B. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, ACTEURS ESSENTIELS DE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE

À la suite des diverses lois adoptées, notamment celles relatives au Grenelle de l'environnement, les collectivités territoriales se sont vues reconnaître des compétences croissantes dans les domaines de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables .

Dans les débats énergétiques, l'un des enjeux à venir porte précisément sur le développement d'une filière énergétique locale . Désormais, de la production à la consommation, en passant par le transport, la distribution et la commercialisation, la filière énergétique tend effectivement vers une plus grande décentralisation. La constitution de filières énergétiques locales apparaît comme un vecteur d'efficacité énergétique mais également de responsabilisation et de mobilisation des acteurs locaux , qu'ils soient consommateurs ou producteurs.

En clair, votre rapporteur tient à insister sur la capacité des collectivités à « faire ». Elles disposent aujourd'hui de leviers d'action puissants pour être les acteurs efficaces de la politique énergétique de demain .

Au niveau local, la question du transport de l'électricité et du gaz, permettant de déplacer de gros volumes vers des postes de répartition, relève des activités de monopole qui sont assurées par RTE (Réseau de transport d'électricité, filiale d'EDF) et GRT gaz (Gaz réseau transport, filiale de GDF Suez) et ne font pas directement l'objet de politiques locales d'énergie. Il en va autrement de la distribution , qui concerne tous les types d'énergie et pour laquelle les collectivités sont autorités concédantes des réseaux (électricité, gaz, chauffage urbain, etc.), et de la fourniture , qui relève d'une activité commerciale à laquelle peut prendre part la collectivité, notamment à l'aide de régies ou de sociétés d'économie mixte.

1. Les collectivités territoriales, actrices de la gouvernance de l'énergie au niveau local

Dans le secteur énergétique, si le paysage institutionnel est certes morcelé et complexe, héritage d'une histoire longue faite de périodes de flux et reflux quant à l'importance accordée aux pouvoirs locaux, les collectivités prennent désormais toute leur place (notamment les intercommunalités) dans la conduite des politiques locales d'énergie.

a) Les acteurs traditionnels de la gouvernance de l'énergie au niveau local

Dotées (lorsqu'elles ne l'ont pas confié à des syndicats d'énergie) du statut d'autorité concédante des réseaux d'électricité et, selon les territoires, de gaz et de réseaux de chaleur, possédant un patrimoine bâti important, ayant des compétences fortes en matière d'urbanisme et de construction, les communes constituent toujours des acteurs centraux de la gouvernance territoriale de l'énergie .

En particulier, la plupart des grandes villes ont su se doter, depuis la décentralisation, d'une plus forte expertise, qui se traduit dans certains cas par la création de services énergie conséquents, leur permettant de mieux appréhender les problèmes à traiter.

Elles agissent avec les régions et départements, qui ont souvent su s'investir fortement dans le soutien à l'efficacité énergétique (réhabilitation de bâtiments administratifs, soutien aux économies d'énergie).

b) L'affirmation progressive des intercommunalités dans le paysage institutionnel des politiques énergétiques locales

Aux côtés de ces acteurs traditionnels de l'action publique figurent également les syndicats d'énergie , dont l'importance ne doit pas être ignorée.

En perte de vitesse depuis les années 70 et l'achèvement de l'électrification en surface du territoire national, ces derniers ont toutefois connu une renaissance spectaculaire à partir du milieu des années 90, et la négociation de nouveaux contrats de concession avec EDF et GDF. Une forte majorité d'entre eux disposent désormais du pouvoir d'autorité concédante pour les réseaux d'électricité, voire de gaz. Les récentes dispositions législatives les ont confortés, puisque la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (dite « loi POPE »), adoptée en juillet 2005, a fait de la maîtrise de la demande d'énergie une compétence facultative pour les intercommunalités.

Votre rapporteur considère que l'intercommunalité peut constituer un facteur de progression , dans la mesure où elle peut avoir un rôle de conseil auprès des collectivités territoriales, par l'inventaire des ressources qui peuvent être mises en oeuvre et par des actions de pédagogie en matière d'énergie.

