Rapport n° 782 (2012-2013) de M. Jean-Jacques LOZACH , fait au nom de la Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage, déposé le 17 juillet 2013

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N° 782

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Rapport remis à Monsieur le Président du Sénat le 17 juillet 2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juillet 2013

Dépôt publié au Journal Officiel - Édition des Lois et Décrets du 18 juillet 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête sur l' efficacité de la lutte contre le dopage (1),

Tome I : Rapport.

Président

M. Jean-François HUMBERT,

Rapporteur

M. Jean-Jacques LOZACH,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Humbert , président ; M. Jean-Jacques Lozach , rapporteur ; M. Alain Dufaut, Mme Chantal Jouanno, MM. Michel Le Scouarnec, Stéphane Mazars, Alain Néri, Jean-Vincent Placé, vice-présidents ; M. Dominique Bailly, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, M. Ronan Kerdraon, Mme Danielle Michel, MM. François Pillet, Bernard Saugey, Michel Savin, Jean-Marc Todeschini.

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

Soixante-cinq auditions, cinq déplacements, plus de cent personnes entendues en cinq mois de travail : la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a effectué un travail considérable.

Votre président estime que le sujet le méritait pleinement :

- d'une part, la lutte contre le dopage est un enjeu de santé publique important et un impératif pour préserver les valeurs du sport ;

- d'autre part, le phénomène du dopage est difficile à aborder et constitue une problématique sur laquelle la parole se libère avec le temps et par un dialogue serein .

Votre président s'est donc attaché à ce que l'ensemble des personnes auditionnées soient interrogées sans complaisance mais avec respect . De même, chaque membre de la commission d'enquête a eu la possibilité, dans un climat consensuel, d'exprimer son point de vue et de poser les questions qui lui tenaient à coeur.

Il s'est en outre fixé comme objectif que la commission d'enquête soit à la fois précise et équilibrée dans ses investigations. Il croit y être parvenu à travers l'organisation d'auditions de personnalités du monde sportif, bien évidemment concerné au premier chef par la problématique du dopage, mais aussi de médecins, d'institutionnels, d'universitaires ou encore d'anciens ministres des sports et de journalistes.

S'agissant des sportifs, la commission s'est, là aussi, appliquée à effectuer des choix justes , avec le souhait de ne pas stigmatiser telle ou telle discipline. Il s'agissait d'un prérequis auquel la commission n'a pas dérogé.

Votre président croit avoir bien rempli cet objectif, puisque les représentants de nombreux sports ont laissé entendre qu'ils avaient été particulièrement ciblés ! Ce sentiment d'injustice partagé reflète bien à son sens la difficulté du milieu sportif à aborder cette problématique sensible, mais surtout la capacité de la mission à lever le voile sur des pratiques qui, sans être généralisées, concernent en revanche tous les sports et tous les pays, à tous les niveaux et à tous les âges .

Il n'en reste pas moins que la discussion sur les pratiques dopantes n'était pas le coeur de mission de la commission d'enquête : il s'agissait aussi et surtout de formuler des propositions visant à améliorer la lutte contre le dopage .

Votre président a la conviction que la commission n'a pas failli. Tous les sujets ont été abordés, sans tabou ni précipitation, et des propositions pertinentes ont été émises, au service d'un sport sain et éthique.

INTRODUCTION DU RAPPORTEUR

Mesdames, Messieurs,

Si le dopage est aussi ancien que le sport, la lutte antidopage a quant à elle longtemps été négligée, faute de moyens ou faute de conviction .

Toutefois, depuis la fin des années 1990 et l'affaire Festina dans le cyclisme, les pouvoirs publics, au niveau français puis au plan international, se sont pleinement saisis de la question de la lutte antidopage.

Plusieurs principes de base ont présidé à cette lutte :

- celle-ci ne saurait être circonscrite à un seul sport . Elle doit, au contraire, se placer dans une approche transversale non seulement de la compétition sportive, concernée par ce type de dérives, mais aussi plus globalement de la pratique sportive, y compris amateur ;

- elle remplit un double objectif, à la fois éthique et sanitaire .

En effet, la lutte contre le dopage est un des aspects de l'équité sportive . Dès lors que le sport est basé sur la fixation de règles que chacun s'engage à respecter, le dopage trouble les hiérarchies normalement établies par les entraînements et les compétitions 1 ( * ) . La lutte contre le dopage vise donc à ne pas créer une hiérarchie sportive faussée , fondée sur la capacité des athlètes à trouver les produits les plus performants et la capacité de chacun à potentialiser leurs effets.

Le dopage recouvre ensuite un enjeu sanitaire . La plupart des produits dopants, notamment les médicaments qui font l'objet d'un mésusage, ont des effets néfastes sur la santé des sportifs, à court, moyen ou long terme. Ces conséquences suffiraient à justifier la lutte antidopage, si le dopage était réservé aux sportifs professionnels. Mais, la prise de produits interdits pour améliorer ses capacités physiques est une pratique courante, y compris de la part des amateurs . Et même si ces usages ne sont pas de même nature que ceux connus dans le monde professionnel, les risques d'extension du dopage des professionnels aux amateurs rendent particulièrement nécessaires l'intervention des pouvoirs publics.

Votre commission d'enquête s'est pleinement inscrite dans cette double vision de la lutte antidopage comme enjeu sanitaire et sportif. De même a-t-elle souhaité que son champ d'analyse puisse couvrir l'ensemble des disciplines sportives 2 ( * ) , dans un souci d'équité bien évidemment, mais surtout afin d'avoir une bonne connaissance des pratiques dopantes, qui sont de facto universelles 3 ( * ) .

Elle a néanmoins approfondi sa réflexion en constatant que :

- le sport s'inscrivant de plus en plus dans l'économie du spectacle, avec pour corollaire l'injection massive d'argent dans de nombreuses disciplines, la lutte antidopage doit à la fois être à la hauteur de ces enjeux et prendre elle-même des accents financiers si nécessaire, notamment en termes de sanctions ;

- le dopage s'accompagne enfin de problématiques relatives à la protection de l'ordre public . En effet, les pratiques dopantes sont rendues possibles par un trafic de produits médicamenteux, sur notre territoire, mais aussi au niveau international. Un arsenal pénal spécifique a donc été mis en place afin de permettre aux enquêteurs de mieux remonter les filières et constitue l'un des moyens les plus efficaces de lutte contre le dopage.

Face à de telles problématiques, votre rapporteur avait établi une feuille de route précise, dans le cadre des objectifs fixés par la proposition de résolution n° 344 (2012-2013) du groupe socialiste, déposée au Sénat le 8 février 2013, à l'origine de la création de la commission d'enquête.

Un peu plus de cinq mois après l'adoption de cette résolution, votre rapporteur pense avoir réussi à remplir les objectifs fixés initialement : travailler sur un état des lieux du dopage, faire le bilan de la lutte antidopage, donner un éclairage sur les enjeux internationaux et formuler des propositions.

I. Le difficile état des lieux des pratiques dopantes

Selon la proposition de résolution précitée, votre commission d'enquête devait en premier lieu mener un travail de vérité sur la réalité des pratiques dopantes , « afin à la fois de dépassionner le débat public sur le sujet et de définir des objectifs pragmatiques de lutte contre le dopage ».

À cet égard, force est de reconnaître que, si la commission d'enquête a partiellement contribué à la libération de la parole sur le sujet, au cours d'une année 2013 rythmée par les déclarations sur le dopage, elle n'a pas complètement permis de libérer la parole sur l'usage de produits dopants .

Cependant, en croisant les tables rondes ouvertes, les témoignages publics et à huis clos et en examinant scrupuleusement les données chiffrées dont les agences antidopage disposent, votre rapporteur est parvenu à la conclusion que, si des risques pèsent davantage sur tel ou tel sport, du fait des habitudes établies, des calendriers des compétitions, ou encore de la légèreté de la lutte antidopage menée, le dopage traverse toutes les disciplines et à tous les niveaux de performance .

De nombreuses données issues de la recherche universitaire ou des laboratoires d'analyses ont aussi été fournies. Les échos des différentes affaires judiciaires, relayés par la presse et la littérature des « repentis » ont quant à eux livré de précieuses informations.

Votre rapporteur a pu constater que le fait de parler de dopage ne nuit pas au sport, mais contribue au contraire, à moyen et long terme, à lui redonner ses lettres de noblesse . L'application de la loi du silence sur le sujet transformerait l'activité professionnelle en jeux du cirque et à une perte de valeur symbolique des compétitions, sans compter les effets dévastateurs sur la pratique amateur.

Les années 2000 ont ainsi été une période importante de révélations, notamment dans le cyclisme avec les ouvrages d'Erwann Menthéour 4 ( * ) ou de Philippe Gaumont 5 ( * ) , ayant pour conséquence le renforcement des contrôles et de la prise en main du problème. Aux États-Unis c'est le rapport Mitchell, après le scandale Barry Bonds, qui a joué le rôle de révélateur et a permis de faire naître la problématique de l'antidopage. Ce sont bien les révélations qui vont faire avancer la lutte, car on ne traite pas un problème que l'on ne connaît pas .

C'est pour cette raison que votre rapporteur s'est donné tous les moyens de disposer d'informations sur la réalité des pratiques , et qu'il estime tout à fait nécessaire pour libérer la parole sur le sujet, de les diffuser auprès du public. Dans cette perspective et avec l'accord des membres de la commission d'enquête, il a fait notamment le choix de publier en annexe du rapport les bordereaux de prélèvement des Tours de France 1998 et 1999 qui lui ont été transmis par le ministère des sports.

Enfin des éléments très documentés permettent de constater la réalité des dangers encourus par les personnes qui se dopent , donnant un caractère très parlant aux déclarations du professeur Jean-Paul Escande, relayées par le juge Delegove, selon lesquelles « le dopage crée pour la santé, dans l'immédiat, à moyen et à long termes, des dégâts sans doute extrêmement graves. Le degré de probabilité de la réalisation de ces risques n'est pas connu faute de recul mais l'existence de ceux-ci paraît incontestable ».

II. Le bilan des politiques antidopage : les moyens utilisés par votre commission d'enquête

Votre commission d'enquête s'était ensuite fixée pour objectif d'établir un bilan de la politique de lutte contre le dopage mise en place depuis le début des années 1990, tant du point de vue de l'arsenal législatif et réglementaire, que de la pertinence des politiques publiques instaurées. À cet égard, devait être mené un travail d'archéologie législative, d'une part, et d'écoute des acteurs de l'antidopage, d'autre part.

L'organisation de nombreuses auditions , donnant la parole à tous les acteurs des compétitions sportives (sportifs actuels et retraités, entraîneurs, médecins, organisateurs de compétitions, fédérations nationales et internationales, organisations antidopage, pouvoirs publics) a permis d'éclairer les politiques passées et actuelles et d'établir un diagnostic précis de la pertinence de la lutte antidopage. Le caractère public de ces auditions a en outre offert à chacun des participants la possibilité d'interagir au fur à et à mesure de leur avancée . Ce dialogue à distance, via la commission d'enquête, a été fructueux et a considérablement fait avancer les connaissances des sénateurs.

Les visites au laboratoire de Châtenay-Malabry ou au siège de l'Oclaesp ont aussi donné une connaissance concrète des actions menées par nos acteurs.

Enfin, votre rapporteur tient à souligner la qualité de la coopération des personnes auxquelles des pièces ont été demandées , sur la base des pouvoirs d'enquête prévus par l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires 6 ( * ) .

Le ministère des sports a tout d'abord apporté des réponses extrêmement complètes aux demandes qui lui ont été faites, permettant à la commission d'enquête de s'appuyer sur des documents d'archives jusqu'ici inexplorés. L'Agence française de lutte contre le dopage a en outre été très largement mise à contribution et a fourni avec célérité et sincérité l'ensemble des pièces demandées. Les fédérations sportives nationales 7 ( * ) ont enfin pleinement joué le jeu de la commission d'enquête, en transmettant à votre rapporteur des procès-verbaux d'assemblée générale ou des statistiques, qui n'avaient pas à l'origine vocation à être rendus publics.

III. Dopage mondialisé et lutte antidopage

Votre rapporteur était également missionné pour apporter des informations sur l'internationalisation du dopage et l'organisation de la lutte au niveau mondial .

Grâce à des déplacements ciblés, aux États-Unis, en Suisse, et en Espagne 8 ( * ) , mais aussi à l'audition de nombreuses personnalités étrangères 9 ( * ) , votre commission d'enquête est parvenue à réunir des éléments permettant d'enrichir son analyse , notamment sur les trafics de produits dopants, de comparer notre politique de lutte antidopage à des modèles différents, et ainsi de constituer des points d'appui pour la réflexion sur les aménagements à apporter à notre législation. Les enseignements tirés ont été incorporés au sein du rapport, quand leur mention apparaissait particulièrement pertinente.

Une attention particulière a aussi - forcément - été donnée à l'affaire Armstrong, point de départ de la commission d'enquête.

Les enseignements de l'affaire Armstrong sont doubles , sur la réalité du dopage d'une part, et sur les moyens de la lutte antidopage, d'autre part :

- ce n'est pas parce que les contrôles sont négatifs que les sportifs contrôlés ne sont pas dopés (certaines substances ou méthodes ne sont pas détectables, d'autres connaissent des fenêtres de détection assez courtes, des stratégies de contournement ont enfin été mises en place par les sportifs). La réalité du dopage ne peut donc pas être basée sur les statistiques de l'antidopage. À cet égard, votre commission d'enquête préconise que des outils complémentaires de connaissance de la réalité du dopage dans le sport soient développés, permettant à la fois de couper court aux fantasmes d'une prise généralisée de substances et de mettre fin aux dénégations répétées de l'existence de cette problématique ;

- l'efficacité de la lutte antidopage passe par la mise en place et la coordination d'un ensemble d'outils de politique publique, allant des contrôles antidopage aux enquêtes policières et douanières. Aux yeux de votre rapporteur, l'affaire Armstrong n'est au demeurant pas celle du « programme de dopage le plus sophistiqué, professionnel et réussi, jamais vu dans l'histoire du sport » 10 ( * ) mais bien celle de la sanction la plus sophistiquée, professionnelle et réussie, jamais vue dans l'histoire de la lutte antidopage .

En effet, l'élément déclencheur de l'enquête est un contrôle positif de Floyd Landis à la testostérone après la 17 e étape du Tour de France 2006. La tentative par le coureur de discréditation du laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) de Châtenay-Malabry, auteur de l'analyse, le conduit ensuite à commanditer un piratage informatique qui fait l'objet d'une enquête préliminaire du parquet de Nanterre. Les poursuites sportives et judiciaires menées contre lui placent ensuite le coureur dans une situation, notamment financière, extrêmement difficile, qui le conduit à faire des révélations sur Lance Armstrong, lesquelles entraînent l'ouverture d'une enquête fédérale, à laquelle succède enfin l'investigation menée par l'Agence américaine antidopage aboutissant à la suspension à vie du coureur américain.

Concrètement, la sanction est donc l'aboutissement d'une coopération très intense entre les autorités antidopage et les services de police français et américains , avec l'utilisation de l'ensemble des pouvoirs mis à leur disposition par l'arsenal juridique de la lutte contre le dopage.

La question qui se posait dès lors aux pouvoirs publics français est celle de savoir si notre cadre législatif et réglementaire est suffisamment complet pour aboutir à de tels résultats, dans l'ensemble des disciplines qui connaîtraient des pratiques similaires.

IV. Les propositions de la commission d'enquête : les sept piliers de la lutte antidopage

Votre rapporteur avait enfin, et même surtout, comme objectif de faire des propositions afin améliorer l'efficacité de la politique antidopage . Sur ce point, il a été aidé par l'imagination, souvent fertile, des personnes auditionnées, mais aussi par une analyse poussée des problèmes existants.

Les soixante propositions du rapport sont ainsi, pour certaines, défendues de longue date par les parlementaires ; d'autres sont totalement inédites, car construites sur la base d'informations très nombreuses, parfois fournies à huis clos ou dans des documents confidentiels.

Votre rapporteur considère qu'elles ont toutes vocation à être mises en oeuvre , même si certaines, dont le caractère est international, prennent davantage la forme de recommandations.

Elles sont présentes tout au long du rapport , au fil de l'analyse, qui permet à la fois d'éclairer leurs sources et de préciser leur nature. Néanmoins, votre rapporteur a également considéré qu'elles pouvaient être réunies dans sept grandes rubriques qui constituent les axes majeurs de la lutte antidopage : l'amélioration de la connaissance du dopage, sa prévention, la politique de contrôles, la qualité des analyses, la nature des sanctions, les contours de la pénalisation et enfin l'importance de la coopération, maître mot d'une politique antidopage efficace.

PROPOSITIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE : LES SEPT PILIERS DE LA LUTTE ANTIDOPAGE

1. Connaître


• Mettre en place une commission « vérité et réconciliation », sous l'égide du mouvement sportif, faisant le jour sur les pratiques dopantes actuelles et passées dans le sport (Proposition n° 1) .


• Autoriser et financer la réalisation d'études épidémiologiques rétrospectives susceptibles d'améliorer l'état actuel des connaissances relatives au recours au dopage et aux risques sanitaires encourus (Proposition n° 7) .


• Identifier au sein des statistiques relatives aux infractions ayant donné lieu à condamnation les cas relevant de faits de dopage (Proposition n° 8) .


• Mener régulièrement un travail de recherche universitaire sur l'état du trafic de produits dopants en France, sur le modèle du rapport Donati et Paoli (Proposition n° 10) .


• Faire établir par les fédérations une analyse des risques de dopage
propres à chaque discipline (Proposition n° 36) .

2. Prévenir


• Mettre en place une charte antidopage dans tous les établissements d'activités physiques et sportives (Proposition n° 3) .


• Inclure dans la stratégie de prévention du dopage un programme de contrôles à visée éducative (sans sanction) visant les non-licenciés (Proposition n° 4) .


• Renforcer la formation et la sensibilisation des futurs et actuels médecins à la question du dopage au cours de la formation initiale et continue (Proposition n° 5) .


• Mettre en place des conventions entre l'AFLD et les associations de sport scolaire dans le second degré (UNSS et UGSEL) portant sur des actions de prévention du dopage (Proposition n° 12) .


• Mettre en place des campagnes de sensibilisation spécifiques sur les risques liés à la prise de produits dopants dans les salles de musculation (Proposition n°13) .


• Relancer des commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage, animées par les correspondants antidopage interrégionaux (Proposition n° 14) .


• Confier à l'AFLD la responsabilité des AMPD (Proposition n° 15) .


• Donner la possibilité à l'AFLD d'interdire aux sportifs de collaborer
avec certains médecins ayant participé à des pratiques dopantes (Proposition n° 2) .


• Rétablir le monopole des AMPD en matière d'attestation avant remise de licences pour les sportifs sanctionnés (Proposition n° 16) .


• Rationaliser la carte des AMPD et assouplir leur cadre d'implantation (Proposition n° 17) .


• Mieux informer sur l'existence du numéro vert au sein des AMPD et des EAPS (Proposition n° 18) .


• Confier à l'AFLD la compétence en matière de prévention du dopage,
en la chargeant de la coordination des politiques régionales, de l'animation des AMPD via son correspondant interrégional, et de la gestion du numéro vert (Proposition n° 19) .


• Rattacher clairement la surveillance médicale réglementaire à la prévention du dopage, en transmettant les résultats au département des contrôles de l'AFLD et en permettant à ces résultats d'alimenter le passeport biologique (Proposition n° 20) .


• Instaurer une procédure de validation des calendriers sportifs par le ministère sur la base des risques pesant sur la santé des sportifs (Proposition n° 21) .


• Fixer un « droit au repos » pour les joueurs, que pourraient faire valoir devant le juge les sportifs, leurs syndicats ou les autorités publiques (Proposition n° 22) .


• Transformer l'Agence française de lutte contre le dopage en Agence de prévention et de lutte contre le dopage (Proposition n° 23) .


• Créer un département de la prévention du dopage au sein de l'AFLD, dont les orientations seraient définies par le comité d'orientation scientifique (Proposition n° 52) .

3. Contrôler


• Définir toutes les compétitions se déroulant en France comme nationales par défaut, sous réserve de la communication par la fédération internationale d'une liste des manifestations internationales qu'elle entend contrôler (Proposition n° 28) .


• Assurer une spécialisation des préleveurs antidopage agréés en réduisant leur nombre et en renforçant leur formation permanente (Proposition n° 25) .


• Instaurer, au niveau de l'AMA, une procédure d'accréditation ou d'agrément international des préleveurs (Proposition n° 26) .


• Soutenir auprès de l'AMA la limitation de la compétence des fédérations internationales aux seules manifestations sportives dans l'organisation desquelles elles sont réellement impliquées (Proposition n° 27) .


• Soutenir auprès de l'AMA une durée maximale pendant laquelle les Onad n'ont pas de compétence de contrôle autonome sur une compétition internationale (Proposition n° 28) .


• Soutenir auprès de l'AMA qu'il soit permis aux Onad de contrôler une compétition internationale sans approbation de la FI ni de l'AMA dès lors que la FI n'entend pas exercer sa compétence (Proposition n° 30) .


• Systématiser les conventions entre l'AFLD et les fédérations internationales en vue de partager les programmes de contrôles sur les manifestations internationales (Proposition n° 31) .


• Augmenter la part des contrôles inopinés dans le total des contrôles de l'AFLD (Proposition n° 32).


• Prévoir, dans les sports collectifs professionnels, une localisation collective de l'équipe pendant la saison et une obligation individuelle pour l'ensemble des joueurs hors saison (Proposition n° 33) .


• Spécifier, au sein des contrôles hors compétition, ceux réalisés de façon inopinée, conformément à la définition du code mondial antidopage ( Proposition n° 35 ).


• Prévoir une transmission prioritaire des résultats du passeport aux autorités antidopage avant transmission aux athlètes ( Proposition n° 37 ).

4. Analyser


• Élargir le champ des substances recherchées dans le cadre des analyses (Proposition n° 39) .


• Prévoir une mission de l'Inspection générale de la jeunesse et du sport sur le fonctionnement du laboratoire national de Châtenay-Malabry, ainsi que sur la pertinence et les modalités de son adossement à une université (Proposition n° 40) .


• Soutenir auprès de l'AMA la suppression de la distinction entre les méthodes et substances interdites en permanence et celles qui le sont uniquement en compétition ( Proposition n° 6 ).

5. Sanctionner


• Confier à l'AFLD le pouvoir de sanction dès la première instance (Proposition n° 41) .


• Porter à quatre ans la durée de suspension en cas de prise de produits dopants lourds (Proposition n° 43) .


• Prévoir des sanctions pécuniaires systématiques dès lors qu'est prononcée une suspension de deux ans ou plus (Proposition n° 44) .


• Porter à 100 000 euros le plafond des sanctions pécuniaires envisageables pour un sportif (Proposition n° 45) .


• Attribuer à l'AFLD le produit des amendes financières (Proposition n° 46) .


• Mettre en place un mécanisme de repentis afin d'améliorer l'efficacité générale de la lutte contre le dopage (Proposition n° 57) .


• Permettre à l'AFLD de prononcer des sanctions collectives à l'encontre des équipes ayant fait l'objet de plus de deux sanctions individuelles au cours d'une même saison (Proposition n° 47) .


• Développer les sanctions sur la base d'éléments de preuve non analytiques (Proposition n° 48) .


• Créer une commission des sanctions, distincte du collège, chargée
de prononcer les sanctions disciplinaires sur la base des dossiers instruits par l'Agence (Proposition n° 49) .


• Élargir le profil du président de l'AFLD en lien avec la diversification des missions de l'Agence (Proposition n° 50) .


• Transformer le département des contrôles en département
des investigations et du contrôle (Proposition n° 51) .


• Soutenir auprès de l'AMA le retrait du pouvoir de sanction des fédérations internationales à l'encontre des sportifs internationaux (Proposition n° 42) .

6. Pénaliser


• Pénaliser la détention de produits à l'encontre des personnes pratiquant un sport dans le cadre d'un établissement d'activité physique et sportive (APS) (Proposition n° 9) .


• Étendre la possibilité pour les douanes de recourir à des « coups d'achat » en matière de produits dopants (Proposition n° 11) .


• Encourager l'adoption par l'Union européenne de directives d'harmonisation en matière de lutte contre le trafic de produits dopants (Proposition n° 60) .

7. Coopérer


• Prévoir une coordination nationale, en matière de lutte antidopage, chargée notamment d'analyser des résultats des différentes commissions régionales (Proposition n° 58) .


• Préciser à l'article L. 232-20 du code du sport que les informations impliquant des faits de dopage sont systématiquement portées à la connaissance de l'Oclaesp et que la communication des informations relatives aux faits de dopage est formalisée par une convention entre chacun des acteurs (Proposition n° 55) .


• Prévoir que l'AFLD est destinataire de tous les procès-verbaux de garde à vue des personnes soupçonnées d'avoir commis un des délits prévus par les articles L. 232-9, L. 232-10, L. 232-25 et L. 232-26 du code du sport (Proposition n° 56) .


• Suggérer à l'AMA de recommander aux membres de communiquer le point de contact en charge de la répression pénale du dopage au niveau national (Proposition n° 59) .


• Mettre en place 8 correspondants antidopage interrégionaux, au sein des directions régionales, mis à la disposition de l'AFLD à temps plein (Proposition n° 24) .


• Inciter l'AFLD à passer des conventions avec les principales fédérations aux fins d'organiser l'échange de données de localisation (Proposition n° 34) .


• Partager les données avec les équipes chargées du renseignement,
afin de mener une analyse qualitative des résultats en les croisant,
notamment, avec les données de localisation (Proposition n° 38) .


• Systématiser la transmission au département des analyses de l'AFLD d'un échantillon de produits dopants ou suspectés de l'être lorsqu'ils sont saisis par les services douaniers ou tout autre service répressif (Proposition n° 54) .


• Élargir l'assiette de la taxe « Buffet » et en affecter la recette,
sous plafond, à l'AFLD de manière à assurer un financement paritaire
subvention / taxe affectée. (Proposition n° 53) .

PREMIÈRE PARTIE - LE DOPAGE : UN ENJEU ÉTHIQUE ET SANITAIRE

I. LE CONSTAT D'UN PROBLÈME PERSISTANT

A. LE DOPAGE DES SPORTIFS, UNE RÉALITÉ DIFFICILE À COMBATTRE

1. Un phénomène qui traverse l'histoire du sport

L'histoire du dopage, aussi longue que celle du sport, est marquée par des faits divers parfois tragiques qui surgissent de manière récurrente sur la scène de l'actualité sportive.

Quelque douze ans après le malaise de Jean Malléjac durant l'ascension du Mont Ventoux pendant le Tour de France 1955, consécutif à la prise d'amphétamines, la mort de Tom Simpson réveille pour la première fois fortement les consciences et contribue aux balbutiements de la lutte contre le dopage.

Le rapport d'autopsie du coureur cycliste britannique révèle l'absorption d'amphétamines qui, associées à une chaleur et un effort intenses ainsi qu'à une déshydratation accentuée par la consommation d'alcool, ont emmené la capacité thermorégulatrice de l'organisme au-delà de ses limites, provoquant un collapsus cardiaque.

Le décès de Simpson, à l'âge de vingt-neuf ans, intervient une année après le refus des cinq premiers coureurs du championnat du monde de cyclisme sur route de se soumettre à un contrôle antidopage. Il contribue à la mise en place de la commission médicale du comité international olympique (CIO) qui interdit officiellement le dopage. Il débouche également sur l'introduction en 1968 des premiers contrôles antidopage à l'arrivée de chaque étape de la grande boucle.

Bien que le monde du cyclisme admette lui-même l'existence en son sein d'une « culture du dopage » 11 ( * ) spécifique, les autres disciplines sportives ne sont pas épargnées.

En 1988, le sprinteur canadien Ben Johnson pulvérise le record mondial du 100 mètres aux Jeux olympiques de Séoul (9''79), battant Carl Lewis. Sa performance est invalidée quelques semaines plus tard, l'athlète ayant été testé positif au stanozol , un stéroïde anabolisant.

L'ampleur du scandale incite le gouvernement fédéral canadien à installer la commission d'enquête « Dubin » 12 ( * ) sur le recours aux drogues et aux pratiques interdites pour améliorer la performance athlétique. Celle-ci met au jour les responsabilités des différents acteurs impliqués et pointe notamment le retard pris par la fédération d'athlétisme dans la mise en place de tests de détection du dopage. Elle contribue à l'installation de l'agence canadienne antidopage.

Malgré le très fort retentissement médiatique de ce scandale, l'étendue des pratiques dopantes n'est véritablement révélée au grand public qu'à l'occasion de l' affaire Festina ayant touché le cyclisme professionnel en 1998.

Après l'interpellation à la frontière franco-belge du soigneur de l'équipe, Willy Voet, en possession de plusieurs centaines de doses de produits dopants et stupéfiants (EPO, amphétamines, hormones de croissance, testostérone), le directeur sportif de l'équipe, Bruno Roussel, avoue l'existence d'un système organisé d'approvisionnement des coureurs en produits dopants. À la suite de ces révélations et des aveux de plusieurs coureurs, l'équipe Festina est exclue de la compétition. Le 22 décembre 2000, Willy Voet et Bruno Roussel sont condamnés à des peines de prison.

Quasiment concomitant de l'affaire des « veuves du Calcio » 13 ( * ) , le scandale de la Juventus de Turin met au jour, dans un contexte d'hypermédicalisation du football, l'usage d'EPO (érythropoïétine) par plusieurs sportifs du club entre 1994 et 1998.

La relaxe en 2005 de l'administrateur-délégué (Antonio Giraudo) et du médecin du club (Riccardo Agricola) ne remet pas en cause les conclusions des expertises médicales réalisées au cours du procès : au-delà de la pharmacopée impressionnante retrouvée dans l'infirmerie du club (281 sortes de médicaments, parmi lesquels des stimulants, des antidépresseurs ou encore des corticoïdes), des variations anormales des taux d'hémoglobine sont mises en évidence pour plusieurs joueurs. L'expertise du professeur Giuseppe d'Onofrio, hématologue, conclut à l'utilisation quasi certaine d'EPO ou de transfusions sanguines pour deux joueurs (Conte et Tacchinardi) et très probablement pour six autres footballeurs, parmi lesquels le Français Didier Deschamps, dont le taux d'hématocrite a pu atteindre 51,9 %. Ce niveau laisse supposer une stimulation exogène compte tenu des variations importantes des mesures d'hémoglobine 14 ( * ) .

Autre pays européen, autre scandale. Le 23 mai 2006, le médecin Eufemiano Fuentes et un certain nombre de personnalités du cyclisme sont arrêtés par la garde civile espagnole, au cours de l'opération Puerto . Selon des informations concordantes, le milieu du football serait touché par cette affaire et celui du tennis pourrait l'être également 15 ( * ) .

Cette affaire est symbolique d'une extension à la fois géographique et sportive du dopage. Pourtant, il est difficile de réunir de nouveaux éléments, tant la culture du silence semble être consubstantielle à celle du dopage.

2. Le règne de l'omerta, facteur de complexité de la lutte contre le dopage
a) « Le dopage, c'est les autres »

Bien que les travaux de votre commission d'enquête aient parfois incité à une certaine libération de la parole 16 ( * ) , les différentes informations communiquées à votre rapporteur ont confirmé l'existence indéniable et généralisée d'une « loi du silence » entretenue par le monde sportif lui-même.

À tout le moins l'évocation du dopage dans le sport suscite-t-il fréquemment un malaise et, pour reprendre les termes employés par Michel Boyon, le sujet « a toujours été entouré de beaucoup de mensonges et d'hypocrisie » 17 ( * ) .

Marc Sanson, ajoute que certaines fédérations préfèrent s'accommoder de cette omerta « plutôt que de s'exposer à la réalité du problème et à ses conséquences » 18 ( * ) .

Bernard Amsalem va même jusqu'à révéler que « le dopage constitue un sujet tabou entre fédérations . Il ne fait jamais l'objet de débats au CNOSF (Comité national olympique et sportif français ) » 19 ( * ) .

Tout le dilemme du monde sportif, soumis à des enjeux financiers et politiques qui le dépassent, est en effet de devoir concilier les attentes de la société de consommation avec la promotion des valeurs humanistes censées l'animer (respect, loyauté, solidarité ou encore le dépassement de soi).

Il est particulièrement révélateur qu'à de nombreuses reprises devant votre commission d'enquête d'anciens sportifs ou représentants d'une discipline sportive donnée aient cherché à minimiser l'exposition de leur sport respectif au risque du dopage tout en pointant du doigt d'autres sports qui seraient plus touchés. Ainsi qu'en convient Michel Rieu, « tous les dirigeants de clubs et de fédérations affirment que le dopage est une chose épouvantable mais qu'heureusement le sport dont ils ont la responsabilité est plutôt épargné » 20 ( * ) .

Dans cette optique, Jean-François Lamour, pourtant éminent défenseur de la lutte antidopage, estime par exemple que « l ' escrime est peut-être plus protégée que d'autres pour une raison simple : dans ce sport, l'aspect technique est largement supérieur à l'aspect physique. Le dopage renforce l'endurance comme dans le cas de l'EPO ou améliore la force comme la testostérone ou les corticoïdes, destinés à rendre l'effort répété plus supportable. En escrime, la force physique n'est nécessaire qu'à l'explosion du geste... » 21 ( * ) .

De même, David Douillet affirme qu'« en judo, la victoire dépend heureusement de nombreux paramètres non réductibles à la forme physique : on ne peut gagner sans une technique, un mental, une concentration infaillibles » 22 ( * ) .

Laurent Jalabert juge, au contraire, que « le dopage, ce n'est pas seulement courir vite ou pédaler longtemps. Cela peut aussi concerner, par exemple, la précision du tir ou la lutte contre le sommeil » 23 ( * ) .

Quant à Jean-Marcel Ferret, il assure que « les sports les plus touchés sont des sports énergétiques, où il suffit de prendre certains produits pour améliorer les performances de 20 % à 25 %. Dans le football, la performance physique n'est pas tout. L'intelligence de jeu, la tactique et la technique comptent également » 24 ( * ) .

Dans le même ordre d'idées, Francesco Ricci Bitti souligne que « le tennis est un sport où le dopage n'a pas un impact direct sur la performance » 25 ( * ) .

L'ensemble de ces affirmations tend à être démenti tant par les statistiques (cf. infra ) que par les témoignages recueillis par votre rapporteur , lesquels montrent que les sports de précision ou qui seraient à dominante tactique ne sont pas épargnés par le dopage.

Marc Sanson rappelle ainsi que « pendant plusieurs années, les coureurs automobiles ont utilisé de la tacrine, produit utilisé dans le traitement de maladies comme celle d'Alzheimer, qui permettait de mémoriser les parcours routiers » 26 ( * ) .

Patrick Schamasch reconnaît quant à lui que les bêtabloquants sont susceptibles d'être utilisés dans le golf : « ils abaissent le rythme cardiaque et limitent donc les tremblements, ce qui peut être une aide précieuse dans le petit jeu, le putting. L'interdiction des belly putters à partir de l'an prochain pourrait accroître les risques » 27 ( * ) .

Enfin, Stéphane Mandard rapporte que d'autres sportifs que les cyclistes ont également été soupçonnés d'être les clients du docteur Eufemiano Fuentes, parmi lesquels des footballeurs, des tennismen, des athlètes ou encore des handballeurs. « Après quelques recherches, on pouvait s'apercevoir qu'il n'avait pas seulement sévi dans le milieu cycliste, mais d'abord dans l'athlétisme, avec la fédération espagnole, au moment des Jeux olympiques de Barcelone. J'ai pu m'entretenir avec lui en 2006 et il s'est confié à moi. J'ai eu confirmation qu'il s'occupait aussi de footballeurs de grands clubs » 28 ( * ) .

b) Les effets de la loi du silence

À l'évidence, le contexte d'omerta largement généralisée si l'on en juge d'après la rareté des aveux circonstanciés de la part des sportifs ou des médecins incriminés, rend la recherche de la preuve du dopage particulièrement difficile.

C'est avec une amertume amplement partagée que Marie-George Buffet notait ainsi devant votre commission d'enquête au sujet de l'affaire Armstrong : « on a compté quelques repentis puis, d'un seul coup, tout s'est arrêté. Le grand déballage qui devait avoir lieu à l'UCI, les grands bouleversements annoncés, n'ont pas eu lieu » 29 ( * ) .

Ce déni de responsabilité laisse en outre songeur quant à la capacité du sport à s'autoréguler , c'est-à-dire à faire respecter les règles qu'il a lui-même contribué à s'imposer. Ce phénomène est aggravé par ce que d'aucuns dénoncent comme une consanguinité observée dans plusieurs instances d'encadrement où d'anciens sportifs ayant concouru lors de périodes fortement imprégnées par les affaires de dopage sont censés assumer un rôle d'information, voire de prévention 30 ( * ) .

L'omerta nuit également au travail d'information et de pédagogie indispensable à la lutte contre le dopage, en particulier auprès des jeunes, que ceux-ci se destinent ou non à une carrière de haut niveau.

Dans ces conditions, il n'est pas rare que le dopage fasse l'objet d'un déni de la part des sportifs eux-mêmes , en particulier dans un contexte d'hypermédicalisation de certaines disciplines. Marc Sanson résume ainsi l'absence de tout sentiment de culpabilité chez certains sportifs : « Ils admettent le dopage comme un état de fait qui s'impose à eux et qui fait quasiment « partie du jeu » . On se rappelle la phrase tristement célèbre d'un coureur cycliste lors de l'affaire Festina en 1998, qui avouait s'être dopé " à l'insu de son plein gré " » 31 ( * ) .

Comme l'a également expliqué Erwann Menthéour, coureur cycliste dopé repenti, tout se passe dans son sport comme si les sportifs les plus vulnérables étaient amenés à concevoir dès leur plus jeune âge le dopage comme faisant partie intégrante du système : « dès mes quinze ans, j'ai su que j'allais me doper. J'avais vu mon frère le faire avant moi. Cela revenait à satisfaire les exigences de ce métier » 32 ( * ) . Philippe Gaumont décrit pour sa part cette triste réalité ainsi: « On se baladait avec nos seringues et on les sortait sans aucune pudeur. Pour nous, c'est devenu des objets aussi banals qu'une brosse à dents » 33 ( * ) .

Indépendamment du monde sportif lui-même, l'omerta alimente une certaine ambivalence du public et des médias . Dans une société qui fait la part belle au « sport-spectacle », le public manifeste aisément une certaine incrédulité, refusant de savoir ou de croire. Philippe-Jean Parquet qualifie en ces termes ce qui constitue d'abord un problème de société avant de toucher le sport en particulier : « Le problème réside dans l'attitude des citoyens : comment perçoivent-ils le dopage sportif et les conduites dopantes ? Le travail que je mène avec des directeurs des ressources humaines du secteur privé me conduit à penser que nombre de citoyens ont une conscience altérée du phénomène. Ils sont, pour employer un terme psychiatrique, dans le déni. Ce n'est pas une dénégation : ils savent que le dopage existe, mais ils font comme s'il n'existait pas » 34 ( * ) .

Enfin, le contexte d'omerta dans lequel baigne le dopage complique naturellement le devoir d'information des médias et le travail d'investigation journalistique. Plusieurs journalistes ont évoqué devant votre commission d'enquête leurs difficultés à évoquer les affaires de dopage dans une situation qui les conduit inexorablement à s'opposer à des confrères pratiquant un journalisme de l'événement et du plaisir.

Stéphane Mandard expose la situation en ces termes : « quand on commence à enquêter, on se retrouve vite ostracisé : on casse la belle mécanique . On subit donc des pressions et des intimidations , qui font partie de notre quotidien... » 35 ( * ) .

Pierre Ballester le rejoint : « notre capital ferveur est largement entamé lorsque, dans le dos du prestidigitateur, nous découvrons le secret des tours. Les enquêtes sportives sont en définitive peu nombreuses. La première a été celle de la caisse noire de Saint-Étienne en 1982. Il y a eu ensuite OM-VA en 1993, puis Festina en 1998. Mais le public se moque complètement du dopage ! Selon une récente enquête, 68 % des gens ont intégré l'idée qu'il faisait partie du sport » 36 ( * ) .

Votre rapporteur considère que cette atmosphère empêche en très grande partie au monde du sport d'avancer sur la question de la lutte antidopage . En effet, refuser d'évoquer un problème n'a jamais permis qu'il se règle. Sur ce sujet, la citation d'Émile Zola en exergue de l'ouvrage de Tyler Hamilton sur ses pratiques dopantes est particulièrement bien choisie : « quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse, elle y prend une force telle d'explosion que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle ».

À cet égard, les réactions du peloton cycliste face à la publication du rapport de la présente commission d'enquête sont très surprenantes, d'autant qu'il a été souligné à plusieurs reprises, et les auditions l'ont démontré, que les différentes disciplines seraient traitées sur un plan d'égalité :

- soit elles révèlent une peur que des révélations sur les pratiques actuelles des coureurs soient faites, ce qui serait inquiétant du point de vue du rapporteur ;

- soit elles relèvent de la simple lassitude de l'évocation du dopage dans cette discipline et sur l'épreuve du Tour de France, et c'est étonnant dans la mesure où une prise de parole publique et générale sur le sujet n'a finalement jamais été faite.

Sur ce sujet, votre rapporteur considère quant à lui que, dans la situation actuelle, le silence alimente le doute.

C'est la raison pour laquelle, s'agissant du cyclisme, mais votre rapporteur considère qu'on pourrait l'élargir aux autres sports, une commission « vérité et réconciliation » serait la seule à même de permettre une libération de la parole, de dissiper le climat de suspicion et de repartir sur les bases d'une confiance partagée.

Proposition n° 1 Mettre en place une commission « vérité et réconciliation », sous l'égide du monde sportif, faisant le jour sur les pratiques dopantes actuelles et passées dans le sport

3. La médicalisation de la performance : un contexte porteur d'ambiguïté et de dérives

Compte tenu de la tendance générale à la médicalisation de la société, dont le dopage constitue l'une des manifestations extrêmes, les pratiques dopantes dans le sport peuvent apparaître comme une réalité mouvante difficile à cerner .

Le développement massif des équipements et mesures scientifiques et techniques dans le sport de haut niveau met en échec toute tentative de définition du dopage fondée sur une distinction entre moyens naturels de l'organisme et amélioration artificielle de la performance. Il semble que l'enjeu ne soit plus, en effet, d'établir une ligne de démarcation entre naturel et artificiel mais de définir jusqu'où il faut admettre l'intervention de la science dans le sport et la transformation des corps par la technique.

À cet égard, le classement de certaines substances ou méthodes peut se révéler malaisé. Françoise Lasne ne cache pas son embarras : « Quelquefois, la frontière est très floue. Je pense en particulier aux caissons hypoxiques, utilisés pour provoquer la production par l'organisme d'EPO naturelle. Dans quelle mesure s'agit-il de dopage ?... D'un autre côté, pourquoi ne pas interdire les séjours en altitude, qui ont les mêmes effets ? » 37 ( * ) .

Au regard de ces difficultés, le positionnement de la médecine du sport est en outre particulièrement délicat . L'étendue des missions imparties aux médecins d'équipe pose en effet question. La médecine sportive qui a vu le jour à compter des années 1960 se situe très loin de la médecine de soin familiale traditionnelle, centrée sur le patient à l'exclusion de tout intérêt extérieur. Le médecin d'équipe agit aussi au soutien de la performance dans l'intérêt de son employeur, ce qui brouille les frontières entre ce qui relève du domaine sanitaire et ce qui ressortit au domaine sportif .

À ce sujet, Marc Sanson rappelle que les médecins du sport « sont chargés de « mettre l'athlète en état de concourir » au besoin par n'importe quel moyen et subissent trop souvent des pressions considérables de l'entourage du sportif (famille, entraîneurs, club), voire du sportif lui-même, de la fédération et des partenaires financiers » 38 ( * ) .

À titre d'exemple, Jean-Marcel Ferret, ancien médecin de l'équipe de France de football championne du monde en 1998, indiquait à votre commission d'enquête qu'Aimé Jacquet considérait que « le médecin du sport n'est pas là uniquement pour administrer des soins aux blessés. Il est associé à la préparation athlétique de l'équipe , il a son mot à dire sur les charges de travail, il doit imposer ses convictions en matière de diététique, de récupération, d'horaires. Bref, en dehors des options strictement techniques ou tactiques, je ne vois pas de domaines où le médecin ne puisse et ne doive être, pour l'entraîneur, un partenaire de tous les instants » 39 ( * ) . Cette conception de la médecine du sport est ainsi assez extensive. Jean-Marcel Ferret assume au demeurant avoir été le pilier de la « préparation médico-sportive » 40 ( * ) des athlètes .

Sans revenir sur le rapport institutionnalisé entre la science et le sport, tel qu'observé en ex-RDA ou en ex-URSS, la participation délibérée de certains médecins aux protocoles de dopage aggrave le sentiment d'ambiguïté éprouvé au regard de médicalisation du sport. Comme l'a indiqué l'Académie de médecine, compte tenu du développement de pratiques dopantes d'une complexité croissante, il ne fait nul doute que « les protocoles de dopage actuellement en cours ne peuvent être établis que grâce à la contribution active de scientifiques médecins et pharmaciens » 41 ( * ) .

La mise au jour des scandales et le démantèlement des réseaux de dopage confirment en effet le rôle central joué par certains médecins dans les affaires de dopage organisé (les Italiens Francesco Conconi ou Michele Ferrari, le Belge Éric Ryckaert, les Espagnols Luis Del Moral ou Eufemiano Fuentes ou encore le Français François Belloq). La mise au point des protocoles nécessite un savoir approfondi en pharmacologie ou encore en physiologie de l'exercice pour pouvoir prédire le temps d'élimination des substances, leur fenêtre de détection, la durée de leurs effets et peut également impliquer d'avoir accès à des laboratoires avant les compétitions.

L'existence de ces pratiques de dopage « sous contrôle médical » ne va pas sans affaiblir les efforts de prévention du dopage se fondant sur les risques sanitaires graves encourus qui sont pourtant bien réels, en particulier pour tous les pratiquants jeunes ou amateurs livrés à eux-mêmes.

En dépit des dénégations de certains médecins, nous sommes aujourd'hui bien loin d'une médecine de gestion des traumatismes et des blessures, ce qui doit inciter à la vigilance sur le rôle de l'entourage médical des sportifs .

Selon les informations transmises à votre rapporteur par le Conseil national de l'Ordre des médecins, huit sanctions ont été prises entre 2001 et 2012 par le Conseil national sur la base de la prescription abusive de produits ayant pour objet le dopage sportif.

Ces décisions, souvent prises pour une durée assez courte, mériteraient d'être davantage relayées auprès des autorités antidopage et surtout faire l'objet de mesures préventives auprès des sportifs. Votre rapporteur considère que l'arsenal des mesures conservatoires que l'AFLD peut prendre (article L. 232-23-4 du code du sport) pourrait utilement être complété par la possibilité d'interdire, pour une certaine durée, aux sportifs de travailler avec un certain nombre de médecins ayant participé à des pratiques dopantes.

Proposition n° 2 Donner la possibilité à l'AFLD d'interdire aux sportifs de collaborer
avec certains médecins ayant participé à des pratiques dopantes

B. UNE PRÉVALENCE DU DOPAGE PLUS FORTE QUE LA RÉALITÉ STATISTIQUE

1. Un phénomène qui n'épargne aucune discipline ni aucun pays
a) Des périodes de vulnérabilité propres à la carrière sportive

Les auditions réalisées par votre commission d'enquête et les différents éléments d'informations communiqués à votre rapporteur confirment que toutes les disciplines sportives sont susceptibles d'être confrontées au dopage.

