'est pourquoi je crois que nous devons réfléchir aux moyens qui nous permettraient de ne pas en rester au stade des incantations et je souhaite vous faire part de deux pistes de réflexion qui ont été évoquées au cours des auditions que j'ai réalisées la semaine dernière.

Première piste : les pénalités financières. La commission Jospin, vous vous en souvenez, a proposé de renforcer le dispositif des retenues imposées sur leur dotation publique aux partis qui ne respectent pas la parité des candidatures aux élections législatives. Il me paraîtrait intéressant, à l'occasion de cette réforme, d'examiner suivant quelles modalités ces pénalités financières pourraient être étendues aux élections sénatoriales :

- en fonction des candidatures dans les départements élus au scrutin majoritaire, sur le modèle du dispositif actuellement en vigueur pour l'Assemblée nationale ;

- en fonction des têtes de listes dans les départements élus à la proportionnelle, ce qui serait, j'en conviens, quelque chose de nouveau.

Les personnes que j'ai auditionnées ont également envisagé une perspective plus radicale : celle qui consisterait à refuser d'enregistrer les listes de candidats présentées par un même parti qui ne satisferaient pas à l'obligation de présenter un nombre égal de têtes de listes de l'un et l'autre sexe. Cette sanction serait évidemment très lourde et s'attirerait sans doute des objections juridiques, notamment au regard du principe de liberté des candidatures. Certes, l'on peut se réclamer du précédent des élections régionales où les listes de candidats ne peuvent être enregistrées que si elles satisfont aux obligations de parité dans leur composition. Mais passer du refus d'enregistrer une liste au niveau régional au refus d'enregistrer l'ensemble des listes au niveau national constitue, il est vrai, un changement d'échelle.

Plusieurs personnes auditionnées ont dénoncé les faibles progrès de la parité dus, selon elles, au mode de scrutin (exigence forte de proportionnelle à toutes les élections), au cumul des mandats et au manque de renouvellement.

A juste titre, il a été question du statut de l'élu-e, l'une des nombreuses propositions retenues lors des États généraux de la démocratie territoriale, en octobre 2012, sous l'impulsion de Jean-Pierre Bel, président du Sénat. Ce statut de l'élu-e dépasse le cadre des élections sénatoriales mais est une revendication consensuelle qui permettrait aux femmes comme aux hommes d'exercer leurs mandats électifs dans de meilleures conditions.

Je terminerai mon propos en constatant que c'est la loi qui a fait progresser la parité, même timidement, même insuffisamment, et qu'elle est plus difficile à contourner avec la proportionnelle.

Qui dit parité dit partage des pouvoirs et je souhaite laisser la conclusion à Réjane Sénac : « Questionner le pouvoir, c'est aussi questionner toutes les autres inégalités » .

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Merci pour ce rapport très intéressant : il a le mérite d'établir clairement un certain nombre de constats et, surtout, il met en perspective des éléments dont nous avons, toutes et tous, connaissance, mais qui prennent ainsi leur véritable portée.

La conclusion qui s'en dégage, c'est qu'il a été nécessaire d'adopter des mesures législatives contraignantes, assorties de sanctions, pour faire progresser la parité politique. Il montre aussi l'omniprésence de stéréotypes sexués que nous devons continuer à dénoncer.

Mme Laurence Cohen, rapporteure . - Au cours des auditions que j'ai conduites, j'ai été particulièrement frappée par la réponse que nous a apportée le ministère de l'Intérieur lorsque nous lui avons demandé s'il disposait de données sexuées sur la composition du collège sénatorial : il ne savait pas s'il disposait de données en ce domaine et nous a confirmé, l'après-midi même, que celles-ci n'étaient pas disponibles dans l'immédiat. C'est pourquoi je propose, par une recommandation, de recueillir ce type d'information et je compte sur le soutien que pourra nous apporter la ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Je m'interroge sur la portée pratique de la recommandation n° 8 qui demande aux partis politiques de respecter un équilibre entre les sexes dans la répartition de leurs têtes de listes, à l'occasion de chacun des renouvellements sénatoriaux.

Mme Laurence Cohen, rapporteure . - Il est vrai que cet encouragement gagnerait beaucoup à être assorti de sanctions. Dans mon rapport, je fais état de deux pistes de réflexion qui m'ont été proposées. L'une d'entre elles va jusqu'à envisager le refus d'enregistrer les listes d'un parti dès lors que celles-ci ne respecteraient pas la parité dans le choix de leur tête de liste. C'est une mesure que l'on ne peut évidemment recommander en l'état, mais qui mérite d'être travaillée.

La délégation adopte ensuite le rapport d'information de Mme Laurence Cohen ainsi que ses huit recommandations.

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