Votre rapporteur estime toutefois qu'en dehors des cas où l'intercommunalité peut s'imposer , en recherchant d'ailleurs une optimisation opérationnelle en faisant agir tantôt la commune tantôt la communauté selon les actions conduites, les syndicats départementaux demeurent indispensables .

2. Donner aux collectivités territoriales toute leur place dans la transition énergétique de la France

Les collectivités disposent d'une marge d'action en faveur de l'efficacité énergétique en jouant sur plusieurs fonctions . L'énergie est en effet au centre de nombreuses thématiques où les collectivités territoriales ont un rôle crucial à jouer : l'immobilier (bâtiments publics, logement social et privé, tertiaire privé) via la qualité du bâti, et les améliorations énergétiques ; les transports (de personnes et de marchandises), par l'organisation de déplacements limitant les émissions de gaz à effet de serre (vélo, covoiturage, auto-partage, etc.) ; les infrastructures énergétiques , car elles disposent de la compétence de distribution de l'énergie ; et, enfin, l'élaboration de documents de stratégie territoriale (volet énergie du SCOT), car les collectivités ont un rôle de structuration et de mise en cohérence des différentes stratégies énergétiques.

Les maires, notamment, ont un rôle majeur à jouer auprès des acteurs locaux en tenant compte des réalités de la proximité . Les exemples d'actions que les collectivités peuvent mener ne manquent pas : définition de critères d'émissions de gaz à effet de serre dans les marchés publics, mise en place d'un écoquartier, promotion et développement de modes doux de déplacement, renforcement des transports en commun, promotion des plans de déplacements d'entreprise, mise en place d'un plan de déplacements d'administration, optimisation des éclairages publics et de l'éclairage des bâtiments tertiaires, mise en place d'un réseau de chaleur, méthanisation des déchets agricoles, récupération des boues de stations d'épuration, des déchets organiques divers (cantines scolaires, restaurants d'entreprises), etc. Ces actions peuvent ainsi être regroupées à travers différents piliers .

a) Les collectivités territoriales comme actrices économes : la fonction de consommatrices

Les élus locaux ont une capacité d'action d'abord dans le cadre de la gestion directe de leur patrimoine . Dans un contexte de raréfaction budgétaire, les collectivités doivent appréhender l'énergie comme une « ressource » pour leur territoire, car l'énergie la moins chère est encore celle qui n'est pas consommée. Les maires, par exemple, doivent être incités à réaliser des travaux d'amélioration énergétique de leur patrimoine communal , les bâtiments 63 ( * ) gérés par les communes représentant en effet près des deux tiers des consommations énergétiques des collectivités.

Les leviers du fonctionnement , du patrimoine et des équipements sont particulièrement efficaces car ils représentent en outre un important gisement d'émissions de gaz à effet de serre (GES), et des économies substantielles peuvent être réalisées dans ce domaine.

Votre rapporteur tient en effet à rappeler que les collectivités territoriales françaises détiennent 280 millions de mètres carrés de bâtiments , dont la part la plus importante relève de la gestion du bloc communal.

L'ADEME relève d'ailleurs que dans les décisions d'équipement (aménagement, urbanisme, transport) prises par les collectivités territoriales au titre du patrimoine qu'elles gèrent (bâtiments, éclairages publics) et du fait des activités pour lesquelles elles assurent une compétence de gestion (transports, déchets, chauffage urbain), les collectivités contribuent à plus de 12 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, soit une soixantaine de millions de tonnes équivalent CO 2 par an . Si l'action potentielle des collectivités est donc loin d'être négligeable dans la mesure où elles possèdent un patrimoine important, votre rapporteur souligne la pertinence des diagnostics énergétiques , préalables utiles à la conduite d'actions pertinentes.

Les actions ayant trait au patrimoine et aux services représentent d'ailleurs une opportunité de réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités, dont le poste énergie représente environ 50 euros par an et par habitant , toutes collectivités confondues.