Pas plus que les autres instances de la vie sociale, le sport n'est-il en effet épargné par la « conduite dopante » 42 ( * ) qui menace l'homme face à la compétition, c'est-à-dire par le fait de consommer des produits afin d'affronter un obstacle réel ou ressenti et d'améliorer ses performances dans diverses circonstances (situations sociales ou professionnelles difficiles, examens, compétitions sportives).

Les témoignages recueillis par votre commission d'enquête permettent néanmoins d'identifier quatre périodes de plus grande vulnérabilité propres à la carrière d'un sportif 43 ( * ) :

- la préparation du passage du niveau amateur au niveau professionnel ;

- l'atteinte d'un pic de performance avec la volonté de s'y maintenir ;

- la période de récupération, en particulier lorsqu'elle fait suite à une blessure ;

- la fin de carrière que l'on souhaite différer.

Au-delà des motivations pouvant résulter d'un besoin de reconnaissance (la « gloriole »), de l'appât du gain ou des pressions financières auxquelles sont soumis les sportifs professionnels de haut niveau, ces moments de fragilité exposent en effet le sportif à un risque particulièrement élevé de dopage.

b) Un pourcentage de contrôles positifs qui oscille entre 1 % et 2 % au niveau mondial

Au niveau international, les statistiques relatives aux contrôles antidopage sont rendues publiques chaque année par l'Agence mondiale antidopage (AMA) à partir des chiffres que doivent lui transmettre les laboratoires d'analyses accrédités, les agences nationales antidopage et les fédérations sportives internationales.

Il ressort de ces données, qu'en 2011, parmi le total mondial des 243 193 échantillons analysés, 2 % (4 856) ont fait l'objet d'un résultat soit anormal, soit atypique 44 ( * ) . Ce taux est relativement stable au cours du temps.

La proportion de résultats d'analyses anormaux atteint quant à lui 1,2 % en 2011. Il s'agit du taux le plus élevé depuis 2008.

L'AMA indique que ce pourcentage est un peu plus élevé pour les sports non olympiques (1,5 %) que pour les sports olympiques (1 %).

Pourcentage de résultats anormaux et atypiques constaté par l'AMA
au niveau mondial (sports olympiques et non olympiques)

Année

Nombre total d'échantillons analysés

Nombre d'échantillons présentant un résultat d'analyses anormal*

Pourcentage de résultats d'analyses anormal et de résultats atypiques*

Pourcentage
de résultats d'analyses anormal*

2011

243 193

2 885

2,00

1,19

2010

258 267

2 790

1,87

1,08

2009

277 928

3 091

2,02

1,11

2008

274 615

2 956

1,84

1,08

2007

223 898

4 402

1,97

nc

2006

198 143

3 887

1,96

nc

2005

183 337

3 909

2,13

nc

2004

169 187

2 909

1,72

nc

2003

151 210

2 447

1,62

nc

* De 2003 à 2007, les résultats d'analyses anormaux incluent les résultats d'analyses définis comme atypiques à compter de 2008.

Source: AMA, 2011 Laboratory Testing Figures,
Reported by Accredited Laboratories, Comparison of Years 2003 to 2011

Le système d'information statistique chapeauté par l'AMA demeurant encore largement perfectible, l'interprétation de ces résultats nécessite une double réserve .

En premier lieu, le nombre de résultats anormaux ne correspond pas nécessairement au nombre d'infractions pour contrôle positif car les analyses effectuées par les laboratoires sont soumises à une procédure de gestion des résultats menée par les agences nationales antidopage. Cette procédure vise à vérifier l'existence d'une autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) légitimant la présence de substances ou de méthodes interdites dans l'échantillon. De plus, certains résultats d'analyses anormaux peuvent correspondre à une pluralité de mesures réalisées pour le compte d'un seul et même sportif, au titre par exemple d'études longitudinales s'agissant de la testostérone.

En outre, en l'état actuel des choses, il s'avère impossible de relier les résultats anormaux ni à des autorisations d'usage (AUT), ni à des cas sanctionnés 45 ( * ) . En effet, toutes les organisations antidopage n'utilisent pas la plateforme d'échange d'informations qui permettrait ce rapprochement 46 ( * ) .

À cela s'ajoute, comme l'admet l'AMA, la difficulté de réaliser des comparaisons internationales en raison du défaut de complétude et d'harmonisation des informations transmises par les organisations nationales antidopage et les fédérations internationales, soit parce qu'elles ne couvrent pas toujours la même période, soit parce que certaines d'entre elles ne font état que de leur activité proprement nationale.

En second lieu, il convient de noter que le taux moyen de contrôles positifs cache des disparités assez marquées entre laboratoires . En 2011, le pourcentage de résultats anormaux oscillait ainsi entre 0,29 % pour le laboratoire kazakh et 5,13 % pour le laboratoire indien en passant par 2,79 % pour la France. Le pourcentage de résultats d'analyses anormaux et atypiques s'échelonnait quant à lui de 0,32 % pour le laboratoire kazakh à 5,82 % pour le laboratoire français.

Selon l'AMA, ces disparités s'expliquent notamment par la plus ou moins grande étendue des contrôles inopinés réalisés dans le cadre des programmes nationaux de lutte contre le dopage, par les formes diverses revêtues par la liste des substances interdites en vigueur dans des organisations sportives et des ligues professionnelles non membres du mouvement olympique ainsi que par la place variable occupée par certains sports dans les échantillons analysés 47 ( * ) . Il convient effectivement de garder à l'esprit que de nombreuses disciplines sportives ne font pas l'objet d'un nombre de prélèvements suffisants pour faire apparaître un taux de résultats anormaux statistiquement significatif.

Sous réserve de ces remarques, l'AMA confirme que le dopage traverse l'ensemble du sport, qu'il s'agisse des disciplines olympiques, non olympiques reconnues par le CIO ou bien ne rentrant dans aucune des deux catégories précédentes.

Résultats anormaux constatés par l'AMA
dans les sports olympiques et paralympiques (2009, 2010 et 2011)

2009

2010

2011

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage
de résultats d'analyses anormaux

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage
de résultats d'analyses anormaux

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage
de résultats d'analyses anormaux

Curling

467

0,43

477

0,63

294

3,40

Haltérophilie

7 534

2,10

8 316

2,42

7 693

3,16

Boxe

3 231

1,64

3 874

1,94

3 711

2,37

Sports paralympiques

820

1,34

1 635

1,04

1 198

2,17

Basketball

11 150

1,99

9 575

1,45

7 963

1,76

Cyclisme

21 835

1,46

21 427

1,19

19 139

1,68

Hockey

2 118

1,23

2 275

1,32

1 679

1,49

Sport équestre

462

2,16

723

1,66

747

1,47

Taekwondo

1 679

0,42

1 556

0,71

1 816

1,27

Lutte

4 894

0,96

5 111

1,23

4 486

1,14

Hockey
sur glace

6 065

1,27

5 370

1,27

5 052

1,13

Triathlon

3 262

1,01

3 676

1,09

3 544

1,07

Athlétisme

26 593

0,64

25 013

0,78

23 799

0,98

Handball

3 650

0,85

4 141

0,89

3 149

0,95

Tir à l'arc

975

1,44

1 156

1,47

1 006

0,89

Sports aquatiques

13 995

0,65

13 138

0,69

11 953

0,84

Judo

4 068

0,61

4 068

1,13

4 143

0,84

Voile

856

0,82

795

0,75

804

0,75

Canoë-kayak

3 821

0,60

3 726

0,40

3 554

0,68

Tennis de table

1 066

0,94

985

1,12

1 075

0,65

Ski

5 742

0,61

5 332

0,71

5 334

0,62

Volleyball

5 121

0,80

4 750

0,88

5 008

0,62

Football

32 526

0,50

30 398

0,48

28 578

0,60

Tennis

3 945

0,43

3 638

0,47

3 161

0,54

Gymnastique

2 462

0,73

2 670

0,52

2 368

0,42

Aviron

4 592

0,28

4 424

0,23

4 269

0,37

Patinage

4 346

0,32

3 660

0,27

3 818

0,31

Escrime

1 918

0,42

1 916

0,42

1 792

0,28

Tir

2 630

0,91

2 960

0,54

2 872

0,28

Biathlon

2 148

0,28

1 967

0,00

2 160

0,23

Pentathlon moderne

548

0,36

569

0,70

556

0,18

Badminton

1 175

0,17

1 250

0,24

1 177

0,00

Bobsleigh

1 440

0,14

1 214

0,16

836

0,00

Luge

588

0,51

434

0,00

284

0,00

Source : AMA, Laboratory testing figures, reported by accredited laboratories, overview of results (2011, 2010 et 2009)

Résultats anormaux constatés par l'AMA
dans les sports non olympiques reconnus par le CIO* (2009, 2010 et 2011)

2009

2010

2011

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage
de résultats d'analyses anormaux

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage
de résultats d'analyses anormaux

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage
de résultats d'analyses anormaux

Wushu

453

0,44

298

1,68

177

3,39

Billard

402

3,48

330

4,24

250

2,40

Golf

1 530

2,16

1 619

2,04

1 488

2,08

Squash

400

1,00

559

1,25

364

1,65

Floorball

632

0,47

523

0,96

484

1,45

Course d'orientation

434

0,46

462

0,65

367

1,36

Rugby**

5725

0,68

5 618

1,39

5 553

1,24

Roller sports

705

1,28

843

2,14

791

1,01

Karaté

1 154

1,04

1 078

0,93

1 066

0,84

Baseball

19 560

2,51

18 402

0,70

20 140

0,70

Bowling

437

1,37

347

0,58

319

0,63

Softball

1 080

0,65

1 012

0,69

951

0,63

Cricket

804

0,37

943

0,21

929

0,43

* Ne sont retenus que les sports ayant fait l'objet de plus de 400 échantillons analysés en 2009.

** Les échantillons incluent ceux désignés par « Rugby » et « Rugby Union ».

Source: AMA, Laboratory testing figures, reported by accredited laboratories, overview of results (2011, 2010 et 2009)

Résultats anormaux constatés par l'AMA
dans les autres sports (2009, 2010 et 2011) *

2009

2010

2011

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage de résultats d'analyses anormaux

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage de résultats d'analyses anormaux

Nombre d'échantillons analysés

Pourcentage de résultats d'analyses anormaux

Bodybuilding et fitness

1 400

16,43

1 371

18,09

1 958

10,88

Powerlifting

2 279

3,77

2 786

4,88

2 626

5,03

Kickboxing

431

4,41

342

4,97

350

3,14

Football américain

42 171

0,77

24 225

0,66

22 655

0,70

* Ne sont retenus que les sports ayant fait l'objet de plus de 400 échantillons analysés en 2009.

Source : AMA, Laboratory testing figures, reported by accredited laboratories, overview of results (2011, 2010 et 2009)

Ainsi, parmi les sports olympiques, l'haltérophilie présente, année après année, l'un des taux de résultats anormaux les plus élevés (3,16 % en 2011) .

Les sports d'endurance ne sont pas nécessairement les plus touchés : si le triathlon se caractérise par un taux de résultats anormaux de 1,06 % en moyenne entre 2009 et 2011, le biathlon présente une proportion de résultats anormaux qui se situe entre 0 % et 0,28 % sur la même période.

Des sports comme le tir à l'arc (1,47 % en 2010) ou encore le curling (3,40 % en 2011) ne sont pas à l'abri.

Enfin, les résultats anormaux affectent également les sports paralympiques , en particulier en 2011 où leur taux atteint 2,17 % .

En ce qui concerne les sports non olympiques reconnus par le CIO, une discipline comme le billard présente une proportion relativement élevée de résultats anormaux (4,24 % en 2010 après 3,48 % en 2009). De même, le golf se caractérise par une proportion de résultats anormaux de 2,1 % en moyenne entre 2009 et 2011.

Parmi les sports non olympiques non reconnus par le CIO, les sports de force apparaissent également en première ligne. Il convient en effet de relever un taux de résultats anormaux particulièrement élevé pour le bodybuilding ( 18,09 % en 2010 et 10,88 % en 2011 ), de même que pour la force athlétique (5,03 % en 2011 après 4,88 % en 2010).

S'agissant des substances utilisées, les agents anabolisants représentent la classe de substances la plus fréquemment décelée à l'échelle mondiale, comptant pour 59,4 % de l'ensemble des substances détectées à l'occasion des analyses débouchant sur des résultats anormaux ou atypiques.

L'importance relative des autres classes de substances détectées apparaît ci-après.

Principales classes de substances détectées au niveau mondial en 2011
dans les résultats d'analyses anormaux et atypiques

Source: AMA, Laboratory testing figures, reported by accredited laboratories, overview of results (2011)

c) Contrôles positifs et infractions constatées par l'Agence française de lutte contre le dopage
(1) Disciplines les plus touchées par les résultats d'analyses anormaux

Le département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a établi un classement des sports les plus touchés par les résultats d'analyses anormaux établis par le laboratoire français 48 ( * ) .

Dans cette analyse, ne sont retenues que les huit disciplines pour lesquelles au moins 400 échantillons ont été analysés en 2012. Un même sportif peut avoir fait l'objet de plusieurs prélèvements et donc d'échantillons.

Avec un pourcentage de résultats anormaux s'élevant à 3,91 %, le rugby figure au premier rang du classement. Il est suivi par le football, l'athlétisme et le triathlon. Le handball et la natation présentent quant à eux les pourcentages de résultats anormaux les plus bas (respectivement 1,11 % et 0,96 %).

Il convient de garder à l'esprit que, comme il a déjà été indiqué, le nombre de résultats anormaux n'est pas identique au nombre de cas sanctionnés.

Résultats d'analyses des échantillons urinaires
par discipline sportive en 2012

Sports

Nombre d'échantillons analysés

Résultats

Pourcentage
de résultats anormaux

Anormaux

Atypiques

Rugby

588

23

8

3,91

Football

548

15

1

2,74

Athlétisme

1 164

28

15

2,41

Triathlon

433

10

1

2,31

Basketball

394*

8

2

2,03

Cyclisme

1 812

33

33

1,82

Handball

452

5

1

1,11

Natation

418

4

0

0,96

* Le basketball est également pris en compte car il présente un nombre d'échantillons proche du seuil minimal retenu.

Source : Rapport d'activité 2012 de l'AFLD et audition de Françoise Lasne du 27 mars 2013

Dans ce classement, il est tenu compte de toutes les substances dopantes interdites dans le sport.

Françoise Lasne a indiqué à votre commission d'enquête que « si l'on ne tient pas compte du cannabis, on trouve le rugby en tête de liste ; viennent ensuite l'athlétisme et le triathlon, puis le cyclisme, les cyclistes n'utilisant pas de cannabis. Derrière le cyclisme, nous trouvons la natation, le football, le basketball et le handball » 49 ( * ) .

(2) Répartition par fédération des infractions pour contrôle positif

À l'instar des données internationales centralisées par l'AMA, les statistiques relatives à l'activité disciplinaire de l'AFLD confirment l'universalité de la pratique dopante dans le sport.

Entre 2007 et 2012, les contrôles positifs (1 244 cas au total) représentent près de 85 % des infractions aux règles antidopage constatées par l'AFLD. La deuxième infraction la plus couramment retenue concerne les carences au contrôle (soustraction au contrôle ou bien refus de s'y soumettre ou de se conformer à ses modalités).

Tous les sports sont concernés. Si le cyclisme compte pour 13,7 % de l'ensemble des infractions pour contrôle positif relevées par l'agence, d'autres disciplines parfois moins attendues connaissent également des cas de dopage. Il en va par exemple ainsi de l'équitation (onze cas), de la course camarguaise (cinq cas) ou encore du jeu de balle au tambourin (quatre cas).

La présence du dopage dans le handisport et le sport paralympique est également attestée (treize infractions entre 2007 et 2012).

Le tableau suivant recense les vingt-cinq fédérations (sur un total de soixante-huit fédérations) les plus touchées par les infractions pour usage de produit dopant constatées par l'AFLD entre 2007 et 2012.

Les vingt-cinq fédérations les plus concernées par les contrôles positifs
réalisés sous l'égide de l'AFLD entre 2007 et 2012

Fédération

Nombre total
de contrôles positifs

Proportion moyenne
dans le total
des contrôles positifs

Cyclisme

171

13,7 %

HMFAC*

108

8,7 %

Athlétisme

89

7,2 %

Football

87

7 %

Rugby

81

6,5 %

Handball

60

4,8 %

Basket-ball

58

4,7 %

Hockey sur glace

54

4,3 %

Volley-ball

35

2,8 %

Triathlon

31

2,5 %

Sport automobile

30

2,4 %

Football américain

27

2,2 %

Boxe

26

2,1 %

Pétanque et jeu provençal

25

2 %

Natation

22

1,8 %

Golf

17

1,4 %

Sport universitaire

17

1,4 %

Motocyclisme

16

1,3 %

Ufolep**

16

1,3 %

Sports de contact

15

1,2 %

Tir à l'arc

15

1,2 %

Ski

13

1 %

Handisport

13

1 %

Voile

11

0,9 %

Équitation

11

0,9 %

* Fédération française d'haltérophilie, musculation, force athlétique, et culturisme. Cette dernière discipline rassemble à elle seule près de la moitié des cas (quarante-huit).

** Union française des oeuvres laïques d'éducation physique (la très grande majorité des cas concerne le cyclisme).

Source : AFLD - Section juridique - Statistiques relatives aux infractions
aux règles antidopage constatées de 2007 à 2012

(3) Répartition des substances détectées dans le cadre des infractions

S'agissant des substances détectées dans le cadre des infractions constatées par l'AFLD, les cannabinoïdes comptent pour environ un tiers d'entre elles entre 2007 et 2012. Tous les sports sont touchés, en particulier le football (11,8 % des cas), le rugby (8,8 %), le handball (8,4 %) et le hockey sur glace (8 %).

Les glucocorticoïdes représentent plus d'un cinquième des substances détectées dont la présence est constitutive d'une infraction. Le cyclisme est le plus touché (28,9 % des cas), suivi par l'athlétisme (12,1 %) et le triathlon (7,6 %).

La prise d' agents anabolisants (16 % des substances détectées au titre des contrôles positifs sanctionnés) concerne très majoritairement la fédération française d'haltérophilie, musculation, force athlétique et culturisme, laquelle rassemble à elle seule 64,4 % des cas . Le cyclisme concentre quant à lui un peu plus de 13 % des cas et l'athlétisme et le rugby près de 6 % chacun.

Les stimulants (10 % des substances détectées) sont très présents dans le cyclisme, l'athlétisme et l'haltérophilie.

De nombreuses disciplines sont concernées par l'usage de diurétiques et autres agents masquants , en particulier le culturisme mais aussi le sport automobile ou encore la pétanque.

La consommation de bêta-2 agonistes implique par ordre décroissant : le cyclisme (plus de 33 % des cas), l'athlétisme et le football (9,5 % des cas chacun), le rugby et le triathlon (7,1 % des cas chacun) et la natation (6 %).

Deux fédérations réunissent quasiment à elles seules la totalité des cas de recours interdits aux hormones peptidiques et facteurs de croissance (principalement l' EPO ) : le cyclisme (près de 65 % des cas) et l'athlétisme (21,6 %).

La pétanque et le jeu provençal rassemblent quant à eux près de 43 % des cas d'usage interdit de bêtabloquants . Ils sont suivis du tir à l'arc (14,3 %) et du sport automobile (9,5 %). Ces deux dernières disciplines sont les seules touchées par les infractions liées à la consommation d' alcool .

Enfin, l'usage de narcotiques s'observe principalement dans l' athlétisme et le rugby (21,4 % des cas chacun) ainsi que dans le football (14,3 %).

2. Une réalité statistique qui sous-évalue largement l'ampleur du problème
a) Un constat largement partagé

Il est généralement admis que les statistiques relatives aux contrôles positifs ne reflètent pas la véritable ampleur des pratiques dopantes dans le sport.

L'ancien directeur médical et scientifique du CIO, Patrick Schamasch, le reconnaît volontiers : « Je ne suis pas naïf. La proportion des dopés est supérieure à celle des contrôles positifs (1 % à 2 %) ; sans doute les tricheurs représentent-ils 7 % à 8 % des sportifs » 50 ( * ) . David Douillet en convient également : « C'est sans doute exact, si l'on en juge par les révélations publiées ici ou là » 51 ( * ) .

Plusieurs personnes auditionnées ont également abondé dans ce sens.

Pour Felipe Contepomi, membre du comité des sportifs de l'AMA, « en réalité, seuls les « mauvais » tricheurs sont en définitive convaincus de dopage. Beaucoup de tricheurs échappent aux contrôles antidopage. Seul 1 % environ des contrôles effectués par l'AMA est positif, ce qui montre selon moi leur manque d'efficacité et la capacité de certains sportifs à échapper aux sanctions » 52 ( * ) .

Quant à Laurent Bénézech, il décrit ainsi l'escalade dans laquelle serait actuellement engagé le rugby français : « J'ai le sentiment d'avoir été jusqu'à aujourd'hui le témoin de pratiques relativement localisées. Mais nous assistons depuis quelque temps à un développement épidémiologique de ces pratiques. Dans Le Monde 53 ( * ) , j'ai fait référence à une approche de la performance qui se situe dans la même logique que celle du cyclisme dans les années 1990. (...) Un joueur qui se dope dans un sport collectif a tout intérêt à essaimer sa pratique du moment parmi ses coéquipiers car sa performance individuelle s'inscrit dans une performance collective... Il est aujourd'hui établi que M. Camborde a traité quelques joueurs de Biarritz, dont notamment les anciens Palois. Cela apporte nécessairement un éclairage sur les performances que j'ai pu observer en 2006. (...) Il est impossible que le rugby ne soit pas dans cette logique du dopage : les temps de jeu augmentent, les chocs, l'obligation dans un sport de combat de prendre le dessus physiquement sur l'adversaire, et le fait qu'il faut être performant pour rester dans le Top 14, avec les avantages économiques qui y sont liés, comme les droits télé et les partenariats » 54 ( * ) .

Laurent Bénézech s'alarme en particulier des changements morphologiques importants et rapides de certains sportifs qui laissent pour le moins songeur . Évoquant l'utilisation d'hormones de croissance, il dit n'avoir « trouvé aucune explication scientifique endogène à ces modifications morphologiques hors périodes de croissance. Je ne me les explique que par un apport exogène » 55 ( * ) .

La littérature scientifique corrobore l'idée d'un décalage entre les chiffres officiels et la réalité du dopage . Il en va ainsi d'une étude du laboratoire suisse d'analyses du dopage (LAD) 56 ( * ) , où une délégation de votre commission d'enquête s'est rendue le 7 mai 2013.

Réalisée conjointement avec la fédération internationale d'athlétisme (IAAF), cette enquête propose une évaluation de la prévalence du dopage sanguin chez les athlètes de haut niveau à partir d'un ensemble de 7 289 échantillons sanguins prélevés en et hors compétition auprès de 2 737 sportifs 57 ( * ) . Selon les estimations, le dopage sanguin concernerait une fourchette de sportifs allant de 1 % à 48 % selon les sous-populations d'échantillons analysés. Il toucherait 14 % en moyenne de la population d'échantillons prise dans son ensemble. Selon l'étude, cette plus ou moins grande prévalence s'explique notamment par la nature de la discipline pratiquée (sport d'endurance ou non) mais serait principalement fonction de la nationalité des athlètes.

Une enquête relative aux pratiques dopantes au sein de la ligue de baseball américaine 58 ( * ) , que votre commission d'enquête a également rencontrée, présente, de même, des résultats édifiants.

Il y est fait état de l'utilisation à très grande échelle pendant plus d'une décennie de stéroïdes anabolisants et autres substances dopantes par des joueurs aux profils les plus variés . L'enquête précise qu'en 2003 entre 5 % et 7 % des joueurs de la ligue ont été testés positifs dans le cadre d'une série de contrôles anonymes. Elle indique en outre que ces pourcentages sous-évaluent très probablement la réalité du phénomène, notamment parce que les sportifs savaient qu'ils feraient l'objet d'un contrôle au cours de la saison et que les contrôles ne permettaient pas de détecter le recours aux hormones de croissance.

b) Une explication multifactorielle

Plusieurs séries d'éléments exposés devant votre commission d'enquête contribuent à expliquer les écarts entre les statistiques et les autres formes d'estimation.

En premier lieu, le nombre de contrôles, que ceux-ci soient ou non inopinés, apparaît extrêmement faible par rapport au nombre de manifestations sportives et de sportifs .

Marc Sanson rappelle, à titre d'exemple, que l'AFLD réalise de « 8 à 10 000 contrôles par an pour 16 millions de licenciés, peut-être deux fois plus de pratiquants non licenciés, et plusieurs milliers de compétitions chaque année... » 59 ( * ) .

En outre, la mise en place d'un organisme national antidopage n'est pas une évidence dans tous les pays du monde. Nombre d'entre eux « ne disposent malheureusement pas d'agence nationale de lutte contre le dopage, telle que recommandée par l'AMA . Aucun contrôle à l'entraînement digne de ce nom n'a donc lieu dans ces pays. Dans ces cas, les fédérations sportives internationales doivent assurer elles-mêmes cette tâche. Il va sans dire que seuls les athlètes de pointe de niveau international sont soumis à des contrôles, pour autant que de tels contrôles soient réalisés » 60 ( * ) .

Bruno Genevois ajoute qu'« il serait bon que les fédérations internationales rendent compte à l'AMA de l'effectivité des contrôles qu'elles doivent effectuer, d'un point de vue quantitatif et qualitatif. Nous manquons de données, et je pense que les contrôles sont en-deçà de la réalité du phénomène » 61 ( * ) .

De plus, de nombreux contrôles ne portent pas sur l'intégralité des substances interdites, en particulier l'EPO. Michel Audran le déplore : « Je regrette que l'on ne recherche l'EPO que dans les sports d'endurance, alors qu'elle améliore la performance dans d'autres sports dans la mesure où elle permet de s'entraîner davantage » 62 ( * ) . Bruno Genevois le regrette également et se fait l'écho des chiffres mis en avant par l'AMA : « en 2010, pour 258 267 échantillons, seuls trente-six cas d'EPO ont été détectés. Les sommes consacrées à la détection de cette substance n'ont été que de 6 millions de dollars sur l'année alors qu'il existe quarante variétés d'EPO » 63 ( * ) .

Plus généralement, les moyens investis dans la lutte contre le dopage apparaissent sans commune mesure avec l'argent en circulation dans le sport. S'alarmant d'une érosion de ces moyens, l'AMA indique que la somme allouée aux programmes antidopage dans le monde s'élève à environ 300 millions de dollars par an, soit seulement 0,25 % des 120 milliards de dollars que génère l'industrie du sport chaque année 64 ( * ) .

En deuxième lieu, l'imprévisibilité des contrôles inopinés demeure trop souvent théorique. Le directeur du département des contrôles de l'AFLD a en effet indiqué à votre commission d'enquête avoir recueilli le témoignage d'anciens coureurs dopés repentis expliquant qu'ils étaient toujours prévenus de l'arrivée des préleveurs. Et d'ajouter qu'« actuellement, lorsqu'on effectue un contrôle à 6 heures du matin, on entend toutes les chasses d'eau fonctionner et on ne recueille jamais la première miction, alors que c'est celle qui nous intéresse ! Certains sportifs sortent même de leur chambre avec un coton à l'avant-bras ! » 65 ( * ) .

Bruno Genevois relate également les déconvenues de Luis Horta, président de l'agence portugaise de lutte contre le dopage, expert de l'AMA sur le Tour de France 2003 : « Il eut la surprise, en se présentant à 6 heures 30 à l'hôtel d'une équipe pour un contrôle inopiné, d'être reçu par le directeur sportif qui semblait l'attendre, et dut patienter 35 minutes avant de pouvoir effectuer un contrôle sur un coureur. On peut s'interroger sur le caractère réellement inopiné des contrôles » 66 ( * ) .

En troisième lieu, plusieurs personnes auditionnées par votre commission d'enquête se sont étonnées du nombre particulièrement élevé d'autorisations d'usage à des fins thérapeutique (AUT) délivrées à l'occasion de certaines compétitions.

Une AUT autorise un sportif à utiliser une substance ou méthode normalement interdite en raison de son caractère dopant. Elle est accordée par une organisation antidopage sur le fondement d'un avis médical.

Or il semble que les AUT de complaisance, susceptibles de dissimuler l'usage d'un produit dopant, ne soient pas chose rare. Pierre Bordry regrettait ainsi qu'« e n 2006, plus de la moitié des coureurs du Tour de France disposaient d'AUT » 67 ( * ) . Laurent Bénézech confirme l'existence d'une « pratique développée des AUT, c'est-à-dire la justification par le médecin d'une prise médicamenteuse, dont il est évident qu'elle sert à la recherche de la performance » 68 ( * ) .

En dernier lieu, de multiples difficultés d'ordre scientifique et technique concourent à la sous-évaluation statistique du dopage dans le sport.

Tout d'abord, en raison de l'ignorance même de leur existence, certaines substances dopantes ne sont pas recherchées . Il en est notamment allé ainsi dans l'affaire Balco aux États-Unis. Le laboratoire Balco produisait un stéroïde anabolisant spécifiquement destiné au dopage d'athlètes. La substance était issue d'une « manipulation chimique de la structure de base de médicaments déjà sur le marché » 69 ( * ) . N'ayant été soumise à aucune procédure d'enregistrement en vue de la mise sur le marché et donc inconnue des laboratoires d'analyses antidopage, elle n'était pas recherchée dans les échantillons urinaires des sportifs.

Ainsi que l'indique Françoise Lasne au sujet du laboratoire d'analyses antidopage de Cologne, « c'est souvent à la suite de saisie des douanes ou d'autorités policières qu'ils ont eu connaissance de nouveaux produits pouvant être utilisés dans le cadre du dopage. Il ne s'agit pas de médicaments » 70 ( * ) .

Au total, Jean-Pierre de Mondenard va jusqu'à dire que « depuis quarante ans, les sportifs prennent des substances que les laboratoires ne trouvent pas, et les laboratoires cherchent des substances que les sportifs ne prennent pas ! » 71 ( * ) .

Dans certains cas néanmoins, les accords passés avec l'industrie pharmaceutique permettent aux laboratoires d'analyses de prendre connaissance d'une nouvelle molécule potentiellement dopante avant sa mise sur le marché 72 ( * ) .

Cette collaboration n'en est cependant qu'à ses balbutiements et repose en grande partie sur le bon vouloir des entreprises pharmaceutiques contraintes d'accepter une entorse à confidentialité des données cliniques : « ce n'est pas une stratégie d'organisation professionnelle mais plutôt une décision volontaire d'entreprises » 73 ( * ) .

En outre, les petites entreprises de biotechnologies échappent largement à cette coopération et le risque de fuite dont peuvent faire l'objet leurs secrets industriels ne peut être entièrement écarté. Le détournement de molécules en voie de commercialisation constitue ainsi une menace bien réelle 74 ( * ) .

Ensuite, la mise au point des méthodes de détection a toujours un temps de retard sur l'apparition de nouvelles substances ou l'ingéniosité des protocoles de dopage.

Certaines substances ou méthodes interdites mais dont l'existence est connue demeurent, au moins temporairement, indétectables. Dans ce contexte où les avancées technologiques offrent aux pratiques dopantes des possibilités sans cesse plus larges, la lutte contre le dopage s'apparente d'abord à une course contre la montre. À compter du moment où l'EPO commercialisée est devenue détectable, des substances analogues d'EPO ont par exemple été développées et utilisées à des fins de dopage.

Aujourd'hui, au-delà des transfusions sanguines autologues qui restent difficilement décelables, « les substances indétectables, ce sont les médicaments utilisés pour le bodybuilding : l'ACE-031, inhibiteur de la myostatine dont les essais cliniques ont été arrêtés ; la follistatine, objet d'un essai clinique depuis 2012 en vue d'une thérapie génique ; le CJC 1295, dont la demi-vie est de plusieurs jours, toujours à l'étude clinique ; les nouvelles formes d'IGF-1. Aucun de ces produits n'est recherché lors des contrôles antidopage, le laboratoire de Cologne est le seul capable de les détecter » 75 ( * ) .

S'agissant des substances détectables, la sophistication des protocoles de dopage accroît la difficulté. Utilisation d'un cocktail de substances microdosées, jeu sur les fenêtres de détection de plus en plus étroites alors que les effets des substances utilisées se prolongent ou encore dissimulation de substances par des produits masquants spécifiques : les méthodes de contournement sont nombreuses 76 ( * ) .

À cela s'ajoute la possibilité pour certains clubs « de faire tester tous les joueurs par des laboratoires d'analyses afin de savoir si les protocoles sont respectés » 77 ( * ) .

Enfin, un certain nombre de contrôles qui débouchent sur un résultat négatif sont en fait des « faux négatifs ».

D'une part, des produits masquants accélèrent ou retardent l'élimination des substances interdites et permettent d'avoir des contrôles faussement négatifs. À cet égard, l'Académie de médecine met en garde contre l'existence de seuils de détection urinaire particulièrement élevés concernant, notamment, le salbutamol et les glucocorticoïdes, ce qui « conduit les laboratoires d'analyses à ne pratiquement plus déclarer de « résultats anormaux » pour ces substances. On peut s'interroger sur la signification physiologique de ces seuils qui ne tiennent compte ni de la pharmacologie ni de la pharmacocinétique des substances concernées » 78 ( * ) .

Au regard de ces difficultés, Jean-Pierre de Mondenard conclut qu'« un contrôle négatif n'est jamais la preuve de l'absence de dopage » 79 ( * ) .

D'autre part, l'AMA reconnaît elle-même qu'il est difficile de connaître l'effectivité des contrôles réalisés par les organisations antidopage de chaque pays. Il existe en effet une présomption que, dans le doute, certains laboratoires préfèrent parfois déclarer un échantillon négatif que de courir le risque de le déclarer faussement positif et de mettre ainsi potentiellement en jeu leur accréditation.

3. Les sportifs amateurs et les non-licenciés : des pratiquants particulièrement touchés

Le dopage est loin d'être l'apanage des sportifs professionnels. Les informations concordantes communiquées à votre rapporteur permettent en effet d'établir l'importance du dopage chez les sportifs amateurs, en particulier les jeunes, mais aussi chez les non-licenciés.

Dans ce dernier cas, la situation est d'autant plus alarmante qu'en l'état actuel du droit cette catégorie de sportifs échappe aux dispositions du code du sport afférentes à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

a) L'importance des conduites dopantes chez les sportifs non professionnels, en particulier les jeunes

Plusieurs personnes auditionnées par votre commission d'enquête ont attiré son attention sur la situation des sportifs non professionnels particulièrement exposés aux pratiques dopantes.

Jean-Pierre Verdy décrit la situation ainsi : « Les amateurs sont libres. J'avais demandé s'il était possible d'intégrer les amateurs dans le groupe cible. Ce qui se passe chez les amateurs est très grave. Les produits utilisés sont les mêmes que chez les professionnels, mais ils le sont de manière anarchique et en quantité impressionnante : on a vu un père injecter à son fils deux à trois fois la dose d'EPO que reçoivent les professionnels. Lorsqu'on se déplace sur le terrain, lors des compétitions, on voit les parents remplir des bidons, casser des ampoules et utiliser de la poudre » 80 ( * ) .

À cet égard, Marc Sanson indique que le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD) puis l'AFLD ont mené à partir de 2005 des actions de sensibilisation auprès des sportifs amateurs. Celles-ci consistaient à faire passer aux participants du marathon de Paris et de l'étape du Tour de France Mondovélo, sur la base du volontariat, des tests urinaires rapides par bandelette portant sur un nombre restreint de substances interdites. La proportion de cas positifs n'est pas sans importance : selon Marc Sanson, près de 5 % des échantillons se sont révélés positifs à des dérivés de morphine, de cannabis, aux amphétamines et aux méthamphétamines. 81 ( * )

Votre commission a également été alertée sur l'étendue du dopage chez les générations les plus jeunes .

Michel Rieu a notamment fait état d'une étude menée au sein du CPLD au sujet du sport scolaire et qui montrait que « près de 10 % des jeunes avaient été confrontés, à un moment ou à un autre, au problème du dopage. La proportion de jeunes ayant avoué avoir consommé des produits dopants était de deux sur dix, ce qui n'est pas négligeable » 82 ( * ) .

Patrick Laure indique pour sa part qu'il a été démontré « tant au plan national que régional, que 3 % à 5 % des jeunes sportifs affirment avoir déjà consommé une substance interdite au cours des six derniers mois » 83 ( * ) .

b) Un phénomène qui touche des pratiquants qui échappent aux dispositions du code du sport en matière de lutte contre le dopage

Il a également été signalé à votre commission l'ampleur du dopage chez toute une série de pratiquants sportifs non-licenciés qui ne sont pas couverts par les dispositions du code du sport en matière de dopage.

En effet, le code mondial antidopage ne définit le sportif que par un renvoi soit aux fédérations internationales, soit aux dispositions nationales 84 ( * ) .

Or, les non-licenciés échappent aux dispositions législatives françaises en matière de lutte contre le dopage car ils ne remplissent aucune des deux conditions alternatives posées par le code du sport à son article L. 230-3, à savoir participer ou préparer :

- soit à une manifestation sportive organisée par une fédération agréée ou autorisée par une fédération délégataire ;

- soit à une manifestation sportive internationale.

Le secteur des non-licenciés demeure ainsi très peu contrôlé alors qu'il semble être le terrain de ce qui pourrait s'apparenter à un « dopage de masse ».

D'après différentes sources venues témoigner devant votre rapporteur, les établissements d'activités physiques et sportives (EAPS) sont sans doute les plus exposés aux abus de ce type, s'agissant en particulier des personnes qui s'adonnent à des activités de musculation ou de culturisme. Ces pratiquants ne sont la plupart du temps pas licenciés d'une fédération sportive agréée (en l'occurrence, la fédération française d'haltérophilie, de force athlétique, de musculation et de culturisme) 85 ( * ) .

Michel Audran mentionne ainsi la montée en puissance de nouvelles formes d'hormones de croissance spécialement conçues pour le dopage (R3-IGF-1, Long R3-IGF-1, IGF-IEc), qui circulent dans les salles de bodybuilding : « j'en ai eu la preuve il y a dix jours dans le sud de la France » 86 ( * ) .

Laurent Bénézech affirme également avoir découvert l'ampleur de pratiques dopantes dans le milieu du culturisme à l'occasion de ses passages dans une salle de musculation lorsqu'il était contraint de s'entraîner loin de son équipe : « pour des raisons économiques, les salles de musculation étaient également devenues des lieux de revente des produits illicites achetés en Espagne, sous la forme officielle de plans d'entraînement » 87 ( * ) .

Selon une source venue témoigner à huis-clos devant votre commission d'enquête, chaque EAPS en France serait en effet un lieu de vente, voire de consommation, de produits dopants.

Différentes estimations portant sur le marché des produits dopants pointent le rôle joué par le bodybuilding dans la circulation de ces produits. Swissmedic évalue à titre d'exemple à plus de 50 000 les colis contenant des médicaments importés illégalement en Suisse chaque année. « En 2010, les autorités douanières ont confisqué aux frontières pas moins de 1 861 envois de médicaments. Il s'agissait de stéroïdes anabolisants dans 10 % des cas et ils étaient en grande partie destinés à des adeptes du bodybuilding » 88 ( * ) .

Compte tenu de ces éléments, votre rapporteur considère que l'amélioration de la prévention des pratiques dopantes chez les non-licenciés doit constituer l'un des axes forts de la politique de lutte contre le dopage.

C'est pourquoi il appelle de ses voeux la mise en place d'une charte antidopage dans tous les EAPS . L'engagement à respecter les règles ainsi établies pourrait constituer l'une des conditions d'utilisation de ces infrastructures sportives.

Dans ces mêmes établissements, des actions de prévention reposant sur des contrôles à visée pédagogique réalisés sur la base du volontariat pourraient en outre faire partie intégrante de la stratégie nationale de prévention des pratiques dopantes.

Proposition n° 3 Mettre en place une charte antidopage dans tous les établissements d'activités physiques et sportives (EAPS) et soumettre l'accès à ces établissements à l'adhésion de cette charte

Proposition n° 4 Inclure dans la stratégie de prévention du dopage un programme de contrôles
à visée éducative (sans sanction) visant les non-licenciés

c) Un défaut d'information et de sensibilisation des médecins généralistes

Le problème du dopage chez les sportifs non professionnels est d'autant plus grave que les professions médicales auxquelles ceux-ci sont susceptibles de faire appel souffrent d'un défaut de formation en la matière.

En vertu de l'article L. 232-3 du code du sport, les médecins sont soumis à une triple série d'obligations lorsqu'ils sont amenés à déceler des signes évoquant une pratique du dopage :

- le refus de délivrer tout certificat médical d'absence de contre-indication à la pratique sportive ;

- l'obligation d'informer le patient des risques que celui-ci encourt et de lui proposer soit de le diriger vers une antenne médicale de prévention du dopage (AMPD), soit de lui prescrire des examens, un traitement ou un suivi médical ;

- et la transmission obligatoire au médecin responsable de l'AMPD des constatations faites, cette transmission étant couverte par le secret médical.

Selon l'article L. 232-4 de ce même code, la méconnaissance par le médecin de l'obligation de transmission ou le fait même d'administrer une substance dopante interdite sans justification thérapeutique sont passibles de sanctions disciplinaires devant les instances compétentes de l'Ordre des médecins.

Or, votre commission d'enquête a pu constater une large méconnaissance des règles antidopage au sein de la profession médicale, la liste des substances et méthodes interdites étant, de son aveu même, peu connue et jugée difficile d'usage.

Le président de la section santé publique et démographie médicale du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) confesse que « la plupart des médecins méconnaissent la liste des médicaments interdits. Ces questions sont absentes des enseignements, et les programmes de développement professionnel continu (DPC) - nouveau nom de la formation continue obligatoire depuis le 1 er janvier 2013 - relatifs aux enjeux de santé publique et de développement économique n'en font pas plus grand cas ». Il se dit préoccupé par « l'inadéquation de l'enseignement universitaire à la pratique médicale ».

S'il reconnaît que la lutte contre le dopage constitue l'un des volets de la mission de service public qui incombe au Conseil de l'Ordre, il indique qu'il s'agit d'un sujet « sur lequel le Cnom n'a pas pris position publiquement depuis un certain nombre d'années. Notre dernier document relatif à la lutte contre le dopage date de 2005 et n'avait qu'un usage interne » 89 ( * ) .

Consciente de cette défaillance, l'Académie de médecine préconise d'inclure la problématique du dopage « dans la formation initiale et continue des professionnels de santé qui représentent des vecteurs essentiels de messages de prévention » 90 ( * ) .

Votre rapporteur approuve sans réserve cette recommandation et la fait sienne.

Proposition n° 5 Renforcer la formation et la sensibilisation des futurs et actuels médecins
à la question du dopage au cours de la formation initiale et continue

II. LES OBJECTIFS SANITAIRES, ÉTHIQUES ET D'ORDRE PUBLIC

A. LES DANGERS DU DOPAGE

En faussant les rapports de force objectifs sur le terrain, le dopage met à mal l'intégrité du sport et la crédibilité des sportifs. Il porte préjudice à la noblesse du sport et des compétitions, censés être pour les jeunes une école de la vie .

Il génère en outre autant d'injustices et de déconvenues personnelles qui demeurent difficilement réparables. Qui retient en effet, dans ces affaires, le nom des véritables vainqueurs et les reconnaît à leur juste valeur ?

Votre commission d'enquête a ainsi noté que, nombre de sportifs « propres », anciens ou actuels, ressentaient durement le sentiment d'impunité semblant émaner de compétiteurs bénéficiant d'un avantage indu ou réunissant contre eux des soupçons du dopage. Un ancien champion olympique déclarait ainsi penser « à une athlète française qui a récemment mis un terme à sa carrière. Détentrice de la troisième meilleure performance de tous les temps dans sa discipline, elle n'est devancée que par Florence Griffith-Joyner et Marion Jones, la première décédée très jeune dans des conditions douteuses, la seconde convaincue de dopage... Or cette athlète est propre : on lui a donc volé son argent, ses médailles, sa vie de championne ! C'est un véritable scandale ! » 91 ( * ) .

Partant, les affaires de dopage suscitent régulièrement des appels à la moralisation du sport qui ne manquent pas de rappeler que le dopage constitue une question grave de santé publique . Il en va en effet de l'intégrité physique et psychique des sportifs.

1. Un développement continu des substances et des méthodes interdites

L'histoire du dopage dans le sport est marquée par un développement permanent des substances et pratiques utilisées au cours du temps. Elle est intimement liée à celle du progrès des connaissances médicales et des avancées technologiques.

Dans un premier temps, le dopage s'est surtout cantonné à l'usage détourné de médicaments, d'hormones ou de substances psychoactives. Cet usage coexiste aujourd'hui avec la mise au point de protocoles de dopage particulièrement sophistiqués, voire avec l'apparition de molécules spécialement créées à des fins de dopage.

a) La coexistence actuelle de plusieurs générations de substances détournées de leur usage médical

On distingue schématiquement plusieurs époques dans le recours aux substances détournées de leur usage médical à des fins de dopage.

Après l'utilisation privilégiée au début du siècle dernier de la caféine, de l'alcool, de la nitroglycérine, de l'opium ou encore de la strychnine, se succèdent les « années amphétamines », les « années  anabolisants », les « années testostérone » et les « années EPO ». 92 ( * )

Ainsi que l'indique Jean-Pierre de Mondenard en effet, « à partir des années 1950, les amphétamines ont commencé à pénétrer le monde du sport, l'alpinisme, puis les autres sports comme le football ou le cyclisme » 93 ( * ) . Issues de la « révolution biochimique » des années 1930 et administrées aux combattants de la Seconde Guerre mondiale pour les tenir en éveil, les amphétamines constituent une substance psychotrope aux puissants effets psychostimulants et anorexigènes. Bien que n'ayant plus d'usage thérapeutique aujourd'hui et qu'étant considérées comme une drogue illicite en Europe, elles ont occasionnellement servi au traitement de la narcolepsie et du trouble d'hyperactivité avec déficit d'attention 94 ( * ) .

Dans le sport de haut niveau, selon Patrick Laure 95 ( * ) , l'ampleur du recours aux amphétamines diminue ensuite progressivement en raison de la mise en place de tests de détection mais aussi de la montée en puissance de nouvelles substances agissant de façon plus subtile ou ciblée, tels les diurétiques ou les bêtabloquants, conçus dans les années 1950 et 1960 et se retrouvant dans le sport à partir des années 1970.

Mais la décennie 1970 est surtout dominée par l'usage répandu des stéroïdes anabolisants qui, mis au point à la fin du XIX e siècle, ont fait leur entrée dans le sport dans les années 1950. Les anabolisants permettent l'accroissement de la puissance, de l'agressivité et de la capacité de récupération après une blessure.

Jean-Pierre de Mondenard rapporte ainsi les propos du lanceur de marteau Harold Connolly, champion olympique 1956, devant une commission d'enquête du Sénat américain en 1973 : « Juste avant les Jeux de Tokyo, il semblait qu'autour de moi de plus en plus d'athlètes absorbaient des stéroïdes pour se préparer aux compétitions et l'on avait l'impression de se placer dans une position nettement désavantageuse en ne s'embarquant pas dans le train de la médecine sportive » 96 ( * ) .

Les anabolisants dominent la scène du dopage jusqu'à la fin des années 1980, la manifestation la plus emblématique du recours à cette substance demeurant celle ayant conduit à la disqualification de Ben Johnson à Séoul en 1988.

Parallèlement, se développe le recours à la testostérone car « les risques liés à l'usage de substances synthétiques (stéroïdes anabolisants) ont guidé les athlètes vers des substances hormonales naturelles, dotées des mêmes effets » 97 ( * ) .

À partir des années 1990, l'usage des hormones peptidiques (l'EPO et l'hormone de croissance) se propage. Commercialisée à compter des années 1980 pour le traitement des anémies, par exemple dans le cadre d'une insuffisance rénale, l'EPO favorise l'érythropoïèse, ce qui renforce la capacité de transport de l'oxygène dans le sang et facilite les activités d'endurance.

Interdite depuis 1990, elle n'est détectable que depuis la mise au point, par le laboratoire national français de dépistage du dopage, d'un protocole de détection fiable à partir d'un dosage dans l'urine. Cette méthode a été validée par le CIO peu de temps avant les Jeux olympiques de Sydney.

b) Le recours à des pratiques de complexité croissante et le développement d'une industrie spécifique au dopage

Le détournement d'usage des médicaments, hormones ou substances psychoactives progressivement apparus sur la scène du dopage coexiste aujourd'hui avec la mise au point de protocoles dopants particulièrement sophistiqués.

Les protocoles de dopage reposent notamment sur l'utilisation simultanée de plusieurs substances microdosées et de différentes structures chimiques et sur un jeu d'équilibre subtil entre la durée des effets escomptés et celle de la fenêtre de détection. Michel Audran renvoie à cet égard au « problème des designer drugs , de la courte demi-vie de certaines substances comme les hormones peptidiques, masquées par l'insuline et les boissons sucrées, des faibles doses et de l'empilement de différentes structures, dit stacking » 98 ( * ) , ensemble d'astuces qui rendent la détection plus délicate.

L'un des faits saillants de l'histoire du dopage aujourd'hui est le dévoiement de certaines molécules n'ayant pas fait l'objet d'une mise sur le marché et l'émergence d'une industrie spécifique au dopage.

Michel Audran résume ainsi la situation : « le panorama a changé en l'espace de quelques années. Encore récemment, le dopage se limitait au détournement de médicaments à usage humain ou vétérinaire. De nouveaux produits sont apparus, sans que l'on abandonne pour autant les anciens. La nouveauté, c'est l'utilisation de produits en cours d'essais cliniques, provenant des hôpitaux et surtout d'Internet : dès que la structure d'une molécule est publiée, pour peu qu'elle puisse être reproduite facilement, la substance se trouve sur Internet. On fait désormais usage de substances dont les essais cliniques ont été interrompus, ou qui ont démontré des effets ergogéniques sur l'animal seulement, comme l'Aicar, qui a fait le buzz sur Internet. Une industrie spécifique au dopage s'est installée , avec des designer drugs conçues pour échapper au contrôle et révélées par l'affaire Balco : stéroïdes, testostérone ou encore érythropoïétine (EPO) sont indétectables » 99 ( * ) .

Votre rapporteur note que ces éléments plaident forcément pour un renforcement des enquêtes dans la lutte antidopage à la fois au soutien et en parallèle des contrôles antidopage.

c) Le dopage génétique : une menace déjà bien réelle

Face aux développements importants de la thérapie génique et cellulaire, le « dopage génétique » relève depuis le 1 er janvier 2003 des méthodes interdites aux compétitions et à l'entraînement par le code mondial antidopage.

L'AMA le définit comme le transfert d'acides nucléiques ou de séquences d'acides nucléiques ou bien comme l'utilisation de cellules normales ou génétiquement modifiées ayant la capacité potentielle d'améliorer la performance sportive.

L'Académie de médecine a récemment rappelé que le dopage génétique était loin d'appartenir à la science-fiction 100 ( * ) . Elle fait part en effet de sa plus grande inquiétude quant au développement de produits en phase d'essai clinique au sein de l'industrie pharmaceutique et qui « constituent des agents affectant directement ou indirectement des fonctions connues pour influencer la performance sportive par altération de l'expression génétique. (...) Dans un avenir peut-être proche, on peut craindre que se répandent des techniques déviantes comprenant l'utilisation de cellules normales ou génétiquement modifiées ou le transfert d'acides nucléiques ».

Devant votre commission d'enquête, Michel Rieu a jugé nécessaire de réitérer cette mise en garde : « si on entend par dopage génétique le passage d'un gène actif d'une cellule à une autre à travers, par exemple, un vecteur viral, je pense que nous sommes épargnés, en tout cas dans l'immédiat. Si on définit le dopage génétique comme l'ensemble des procédés pharmacologiques modernes qui infléchissent les voies de régulation, c'est-à-dire qui permettent à un gène d'exprimer en plus ou en moins le produit protéique intéressant, alors le risque de dopage génétique existe déjà . Au laboratoire, nous avons plusieurs exemples de produits qui peuvent jouer ce rôle. Il s'agit de produits non médicamenteux mais dédiés à l'expérimentation et procurés sur Internet, comme par exemple l'Aicar » 101 ( * ) .

En ce sens, le dopage génétique constitue une menace déjà bien réelle.

2. Une liste des substances et méthodes interdites dans le sport qui ne donne pas entière satisfaction

Les substances et méthodes interdites dans le sport sont répertoriées dans la « Liste des interdictions » qui prend la forme d'un « standard international » assorti au code mondial antidopage (CMA).

Cette liste est mise à jour annuellement par l'AMA et entre en vigueur au 1 er janvier de chaque année, la convention internationale contre le dopage dans le sport adoptée à Paris le 19 octobre 2005 et ratifiée par la France lui donnant force contraignante en droit français.

Selon la définition établie à l'article 4.3 du CMA, les substances et procédés figurant sur la Liste des interdictions répondent à au moins deux des trois critères suivants :

- il est scientifiquement avéré que la substance ou la méthode a le potentiel d'améliorer la performance sportive , qu'elle soit utilisée seule ou en combinaison avec d'autres substances ou méthodes ;

- il est scientifiquement établi qu'elle présente un risque réel ou potentiel pour la santé du sportif ;

- son usage est contraire à l'esprit sportif .

Dans les faits, comme l'indique le tableau ci-dessous, la Liste des interdictions se scinde aujourd'hui en trois volets que l'on peut considérer comme autant de listes distinctes :

- les substances et méthodes interdites en permanence ;

- les substances et méthodes interdites uniquement en compétition ;

- les substances interdites uniquement dans certains sports.

Certaines substances sont en outre placées sur le « programme de surveillance » de l'AMA, lequel ne fait pas partie de la Liste des interdictions. Il s'agit de substances que l'agence surveille pour « pouvoir en déterminer la prévalence d'usage dans le sport » (article 4.5 du code mondial antidopage). Ces substances font ainsi l'objet d'un dosage dans les urines lors des contrôles antidopage sans pour autant entraîner de sanctions en cas de résultat positif. En 2013, le programme de surveillance comprend certains stimulants (dont la caféine et la nicotine) et narcotiques mais uniquement en compétition et les glucocorticoïdes mais seulement hors compétition.

Classes de substances et méthodes figurant sur la Liste des interdictions
(au 1 er janvier 2013)

En permanence

En compétition uniquement

Dans certains sports uniquement

S0. Substances non approuvées*

X

S1. Agents anabolisants

X

S2. Hormones peptidiques, facteurs de croissance et substances apparentées

X

S3. Bêta-2 Agonistes

X

S4. Modulateurs hormonaux et métaboliques

X

S5. Diurétiques et autres agents masquants

X

S6. Stimulants**

X

S7. Narcotiques**

X

S8. Cannabinoïdes

X

S9. Glucocorticoïdes***

X

M1. Manipulation de sang ou de composants sanguins

X

M2. Manipulation chimique et physique

X

M3. Dopage génétique

X

P1. Alcool

X

X

P2. Bêtabloquants

X

X

* Il s'agit des substances pharmacologiques non approuvées pour une utilisation thérapeutique chez l'homme.

** Les stimulants et les narcotiques figurant sur le programme de surveillance ne sont pas interdits (cf. infra).

*** Les glucocorticoïdes ne sont interdits que lorsqu'ils sont administrés par voie orale, intraveineuse, intramusculaire ou rectale.

Source : Commission d'enquête à partir de la Liste des interdictions 2013 -
standard international de l'AMA

Votre rapporteur, conforté en cela par les témoignages recueillis par votre commission d'enquête, estime qu'en l'état actuel la Liste des interdictions n'est pas susceptible d'un accueil sans réserve.

À l'évidence, certaines substances d'usage courant sont difficilement classables. Les effets stimulants de la caféine sur le système nerveux central et sur le métabolisme du glycogène ont d'abord justifié sa présence sur la Liste des interdictions entre 1984 et 2003. Étant contenue dans de nombreuses boissons énergisantes et son pouvoir ergogénique étant considéré comme faible, la substance a ensuite été retirée de la liste.

Quant à l'autorisation actuelle de la nicotine, inscrite dans le programme de surveillance depuis 2012, elle peut poser question au regard des témoignages recueillis par votre commission d'enquête. Son usage sous forme de tabac à chiquer ou de petits sachets placés dans le sillon gingivo-labial a été en effet rapporté dans le hockey sur glace, le ski alpin et le biathlon 102 ( * ) . Il ne semble pas faire de doute qu'elle contribue à renforcer la capacité de concentration tout en présentant un effet sédatif.

Votre rapporteur ne souhaite pas porter de jugement sur le bien-fondé scientifique de la présence de telle ou telle substance sur la Liste des interdictions. Il constate néanmoins que les changements successifs et fréquents de la liste , conduisant certaines substances à entrer puis sortir du champ des interdictions et d'autres à ne plus être interdites dans certains sports alors qu'elles l'étaient jusque-là, sont de nature à brouiller le message délivré par la lutte antidopage .

Votre rapporteur regrette en outre la tendance persistante des autorités internationales à maintenir, à chaque révision, une distinction entre les substances interdites en permanence et celles qui ne le sont qu'en compétition. Il rejoint ainsi l'opinion de nombreuses personnalités auditionnées devant votre commission d'enquête.

Marc Sanson insiste en ce sens sur la faible vertu pédagogique de l'absence de doctrine claire et constante : « le fait que certaines substances soient écartées, que la caféine soit placée sur la liste des substances sous surveillance, ou que certains produits dopants soient supprimés pour quelques disciplines sportives et non pour d'autres, n'apparaissent pas comme de bons signaux » 103 ( * ) . Comment expliquer, par exemple, à de jeunes sportifs qu'ils pourront consommer certaines substances hors des compétitions mais non lors de celles-ci ? Ou encore qu'entre 2012 et 2013 certaines disciplines sportives aient retrouvé le droit de recourir aux bêtabloquants 104 ( * ) ?

La distinction de différents champs d'interdiction, qui conduit notamment à autoriser les stimulants et les corticoïdes à l'entraînement est contreproductive sur le plan de la clarté du message antidopage et n'est pas justifiée au fond .

D'une part, le recours à ces substances, en particulier aux amphétamines et aux narcotiques permet d'accroître la charge d'entraînement et contribue à accélérer artificiellement la progression. Michel Audran le confirme : « j'ai vu, dans des affaires judiciaires où j'intervenais comme expert, des sportifs amateurs du " pot belge " - amphétamines et caféine le plus souvent, cocaïne et héroïne étant réservées au " pot belge royal " ! - pour se motiver pour l'entraînement » 105 ( * ) . Les corticoïdes facilitent également la récupération.

D'autre part, de nombreuses substances autorisées uniquement à l'entraînement continuent de produire des effets sur la performance au-delà du délai après lequel elles cessent d'être détectables . Par exemple, le cortisol disparaît du sang en une heure ou deux mais ses effets se font sentir pendant plusieurs heures.

En tout état de cause, votre rapporteur souhaite rappeler que les conséquences de ces substances sur la santé des sportifs sont identiques, quel que soit le moment où elles ont été administrées (en ou hors compétition) .

Pour l'ensemble de ces raisons, et relayant la demande de plusieurs scientifiques auditionnés par votre commission d'enquête, votre rapporteur juge nécessaire d'établir une liste unique des substances et méthodes interdites indépendamment du moment où elles sont utilisées. Il appelle en outre de ces voeux une plus grande constance dans les décisions d'inclusion dans la liste ou d'exclusion de celle-ci des substances concernées.

Proposition n° 6 Soutenir auprès de l'AMA la suppression de la distinction entre les méthodes
et substances interdites en permanence et celles qui le sont uniquement en compétition

3. Des risques sanitaires majeurs

Le défi posé par le dopage à la santé publique constitue une préoccupation centrale de votre commission d'enquête comme de nombreuses personnes auditionnées tant en France qu'à l'étranger.

Le dopage met en effet doublement en danger la santé publique :

- les substances utilisées ont des effets secondaires potentiellement graves et pour la plupart connus, que ces effets résultent directement de leur usage ou indirectement de l'accroissement de la charge de travail permise ;

- le dopage nuit à l'intelligibilité des campagnes de promotion des activités sportives fondées sur les effets bénéfiques du sport sur la santé.

a) L'absence regrettable de données épidémiologiques globales sur l'usage de produits dopants dans le sport

Si les effets indésirables des produits dopants sont connus (voir infra ), il manque à la lutte contre le dopage des indicateurs sanitaires fiables reposant sur des données épidémiologiques précises (mortalité, morbidité...).

Ces données seraient pourtant les seules à même de fournir une évaluation rigoureuse de l'importance des populations touchées par le dopage et des pathologies associées. Patrick Laure affirme que « ces travaux permettraient, en outre, de documenter la dangerosité de certains produits dont la prise est réputée anodine parce qu'elle est courante et qu'elle ne semble pas avoir provoqué d'accident majeur, comme la mélatonine, la créatine ou la DHEA » 106 ( * ) .

En l'état actuel des choses, les études épidémiologiques sont à la fois éparses et parcellaires .

Marc Sanson fait par exemple référence à une enquête sur la durée de vie moyenne des footballeurs américains et qui « a établi que celle-ci tournait autour de cinquante ans. Une autre enquête sur la durée de vie comparée des vainqueurs du Tour de France avant et après la Seconde Guerre mondiale a déterminé qu'auparavant, celle-ci était plus haute que la moyenne - soixante-dix-sept ans ; après la Seconde Guerre mondiale, la proportion s'est inversée, devenant inférieure à l'espérance de vie moyenne des Français » 107 ( * ) .

S'agissant de la consommation d'amphétamines, Jean-Pierre de Mondenard explique quant à lui : « une étude sur les coureurs du Tour de France, que j'ai réalisée avec l'Institut Curie, a montré que l'accidentologie des cyclistes professionnels est deux fois plus élevée que la moyenne, pour deux raisons. Les coureurs passent 20 à 25 heures par semaine sur les routes sur un véhicule qui n'a pas de pare-chocs. Et ils prennent des amphétamines. Celles-ci entraînent aussi des fibroses vasculaires. Dans les années 1970 ou 1990, les coureurs du Tour, tous jeunes, mouraient cinq fois plus d'accidents cardiovasculaires que la moyenne de la population » 108 ( * ) .

D'autres études soulignent les liens potentiels entre les arrêts cardiaques observés chez les haltérophiles et la consommation de stéroïdes anabolisants 109 ( * ) .

Aucune étude épidémiologique d'envergure n'a cependant été réalisée en matière d'usage de produits dopants dans le sport et toute demande en ce sens paraît avoir tourné court. Michel Rieu a en effet indiqué à votre commission d'enquête demander sans succès depuis des années la réalisation d'études épidémiologiques rétrospectives : « on pourrait se servir des dossiers pluriannuels de suivi des sportifs de haut niveau dont dispose l'Insep et qui permettraient de connaître, sport par sport et décennie par décennie, les programmes d'entraînement réalisés et les taux de morbidité, voire de mortalité, observés chez les sportifs. Je n'ai jamais pu obtenir ces dossiers » 110 ( * ) .

Ces données permettraient notamment de distinguer, dans la survenue de pathologies, le rôle joué par le dopage et la part de responsabilité imputable à la nature de l'activité sportive en cause.

C'est pourquoi, il apparaît primordial à votre rapporteur de mieux outiller la lutte antidopage en réunissant toutes les conditions nécessaires à la réalisation d'études épidémiologiques globales et ambitieuses.

Proposition n° 7 Autoriser et financer la réalisation d'études épidémiologiques rétrospectives
susceptibles d'améliorer l'état actuel des connaissances relatives au recours au dopage
et aux risques sanitaires encourus

b) Effets indésirables et toxicité des substances et méthodes dopantes

Étant dans leur grande majorité des médicaments ou des stupéfiants dont les effets indésirables sont connus, les substances dopantes sont toutes porteuses de risques sanitaires à court, moyen ou long terme. 111 ( * )

Les effets indésirables essentiels associés aux principales classes de substances et de méthodes dopantes connues sont récapitulés dans le tableau ci-après.

Bien entendu, la survenue de ces effets secondaires dépend de nombreux facteurs (parmi lesquels la durée de consommation et la quantité utilisée, les conditions d'administration ou encore l'état général du sportif).

Il convient de noter que plusieurs éléments sont de nature à démultiplier les risques encourus :

- l'association de plusieurs substances et pratiques dopantes considérées comme complémentaires dont les effets secondaires sont individuellement connus mais dont on n'ignore parfois les interactions pharmacologiques ;

- l'existence d'une pluralité d'intervenants (médicaux ou non) dans la préparation des sportifs qui peut compliquer le suivi médical d'ensemble.

Objectifs recherchés et effets secondaires
des principales substances et méthodes dopantes connues

Substance ou méthode interdite utilisée

Indication thérapeutique éventuelle

Principaux objectif(s) recherché(s)

Effets indésirables

Accroissement de la masse musculaire

Renforcement des capacités aérobies (endurance)

Résistance
à la fatigue physique
et la douleur permettant notamment un accroissement
de la charge
de travail

Perte de poids

Agent masquant

Anabolisants stéroïdiens

(testostérone notamment)

Traitement de l'hypogonadisme mâle, du retard de croissance,
de l'ostéoporose, des anémies,
du cancer du sein, réparations tissulaires

X

- Troubles du comportement, agressivité

- Dépendance

- Risques cardiovasculaires et carcinologiques

- Rupture tendineuse, déchirure musculaire

- Arrêt de la croissance

- Insuffisance sexuelle

- Problèmes dermatologiques

Hormone de croissance (GH)

Traitement
du nanisme

X

X

- Changements morphologiques
(arrêt de croissance, hypertrophie
des mâchoires et déformations des extrémités)

- Risques cardiovasculaires (cardiomégalie, maladie coronaire, HTA, troubles du rythme) et carcinologiques (cancers du côlon,
de la prostate et du foie)

- Risques métaboliques (insulino-résistance et perturbations lipidiques

- Risques endocriniens : insuffisance thyroïdienne

- Modification des caractères sexuels

Erythropoïétine (EPO)

Traitement
de l'insuffisance rénale ou de certains types d'anémies sévères

X

- Syndromes d'intolérance (fièvre, fatigue intense, frissons, douleurs dans les muscles et les articulations)

- Risques d'accidents thromboemboliques (augmentation
de la viscosité sanguine)

- Arrêt cardiaque

- Diabète

- Cancers

Autotransfusion sanguine

X

- Accidents de transfusion (erreur
de poche, défaut de stérilité, réactions allergiques, transmission d'agents infectieux bactériens ou viraux)

- Augmentation de la viscosité du sang et problèmes cardiovasculaires

Bêta2-agonistes

Traitement
de l'asthme par dilation des bronches

X

X

- Tremblements, maux de tête

- Risques cardiovasculaires et carcinologiques

Stimulants (amphétamines notamment)

X

X

-Troubles comportementaux (décompensation psychiatrique, modification du psychisme, agressivité)

- Dépendance

- Maladies cardiovasculaires consécutives à l'abus d'amphétamines (hypertension artérielle, valvulopathie) ou de cocaïne (cardiomyopathies)

- Épuisement, coup de chaleur, mort

Narcotiques (morphiniques, cocaïne, cannabinoïdes)

Morphine : lutte contre la douleur

X

- Diminution de l'attention, troubles de coordination

- Troubles comportementaux (décompensation psychiatrique, agressivité)

- Dépendance

- Risques de dépendance respiratoire

Glucocorticoïdes

Maladies inflammatoires

X

- Fragilisation de l'appareil musculo-tendineux

- Dépression immunitaire

- OEdèmes et prise de poids

- Insuffisance cortico-surrénalienne

Diurétiques

Insuffisance cardiaque, hypertension artérielle

X

X

- Problèmes rénaux et cardiaques, déshydratation, crampes, hyperglycémie, hypotension

Source : Commission d'enquête (à partir Michel Rieu et Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, Sport et Dopage , 9 février 2012 ; Fondation sport santé, Le dopage et le sport : ça nous intéresse , 2000).

Première classe de substances détectée au niveau mondial d'un point de vue quantitatif, les agents anabolisants ont des effets indésirables bien documentés.

L'étude sur la prévalence du dopage au sein de la ligue de baseball américaine 112 ( * ) rappelle ainsi que le recours aux stéroïdes anabolisants peut engendrer des troubles comportementaux graves, avec un accroissement du risque de suicide, en particulier en cas de privation. Les jeunes apparaissent comme étant particulièrement exposés.

Le danger est d'autant plus important que les athlètes concernés par cette étude consomment des doses très supérieures à celles qui sont généralement administrées dans le cadre d'un usage médical. La consommation y apparaît, en effet, cinq à trente fois supérieure au niveau de testostérone naturellement produit par l'organisme 113 ( * ) .

Enfin, la « rage des stéroïdes », pouvant expliquer certaines formes de violences conjugales 114 ( * ) , est également identifiée comme un risque majeur.

La consommation d'EPO présente, quant à elle, des risques allant de la simple intolérance aux accidents thromboemboliques graves et à l'issue potentiellement fatale. Françoise Lasne rappelle ainsi que « dans ses confessions, le cycliste espagnol Manzano rapporte l'utilisation d'hémoglobine réticulée, destinée à traiter l'anémie chez le chien : mal lui en a pris, puisqu'il a fait une violente réaction à ce produit ! ». De son côté, Gilles Delion souligne que « les coureurs consommateurs d'EPO se trahissent en prenant de l'aspirine chaque soir, de manière à liquéfier le sang, histoire de ne pas mourir dans la nuit » 115 ( * ) .

L'étude susmentionnée du laboratoire suisse d'analyses antidopage (LAD) 116 ( * ) attire également l'attention sur des cas extrêmes de « polyglobulie secondaire » consécutifs au dopage sanguin chez les athlètes de haut niveau. Il s'agit d'une anomalie de la production des globules rouges liée à l'augmentation du taux sanguin d'hormones stimulant l'érythropoïèse et qui conduit à un accroissement de la viscosité du sang.

Plus généralement, les manipulations sanguines comme les homo - ou autotransfusions ne mettent pas les sportifs à l'abri des risques d'erreur de poche, d'incompatibilité entre le sang du donneur et le sang du receveur ou encore de conditions de stérilité douteuses 117 ( * ) .

Par ailleurs, certaines pratiques dopantes sont susceptibles de porter atteinte à l'intégrité corporelle . Il a en effet été signalé à votre commission d'enquête que les « athlètes handicapés n'hésitent pas à recourir à des traitements très douloureux pour exciter la moelle épinière et augmenter la motricité le temps d'une épreuve » 118 ( * ) . L' « hyperactivité autonome » (HRA) ou pratique du « boosting », c'est-à-dire d'automutilation sur des parties insensibles visant à accroître la sécrétion d'adrénaline, a été confirmée par la fédération française handisport elle-même 119 ( * ) . Elle échappe évidemment aux statistiques relatives aux contrôles positifs mais n'en constitue pas moins un enjeu sanitaire de taille.

Les risques de toxicité des substances dopantes récemment identifiées et exclusivement dédiées au dopage ont également été mis en évidence.

Michel Audran fait ainsi part de crainte que « des SARMs (Selective androgen receptor modulators) ne remplacent les stéroïdes anabolisants dont ils n'ont pas l'effet androgénique. On relève des cas de dopage avec ces substances, dont une a été abandonnée en essai clinique à cause de toxicité ».

Il en va également ainsi de l'« Aicar », substance qui n'est pas un médicament, mais est pourtant accessible sur Internet et qui permet de brûler des graisses tout en préservant son tissu musculaire et d'accroître sans efforts sa capacité d'endurance. Elle « entre dans la composition de compléments alimentaires à usage humain alors qu'il est très toxique lorsqu'il est actif sur le rat » 120 ( * ) .

c) Dopage et toxicomanie

S'il n'existe aucun lien systématique entre les pratiques dopantes et les conduites addictives, le dopage peut entraîner une dépendance, voire constituer une porte d'entrée dans les pratiques toxicomaniaques.

Certains produits se retrouvent en effet à la fois dans les conduites addictives et les toxicomanies. Jean-Pierre Parquet indique par exemple « que la cocaïne, qui améliore la perception du champ visuel et la rapidité de réaction, est très consommée dans les sports de raquette. De même, des études ont révélé que les élèves des grandes écoles consommaient des corticoïdes, à l'instar des sportifs de plus ou moins haut niveau » 121 ( * ) .

Patrick Laure met quant à lui en garde contre la dépendance susceptible d'être entraînée par certains produits dopants tels les stéroïdes anabolisants, les amphétamines et les corticoïdes 122 ( * ) .

Cette inquiétude se nourrit non seulement de témoignages d'anciens sportifs ayant sombré dans la toxicomanie au cours ou après leur carrière mais aussi d'études mettant en évidence des liens entre la pratique physique intensive et la consommation de substances psychoactives.

Décrivant les relations étroites entre dopage et toxicomanie dans le milieu cycliste, Philippe Gaumont déclarait ainsi : « c'est parfois dur de se passer du pot belge, comme ça, du jour au lendemain, car c'est une drogue très puissante. On se l'injecte quand notre corps ressent encore les fatigues de la course et ça l'épuise deux fois plus. Le jour où il faut s'arrêter, une énorme tristesse, proche de la déprime, nous envahit . (...) . Le vélo français est devenu un monde de toxicos » 123 ( * ) .

Le lien entre des comportements addictifs et des antécédents d'une pratique sportive intensive a été établi par des études épidémiologiques. Loïc Sallé et Jean-Charles Basson, renvoient à une enquête conduite en 1997 par le Dr W. Lowenstein au centre Montecristo de l'hôpital Laennec de Paris qui « met en évidence que 20 % des patients accueillis dans le centre de prise en charge des toxicomanes sont d'anciens sportifs de haut niveau. 75 % étaient des hommes pour qui la consommation d'héroïne avait débuté pendant la pratique sportive et s'accompagnait, pour certains, d'usage de produits dopants (amphétamines, anabolisants), voire d'autres stupéfiants (cannabis, cocaïne ) » 124 ( * ) .

La mise au jour d'une surreprésentation, par rapport à la population générale, de sportifs de haut niveau ayant concouru sous l'emprise de substances dopantes montre ainsi que le glissement vers l'addiction à partir du dopage constitue un risque à ne pas négliger .

d) Le problème des compléments alimentaires contaminés

Au cours des dernières années, le recours aux compléments alimentaires ou aux barres et boissons énergétiques s'est largement banalisé dans le sport comme dans la société en général 125 ( * ) .

Ces compléments alimentaires peuvent cependant contenir des produits dopants.

Dans le cas où ces derniers ne sont pas mentionnés sur l'emballage, il existe un risque non négligeable et avéré que les compléments soient contaminés, de manière accidentelle ou intentionnelle, par des substances interdites. En dehors des cas de contamination croisée, certains fabricants pourvoient en effet volontairement leur produit d'un effet ergogénique par ajout de substances anabolisantes par exemple.

Le risque s'accroît lorsque les compléments alimentaires sont acquis en dehors des circuits pharmaceutiques spécialisés, comme par exemple sur Internet.

Plusieurs études ont mis en garde contre l'insuffisance des contrôles réalisés sur la pureté de ces produits 126 ( * ) .

En 2004, le laboratoire d'analyses suisse du dopage (LAD) a procédé à l'examen de la composition réelle d'une centaine de compléments alimentaires accessibles en Suisse 127 ( * ) .

Les résultats indiquent que la plus grande vigilance est de mise en la matière : trois compléments alimentaires étaient contaminés à une grande quantité de métandiénone, substance appartenant à la classe des stéroïdes anabolisants. Leur consommation expérimentale s'est traduite par des traces de métabolites dans les urines pendant plus d'une semaine. Ces traces auraient été suffisantes, le cas échéant, pour déboucher sur un contrôle antidopage positif.

En outre, « la recherche de testostérone et de nandrolone ainsi que de leurs précurseurs a démontré que dix-huit produits analysés n'étaient pas conformes à la composition annoncée par le fabriquant. Quatorze de ces produits étaient dans la catégorie des prohormones, trois dans celle des stimulants et un dans la catégorie créatine. Le contaminant le plus fréquent est la molécule mère de testostérone ».

À cet égard, il convient de noter que la France s'est dotée en juillet 2012 d'une norme française Afnor (NF V94-001) visant à garantir l'innocuité des compléments alimentaires en matière de dopage.

À la condition qu'elle soit largement connue et prise en compte de tous les sportifs ou pratiquants sportifs, cette mesure va dans le bon sens.

Compte tenu de la circulation de compléments alimentaires en provenance notamment de pays tiers ou achetés sur Internet, on ne peut qu'encourager la mise en place de tels référentiels communs au niveau international.

B. UNE PÉNALISATION TARDIVE DU TRAFIC DE PRODUITS DOPANTS

1. Un dispositif pénal orienté vers les trafiquants de produits dopants
a) En amont : des pourvoyeurs de produits dopants pénalement sanctionnés
(1) La consécration par la loi du 28 juin 1989 d'une définition objective du dopage

Comme le souligne Jean-François Lamour, la France a très tôt pris en compte la question du dopage : « la France a toujours été - quels que soient les gouvernements, et quels que soient les ministres - à la pointe en matière de lutte antidopage. Ceci est dû à son histoire, en particulier au drame de Simpson en 1967, au Mont Ventoux » 128 ( * ) .

Cette réponse a été d'abord pénale mais après avoir pénalisé l'usage de produits dopants en 1965, la France a fait le choix en 1989 de retenir une définition objective du dopage, conduisant à la dépénalisation de son usage. La réponse pénale s'est alors orientée vers les pourvoyeurs de produits dopants .

Dans un premier temps en effet, la loi a pénalisé l'usage de produits « stimulants » .

La loi n° 65-412 du 1 er juin 1965 tendant à la répression de l'usage de stimulants à l'occasion de compétitions sportives ayant fait preuve de sa faible effectivité 129 ( * ) , la loi n° 89-432 du 28 juin 1989 relative à la prévention et à la répression de l'usage de produits dopants à l'occasion des compétitions et manifestions sportives a été l'occasion de consacrer une définition objective du dopage, selon laquelle il y a présomption d'usage de produits dopants, dès lors que la personne contrôlée est positive à l'une des substances interdites . La contrepartie de cette conception est alors de ne plus pénaliser l'usage de produits dopants, et de déplacer la sanction d'un terrain pénal à un terrain disciplinaire et administratif. Ce sont donc désormais les fédérations sportives, le CPLD puis l'AFLD qui peuvent punir ces faits et non plus le juge pénal.

Comme le résument Simon, Chaussard et autres, « l'intention d'utiliser le produit n'est pas un élément constitutif du dopage qui sera sanctionné sans qu'il soit nécessaire de rechercher ou de prouver la prise intentionnelle du produit détecté » 130 ( * ) . C'est au sportif d'apporter la preuve qu'il dispose d'une autorisation d'usage thérapeutique lui ayant permis d'utiliser ce produit. Mais le sportif ne peut pas s'exonérer de sa faute - disciplinaire et administrative - en prouvant qu'il ne savait pas que le produit qu'il a utilisé était un produit dopant ou qu'il ne savait pas être dopé.

Cette définition objective du dopage a été consacrée par le code mondial antidopage qui définit le dopage au point 2.1 comme la « présence d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans un échantillon fourni par un sportif » , en disposant au point 2.1.1 que « (...) les sportifs sont responsables de toute substance interdite ou de ses métabolites ou marqueurs dont la présence est décelée dans leurs échantillons. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de faire la preuve de l'intention, de la faute, de la négligence ou de l'usage conscient de la part du sportif pour établir une violation des règles antidopage en vertu de l'article 2.1 ».

L'article L. 232-9 du code du sport dispose ainsi qu' « il est interdit à tout sportif : (...) 2° D'utiliser ou tenter d'utiliser une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article ».

En contrepartie, la réponse pénale au dopage a été orientée vers l'entourage du sportif en tant que pourvoyeur de produits dopants.

(2) Un dispositif pénal résolument dirigé contre les pourvoyeurs de produits dopants

Après 1989, le législateur français a adopté plusieurs lois sur le sujet du dopage et en vingt ans, un cadre juridique très complet pour lutter contre les pourvoyeurs - entendus au sens large - de produits dopants a été progressivement constitué.

Outre la conception objective du dopage qu'elle consacre, la loi précitée du 28 juin 1989 a pénalisé l'administration et l'incitation à l'usage de produits dopants ainsi que l'opposition au contrôle antidopage et le non-respect des sanctions administratives infligées aux sportifs .

La loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, a également créé deux autres délits ; celui de prescrire, de céder, d'offrir, d'administrer ou d'appliquer à un sportif une substance ou un procédé dopant , celui de faciliter son utilisation ou d'inciter un sportif à son usage .

Le législateur a ensuite parachevé le dispositif par la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre les trafics de produits dopants. Cette loi a tout d'abord institué un délit de détention de produits dopants , codifié à l'article L. 232-9 du code du sport. Ce délit concerne cette fois spécifiquement le sportif, au sens de l'article L. 230-3 du code du sport, c'est-à-dire « toute personne qui participe ou se prépare 1° soit à une manifestation sportive organisée par une fédération agréée ou autorisée par une fédération délégataire 2° soit à une manifestation sportive internationale ».

Cette même loi a pénalisé aussi le trafic de produits dopants , (article L. 232-10 du code du sport), soit le fait, pour toute personne « de produire, fabriquer, importer, exporter, transporter, détenir ou acquérir, aux fins d'usage par un sportif sans raison médicale dûment justifiée une ou des substances ou méthodes figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 232-9 (...) ».

Autrement dit, la détention de produits dopants est pénalisée en tant qu'elle a pour but d'administrer des produits dopants à un sportif , au sens du code du sport. Cela explique ainsi que les peines encourues par le sportif - un an d'emprisonnement ou 3 750 euros d'amende -, soient moins fortes que les peines encourues lorsque cette détention concerne un non-sportif - cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende -, car la détention de produits dopants dans ce dernier cas s'inscrit nécessairement dans le cadre d'un trafic .

Cette loi marque aussi une nouvelle inflexion par rapport au choix du législateur de 1989 de ne considérer le sportif que comme une victime ; désormais, la détention de produits dopants est aussi un délit qui peut le concerner 131 ( * ) : en quelque sorte, son comportement de trafiquant prend le pas sur son statut protégé de sportif 132 ( * ) .

L'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage a permis de mettre le code du sport en conformité avec la convention de l'Unesco sur le dopage du 19 octobre 2005, ratifiée par la loi n° 2007-129 du 31 janvier 2007. Dans cette convention, les États membres sont notamment incités à accroître la lutte contre les trafics de produits dopants.

L'ordonnance crée deux nouvelles incriminations : il est désormais interdit de falsifier, détruire ou dégrader tout élément relatif au contrôle, à l'échantillon ou à l'analyse ; la tentative d'enfreindre les interdictions prévues à cet article est également punie .

D'autres textes législatifs - la loi n° 2012-158 du 1 er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs -, ainsi que plusieurs textes réglementaires - les trois décrets d'application de l'ordonnance du 14 avril 2010 - ont moins concerné le volet pénal de la répression du dopage que les sanctions disciplinaires et les procédures applicables devant l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), ou encore le régime des autorisations d'usage thérapeutiques.

Enfin, des peines complémentaires sont prévues à l'article L. 232-27 du code du sport dans le cas de la détention d'une substance dopante, par un sportif ou non, sans justification médicale : la confiscation des substances ou procédés et des objets ou documents qui ont servi à commettre l'infraction ou à en faciliter la commission ; l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ; la fermeture, pour une durée d'un an au plus, de l'un, de plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre l'infraction et appartenant à la personne condamnée, dans les conditions prévues à l'article 131-27 du code pénal, l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; l'interdiction, dans les conditions prévues à l'article 131-27 du code pénal, d'exercer une fonction publique.

Si le dispositif créé semble donc théoriquement adapté pour lutter contre les trafiquants de produits dopants évoluant dans l'entourage du sportif - entendu ici au sens du code du sport - ce dispositif souffre d'une limite de fond, déjà relevée en 2008 par votre collègue Alain Dufaut, alors rapporteur du projet de loi visant à lutter contre les trafics de produits dopants 133 ( * ) : les pratiquants d'un sport, n'ayant pas la qualité de sportif au sens du code ne sont pas pris en compte , pas plus que les participants à une manifestation sportive qui ne serait pas organisée ou autorisée par une fédération sportive. Ils peuvent donc détenir librement des produits dopants si ceux-ci ne constituent pas pour autant des substances vénéneuses ou des produits stupéfiants.

Par ailleurs, il est relativement difficile d'évaluer l'efficacité du dispositif.

(3) La difficile appréciation de l'efficacité du dispositif

Au regard des statistiques du casier judiciaire, il apparaît bien que les incriminations relatives au dopage sont relativement peu mobilisées .

Infractions ayant donné lieu à condamnation (dopage)

Années

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Administration ou application à un sportif sans justification médicale de substance ou méthode interdite dans le cadre d'une manifestation sportive

1

15

4

0

9

2

0

0

2

1

Incitation à l'usage de substance ou méthode interdite dans le cadre d'une manifestation sportive

2

16

0

1

1

8

0

0

0

1

Offre ou cession à un sportif sans justification médicale de substance ou méthode interdite dans le cadre d'une manifestation sportive

1

15

4

3

22

3

1

1

3

2

Offre ou cession en bande organisée à un sportif sans justification médicale de substance ou méthode interdite dans le cadre d'une manifestation sportive

0

0

0

0

1

0

0

0

0

0

Obstacle au contrôle des agents et médecins en matière de lutte contre le dopage des sportifs

0

0

0

4

2

2

0

0

0

0

Aide à l'utilisation de substance ou méthode interdite aux sportifs dans le cadre d'une manifestation sportive

0

0

0

0

20

3

0

1

0

0

Participation à l'organisation d'une manifestation sportive ou à un entraînement y préparant malgré interdiction pour dopage de sportif ou refus de contrôle

0

0

0

0

0

1

0

0

0

0

Participation de sportif à une manifestation sportive malgré interdiction pour dopage ou refus de contrôle

0

0

0

0

0

1

0

1

0

1

Détention de substance ou méthode interdite aux fins d'usage par un sportif sans justification médicale

So

So

So

So

So

So

So

1

5

2

Détention par un sportif sans justification médicale de substance ou méthode interdite dans le cadre d'une manifestation sportive

So

So

So

So

So

So

So

2

0

1

Acquisition de substance ou méthode interdite aux fins d'usage par un sportif sans justification médicale

So

So

So

So

So

So

So

0

6

2

Importation de substance ou méthode interdite aux fins d'usage par un sportif sans justification médicale

So

So

So

So

So

So

So

0

4

0

Transport de substance ou méthode interdite aux fins d'usage par un sportif sans justification médicale

So

So

So

So

So

So

So

0

3

0

TOTAL

4

46

8

8

55

20

1

6

23

10

Source : Casier judiciaire national (« So » : Sans objet)

(Nota : plusieurs infractions peuvent être dénombrées pour une seule condamnation.)

Il convient de nuancer cependant cette affirmation en précisant que d'une part, les chiffres considérés concernent des infractions ayant donné lieu à une condamnation définitive , l'année considérée étant celle de la condamnation et non pas celle de la commission de l'infraction ; il y a donc nécessairement un décalage , parfois de plusieurs années, entre la commission d'une infraction et son apparition dans ces statistiques.

Or, la plupart des incriminations sont relativement récentes , et datent surtout de la loi du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre les trafics de produits dopants et de l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs. Dès lors, au regard de la durée des procédures en droit pénal, le faible nombre d'infractions constatées doit être appréhendé avec prudence , les incriminations créées par la loi de 2008 étant par ailleurs les plus emblématiques du dispositif.

Enfin et surtout, le nombre d'infractions en matière de dopage est aussi minoré en raison de la concurrence qui existe entre les infractions définies en matière de dopage et les infractions prévues par d'autres codes : ainsi, comme il a été souligné lors de certaines auditions, des infractions au code de la santé publique - administration de substances vénéneuses, exercice illégal et usurpation de titre de la profession de pharmacien ou de médecin, par exemple - peuvent s'appliquer pour des délits qui relèvent en réalité de faits de dopage. Précisons à cet égard que la quasi-totalité des substances prohibées en matière de dopage sont aussi des substances vénéneuses 134 ( * ) .

Lors de son audition, Jean-Paul Garcia a ainsi souligné que « nous abordons, au sein de la DNRED 135 ( * ) ou de la douane française, les produits dopants par le biais des législations concernant les médicaments, produits soumis à une législation spécifique (...) dans le cas des produits dopants, ce sera essentiellement ou le plus souvent une approche par la voie des médicaments ou des produits stupéfiants. Un médicament qui entre sans autorisation de mise sur le marché (AMM) est un produit stupéfiant, que nous saisissons. (...) la prohibition vient de la législation spécifique ou du non-respect de cette législation spécifique. L'article 38-4 du code des douanes qualifie cette prohibition d'infraction portant sur un produit prohibé et sanctionné par l'article 414 du code des douanes, le seul de ce code prévoyant une peine de prison. Nous disposons également de l'article 215 et de son corollaire, l'article 215 bis , qui permettent le contrôle sur le territoire de produits cités dans une liste exhaustive, où figurent les médicaments et les produits prohibés et, en particulier, les produits dopants » 136 ( * ) .

À titre indicatif, les condamnations prononcées en matière de substances vénéneuses montrent que le nombre de condamnations est relativement plus élevé. Parmi celles-ci, certaines relèvent probablement de faits de dopage, sans qu'il soit aujourd'hui possible de le quantifier .

Infractions ayant donné lieu à condamnation (substances vénéneuses)

Années

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Infraction aux règlements sur le commerce ou l'emploi de substances vénéneuses

128

132

151

213

309

359

415

376

293

306

Acquisition ou cession de substance vénéneuse sans justificatif

0

2

0

2

3

7

8

14

24

54

Prescription non conforme d'un médicament relevant des listes I et II ou de médicament stupéfiant

0

0

0

0

7

0

4

0

0

1

Délivrance irrégulière de médicament relevant des listes I et II ou de médicament stupéfiant

0

0

0

0

0

1

0

0

4

3

TOTAL

128

134

151

215

319

367

427

390

321

364

(Nota : plusieurs infractions peuvent être dénombrées pour une seule condamnation.)

Source : Casier judiciaire national

Il serait donc utile, dans un but statistique, de connaître avec exactitude le nombre de condamnations en lien avec des infractions impliquant des produits dopants.

Proposition n° 8 Identifier au sein des statistiques relatives aux infractions
ayant donné lieu à condamnation les cas relevant de faits de dopage

(4) Des incriminations pénales peu mobilisées

Lors de son audition, Sophie Chaillet, a rappelé que « la loi de 1999 comporte des sanctions pénales à l'encontre des trafiquants de substances interdites, que la loi de 2006 n'a pas modifiées. Les incriminations sont difficiles à définir ; elles sont peu utilisées, là est le problème . Après l'affaire Cofidis, nous avons travaillé avec la Chancellerie à mieux informer les procureurs des incriminations prévues dans le code du sport, par des circulaires explicatives ; nous avons également redynamisé les commissions régionales et mis en place un dispositif national » 137 ( * ) .

Parce que la plupart des incriminations pénales alternatives à celles du code du sport prévoient des sanctions plus lourdes et sont aussi mieux connues des magistrats, il est inutile d'inciter les procureurs à choisir telle incrimination pénale plutôt que telle autre, si le fait en cause est poursuivi. Identifier lors de chaque condamnation les cas ayant en réalité trait au dopage, - quelle que soit la qualification retenue finalement -, suffirait pour mesurer l'effectivité de la lutte contre le dopage.

Comme cela a été évoqué supra , les incriminations en matière de dopage sont récentes , surtout celles qui concernent les faits de trafic.

Par ailleurs, comme le souligne Sophie Chaillet lors de la même audition, la condamnation pénale prononcée en France n'empêchera pas le sportif de concourir dans un pays étranger, ce qui lui ôte une partie de son efficacité.

b) En aval : un dopage amateur insuffisamment pris en compte

Si le dopage est traditionnellement associé au sport de haut niveau, la réalité démontre qu'en réalité, le monde amateur recourt très largement aux substances et procédés dopants. Cette importance de l'usage de produits dopants dans le monde amateur a été précédemment développée.

Cette prévalence dans le monde amateur de l'usage de produits dopants, a été mise en évidence en Italie, où Paoli et Donati ont évalué à 218 000 personnes le nombre de consommateurs de produits dopants hors cannabis et cocaïne 138 ( * ) .

Ancien chef de l'Oclaesp, Thierry Bourret a constaté cet état de fait en soulignant que « le dopage ne se limite pas aux seuls sportifs de haut niveau. Il touche autant le niveau semi-professionnel que le monde des amateurs où il prend parfois naissance. (...) . De fait, il existe à côté du « dopage élitiste » un « dopage de masse » en expansion qui peut générer à terme un vrai problème de santé publique » 139 ( * ) .

Certaines personnes entendues par votre commission ont fait part de la situation préoccupante des salles de musculation et des salles de remise en forme dans lesquelles de très nombreux pratiquants consomment des produits dopants et en font aussi parfois le trafic.

Mais si l'incrimination de détention de produits dopants par un sportif, depuis la loi de 2008, est un élément essentiel de la lutte contre le trafic de produits dopants, - car donnant aux forces de police un moyen d'action pour remonter les filières -, l'incrimination de détention de produits dopants est en réalité très restrictive : elle ne concerne en effet que les seuls sportifs, définis à l'article L. 230-3 du code du sport comme « toute personne qui participe ou se prépare : 1° Soit à une manifestation sportive organisée par une fédération agréée ou autorisée par une fédération délégataire ; 2° Soit à une manifestation sportive internationale » et ne concerne que les produits les plus actifs.

La détention de produits dopants par des non-sportifs n'est sanctionnée pénalement que lorsqu'elle a pour but d'administrer à des sportifs les produits dopants détenus sans raison médicale ; toutefois elle ne fait l'objet d'aucune interdiction quand ce but n'est pas démontré.

Ainsi, comme le souligne Anne-Gaëlle Robert, « l'interdiction de la détention de produits dopants [pour le sportif] est limitée aux compétitions ou manifestations sportives organisées ou autorisées par une fédération sportive ou par une commission spécialisée ou aux entraînements destinés à s'y préparer » 140 ( * ) , ce qui exclut par exemple les concours non encadrés par les fédérations, notamment ceux qui sont parfois conduits dans le domaine du culturisme 141 ( * ) ; par ailleurs, la détention de « substances spécifiques » c'est-à-dire plus souvent présentes et moins destinées au dopage (comme l'alcool par exemple) n'est pas sanctionnée pénalement.

Les chiffres-clefs du sport, publiés en février 2013 par le ministère des sports, dénombrent 4,2 millions de pratiquants au titre de la musculation 142 ( * ) . Les salles de remise en forme - les salles de musculation proprement dites étant désormais minoritaires - sont au nombre de 1 600 à 3 000 pour le secteur marchand, mais d'environ 10 000 si l'on inclut les salles des structures associatives ou des fédérations sportives. Près de 5 à 6 millions de personnes sont inscrites dans ces clubs 143 ( * ) .

Précisons que le rapport précité de Paoli et Donati évalue, en Italie, à 16,25 % le nombre de salles de musculations impliquées dans la distribution de produits dopants 144 ( * ) , principalement des stéroïdes anabolisants.