Afin de diminuer les dépenses énergétiques, votre rapporteur recommande aux élus de se saisir des possibilités de mise en concurrence des opérateurs historiques (EDF, GDF). Les élus doivent être informés des possibilités d'optimisation des contrats avec leurs fournisseurs d'énergie, puisque, depuis le 1 er juillet 2004, les collectivités territoriales peuvent choisir librement leur fournisseur. Ils doivent également être pleinement conscients des possibilités d'économies substantielles dans ce domaine et ne pas hésiter à faire appel aux services de cabinets de conseil en tarification et en économie d'énergie .

Recommandation 3 : Encourager les collectivités territoriales à être des actrices économes de l'énergie dans le cadre de leurs consommations, en utilisant tous les leviers à leur disposition (fonctionnement ; gestion du patrimoine et des équipements ; services ; cabinets de conseil en tarification et en économie d'énergie, etc.)

b) Les collectivités territoriales comme acteurs gestionnaires : la fonction de maîtrise d'ouvrage et d'aménagement

Les élus locaux ont ensuite une capacité d'action dans le cadre de l'exercice de leurs compétences . En effet, les collectivités territoriales peuvent être prescriptrices en matière de choix et de modes d'utilisation des énergies par l'édiction de règles d'urbanisme, d'aménagement, etc. Il s'agit là d'un levier majeur , les compétences pouvant être communales, intercommunales ou départementales.

Les questions énergétiques locales couvrent ainsi l'ensemble des compétences exercées par les collectivités . Ce qui vaut pour l'habitat et le logement s'observe également pour l'aménagement de l'espace et l'urbanisme, les transports, le développement économique, la gestion des espaces agricoles et naturels, etc.

En matière d'habitat, par exemple, la question de la précarité énergétique 64 ( * ) dans les logements mérite une attention particulière. Certes, le Gouvernement en a fait une priorité 65 ( * ) , mais l'identification des logements énergivores ne pourra se faire qu'avec les acteurs locaux.

La spécificité des questions d'habitat

Actuellement, 43 % de l'énergie finale consommée en France l'était du fait des bâtiments résidentiels ou tertiaires, responsables de près de 20 % des émissions 66 ( * ) de gaz à effet de serre (GES). Si l'on retient la construction et le fonctionnement des bâtiments, environ 2/3 de ces consommations sont le fait de l'habitat. Le secteur résidentiel est désormais le plus gros consommateur d'énergie en France.

L'énergie tient une place importante dans le budget des ménages et pose la question du pouvoir d'achat et du phénomène de précarité énergétique, avec d'autant plus d'acuité dans le contexte de renchérissement de son prix.

Au sein des politiques locales d'énergie, les questions d'habitat sont un enjeu majeur et présentent des spécificités. Les interventions en la matière affichent une grande complexité, car elles concernent un nombre très important de bâtiments aux statuts d'occupation très diversifiés et intègrent la dimension de la relation aux habitants.

Plusieurs instruments sont à disposition des collectivités pour intervenir en la matière, qu'ils soient stratégiques avec l'élaboration des Programmes locaux de l'habitat (PLH), ou plus opérationnels, tels les offices publics de l'habitat (OPH) ou certains réseaux publics. Le parc privé présente des enjeux particuliers auxquels plusieurs types d'opérations permettent d'apporter des réponses (OPAH, OPATB, programme Habiter mieux de l'ANAH).

La prise en compte des enjeux énergétiques par les collectivités territoriales se matérialise également au quotidien dans l'exploitation des services publics de proximité , en particulier les transports, désormais caractérisés par des déplacements économes en énergie et en émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, les questions énergétiques peuvent concerner les activités de planification et la conduite de grands projets, à l'occasion desquelles les impératifs d'économie d'énergie et de performance énergétique doivent être envisagés (ZAC, éco-quartiers, SCOT, etc.).

Recommandation 4 : Sensibiliser les élus locaux à la capacité d'action énergétique des collectivités territoriales dans le cadre de l'exercice de leurs compétences (exploitation des services publics de proximité ; rôle prescriptif et de planification en matière de logement et d'habitat, de transport, d'aménagement de l'espace, de développement économique, de gestion des espace agricoles et naturels) en utilisant la fonction de maitrise d'ouvrage et d'aménagement .

c) Les collectivités territoriales comme acteurs pédagogues : la fonction incitatrice et de conseil

Les élus locaux ont également une capacité d'action par l'incitation et la pédagogie . Cette fonction joue sur des leviers plus indirects, comme la sensibilisation ou le financement de dispositifs ayant pour objectif d'orienter certains comportements vers une plus grande efficacité énergétique.