Au regard du nombre de pratiquants, de leur jeune âge aussi, la question des trafics de produits dopants se pose donc de manière très prégnante dans ces salles, dont les participants ne sont pas des sportifs au sens du code du sport.

Pour les personnes pratiquant un sport, mais ne répondant pas à la définition du sportif au sens du code du sport, les seules incriminations existantes sont donc celles qui concernent l'entourage du sportif , liées au trafic de produits dopants. Les pratiquants peuvent être également mis en cause, selon le droit commun, pour infraction à la législation relative aux stupéfiants quand le produit dopant a aussi cette nature, ou pour détention de substances vénéneuses (article L. 5432-1 du code de la santé publique).

Article L. 5432-1 du code de la santé publique : « est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, le fait de ne pas respecter les dispositions réglementaires prévues à l'article L. 5132-8 : 1° Fixant les conditions de production, de transport, d'importation, d'exportation, de détention, d'offre, de cession, d'acquisition et d'emploi de plantes ou substances classées comme vénéneuses ; 2° Prohibant les opérations relatives à ces plantes ou substances ; 3° Interdisant la prescription ou l'incorporation dans des préparations, de certaines plantes ou substances vénéneuses ou de spécialités qui en contiennent, ou fixant les conditions particulières de prescription ou de délivrance de ces préparations. Dans tous les cas prévus au présent article, les tribunaux peuvent ordonner la confiscation des plantes ou substances saisies. Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée ».

Ainsi, en ne pénalisant pas spécifiquement la détention de produits dopants par les personnes ne répondant pas à la définition du sportif selon le code du sport, le dispositif pénal manque une large partie de son objectif de lutte contre le dopage .

C'est ce qu'avait pu relever votre collègue Alain Dufaut dans son rapport précité, « regrettant que les activités sportives qui ne sont pas encadrées par les fédérations, comme les concours de musculation, ne soient pas incluses dans le périmètre d'application de l'article. En effet, l'objectif - essentiel à ses yeux - de santé publique serait davantage rempli si toutes les personnes exerçant une activité à caractère sportif étaient susceptibles d'être contrôlées et, éventuellement condamnées pour détention de produits dopants » 145 ( * ) .

Dès lors, la pénalisation de la détention de substance dopante ne doit pas concerner les seuls sportifs au sens du code du sport, mais plutôt l'ensemble des personnes pratiquant un sport dans le cadre d'un établissement d'activités physiques et sportives (EAPS). L'exploitation des établissements d'APS est soumise aux prescriptions des articles L. 322-1 à L. 322-4 du code du sport, et à un certain nombre de règles d'hygiène. La définition très large de l'établissement d'activités physiques et sportives, comme « toute organisation matérielle ou immatérielle, quelles que soient sa forme juridique, sa présentation, sa nature, sa structure ou sa localisation, pourvue d'une direction suffisamment autonome et d'une permanence suffisante » 146 ( * ) permettrait d'envisager l'ensemble des pratiquants amateurs de sports pratiqués en salle.

Proposition n° 9 Pénaliser la détention de produits à l'encontre des personnes pratiquant un sport
dans le cadre d'un établissement d'APS

2. La difficile appréhension du trafic de produits dopants
a) Un trafic difficile à analyser
(1) Un trafic hétérogène

La première difficulté pour étudier le trafic de produits dopants réside dans sa très grande diversité .

Ces trafics peuvent être tout d'abord liés à la criminalité organisée. Le trafic de produits dopants se greffe alors sur des trafics déjà existants, pour rentabiliser le réseau qui a été initialement créé. C'est un trafic le plus souvent opportuniste , mixte, qui se développe lorsque le réseau principal a acquis une certaine maturité.

Dans son intervention au colloque organisé les 2 et 3 mars 2012 par le Centre national olympique et sportif français, le capitaine Mathieu Holz, officier français de gendarmerie inséré à Interpol et correspondant de l'AMA, a ainsi insisté sur le fait que « des interconnexions de plus en plus importantes se font dans les organisations criminelles qui gèrent des trafics de drogue standards et qui prennent place dans le commerce de produits dopants ».

De même, Yves Maury, receveur principal des douanes, dans son intervention lors du 6 e colloque organisé par le CNOSF 147 ( * ) soulignait déjà que « le trafic de produits dopants s'apparente de plus en plus au trafic de stupéfiants : il emprunte les mêmes filières et offre des profits comparables. Il n'est pas rare de procéder à des saisies conjointes de stupéfiants et de produits dopants ».

Cette analyse est assez largement corroborée par le constat effectué dès 1993 par la DEA ( Drug Enforcement Administration ) qui constate l'existence de liens précis entre les trafiquants de drogues et les trafiquants d'amphétamines ou de stimulants. Paoli et Donati, dans leur étude précitée, soulignent ainsi que « pour les trafiquants, il n'y a pas de différence entre substances dopantes et drogues » 148 ( * ) . De même, la commission australienne chargée de la lutte contre la criminalité note l'existence de telles interactions 149 ( * ) .

Mais ce trafic peut aussi se greffer sur des réseaux de contrefaçon de médicaments ou d'autres produits. Ainsi, Jean-Paul Garcia a-t-il pu déclarer lors de son audition que « sur Internet, ce sont les mêmes personnes qui vendent les contrefaçons domestiques et les produits dopants. Une des saisies de ces dernières semaines que nous avons réalisée à Roissy, en provenance de Thaïlande, représentait 250 kilogrammes d'effets personnels, adressée à une personne domiciliée en France. Elle était constituée de deux tiers de textile et d'un tiers de produits dopants divers ou de médicaments ! La personne qui réceptionne cet arrivage traite l'un comme l'autre de ces produits. Plus nous travaillons sur des produits éloignés de notre coeur de cible, plus ils nous y ramènent ! » 150 ( * ) .

Dans leur rapport sur le trafic de produits dopants en Italie, Paoli et Donati notent quant à eux une très faible implication des groupes mafieux dans ce trafic 151 ( * ) et le caractérisent davantage comme un trafic d'amateurs .

Quand il est le fait d'amateurs, qui achètent sur Internet des produits dopants, le contrôle des douanes est compliqué par le fait que les amateurs se font envoyer leurs produits par voie postale, par petites quantités. Dans ce cas, il semble que la finalité soit essentiellement pour consommer soi-même le produit ; l'amateur qui revend ne ciblera pas forcément le profit, très limité : ce trafic artisanal sera plutôt destiné au cercle restreint des connaissances : les collègues ou les amis fréquentant les mêmes clubs de sport par exemple.

Il est par conséquent très difficile de remonter les réseaux de trafiquants de produits dopants.

Les quantités saisies en France laissent présumer l'existence de trafics, mais ces quantités sont relativement modestes quand elles sont ramenées à l'échelle du pays. Jean-Paul Garcia relève ainsi que « les affaires que nous avons traitées jusqu'à présent ont concerné des cas individuels. L'une des dernières saisies que nous avons réalisée comportait plus de 10 000 doses. C'est beaucoup pour un seul individu, mais aucun personnel dirigeant, aucune équipe, aucun club, ni aucune structure sportive n'ont jamais été concernés. Or, autant 320 000 doses me paraissent constituer un chiffre peu élevé pour un pays tout entier, autant 10 000 doses me semblent représenter beaucoup pour un seul individu ! Il y a donc manifestement quelque chose derrière... Jusqu'à présent, la DNRED n'a pas été en mesure de mettre en évidence un véritable réseau. Néanmoins, nos échanges, ne serait-ce qu'avec l'Oclaesp, démontrent bien qu'il existe des réseaux et des organisations » 152 ( * ) .

Cette approche corrobore celle de Bernard Amsalem qui a dénoncé, dès 1997, l'existence de « petits réseaux » dans le monde de l'athlétisme, réseaux qui persistent encore aujourd'hui : « [ces réseaux] sont basés hors de France, en Espagne et au Maroc. Les athlètes concernés ont été suspendus, certains ne sont pas revenus, certains sont revenus avec un niveau de performance inférieure. Ces réseaux sont souvent composés d'anciens athlètes de haut niveau de ces pays, avec des palmarès éloquents, qui vivent de ces pratiques. En tout cas, tous les athlètes français concernés ont été sanctionnés ou ont cessé ces pratiques, mais cela continue pour d'autres athlètes en Belgique ou en Italie par exemple » 153 ( * ) .

Dans leur rapport, Paoli et Donati ont également souligné la grande variété des trafiquants de produits dopants en Italie 154 ( * ) : ils ont ainsi dressé un tableau type des trafiquants qui souligne la diversité des profils :

Trafiquants de produits dopants en Italie,
par métiers et par domaines d'activité

Domaines d'activités

Métiers/fonctions

Salles de gymnastiques - remise en forme

Responsables de salle de gymnastique, propriétaires, instructeurs sportifs

Responsables ou propriétaires de boutiques de compléments alimentaires

Santé

Pharmaciens

Médecins

Employés d'hôpitaux

Employés, représentants de commerce d'entreprises (para) pharmaceutiques

Sport

Responsables d'équipes, de clubs

Responsables de fédérations

Courses hippiques

Vétérinaires, soigneurs, jockey

Utilisateurs

Athlètes

Personnels de sécurité (secteur privé ou public) pratiquant le bodybuilding

Autres

Autres

Source : Letizia Paoli, Alessandro Donati, The supply of doping products and the potential of criminal law enforcement in anti-doping: an examination of Italy's experience , Jan. 30, 2013, p. 13

En France, l'absence de pénalisation de la détention de produits dopants - ni substances vénéneuses, ni produits stupéfiants - pour les personnes ne se situant pas dans l'entourage du sportif pose évidemment un problème essentiel ; la police judiciaire ne dispose d'aucun levier pour les inciter à révéler le nom de leurs fournisseurs.

Enfin, le manque de connaissance sur la nature précise du trafic de produits dopants est un obstacle supplémentaire à une réponse efficace , les appréciations parfois contradictoires entre les différents services sur la nature du phénomène étant un facteur potentiel de dispersion.

(2) Une localisation opportuniste des trafiquants

Cette hétérogénéité très grande des trafics est aggravée par la localisation très opportuniste des trafiquants qui s'appuient sur les réglementations différentes existant d'un pays à l'autre en matière de dopage.

Les lieux de fabrication de produits dopants sont en général situés en Asie et dans les pays de l'Est, pour des raisons relativement différentes semble-t-il. Dans les pays de l'Est, les laboratoires, dont le degré de sophistication peut être extrêmement variable, s'appuient sur des techniciens relativement formés. Dans les pays d'Asie, il semble que ces trafiquants s'appuient davantage sur les structures existantes, liées à la contrefaçon, de médicaments ou d'autres produits, comme le textile. Ainsi, en 2012, les produits saisis par la douane proviennent essentiellement de la Thaïlande (54,6 %), de la Chine, de la Grèce (7,6 %) de la Slovaquie (6,8 %). Les pays de l'ancien bloc de l'Est, notamment la Roumanie et la Moldavie sont également des lieux de fabrication importants.

Jean Paul Garcia a précisé lors de son audition que si la question du dopage est ancienne, les lieux de production se sont déplacés : « le thème des produits dopants est ancien. Dans les années 1980, on effectuait aux frontières de la France, en particulier avec l'Espagne ou des pays qui n'étaient pas encore ou à peine dans l'Union européenne, des contrôles sur des produits vétérinaires ou autres. Aujourd'hui, il existe des produits bien plus sophistiqués. Les pays de fabrication se sont rapprochés. Le premier pays d'importation est aujourd'hui la Thaïlande, suivi immédiatement après de la Slovaquie, de la Grèce, membres de l'Union européenne, de la Moldavie, frontalière d'un pays de l'Union européenne, de la Roumanie. Ces pays ont aujourd'hui développé une solide compétence de fabrication de produits dopants et irriguent notre pays. Je placerais également les hormones de croissance dans le paquet commun des produits dopants, d'un prix très élevé et donc d'une très grande rentabilité. La Chine, qui produit aujourd'hui des hormones de croissance, trouve en France une clientèle parmi les sportifs, les culturistes et autres » 155 ( * ) .

Remarquons que le 23 juin 2013, la police espagnole a annoncé avoir démantelé deux réseaux de produits dopants. Ces deux réseaux importaient les produits de Chine, mais aussi de Grèce et du Portugal.

L'absence de législation réprimant la fabrication de certains produits dopants dans certains pays d'Europe, comme en Moldavie par exemple, permet aussi de bénéficier des avantages de la proximité avec l'Union européenne pour écouler ces produits.

La localisation des sites des revendeurs de produits sur Internet fonctionne selon le même système.

Le caractère parcellaire et imprécis des connaissances sur l'état du trafic en France ainsi que le caractère très évolutif et changeant du trafic justifieraient qu'un travail de recherche soit mené sur ce thème, selon les mêmes méthodes que l'étude conduite par les chercheurs italiens, qui ont dressé un panorama complet de la situation en Italie. Ce travail pourrait être mené à intervalles réguliers, en utilisant les mêmes conventions pour permettre des comparaisons. Remarquons que dans le cas de l'étude italienne, ce travail a été financé par l'Agence mondiale antidopage.

La publicité d'un tel travail est, de plus, essentiel pour que tous les acteurs de la lutte, aussi bien organismes publics que fédérations sportives, connaissent mieux l'état du trafic, soient sensibilisés à certains détails ou indices faisant présumer l'existence d'un réseau ou une conduite dopante.

Proposition n° 10 Mener régulièrement un travail de recherche universitaire sur l'état du trafic de produits dopants en France, sur le modèle du rapport Donati et Paoli

(3) Des consommateurs bien insérés dans la société

L'hétérogénéité des trafics se retrouve aussi dans les profils des clients qui relèvent de catégories socioprofessionnelles très diverses. Cependant, quel que soit le pays, les consommateurs se caractérisent par le fait qu'ils sont la plupart du temps intégrés dans la société et ne sont pas connus pour d'autres délits par les services de police . La plupart du temps, les consommateurs de ces produits les utilisent dans le cadre de salles de remise en forme. Les âges des consommateurs peuvent être enfin très variables, ces consommateurs pouvant être parfois relativement jeunes.

Ajoutons d'ailleurs que, dans certains cas, l'entourage familial peut avoir un effet incitatif à l'usage de ces produits dopants, ce qui est une caractéristique relativement originale de ce trafic.

Il n'y a donc pas réellement de consommateur-type de ces produits dopants, ce qui rend d'autant plus difficile la détection de ces consommateurs.

Remarquons enfin que l'image des produits dopants n'est pas affectée d'une image forcément négative dans l'opinion publique qui ne la considère pas comme un danger aussi grave que le trafic de drogue, par exemple, et qui la confond parfois avec la prise de compléments alimentaires. Cette plus grande acceptation rend aussi plus facile le passage à l'acte des consommateurs.

b) La place prépondérante d'Internet
(1) Un rôle d'interface incontournable entre vendeurs et acheteurs

En matière de trafics de produits dopants, Internet joue un rôle incontournable. Il sert en réalité d'interface pour les achats réalisés par des particuliers qui se font livrer de petites quantités, difficilement détectables. Ils ne pourront en outre jamais identifier le vendeur.

Dans son intervention précitée devant le CNOSF, Mathieu Holz souligne ainsi que la recherche du mot clef « achat de stéroïdes » sur le site de recherche Google donne près de 3,2 millions de réponses.

Dans son rapport, la commission australienne chargée de la lutte contre la criminalité a ainsi souligné que les produits dopants pouvaient être facilement achetés à partir de très nombreux sites Internet, basés en Australie et à l'étranger 156 ( * ) . Cette commission établit ainsi un lien direct entre la banalisation des sites proposant des peptides et des hormones et la très forte hausse des saisies de ces produits aux frontières, saisies qui ont augmenté en Australie de 255 % entre 2009 et 2011 157 ( * ) .

Dans une étude, publiée en mars-avril 2013 dans « The American Journal of Addictions », Brian P. Brennan, Gen Kanayama et Harrison G. Pope Jr. indiquent qu'au-delà des mots-clefs traditionnels, des recherches peuvent concerner des recherches de produits dopants par le biais de mots-clefs correspondant à des pratiques moins connues des praticiens médicaux.

Nombre d'occurrences trouvées par terme recherché
en utilisant le site de recherche Google, 22 décembre 2011

Terme recherché

Nombre de sites trouvés

Steroids for sale

328 000

Buy Steroids online

266 000

Steroids online

104 000

Steroids bodybuilding

603 000

Steroids forum

193 000

Growth hormone bodybuilding

277 000

Buy growth hormone online

184 000

Cattle implants

4 680

Synthol

310 000

Source : Brian P. Brennan, Gen Kanayama et Harrisson G. Pope Jr.,
«
The American Journal of Addictions », mars-avril 2013

Si le mot-clef « Synthol » ne recouvre en réalité aucune pratique dopante, - puisqu'il s'agit de s'injecter des huiles dans les muscles sans aucun effet autre qu' « esthétique » -, les implants pour bétail, recherchés pour en retirer les principes actifs en vue d'une utilisation pour améliorer les performances, posent un réel problème de santé publique.

Ainsi, beaucoup de sites Internet peuvent être difficilement détectables, alors même qu'ils mettent à disposition des produits dans des conditions pouvant être très préoccupantes pour la santé.

L'Oclaesp, dans sa contribution au colloque organisé par le CNOSF en 2011, souligne aussi la facilité du passage à l'acte qu'accorde l'accès facilité à ces produits, via Internet. Un exemple bien documenté, notamment par la presse, mais aussi grâce aux documents transmis par l'Agence américaine antidopage à la commission d'enquête, est celui de Patrice Ciprelli, mari de Jeannie Longo, qui a fait des achats d'EPO chinoise, via un site Internet américain.

(2) Des problématiques communes à d'autres trafics
(a) La difficile action à l'égard des sites Internet

Cette problématique n'est pas propre au trafic de produits dopants ; les sites Internet sont le plus souvent domiciliés dans des pays ne coopérant pas en matière de lutte contre le dopage, parce que le dopage n'y est pas spécifiquement condamné ou parce que la question n'est pas considérée comme prioritaire.

Par ailleurs, la fermeture éventuelle d'un site Internet peut être contrée par la réouverture d'un site équivalent, sous une dénomination distincte.

C'est enfin un marché en développement : dans son étude menée en 2012, MarkMonitor , société américaine spécialisée dans la protection des marques sur Internet, a ainsi relevé que le nombre de sites proposant des stéroïdes anabolisants avait augmenté de 35 % en un an, ceux proposant des anabolisants de 125 % sur la même période.

Enfin, des techniques relativement évoluées permettent de passer commande auprès des fournisseurs, en se connectant de manière anonyme aux serveurs.

En outre, le recours à des « coups d'achats », n'existe pour la douane que depuis la loi n° 2011-267 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) du 14 mars 2011, qui a créé un article 67 bis 1 dans le code des douanes. Sur le modèle de l'article 706-32 du code de procédure pénale, cette disposition autorise l'achat, dans des conditions encadrées 158 ( * ) de produits stupéfiants. Cette procédure est également possible pour les contrefaçons. Remarquons toutefois que cette procédure n'est donc pas applicable pour les produits dopants en tant que tels , lorsque ceux-ci ne sont ni des produits stupéfiants, ni des contrefaçons.

Rendre cette procédure applicable pour les produits dopants pourrait permettre de rendre plus efficace la lutte contre le trafic.

Proposition n° 11 Étendre la possibilité pour les douanes de recourir à des « coups d'achat »
en matière de produits dopants

L'article 706-32 du code de procédure pénale prévoit aussi la possibilité de recourir à des coups d'achats mais cette procédure n'est applicable que pour les seules infractions d'acquisition, d'offre ou de cession de produits stupéfiants.

Autoriser cette procédure très particulière pour les produits dopants apparaît assez difficile en pratique car cela supposerait une réforme profonde de ce dispositif pour l'étendre à d'autres infractions, comme les contrefaçons, ou les substances vénéneuses.

(b) Un travail de veille à développer en collaboration avec les services des douanes, de la police et de la gendarmerie

Comme pour d'autres trafics, les différents services mènent des opérations de surveillance des sites Internet, des forums, afin de collecter des renseignements.

La plupart des services se sont dotés de leurs propres systèmes de surveillance sur Internet.

En matière de cybercriminalité sur Internet, outre 800 correspondants formés aux nouvelles technologies qui relaient les enquêteurs, la gendarmerie s'appuie principalement sur son service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD) ainsi que sur l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN).

Le service technique de recherches judiciaires et de documentation est divisé en trois départements, consacrés aux investigations sur Internet, à la répression des atteintes aux mineurs sur Internet, et au soutien et à l'assistance aux unités qui ont besoin d'une aide liée à Internet. Remarquons toutefois que les enquêteurs de ce service ne peuvent pas mener des investigations sous pseudonyme dans le cadre de la lutte contre le trafic de produits dopants alors que ce dispositif, - les « cyberpatrouilles » -, est particulièrement efficace pour détecter les infractions liées aux trafics de produits dopants.

Un plateau technique « cybercriminalité-analyse numérique » mutualise les capacités du STRDJ et de l'IRCGN.

La Police nationale s'appuie quant à elle sur l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) avec qui la gendarmerie travaille également.

La douane a, quant à elle, développé un système de surveillance appelé « Cyberdouanes ».

Cyberdouanes est un service léger, d'une quinzaine de personnes, (sept enquêteurs et huit experts) sélectionnées pour leurs compétences en matière informatique et pour leurs motivations. Deux autres analystes ont rejoint cette équipe en 2012 159 ( * ) .

Créé en 2009, il a été rattaché à la DNRED. Ce service effectue une veille permanente sur Internet , afin d'identifier les personnes physiques ou morales présentes en France utilisant Internet dans le cadre d'une activité frauduleuse. La recherche porte sur des personnes vendant en ligne ou bien postant des annonces relatives à des produits prohibés ou fortement taxés (stupéfiants, armes, contrefaçons, espèces protégées, cigarettes, alcool).

Ce service développe la coopération opérationnelle interministérielle en vue de détecter et de traquer sur Internet les actes contraires à la législation. Il alimente au titre de la douane la Plate-forme d'harmonisation, d'analyses, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), plate-forme qui a vocation depuis le 6 janvier 2009 à traiter les renseignements concernant tous les contenus illicites repérés sur Internet et à les transmettre aux services concernés. Cette plate-forme dépend de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC). Cyberdouanes a aussi développé des partenariats avec les grands opérateurs de vente à distance sur Internet, tels que Priceminister ; en effet, la contrefaçon est souvent le fait de vendeurs hébergés sur ces plates-formes.

Cyberdouanes a également conclu un accord avec son homologue allemand, le Zire, en juillet 2011.

Lors de son audition, Jean-Paul Garcia a souligné que la coopération entre la DNRED et l'OCLCTIC fonctionnait bien mais se traduisait par des résultats encore perfectibles : « Les relations avec l'OCLCTIC sont excellentes. Les gens se connaissent, nous pratiquons des échanges et participons aux mêmes formations. Pour ce qui est du renseignement opérationnel, les choses n'aboutissent toutefois pas vraiment, chacun étant dans son domaine » 160 ( * ) .

Il ne semble pas que des liens aussi développés existent entre l'Oclaesp et l'OCLCTIC.

Si une initiative comme Pharos permet de partager les informations recueillies par un service - ou même par un particulier au hasard de sa navigation sur Internet -, il ne semble pas que ces informations soient encore efficacement mutualisées en matière de dopage.

(3) L'inquiétante mise à disposition de produits « prêts à être développés »

Internet ne sert pas seulement de plate-forme d'achat en facilitant les transactions entre consommateurs et trafiquants. Internet met aussi à disposition des travaux de recherches, des découvertes ou des publications concernant des produits ou des molécules, dont le développement a été finalement abandonné, pour des raisons sanitaires par exemple, mais qui peuvent faire l'objet de recherches en vue de développer leurs éventuelles propriétés dopantes .

Lors de son audition, le professeur Michel Audran a ainsi rapporté que « la nouveauté, c'est l'utilisation de produits en cours d'essais cliniques, provenant des hôpitaux et surtout d'Internet : dès que la structure d'une molécule est publiée, pour peu qu'elle puisse être reproduite facilement, la substance se trouve sur Internet. On fait désormais usage de substances dont les essais cliniques ont été interrompus, ou qui ont démontré des effets ergogéniques sur l'animal seulement, comme l'Aicar, qui a fait le buzz sur Internet » 161 ( * ) .

Michel Rieu a également souligné 162 ( * ) le rôle de catalyseur qu'a pu avoir Internet dans le développement de l'Aicar, dont il a souligné le caractère aussi bien expérimental que dangereux.

Cette mise à disposition permet aussi de modifier à la marge des molécules afin de conserver les propriétés dopantes et de les rendre indétectables, ou encore les faire échapper à la liste des produits dopants. Lors de son audition, Michel Audran a ainsi insisté sur cette situation révélée en 2003 par l'affaire dite « Balco » : le laboratoire américain Balco avait spécifiquement développé une substance, la tétrahydrogestrinone (THG) qui avait la particularité d'être indétectable par les tests anti-dopage en vigueur.

Dans son rapport précité, la commission australienne chargée de la lutte contre la criminalité a identifié une liste de substances administrées à des sportifs, sans que ces produits aient fait l'objet d'essais cliniques ni d'aucune approbation . La commission note d'ailleurs que certaines de ces substances ne sont pas interdites par l'AMA en raison de l'absence d'essais cliniques établissant leur potentiel dopant 163 ( * ) .

c) La place incontournable du renseignement
(1) Le renseignement, condition sine qua non de l'efficacité des contrôles douaniers

Les caractéristiques du trafic de produits stupéfiants rendent d'autant plus nécessaire la mise en oeuvre de structures de renseignements efficaces : de la qualité des renseignements dépend l'efficacité des contrôles douaniers et policiers .

Avec l'accélération des échanges, le renseignement est indispensable, au regard du nombre de marchandises qui transitent en France, pour cibler les contrôles. Jean-Paul Garcia explique ainsi que la DNRED définit les critères qui seront utilisés pour opérer les contrôles : « La DNRED est également l'un des fournisseurs d'informations pour l'organisation du premier dispositif de contrôle douanier qu'est le ciblage des marchandises. C'est notamment au sein de la DNRED que l'on détermine les critères qui permettront aux différents services d'assurer un ciblage des marchandises » 164 ( * ) .

Ce ciblage des contrôles , à partir de critères prédéterminés est d'autant plus nécessaire que, comme il le souligne, « une opération d'importation d'une marchandise dans l'Union européenne à travers la France ne nécessite que quatre minutes en moyenne. Sur une opération aussi rapidement réalisée, le contrôle est le plus souvent voisin de zéro. On compense donc la surveillance humaine par des critères que l'on introduit dans la machine, celle-ci sélectionnant des marchandises sensibles en raison des trois critères douaniers que sont l'espèce , l'origine et la valeur au moment de l'entrée sur le territoire de l'Union européenne » 165 ( * ) .

La sélection des critères de contrôles nécessite donc une remise à jour permanente , les trafiquants s'adaptant en permanence. L'intérêt des structures de collecte de renseignements et de veille, exposées précédemment, prend alors toute son importance.

(2) Le renseignement, corollaire nécessaire des contrôles antidopage

Un renseignement efficace présente l'avantage sur les contrôles antidopage de tarir en amont la source d'approvisionnement, ou de rendre plus difficile l'accès aux produits : ceux-ci deviennent alors plus chers, plus compliqués à acheminer.

Les renseignements de type « non-analytique » en ce qu'ils ne sont pas liés directement à la collecte ou à l'analyse d'échantillon 166 ( * ) , sont donc essentiels pour démanteler les réseaux. Ainsi, lors de son audition, John Fahey a souligné qu'en Australie, près de 40 % des sanctions résultent de renseignements fournis par les douanes ou la police 167 ( * ) . De fait, l'affaire Festina a été par exemple déclenchée par un contrôle, dont il est difficile de penser qu'il a été fortuit : il repose probablement sur des renseignements transmis .

L'Agence mondiale antidopage ainsi que différents travaux universitaires ont souligné qu'une approche complémentaire, dirigée davantage vers la répression des trafics, était indispensable pour obtenir de meilleurs résultats dans la lutte contre le dopage.

Lors de son audition, John Fahey a ainsi relevé que « l'affaire Armstrong, l'affaire Balco, le compte rendu de la commission anticrise australienne témoignent que les preuves non analytiques sont puissantes aussi. Mais les prérogatives des organisations antidopage pour diligenter des enquêtes sont très limitées, à moins que des lois nationales n'aient été votées en ce sens » 168 ( * ) .

Dès lors, il conclut logiquement qu' « en ce qui concerne la lutte contre le dopage elle-même, le renseignement et les investigations prennent une importance croissante » 169 ( * ) .

Par ailleurs, au regard du développement rapide de nouvelles techniques de dopage, de la découverte de nouveaux produits, la saisie en amont permet de faire progresser la recherche fondamentale, de mieux comprendre les techniques d'acheminement aussi, en déterminant de nouvelles sources d'approvisionnement, afin d'alimenter les critères utilisés par la douane dans ses contrôles de marchandises.

Enfin, le faible nombre de cas positifs au dopage souligne l'intérêt d'une démarche en amont : les contrôles antidopage sont en effet très onéreux, complexes à mettre en oeuvre, ils mobilisent des effectifs nombreux et nécessitent aussi de renouveler régulièrement les méthodes, de prélèvement comme de détection. Dans un contexte de contraintes budgétaires, traiter le problème en amont, en s'appuyant sur les structures existantes et en mutualisant mieux le renseignement, apparaît donc une voie prometteuse.

Dans la seconde partie de son analyse, votre rapporteur fera à cet égard un certain nombre de propositions.

III. UNE QUESTION PAR NATURE TRANSNATIONALE

A. UN ENJEU INTERNATIONAL

Le dopage constitue un enjeu international à de multiples égards.

À l'image du sport qui ne connaît pas de frontières, il ne peut s'analyser qu'en tenant compte de la circulation des athlètes dans tous les pays du monde tant au titre des compétitions qu'à celui des entraînements.

Quels que soient la nationalité des athlètes placés sous leur juridiction et les pays dans lesquels ces derniers se situent, les fédérations internationales sont d'ailleurs aujourd'hui astreintes à des obligations bien définies en matière de lutte contre le dopage.

Cependant, ainsi qu'il a été mentionné à plusieurs reprises devant la commission d'enquête, le défaut d'harmonisation des règles nationales en vigueur en la matière, peut inciter certains sportifs à « optimiser » leur localisation . Travis Tygart rappelle à cet égard que « certains athlètes ont tout simplement quitté les États-Unis ou la France pour s'entraîner dans des pays moins regardants, plus laxistes » 170 ( * ) . Marc Sanson estime également que « les sportifs se « chargent » ou se « rechargent » hors compétition (lors des stages d'entraînement opportunément organisés dans des lieux éloignés et peu accessibles) » 171 ( * ) .

Partant, l'hétérogénéité des règles applicables à la lutte contre le dopage est source d'injustice dans le sport. Bernard Amsalem l'a souligné avec force : « La réglementation antidopage est un domaine où règne l'inégalité la plus totale. Les pays économiquement plus développés ont mis en place des contrôles assez développés mais d'autres sont encore très en retrait de ces avancées , notamment en Afrique, voire dans les pays de l'Est (Ukraine, Biélorussie, Russie). Le sport n'y est pas organisé de la même façon qu'ici et les fédérations y contrôlent très peu leurs athlètes en raison d'enjeux financiers pris en main par des groupes. Dans les stades, je constate d'ailleurs à quel point il est facile de repérer des signes physiques clairs de prise de produits dopants, notamment chez les athlètes féminines » 172 ( * ) .

Jean-François Lamour renvoie pour sa part aux difficultés de moyens éprouvées par certains pays pour mettre en place une véritable politique de lutte contre le dopage : « De nouvelles nations arrivent dans le concert international, avec des cultures et des moyens différents en matière de lutte antidopage. Certains pays d'Afrique se moquent bien de mettre en place un programme de lutte antidopage, ayant à peine de quoi chausser leurs sportifs, les faire vivre et les entraîner ! » 173 ( * ) .

De surcroît, le caractère international de la chaîne d'approvisionnement en produits dopants , dont la circulation est placée sous la surveillance d'Europol et d'Interpol, constitue un défi majeur. Il apparaît en particulier difficile de faire obstacle à l'achat de produits interdits par le biais d'Internet dès lors qu'un pays fournisseur se garde de réprimer tout trafic de ce type.

L'universalité du sport et de la volonté de lutter contre le dopage dans ce domaine requiert donc une coopération internationale soutenue qui a déjà montré son intérêt à plusieurs reprises 174 ( * ) .

B. UNE RÉPONSE NÉCESSAIREMENT MONDIALE

Si, dès 1928, l'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF) a été la première fédération internationale à interdire le recours à des substances stimulantes, l'émergence d'une préoccupation pour les questions de dopage ne date véritablement que des années 1960.

Les premiers contrôles antidopage sont réalisés en 1966 dans le cyclisme par l'UCI (Union cycliste internationale) et dans le football par la Fifa (Fédération internationale de football association) à l'occasion de leur championnat du monde respectif.

Cinq ans après le vote en 1962 d'une résolution condamnant le dopage, le CIO installe sa commission médicale. Chargée de lutter contre le dopage, elle établit la première liste des substances interdites dans le sport dont le contenu évolue au gré de l'émergence de nouveaux produits 175 ( * ) .

Sur ces fondements, l'histoire olympique connaît ses premiers contrôles antidopage en 1968 à l'occasion des Jeux olympiques d'hiver à Grenoble et d'été à Mexico.

Mais la lutte contre le dopage ne se voit attribuer un réel arsenal juridique international qu'à compter des années 1990 et surtout 2000, le continent européen ayant joué un rôle moteur en ce sens.

1. Le rôle moteur de l'échelon européen

Adoptée à Strasbourg le 16 novembre 1989, la Convention du Conseil de l'Europe contre le dopage est demeurée pendant près de dix ans le seul instrument juridique multilatéral destiné à lutter de manière coordonnée contre le dopage dans le sport.

Entrée en vigueur le 1 er mars 1990 et ratifiée par cinquante et un États, elle est ouverte à la signature d'États qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe. 176 ( * )

Dans l'élaboration de leurs règles nationales régissant la lutte contre le dopage, les parties prenantes s'engagent à tenir compte des sept engagements principaux suivants :

- créer un organe de coordination national ;

- réduire le trafic de substances dopantes et l'usage d'agents dopants interdits ;

- renforcer les contrôles antidopage et améliorer les techniques de détection ;

- soutenir les programmes d'éducation et de visibilité ;

- garantir l'efficacité des sanctions prises contre les contrevenants ;

- collaborer avec les organisations sportives à tous les niveaux, y compris au niveau international ;

- recourir aux laboratoires antidopage accrédités.

La convention a été pourvue d'un protocole additionnel entré en vigueur le 1 er avril 2004. L'objectif est de garantir la reconnaissance mutuelle des contrôles antidopage et de mettre en place un système de contrôle obligatoire pour s'assurer des engagements souscrits.

Un groupe de suivi est chargé d'évaluer les modalités de mise en oeuvre de la convention par chaque État-partie et de réexaminer à intervalles réguliers la liste des substances et des méthodes interdites annexée à la convention.

Malgré les faibles moyens dont est demeurée tributaire la mise en oeuvre de la c onvention , celle-ci a certainement marqué une étape importante dans la mobilisation intergouvernementale contre le dopage en donnant du poids au continent européen dans les négociations ayant conduit à l'établissement d'un corpus de règles antidopage négocié au niveau mondial .

Marie-George Buffet indique à ce sujet qu' « il aura fallu tenir des réunions quasi clandestines des ministres des sports, puis des réunions informelles, afin que les États européens exercent une pression positive sur le Comité international olympique (CIO) , pour obtenir la construction de l'Agence mondiale antidopage (AMA) » 177 ( * ) .

2. Un corpus de règles aujourd'hui négocié au niveau mondial
a) L'Agence mondiale antidopage : une révolution majeure

Fondée à Lausanne le 10 novembre 1999 sous la forme d'une fondation indépendante de droit privé suisse, l'Agence mondiale antidopage (AMA) est opérationnelle depuis 2002. Son siège se situe à Montréal. Elle est financée à parts égales par le mouvement olympique et les gouvernements. Son budget s'élevait à environ 26,4 millions de dollars en 2011 .

La mission de l'AMA est de « promouvoir, coordonner, et superviser au niveau international la lutte contre le dopage sous toutes ses formes ». Depuis la création de l'Agence mondiale, le rôle du CIO en matière de lutte contre le dopage demeure circonscrit à la période de compétition olympique.

Son caractère révolutionnaire est lié à son adossement à la Convention internationale contre le dopage dans le sport adoptée à l'unanimité le 19 octobre 2005 par la 33 e Conférence générale de l'Unesco , qui donne une force contraignante aux décisions qu'elle prend et aux règles qu'elle édicte.

Les missions de l'Agence mondiale antidopage

L'article 20.7 du code mondial antidopage, distingue huit « rôles et responsabilités de l'AMA » :

- adopter et mettre en oeuvre des principes et des procédures conformes au code ;

- surveiller la conformité au code de la part des signataires ;

- approuver des standards internationaux applicables à la mise en oeuvre du code ;

- accréditer et réaccréditer les laboratoires devant procéder à l'analyse des échantillons et habiliter d'autres entités à effectuer cette analyse ;

- élaborer et approuver des modèles de bonnes pratiques ;

- promouvoir, réaliser, commanditer, financer et coordonner la recherche antidopage et promouvoir l'éducation antidopage ;

- concevoir et organiser un programme des observateurs indépendants efficace ;

- effectuer les contrôles antidopage autorisés par les autres organisations antidopage et collaborer avec les organisations et agences nationales et internationales compétentes, et notamment faciliter les enquêtes et les investigations.

Le conseil de fondation de l'AMA constitue l'instance décisionnelle de l'Agence. Il est composé à parts égales de représentants du mouvement olympique et des gouvernements. La prise de décision s'appuie notamment sur les avis de plusieurs comités spécialisés consultatifs comme par exemple le comité « santé, médecine et recherche » qui intervient notamment dans la révision annuelle de la liste des substances et méthodes interdites, dans l'accréditation des laboratoires antidopage dans le monde ou encore dans les règles d'attribution des AUT.

Le comité exécutif de l'AMA assume quant à lui un rôle de direction et de gestion de l'Agence.

Compte tenu de la représentation unifiée du continent européen dans les instances décisionnelles de l'AMA (un représentant au comité exécutif et cinq au conseil de fondation), la nécessité de concevoir une stratégie à l'échelon européen a motivé la mise en place en 2003 au sein du Conseil de l'Europe du Comité ad hoc européen pour l'AMA (Cahama) . Instance de coordination réunissant des experts des États-parties, il élabore une position commune et donne mandat aux six représentants européens membres des organes statutaires pour la défendre.

La convention est entrée en vigueur le 1 er février 2007. Au 13 mai 2013, la convention compte 174 États-parties 178 ( * ) .

La convention renvoie explicitement aux principes du code mondial antidopage et pose un certain nombre de principes sur lesquels les États-parties s'engagent à :

- limiter l'offre de substances ou méthodes interdites dans le sport ;

- faciliter les contrôles antidopage et soutenir les programmes nationaux de tests antidopage ;

- retirer tout appui financier aux sportifs et aux personnels d'encadrement qui commettent une violation du règlement antidopage ainsi qu'aux organisations sportives qui ne se conforment pas au CMA ;

- encourager les producteurs et les distributeurs de compléments alimentaires à développer « des pratiques optimales » pour l'étiquetage, la commercialisation et la distribution des produits qui pourraient contenir des substances interdites ;

- encourager la mise en oeuvre de programmes d'éducation antidopage à l'intention des sportifs en général.

À travers le fonds volontaire pour l'élimination du dopage dans le sport, la convention permet par ailleurs à l'Unesco d'accorder dans certaines conditions une aide financière aux États-parties dans l'élaboration de programmes d'éducation et de prévention du dopage ou pour renforcer les moyens de lutte contre le dopage dans des pays dont les moyens de lutte sont particulièrement faibles 179 ( * ) .

La conférence des parties, qui se réunit en principe tous les deux ans, assure un suivi de la convention.

b) Le code mondial antidopage

Adopté à l'unanimité le 5 mars 2003 par la deuxième conférence mondiale sur le dopage, le code mondial antidopage (CMA) est entré en vigueur le 1 er janvier 2004.

Il vise à établir des règles communes relatives au dopage dans tous les sports de tous les pays que doivent respecter l'ensemble des fédérations sportives internationales et les organisations de lutte contre le dopage des différents pays signataires.

Le CMA formule en particulier les règles imposées aux organisations antidopage en matière de contrôle, d'analyse, de gestion des résultats et de sanctions.

La définition du dopage retenue dans le code revêt un caractère étendu, ne se limitant pas à l'usage d'une substance ou d'une méthode interdite.

La définition du dopage retenue dans le code mondial antidopage (2009)

Le CMA définit le dopage comme « une ou plusieurs violations des règles antidopage énoncées aux articles 2-1 à 2-8 » du code :

- présence d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans un échantillon du sportif ;

- usage ou tentative d'usage par un sportif d'une substance interdite ou d'une méthode interdite ;

- refus de se soumettre ou fait de ne pas se soumettre à un prélèvement d'échantillon ;

- violation des exigences applicables en matière de contrôles hors compétitions ;

- falsification ou tentative de falsification du contrôle de dopage ;

- possession de substances ou méthodes interdites ;

- trafic ou tentative de trafic de substance interdite ou de méthode interdite ;

- administration ou tentative d'administration d'une substance ou méthode interdite.

Là encore, soulignons l'importance majeure du code mondial, qui permet une harmonisation des règles, absolument fondamentale pour l'équité entre les sportifs, pour lesquels le terrain de jeu est planétaire.

Le CMA est assorti des « standards internationaux » qui édictent les principales règles techniques obligatoires permettant la mise en oeuvre du code et des « modèles de bonnes pratiques et lignes directrices » qui n'ont pas, quant à elles, d'effet contraignant. Il pose ainsi les jalons du processus d'harmonisation des pratiques et de partage d'outils communs dans lequel est entrée la lutte contre le dopage.

Après une première révision entérinée par le conseil de fondation de l'AMA le 17 janvier 2007, le code fait actuellement l'objet d'une nouvelle procédure de révision .

Celle-ci doit trouver son aboutissement à la conférence de Johannesburg (12-15 novembre 2013) pour une application de la version révisée à compter du 1 er janvier 2015.

C'est la raison pour laquelle, votre rapporteur, conscient qu'il y a là une fenêtre d'opportunité unique, s'est permis de formuler un certain nombre de propositions tendant à la modification du code mondial.

DEUXIÈME PARTIE - VOIES ET MOYENS DE LA LUTTE CONTRE LE DOPAGE

I. RENFORCER LA PRÉVENTION

A. LE RÔLE DE L'ÉTAT

1. Une responsabilité inscrite dans le code du sport

La loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, dite « Buffet », a été la première à mettre l'accent sur la prévention contre le dopage. Elle a, en particulier, créé le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), dont l'une des missions était de coordonner les actions de prévention à l'échelle nationale . Elle a également créé les Antennes médicales de lutte contre le dopage (AMLD) , qui ont été placées sous la responsabilité du CPLD.

La loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, dite « Lamour », en transformant le CPLD en Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), a retiré à cette autorité indépendante la mission de prévention . Depuis lors, c'est le ministère des sports et, en particulier, le bureau de la protection du public, de la promotion de la santé et de la lutte contre le dopage qui sont en charge du pilotage des actions de prévention en la matière. Les AMLD sont devenues antennes médicales de prévention du dopage (AMPD) , sous la tutelle du ministère des sports, et leurs missions recentrées sur la prévention.

Ainsi, l'article L. 230-1 du code du sport , premier article du titre III du code du sport consacré à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, dispose que « le ministre chargé des sports, en liaison avec les autres ministres et organismes intéressés, engage et coordonne les actions de prévention, de surveillance médicale, de recherche et d'éducation mises en oeuvre avec le concours, notamment, des fédérations sportives agréées dans les conditions définies à l'article L. 131-8, pour assurer la protection de la santé des sportifs et lutter contre le dopage ».

Dans ce cadre, un plan triennal de prévention des conduites dopantes a été élaboré en 2008. En 2011, il a été reconduit sous la forme d'un plan national de prévention du dopage et de lutte contre le trafic des produits dopants (2011-2014) . Il s'articule autour de trois volets :

- un volet à destination du grand public associant des actions de sensibilisation lancées lors des grandes manifestations sportives et des campagnes médiatiques avec l'appui du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), dans le cadre des dispositions de la loi du 1 er février 2012 ;

- un volet à destination du milieu sportif recherchant l'implication des fédérations sportives, des clubs et de l'encadrement des sportifs au travers de plusieurs dispositifs et d'actions de sensibilisation à la prévention du dopage ;

- un volet de lutte contre les trafics afin de soutenir et de suivre l'action des commissions régionales de lutte contre le trafic de produits dopants pilotées par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.

Le comité d'accompagnement, d'évaluation et de validation des outils de prévention du dopage , présidé par le professeur Philippe-Jean Parquet, a pour mission de définir et de valider les outils (kits, affiches, saynètes vidéo, etc.) élaborés par le ministère des sports. L'ensemble de ces outils sont ensuite mis à la disposition des services déconcentrés qui les mettent en place auprès des fédérations et des clubs ou dans les antennes médicales. À l'échelle nationale, le ministère lance également des appels à projets auprès des fédérations pour la mise en oeuvre de dispositifs de prévention des pratiques dopantes.

Si l'essentiel du financement est assuré directement par le ministère, à hauteur de 1,7 million d'euros en 2012 , Jean-Pierre Bourely, chef du bureau de la protection du public, de la promotion de la santé et de la prévention du dopage à la direction des sports, a indiqué lors de son audition avoir « obtenu que le Centre national pour le développement du sport (CNDS) puisse financer des projets de prévention du dopage » 180 ( * ) , à hauteur d'environ 170 000 euros en 2011.

2. Une responsabilité interministérielle

De nombreuses personnes auditionnées par votre commission ont insisté sur la nécessité de renforcer la prévention contre le dopage, en particulier auprès des plus jeunes . À cet égard, la prévention doit s'organiser à la fois dans les clubs, les compétitions, mais aussi par le biais de l'éducation nationale (sections générales et sections sportives scolaires).

Jean Lafontan, responsable national du Snep-FSU, a rappelé les actions déjà mises en oeuvre par l'éducation nationale et leurs limites : « dans les lycées, un enseignement d'exploration est proposé, pour une minorité de 3 000 élèves, avec 5 heures par semaine en plus de l'éducation physique. Il existe également une option facultative, qui comprend des thèmes d'étude dans lesquels le dopage est abordé. Nous avons aussi des sections sportives dans les collèges, pour 44 000 élèves. Le thème du dopage doit y être abordé au détour de débats plus généraux » 181 ( * ) . Dans la même perspective, Bruno Sesboüé, médecin, pour qui « l'école est un endroit de choix », a rappelé que l'expérience menée en 2002-2003 avec certains proviseurs afin d'évoquer le dopage dans les classes s'était rapidement essoufflée 182 ( * ) .

Dans ce contexte, John Fahey, président de l'AMA, a mis en exergue le modèle du Japon : « au Japon, en revanche, il y a dans chaque école primaire et secondaire un module d'éducation sur les dangers des drogues dans le sport ».

Conscient que ce modèle n'est pas directement transposable et que de nombreuses missions ont déjà été confiées à l'école, votre rapporteur considère qu'une action plus ciblée pourrait être entreprise, dans le second degré, et en direction des jeunes les plus intéressés par les activités sportives.

Proposition n° 12 Mettre en place des conventions entre l'AFLD et les associations de sport scolaire dans le second degré (UNSS et UGSEL 183 ( * ) ) portant sur des actions de prévention du dopage

Par ailleurs, la prévention doit également prendre pour cible le développement du dopage « de masse », lié à la pratique de la musculation et du bodybuilding , comme il a été indiqué précédemment. Dans ce cadre, il conviendrait de mettre en place des campagnes d'informations systématiques auprès des pratiquants dans les clubs de remise en forme , ainsi qu'un dispositif d'alertes s'agissant des ventes sur Internet , qui constituent l'essentiel des achats de stimulants, hormones de croissance ou stéroïdes anabolisants d'après les informations transmises par les forces de police.

Proposition n° 13 Mettre en place des campagnes de sensibilisation spécifiques sur les risques
liés à la prise de produits dopants dans les salles de musculation

Pour faire face à ce type de dopage, les médias de masse sont sans doute bien adaptés. La loi du 30 septembre 1986 prévoyait l'insertion d'encarts relatifs à la lutte antidopage au cours de la retransmission d'événements sportifs. Trop ambitieuse, la loi n'avait pas été suivie d'effets. Cependant, la loi n° 2012-158 du 1 er février 2012 a réécrit l'article 20-3 de la loi de 1986 et a chargé le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'en fixer les conditions d'application.

Une délibération a été prise le 26 juin 2012 fixant les modalités de diffusion, par les chaînes de télévision, de programmes concernant la lutte contre le dopage et la protection des personnes pratiquant des activités physiques et sportives : il s'agit pour les chaînes diffusant du sport de programmer aussi des émissions relatives au dopage, et de diversifier, sur une période de quatre ans, « les sujets traités, les formats et les genres de programmes, les horaires de diffusion et les publics visés ».

Un bilan de cette délibération devra sans doute être fait à mi-parcours, à savoir deux ans après sa mise en oeuvre (juin 2014).

3. Des outils de prévention faiblement mobilisés

Outre les campagnes régulières lancées par le ministère ou ses services déconcentrés, la prévention contre le dopage s'organise autour de trois principales structures permanentes : les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage (CRPLD), les antennes médicales de prévention du dopage (AMPD) et le numéro vert Écoute Dopage .

a) Les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage

Les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage ont été créées en 2003 afin de fluidifier les échanges d'informations entre les différents acteurs (services déconcentrés de l'État, forces de police, douane, mouvement sportif, etc.) , notamment sur les trafics de produits dopants, de partager les bonnes pratiques , ou encore d'alerter sur les situations problématiques . Elles sont présidées conjointement par le préfet de région et le procureur de la République près le tribunal de grande instance du chef-lieu de région et leur secrétariat est assuré par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et, plus spécifiquement, par le correspondant régional antidopage (voir infra ).

Mais ces commissions, qui n'avaient pas été mises en place dans toutes les régions, ont en outre étonnamment été supprimées par décret en 2007 (voir infra ). De plus, elles n'avaient pas de relais national capable d'impulser des axes stratégiques et d'organiser la circulation d'informations à l'échelle nationale. Il est donc nécessaire de relancer les commissions régionales à travers la publication d'un nouveau décret, comme l'a annoncé Valérie Fourneyron, ministre des sports, mais aussi de créer une instance nationale qui coordonne l'action des commissions régionales.

En tout état de cause, en lien avec la proposition visant à mutualiser entre plusieurs régions le poste de « correspondant antidopage », votre rapporteur estime que ce correspondant interrégional devrait assurer le secrétariat des différentes commissions régionales de son périmètre . Le maintien d'un périmètre régional garantit en effet, pour ces dernières, la cohérence de la circulation d'informations entre différents acteurs essentiellement régionaux ; dans le même temps, le correspondant interrégional, chargé du secrétariat, permettra de faire le lien non seulement avec l'instance nationale mais aussi avec les autres commissions régionales dont il a la charge et, ainsi, de décloisonner les circuits traditionnels d'échange d'information.

Proposition n° 14 Relancer des commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage,
animées par les correspondants antidopage interrégionaux

b) Les antennes médicales de prévention du dopage

Créées par la loi du 23 mars 1999, les Antennes médicales de prévention du dopage (AMPD) étaient initialement sous la tutelle du conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD). Elles sont depuis 2006 sous la tutelle du ministère. On en compte vingt-quatre, soit une par région métropolitaine, à l'exception de la Corse où aucune antenne n'a été ouverte, et de la région Paca qui est dotée de deux antennes (Marseille et Nice), à quoi s'ajoute une antenne implantée en Martinique (pour les Antilles et la Guyane) et une à la Réunion.

Aux termes de l'article L. 232-1 du code du sport, elles sont implantées dans des établissements publics de santé pour apporter toutes informations et conseils aux sportifs et à leur entourage, y compris médicaux . De plus, elles ont pour mission de délivrer aux sportifs ayant été sanctionnés pour prise de produits dopants une attestation nominative préalable à la restitution de la licence par la fédération. Enfin, elles ont une mission générale de recherche sur les thèmes comme les compléments alimentaires, ainsi qu'un rôle de veille sanitaire .

Les AMPD sont généralement ouvertes un ou deux jours par semaine ; elles mettent en place également un accueil téléphonique disponible pendant les jours ouvrés de la semaine. On constate cependant, à la lecture de la liste diffusée par le ministère des sports, que nombre d'entre elles ont des horaires d'ouverture très limités (une demi-journée par semaine), voire seulement sur rendez-vous.

Cela témoigne de leur très faible activité générale , qui a été constatée par de nombreuses personnes auditionnées par votre commission d'enquête.

Cette faiblesse a trois causes principales :

- La première cause, conjoncturelle, est liée à un problème récent de financement . En effet, les AMPD sont traditionnellement financées par la part nationale du Centre national pour le développement du sport (CNDS) ; en 2012, ce financement s'est établi à environ 600 000 euros . Or, à compter de 2013, les antennes seront financées par la part territoriale du CNDS , ce qui signifie que les dotations des unes et des autres évolueront en fonction des priorités et des situations régionales. D'après le docteur Bruno Sesboüé, responsable de l'antenne de Basse-Normandie, « pour certaines antennes, cela signifie une baisse de la dotation de près de 60 % » 184 ( * ) . Jean-Pierre Bourely, chef de bureau au ministère des sports, l'a reconnu : « elles dépendent d'ailleurs, sur le plan financier, de la part territoriale du CNDS, qui va poser des questions très concrètes pour savoir ce qu'elles font... » 185 ( * ) . D'après Bruno Sesboüé, trois antennes ont d'ores et déjà fermé , le financement accordé étant trop inférieur au coût qu'elles représentent pour les établissements hospitaliers.

- La deuxième cause, structurelle, résulte de l'ambiguïté et du manque de visibilité liés à leur statut et à leur implantation . Jean-Pierre Bourely a ainsi souligné que « ces antennes n'ont pas d'assise juridique ; elles sont créées au sein d'établissements de santé et leurs implantations sont d'une grande hétérogénéité » 186 ( * ) . Le rattachement des antennes se traduit par des lourdeurs importantes en termes de gestion ; ainsi Bruno Sesboüé se plaint d'un « millefeuille administratif dans lequel [ils doivent se] débattre : les dossiers que nous préparons doivent être adressés au responsable de l'antenne, puis au chef de service, au chef de pôle, à la direction de l'hôpital, à l'Agence régionale de santé (ARS), à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et au ministère » 187 ( * ) . Outre la lourdeur administrative, leur implantation dans des établissements hospitaliers se traduit par un manque de visibilité pour le monde sportif. Elles sont méconnues et peu attractives pour le public sportif , qui devrait pourtant en être le principal destinataire et utilisateur.

- Enfin, un dernier problème a été soulevé par Bruno Sesboüé, qui rejoint le constat dressé pour les commissions régionales : l'absence de pilotage stratégique par le ministère des sports , ce qui ne peut qu'aggraver le problème de financement et de statut juridique et accélérer le désengagement des agents. Il a ainsi souligné qu'« il n'y a plus de pilotage national effectif : nous n'avons pas eu de réunion avec notre ministère de tutelle depuis deux ans ! » 188 ( * ) .

Certaines AMPD connaissent une activité plus soutenue, du fait « qu'elles bénéficient, dans certains hôpitaux, de l'obligation de consultation psychologique, dans le cadre du suivi médical réglementaire » 189 ( * ) . En revanche, alors que les AMPD reçoivent, en théorie, tous les sportifs sanctionnés pour violation des règles antidopage et leur délivrent une attestation, il s'avère que cette activité « obligatoire » n'est pas systématique : Jean-Pierre Bourely a ainsi reconnu que « seules trente-cinq ou trente-huit personnes ont été orientées vers les AMPD », alors qu'on compte environ 200 sportifs sanctionnés par an ; de même, le professeur Parquet, responsable de l'AMPD de Nord-Pas-de-Calais, a indiqué qu'« en réalité, très peu s'y rendent . Les certificats de reprise de licence sont donc délivrés dans d'autres officines » 190 ( * ) .

Dans ce contexte, une réforme globale des AMPD est indispensable .

Votre rapporteur regrette déjà que, contrairement aux termes mêmes des articles L. 231-8 et L. 232-1, les sportifs sanctionnés pour violation des règles antidopage puissent récupérer leur licence sportive sans entretien au sein d'une AMPD. Il convient de rétablir le monopole des AMPD en matière de délivrance des attestations permettant aux sportifs de récupérer leurs licences.

Afin de mieux assurer ce monopole en articulant sanction et visite en AMPD mais aussi afin de garantir un pilotage national effectif de ces structures , votre rapporteur propose que l'animation des AMPD soit à nouveau confiée à l'AFLD, dans le cadre du rétablissement de ses compétences en matière de prévention du dopage.

S'agissant de leur implantation, l'une des principales pistes évoquées consisterait à les sortir du milieu hospitalier pour les implanter au sein des Centres de ressources, d'expertise et de performances sportives (Creps) . Cette idée, avancée notamment par Jean-Pierre Bourely, vise principalement à les rapprocher des sportifs : « il faut vraiment que le monde sportif puisse plus facilement accéder à de telles antennes » 191 ( * ) . Bruno Sesboüé s'y oppose, en considérant notamment que les sportifs ne sont pas nécessairement les plus dopés : cet argument illustre le fait que les AMPD, en raison de leur implantation, ont perdu de vue leur objectif initial de la prévention du dopage chez les sportifs.

Votre rapporteur estime que cette réforme de la carte des AMPD, pour importante qu'elle soit, ne doit pas être précipitée ni dogmatique. Il estime ainsi qu'il faudrait laisser à l'AFLD le soin de conduire cette réforme, qui pourrait passer par une mutualisation interrégionale, et un assouplissement du cadre d'implantation, qui pourrait être un centre hospitalier ou un lieu dédié au sport selon les zones.

Proposition n° 15 Confier à l'AFLD la responsabilité des AMPD

Proposition n° 16 Rétablir le monopole des AMPD en matière d'attestation avant remise de licences
pour les sportifs sanctionnés

Proposition n° 17 Rationaliser la carte des AMPD et assouplir leur cadre d'implantation

c) Le numéro vert Écoute Dopage

Créé en novembre 1998, le numéro vert Écoute dopage est une singularité française. Il s'agit, selon le ministère des sports, « d'un espace privilégié d'écoute et de prévention destiné à informer, aider et orienter les sportifs et toute personne qui le souhaite pour n'importe quelle problématique qui touche, directement ou indirectement, le dopage » 192 ( * ) .

Écoute dopage est un service géré par une association , Dopage info service, pour le compte du ministère des sports qui le finance à hauteur d'environ 260 000 euros par an . Il comprend non seulement une ligne téléphonique (numéro vert gratuit et anonyme) 193 ( * ) , mais également un service courriel , ainsi qu'un site Internet .

Depuis 1998, le service a traité plus de 100 000 questions, par appel, par courriel ou par Internet, selon les statistiques de l'association.

En 2011, seulement 2 800 appels ont été traités par le service, 52 % des appelants étant des sportifs et 18 % des adolescents, population en forte augmentation sur les dernières années.

Jean-Pierre Bourely a indiqué à votre commission que « l'activité du numéro vert n'est en effet pas pleinement satisfaisante . Un travail est en cours avec le nouveau président, Denis Hauw, pour y remédier, notamment en matière de partenariat avec les AMPD ».

En conséquence, il convient de systématiser l'information sur le numéro vert dans le cadre des campagnes de prévention contre le dopage, à la fois au sein des AMPD et, le cas échéant, dans le cadre de la charte antidopage affichée par les EAPS .

Proposition n° 18 Mieux informer sur l'existence du numéro vert au sein des AMPD et des EAPS

4. Redonner à l'AFLD un rôle majeur dans la prévention

Alors que le CPLD était, comme son nom l'indique, responsable de la prévention contre le dopage, l'AFLD ne joue, depuis sa création en 2006, qu'un rôle subsidiaire à côté du ministère en la matière.

Le retour de la prévention dans le giron du ministère se justifie, comme l'avance Jean-Pierre Bourely, par le fait qu'il est « l'interlocuteur privilégié des fédérations sportives . Il existe, dans le cadre des conventions d'objectifs, un volet médical comportant trois objectifs qui structurent nos financements. Je dispose d'une enveloppe de 6 millions d'euros pour financer le volet médical des conventions d'objectifs » 194 ( * ) .

S'agissant de l'AFLD, si l'article L. 232-5 du code du sport indique que l'AFLD « met en oeuvre des actions de prévention et de recherche en matière de lutte contre le dopage » , il n'a été modifié en ce sens que par la loi du 1 er février 2012 précitée sur l'éthique du sport et la protection des sportifs. Ce nouveau rôle de prévention, associé à celui de recherche, est principalement assuré en son sein par le comité d'orientation scientifique de l'Agence , composé de onze membres, tous docteurs ou professeurs d'université. Ce comité joue un rôle de veille et d'orientation des recherches sur l'évolution des pratiques dopantes et de leurs effets secondaires .

Votre rapporteur souhaite que le rôle de l'AFLD dans la prévention contre le dopage soit considérablement renforcé. Plusieurs arguments militent en effet en ce sens :

- une plus grande cohérence avec les contrôles dont certains, pour les jeunes sportifs notamment, ont également un rôle de prévention ;

- une meilleure lisibilité et visibilité des actions de prévention vis-à-vis des sportifs et du grand public ;

- un renforcement des relations, de la connaissance réciproque et des partenariats entre les fédérations sportives et l'AFLD , ce qui peut avoir un effet positif y compris sur le contrôle.

De plus, il est manifeste que, s'agissant des AMPD notamment, le ministère n'a pas su, depuis 2006, insuffler de dynamique forte en matière de prévention du dopage.

Cette proposition de votre rapporteur doit être mise en perspective avec celles concernant les AMPD ou encore la mise en place de correspondants interrégionaux de lutte contre le dopage (voir infra ). Ces correspondants, installés au sein des directions régionales, seraient mis à la disposition de l'AFLD et pourraient ainsi, outre la poursuite de l'activité de contrôle actuellement exercée, avoir pour mission de coordonner, pour le compte de l'AFLD, l'ensemble des actions de prévention mises en oeuvre dans la région ainsi que d'animer les AMPD. En tout état de cause, l'absence de pilotage des AMPD par le ministère plaide dans le sens d'un rattachement de ces dernières à l'AFLD .

Ce retour de la prévention et, notamment, des AMPD, parmi les missions de l'AFLD a été évoqué par plusieurs personnes auditionnées. Ainsi Pierre Bordry a souligné devant votre commission que « le plus gênant réside dans le fait que l'AFLD perd les antennes médicales au profit du ministère, qui ne les a pas développées, ainsi qu'un certain nombre de moyens en matière de recherche et de prévention » 195 ( * ) . De même Michel Rieu, ancien conseiller scientifique de l'AFLD, a parlé de « rupture calamiteuse entre les antennes médicales de lutte contre le dopage et l'AFLD » 196 ( * ) .

En tout état de cause, ce transfert de compétences doit s'opérer à budget constant , étant entendu que hors les dispositifs spécifiques (AMPD, Écoute Dopage ), le budget d'intervention en matière de prévention porté par le ministère, directement, à travers les directions régionales ou via le CNDS, est relativement limité, soit 500 000 euros en 2011 .

D'après les informations fournies à votre rapporteur, environ quinze agents sont aujourd'hui dédiés, au ministère, à la prévention du dopage, à la promotion de la santé par le sport et à la protection du public. Le seul domaine de la prévention du dopage représenterait environ cinq ETPT 197 ( * ) . Le transfert partiel de compétences proposé conduirait donc au transfert d'environ trois de ces agents vers l'AFLD .

Dans le schéma proposé, le ministère conserverait le volet de prévention lié à l'exercice de sa tutelle sur les fédérations : ce n'est en effet pas à l'AFLD de négocier les conventions d'objectifs et de moyens avec les fédérations pour leur imposer des obligations en matière de prévention du dopage.

De même, le ministère conserverait l'action internationale en faveur de la lutte antidopage ; il s'agit, en particulier, de porter la voix de la France au sein de l'AMA ou dans ses relations avec les fédérations internationales.

Proposition n° 19 Confier à l'AFLD la compétence en matière de prévention du dopage, en la chargeant
de la coordination des politiques régionales, de l'animation des AMPD
via son correspondant interrégional et de la gestion du numéro vert

B. LA PRÉVENTION, MISSION NATURELLE DES FÉDÉRATIONS

1. Une responsabilité inscrite parmi les obligations des fédérations

L'article L. 230-1 du code du sport prévoit que « le ministre chargé des sports, en liaison avec les autres ministres et organismes intéressés, engage et coordonne les actions de prévention, de surveillance médicale, de recherche et d'éducation mises en oeuvre avec le concours, notamment, des fédérations sportives agréées dans les conditions définies à l'article L. 131-8, pour assurer la protection de la santé des sportifs et lutter contre le dopage ». Ainsi, les fédérations sportives, pilier du mouvement sportif, sont considérées comme les premiers auxiliaires de l'État dans sa politique de prévention du dopage , ce que confirme l'article L. 231-5 (voir encadré ci-après).

Article L. 231-5 du code du sport

« Les fédérations sportives veillent à la santé de leurs licenciés et prennent à cet effet les dispositions nécessaires, notamment en ce qui concerne les programmes d'entraînement et le calendrier des compétitions et manifestations sportives qu'elles organisent ou qu'elles autorisent.

« Elles développent auprès des licenciés et de leur encadrement une information de prévention contre l'utilisation des substances et procédés dopants avec l'appui des antennes médicales de prévention du dopage.

« Les programmes de formation destinés aux cadres professionnels et bénévoles qui interviennent dans les fédérations sportives, les clubs, les établissements d'activités physiques et sportives et les écoles de sport comprennent des actions de prévention contre l'utilisation des substances et procédés dopants ».

Comme l'a rappelé Marie-George Buffet devant votre commission d'enquête « le ministère dispose de tous les instruments nécessaires. Quand j'ai vu que je ne pouvais plus intervenir de manière douce face, à l'époque, à la fédération d'haltérophilie, je leur ai enlevé l'agrément . C'est une arme atomique ! Il a fallu que la fédération se reconstruise club par club... » 198 ( * ) .

Sans aller jusqu'au retrait de l'agrément, le ministère dispose d'un outil financier important à travers les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens , éléments structurants du dialogue entre l'État et les fédérations. Ces conventions fixent et financent les actions mises en oeuvre par ces dernières en matière de prévention et de protection de la santé. Comme il a été mentionné précédemment, le ministère dispose d'une enveloppe d'environ 6 millions d'euros pour financer le volet médical des conventions d'objectifs . Ce volet préventif s'organise autour de deux principales orientations :

- la mise en oeuvre de projets spécifiques en matière de prévention du dopage ou de promotion de la santé, conformément à l'article L. 231-5 du code du sport ;

- la surveillance médicale réglementaire (SMR) , prévue par l'article L. 231-6 du code du sport.

2. Un rôle essentiel de promotion de la santé par le sport

La mission de prévention contre le dopage des fédérations se déduit naturellement de leur mission première de promotion de leur discipline et de promotion de la santé par l'exercice de leur sport . Pour conserver leur réputation et leur attractivité, notamment auprès du grand public, il est essentiel pour les fédérations que leur sport soit assimilé à la protection de la santé, message incompatible avec le dopage.

Malgré ce rôle « naturel » en matière de prévention, on constate une implication inégale des fédérations . Certaines fédérations, ne s'estimant pas touchées par le phénomène du dopage, sont peu enclines à la mise en oeuvre de ce type de projets. Ainsi, David Douillet, ancien ministre des sports, a regretté devant votre commission que « d'aucuns se disent, parfois à juste titre, que le problème ne se pose pas ou guère dans leur fédération . Ils en concluent qu'il est inutile de dépenser de l'argent à cela et préfèrent aider les clubs » 199 ( * ) .

Certaines actions méritent cependant d'être soulignées, comme la campagne « Athlé-santé » de la fédération française d'athlétisme consistant, comme l'a exposé Bernard Amsalem devant votre commission, à « diversifier la pratique de l'athlétisme en l'utilisant pour faire de la prévention auprès des personnes peu sportives ou pour accompagner des personnes malades » 200 ( * ) .

Les fédérations peuvent s'appuyer, dans leur mission de sensibilisation et de prévention, sur les outils fournis par le comité national olympique . Alain Calmat a ainsi indiqué à votre commission que « la commission médicale du CNOSF participe à des actions de prévention et de formation. Des outils régulièrement mis à jour, comme la mallette « le sport pour la santé », sont à la disposition de toutes les structures sportives et territoriales. Chaque année, le CNOSF organise un colloque national rassemblant l'ensemble des acteurs concernés par la lutte contre le dopage » 201 ( * ) . De plus, le CNOSF a mis en place un système d' e-learning sur la lutte contre le dopage, à destination des sportifs et de leur entourage, notamment médical.

3. La surveillance médicale réglementaire, une prévention contre le dopage qui ne dit pas son nom

Introduit par la loi Buffet précitée de 1999, la surveillance médicale réglementaire (ou « suivi longitudinal ») est régie par l'article L. 231-6 du code du sport et s'impose à toutes les fédérations agréées pour le suivi de leurs sportifs de haut niveau et des sportifs « Espoirs » .

Un arrêté des ministres chargés de la santé et des sports définit la nature et la périodicité des examens médicaux, qui sont communs à toutes les disciplines sportives 202 ( * ) .

En pratique, la SMR comprend principalement, une ou plusieurs fois par an, des examens biométriques, un électrocardiogramme, une prise de tension artérielle, un test d'effort, ainsi que des analyses urinaires et un bilan biologique . Sont également prévus des entretiens nutritionnels et, dans certains cas, un rendez-vous avec un psychologue .

La SMR est assurée par un médecin coordonnateur , agréé par la fédération, sous la responsabilité du médecin fédéral. Généralement, les plateaux techniques utilisés sont harmonisés au sein de la fédération afin d'assurer la comparabilité des examens réalisés.

D'après les informations transmises à votre commission d'enquête, en 2012, environ 77 % des sportifs de haut niveau avaient rempli en intégralité leurs obligations de suivi . Cette proportion s'établit à 82 % pour les sportifs inscrits sur les listes « Espoirs » .

À titre d'exemple, la SMR représente, pour la fédération française de rugby, un coût annuel total d'environ 782 500 euros pour 1 020 joueurs, 206 joueurs Espoirs et 339 joueurs en formation. Le coût moyen annuel par joueur s'établit à environ 500 euros 203 ( * ) .

L'objectif premier et affiché de la SMR est la protection de la santé du sportif : la surveillance médicale s'apparente en ce sens à une version renforcée de la visite médicale du droit du travail.

Pourtant, la SMR est également un outil de prévention du dopage - voire, à certains égards, déjà de contrôle antidopage . Du reste, son transfert depuis le code de la santé publique où elle était précédemment inscrite (ancien article L. 3621-2) vers le titre III « Santé des sportifs et lutte contre le dopage » du code du sport, à la faveur de l'ordonnance du 12 mars 2007, témoigne déjà de la reconnaissance du rôle de la SMR en matière de prévention contre le dopage.

Ce rôle de prévention contre le dopage se traduit notamment par la possibilité, donnée par l'article L. 231-3 du code du sport au médecin coordonnateur du suivi, d'établir un certificat de contre-indication à la participation aux compétitions sportives au vu des résultats de cette surveillance médicale .

Les auditions réalisées par votre commission ont confirmé la réalité de cette pratique, à la frontière entre prévention et contrôle. Ainsi Armand Mégret, médecin fédéral de la fédération française de cyclisme, a souligné devant votre commission que « les contre-indications médicales sont à effet immédiat. Parce qu'une cortisolémie basse représente un risque sanitaire, que la prise de corticoïde ait été licite ou non, c'est un no-start pour le coureur » 204 ( * ) . D'après les informations recueillies par votre rapporteur, en 2012, dans le seul cyclisme, environ 200 anomalies ont été détectées, qui ont donné lieu à environ quatre-vingt contre-indications.

Les directeurs techniques nationaux, pas plus que les présidents de fédération, ne sont associés à cette décision, qui procède uniquement du médecin fédéral. En revanche, ils en sont informés pour en tirer les conséquences quant à la définition de la sélection nationale.

Bernard Amsalem, président de la fédération française d'athlétisme, a ainsi donné l'exemple d'un marathonien « suspendu par la fédération française non pour raison de dopage, mais dans le cadre du suivi médical : le médecin de la fédération, qui a observé des irrégularités sur les paramètres et sans me préciser exactement ce qu'il en était - en l'occurrence, nous avons des suspicions de dopage -, nous a demandé de le suspendre, ce que nous avons fait » 205 ( * ) .

Cela conduit d'ailleurs Bernard Amsalem à s'interroger « de façon générale sur le suivi médical réglementaire. Le code du sport indique qu'il s'agit d'un suivi de la santé des athlètes. Or, nous l'utilisons comme un moyen de prévention du dopage, pour traquer les tricheurs , la recherche de pathologies étant secondaire. Il y a donc une certaine hypocrisie dans ce système et il conviendrait de clarifier les choses » 206 ( * ) .

À défaut d'hypocrisie, il y a, à tout le moins, une certaine ambiguïté dans ce suivi médical qui conduit à ce que des médecins fédéraux, responsables de la SMR, considèrent, à l'instar d'Armand Mégret 207 ( * ) , que leur action ne s'inscrit pas dans la lutte antidopage, quand bien même les décisions qu'ils prennent conduisent à des interdictions de concourir ( no-starts ).

En conséquence, votre rapporteur estime qu'il convient d'intégrer clairement la SMR parmi les outils de prévention du dopage , tout en lui conservant sa fonction de protection de la santé des sportifs. Il faut rompre l'étanchéité, mise en exergue par certains pour ne pas s'impliquer davantage dans la lutte contre le dopage, entre protection de la santé et lutte contre le dopage. Outre une redéfinition des objectifs de la SMR, il conviendrait de permettre l'exploitation de ses résultats dans le cadre du profilage biologique .

Proposition n° 20 Rattacher clairement la SMR à la prévention du dopage, en transmettant les résultats
au département des contrôles de l'AFLD et en permettant à ces résultats d'alimenter
le passeport biologique

4. Un contrôle insuffisant des calendriers des compétitions

Plusieurs personnes auditionnées par votre commission ont souligné que l'intensité des calendriers sportifs pouvait être un facteur de dopage 208 ( * ) . En particulier, dans les sports collectifs, la combinaison des matchs de ligue nationale, de ligue européenne ou internationale, de championnat national, ainsi que les matchs internationaux pour les sportifs de la sélection nationale, conduit à un rythme de compétition très soutenu.

À cela, s'ajoute l'augmentation du temps de jeu effectif dans beaucoup de sports professionnels. C'est notamment le cas au rugby, comme l'a souligné Bernard Laporte : « aujourd'hui, un match de haut niveau, c'est 40 minutes de jeu effectif, contre 20 à 23 minutes à mon époque » 209 ( * ) . Cette évolution, liée à la médiatisation croissante du sport, résulte à la fois d'un changement des pratiques et, parfois, d'une modification des règles du jeu : ainsi la fédération internationale de tennis a-t-elle, en 2012, imposé de nouvelles règles limitant les temps de pause entre les points, de manière à accélérer le rythme des épreuves.

Il s'agit là d'un contexte global qui peut, dans certains cas, être propice à l'apparition du dopage, afin de mieux récupérer entre les matchs ou d'en supporter l'intensité.

En conséquence, une politique active de prévention du dopage devrait également comprendre un contrôle sur les calendriers sportifs . Comme le souligne Patrice Clerc, « on dispose des clés d'un sport si l'on maîtrise le calendrier et les participants » 210 ( * ) . Marc Sanson propose ainsi d'« établir un plafond de pratiques pour les sportifs professionnels , afin d'éviter le dopage ou rendre possible la pratique sportive sans assistance médicamenteuse » 211 ( * ) .

La possibilité d'établir un tel plafond est certes entravée par le fait qu'aucune instance nationale n'a la main sur l'ensemble du calendrier auquel sont soumis les sportifs internationaux. Cependant, les compétitions autorisées par la fédération française et organisées par la ligue représentant l'essentiel de ce calendrier, votre rapporteur estime que la fédération et la ligue devraient jouer un rôle plus important en matière de contrôle du calendrier.

Aujourd'hui, aux termes de l'article L. 231-5 du code du sport, « les fédérations sportives veillent à la santé de leurs licenciés et prennent à cet effet les dispositions nécessaires, notamment en ce qui concerne les programmes d'entraînement et le calendrier des compétitions et manifestations sportives qu'elles organisent ou qu'elles autorisent ». Cette disposition devrait être renforcée de deux manières.

Tout d'abord, le calendrier des manifestations, comprenant également la durée des périodes de repos, devrait être transmis au ministère des sports et validé par ce dernier au regard des risques pour la santé des sportifs . Il serait ainsi possible d'imposer une période plus longue de préparation physique avant le début de la compétition. C'est le sens des propos tenus par Felipe Contepomi, joueur professionnel de rugby, devant votre commission : « le calendrier est long, mais si à tout le moins la préparation était adaptée, on pourrait faire en sorte que les joueurs puissent s'y adapter. Le problème en France est, pour les internationaux, que la saison finit à la fin du mois de juin et reprend à la mi-août. Provale demande quatre semaines de congés successives et les quinze jours qui restent ne peuvent pas suffire à disposer d'une préparation adaptée pour jouer dix mois. À la rigueur, on peut tenir deux ou trois saisons à ce rythme, mais en aucun cas on peut s'améliorer physiquement dans ces conditions ! » 212 ( * ) .

Par ailleurs, il convient d' impliquer davantage les acteurs du sport professionnel , en particulier les ligues et les clubs, dans la prévention du dopage. De ce point de vue, la section 2 du chapitre 1 er du titre III du code du sport devrait être intitulée « Rôle des fédérations sportives et des ligues professionnelles », d'autant plus que les ligues professionnelles établissent le calendrier de leurs compétitions.

Définir réglementairement une durée maximale de pratique compétitive par sportif semble difficilement praticable : elle devrait être différente selon les sports, mais aussi selon les catégories de sportifs et les sportifs eux-mêmes. En conséquence, votre rapporteur estime qu'il conviendrait plutôt d'insérer dans le code du sport un article de principe , à charge pour le juge d'en apprécier l'application au cas par cas dans le cadre d'une requête.

Un tel article prévoirait que les clubs employeurs veillent à ce que le temps de jeu du sportif soit compatible avec la protection de sa santé . Outre son rôle de responsabilisation du milieu professionnel, cet article aurait ainsi pour objet d'offrir aux sportifs professionnels ou à leur syndicat, mais aussi, le cas échéant, au ministère des sports, une possibilité de contester les rythmes ainsi imposés . Les ligues seraient ainsi incitées à prévoir, dans leurs règlements, un nombre maximum de rencontres jouées par les sportifs participant à leurs compétitions .

Proposition n° 21 Instaurer une procédure de validation des calendriers sportifs par le ministère
sur la base des risques pesant sur la santé des sportifs

Proposition n° 22 Insérer un nouvel article dans le code du sport prévoyant un « droit au repos » pour les joueurs, que pourraient faire valoir devant le juge les sportifs, leurs syndicats ou les autorités publiques

C. UN MESSAGE DE PRÉVENTION QUI DOIT S'AFFINER

Si l'objectif général de renforcer la prévention est partagé par la très grande majorité des personnes auditionnées par votre commission, il est plus difficile de définir en pratique les modalités de cette prévention et, en particulier, le contenu du message susceptible d'être efficace auprès des jeunes et des sportifs .

Deux principaux axes sont utilisés en matière de prévention : l'éthique du sport d'une part et la protection de la santé d'autre part.

Pourtant, ces deux messages ne sont pas sans inconvénient.

L'approche par l'éthique du sport a en réalité deux versants, comme l'a rappelé le professeur Philippe-Jean Parquet : une approche contractuelle , anglo-saxonne, selon laquelle le sportif doit respecter les règles liées à sa licence et aux « règles du jeu » du sport où il concourt ; et une approche morale , résumée par certaines affiches sur lesquelles figurent simplement « se doper c'est tricher » 213 ( * ) . À cet égard, l'éthique du sport risque d'être contre-productive par son approche trop stigmatisante et moralisatrice.

Quant à l'approche par la santé , deux sportifs auditionnés par votre commission d'enquête en ont souligné les limites. Erwann Menthéour, ancien cycliste, a rappelé que « à vingt ans, l'idée des limites ou de la mort n'est pas importante », ajoutant qu'il aurait à l'époque bu deux litres d'essence si cela lui avait permis de gagner le Tour de France 214 ( * ) . De même, Martin Fourcade, champion du monde de biathlon, a indiqué que « les dangers sanitaires des produits dopants ne dissuadent pas ceux qui veulent arriver à leurs fins d'y avoir recours . Un jeune n'imagine pas la vie jusqu'à soixante-dix ans. En revanche, vivre jusqu'à quarante ans avec beaucoup d'argent le séduit fortement » 215 ( * ) . Ces témoignages, sans remettre en cause l'importance de la lutte antidopage au nom de la protection des sportifs, illustrent les limites d'un message de prévention uniquement centré sur son aspect sanitaire, face à un public jeune désireux d'accéder au très haut niveau (un tel message est sans doute plus efficace auprès d'un public amateur).

C'est pourquoi il convient de définir une méthodologie renouvelée , plus adaptée au public en question et à ses préoccupations. Le professeur Parquet a, lors de son audition précitée, lancé quelques pistes dans le sens d'un message d'ordre général, moins moralisateur : « les problèmes de consommation chez les sportifs de haut niveau, mais aussi chez ceux qui se trouvent dans une logique plus récréative, doivent trouver une solution dans des programmes de prévention plus généraux et plus précoces, qui s'inscrivent dans la durée ». La même idée est défendue par Michel Boyon, selon qui « une campagne isolée, même réussie, avec un slogan fort, ne suffira pas pour créer un nouvel état d'esprit. Il faut s'inscrire dans la durée en mobilisant tous les acteurs : enseignants, entraîneurs, élus, etc . » 216 ( * ) .

S'agissant du fond, afin de mieux identifier le message le plus adapté, Jean-Pierre Bourely a indiqué à votre commission qu'une enquête sociopsychologique , financée par la Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé, avait été lancée afin d'identifier les représentations du dopage pour l'ensemble des acteurs du monde sportif.

S'agissant de la forme, une campagne adaptée aux nouveaux modes de communication serait plus appropriée selon Marc Sanson, ancien président du CPLD : « il faut en tout cas renforcer les actions auprès des jeunes, notamment ceux qui suivent une formation sport-études, en utilisant et en s'adaptant sans cesse aux nouveaux supports ou modes de communication, comme les réseaux sociaux. Il faut adapter le langage, afin d'éviter que les séances d'information ne soient prises à la légère ou comme un pensum » 217 ( * ) .

Ainsi, l'efficacité de la prévention résidera moins dans le contenu des messages que dans la méthodologie qui sera employée pour leur diffusion : il convient d' unifier le message , de rendre le discours moins ponctuel et de le combiner avec la peur de la sanction (articulation avec les contrôles). La nécessité d'une telle approche, globale et cohérente avec les moyens de contrôle et de sanction, conforte la proposition, déjà exposée, consistant à confier la prévention à l'AFLD .

Dans ce contexte, il conviendrait de donner les moyens au comité d'orientation scientifique de développer son travail de recherche . Michel Rieu, ancien conseiller scientifique de l'Agence, a ainsi indiqué : « s'agissant de la prévention, l'insuffisance de nos connaissances nous empêche d'être efficaces. Trop d'approximations sont à déplorer. Depuis des années, je demande la réalisation d'études épidémiologiques rétrospectives » 218 ( * ) . Ainsi, la compétence « prévention » doit s'accompagner d'une compétence « recherche », qui permette d'alimenter, notamment par des études épidémiologiques, les campagnes de prévention contre le dopage.

Afin de tirer les conséquences de l'ensemble des propositions sur la prévention, il conviendrait probablement de renommer l'AFLD, qui deviendrait l'Agence de prévention et de lutte contre le dopage (APLD).

Proposition n° 23 Transformer l'Agence française de lutte contre le dopage en Agence de prévention
et de lutte contre le dopage

II. DE LA LOCALISATION À LA SUSPENSION : L'EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE ANTIDOPAGE

A. MIEUX CIBLER LES CONTRÔLES

Le dispositif de contrôle des sportifs est emblématique de la lutte contre le dopage . Il en est la part la plus visible, en particulier dans les médias, à tel point qu'un contrôle positif est souvent assimilé à un cas avéré de dopage.

C'est également l'un des volets les plus complexes , en raison de l'interaction de nombreux acteurs de niveaux différents (régional, national, international), dont les objectifs ne sont que partiellement convergents. En effet, l'article 5.1 du code mondial antidopage pose deux principes, en partie contradictoires :

- l'organisation nationale antidopage (Onad) a compétence pour contrôler tous les sportifs présents dans son pays ou résidents, citoyens ou licenciés de son pays ;

- la fédération internationale a compétence pour contrôler tous les sportifs membres de ses fédérations nationales affiliées ou qui participent à ses manifestations .

Pourtant, selon l'article 15.1 du code mondial antidopage « une seule organisation, et elle seule, doit être responsable d'initier et de réaliser les contrôles pendant la durée de la manifestation ». Se dessine alors une zone grise où les compétences, chevauchées, sont contestées de part et d'autre , en particulier les sportifs nationaux inscrits sur les listes de la fédération internationale et, surtout, les compétitions internationales se déroulant sur le territoire de l'Onad.

Avant de décrire l'organisation de ce dispositif et d'en analyser les forces et les faiblesses, il convient donc d'exposer brièvement les différents types d'acteurs et leur organisation interne.

1. Les acteurs du contrôle

Les autorités de contrôle, définies par le code mondial antidopage, sont de deux principaux types : nationales ou internationales.

a) Les autorités de contrôle internationales

Il existe trois catégories d'autorités de contrôle internationales : les fédérations internationales sportives, l'Agence mondiale antidopage et le comité international olympique.

Depuis l'adoption du code mondial antidopage, les fédérations internationales ont la compétence du contrôle pour les manifestations internationales ainsi que pour le contrôle hors compétition des sportifs inscrits dans leur groupe cible (voir infra ). Afin d'effectuer ces contrôles, les fédérations peuvent :

- soit disposer de leur propre équipe de contrôleurs et de préleveurs . C'est le cas, par exemple, de l'UCI, qui rémunère environ soixante contrôleurs à temps plein, d'après les informations transmises à votre commission d'enquête. Les analyses sont ensuite réalisées dans les laboratoires de leur choix ;

- soit faire appel à une organisation nationale antidopage , qui agit alors en leur nom par le biais d'une prestation de service ;

- soit déléguer l'organisation des contrôles à une société privée . C'est par exemple, le cas de la Fédération internationale de tennis (FIT), qui a délégué son programme à la société privée suédoise IDTM (« International Doping Tests & Management »).

L'Agence mondiale antidopage (AMA) n'a pas compétence pour réaliser des contrôles en compétition. Elle peut seulement lancer un programme d'observateurs indépendants, chargé d'établir un rapport sur la manière dont l'autorité antidopage (fédération ou organisation nationale) s'acquitte de sa tâche. En revanche, l'AMA peut réaliser des contrôles hors compétition sur tout sportif , conformément à l'article 15.2 du code mondial.

Enfin, le Comité international olympique (CIO) a compétence pour réaliser des contrôles sur les sportifs dans le cadre des Jeux olympiques et de leur préparation.

b) L'autorité nationale antidopage : l'organisation des contrôles par l'AFLD

À côté des autorités internationales de contrôle, le code mondial reconnaît l'existence des organisations nationales antidopage (Onad), compétentes sur le territoire d'un pays en particulier. Une mutualisation entre plusieurs pays est possible, afin de constituer des organisations régionales antidopage (Orad) : il en existe aujourd'hui quinze couvrant 123 pays 219 ( * ) .

En France, aux termes de l'article L. 232-5 du code du sport , l'AFLD a notamment pour mission de diligenter les contrôles pendant les manifestations sportives sur lesquelles sa compétence s'exerce, pendant les périodes d'entraînement et hors compétition pour les sportifs soumis à l'obligation de localisation.

Cette mission est réalisée par le département des contrôles de l'AFLD, actuellement composé d'un directeur et de cinq agents. Malgré ce pilotage unique, les contrôles mis en oeuvre par l'AFLD peuvent en réalité avoir trois origines différentes :

- la stratégie nationale de contrôle de l'AFLD , définie dans le programme annuel de contrôle (PAC) préparé par le directeur des contrôles et validé par le collège de l'AFLD ;

- la stratégie régionale de contrôle menée par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) dans le cadre de son quota mensuel de contrôles ;

- la demande d'une fédération internationale ou d'une autorité antidopage étrangère ; l'AFLD agit alors comme « prestataire de services », est rémunérée en tant que tel 220 ( * ) , et les contrôles ne sont pas considérés comme « diligentés » par l'AFLD. Ce dernier cas a représenté 12,7 % des contrôles réalisés par l'AFLD en 2012 221 ( * ) .

Les contrôles réalisés en 2012 par l'AFLD en chiffres

10 559 prélèvements antidopage ont été réalisés par l'AFLD.

62 % des contrôles ont été réalisés en compétition, 38 % hors compétition.

Soixante-quatre disciplines sportives ont été concernées. Les dix disciplines les plus fréquemment contrôlées sont le cyclisme (13,3 %), l'athlétisme (11 %), le rugby (11,1 %), le football (10,6 %), le handball (7,9 %), le basket-ball (6,9 %), la natation (4 %), le triathlon (4,5 %), le volleyball (3,8 %), l'haltérophilie et les disciplines associées (2,4 %).

Un tiers des contrôles sont réalisés dans les sports collectifs professionnels, principalement lors des entraînements.

23,8 % des contrôles sont réalisés sur des femmes.

12,7 % des contrôles sont réalisés par l'AFLD pour le compte de tiers (fédérations internationales ou organisations antidopage étrangères).

Source : rapport d'activité 2012 de l'AFLD

Répartition des contrôles par type de prélèvements en 2012

Sanguin

Urinaire

Expiration d'air (alcool)

Total

En compétition

359

6 058

90

6 507

Hors compétition

2 267

1 785

0

4 052

Total

2 626

7 843

90

10 559

Source : rapport d'activité 2012 de l'AFLD

Les 966 contrôles diligentés à l'initiative directe de l'AFLD dans le cadre de son PAC ont représenté en 2012 10,5 % des contrôles nationaux 222 ( * ) , en augmentation de près d'un tiers par rapport à 2011 (653) en raison des contrôles pré-olympiques et de la volonté de l'AFLD d'être présente lors des grandes manifestations sportives du Top 14 de rugby ou de Ligue 1 de football.

L'essentiel des contrôles nationaux (8 249 sur 10 559, soit 89,5 %) est réalisé par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) . Le département des contrôles confie en effet à chaque direction régionale un quota mensuel de prélèvements urinaires et sanguins . Ce quota permet de réaliser :

- les contrôles dits « obligatoires » (demandés par une fédération et validés par le département des contrôles) ;

- les contrôles s'inscrivant dans le PAC du département des contrôles ;

- les contrôles s'inscrivant dans la stratégie régionale propre à la direction régionale .

Dans ce cadre, l'AFLD bénéficie d'un correspondant antidopage par région , ainsi que d'un médecin coordonnateur chargé de la formation des préleveurs (médecin chargé de la lutte antidopage, MLAD). Les correspondants antidopage sont chargés d'organiser et de superviser les contrôles dans leurs régions, en mandatant à cet effet les préleveurs agréés (voir encadré ci-après).

Les correspondants régionaux antidopage et les médecins coordonnateurs

« Le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) désigne parmi les professeurs de sport de son service un correspondant régional antidopage qui devient interlocuteur privilégié de l'AFLD. Il assure cette fonction sur un certain volume horaire et continue d'assurer, par ailleurs, le suivi d'autres dossiers pour le compte de la DRJSCS.

« Dans les faits, le correspondant est chargé de planifier et d'organiser pour le compte de l'AFLD, une grande partie des contrôles en région. Cette organisation permet d'élaborer, en cohérence avec les orientations de l'AFLD, une réelle stratégie régionale des contrôles répondant aux contraintes et au contexte local. Il est ainsi possible d'assurer une veille et un suivi local difficilement envisageable à l'échelon national (suivi des résultats sportifs, en particulier des niveaux intermédiaires, connaissance des clubs, des élus associatifs régionaux...).

« Par ailleurs, un Médecin régional de la lutte antidopage (MLAD), en activité ou à la retraite, est nommé par l'AFLD et chargé de la formation initiale et continue des agents préleveurs de la région. Ces actions de formation se font en partenariat étroit avec la DRJSCS. Ainsi, le MLAD et le directeur régional proposent à l'agrément de l'AFLD les personnes susceptibles de réaliser les contrôles antidopage. Après avoir prêté serment auprès du TGI de leur lieu de résidence, ces personnes sont définitivement habilitées à agir en tant qu'agent préleveur pour l'AFLD. Aujourd'hui, les équipes régionales se composent, le plus généralement, de médecins et d'infirmiers. Cette seconde corporation est en nette hausse dans les effectifs de l'Agence, notamment depuis l'essor des contrôles sanguins ».

Source : note d'information transmise par Fabrice Dubois et Frédéric Schuler, correspondants antidopage régionaux (voir annexe)

La difficulté, pour certaines directions régionales, à remplir les quotas de prélèvements fixés par l'AFLD traduit le caractère perfectible de cette organisation au niveau régional. En effet, cette mission est atypique au sein des tâches des agents de la direction régionale , comme le souligne les correspondants régionaux dans leur note précitée :

- cette mission n'est pas réalisée sous l'autorité du ministère, mais sous celle de l'AFLD ;

- elle ne correspond pas à un poste à temps plein , mais à une tâche supplémentaire pour des agents essentiellement consacrés, par ailleurs, au pilotage et à l'accompagnement du mouvement sportif régional ;

- elle implique des contraintes horaires importantes , notamment une mobilisation en soirée ou pendant les jours de repos lorsque le contrôle d'une manifestation sportive l'exige ;

- elle nécessite, pour être accomplie de façon optimale, un travail de veille, voire d'investigation , en mobilisant les réseaux sportifs et para-sportifs de manière à rassembler des informations en vue de cibler les contrôles ;

- enfin, elle nécessite un travail de formation et d'information permanente des préleveurs , en lien avec le MLAD.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'implication des agents de la DRJSCS est inégale selon les régions. Fabrice Dubois et Frédéric Schuler soulignent ainsi qu'« aucune modélisation de pratique et aucun cadre de formation n'existent aujourd'hui sur l'activité de correspondant antidopage . Par conséquent, la mission est diversement interprétée et réalisée dans les vingt-six régions françaises en fonction du temps disponible des agents » 223 ( * ) .