Pour être efficace, la stratégie énergétique des territoires doit prendre en compte le triptyque sobriété, efficacité et énergies renouvelables. C'est sur ces trois aspects que les collectivités territoriales peuvent développer des actions incitatrices :

- la sobriété , d'abord, en cherchant à réduire les consommations énergétiques grâce à un changement des comportements . Privilégier l'alimentation locale en évitant ainsi le transport de denrées sur de longues distances est une illustration de cette stratégie ;

- l'efficacité énergétique , ensuite, en cherchant à optimiser les consommations énergétiques , notamment grâce aux innovations technologiques, comme par exemple les compteurs communicants, dans une approche aussi bien d'intérêt particulier que collectif, puisque cela a pour effet de diminuer la demande en pointe d'appel ;

- la production d'énergies renouvelables , enfin, qui permet d'avoir recours à une énergie proche, permettant d'éviter son transport, souvent à faible intensité carbone (par exemple la géothermie) et toujours créatrice d'emplois locaux.

Les élus locaux peuvent donc développer des actions d'information et de sensibilisation pour une meilleure maîtrise de l'énergie au sein même de la collectivité dont ils assurent la gestion en s'engageant dans la réalisation d'un schéma régional Climat-Air-Énergie (SRCAE) et, dans le cadre d'un plan climat-énergie territorial (PCET), d'un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Votre rapporteur estime que cette mission des élus locaux ne doit pas être sous-estimée car, à travers la mobilisation de ces outils, ceux-ci disposent d'un vrai rôle de structuration et de mise en cohérence des différentes stratégies énergétiques . Dans ce domaine, les « Maisons de l'énergie » créées dans les territoires, par exemple, illustrent la capacité incitatrice des élus locaux, et sont un succès car elles permettent à un public plein de bonne volonté mais souvent désemparé car confronté à une surinformation trop théorique, de disposer d'une structure dédiée au conseil 67 ( * ) en économie d'énergie et à la mise en valeur des énergies locales.

Dans ces démarches de sobriété énergétique, souvent par l'exemple proche, les collectivités territoriales sont d'ailleurs éligibles aux certificats d'économies d'énergie 68 ( * ) . Elles en bénéficient pour les initiatives conduites sur leur propre patrimoine ou dans le cadre de leurs compétences, initiatives qui permettent la réalisation d'économies d'énergie par l'initiation et le soutien aux actions de maîtrise de l'énergie adaptées aux enjeux locaux. Votre rapporteur appelle l'attention des élus sur l'intérêt de ce dispositif et les encourage à l'utiliser au maximum .

Recommandation 5 : Développer la fonction incitatrice et de conseil des collectivités territoriales en encourageant les élus locaux à devenir des acteurs pédagogues en matière d'énergie (encouragement des changements de comportement de consommation énergétique ; développement d'actions d'information et de sensibilisation dans le cadre de « Maisons de l'énergie » ; etc.)

d) Les collectivités territoriales comme producteurs d'énergies locales et comme autorités concédantes

Les élus locaux ont aussi une capacité d'action par le développement des énergies locales, essentiellement par la chaleur . En effet, les collectivités territoriales disposent de la compétence de distribution de l'énergie et peuvent promouvoir des capacités de production d'énergies renouvelables permettant de soutenir la diversification du mix énergétique de notre pays, de créer des emplois locaux et de diminuer la facture énergétique.

Les collectivités peuvent donc constituer un puissant levier de développement des énergies renouvelables 69 ( * ) : éolien, solaire, biomasse, géothermie, biogaz, valorisation énergétique des déchets, etc. Ces énergies sont encore insuffisamment développées sur notre territoire, si l'on souhaite se conformer à l'objectif européen du « paquet climat-énergie » qui vise à porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie d'ici 2020.