La difficulté de réalisation de cette mission a été également relayée par Jean-Pierre Verdy, directeur des contrôles de l'AFLD : « il s'avère que chaque directeur régional, compte tenu de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), manque de personnel et alourdit la charge de travail [des correspondants régionaux antidopage] . Le pourcentage dont nous disposons officiellement ne correspond donc pas au pourcentage réel de temps libéré à notre bénéfice. Les correspondants et les médecins concernés par la lutte antidopage, que nous avons rencontrés pendant deux jours, ont exprimé leur mécontentement. Ce sont certes des militants, mais la lutte antidopage se faisant bien souvent en dehors des heures légales, ils peinent à venir nous aider » 224 ( * ) .

Jean-Pierre Verdy, comme les deux correspondants régionaux précités, proposent en conclusion la désignation de correspondants interrégionaux, placés à temps plein sur la lutte antidopage 225 ( * ) . Sur l'ensemble du territoire national, le volume d'activité des correspondants interrégionaux correspondrait actuellement à environ huit ETPT ; à budget constant, il serait donc possible de désigner huit correspondants interrégionaux, compétents sur deux à trois régions françaises, entièrement consacrés à la lutte contre le dopage. Ces correspondants resteraient des agents de la direction régionale, fonctionnaires de l'État, mais seraient mis à la disposition, fonctionnellement, de l'AFLD . Ils constitueraient ainsi les correspondants directs du directeur des contrôles à l'échelle interrégionale. Comme il a été proposé précédemment, ils pourraient également animer le réseau des AMPD et des commissions régionales.

Proposition n° 24 Mettre en place huit correspondants antidopage interrégionaux, au sein des DRJSCS et mis à la disposition de l'AFLD à temps plein

c) Les préleveurs agréés, une spécialisation à renforcer

Aux fins de réalisation de ses contrôles, l'AFLD dispose d'un ensemble de contrôleurs qui peuvent être soit des agents préleveurs du ministère des sports, soit des médecins ou des préleveurs agréés par l'Agence et assermentés. À cet égard, l'augmentation des contrôles sanguins a conduit à une diversification des profils des contrôleurs et, notamment, une augmentation du nombre d'infirmiers par rapport aux médecins.

L'importance de la compétence des préleveurs, qui sont les premiers maillons de la chaîne du contrôle, ne saurait être sous-estimée. À cet égard, certaines difficultés ont été rapportées à votre commission d'enquête. Martin Fourcade a ainsi souligné que « les contrôleurs, français ou étrangers, sont parfois trop naïfs et ne surveillent pas les sportifs lorsqu'ils urinent. Une meilleure formation écarterait tout risque de vice de procédure » 226 ( * ) .

De plus, plusieurs épisodes relatés par le rapport Usada sur Lance Armstrong illustrent l'importance de se conformer au strict protocole du contrôle , en particulier pour assurer son caractère parfaitement inopiné 227 ( * ) . De ce point de vue, les contrôleurs, qui représentent le seul contact direct entre les sportifs et l'antidopage, sont les plus susceptibles d'être soumis à la tentation de l'empathie, voire de la corruption. Ainsi, Pierre Ballester, journaliste, a indiqué à votre commission que « à l'époque, le manager de l'US Postal, le belge Johan Bruyneel, était prévenu la veille des contrôles inopinés qui auraient lieu le lendemain. Un journal flamand a même évoqué un médecin à la fois préleveur et soigneur dans l'équipe de Lance Armstrong » 228 ( * ) . Quel que soit le degré de véracité de ces informations, relayées dans la presse, elles illustrent la nécessité de disposer de préleveurs agréés bien formés, compétents et intègres, pour assurer la crédibilité de l'ensemble du dispositif de contrôle.

En conséquence, votre rapporteur formule deux principales propositions concernant les préleveurs : une réduction de leur nombre liée à un renforcement de leur formation et une procédure d'accréditation internationale .

Il est indispensable de renforcer la spécialisation et, pour ce faire, la formation des préleveurs, de façon permanente, par les MLAD. C'est d'autant plus nécessaire que la montée en puissance des tests sanguins s'est traduite par une diversification des profils de préleveurs. Or, on compte 345 préleveurs agréés en France au 31 décembre 2012, utilisés par l'AFLD pour ses contrôles 229 ( * ) . Ce nombre est à comparer à celui d'environ soixante-dix préleveurs aux États-Unis, sur un territoire beaucoup plus vaste et un nombre d'échantillons similaire pour l'Usada 230 ( * ) . L'efficacité de la lutte antidopage ne peut qu'être renforcée par une spécialisation accrue de ceux qui sont au coeur du dispositif de contrôle. De plus, pour que la formation permanente des préleveurs soit efficace et peu coûteuse, il est nécessaire de réduire le nombre de bénéficiaires. Votre rapporteur estime, en conséquence, qu'une cinquantaine de préleveurs agréés, spécialisés et très compétents, serait un nombre pertinent .

Enfin, les contrôles, en compétition comme inopinés, doivent répondre à une logistique unique, partagée par tous les acteurs de contrôle, qu'ils soient nationaux ou internationaux . Si les préleveurs de l'AFLD disposent d'un agrément et d'une formation commune, il n'en va pas nécessairement de même pour les préleveurs des fédérations internationales. Or, il est indispensable de rendre le dispositif de prélèvement lisible pour les sportifs, quelle que soit l'autorité de contrôle . Cela permettra non seulement de rétablir la confiance des uns et des autres dans les contrôles réalisés, mais également de rendre plus acceptable, pour les sportifs, d'être contrôlés par une autre autorité que celle à laquelle ils sont habitués, si l'on souhaite, comme votre rapporteur, que les autorités nationales participent davantage aux contrôles lors des contrôles internationaux.

Dès lors, votre rapporteur estime que l'AMA devrait mettre en place, sur le modèle de l'accréditation des laboratoires, une accréditation internationale des préleveurs , qui serait fondée sur le respect de certaines normes de contrôles et le suivi de certaines formations obligatoires par an.

Proposition n° 25 Assurer une spécialisation des préleveurs antidopage agréés en réduisant leur nombre
et en renforçant leur formation permanente

Proposition n° 26 Instaurer, au niveau de l'AMA, une procédure d'accréditation ou d'agrément international des préleveurs

2. Les contrôles en compétition
a) Un principe de répartition fixé par le code mondial antidopage

La compétence des différentes autorités antidopage s'agissant des contrôles réalisés en compétition est définie par le code mondial antidopage dans son article 15.1 . Cette répartition n'a pas évolué depuis l'adoption du premier code mondial en 2003 :

- lors des manifestations internationales , la collecte d'échantillons est initiée et réalisée par l'organisation internationale sous l'égide de laquelle la manifestation est organisée ;

- lors des manifestations nationales , la collecte d'échantillons est initiée et réalisée par l'Organisation nationale antidopage (Onad) du pays.

Cependant, l'article 15.1.1 du code mondial permet à une Onad de réaliser des « contrôles additionnels » lors d'une manifestation internationale avec l'accord de l'organisation internationale compétente ou, à défaut, de l'AMA 231 ( * ) .

Cette répartition globale des compétences est reprise en droit français par l'article L. 232-5 du code du sport qui établit la compétence de l'AFLD en matière de contrôle. Cet article indique en effet que l'AFLD « diligente les contrôles (...) :

a) pendant les manifestations sportives organisées par les fédérations agréées ou autorisées par les fédérations délégataires ;

b) pendant les manifestations sportives internationales définies à l'article L. 230-2 avec l'accord de l'organisme international compétent ou, à défaut, de l'Agence mondiale antidopage, avec les organismes reconnus par celle-ci et disposant de compétences analogues aux siennes ; (...) ».

L'enjeu majeur porte dès lors sur la qualification de nationale ou d'internationale des compétitions . À cet égard, le code mondial dispose qu'une manifestation est internationale lorsque « le comité international olympique, le comité international paralympique, une fédération internationale, une organisation responsable de grandes manifestations ou une autre organisation sportive internationale agit en tant qu'organisme responsable ou nomme les officiels techniques de la manifestation ».

Le code du sport français adapte cette double définition en prévoyant, dans son article L. 230-2 , qu'une manifestation sportive est internationale lorsqu'un organisme sportif international « 1° soit édicte les règles qui sont applicables à cette manifestation ; 2° soit nomme les personnes chargées de faire respecter les règles applicables à cette manifestation ». Il convient de souligner que la distinction entre manifestation nationale et internationale est apparue en 2006 ; auparavant, sous l'empire de la loi Buffet de 1999, le ministère, alors responsable des contrôles antidopage, pouvait diligenter des contrôles sur toute manifestation sportive organisée ou agréée par une fédération sportive.

b) Des compétitions nationales aux enjeux hétérogènes

Les compétitions nationales contrôlées par l'AFLD regroupent un certain nombre de manifestations à fort enjeu, sportif, médiatique et financier, qu'il s'agisse des matchs de ligues professionnelles françaises (rugby, football, basket-ball, handball, volley-ball) ou des championnats de France des différentes disciplines . À cet égard, le rapport d'activité 2012 de l'AFLD souligne qu'en 2012 « le département des contrôles a souhaité (...) que l'Agence soit présente lors de grandes manifestations sportives telles que le match du Top 14 Racing Métro/Stade Toulousain (cinquante et un prélèvements), une journée de championnat de France de football Ligue 1 (trente-deux prélèvements), le championnat de France de triathlon (seize prélèvements) ou encore un match de football Red Star (trente-huit prélèvements) ».

À côté de ces compétitions nationales majeures, l'AFLD effectue également des contrôles sur des compétitions nationales, régionales ou locales aux enjeux plus limités : championnat régional, course locale, etc. Dans ce cadre, plusieurs personnes auditionnées ont souligné le caractère parfois disproportionné du dispositif de contrôle - et, potentiellement, de sanction - au regard de l'enjeu sportif de la manifestation. Ainsi Marie-Philippe Rousseaux-Blanchi, médecin fédéral de la fédération française de ski, considère que « les contrôles antidopage dans les compétitions régionales sont une perte de temps. Certains sportifs peuvent être contrôlés positifs au cannabis mais ils n'appartiennent pas au circuit et nous sont inconnus » 232 ( * ) . Dans le même sens, Francis Luyce, président de la fédération française de natation, s'est étonné que des contrôles antidopage soient réalisés lors des compétitions de maîtres-nageurs 233 ( * ) .

Votre rapporteur ne partage pas cette vision de la lutte antidopage. Cette dernière ne vise en effet pas seulement à garantir l'équité des compétitions majeures, mais également à assurer celle des petites compétitions - tout aussi importantes aux yeux des participants - et à protéger la santé de l'ensemble des sportifs .

De plus, les contrôles positifs n'y sont pas plus rares. David Lappartient, président de la fédération française de cyclisme, a exposé ce paradoxe à votre commission : « paradoxalement, nous rencontrons finalement moins de problèmes avec les professionnels qu'avec le meilleur niveau du cyclisme français amateur, car la surveillance y est moins resserrée » 234 ( * ) . Cela signale sans doute à la fois la prégnance du phénomène du dopage au sein de l'ensemble du sport, mais aussi, peut-être, la plus grande méconnaissance, de la part des sportifs amateurs, des méthodes et protocoles permettant d'en éviter la détection.

Au total, votre rapporteur estime donc qu'il est souhaitable, tout en accentuant un ciblage pertinent sur les compétitions majeures, de maintenir un certain nombre de contrôles, à visée essentiellement préventive, sur les compétitions de moindre importance . Cette proposition rejoint d'ailleurs celle, déjà présentée, des contrôles sans sanction à visée préventive dans les manifestations grand public telles que les marathons (voir supra ).

c) Des compétitions internationales diversement contrôlées
(1) La compétence des fédérations internationales à géométrie variable

La compétence de principe confiée par le code mondial aux organisations sportives internationales, en particulier les fédérations internationales, pour le contrôle des manifestations internationales a représenté, en France, une réduction considérable du domaine de compétences de l'autorité française (ministère puis AFLD) qui était, avant 2006, compétente pour contrôler ces manifestations sur le territoire français .

Elle s'est traduite à la fois par une unification au sein de chaque discipline - les différentes compétitions internationales se déroulant selon les mêmes conditions de contrôle, indépendamment du pays d'accueil - et une fragmentation des conditions de contrôle entre les disciplines pour les compétitions se déroulant sur le territoire d'un même pays, en fonction des politiques menées par les fédérations internationales.

Afin de pallier cette différenciation, le code mondial permet aux agences nationales de réaliser des contrôles additionnels sur les compétitions internationales si elles obtiennent l'accord de la fédération internationale ou, à défaut, de l'AMA.

À cet égard, il semble que les fédérations internationales et, surtout, l'AMA n'acceptent la mise en place de tels contrôles additionnels que s'ils permettent effectivement de couvrir un champ de contrôle non couvert par la fédération internationale . Ainsi, l'AFLD a obtenu en 2009 l'accord de la fédération internationale de tennis pour réaliser des contrôles sanguins sur le Tournoi de Paris-Bercy, en plus des contrôles urinaires mis en place par la fédération. À l'inverse, l'insuffisance ou le manque de ciblage d'un programme de contrôle ne suffisent pas à eux seuls à justifier des contrôles additionnels aux yeux de l'AMA : l'AFLD s'est ainsi vu refuser des contrôles additionnels sur le Tour de France en 2010, suite à un désaccord de l'UCI et à un arbitrage défavorable de l'AMA 235 ( * ) .

De plus, la compétence des Onad, dont l'AFLD, peut être encore réduite par deux phénomènes : la qualification systématique des compétitions en compétitions internationales et la durée officielle des périodes de compétition :

- selon les fédérations, le caractère international des compétitions est plus ou moins extensif . En effet, certains sports sont organisés sur la base d'un calendrier de compétitions essentiellement internationales, même pour des compétitions non majeures. C'est, par exemple, le cas de la plupart du cyclisme , dont de nombreuses courses, même régionales, sont inscrites au calendrier de l'UCI, ainsi que du tennis dont l'essentiel des tournois sont considérés comme internationaux. À cet égard, rappelons que la mise en place du code mondial a été l'occasion d'une reprise en main, à partir de 2006, du programme antidopage par la Fédération internationale de tennis (FIT) au détriment des acteurs traditionnels qu'étaient les associations des joueurs professionnels.

- de plus, certaines fédérations adoptent une définition large de la « période de compétition » . Par exemple, il a été indiqué à votre rapporteur que les instances fédérales de rugby considéraient à l'origine que toute la durée du Tournoi des Six Nations constituait une seule « période en compétition », soit la quasi-totalité de l'année. De même, d'autres fédérations tendent systématiquement à inscrire dans la période officielle de compétition les semaines précédant la compétition elle-même.

C'est pourquoi votre rapporteur est favorable à deux principales modifications dans le cadre de la révision du code mondial :

- une limitation de la compétence des organisations internationales aux seules grandes manifestations sportives, avec implication réelle de la fédération internationale . En pratique, chaque fédération internationale devrait communiquer à l'AMA chaque année la liste des manifestations qu'elle considère comme internationales. Cette liste ferait l'objet d'une discussion entre les fédérations, les Onad et l'AMA. Cette idée ne semble cependant pas être, pour l'heure, à l'ordre du jour.

Dans l'attente d'une telle révision, l'article L. 230-2 du code du sport, qui donne la définition de la manifestation sportive internationale, devrait être complété afin de prévoir qu'une compétition est considérée par principe comme nationale - donc soumise au contrôle de l'AFLD - à moins qu'elle ne figure dans une liste annuellement transmise par la fédération internationale . Cette procédure permettrait d'améliorer la sécurité juridique relative à la qualification des compétitions et de renforcer le contrôle de l'AFLD sur des petites manifestations, notamment les petites courses cyclistes, considérées aujourd'hui comme internationales ;

- l'établissement d'une durée maximale pour les compétitions internationales . Il a notamment été proposé de prendre comme étalon la durée des coupes du monde de football, soit environ trente jours.

Proposition n° 27 Soutenir auprès de l'AMA la limitation de la compétence des fédérations internationales aux seules manifestations sportives dans l'organisation desquelles
elles sont réellement impliquées

Proposition n° 28 Soutenir auprès de l'AMA une durée maximale pendant laquelle les Onad
n'ont pas de compétence de contrôle autonome sur une compétition internationale

Proposition n° 29 Définir toutes les compétitions se déroulant en France comme nationales par défaut,
sous réserve de la communication par la fédération internationale
d'une liste des manifestations internationales qu'elle entend contrôler

(2) Le conflit d'intérêts au coeur de la compétence des fédérations internationales

Si la compétence des fédérations internationales se justifie par la nécessité d'assurer des conditions égales, à l'échelle internationale, au sein d'une même discipline, elle présente également l'inconvénient de confier le contrôle d'une manifestation à l'organisation qui a, la première, un intérêt à éviter des contrôles positifs pour en conserver l'image et la réputation . Ainsi, selon Patrice Clerc « il n'est pas possible, pour une fédération, de lutter contre le dopage dans le sport dont elle a la charge, alors même que l'image de celui-ci peut être sérieusement détériorée » 236 ( * ) .

Le malaise des fédérations internationales vis-à-vis des contrôles positifs est perceptible dans les propos tenus par Francesco Ricci Bitti, président de l'FIT, devant votre commission : « si l'on en croit la presse, plus le nombre de joueurs contrôlés positifs est élevé, meilleur est le programme antidopage. Toutefois, si le nombre de cas positifs est trop élevé, c'est qu'il y a un problème ! Il n'y a donc pas de solution ! Ce programme comporte beaucoup de fonctions. La première vise l'éducation. Chaque contrôle positif est un échec » 237 ( * ) . Bernard Lapasset, président de l'IRB, va dans le même sens : « pour une fédération, un cas de dopage constitue une menace de sanction lourde et grave. Il s'agit d'un acte qui met la fédération en difficulté. Elle doit se justifier, trouver des arguments. Même si l'athlète est le seul concerné, la fédération doit exprimer des regrets, des remords, éventuellement reconnaître l'absence de contrôle, etc. Le dopage constitue donc une crainte et le contrôle est toujours vécu comme extrêmement négatif » 238 ( * ) .

À l'inverse, chaque contrôle positif est une victoire pour une organisation nationale antidopage, car il contribue à justifier son existence et le coût qu'elle représente.

Dès lors, la compétence d'une Onad plutôt que d'une fédération internationale comme autorité antidopage peut jouer grandement dans l'efficacité des contrôles réalisés sur une compétition , quel qu'en soit le nombre.

L'expérience du Tour de France 2008 en offre une parfaite illustration : en raison de tensions entre la société Amaury Sport Organisation (ASO), organisateur et propriétaire du Tour, et l'Union cycliste internationale (UCI), le Tour de France est sorti du calendrier de l'UCI et redevenu compétition nationale, avec compétence de l'AFLD. Cela a eu un impact direct sur les résultats des contrôles. Comme l'a souligné Pierre Bordry, alors président de l'AFLD : « en 2008, nous avons la charge du Tour de France et ciblons les contrôles. Le directeur des contrôles est particulièrement efficace, et sept ou huit sportifs se révèlent positifs » 239 ( * ) . Jean-Pierre Verdy a précisé la méthode de ciblage employé : « J'ai fait appel à deux préleveurs et les contrôles à l'arrivée n'avaient parfois rien à voir avec la course elle-même : ils se faisaient en fonction des informations dont je disposais et, plus encore, en fonction des profilages qui arrivaient de Lausanne. Le ciblage était d'autant plus facile et réactif... En outre, j'avais ajouté des contrôles à l'hôtel soir et matin » 240 ( * ) (voir encadré ci-après).

Les contrôles sur le Tour de France 2008

En 2008, en raison du retrait de l'Union cycliste internationale (UCI) de l'organisation du Tour de France, l'AFLD était compétente pour définir la stratégie des contrôles antidopage à mettre en place sur cette compétition, et, en cas de contrôles positifs, prendre les décisions disciplinaires à l'encontre des sportifs (non licenciés à la fédération française du cyclisme) participant à cette compétition nationale .

La stratégie mise en oeuvre comprenait la réalisation de contrôles inopinés durant la période de préparation des coureurs à partir des informations de localisation transmises par les équipes, et le développement d'une politique de ciblage et de contrôles rationalisés tout au long de la course.

Soixante et onze coureurs ont été contrôlés durant la préparation du Tour (championnats de France, stages de préparation, domicile, transit à Roissy).

L'ensemble des 180 coureurs ont subi des prélèvements sanguins les 3 et 4 juillet 2008 à Brest. Ces contrôles étaient destinés à permettre des ciblages ultérieurs . Les résultats des analyses effectuées par le laboratoire de Lausanne ont été remis en main propre aux coureurs, en suggérant pour certains de transmettre leurs résultats au médecin d'équipe en raison d'un éventuel risque sanitaire. Les résultats ont été transmis à l'UCI pour être intégrés au passeport biologique.

Pendant le Tour, 218 contrôles individuels ont été pratiqués donnant lieu à 298 prélèvements se répartissant en 205 urinaires, 71 sanguins et 22 de phanères. Sur les 218 contrôles, 159 ont été effectués lors de l'arrivée des étapes (soit 73 %), et 59 de manière inopinée (27 %) le soir ou lors d'une journée de repos à l'hôtel.

Sur les 180 coureurs engagés (145 ont terminé la course), 95 ont été contrôlés au moins une fois, et 76 (soit 42 %) ont déclaré disposer d'une autorisation d'usage thérapeutique (AUT) avant le départ du Tour.

Lors du passage en Italie, les coureurs ont été contrôlés par le Comité national olympique italien (Coni). En matière de collaboration internationale, l'AFLD a également eu recours à différents laboratoires agréés auprès de l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour réaliser, soit les analyses visant à la détection de l'hormone de croissance ou au calcul des paramètres sanguins (laboratoire de Lausanne), soit les analyses urinaires des prélèvements effectués par le Coni (laboratoire de Rome).

22 résultats anormaux ont été mis en évidence concernant 13 coureurs :

- 14 détections d'un glucocorticoïde concernant 7 coureurs disposant, pour 2 d'entre eux d'une AUT délivrée par l'AFLD, et pour 4 autres d'une AUT délivrée par l'UCI ;

- 2 détections d'un bêta-2 agoniste concernant 2 coureurs disposant pour l'un d'une AUT délivrée par l'UCI, et pour l'autre de 2 AUT délivrées par l'UCI et l'AFLD ;

- 2 détections d'un stimulant, l'heptaminol (2 détections identiques pour le même coureur) ;

- 4 détections d'EPO concernant 3 coureurs, dont les noms ont été révélés dans les médias.

Source : Ministère des sports

Si les fédérations internationales affichent volontiers le nombre de prélèvements réalisés sur chacune des compétitions pour illustrer leur implication dans la lutte contre le dopage, l'exemple du Tour de France 2008 montre que d'autres paramètres s'avèrent en réalité plus déterminants pour garantir l'efficacité des contrôles.

Le premier de ces paramètres est le ciblage ou non des contrôles . Par exemple, Patrice Clerc a indiqué que les premiers programmes sur le tournoi de Roland-Garros, dans les années 1990, consistaient à contrôler d'abord de façon aléatoire, puis sur le perdant de chaque match et le vainqueur du tournoi 241 ( * ) . Cette dernière méthode permettait certes de contrôler l'ensemble des joueurs, mais tous seulement une fois, sans ciblage ni des joueurs ni du moment de leur contrôle.

Un second paramètre déterminant est le caractère prévisible ou non du contrôle réalisé . Un contrôle en compétition n'est pas nécessairement un contrôle à l'issue de la compétition : un contrôle imprévu le soir ou le matin entre deux épreuves pour un tour cycliste ou entre deux matchs pour un tournoi de sport collectif ou de tennis, par exemple, est bien un contrôle en compétition.

À cet égard, l'une des principales conclusions du rapport des observateurs indépendants de l'AMA sur le Tour de France 2010 était que les contrôles, bien que nombreux, étaient trop prévisibles en se concentrant sur les contrôles « post-finish » , limités au vainqueur de l'étape, au maillot jaune et à six autres coureurs sélectionnés au hasard 242 ( * ) . Les observateurs de l'AMA se sont notamment étonnés que des coureurs identifiés comme « suspects », au regard des informations recueillies ou des données du passeport biologique qui venait d'être mis en place, n'aient pas été davantage contrôlés dans les périodes de prise possible d'EPO, le soir et le matin.

Dans le même sens, le docteur Olivier Brochart, médecin préleveur sur le Tour de France 2005, souligne la prévisibilité des contrôles inopinés dans un rapport remis au ministère des sports : « le commissaire UCI tenait à jour les contrôlés, en respectant une sorte de turn-over connu de chacun 1) Chaque équipe doit y passer à tour de rôle. 2) C'est très rare que des coureurs contrôlés le soient une seconde fois dans les jours qui suivent. Avec ces deux postulats de base, il va de soi que cela leur laisse une grande marge, une fois passé le premier contrôle ».

Au total, votre rapporteur estime qu'à long terme, la lutte antidopage ne pourra être efficace que lorsque sera tranché le conflit d'intérêts au coeur duquel se débattent les fédérations internationales, entre contrôles antidopage et développement de leur discipline et de leurs manifestations. Comme le résume Travis Tygart, président de l'Usada, « il est très difficile d'assurer la promotion de son sport et, en même temps, de faire la police » 243 ( * ) .

Il conviendrait, pour cela, de confier la compétence sur les manifestations internationales aux organisations nationales antidopage ou, à tout le moins, à une agence mondiale antidopage capable de réaliser de tels contrôles. La question préalable à résoudre sera bien évidemment celle du financement des contrôles.

À plus court terme, votre commission d'enquête est favorable à une modification ambitieuse du code mondial afin de donner davantage de compétences en matière de contrôle aux agences nationales s'agissant des compétitions internationales. En particulier, pourrait être introduite la possibilité pour une Onad de contrôler une compétition internationale dès lors que la fédération internationale (FI) n'entend pas exercer sa compétence, sans avoir à solliciter ni l'approbation de la fédération internationale ni celle de l'AMA .

Proposition n° 30 Soutenir auprès de l'AMA qu'il soit permis aux Onad de contrôler une compétition internationale sans approbation de la FI ni de l'AMA dès lors que la FI
n'entend pas exercer sa compétence

À défaut de rendre possible, dans un premier temps, l'intervention des Onad sur les compétitions internationales, votre rapporteur souhaite que soient fortement développés les partenariats entre les fédérations internationales et l'AFLD pour le contrôle de ce type de compétitions .

Les demandes des fédérations internationales représentent aujourd'hui environ 12,7 % des contrôles diligentés par l'AFLD 244 ( * ) . Ces contrôles résultent de conventions, qui précisent les modalités d'organisation des contrôles et, surtout, la responsabilité respective de l'Agence et de la fédération pour décider du programme de contrôle. L'Agence diligente alors les contrôles en qualité de prestataire de services. Elle est donc rémunérée par les fédérations internationales à ce titre, ce qui a représenté une recette totale non négligeable de 0,9 million d'euros en 2012 .

D'après le rapport d'activité 2012 de l'AFLD, des collaborations pérennes existent avec les fédérations d'athlétisme (EAA, IAAF), de rugby (IRB, SNRL), de judo (FIJ), d'escrime (FIE), de rallyes (ERC).

S'agissant du cyclisme, des accords sont passés avec la fédération française de cyclisme et avec la ligue nationale de cyclisme afin de réaliser des contrôles antidopage sur des courses inscrites au calendrier de l'UCI. En effet, la plupart des compétitions de cyclisme sont considérées comme internationales. Cela explique que les prélèvements effectués pour le compte de l'UCI représentent à eux seuls plus de la moitié de ceux réalisés pour le compte de fédérations internationales (728 en 2012, sur un total de 1 344) .

L'AFLD précise cependant que « pendant le Tour de France [2012] , la collaboration n'a pas été suffisante pour cibler de façon judicieuse les contrôles et avoir ainsi un réel impact sur le déroulement de la course » 245 ( * ) . En 2013, un protocole d'accord a été trouvé entre l'AFLD et l'UCI qui devrait laisser à l'AFLD une plus grande autonomie dans la programmation des contrôles : sa mise en oeuvre aura valeur de test pour mesurer la capacité des autorités à travailler ensemble et, en particulier, la capacité de l'UCI à accepter que l'AFLD décide seule des contrôles complémentaires qu'elle réalise.

On ne peut, à la lecture des statistiques 2012 de l'AFLD, que constater la faiblesse du tennis s'agissant des contrôles demandés par la fédération internationale . Rappelons pourtant que le tennis est, avec plus de 1,12 million de licenciés, le premier sport individuel en France.

La faible part prise par le tennis dans les contrôles s'explique notamment par l'importance des tournois internationaux et le fait que la Fédération internationale de tennis a un contrat d'exclusivité pour la mise en place de ses contrôles avec une société privée, IDTM 246 ( * ) . Dès lors, elle ne mandate pas l'AFLD pour réaliser des contrôles sur des compétitions internationales comme peuvent le faire d'autres fédérations.

Pourtant, la France accueille des événements parmi les plus importants du tennis mondial, notamment le Master de Paris-Bercy et, surtout, les Internationaux de France (Roland-Garros). Francesco Ricci Bitti a indiqué à votre commission qu' un accord a été trouvé, en 2013, pour que l'AFLD réalise les contrôles sur le tournoi de Montpellier au nom de la FIT ; c'est également ce qu'a souligné Bruno Genevois, qui souhaitait obtenir la compétence sur Paris-Bercy : « l'on m'a offert de contrôler le tournoi de Montpellier ; j'ai demandé non Roland-Garros mais Paris-Bercy ; la fédération internationale ne s'est pas manifestée. Elle ne souhaite pas que nous nous occupions de son domaine de compétences » 247 ( * ) . Francesco Ricci Bitti s'est seulement dit prêt à « transmettre [le programme de contrôles de Roland-Garros à Bruno Genevois] et à en discuter avec lui » 248 ( * ) .

Dans le compte rendu d'une délibération du collège de l'AFLD datant de 2012 auquel votre commission a eu accès, il est fait état du rôle que pourrait jouer la fédération française de tennis comme intermédiaire entre la fédération internationale et l'Agence : « le Président Bruno Genevois a déjeuné avec M. (...) de la fédération française de tennis (...). Leur discussion a principalement porté sur les difficultés rencontrées par l'Agence pour réaliser des contrôles au cours de compétitions internationales . M. (...) a informé le Président Genevois que la FFT était prête à oeuvrer dans le même sens que l'AFLD. Il n'a pas caché cependant que le président de la Fédération internationale de tennis, Francesco Ricci Bitti, n'était pas facile à convaincre . Il s'agit de le persuader qu'il serait de bonne politique de développer les contrôles antidopage dans l'intérêt même du tennis » 249 ( * ) .

Dans ce contexte, votre commission d'enquête souhaite que l'AFLD, la FFT et le ministère mettent tout en oeuvre afin que soit conclue, dès 2014, une convention entre l'AFLD et la FIT permettant à l'Agence française de réaliser des contrôles à Roland-Garros et à Paris-Bercy qui, bien que coordonnés avec ceux de la fédération internationale, seraient programmés de façon autonome. La fédération française de tennis, forte de l'organisation de plusieurs événements majeurs du tennis mondial, devrait jouer un rôle moteur dans la conclusion de tels accords.

Proposition n° 31 Systématiser les conventions entre l'AFLD et les fédérations internationales
en vue de partager les programmes de contrôles sur les manifestations internationales

(3) Les organisateurs d'événements : des préoccupations proches de celles des fédérations internationales

Les compétitions sportives peuvent être organisées directement par les fédérations internationales (championnat du monde de football par exemple, organisé par la Fifa) ou par les fédérations nationales sous le contrôle de la fédération (Roland-Garros, compétition organisée par la fédération française de tennis sous le contrôle de la FIT).

Elles peuvent être également organisées par des sociétés spécialisées dans l'organisation d'événements sportifs . C'est le cas, notamment, de nombreuses courses cyclistes, dont la plus prestigieuse de toutes, le Tour de France, course organisée par Amaury sport organisation (ASO).

Dans ce dernier cas, ASO est non seulement organisateur mais propriétaire du Tour de France . En tant que tel, la société a des droits sur la compétition, en particulier celui d' interdire de participation un coureur au motif qu'il nuit à l'image du Tour. Comme l'a indiqué Patrice Clerc lors de son audition, ce type d'interdictions a été appliqué à partir de 2003 pour les coureurs juridiquement impliqués dans des affaires de dopage 250 ( * ) . Cette pratique a connu son paroxysme à la veille du Tour de France 2006, lors de la révélation de l'affaire Puerto-Fuentes, qui a conduit ASO à interdire plusieurs équipes entières de participer au Tour de France.

L'organisateur, comme ASO, n'est pas responsable de la programmation des contrôles ; en revanche, il assure le financement et l'organisation logistique de ces derniers . Christian Prudhomme, directeur général du Tour de France cycliste, a indiqué que le rôle d'ASO consistait, sur place, à « prendre en charge les personnes chargées du contrôle du dopage : deux équipes de trois médecins préleveurs sur le Tour de France et les commissaires de l'UCI » 251 ( * ) .

Par ailleurs, l'organisateur finance les contrôles pré-compétitions : s'agissant du Tour de France, ASO finance des contrôles dans la période de préparation entre avril et juin. Au demeurant, Christian Prudhomme a regretté que l'accent ne soit pas davantage mis sur les contrôles durant cette phase de préparation : « depuis mon arrivée, je n'ai de cesse d'insister sur l'importance de contrôles effectués avant la compétition, entre fin avril et juin, période où les coureurs se préparent . Prenons-les au moment où ils trichent car après le départ du Tour, c'est trop tard. Il est arrivé que l'on demande et que l'on finance des contrôles dont seul le dixième a été effectué... » 252 ( * ) .

Au total, ASO participe à hauteur de 700 000 euros aux contrôles antidopage sur les courses, dont le Tour de France, dont il a la charge 253 ( * ) .

En définitive, les organisateurs sont dans une situation assez proche des fédérations, n'ayant aucun intérêt à la révélation de scandales qui, médiatiquement, pourraient nuire à l'image de la compétition . Ainsi Christian Prudhomme revient en ces termes sur l'expérience du Tour de France 2008 : « ... l'AFLD étant chargée des contrôles. Une réussite formidable, pour certains. D'un point de vue de l'efficacité de la lutte, cela ne fait pas de doute. Mais sur le plan médiatique, c'était autre chose ! À chaque fois qu'un coureur était pris sur le fait, les commentateurs n'y voyaient pas une victoire des organisateurs du Tour dans la lutte contre le dopage, ils nous administraient un coup de bâton ! ».

Toutefois, à la différence des fédérations internationales, leur principal intérêt est de préserver l'image de la seule compétition dont ils sont responsables . En d'autres termes, les cas positifs dans d'autres compétitions ou, comme le souhaite Christian Prudhomme, en amont de la compétition, ne nuisent pas à la réputation de la course et, au contraire, permettent d'en offrir une image préservée.

En tout état de cause, l'accent mis par Christian Prudhomme sur les périodes de préparation témoigne de la nécessité de renforcer, à côté des contrôles en compétition, les contrôles hors compétition, inopinés : de même que la victoire d'un sportif lors d'une compétition ne se joue pas seulement le jour de celle-ci mais résulte d'une longue préparation, de même la protection du sport et de ses principaux événements ne saurait se résumer aux contrôles lors de ceux-ci, mais doit être assurée dans toute cette phase de préparation qui en détermine largement l'issue.

3. Les contrôles inopinés hors compétition
a) Du contrôle en entraînement à la localisation

Comme le souligne Jean-Christophe Lapouble, « l'idée de la localisation des sportifs est liée à l'existence de produits dopants dont les effets durent plusieurs mois alors même que leur détection n'est possible que pendant une période réduite » 254 ( * ) . Il s'agit en particulier de prévenir les phénomènes de « cure » de produits dopants (stéroïdes anabolisants par exemple) dans les phases d'entraînement et de préparation.

Dans un premier temps et avant la mise en place de tout système de localisation, la loi française a introduit la possibilité de réaliser des contrôles en période d'entraînement . La loi Buffet de 1999 prévoyait ainsi que « toute personne qui participe aux compétitions ou manifestations sportives mentionnées à l'article 17 ou aux entraînements y préparant est tenue de se soumettre aux prélèvements et examens ». Cette possibilité a été reprise dès la première version de l'article L. 232-5 du code du sport, qui disposait que l'AFLD peut diligenter des contrôles « pendant les entraînements préparant aux compétitions ou manifestations sportives ».

Cependant, ce n'est qu'avec l'introduction d'un dispositif de localisation des sportifs que les contrôles ont pu s'affranchir des lieux et des périodes officielles - et, généralement, collectives - d'entraînement. Ce dispositif, ébauché par le code mondial antidopage de 2003, a été introduit dans sa forme obligatoire actuelle par la version révisée de 2009 du code mondial (voir encadré ci-dessous) ; il a été transposé en droit français dès 2006 puis élargi et précisé par l'ordonnance de 2010 aux articles L. 232-15 et L. 232-16 du code du sport prévoyant l'obligation de localisation pour certains sportifs et les conditions du contrôle.

Vers une obligation harmonisée de localisation des sportifs

Comme l'a rappelé Olivier Niggli devant votre commission, « la première version du code mondial avait adopté le principe de la localisation sans l'harmoniser entre les différentes fédérations , laissant à chacune d'entre elles le soin de gérer ce principe comme elle l'entend » (1) .

L'Union cycliste internationale a ainsi créé, dès 2004, un système très contraignant en prévoyant une localisation des coureurs du groupe-cible sept jours sur sept et 24 heures sur 24. D'autres sports, au contraire, n'ont pas mis en place de groupe-cible durant cette période.

Une harmonisation a donc été rendue nécessaire lors de la révision du code mondial à partir de 2007 . « L'AMA est intervenue, a procédé à de larges consultations et adopté un standard minimum acceptable par tous, à savoir l'obligation pour les sportifs concernés - essentiellement des sportifs d'élite - de définir une heure par jour, entre 6 heures et 23 heures, au cours de laquelle ils peuvent être contrôlés » (2) .

Cependant, du fait du système très contraignant mis en place, très tôt, par l'UCI, votre commission d'enquête a pu constater que de nombreux acteurs du cyclisme restaient persuadés, à tort, d'être les seuls sportifs soumis à cette obligation (3) .

(1) Voir l'audition du 16 mai 2013.

(2) Ibid.

(3) Voir par exemple l'audition de Laurent Jalabert du 15 mai 2013 et de David Lappartient du 22 mai 2013.

b) L'obligation de localisation : une contrainte lourde mais nécessaire

De façon générale, la localisation consiste, pour les sportifs qui y sont soumis, à fournir aux autorités de lutte antidopage, via un logiciel unique (Système d'administration et de gestion antidopage ou Anti-Doping Administration & Management System, Adams) 255 ( * ) , les informations sur leur localisation pour chaque jour du trimestre à venir . Cependant, ils peuvent modifier à tout moment, jusqu'à la veille à 17 heures , les informations ainsi données.

Le sportif transmet une adresse de résidence et un programme sportif (horaires et lieux d'entraînement et de compétition). Il doit également donner une fenêtre de 60 minutes durant laquelle il sera disponible pour être contrôlé . Si un contrôleur se présente sur cette fenêtre d'une heure et que le sportif n'est pas présent, une infraction à l'obligation de localisation (un défaut de localisation ou « no show » ) est constatée. Trois « no show » sur une période de dix-huit mois sont passibles d'une sanction ; s'agissant du programme de localisation de l'AFLD, le dossier est alors transmis par l'Agence à la fédération compétente pour sanction. Ainsi, en 2012, soixante-dix « no show » ont été constatés par l'AFLD, dont deux pour la troisième fois, entraînant de ce fait une infraction aux règles antidopage.

En tout état de cause, les autorités antidopage peuvent réaliser et réalisent effectivement des contrôles inopinés en dehors de la fenêtre de 60 minutes (à l'exclusion, toutefois, de la nuit, entre 21 heures et 6 heures du matin 256 ( * ) ). Cependant, la non-présentation à un contrôle en dehors de la fenêtre de 60 minutes n'est pas constitutive d'un défaut de localisation.

L'obligation de localisation est indéniablement contraignante pour le sportif qui y est soumis. Certains juristes, comme Jean-Christophe Lapouble, estiment que « la vie privée du sportif est réduite à peu de choses quand il a l'infortune d'appartenir à un groupe-cible » 257 ( * ) . Il souligne que seuls les délinquants sexuels et auteurs de crimes sont soumis à une obligation de localisation aussi contraignante.

Les principales critiques adressées au système de localisation ont été résumées par Philippe Kastendeuch, président de la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (Fnass), devant votre commission d'enquête : « Le système des groupes-cibles est anormalement intrusif , puisqu'il commande aux sportifs concernés, qui n'ont pas donné leur accord, de communiquer à l'AFLD des informations sur leurs lieux de résidence, d'entraînement, et de compétition, de façon à pouvoir être localisables et éventuellement soumis sur le champ aux divers contrôles ordonnés discrétionnairement par l'Agence. Le principe d'égalité entre tous les sportifs n'existe plus et les athlètes désignés sont placés sous l'emprise d'un régime d'exception dans lequel le sportif est un suspect potentiel. Enfin, le sportif localisable se trouvera soumis à une surveillance permanente qui le prive d'une vie familiale normale » 258 ( * ) .

Ainsi, trois principaux arguments sont mis en avant : l'impossibilité de mener une vie familiale normale, la violation de la vie privée et l'inégalité de traitement entre les sportifs .

Saisi en ce sens par des sportifs soumis à l'obligation de localisation, le Conseil d'État a eu l'occasion de la justifier au regard de l'intérêt général qui s'attache à la lutte contre le dopage dans un arrêt du 24 février 2011 259 ( * ) . Cette jurisprudence est régulièrement rappelée par le Conseil d'État à l'occasion des recours portés devant lui s'agissant, notamment, des sanctions prises sur la base d'un défaut de localisation. Ainsi, dans sa décision du 29 mai 2013, le Conseil d'État estime que « si le dispositif ainsi défini [de géolocalisation] se révèle contraignant pour ces sportifs, notamment en les soumettant à l'obligation de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation, les dispositions législatives en cause sont justifiées par les nécessités de la lutte contre le dopage, qui implique notamment de pouvoir diligenter des contrôles inopinés afin de déceler efficacement l'utilisation de certaines substances dopantes qui peuvent n'être décelables que peu de temps après leur prise alors même qu'elles ont des effets plus durables ; que ces dispositions ne portent atteinte à la liberté personnelle des sportifs et au respect de leur vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que des atteintes nécessaires et proportionnées aux objectifs d'intérêt général poursuivis par la lutte contre le dopage , notamment la protection de la santé des sportifs ainsi que la garantie de l'équité et de l'éthique des compétitions sportives ».

Ainsi, sans en nier les contraintes, votre rapporteur ne considère pas que le dispositif de localisation conduise à « priver le sportif de la possibilité de répondre à un événement imprévu, de se déplacer de façon spontanée et donc de mener une vie familiale normale », comme le souligne la Fnass 260 ( * ) . En effet, il est toujours possible de modifier sa localisation jusqu'à 17 heures la veille pour une prise en compte officielle dans Adams.

De plus, même passé ce délai, le sportif peut encore envoyer un message à l'autorité antidopage pour indiquer son changement de lieu : la modification est certes trop tardive pour une prise en compte officielle mais elle n'est pas inutile en cas de contrôle inopiné.

En effet, un défaut de localisation n'entraîne pas systématiquement une infraction aux règles antidopage. Il est prévu une phase précontentieuse où le sportif peut justifier son absence au lieu-dit (en particulier une situation d'urgence, qui justifie la suppression de l'avertissement). Dans ce cadre, le fait d'avoir envoyé un message, même pendant la nuit, jouera en sa faveur et lui permettra éventuellement d'éviter un avertissement.

Votre rapporteur est favorable au maintien de cette phase précontentieuse ; de même, 17 heures doit rester la limite pour une prise en compte officielle dans Adams : en effet, il semble difficile, après cette heure, d'annuler ou de modifier le déplacement d'un préleveur missionné pour le lendemain à 6 heures du matin.

L'ensemble de ces garanties et de ces assouplissements étant donnés, l'atteinte à la vie privée des sportifs et à la possibilité de mener une vie familiale normale semble en effet proportionnée aux objectifs d'intérêt général qui s'attachent à la lutte contre le dopage. D'ailleurs, tous les sportifs ne contestent pas la légitimité de ce système , comme Martin Fourcade, champion de biathlon, qui s'y est ainsi déclaré favorable 261 ( * ) .

En tout état de cause, la contrainte liée à la géolocalisation serait sans doute moins forte pour les sportifs si, à l'avenir, le système Adams était accessible par le biais d' applications pour téléphones intelligents ou tablettes numériques . C'est l'une des revendications portées par Martin Fourcade : « aujourd'hui, on peut acheter un billet d'avion ou payer ses impôts sur une tablette ou un téléphone, mais il est impossible de se géolocaliser sans un ordinateur, une connexion à internet, et le logiciel est compliqué à utiliser » 262 ( * ) .

Enfin, le système de localisation est parfois critiqué au regard de la protection des données personnelles . À cet égard, l'article L. 232-15 du code du sport prévoit que le système de localisation est autorisé par le collège de l'Agence après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) . Olivier Niggli, conseiller juridique de l'AMA, a également rappelé devant votre commission la sécurisation du dispositif en matière de protection des données personnelles 263 ( * ) .

Au demeurant, le faible nombre de personnes sanctionnées sur la base de défauts répétés de localisation, loin de signaler son échec comme la Fnass l'avance, de façon contradictoire 264 ( * ) , illustre sa relative souplesse et son appropriation par les sportifs, le nombre de défauts de localisation étant passé de 183 à 70 entre 2011 et 2012.

c) Les groupes-cibles des fédérations internationales et des ONAD

L'obligation de localisation ne s'applique qu'à un ensemble de sportifs, généralement du meilleur niveau, dont la liste est définie par chaque autorité antidopage : le groupe-cible . Aux termes de l'article 5.1.2 du code mondial antidopage, ces groupes-cibles doivent être constitués des sportifs de niveau mondial pour les fédérations internationales, et des sportifs de niveau national pour les agences nationales . En théorie, il n'est pas possible d'être à la fois dans le groupe-cible d'une fédération internationale et dans celui d'une agence nationale. En pratique, il arrive cependant que les groupes-cibles se recoupent partiellement.

Les fédérations internationales sont chacune responsable, en tant qu'autorité antidopage, de l'établissement de leur groupe-cible de sportifs, généralement composé des meilleurs mondiaux. Les groupes-cibles peuvent ainsi être de dimensions très différentes . Par exemple, en tennis, le groupe-cible comprend environ 140 joueurs, dont, notamment, les cinquante premiers des classements ATP et WTA, ainsi que les dix meilleurs en doubles et les cinq meilleurs en fauteuils roulants. En cyclisme, le groupe-cible est particulièrement large et comprend plus de 1 000 coureurs.

En France, si la possibilité de réaliser des contrôles inopinés sur la base de données de localisation existe depuis la loi du 1 er février 2006, c'est l'ordonnance du 14 avril 2010 qui a introduit le principe d'un traitement automatisé des données et étendu le nombre potentiel de sportifs visés par l'obligation de localisation . En effet, aujourd'hui, non seulement les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels, mais également les sportifs ayant appartenu à ces dernières catégories au cours des trois dernières années, les sportifs Espoirs ainsi que ceux ayant fait l'objet d'une sanction peuvent être inscrits par l'AFLD au sein du groupe-cible.

En 2012, 728 sportifs sont inclus dans le groupe-cible de l'AFLD, appartenant à trente-deux sports différents .

En parallèle de l'élargissement du groupe-cible et de la définition plus précise de ses conditions de fonctionnement, l'inscription dans le groupe-cible s'est récemment entourée de deux précautions juridiques utiles :

- tout d'abord, suite à un arrêt du Conseil d'État du 10 octobre 2012, il revient désormais au collège de l'Agence d'inscrire un sportif au sein du groupe-cible . En pratique cependant, le collège délèguera cette compétence, sous le contrôle du collège, au directeur des contrôles qui est le mieux à même d'apprécier la pertinence d'une telle inscription 265 ( * ) ;

- ensuite, l'inscription au sein du groupe cible donne lieu désormais à une procédure contradictoire . Bruno Genevois a ainsi indiqué à votre commission avoir « demandé au directeur des contrôles de faire précéder d'un préalable contradictoire  l'inscription d'un sportif sur la liste du groupe-cible de l'Agence: inutile de les astreindre à une obligation de localisation s'ils sont sur le point d'arrêter leur carrière ou que leur fédération internationale les a placés dans son propre groupe-cible » 266 ( * ) .

Cette procédure contradictoire présente plusieurs avantages : elle responsabilise les sportifs, en leur faisant mieux connaître le dispositif de localisation ; elle permet d'éviter les doubles inscriptions avec les groupes-cibles des fédérations internationales ou les inscriptions inutiles ; enfin, elle donne les garanties juridictionnelles nécessaires s'agissant d'un dispositif contraignant du point de vue des libertés individuelles.

d) Les préconisations de votre rapporteur
(1) Développer les contrôles inopinés
(a) Augmenter le nombre de contrôles inopinés réalisés par l'AFLD

En 2012, l'AFLD a réalisé 4 052 contrôles hors compétition sur un total de 10 559 contrôles, soit environ 38 % . Ce ratio est relativement faible si on le compare à d'autres agences nationales, qu'il s'agisse de l'agence allemande (environ 8 000 contrôles à l'entraînement sur les 9 000 contrôles réalisés en 2011), de l'agence britannique (4 461 contrôles sur les 7 410 contrôles réalisés en 2011) ou de l'agence américaine (5 714 contrôles sur les 8 490 en 2012 267 ( * ) ).

Certes, le contrôle en compétition peut recouvrir des réalités différentes, en particulier s'agissant des compétitions de longue durée comme le Tour de France, où un contrôle-surprise le matin à la chambre d'hôtel du coureur est classé comme « en compétition ». Cependant, l'AFLD devrait à tout le moins rééquilibrer les parts respectives entre « en compétition » et « hors compétition » . Sans doute, la spécialisation des correspondants régionaux antidopage permettra d'y parvenir, en développant les contrôles ciblés sur informations en lieu et place des contrôles routiniers sur les compétitions locales. De même, une meilleure connaissance de la localisation des sportifs de niveau international facilitera la mise en place de contrôles sur leurs périodes d'entraînement.

Proposition n° 32 Augmenter la part des contrôles inopinés dans le total des contrôles de l'AFLD

(b) Renforcer l'implication des fédérations internationales : l'exemple de la fédération internationale de tennis

L'implication des fédérations internationales en matière de contrôles inopinés hors compétition est très hétérogène.

Certaines fédérations réalisent d'ores et déjà un nombre important de contrôles hors compétition , quand bien même le nombre ne préjuge pas de la qualité du programme. C'est notamment le cas de l'UCI qui a effectué, en 2011, 6 998 hors compétitions (à l'entraînement ou en pré-compétition) sur un total de 13 144 contrôles, soit plus de 53 % 268 ( * ) , alors même que, comme il a été indiqué, les contrôles en compétition comprennent des contrôles « inopinés ». De même, il a été indiqué à votre commission par Jiri Dvorak, médecin en chef de la Fifa, que plus de 50 % des contrôles réalisés par la Fifa étaient inopinés 269 ( * ) .

En revanche, d'autres fédérations internationales apparaissent très en retard en matière de contrôles hors compétition . C'est le cas, en particulier, de la Fédération internationale de tennis (FIT) qui a réalisé, en 2012, seulement 334 contrôles hors compétition sur un total de 2 185 contrôles , soit environ 15 % seulement. L'analyse des chiffres individuels montre d'ailleurs qu'à l'exception d'un joueur contrôlé plus de sept fois (Rafael Nadal) et de quinze joueurs contrôlés entre quatre et six fois 270 ( * ) , aucun joueur n'a fait l'objet de plus de trois contrôles hors compétition en 2012 et la grande majorité du groupe-cible n'a fait l'objet d'aucun contrôle hors compétition 271 ( * ) .

Interrogé sur la faiblesse des contrôles hors compétition par votre commission, Francesco Ricci Bitti, président de la FIT, a répondu que les semaines de compétition représentaient, dans le tennis, l'essentiel de l'année : « chaque sport possède sa spécificité propre. En tennis, la compétition couvre pratiquement cinquante-deux semaines » 272 ( * ) . Stuart Miller, responsable de la lutte antidopage au sein de la FIT, a précisé dans le même sens que « la proportion de temps passé hors compétition est moins importante au tennis que pour d'autres sports . Un coureur de marathon peut concourir deux ou trois fois par an, alors qu'un tennisman peut éventuellement jouer durant trente semaines » 273 ( * ) . Ils ont cependant reconnu qu'un effort supplémentaire devrait être mis à l'avenir sur les contrôles hors compétition 274 ( * ) .

Cet effort est d'autant plus nécessaire que l'idée selon laquelle l'essentiel de l'année est composé de compétitions ne tient pas compte de plusieurs éléments : les périodes de blessure fréquentes chez les joueurs de tennis, le fait que certains joueurs, en particulier les meilleurs mondiaux, renoncent à beaucoup de tournois pour se concentrer sur les Grands chelems et le fait que, pour la plupart des joueurs, les compétitions s'arrêtent dès les premiers jours de la semaine . De plus, si les périodes entre compétitions sont réduites, le risque de prise de produits dopants pour faciliter la récupération n'en est que redoublé.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur estime que la Fédération internationale de tennis devrait considérablement renforcer son programme de contrôles hors compétition . Ce renforcement interne devrait être combiné avec des contrôles réalisés par les Onad, dont l'AFLD, (convention pour compétitions internationales et convention pour partage des données Adams).

Votre rapporteur tient à souligner que ce jugement un peu sévère sur le programme antidopage de la FIT ne met absolument pas en cause l'engagement sincère et suivi de la fédération française de tennis . Bruno Genevois lui-même a ainsi souligné lors de son audition que l'ancien directeur technique national, Patrice Hagelauer, avait notamment souhaité que des compétitions de jeunes soient bien ciblées dans les contrôles, afin de montrer l'importance de la lutte antidopage 275 ( * ) .

(2) Tenir compte de la spécificité des sports collectifs

Le code mondial antidopage ne distingue pas entre les sports individuels et les sports collectifs s'agissant de l'obligation de localisation. Un classement des « meilleurs mondiaux » y est pourtant impossible sur une base individuelle.

S'agissant de l'AFLD, les sports collectifs professionnels (rugby à XV, football, handball, basketball et volleyball) représentent en 2012 environ 35,5 % du groupe-cible de l'AFLD en 2012 ; ce pourcentage est plus faible qu'en 2011 (59,7 %) en raison de l'inscription, en 2012, des 348 sportifs faisant partie de la délégation pour les Jeux olympiques de Londres.

Malgré cette importance numérique, l'obligation de localisation repose en réalité sur un joueur (minimum) désigné par l'AFLD au sein de chaque équipe professionnelle : en effet, les contrôles ayant lieu généralement à l'entraînement et l'entraînement étant réalisé collectivement, il n'est pas nécessaire d'astreindre l'ensemble des joueurs du club à l'obligation de localisation pour connaître leur localisation et les contrôler de façon inopinée.

Cependant, il s'agit là d'une inégalité de traitement manifeste entre les différents joueurs d'une même équipe . Le joueur désigné est non seulement le seul à être soumis aux contraintes de la localisation au sein de son équipe, mais encore est-il le seul, en conséquence, à risquer un avertissement et, au bout de trois avertissements, une sanction. Ce sentiment d'injustice a notamment été souligné par Sylvain Kastendeuch 276 ( * ) .

De plus, ce système présente l'inconvénient de déresponsabiliser l'équipe et son encadrement .

Dans le but de mettre fin à cette injustice et de mieux responsabiliser l'équipe, votre rapporteur souhaite une modification profonde du système de localisation s'agissant des sports collectifs :

- durant la saison, il reviendrait aux équipes et non aux joueurs de se localiser chaque jour , en fournissant une fenêtre de 60 minutes sur les huit heures que passent, en moyenne 277 ( * ) , chaque jour les joueurs au sein de leur club ;

- en cas de défaut de localisation de l'équipe, l'avertissement serait formulé pour l'ensemble de l'équipe . Au bout de trois no-show, c'est l'équipe entière qui serait sanctionnée, de façon adaptée (perte de points par exemple...) ;

- en revanche, et parce qu'il est absolument nécessaire que les périodes de préparation fassent l'objet d'un suivi antidopage , lors des congés d'été, le droit commun s'appliquerait à nouveau et l'ensemble des joueurs de l'équipe serait soumis, individuellement, à l'obligation de localisation .

Proposition n° 33 Prévoir, dans les sports collectifs professionnels, une localisation collective de l'équipe pendant la saison et une obligation individuelle pour l'ensemble des joueurs hors saison

(3) Partager les données de localisation entre autorités antidopage

Contrairement aux compétitions, sur lesquelles une autorité et une seule peut normalement réaliser des contrôles, les contrôles inopinés hors compétition peuvent en principe être réalisés par toute autorité antidopage , qu'il s'agisse de la fédération internationale dont relève le sportif ou de l'autorité nationale antidopage sur le territoire de laquelle celui-ci se trouve.

Toutefois, ce partage de compétences nécessite, pour être pleinement effectif, un partage des fichiers de localisation gérés, via le système Adams, par les fédérations et les agences . Or, certaines autorités ne souhaitent pas transmettre - ou imparfaitement ou avec retard - les données de localisation de leurs sportifs afin d'éviter qu'ils soient contrôlés par d'autres autorités de contrôle. Par exemple, le contrôle de Lance Armstrong à Saint-Jean Cap-Ferrat en 2009, en période de préparation du Tour de France, a pu être réalisé par l'AFLD non pas sur la base d'une transmission de localisation de la part de l'UCI, mais sur la base d'une information véhiculée par la presse locale.

Cette réticence au partage de fichiers peut être liée aux garanties de confidentialité devant entourer ces transmissions d'informations. Ainsi, Jean-Christophe Lapouble a indiqué à votre commission d'enquête qu'il avait les « mêmes doutes sur le système Adams que pour tout système de transfert de données. Les données collectées par l'AFLD sur les sportifs français sont transmises à l'AMA à Montréal, sous l'autorité de la Commission d'accès à l'information du Québec, puis transmises à des pays tiers si le sportif voyage : le degré de protection y est alors variable, tributaire de failles informatiques, ou d'indiscrétions » 278 ( * ) .

En réponse, Olivier Niggli a cependant rappelé les garanties entourant le système. Tout d'abord, les autorités y ayant accès sont limitées : « les données ne sont accessibles qu'aux acteurs autorisés : athlètes, fédérations internationales et agences nationales compétentes ». De plus, la transmission d'information n'est pas automatique mais seulement sur autorisation de l'autorité disposant de la donnée de localisation : « une agence nationale peut autoriser, de manière volontaire, une organisation étrangère, dans le pays où se rend le sportif, à prendre en charge des contrôles et à voir si elle estime que les garanties sont suffisantes. Ce ne peut être qu'un acte volontaire, qui peut être conclu par contrat. Il n'y a pas de partage immédiat et généralisé d'informations. Le système est cloisonné » 279 ( * ) .

Il est indispensable de mettre fin à ces problèmes de transmissions des informations. C'est particulièrement le cas pour certaines disciplines, comme le cyclisme, où la préparation, période « à risque » du point de vue de la prise de produits dopants, consiste en une reconnaissance des parcours des différentes épreuves et, notamment, du Tour de France à la fin du printemps.

En conséquence, votre rapporteur souhaite que l'AFLD conclue, avec les principales fédérations concernées par des périodes d'entraînement en France, des conventions spécifiques sur le partage des données de localisation . Les fédérations ont d'autant moins de raison de s'y opposer que le système français, visé par la Cnil, offre toutes les garanties en matière de protection des données.

L'AFLD pourrait également conclure le même type d'accords avec des Onad étrangères, bien que les groupes-cibles de ces organisations soient théoriquement d'un niveau national et non international.

Proposition n° 34 Passer des conventions avec les principales fédérations aux fins d'organiser l'échange de données de localisation

(4) Conserver la liste actuelle des lieux du contrôle inopiné

En France, le lieu dans lequel les contrôles inopinés sont autorisés est limitativement prévu par l'article L. 232-13-1 du code du sport qui prévoit que les contrôles peuvent être réalisés :

- dans un lieu d'entraînement ou de compétition ;

- dans tout lieu choisi avec l'accord du sportif, y compris, à sa demande, à son domicile ;

- dans le cadre d'une garde à vue d'un sportif soupçonné d'avoir enfreint l'interdiction de détenir certains produits dopants 280 ( * ) .

Contrairement à ce qu'affirme la note précitée de la Fnass, il n'est pas possible de s'affranchir de ce cadre. Par exemple, si le sportif ne souhaite pas que le contrôle soit réalisé à son domicile, il sera escorté jusqu'au lieu de son choix (cabinet du préleveur, club, etc.) pour y être contrôlé.

(5) Mieux cibler le « moment » du contrôle inopiné

Malgré son rôle-clé dans l'efficacité de la lutte antidopage, le contrôle inopiné est souvent mal perçu par les sportifs qui y sont soumis , ce qu'illustre la véhémence des critiques adressées au dispositif par la Fnass.

Ainsi, Jean-Pierre Paclet considère que les contrôles inopinés « sont trop souvent mal expliqués, et donc mal vécus. Les prélèvements sont faits au plus mauvais moment : pendant la sieste, qui est une phase de récupération primordiale » 281 ( * ) . Lionel Horter, directeur technique national de la fédération française de natation, a également relayé cette préoccupation : « il peut arriver que les organismes engagent deux ou trois contrôles dans un même week-end . Or il est toujours dommage de faire rater un entraînement à un nageur, d'autant plus quand un autre contrôle est conduit l'après-midi du même jour, puis encore un autre le lendemain matin » 282 ( * ) .

Le problème soulevé par Lionel Horter est double : il a trait, d'une part, à la collision entre les programmes de contrôle des différentes autorités (AFLD, fédérations internationales), d'autre part, au moment choisi pour les contrôles qui perturbent l'entraînement ou la récupération.

S'agissant du premier problème, Jean-Pierre de Vincenzi a souligné que, paradoxalement, « l'absence de coordination entre les contrôles de l'AFLD et ceux diligentés par les fédérations internationales n'est pas forcément mauvaise : elle maintient un peu d'incertitude » 283 ( * ) . Malgré tout, il conviendrait d'assurer une coordination des contrôles qui n'interdise pas des contrôles récurrents et surprises sur des athlètes particulièrement ciblés, mais qui évite les doublons sur des athlètes peu suspects . L'échange d'informations sur les contrôles inopinés et leurs résultats par les différentes autorités permettraient, là encore, d'y parvenir.

S'agissant du second problème, il convient de définir des plages horaires qui permettent à la fois la détection des substances recherchées sans perturber le cycle d'entraînement ou de récupération . Cependant, cette difficulté est délicate à surmonter : en effet, les périodes d'entraînement et de récupération constituent précisément des phases « à risque » du point de vue de la prise de produits dopants.

Aujourd'hui, la limite essentielle qui s'impose aux contrôles inopinés est celle de la nuit, entre 21 heures et 6 heures du matin, durant laquelle un sportif ne peut pas faire l'objet d'un contrôle .

Il a été indiqué à votre rapporteur que certains sportifs utilisaient cette fenêtre pour prendre des produits dopants, par micro-doses indétectables le matin. Par exemple, lors des Jeux de Turin, la police italienne avait ainsi procédé à une perquisition en pleine nuit de l'hôtel de l'équipe autrichienne, dont six athlètes avaient finalement été suspendus par le CIO. Il s'agissait, d'ailleurs, de la première suspension prononcée par le CIO sur la base de preuves non analytiques.

Dans ce contexte, l'une des propositions formulées dans le cadre de la révision du code mondiale antidopage consiste à permettre un contrôle antidopage « à tout moment », c'est-à-dire y compris la nuit, dans des cas exceptionnels dûment justifiés . Votre commission a pu constater, lors de son déplacement en Espagne, que le projet de loi actuellement débattu au Parlement espagnol comprend également cette possibilité 284 ( * ) .

Toutefois, il semble difficile d'étendre la possibilité d'effectuer ces visites après 21 heures et avant 6 heures du matin. L'article 59 du code de procédure pénale pose en effet le principe selon lequel les visites domiciliaires s'effectuent entre 6 heures du matin et 21 heures. S'il est possible qu'une loi puisse déroger à ce principe, le Conseil constitutionnel a rappelé que l'inviolabilité du domicile était un des aspects de la liberté individuelle, ce qui implique, d'une part, l'intervention du juge judiciaire, en vertu de l'article 66 de la Constitution, d'autre part, un encadrement strict des dispositions y portant atteinte 285 ( * ) .

Or, la gravité des manquements en cause ne semble pas justifier une telle exception. Rappelons que des dérogations à cette règle sont prévues dans les seules matières de terrorisme, trafic de stupéfiants et proxénétisme. En conséquence, il convient d'engager la réflexion sur les modalités dans lesquelles de tels contrôles de nuit pourraient être possibles dans le respect du principe de l'inviolabilité du domicile, en particulier en les limitant à des cas exceptionnels, justifiés par des éléments d'enquête concordants, et avec l'autorisation d'un juge.

(6) Spécifier le contrôle vraiment « inopiné »

Contrôle hors compétition et contrôle inopiné sont souvent pris pour synonymes. En réalité, comme nous l'avons vu, il existe des contrôles inopinés en compétition , à l'image des contrôles des cyclistes au réveil lors des différentes étapes du Tour de France. À l'inverse, il est possible que des contrôles hors compétition ne soient pas inopinés : un contrôle à l'entraînement pour lequel l'équipe serait prévenue le matin pour l'après midi, par exemple, ne serait plus un contrôle inopiné.

À cet égard, le code mondial antidopage dispose dans son article 5.1.2 que « sauf dans des circonstances exceptionnelles, [chaque organisation antidopage doit] s'assurer que tous les contrôles hors compétition sont des contrôles inopinés ». Il définit le contrôle inopiné comme un « contrôle du dopage qui a lieu sans avertissement préalable du sportif et au cours duquel celui-ci est escorté en permanence, depuis sa notification jusqu'à la fourniture de l'échantillon ».

Ainsi, le contrôle réalisé par le docteur Olivier Grondin sur Lance Armstrong à Saint-Jean-Cap-Ferrat en 2009 n'est pas, stricto sensu , un contrôle inopiné, puisque le sportif avait échappé à la surveillance de toute escorte pendant plus de 20 minutes - ce que le préleveur avait d'ailleurs rapporté à l'AFLD.

Face à cette difficulté, votre rapporteur estime qu'il conviendrait de centrer le contrôle hors compétition sur le « vrai » contrôle inopiné et, pour ce faire, de spécifier, dans les statistiques de chaque autorité antidopage, le nombre de contrôles hors compétition correspondant strictement à la définition du contrôle inopiné fournie par le code mondial antidopage. Les contrôles avec avertissement préalable et, surtout, les contrôles ayant donné lieu à un rapport mettant en évidence une défaillance dans le protocole, devraient faire l'objet d'une catégorie statistique à part.

Proposition n° 35 Spécifier, au sein des contrôles hors compétition, ceux réalisés de façon inopinée conformément à la définition du code mondial antidopage

4. Améliorer le ciblage du dispositif de contrôle

Quel que soit le type de prélèvements (urinaire ou sanguin), la nature du contrôle (en compétition ou hors compétition) ou l'autorité antidopage l'ayant diligenté, l'amélioration globale du dispositif est un enjeu majeur en termes d'efficacité de la lutte antidopage mais aussi d'efficience, au regard du coût que représente chaque contrôle et chaque analyse .

En 2012, le coût moyen global des contrôles et des analyses antidopage de l'AFLD, calculé de façon synthétique en divisant le total des dépenses liées aux départements des contrôles et des analyses par le nombre de contrôles, s'établit à 569 euros 286 ( * ) . La Fnass a calculé pour sa part le coût d'un contrôle positif, en divisant le budget de l'AFLD par le nombre de cas positifs, soit 96 379 euros pour un contrôle positif.

Sans reprendre à son compte ces chiffres, statistiquement biaisés, votre rapporteur considère cependant qu'ils traduisent l'enjeu majeur d'efficience à laquelle la lutte antidopage, quelques dix années après sa structuration à l'échelle internationale, ne peut pas échapper. Désormais, la qualité doit l'emporter sur la quantité des contrôles réalisés . Ainsi, il ne semble pas nécessaire d'augmenter globalement le nombre de prélèvements réalisés par l'AFLD, à condition qu'ils soient mieux orientés vers les contrôles inopinés et plus ciblés aux moyens des quatre axes exposés ci-dessous :

- la création d'un correspondant antidopage interrégional ;

- l'établissement d'une analyse des risques par sport ;

- l'amélioration du renseignement ;

- la généralisation du passeport biologique .

a) Développer le ciblage des contrôles diligentés par les directions régionales

Étant donné l'importance des contrôles mis en place par les directions régionales dans le cadre de leur propre stratégie régionale (5 691 contrôles en 2012, soit 69 % des contrôles diligentés par l'AFLD), il est nécessaire de leur donner les moyens de cibler les sportifs ainsi contrôlés en renforçant leur capacité de renseignements et de spécialisation .

Cela rejoint la proposition, déjà formulée, de créer, au sein de plusieurs directions régionales, des correspondants interrégionaux dédiés à la lutte antidopage et mis à la disposition de l'AFLD . Ces correspondants pourront ainsi jouer le rôle de « directeur interrégional des contrôles » et appuieront ainsi le travail du directeur des contrôles de l'AFLD en matière de collecte et d'échange d'informations et, in fine , de ciblage, des sportifs.

b) Établir une analyse des risques par sport

La nature du contrôle (en compétition ou hors compétition), ainsi que la nature des substances à rechercher devraient être fonction des risques associés à chaque sport. Si tous les sports sont concernés par le phénomène du dopage, tous ne le sont pas selon les mêmes pratiques ni pour les mêmes produits. Par exemple, la recherche d'EPO, particulièrement coûteuse, ne se justifie pas dans tous les sports.

Dans ce cadre, les autorités antidopage, au premier rang desquelles l'AFLD, devraient établir une analyse des risques de dopage spécifique à chaque sport , permettant d'orienter les contrôles, les types de prélèvements et les substances à rechercher. Cela correspond à l'une des innovations envisagées dans le cadre de la révision du code mondial antidopage 287 ( * ) .

Proposition n° 36 Faire établir par les fédérations une analyse des risques de dopage
propres à chaque discipline

c) Développer le ciblage grâce à une amélioration du renseignement

Le ciblage des contrôles, en compétitions et hors compétitions, doit s'appuyer sur une meilleure utilisation du renseignement, à l'échelle locale, nationale et internationale . Cela passe notamment par l'échange d'informations entre les autorités policières, judiciaires, douanières et administratives.

L'expérience du Tour de France 2008 a montré l'intérêt d'une utilisation du renseignement. Le même constat vaut pour les Jeux olympiques de Londres 2012 où, selon Patrick Schamasch, « sur les neuf cas positifs détectés, cinq l'ont été grâce au renseignement » 288 ( * ) .

En raison de leur importance stratégique, les moyens d'amélioration du renseignement, en particulier le renforcement des moyens des forces de police, l'échange d'informations entre autorités et l'utilisation du système des repentis, seront exposés dans une partie distincte (voir infra ).

d) Généraliser l'utilisation du passeport biologique

Le passeport biologique est un document rassemblant un certain nombre d' informations relatives au profil sanguin (ou, selon le type de passeport mis en place, stéroïdien, physiologique, etc.) du sportif permettant ainsi, par analyses successives, à la fois de déterminer le profil « normal » de l'athlète et les variations anormales de ce profil , révélant ou laissant suspecter les cas de dopage.

Si le passeport a été mis en place dès 2008 par l'UCI puis par quelques autres fédérations internationales, c'est en 2009 que l'Agence mondiale antidopage a établi un cadre réglementaire, validé la même année par le TAS. L'article 6.2 du code mondial antidopage permet en effet aux organisations antidopage de procéder à des prélèvements et analyses dans le but de recueillir des renseignements destinés à « aider une organisation antidopage à établir le profil des paramètres pertinents dans l'urine, le sang ou une autre matrice du sportif [...] à des fins d'antidopage ». Les commentaires sur l'article 6.2 précisent que ces renseignements peuvent servir :

- « à orienter les contrôles ciblés » ( ciblage des contrôles ) ;

- ou « à appuyer une procédure relative à la violation de règles antidopage » ( sanction sur la base de preuves non analytiques ).

Depuis 2009, de nombreuses fédérations internationales l'ont adopté afin de l'appliquer à leur groupe-cible : c'est notamment le cas de l'athlétisme 289 ( * ) , du ski 290 ( * ) , de la natation et, prochainement, du tennis 291 ( * ) .

S'agissant de la France, la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 tendant à faciliter l'organisation des manifestations sportives et culturelles prévoit que le passeport biologique, nommé « profil biologique du sportif », sera également établi pour les sportifs français inscrits sur les listes des sportifs de haut niveau, ainsi que les Espoirs et les sportifs professionnels . Contrairement aux passeports mis en place par les fédérations internationales, gérés par ces dernières, ce passeport biologique sera géré par l'AFLD .

Il devait entrer en vigueur le 1 er juillet 2013 après la remise d'un rapport du comité de préfiguration prévu par l'arrêté du 13 septembre 2012 . Ce rapport sera prochainement publié et le passeport devrait être mis en place au cours du deuxième semestre 2013.

D'ores et déjà, des contrôles à des fins de profilage ont été réalisés en 2012 , l'objectif étant d'alimenter le passeport par des analyses régulières plusieurs fois par an. Le département des analyses a la capacité de réaliser environ 2 000 analyses par an à cette fin, qu'ils soient commandés par l'AFLD ou par les fédérations internationales pour leurs passeports biologiques respectifs.

Votre rapporteur se félicite de l'introduction et de la généralisation du passeport biologique des sportifs, qui permet de commencer à combler le retard des autorités antidopage sur le développement de nouvelles substances dopantes. Sans entrer dans le détail des conditions de fonctionnement du passeport, qui fera l'objet d'un rapport complet de la part du comité de préfiguration, votre rapporteur souhaite souligner plusieurs éléments nécessaires pour en assurer la pleine effectivité.


Les dates des prélèvements

Dans le cas de l'UCI, Armand Mégret a indiqué à votre commission que les sportifs choisissaient le moment de l'analyse sur une période de deux mois, ce qui leur permet de lisser les paramètres en choisissant le meilleur moment 292 ( * ) .

Il est nécessaire de réduire cette fenêtre pour éviter les possibilités d'un contournement d'autant plus facile que les sportifs peuvent disposer, au sein de leurs équipes, des moyens de procéder à leurs propres analyses de sang pour prévenir toute évolution anormale des paramètres. Par ailleurs, afin de limiter le nombre de prélèvements, il est évident que ceux effectués à des fins de contrôle devraient aussi servir à élaborer le passeport.


Transmission des résultats des analyses aux athlètes

Dans le même sens que la remarque précédente, les données du passeport biologique, établies d'abord à des fins d'antidopage, doivent être transmises prioritairement aux autorités antidopage avant de l'être aux sportifs eux-mêmes . Or, il ressort notamment du rapport des observateurs indépendants de l'AMA sur le Tour de France 2010 que les données du passeport de l'UCI étaient fournies aux athlètes en même temps qu'à l'UCI, ce qui réduisait les possibilités de succès d'un ciblage des athlètes au profil anormal 293 ( * ) . La transmission devrait donc être réalisée prioritairement à l'autorité antidopage puis, après seulement sept ou quinze jours, à l'athlète 294 ( * ) .

Proposition n° 37 Prévoir une transmission prioritaire des résultats du passeport aux autorités antidopage avant transmission aux athlètes


Intégration de l'ensemble des données biologiques collectées au sein du passeport biologique

Comme il a déjà été exposé précédemment, votre rapporteur souhaite que les données collectées dans le cadre de la surveillance médicale réglementaire (SMR) puissent alimenter le passeport biologique de l'athlète, permettant ainsi de constituer un système d'informations unique le plus complet possible.

Un tel décloisonnement entre SMR et passeport-profil biologique a notamment été préconisé par Armand Mégret 295 ( * ) ainsi que David Lappartient, selon qui « il faut aussi décloisonner le suivi médical réglementaire et la lutte contre le dopage. Le suivi médical réglementaire se rapproche en un sens de la médecine du travail, alors que l'antidopage s'inscrit dans le champ de la sanction. Comme l'analyse du passeport biologique et l'antidopage se rejoignent sur certains points, une mutualisation des coûts est possible » 296 ( * ) .


Coordination avec les données de localisation

Les résultats du passeport biologique sont d'autant plus intéressants pour les autorités antidopage qu'ils peuvent être comparés à l'emploi du temps du sportif : un pic anormal dans tel ou tel paramètre pourra être recoupé, à des fins de renseignement, avec la localisation du sportif et, partant, les personnes rencontrées, les entraînements réalisés, etc. Olivier Niggli a ainsi souligné devant votre commission que « le système du passeport des athlètes se fonde sur un profil sanguin ou à l'avenir, urinaire, suivi dans le temps, et nécessite de connaître non seulement la localisation du sportif, mais aussi le calendrier de ses compétitions et des périodes de repos. Les experts doivent accéder à l'emploi du temps, aux activités de l'athlète, pour les mettre en rapport avec les éléments du profil sanguin » 297 ( * ) .

Le passeport ne devra donc pas seulement être un outil de ciblage des contrôles : il s'agit d'abord d'un outil de renseignement qui devra être croisé avec les autres sources de renseignement. Le contrôle inopiné ne devra donc pas être la seule « réponse » à un pic anormal d'un paramètre : une enquête approfondie sur les réseaux et les complicités possibles pourrait se révéler plus productive. Dès lors, les données du passeport biologique devraient également être partagées avec la cellule de renseignement constituée au sein de l'AFLD .

Proposition n° 38 Partager les données avec les équipes chargées du renseignement,
afin de mener une analyse qualitative des résultats en les croisant,
notamment, avec les données de localisation

Au total, le passeport biologique constituera une aide précieuse, à l'avenir, pour améliorer le ciblage des contrôles ou permettre une sanction sans contrôle positif. Cependant, il convient de prendre garde à ce que le dispositif soit à la fois souple et intelligent : suffisamment souple pour prendre en compte les différences physiologiques des sportifs 298 ( * ) ; suffisamment intelligent pour ne pas ignorer des sportifs ne présentant pas de dépassement de seuil anormal ni de pic irrégulier.

En effet, il ne s'agit pas de revenir, par exemple, à un type de norme telle que la règle du taux maximum de 50 % d'hématocrite fixée par l'UCI au milieu des années 1990 et que les cyclistes avaient perçue comme une légalisation de la prise d'EPO, dans une certaine limite. Ainsi, Jean-Pierre Paclet, ancien médecin de l'équipe de France de football, nous a indiqué que « paradoxalement, oui, [l'UCI avait légalisé la prise d'EPO dans le peloton]. Tant qu'on restait en-dessous d'un taux de 50 %, c'était accepté » 299 ( * ) .

B. OPTIMISER LES ANALYSES

Une fois prélevés auprès des sportifs, les échantillons d'urine ou de sang font l'objet d'analyses permettant de détecter la présence de substances interdites. L'enjeu de l'analyse réside précisément dans la capacité du laboratoire à véritablement identifier les substances dopantes présentes dans l'échantillon . Il s'agit d'un défi pour chaque laboratoire, à la fois en termes de substances à rechercher, de méthodes de détection à utiliser, de qualité de la mesure à assurer, ou encore de nouveaux produits à identifier.

1. Les moyens et les limites de l'analyse
a) Le monopole des laboratoires accrédités

Les laboratoires spécialisés dans la recherche de produits dopants se sont progressivement mis en place, d'abord dans certains grands pays développés à la pointe de la lutte antidopage, dont la France avec le laboratoire national de détection du dopage créé dès 1966, puis, très souvent, dans certaines grandes villes à la faveur de l'accueil des Jeux olympiques (Los Angeles, Barcelone, etc.).

Aux termes de l'article 6.1 du code mondial antidopage, « les échantillons seront analysés uniquement dans les laboratoires accrédités par l'AMA ». Il existe, au 31 avril 2013, trente-trois laboratoires accrédités par l'AMA 300 ( * ) : six sur le continent américain, dix-huit sur le continent européen, six sur le continent asiatique, deux sur le continent africain et un en Océanie.

L'accréditation par l'AMA repose sur le respect de deux normes : la norme ISO-IEC 17025 , qui est une norme internationale d'exigences concernant les laboratoires d'étalonnage et d'essais et, surtout, le standard international pour les laboratoires , document édicté par l'AMA et dont la dernière version date de janvier 2012.

Ce document fixe en particulier le processus d'accréditation auprès de l'AMA, les normes procédurales (réception des échantillons, contrôles des grands événements, etc.), le matériel de référence à utiliser, etc. L'un des principes fondamentaux à respecter dans la procédure est le caractère anonyme de l'analyse : le laboratoire ne doit jamais avoir connaissance du nom du sportif dont il analyse l'échantillon. Il dispose seulement d'un numéro d'identification de l'échantillon qui ne peut être rapproché du nom du sportif que grâce aux procès-verbaux des prélèvements.

Le standard international précise également, dans son annexe A, les modalités de contrôle par l'AMA des laboratoires accrédités, en particulier par l'envoi d'échantillons-tests par l'AMA afin de mesurer la capacité de détection de chaque laboratoire.

Votre commission d'enquête a pu constater, lors de son déplacement au laboratoire parisien, que l'éventualité d'une perte de l'accréditation par l'AMA constituait une menace permanente et un aiguillon en matière d'exigence qualité . En Espagne, votre commission d'enquête a également visité le laboratoire antidopage de Madrid, qui a perdu, entre décembre 2012 et février 2013, son accréditation AMA, ce qui n'est pas sans impact sur la réputation internationale du laboratoire 301 ( * ) .

Par ailleurs, l'AMA fixe des lignes directrices, en particulier pour la détection de tel ou tel produit (méthodes de détection, seuils, etc.).

Cette procédure d'accréditation et le contrôle exercé par l'AMA visent à limiter les erreurs des laboratoires, qu'il s'agisse de faux négatifs (échantillons présentant des substances interdites non détectées par le laboratoire) ou de faux positifs (échantillons déclarés positifs en l'absence de toute substance interdite). Pour prévenir ces erreurs, le système d'analyses antidopage repose sur l'analyse de deux échantillons (A et B) , le B n'étant analysé, sur demande du sportif ou de l'autorité à des fins de contre-expertise, que si l'analyse de l'échantillon A fait apparaître une substance interdite ou un résultat atypique.

Cependant, l'accréditation et les normes uniques auxquelles sont soumis les laboratoires ne suppriment pas l'hétérogénéité entre les laboratoires ni l'importance de la réputation des uns et des autres. En conséquence, le code mondial antidopage précise que chaque autorité antidopage est libre du choix du laboratoire dans lequel elle souhaite faire analyser ses échantillons .

Ainsi, certaines fédérations font appel à plusieurs laboratoires accrédités, selon le lieu de prélèvement et les tarifs pratiqués. D'autres, comme la Fédération internationale de tennis, ont un contrat d'exclusivité avec un laboratoire unique. Stuart Miller, responsable de la politique antidopage à la FIT, justifie par le coût et par « la nécessité de traiter tous les sportifs de la même façon. Tous les laboratoires n'utilisent pas forcément le même matériel, et certains sont plus sensibles à la détection de certaines substances que d'autres » 302 ( * ) .

b) Les limites de l'analyse
(1) Les substances recherchées

La première limite de l'analyse antidopage d'un échantillon réside dans les substances recherchées : le laboratoire ne peut trouver que ce qu'il recherche. Or, un échantillon n'est pas testé pour l'ensemble des produits interdits, mais seulement en fonction de la commande de l'autorité du contrôle. En théorie, les substances recherchées sont les substances les plus « à risque » en fonction du profil du sport ou du sportif lui-même .

En pratique, les échantillons font l'objet d'une analyse selon une sorte de « menu de base » unique, appliqué à tous les échantillons. En revanche, d'autres analyses ne sont pas systématiques et réalisées uniquement sur demande de l'autorité de contrôle , comme l'EPO ou les hormones de croissance. Enfin, certaines analyses (comme l'analyse IRMS pour la découverte de testostérone exogène) sont réalisées, dès lors qu'il pèse une suspicion en raison de certains paramètres anormaux, automatiquement s'agissant des contrôles de l'AFLD, ou sur demande des fédérations internationales.

Il y a donc, à nouveau à cette étape, un ciblage nécessaire, qui dépend d'une part des connaissances de l'autorité de contrôle sur la réalité du dopage dans son sport, d'autre part, de son implication pour détecter certaines substances. Le coût de chaque analyse rentre également en ligne de compte : à titre d'exemple, la recherche de l'EPO, dont la méthode de détection est très manuelle, est l'une des plus chères 303 ( * ) . Ainsi, sur les quelque 11 500 échantillons reçus par le département des analyses de l'AFLD en 2012, 1 000 tests d'EPO ont été réalisés.

Dans le même ordre d'idées, la recherche des hormones de croissance ne peut se faire que dans le sang : dès lors, l'absence de tout prélèvement sanguin dans le football allemand par l'autorité antidopage allemande signifie qu' aucune recherche d'hormone de croissance n'est réalisée au sein de la Bundesliga 304 ( * ) . En tout état de cause, cette recherche est relativement complexe : le laboratoire français en a réalisé seulement 100 en 2012 305 ( * ) .

John Fahey a regretté cette sélectivité dans la recherche de substances : « certaines agences antidopage ne recherchent pas l'EPO systématiquement dans les prélèvements d'urines. C'est dommage. Mieux vaut des contrôles plus complets, même moins nombreux » 306 ( * ) .

Proposition n° 39 Élargir le champ des substances recherchées dans le cadre des analyses

(2) Les résultats atypiques

Dans certains cas, le laboratoire antidopage détecte la présence de substances interdites qui peuvent aussi être produites de façon endogène dans l'organisme. Ces résultats sont alors considérés comme « atypiques » : en cas de résultat atypique, l'organisation antidopage doit vérifier si le sportif ne dispose pas d'une AUT correspondante (voir ci-dessous). Elle peut également demander qu'il soit procédé à une analyse de confirmation de l'échantillon B, après notification au sportif.

(3) Les autorisations d'usage à des fins thérapeutiques (AUT)

La seconde limite de l'analyse antidopage en laboratoire est que la détection d'une substance interdite ne signifie pas automatiquement un cas de dopage avéré . En effet, outre la possibilité que l'analyse de l'échantillon B vienne infirmer celle de l'échantillon A, il est également envisageable que le sportif dispose d'une autorisation pour utiliser ce produit dans un cadre thérapeutique : l'autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) .

Le système des AUT a été mis en place dès le premier code mondial antidopage en 2003 afin d'éviter les justifications thérapeutiques a posteriori , qui avaient entraîné un certain nombre d'abus. L'article 4.4, l'un des plus longs du code mondial antidopage, détermine les principes généraux de la procédure d'AUT :

- l'obligation, pour chaque autorité antidopage (fédération internationale et Onad) de se doter d'une procédure de délivrance des AUT , reposant notamment sur un comité AUT, à la fois pour les participants aux manifestations dont ils sont responsables et pour leur groupe-cible ;

- l'obligation de rapporter à l'AMA les autorisations accordées ;

- la possibilité, pour l'AMA, de revoir à tout moment une AUT accordée à un sportif ou, au contraire, un refus d'AUT opposé à un sportif.

Afin de préciser cette procédure, l'AMA établit un standard international pour les AUT , dont la dernière version date de janvier 2011 et qui précise les conditions d'attribution des AUT, notamment sa nécessité thérapeutique et l'interdiction, en principe, d'AUT rétrospective (voir encadré ci-dessous). Comme pour l'accréditation des laboratoires, ce standard est complété par des lignes directrices.

Tous les produits figurant sur la liste des substances et méthodes interdites ne sont pas soumis à AUT : c'est notamment le cas du formotérol, du salbutamol, du salmétrol et des glucocorticoïdes par voies non systémiques (par injection intra-articulaire par exemple). Depuis la suppression de la procédure de déclaration d'usage en 2011, ils ne doivent pas non plus faire l'objet d'une telle déclaration. En revanche, le sportif reste tenu de préciser, sur le procès-verbal du contrôle, l'ensemble des médicaments qu'il a pris dans les sept derniers jours 307 ( * ) .

Principaux critères de délivrance des AUT

Article 4.1 . Une AUT ne sera accordée que dans le strict respect des critères suivants :

a. Le sportif subirait un préjudice de santé significatif si la substance ou la méthode interdite n'était pas administrée dans le cadre de la prise en charge d'un état pathologique aigu ou chronique ;

b. L'usage thérapeutique de la substance ou de la méthode interdite ne devra produire aucune amélioration de la performance autre que celle attribuable au retour à un état de santé normal après le traitement d'un état pathologique avéré. L'usage de toute substance ou méthode interdite pour augmenter les niveaux naturellement bas d'hormones endogènes n'est pas considéré comme une intervention thérapeutique acceptable ;

c. Il ne doit pas exister d'alternative thérapeutique autorisée pouvant se substituer à la substance ou à la méthode autrement interdite ;

d. La nécessité d'utiliser la substance ou méthode autrement interdite ne doit pas être une conséquence partielle ou totale de l'utilisation antérieure sans une AUT, d'une substance ou méthode de la Liste des interdictions qui était alors interdite.

Article 4.3 . Une demande d'AUT ne saurait être approuvée rétrospectivement , à l'exception des cas suivants :

a. urgence médicale ou traitement d'un état pathologique aigu , ou

b. si en raison de circonstances exceptionnelles , il n'y a pas eu suffisamment de temps ou de possibilités pour le demandeur de soumettre, ou pour le Comité pour l'autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (CAUT) d'étudier, une demande avant le contrôle du dopage.

Source : Standard international 2011 pour les AUT, AMA

Au niveau national, l'AFLD dispose d'une cellule médicale chargée d'informer les sportifs et leur entourage sur les produits autorisés ou interdits et la procédure à suivre si un traitement est nécessaire, et d'instruire les dossiers d'AUT.

Si, dans le cadre d'un traitement, une AUT est nécessaire, l'AFLD demande un certain nombre de justificatifs, une prescription médicale seule n'étant pas suffisante 308 ( * ) . Le dossier est ensuite vérifié par le médecin de l'Agence avant que ne se réunisse le comité de trois experts , qui accorde ou non l'AUT sur la base des éléments ainsi transmis.

En 2012, 41 % des AUT accordées en 2012 (mais encore 75 % en 2009) correspondent à des pathologies asthmatiformes.

Depuis le décret du 15 octobre 2012 309 ( * ) et suite à des préconisations de l'AFLD, la durée des AUT peut être portée par l'Agence jusqu'à quatre ans contre un an précédemment , ce qui permet de compenser la suppression de la procédure simplifiée d'examen des AUT.

L'AMA, qui est tenue informée des AUT délivrées aux sportifs du groupe-cible, peut en théorie infirmer la décision prise par toute autorité nationale. En France cependant, l'AMA peut seulement demander à l'AFLD de réexaminer le dossier.

En tout état de cause, rappelons que l'existence d'une AUT ne suffit pas à entraîner un classement automatique du dossier . En effet, même s'il dispose d'une AUT, le sportif pourra être sanctionné s'il n'a pas respecté la posologie et les dosages prescrits, figurant sur l'autorisation.

Au total, en 2012, sept dossiers ont été classés sans suite par l'AFLD en raison d'une AUT délivrée antérieurement .

Le système des AUT fait indéniablement partie des difficultés les plus importantes du système actuel de contrôle. Certes, il semble nécessaire de conserver un système d'AUT , car il serait injuste de demander à un sportif de choisir entre la participation à une compétition et un soin pour une maladie bénigne ou chronique, parfois développée, d'ailleurs, du fait même de la pratique du sport.

Cependant, votre rapporteur estime que face à une maladie sérieuse ou une blessure importante, le repos et le retrait de la compétition devraient primer sur le soin thérapeutique et la participation du sportif à tout prix . Plusieurs personnes auditionnées par votre commission d'enquête ont regretté que le système international des AUT permette encore, à cet égard, des AUT de complaisance qui autorisent un soin en vue de la performance.

Le système français , en combinant, en amont, une surveillance médicale régulière par la SMR et, en aval, une analyse collégiale des AUT par le comité d'experts de l'AFLD, apparaît en revanche bien équilibré.

2. Le département des analyses, une référence mondiale à mieux valoriser
a) Un laboratoire de pointe à l'échelle mondiale

Le laboratoire national de détection du dopage (LNDD) a été créé en 1966 suite au vote de la loi Herzog. En 1976, le laboratoire a déménagé en région parisienne. En 1989, il a acquis son indépendance en devenant un groupement d'intérêt public (GIP) sous l'égide du Conseil national de lutte contre le dopage. En 2002, le laboratoire devient un établissement public administratif rattaché au ministère des sports.

En 2006, il est rattaché à l'AFLD dont il devient le « département des analyses ». Cependant, il est prévu que l'Agence peut faire appel à d'autres laboratoires que le département des analyses pour réaliser ses analyses d'échantillons.

Dirigé par le professeur Jacques de Ceaurriz de 1999 à 2010, le laboratoire est dirigé depuis cette date par le docteur Françoise Lasne, connue pour avoir établi le test permettant la détection de l'EPO.

Aujourd'hui, le laboratoire est composé de trois sections : une section biologie, dirigée par la directrice des analyses, une section chimie, et une section paratechnique.

D'après les propos tenus par Françoise Lasne devant votre commission, le laboratoire est actuellement bien équipé, non seulement en moyens humains (quarante-trois personnes, dont trente personnels techniques de laboratoire), mais aussi en moyens techniques, grâce à une phase d'investissement importante depuis 2010 (achat de machines permettant la détection de produits aux seuils, de plus en plus bas, fixés par l'AMA) 310 ( * ) .

Le laboratoire français a marqué historiquement la lutte antidopage, en particulier à travers la découverte de la méthode de détection de l'EPO à la fin des années 1990, validée par le CIO en 2000 ou encore à travers les contrôles positifs de Floyd Landis et de Lance Armstrong (rétrospectif en 2005 sur le Tour de France 1999). Au-delà de cet héritage, il fait indéniablement partie des laboratoires de pointe au niveau mondial. Ainsi, d'après les statistiques 2011 de l'AMA, il présente en 2011 (en valeur absolue) le nombre annuel d'infractions aux règles antidopage le plus élevé (164) et le deuxième nombre le plus élevé (après la Suède) de résultats anormaux (145) .

Par ailleurs, la spécialisation du laboratoire en matière de recherche d'EPO est reconnue : ainsi, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, l'AMA envoie régulièrement au laboratoire français, pour confirmation, les échantillons sur lesquels il existe un doute quant à la présence ou non d'EPO.

b) Un atout à renforcer
(1) Un rattachement administratif à l'Agence qui peut s'avérer délicat

Les standards internationaux fixés par l'AMA rendent en théorie obligatoire la séparation entre l'Agence nationale et le laboratoire . En effet, le standard international des laboratoires (SIL) pour 2012 indique, dans son paragraphe 4-4-3 « le laboratoire sera opérationnellement indépendant des organisations antidopage afin d'assurer une complète confiance en sa compétence, son impartialité, son jugement ou son intégrité opérationnelle ».