En la matière, les réseaux de chaleur 70 ( * ) , par exemple, présentent l'avantage de participer à l'essor de ces nouvelles énergies tout en permettant des économies d'échelle et des réductions des émissions de gaz à effet de serre, 70 % de l'énergie étant utilisée aujourd'hui sous forme de chaleur. En effet, en général les réseaux de chaleur vendent une énergie moins chère que les réseaux d'électricité ou de gaz auxquels ils se substituent, représentant une baisse de la facture d'énergie de l'ordre de 20 % pour la collectivité ou les particuliers. Il s'agit donc d'une « bonne affaire » pour les budgets des collectivités et des ménages.

Les collectivités territoriales peuvent en effet réaliser , selon diverses modalités définies par le CGCT, des installations en vue d'alimenter des réseaux de chaleur , notamment en application de l'article 3 de la loi du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur. Il s'agit toutefois d'une compétence optionnelle, puisqu'aucune collectivité n'a l'obligation d'établir sur son territoire un service public de distribution de chaleur. C'est également une compétence non exclusive puisque des réseaux peuvent être créés par d'autres acteurs, y compris des acteurs privés. Par ailleurs, cette compétence peut être transférée à un groupement de collectivités. Dès lors qu'une collectivité (ou un groupement) exerce cette compétence, le chauffage urbain mis en place est qualifié de service public 71 ( * ) .

Votre rapporteur est convaincu que les réseaux de chaleur constituent un outil de mobilisation des énergies renouvelables mobilisable dans les territoires et permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre . Le développement des réseaux de chaleur permet d'éviter l'usage massif de chauffage électrique à effet Joule, qui pose des difficultés aux producteurs d'électricité, comme EDF, par exemple lorsqu'il s'agit de gérer les pointes de consommation. En effet, celles-ci peuvent générer l'importation d'électricité de l'étranger mais surtout elles nécessitent la mise en fonctionnement de capacités de production d'électricité fortement émettrices de gaz à effet de serre, car provenant de centrales thermiques. Au contraire, les réseaux de chaleur offrent un intérêt général d'économie d'énergie, de création d'emploi locaux et de production d'énergie moins chère.

Les réseaux de chaleur et de froid en France

Le syndicat national du chauffage urbain (SNCU) recense 418 réseaux de chaleur et 14 réseaux de froid (enquête 2009), répartis sur 350 villes et s'étendant sur 3 300 km. Ce recensement inclut tous les réseaux d'une puissance supérieure à 3,5 MW (soit environ 3 000 équivalents-logements), ainsi que certains réseaux moins puissants, souvent alimentés par de la biomasse. Ces petits réseaux bois ne sont pas aujourd'hui recensés de manière exhaustive, même si en 2010 l'association de collectivités AMORCE estime leur nombre à environ 470. Au total, les réseaux de chaleur distribuent aujourd'hui 5 à 6 % de la chaleur consommée dans le résidentiel et le tertiaire en France.

Dans certains pays d'Europe, essentiellement au nord et à l'est, les réseaux de chaleur assurent une part bien plus importante des besoins de chauffage : 60 % au Danemark, 95 % en Islande, 52 % en Pologne, 50 % en Suède et en Norvège, etc.

Les énergies fossiles (majoritairement le gaz) sont aujourd'hui largement dominantes dans l'approvisionnement des réseaux français. Les énergies renouvelables et de récupération apporte 31 % de l'énergie. Si on exclut la chaleur issue de l'incinération d'ordures ménagères pour ne considérer que le bois et la géothermie, ce pourcentage tombe à 8 %. L'émission moyenne de CO 2 des réseaux de chaleur est de 0,190 kg/kWh (contre 0,180 pour l'électricité, 0,234 pour le gaz et 0,384 pour le charbon).

Les réseaux de chaleur desservent actuellement environ 2,1 millions d'équivalents-logements, majoritairement dans des zones urbaines denses. Le résidentiel consomme 57 % de la chaleur livrée, tandis que le tertiaire (y compris les services) en consomme 36 %. Plus de la moitié des logements raccordés sont des logements sociaux. Dans le secteur tertiaire, 60 % de la chaleur sont consommés par les bâtiments publics des secteurs hospitalier, scolaire et militaire. En ce qui concerne les réseaux de froid, les principaux utilisateurs sont les immeubles de bureaux et les établissements recevant du public, tels que les centres commerciaux, les musées, les hôtels...

La répartition géographique de ces réseaux reste hétérogène : sur les 432 réseaux recensés, 120 se situant région parisienne, alors que la région Rhône-Alpes en compte environ 50. Les autres régions comptent moins de 20 réseaux, voire moins de 10 pour certaines. On note une présence des réseaux plus marqués dans le Nord et l'Est que dans le Sud et l'Ouest du pays. Ces disparités régionales peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs, notamment la rigueur climatique, la densité de population et la présence d'agglomérations importantes.

Surtout, les élus doivent parier sur le développement des énergies locales en raison des avantages qu'elles procurent en rapprochant la production de la consommation . Ces énergies, produites localement (panneaux photovoltaïques, éoliennes, cogénération au bois ou au biogaz), peuvent même encourager certaines collectivités à devenir des territoires à énergie positive 72 ( * ) . C'est dans cette perspective, que la production d'énergie doit être adaptée aux contextes territoriaux . Votre rapporteur ne croit pas, en effet, en un mix énergétique uniforme, en raison de la diversité des besoins et des ressources locales à exploiter .

Le modèle énergétique de demain, qui fera obligatoirement place à la proximité, sera un modèle dans lequel produire localement permettra de consommer localement , au moins en partie. Mais le stockage d'énergie n'étant pas mûr du point de vue des technologies actuelles, il restera indispensable pour les collectivités, de disposer à court et moyen termes d'une interconnexion large au réseau (intégration dans le système national et européen), condition indispensable de la sécurité d'alimentation et de la solidarité entre les territoires .

Recommandation 6 : Attirer l'attention des élus locaux sur la capacité des collectivités territoriales à être un puissant levier de développement des énergies renouvelables au niveau local et dans le cadre de leurs compétences de distribution et de production , en privilégiant en particulier les réseaux de chaleur .


* 63 Les écoles et les mairies représentent près de 60 % de la consommation des bâtiments dans les communes de moins de 2000 habitants (données EDF Collectivités).

* 64 Selon les données 2010 de l'INSEE, 3,8 millions de ménages dépensent plus de 10 % de leurs revenus en énergie et 3,5 millions déclarent souffrir du froid dans leur logement.

* 65 Dans le cadre du Plan bâtiment durable.

* 66 Cette différence s'explique par l'utilisation, pour le chauffage, de l'électricité provenant de l'énergie nucléaire, non émettrice de gaz à effet de serre.

* 67 Par la sensibilisation à la question énergétique, on y apprend par exemple comment économiser l'énergie à travers les bons gestes au quotidien, quelles sont les techniques d'isolation et de construction, les alternatives aux énergies fossiles, l'actualité de la recherche mais aussi le rôle primordial des collectivités dans ce domaine.

* 68 Depuis 2006, les fournisseurs d'énergie sont soumis à l'obligation d'aider leurs clients à réaliser des économies d'énergie. Les économies correspondantes sont matérialisées et comptabilisées par des certificats d'économie d'énergie.

* 69 Cf. annexe 4 « Des démarches exemplaires de développement des énergies renouvelables dans nos territoires ».

* 70 À Dunkerque, par exemple, l'énergie de déperdition d'une aciérie est récupérée pour le réseau de chaleur urbain. L'alimentation du réseau de chaleur de la ville par captation de chaleur industrielle est un exemple unique de ce type de récupération énergétique en France.

* 71 Compte tenu de ses modalités de fonctionnement, ce service public revêt un caractère industriel et commercial.

* 72 De plus en plus de territoires s'engagent aujourd'hui dans cette voie : la vallée de la Drôme, avec son projet de Biovallée (projet d'aménagement et de développement initié en 2010) ; la communauté de communes du Mené, dans les Côtes-d'Armor, qui vise l'indépendance énergétique en 2030 ; ou encore la commune de Tramayes, en Saône-et-Loire, commune pilote des territoires à énergie positive.

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