Certes, le standard ne parle pas d'indépendance administrative mais seulement d' indépendance opérationnelle . De plus, les textes législatifs et réglementaires assurent l'indépendance scientifique et technique du laboratoire et garantissent le caractère anonyme des transmissions d'échantillons 311 ( * ) .

Toutefois, un exemple dans la répartition des tâches entre le laboratoire et le département des contrôles, inscrit dans le code du sport, témoigne des risques que peut faire peser le rattachement administratif sur l'intégrité opérationnelle du laboratoire au sens des standards internationaux . Comme l'a indiqué Françoise Lasne, « selon un article du code du sport français, c'est le laboratoire qui gère le matériel de prélèvement utilisé par les préleveurs missionnés par le département des contrôles. (...) Cette organisation n'est pas rationnelle. Il conviendrait que ce soit le département des contrôles qui s'occupe de cette tâche, afin d'éviter les complications et les erreurs », car « cela peut générer des risques de non-confidentialité des missions confiées aux préleveurs » 312 ( * ) .

Cet exemple illustre les propos tenus par Pierre Bodry quant à la confusion des tâches et la difficulté, pour l'AFLD, de gérer un laboratoire géographiquement séparé et fonctionnellement indépendant : « Il serait bon que le LNDD soit indépendant de l'AFLD, même si c'est difficile à construire. C'est d'ailleurs une revendication de l'AMA. Pour le président que j'ai été, il s'agit d'une lourde charge, bien que je l'aie appréciée. Cela rend les choses parfois confuses... » 313 ( * ) . À cet égard, le rattachement du laboratoire à une université favoriserait également la redéfinition du rôle du président de l'Agence que votre rapporteur appelle de ses voeux (voir infra ).

(2) Des prix administrés dans un contexte très concurrentiel

L'accréditation de nombreux laboratoires dans les années récentes, en particulier en Europe qui en compte aujourd'hui dix-huit, s'est traduite par une pression croissante sur les prix des prestations d'analyses . Ce « dumping » entre laboratoires a notamment été dénoncé, lors du déplacement de votre commission d'enquête en Suisse, par le laboratoire de Lausanne, qui affirme avoir perdu des parts de marché face à d'autres laboratoires non soumis, comme lui, à une obligation d'équilibre 314 ( * ) .

La problématique du coût entre les laboratoires a été abordée par Stuart Miller, qui a indiqué que la FIT avait « essentiellement recours au laboratoire accrédité par l'AMA, à Montréal, et ce pour des raisons de coût. Le marché de l'analyse des échantillons antidopage est un marché ouvert, les laboratoires étant libres de fixer leurs tarifs » 315 ( * ) .

Dans ce contexte, le laboratoire français fait partie des laboratoires sans obligation d'équilibre, avec des prix en réalité administrés . Lors de son intégration à l'Agence en 2006, la possibilité laissée à l'Agence par le code du sport de recourir à d'autres laboratoires que le département des analyses 316 ( * ) avait d'ailleurs conduit la commission de la culture du Sénat à « s'inquiéter de l'avenir du laboratoire de Châtenay-Malabry, désormais placé sur un marché concurrentiel, auquel il est peu préparé » 317 ( * ) .

Le coût réel d'une analyse est très difficile à identifier . Cette difficulté tient à des raisons structurelles, en particulier la différence de coût selon les analyses pratiquées (EPO, hormone de croissance, cannabis, etc.), ainsi que la prise en compte ou non des dépenses d'investissement nécessaires à certaines analyses, de celles liées aux activités « support » ou de recherche.

Dans le rapport annuel de performance de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », l'AFLD présente comme indicateur de performance le coût moyen global des contrôles et des analyses , calculé en divisant l'ensemble des dépenses enregistrées en « contrôle et analyse » par le nombre de prélèvements et d'analyses. Ce coût moyen, qui ne détaille pas en fonction des analyses effectuées et qui ne permet pas d'isoler les dépenses liées spécifiquement à l'analyse d'un échantillon, ne donne qu'un indice très imparfait de la compétitivité du laboratoire parisien. Il s'établit à 235 euros pour les contrôles hors compétition et à 569 euros pour les contrôles en compétition 318 ( * ) .

Indépendamment de cet indicateur, l'Agence fixe chaque année le prix qu'elle facture aux tiers (notamment les fédérations internationales) pour l'analyse d'échantillons dans son département des analyses. L'étude des différentes délibérations sur ce sujet montre que ces prix sont fixés non pas sur la base du coût réel constaté mais par comparaison avec les prix pratiqués par les laboratoires étrangers concurrents 319 ( * ) .

C'est d'ailleurs dans le but d'obtenir une grille de tarification objective et cohérente qu'a été commandé en 2011 un audit du département des analyses . Cependant, comme le souligne la responsable des affaires financières lors de la réunion du collège de l'Agence du 29 septembre 2011, « le tarif du laboratoire public continuera [après prise en compte des résultats de l'audit] de refléter davantage des prix administrés que des prix établis en fonction des coûts réels ».

Ce rapport d'audit a établi une grille tarifaire selon trois hypothèses (coût complet par échantillon, coût intermédiaire par échantillon et coût direct par échantillon), selon le périmètre d'activités prises en considération. Il apparaît cependant que la tarification des prestations n'a pas été modifiée suite au rapport d'audit de 2011, ce qui peut s'expliquer par le fait que les « coûts directs » mis en évidence semblaient en définitive assez proches des tarifs pratiqués .

De plus, le rattachement administratif du laboratoire induit une forme d'exclusivité préjudiciable dans les relations entre l'agence et son département des analyses . On constate en effet que les responsables de l'agence définissent leur programme de contrôle en fonction des capacités du laboratoire et, en sens inverse, limitent la possibilité pour le laboratoire de réaliser des prestations pour le compte de tiers afin de préserver la capacité de l'agence à y analyser ses échantillons.

Certes, l'article L. 232-18 du code du sport autorise l'Agence à faire analyser ses échantillons par un autre laboratoire : cela a notamment été le cas à l'occasion du Tour de France 2008, où les analyses sanguines à des fins de profilage avaient été réalisées par le laboratoire de Lausanne.

Pourtant, sans doute pour des raisons budgétaires, l'Agence ne semble envisager cette solution que comme une forme de dernier recours. Dès lors, elle est soucieuse de la préservation d'un nombre minimum d'analyses réservées à l'Agence, au détriment, le cas échéant, des prestations de service qui pourraient être conclues par le département des analyses avec d'autres autorités de contrôle . Ainsi, la délibération du collège du 10 mai 2012 fait état des interrogations de certains membres du collège quant à la conclusion d'une convention de prestations de services d'analyses pour le compte de la société IDTM (International doping tests and management), dont on sait qu'elle est notamment chargée des contrôles antidopage par la Fédération internationale de tennis : « interrogée par le président sur le nombre et la qualité des échantillons que la société pourrait transmettre au département des analyses sans freiner son activité normale, Camilla Smaja répond qu'il est très difficile de les quantifier mais que l'article 1.2 de la convention prévoit la possibilité de les limiter aux capacités d'analyse du laboratoire. Laurent Davenas fait part de son souhait que ne soit pas obérée la capacité d'analyses du laboratoire de l'Agence par la sollicitation d'organismes tiers (...) ». À cet égard, un courrier du président de l'Agence à la directrice du département des analyses, daté du 14 décembre 2011, montre que, jusqu'à cette date récente, les conditions dans lesquelles le département pouvait réaliser des prestations de services pour des fédérations internationales n'étaient pas clairement établies en matière de transmission des résultats des analyses 320 ( * ) . Dans la même lettre, le président de l'Agence souligne que les responsables du laboratoire « doivent veiller à ce que les prestations de services effectuées pour le compte de tiers soient compatibles avec les obligations découlant pour le département des analyses de la mise en oeuvre du programme général des contrôles (...) ».

Dans le même sens, Jean-Pierre Verdy a souligné sa dépendance aux capacités du laboratoire : « On me dit indépendant et je le suis, mais je dépends cependant des capacités du laboratoire . Lorsque, certains mois, nous devons pratiquer 200 prélèvements internationaux, cela laisse peu de chose sur le plan national. On pourrait envoyer les échantillons dans un autre laboratoire, mais c'est malheureusement impossible pour des raisons de coût » 321 ( * ) .

Au total, il s'avère que le rattachement administratif du laboratoire à l'Agence, s'il ne se traduit pas par un manque de compétitivité de ce dernier, limite les possibilités, pour le laboratoire, de réaliser des analyses pour le compte de tiers et, pour le département des contrôles, de réaliser son programme indépendamment des capacités du laboratoire . Dès lors, une séparation entre l'Agence et le laboratoire pourrait être profitable à l'une comme à l'autre.

(3) Une orientation insuffisante vers la recherche

Le laboratoire français a été historiquement créé dans le but d'analyser les échantillons collectés, et n'a jamais été adossé à une structure universitaire ou hospitalière. Il est donc traditionnellement peu orienté vers les activités de recherche . Il l'est davantage, comme l'a montré son rôle dans la méthode de détection de l'EPO, vers la validation de méthodes de détection.

Le laboratoire dispose d'une section « Recherche et développement » , qui a été légèrement augmentée en 2011, passant de un à trois opérateurs. Par ailleurs, ses effectifs peuvent être temporairement renforcés par détachement d'opérateurs de la section du contrôle.

Au total, en 2010, sur un budget total de 4,8 millions d'euros, les activités de recherche représentent seulement 123 757 euros , contre 1,8 million d'euros pour les analyses 322 ( * ) . Par comparaison, d'après les informations transmises à votre rapporteur lors du déplacement en Suisse, le laboratoire de Lausanne disposerait d'un budget de recherche d'environ 600 000 euros . De même, le laboratoire de Cologne ( Zentrum für Präventive Dopingforschung der Deutschen Sporthochschule Köln ) aurait un budget d'environ 3,5 millions d'euros, dont environ 50 à 60 % est fourni par les recettes liées aux prestations d'analyses et entre 30 et 40 % de financements de projets de recherche sur appels à projet , lancés par l'Union européenne et l'AMA notamment. Le solde, soit environ 10 %, provient d'un soutien public (essentiellement matériel).

Ce retard en matière de recherche est également lié au positionnement institutionnel du laboratoire, qui n'est pas suffisamment proche des structures universitaires ou hospitalières pour créer les synergies nécessaires à l'activité de recherche . Pierre Bordry a longuement développé ce point devant votre commission d'enquête : « J'ai toujours pensé qu'il convenait de raccrocher ce laboratoire à l'université : on peut y faire venir des chercheurs, y associer des étudiants, et confier à un universitaire une fonction de président ou de directeur du LNDD.

Dans le monde, la plupart des laboratoires reconnus par l'AMA sont adossés à des universités, privées ou publiques. J'avais à l'époque entrepris des pourparlers avec le doyen de la faculté de pharmacie. On pourrait trouver des solutions en ce sens. Il faut que le laboratoire soit à la pointe de l'analyse et la développe constamment. Il faut aussi qu'il soit à la pointe de la recherche. Ce n'est pas au laboratoire, ni à l'AFLD, de faire de la recherche, mais il doit, ainsi que ceux qui détiennent des informations, la favoriser dans les hôpitaux français et partout où elle a lieu » 323 ( * ) .

De même, le professeur Yves Le Bouc a indiqué que « à l'avenir, il faudra sans doute rechercher une meilleure interaction avec l'université Paris-Sud , pour favoriser l'émulation entre les médecins, les physiciens et les chimistes. Des thésards ou des étudiants en master 2 pourraient également venir travailler sur les questions de nouveaux dosages, ce que le laboratoire n'a pas le temps de faire, occupé qu'il est sur les compétitions sportives, sur le contrôle qualité de ses dosages, et sur le rattrapage des niveaux suisse et américain » 324 ( * ) .

Rappelons qu'une collaboration avec Paris-Sud existe déjà : une convention a été conclue le 22 mars 2012 , qui règle notamment la mise à disposition de personnels, la réalisation d'études et de recherches en commun, l'élaboration d'outils pédagogiques, et l'accueil par l'AFLD de stagiaires et doctorants. Elle se traduit par ailleurs par un enseignement relatif à la lutte contre le dopage et la création d'un diplôme universitaire.

Au demeurant, selon Françoise Lasne, il est possible de conserver un rattachement administratif à l'AFLD tout en approfondissant la collaboration avec l'université 325 ( * ) . Dans le même sens, Michel Rieu, conseiller scientifique de l'AFLD jusqu'en 2013, a indiqué que le rattachement du LNDD à l'AFLD « est un gage d'indépendance car celui-ci est hors risque de conflits d'intérêts. Sans doute faut-il améliorer sa productivité, je le pense, et surtout conforter son support scientifique, peut-être grâce à un apport universitaire en la matière » 326 ( * ) .

Cependant, l'indépendance serait également préservée en cas d'adossement à une université elle-même autonome .

Ce pourrait également être l'occasion d'un transfert géographique du laboratoire car, comme le souligne Pierre Bordry, « Châtenay-Malabry n'est pas un lieu approprié pour le LNDD. Il existe en effet des problèmes très complexes de propriété du terrain, de loyers, et de développement. La faculté de pharmacie devant s'installer à Orsay, le LNDD aurait pu y avoir sa place, se retrouvant ainsi au sein de l'université et pouvant mener un dialogue avec les universitaires » 327 ( * ) . À cet égard, le site de Châtenay-Malabry n'a en effet pas été conçu pour accueillir un tel laboratoire, ce qui peut d'autant plus nuire à son développement qu'il ne dispose pas actuellement des capacités de stockage nécessaire à la conservation des échantillons jusqu'à huit ans 328 ( * ) . Or, cette augmentation des capacités de stockage est indispensable à la réalisation d' analyses rétrospectives plus systématiques , que votre rapporteur appelle de ses voeux , de manière à rattraper des sportifs en fonction des avancées des méthodes de détection.

À titre d'exemple, le laboratoire de Cologne , installé au sein de l'institut de biochimie de l'université de Cologne, fait partie des laboratoires les plus orientés vers la recherche et le développement. Michel Audran a ainsi indiqué à votre commission qu'il était le seul à pouvoir détecter trois produits couramment utilisés en haltérophilie : « l'ACE-031, inhibiteur de la myostatine dont les essais cliniques ont été arrêtés ; la follistatine, objet d'un essai clinique depuis 2012 en vue d'une thérapie génique ; le CJC 1295, dont la demi-vie est de plusieurs jours, toujours à l'étude clinique ; les nouvelles formes d'IGF-1 » 329 ( * ) .

De même, rappelons que c'est le laboratoire de Cologne, mandaté par l'UCI, qui avait été à l'origine de la découverte de clenbutérol dans les échantillons d'Alberto Contador, à une dose très inférieure aux standards fixés par l'AMA (50 milligrammes contre un standard requis de 2000 milligrammes/litre).

Aujourd'hui, la complexité et la multiplicité des substances dopantes ne permettent pas à un seul laboratoire d'être à la pointe de l'analyse antidopage en général : cependant, il est souhaitable que le laboratoire parisien puisse conserver sa spécialisation, mondialement reconnue, sur les différentes EPO , tout en collaborant avec les autres laboratoires pour le développement des autres méthodes de détection.

*

En conclusion, votre rapporteur estime qu' il convient de tirer les conséquences, sur le laboratoire français, à la fois de l'univers très concurrentiel des laboratoires antidopage, de la nécessité d'assurer son indépendance organisationnelle vis-à-vis de l'Agence au regard des critères de l'AMA et, surtout, de l'importance de la recherche pour conserver un rôle leader au sein des laboratoires accrédités .

Comme il a déjà été exposé, un rapport d'audit a été remis au laboratoire et à l'Agence en 2011 ; ce rapport portait non seulement sur la grille tarifaire mais également sur les modalités d'organisation et de gestion du laboratoire, sur lesquelles il était relativement sévère, notamment concernant le manque de pilotage ou l'organisation des périodes et horaires de travail et de fermeture.

Toutefois, il convient de prendre avec recul les conclusions de ce rapport ; Françoise Lasne, en particulier, « ne considère pas cet audit comme un bon travail. La société a mal analysé la situation ; son rapport comporte de très nombreuses erreurs » 330 ( * ) .

Votre commission d'enquête n'a ni les moyens, ni le temps, ni la compétence nécessaire pour apprécier dans le détail la situation du laboratoire et de son fonctionnement interne. En conséquence, et en lien avec sa volonté de renforcer le lien du laboratoire avec le monde universitaire, le cas échéant par un adossement à un établissement d'enseignement supérieur et de recherche, votre rapporteur souhaite que soit réalisé, au cours du deuxième semestre 2013, un rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et du sport , d'autant plus que l'analyse des documents transmis par le ministère à votre commission montre le très faible nombre de rapports sur la thématique du dopage réalisés depuis le début des années 2000 (seulement trois !).

Ce rapport aurait à la fois pour objet de dresser le bilan du fonctionnement du laboratoire et des possibilités d'amélioration, mais aussi de proposer des pistes précises sur les modalités possibles de rattachement du laboratoire à une université .

Proposition n° 40 Prévoir une mission de l'Inspection générale de la jeunesse et du sport
sur le fonctionnement du laboratoire national de Châtenay-Malabry,
ainsi que sur la pertinence et les modalités de son adossement à une université

3. L'échange d'informations avec les laboratoires pharmaceutiques

Il est souvent affirmé qu'en matière de lutte contre le dopage, les autorités ont toujours un train de retard sur les tricheurs, en raison notamment des nouvelles substances indétectables mises à leur disposition.

C'est pourquoi des collaborations se sont développées afin, comme l'a indiqué Bruno Genevois, que « les laboratoires privés , qui étudient de nouveaux médicaments ayant des effets dopants, moyennant des garanties de confidentialité, mettent l'état de leur recherche à disposition des laboratoires antidopage accrédités » 331 ( * ) .

Dans ce cadre de la présidence française du conseil de l'Union européenne en 2008, la France avait annoncé, lors de la réunion des ministres des sports à Biarritz, sa volonté de mettre en place un dispositif de collaboration entre l'industrie pharmaceutique et les autorités publiques, en relation avec l'AMA. Philippe Lamoureux, directeur général des Entreprises du médicament (Leem) a mentionné l'existence, depuis 2008, d'un partenariat entre le Leem, le ministère des sports et l'AMA pour « permettre aux autorités de lutte contre le dopage d'avoir connaissance le plus tôt possible des molécules en développement ayant un potentiel d'utilisation pour le dopage, une sorte de signalement précoce, qui visait à permettre à ces autorités de mettre en place le plus en amont possible des tests de dépistage adaptés » 332 ( * ) . Un partenariat similaire a été signé en 2010 entre la Fédération internationale des industriels du médicament et l'AMA.

Ce type de collaborations existe d'ores et déjà s'agissant du laboratoire français. Ainsi, Françoise Lasne a rappelé que le département des analyses « a lui-même collaboré avec l'industrie pharmaceutique. La société Affymax a ainsi collaboré très généreusement avec le laboratoire de Lausanne et avec notre laboratoire, en nous procurant leur futur médicament appelé peginsatide , mais également des anticorps qu'ils avaient eux-mêmes développés pour suivre le devenir de leurs molécules lors des essais cliniques. C'est grâce à cette collaboration que nous avons mis au point un test de détection, avant même que ce médicament ne soit commercialisé » 333 ( * ) .

De même, rappelons que le développement du test de détection de l'EPO Cera , à l'automne 2008, a été effectué par le laboratoire de Châtenay-Malabry en collaboration avec l'entreprise pharmaceutique Roche.

Un colloque, organisé par la ministre des sports en novembre 2012, a eu pour objet la mise en place de dispositifs de collaboration en vue du développement de tests antidopage avant même la commercialisation légale de médicaments comprenant des molécules à potentialités dopantes.

Malgré les enjeux de confidentialité et de propriété intellectuelle qui entourent ce type de collaborations, soumises à la bonne volonté et aux démarches individuelles des entreprises, votre rapporteur ne peut qu'en souhaiter la généralisation, cruciale pour assurer l'efficacité du contrôle et des analyses effectuées .

C. ASSURER L'INDÉPENDANCE ET L'EFFICACITÉ DE LA SANCTION DISCIPLINAIRE

Lorsqu'une analyse d'échantillons fait apparaître la présence d'une substance interdite en l'absence d'autorisation d'usage à des fins thérapeutiques, une procédure de sanction du sportif est engagée par l'autorité antidopage. Cependant, il convient de rappeler que le contrôle positif n'est pas le seul fondement sur lequel une violation des règles antidopage peut être constatée et sanctionnée : il peut également s'agir d'un manquement (répété) à l'obligation de localisation ou encore d'un faisceau de preuves matérielles (témoignages, preuves de détention de produits, etc.) non analytiques.

1. Un dispositif de sanction inadapté

L'organisation antidopage compétente pour la gestion des résultats et la sanction est celle qui a diligenté le contrôle 334 ( * ) .

Ainsi, les fédérations internationales sont compétentes pour les sanctions relatives à des contrôles en compétitions internationales ou des contrôles inopinés sur son groupe-cible . La sanction ne peut alors faire l'objet d'un appel qu'auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) , conformément à l'article 13.2.1 du code mondial. Ce fut, par exemple, le cas de la sanction prononcée par la FIT à l'encontre du sportif français Richard Gasquet, en 2009, suite à un contrôle positif en marge du Masters de Miami ; la sanction a ensuite été réformée en appel par le TAS.

De même, le code mondial prévoit que l'autorité nationale ayant diligenté les contrôles (sur les compétitions nationales ou sur son groupe-cible) est responsable de la gestion des résultats .

Au niveau français, les articles L. 232-21 et suivants du code du sport prévoient un partage des compétences disciplinaires entre les fédérations et l'AFLD .


• En vertu de l'article L. 232-21, ce sont les fédérations sportives nationales qui sont compétentes pour prononcer les sanctions disciplinaires à l'égard de leurs licenciés. Chaque fédération doit, en conséquence, mettre en place dans son règlement un organe disciplinaire de première instance et un organe d'appel . En effet, l'article du code prévoit que « l'organe disciplinaire de première instance de ces fédérations se prononce, après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, dans un délai de dix semaines à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée ». À l'expiration de ce délai, l'organe d'appel de la fédération est saisi du dossier et doit rendre sa décision dans un délai maximum de quatre mois.


• En vertu de l'article L. 232-22 du code du sport, l'AFLD n'a, dans ce cadre, qu'une compétence supplétive et complémentaire à celle des fédérations sportives . Elle a compétence pour infliger une sanction disciplinaire dans quatre cas de figure :

- les personnes non licenciées ;

- les personnes licenciées sur lesquelles les fédérations ne se sont pas prononcées dans les délais prévus ;

- la réformation d'une décision disciplinaire d'une fédération ;

- l'extension d'une décision disciplinaire fédérale aux activités du sportif sanctionné relevant d'autres fédérations .

Les décisions des fédérations peuvent faire l'objet d'un appel auprès du tribunal administratif ; les décisions de l'AFLD ne peuvent être contestées que devant le Conseil d'État et non le TAS, en dépit des prescriptions du code mondial antidopage (voir encadré ci-dessous).

Deux juridictions suprêmes concurrentes :
le Tribunal arbitral du sport et le Conseil d'État

Le Tribunal arbitral du sport de Lausanne (TAS) est une juridiction privée indépendante des ordres juridiques nationaux qui fait office de juridiction suprême pour le sport mondial. Le CMA confie une compétence d'appel exclusive au TAS pour les sportifs de niveau international. Les sentences du TAS ne sont pas susceptibles d'appel, sauf, dans des cas très limités 335 ( * ) , devant le tribunal fédéral suisse.

La compétence d'appel du TAS vaut pour les sanctions prononcées par les fédérations internationales, mais aussi pour celles prononcées par les fédérations nationales pour le compte de la fédération internationale suite à un contrôle positif lors d'une compétition internationale. C'est ce qu'a reconnu le Conseil d'État dans un arrêt « Chotard » du 19 mars 2010, confirmé par l'ordonnance du 14 avril 2010.

En revanche, en vertu d'une jurisprudence constante du Conseil d'État (Note de l'Assemblée générale du 12 octobre 2006 n° 373.750), le TAS ne saurait être compétent pour réformer les sanctions prises par une fédération ou l'AFLD sur des licenciés français, prononcées dans le cadre de l'exercice de prérogatives de puissance publique, quand bien même ces sportifs sont de niveau international.

Ce système de compétence partagée, au niveau national, entre fédérations et AFLD présente plusieurs inconvénients :

- il est complexe et, pour cette raison, manque de visibilité pour les sportifs . En effet, il y a aujourd'hui cinq niveaux possibles de jugement, comme l'illustre le schéma ci-après.

Procédure disciplinaire pour les sportifs nationaux

Source : commission d'enquête

- il ne permet pas une harmonisation des sanctions entre les disciplines . Plusieurs acteurs du mouvement sportif se sont plaints des différences de traitement entre les sportifs selon leur discipline 336 ( * ) .

- il impose la mise en place de deux organes disciplinaires (première instance, appel) au sein de chaque fédération, composé de bénévoles ne se réunissant que quelques fois par an pour des dossiers d'importance sportive parfois mineure. Ce dispositif est lourd pour les fédérations et, surtout, il ne favorise pas l'émergence d'une vraie compétence spécialisée en matière de sanctions pour dopage, comme l'a par exemple souligné Marie-Philippe Rousseaux-Blanchi 337 ( * ) ;

- surtout, il place les fédérations dans la position de juge et partie de leurs sportifs .

2. Retirer le pouvoir de sanction aux fédérations

Votre commission d'enquête a constaté, au cours de ses auditions, une large convergence des différents acteurs du sport et de la lutte antidopage pour demander que le pouvoir disciplinaire soit retiré aux fédérations :

- Jean-Pierre Mondenard a insisté sur « la nécessité de séparer la lutte antidopage du monde sportif . On ne peut pas à la fois courir après les médailles et empêcher les sportifs de s'en donner les moyens, tous les moyens ! » 338 ( * ) ;

- Bernard Amsalem a estimé qu'il « convient d'externaliser les sanctions : les fédérations ne peuvent pas être juge et partie . La fédération sportive doit faire de la prévention, mais la sanction doit relever d'une instance extérieure spécialisée » 339 ( * ) , insistant notamment sur la complexité du droit du sport et du risque de vices de procédure pour les juridictions non spécialisées ;

- Francis Luyce a indiqué qu'il souhaitait « que l'organisme disciplinaire passe par une procédure externalisée et n'intervienne plus en dépendance des fédérations » 340 ( * ) ;

- Christophe Bassons a souligné que, selon lui, « il est évident que l'indépendance est nécessaire sur le plan disciplinaire » 341 ( * ) .

Le cyclisme, qui se singularise, dans l'histoire récente, par la révélation d'une grande affaire de dopage ayant secoué l'opinion, fournit une parfaite illustration de cette situation de conflit d'intérêts potentiel. En effet, le nombre de licenciés (en cyclisme sur route) a connu une baisse significative et durable suite à la révélation de l'affaire Festina , comme le montre le graphique ci-dessous. La fédération n'a d'ailleurs, depuis lors, jamais retrouvé le niveau atteint en 1998 (78 000 licenciés).

Évolution du nombre de licenciés de cyclisme traditionnel entre 1995 et 2012

Source : Fédération française de cyclisme

Dans ce contexte, confier la responsabilité de sanctionner les sportifs aux fédérations revient à les mettre dans la situation délicate de prononcer des peines dont le sport qu'elles doivent promouvoir pourrait durablement pâtir .

Certains ont souligné qu'il ne fallait pas, en leur retirant le pouvoir de sanction, déresponsabiliser les fédérations et, de façon générale, le mouvement sportif 342 ( * ) . Cependant, les fédérations resteront responsabilisées, en matière de lutte contre le dopage, sur le coeur de leur mission, à savoir la prévention . D'ailleurs, les fédérations qui ont réclamé une externalisation du processus de sanction (d'athlétisme, de natation ou de ski notamment) sont également celles où les actions de prévention sont parmi les plus développées.

Par ailleurs, de toute évidence, la procédure d'instruction des dossiers disciplinaires, voire la délibération de la commission des sanctions, devra être l'occasion d'un échange avec les fédérations sportives , qui apporteront leur expertise technique et leur connaissance du sportif : ces dernières ne seront pas absentes de la procédure mais seront régulièrement consultées par l'AFLD.

En conséquence, votre rapporteur propose que le pouvoir de sanction soit exercé non plus par les fédérations, mais par l'AFLD, qui statuerait en première instance, avec possibilité d'appel auprès du Conseil d'État .

Les évolutions requises par cette proposition quant à l'organisation de l'AFLD sont présentées dans une partie distincte ci-dessous. Il est certain que l'AFLD ne pourra pas faire face à l'augmentation du nombre de dossiers disciplinaires dont elle serait saisie sans renforcement de sa section juridique , composée aujourd'hui - selon les informations fournies à votre rapporteur - de trois agents.

Proposition n° 41 Confier à l'AFLD le pouvoir de sanction dès la première instance,
avec appel devant le Conseil d'État

En tout état de cause, il conviendrait que la même indépendance entre le mouvement sportif et la sanction soit assurée au niveau international, s'agissant des fédérations internationales . Une fédération internationale n'a aucun intérêt à la révélation d'un scandale de dopage dans ses disciplines, particulièrement lorsqu'il touche une figure sportive de premier plan.

À cet égard, sans chercher à établir son rôle ou sa complicité dans le système de dopage de Lance Armstrong, votre commission d'enquête constate que l'UCI n'a pas cherché à faciliter les contrôles ni à crédibiliser les analyses effectués sur cet athlète . Ainsi, Pierre Bordry rappelle que « le rôle de l'UCI (...) est surtout apparu avec le rapport Vriejman contre le LNDD, à propos de l'analyse des échantillons. On a cherché à démontrer que Lance Armstrong n'était pas dopé mais que c'est le LNDD qui était mauvais ». De même, les difficultés rapportées par Travis Tygart 343 ( * ) montrent qu'au-delà de la question des éventuelles complicités au sein de l'UCI s'agissant des contrôles sur Lance Armstrong, il n'y a pas eu de volonté politique, de la part de l'UCI, que soit sanctionné le septuple vainqueur du Tour de France .

Dans le même sens, le joueur de tennis André Agassi a rapporté dans son autobiographie qu'il a fait l'objet d'un contrôle positif à la méthamphétamine en 1997. Or, l'Association des joueurs de tennis professionnels (ATP), alors en charge de la lutte contre le dopage dans le tennis, avait décidé de passer ce contrôle sous silence et de ne pas le sanctionner après que le joueur eut expliqué qu'il s'agissait d'une prise accidentelle, dans le cadre d'un usage festif 344 ( * ) . Même si l'organisation de la lutte antidopage était encore en gestation au niveau international, cette anecdote traduit le malaise des instances internationales chargées de la promotion d'un sport lorsqu'il s'agit de sanctionner ses représentants de premier plan .

En conséquence, il conviendrait de prévoir également, à l'échelle internationale, dans le cadre de la révision du code mondial antidopage, la création d'une juridiction spécialisée, rattachée à l'AMA, chargée de prononcer les sanctions pour les sportifs de niveau international .

Proposition n° 42 Soutenir auprès de l'AMA le retrait du pouvoir de sanction des fédérations internationales à l'encontre des sportifs internationaux

3. Rendre les sanctions plus dissuasives

Le quantum des sanctions est fixé, au niveau international, par l'article 10 du code mondial antidopage . Cet article précise à la fois les sanctions possibles (suspension, annulation de résultats, sanctions financières) et, surtout, les cas dans lesquels cette sanction peut être alourdie ou, au contraire, allégée.

Si les principes fixés par le code mondial semblent globalement adéquats et suffisamment larges pour permettre une application appropriée et graduée par les autorités antidopage, le dispositif français de sanction ne semble en faire qu'imparfaitement usage. À cet égard, au-delà de la proportionnalité déjà mise en oeuvre par l'Agence dans ses sanctions disciplinaires 345 ( * ) , votre rapporteur formule plusieurs propositions dans le sens d'un dispositif de sanctions à la fois plus dissuasif et mieux adapté aux situations individuelles.

a) Renforcer les sanctions en cas de prise de produits lourds

Actuellement, le code mondial n'établit pas de distinction dans les sanctions selon le type de substance utilisée : la suspension est toujours, en principe, fixée à deux ans. Pourtant, il semble justifié de prévoir des sanctions plus lourdes lorsque le produit ou la méthode utilisé est nécessairement lié à la recherche d'une amélioration directe de la performance , comme l'EPO ou l'hormone de croissance. C'est ce que préconise, par exemple, David Lappartient, président de la FFC : « une interdiction de deux ans semble courte en cas de prise volontaire d'EPO. Je préconise plutôt une durée de quatre ans , avant une interdiction à vie en cas de récidive » 346 ( * ) .

Il est à l'heure actuelle prévu de porter à quatre ans la suspension en cas de prise de produits lourds, dans le cadre de la révision du code mondial antidopage. Votre rapporteur est très favorable à cette modification et souhaite qu'elle soit traduite dans le code du sport.

Proposition n° 43 Porter à quatre ans la durée de suspension en cas de prise de produits dopants lourds

b) Développer les sanctions pécuniaires

Aujourd'hui, les fédérations sportives ne peuvent pas prononcer de sanctions pécuniaires. En revanche, l'AFLD peut, aux termes de l'article L. 232-23 du code du sport, prononcer des sanctions pécuniaires allant jusqu'à 45 000 euros pour les sportifs ayant enfreint les règles antidopage et 150 000 euros pour les personnes ayant prescrit, fourni ou détenu des produits dopants.

Cependant, il apparaît, à la lecture de l'ensemble des sanctions prononcées par l'AFLD depuis 2006, que l'Agence n'a condamné un sportif à une amende qu'une seule fois en sept ans, et seulement à 2 500 euros d'amende, accompagnée d'une suspension de dix ans 347 ( * ) .

Votre rapporteur regrette qu'une sanction financière, adaptée au profit tiré par le sportif de sa tricherie, ne soit pas plus souvent prononcée. Comme le souligne David Lappartient, « il faut également sanctionner financièrement les contrevenants. L'athlète tire en effet profit de son dopage . Il faut frapper ceux qui trichent au porte-monnaie, à hauteur du préjudice qu'ils causent. Quand un athlète gagne 6 à 8 millions d'euros par an en s'étant dopé, il doit être sanctionné à de tels montants » 348 ( * ) . Il est vrai, cependant, qu'à ce niveau de revenus, les sportifs relèvent généralement de la fédération internationale et non de l'AFLD.

Denis Masseglia s'est également dit favorable aux sanctions pécuniaires : « il me semble important d'ouvrir la possibilité de sanctions financières pour réparation du préjudice de la dégradation de l'image du sport » 349 ( * ) .

De même, Bernard Amsallem a souhaité que « ces sanctions [de suspension] soient assorties d'amendes financières », soulignant plus loin « qu'en athlétisme l'amende pécuniaire serait radicale pour dissuader certains sportifs » 350 ( * ) . La proposition est également venue d'un sportif, Martin Fourcade 351 ( * ) , ainsi que de Christophe Blanchard-Dignac, qui a par ailleurs souhaité que l'AFLD bénéficie du produit de ces amendes 352 ( * ) .

En conséquence, votre rapporteur estime que la sanction pécuniaire pourrait en effet être prévue de façon systématique dès lors que la suspension est supérieure à deux ans, ce qui indique généralement la prise de produits lourds et/ou des circonstances aggravantes comme une récidive . Bien que le montant de la sanction doive évidemment être adapté au cas par cas par l'AFLD, en fonction des ressources du sportif, il conviendrait de porter à 100 000 euros le plafond des sanctions pécuniaires possibles, de manière à envoyer un signal politique . Enfin, le produit de ces amendes serait versé aux actions de prévention mises en oeuvre par l'AFLD .

Enfin, cette préconisation rejoint celle, qui sera présentée plus tard dans le détail, de la mise en place d'un système de « repentis » (proposition n° 58) : les sportifs qui acceptent de livrer des informations sur leurs réseaux ou d'autres sportifs ayant recours au dopage pourraient voir leur sanction pécuniaire diminuer .

Proposition n° 44 Prévoir des sanctions pécuniaires systématiques dès lors qu'est prononcée
une suspension de deux ans ou plus

Proposition n° 45 Porter à 100 000 euros le plafond des sanctions pécuniaires envisageables
pour un sportif

Proposition n° 46 Attribuer à l'AFLD le produit des amendes financières

c) Introduire des sanctions collectives dans les sports d'équipe

Comme il a été exposé précédemment s'agissant des contrôles hors compétition, votre rapporteur souhaite que le dispositif de lutte contre le dopage soit adapté à la spécificité des sports collectifs .

Or, les sanctions sportives sont aujourd'hui uniquement prononcées à l'égard des sportifs individuellement, et non de leur équipe ou club, à moins d'obtenir la preuve directe que ce dernier ou certains de ses cadres n'aient prescrit ou fourni les produits dopants.

Or, l'implication d'une équipe dans la lutte contre le dopage ne doit pas se limiter à s'abstenir de fournir des produits . Elle devrait également comprendre une politique active de prévention de ce type de pratiques chez leurs joueurs . À cet égard, la violation d'une règle antidopage par plusieurs joueurs d'une même équipe, si elle ne suffit pas à établir l'existence d'un système de dopage organisé, témoigne à tout le moins d'une défaillance dans l'encadrement et l'accompagnement des joueurs .

Dans cette perspective, Jean-Pierre Paclet a ainsi indiqué à votre commission que « dans les sports collectifs, les sanctions devraient être collectives. Cela inciterait l'ensemble des dirigeants, des entraineurs, des accompagnateurs à s'engager davantage » 353 ( * ) .

Dans le cyclisme, les sanctions collectives ont été mises en place sur une base volontaire dans le cadre du mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC) ; comme l'a indiqué Christophe Blanchard-Dignac devant la commission d'enquête : « si aucune équipe n'est à l'abri d'une défaillance individuelle, toute défaillance collective s'explique, en revanche, par une chaîne de complicités et un défaut de surveillance » 354 ( * ) . Le MPCC prévoit notamment, dans sa charte, qu'une équipe doit « s'auto-exclure » des compétitions si elle présente plus de deux cas de dopage sur une période réduite 355 ( * ) .

La généralisation et l'institutionnalisation de ce type de sanctions collectives seraient conformes au code mondial antidopage , dont l'article 11.2 dispose que « si plus de deux membres d'une équipe dans un sport d'équipe ont commis une violation des règles antidopage pendant la durée de la manifestation, l'organisme responsable de la manifestation doit imposer une sanction appropriée à l'équipe en question (par exemple, perte de points, disqualification d'une compétition ou d'une manifestation, ou autre sanction) en plus des conséquences imposées aux sportifs ayant commis la violation des règles antidopage ».

L'article L. 232-23-3 du code du sport fournit une ébauche de sanction collective en prévoyant que « dans les sports collectifs, lorsque, à la suite d'un contrôle effectué au cours d'une manifestation sportive organisée par une fédération (...) , plus de deux sportifs d'une équipe ont fait l'objet d'une sanction administrative prévue à l'article L. 232-23, la fédération prend les mesures appropriées à l'encontre de l'équipe à laquelle ils appartiennent ».

Toutefois, cet article est lacunaire :

- il limite la sanction collective aux cas de violation des règles antidopage au cours d'une même manifestation . En l'état actuel du code mondial, il semble qu'il serait possible d'adopter une approche plus extensive consistant, notamment, à considérer l'ensemble d'une saison comme la « durée de la manifestation » ;

- l a sanction collective n'est possible que si la sanction a été prononcée par l'AFLD et non par les fédérations : dès lors, la plupart des sanctions, qui sont prononcées par les fédérations, ne peuvent pas donner lieu à l'établissement d'une sanction collective ;

- l'éventuelle sanction collective se limite à des « mesures appropriées » prises par la seule fédération . L'AFLD ne peut donc pas prononcer elle-même une sanction.

En conséquence, votre rapporteur souhaite que cet article soit réécrit afin de prévoir que lorsque plus de deux sportifs d'une même équipe ont fait l'objet d'une sanction au cours d'une même saison sportive, l'AFLD peut enjoindre à la fédération ou à la ligue professionnelle de prononcer, à l'encontre de l'équipe à laquelle ils appartiennent, une sanction pouvant notamment consister en un retrait de points ou une disqualification . Votre commission d'enquête a pu constater, lors de son déplacement, que cette possibilité serait introduite en Espagne dans le cadre de l'application de la nouvelle loi antidopage 356 ( * ) .

Proposition n° 47 Permettre à l'AFLD de prononcer des sanctions collectives, en particulier un retrait
de points ou une disqualification, à l'encontre des équipes ayant fait l'objet
de plus de deux sanctions individuelles au cours d'une même saison

4. Accroître le nombre de sanctions sur la base d'éléments de preuve non analytiques

Les résultats des contrôles ont longtemps constitué le socle de la lutte antidopage et des sanctions prononcées contre les sportifs . Cependant, comme l'a souligné Bruno Genevois lors de son audition par votre commission d'enquête, on constate que « l'efficacité des contrôles analytiques traditionnels diminue ». Cela tient notamment au fait que les sportifs se sont adaptés au dispositif de contrôle, par exemple à travers le micro-dosage d'EPO ou la prise de produits dont la fenêtre de détection est très réduite.

Dans ce contexte, l'importance de compléter les contrôles traditionnels par du renseignement a déjà été soulignée précédemment (voir supra ). Le renseignement permet non seulement de cibler les contrôles, mais également, le cas échéant, de constituer un dossier qui, dès lors qu'il fait apparaître avec certitude le cas de dopage, permet de sanctionner le sportif en question sans même un contrôle positif.

L'instruction du dossier de Lance Armstrong par l'Usada constitue l'exemple le plus abouti de cette possibilité d'établir le dopage d'un sportif en l'absence de tout contrôle positif, sur la base de témoignages et de données de renseignement (courriers, procès-verbaux de prélèvements, rapprochement d'informations, etc.).

À côté de l'agence américaine, il convient de citer l'agence australienne qui, en 2011-2012, a instruit vingt-huit dossiers sur la base du renseignement, dont dix-neuf ont été transférés à la section juridique pour sanction disciplinaire 357 ( * ) .

L'instruction de ce type de dossiers est encore très étrangère à la culture française de lutte contre le dopage, fondée sur la gestion d'un résultat positif suite à un contrôle. Ainsi, il apparaît que, depuis 2006, l'AFLD n'a pris qu'une seule décision sans contrôle positif 358 ( * ) : il s'est agi, en 2006, d'une sanction sportive prise à la suite d'une sanction pénale 359 ( * ) . Ce type de sanctions avait déjà été mis en oeuvre à deux reprises par le CPLD 360 ( * ) .

Ainsi, l'agence française limite les sanctions sur la base d'éléments non analytiques aux sanctions traduisant, de façon automatique, une peine prononcée par le juge pénal . La base légale existe pourtant, dans la mesure où les articles du code du sport permettent à l'AFLD de prononcer une sanction pour violation de l'article L. 232-9, sans préciser les modalités d'établissement de la preuve de cette violation.

En réalité, le développement de ce type de sanctions fait appel moins à une évolution du droit qu'à une évolution de la culture de l'agence française et de l'utilisation des moyens à sa disposition . En conséquence, votre rapporteur souhaite que les services de l'Agence, à côté de la planification et du ciblage des contrôles, s'organisent de manière à établir des dossiers individuels sur la base des renseignements obtenus directement ou transmis par les autorités policières ou douanières (voir supra ).

Cette préconisation rejoint celles en matière de développement de la coopération avec les autorités policières, judiciaires et douanières et de renforcement des capacités de renseignement propres à l'Agence.

Proposition n° 48 Développer les sanctions sur la base d'éléments de preuve non analytiques

Votre rapporteur note que la prise de ce type de sanctions serait grandement facilitée par la capacité de l'Agence à recevoir des témoignages faits par certains sportifs, par exemple dans le cadre d'une atténuation de sanction.

5. Encourager le repentir

L'un des enseignements majeur de la décision raisonnée de l'Usada sur l'affaire Armstrong est que la possibilité laissée par le code mondial antidopage de réduire les sanctions sportives en cas de collaboration à la lutte antidopage est un outil extrêmement pertinent pour les Onad. Elle permet en effet :

- de libérer la parole des sportifs , qui ont largement tendance à nier, même en cas de sanction, la réalité de leur pratique dopante ;

- de réunir des éléments sur les pratiques d'autres sportifs des mêmes équipes, qui n'ont pas été contrôlés positifs ;

- de remonter des filières de trafics de produits dopants et de lutter de manière plus large contre le dopage ;

- et de renforcer par conséquent les liens entre les autorités antidopage et les services de police et de gendarmerie en charge de la lutte contre le trafic de produits dopants.

Il est à noter que, dans le cadre de son pouvoir de modulation de la sanction, l'Agence française de lutte contre le dopage peut déjà réduire les suspensions envisagées en fonction de l'attitude du sportif et notamment s'il fournit des éléments de nature à améliorer l'efficacité de la lutte contre le dopage.

Il apparaît cependant que cette possibilité n'est jusqu'ici pas utilisée pour favoriser la révélation d'informations par le sportif. Selon les informations fournies à votre commission d'enquête, l'Agence a même sanctionné sévèrement des sportifs pourtant disposés à fournir des éléments relatifs aux modalités de son approvisionnement et aux personnes concernées.

Considérant qu'il y a un intérêt majeur à disposer d'informations précises permettant de remonter les filières, votre rapporteur considère qu'une disposition précise dans le code du sport devrait fixer à l'Agence comme objectif de mettre en place un véritable système de repentir.

C'est la raison pour laquelle il a fait une proposition de mise en place d'une telle mesure, très longuement développée, dans la partie intitulée, « l'AFLD, un soutien nécessaire des acteurs de la lutte pénale ».

D. RÉFORMER LA GOUVERNANCE DE L'AFLD

L'AFLD est aujourd'hui organisée en cinq principaux pôles :

- le département des contrôles , chargé de la planification et de l'organisation des contrôles ainsi que de la gestion du groupe-cible ;

- le département des analyses (laboratoire de Châtenay-Malabry) ;

- la cellule médicale , chargée en particulier de l'examen des demandes d'AUT ;

- le service juridique , chargé de l'instruction des dossiers de sanction ;

- les services généraux (organisation des travaux du collège, comptabilité, gestion des ressources humaines, etc.).

Organigramme de l'Agence française de lutte contre le dopage

Source : commission d'enquête, d'après le rapport d'activité de l'AFLD

L'ensemble des services de l'Agence est sous l'autorité du collège , composé de neuf membres 361 ( * ) , dont le président du collège, conseiller d'État, est également président de l'Agence.

À côté du collège, l'Agence dispose également d'un Comité d'orientation scientifique qui, sans avoir de fonction exécutive, fixe les orientations de l'agence en matière de recherche et de prévention (voir supra ).

La diversité, sinon les conflits potentiels entre les missions exercées par l'Agence, justifie que deux principales barrières internes ont été fixées 362 ( * ) . La première de ces murailles est celle qui doit séparer le département des analyses du département des contrôles : il est en effet nécessaire d'assurer la confidentialité des échantillons qu'analyse le laboratoire. La seconde est celle entre le département des contrôles et les services chargés de l'instruction des dossiers disciplinaires : l'instruction du dossier disciplinaire, conduisant éventuellement à la sanction, doit être en effet indépendante des services qui ont présidé à la révélation du cas de dopage.

Cependant, l'ensemble des propositions formulées par votre rapporteur doivent conduire à une refonte globale de la gouvernance et de l'organisation de l'AFLD, en particulier :

- la création d'une commission des sanctions distincte du collège , chargée de prononcer les sanctions disciplinaires (confiées, dans leur intégralité, à l'AFLD), et une redéfinition du rôle du président ;

- la transformation de la cellule médicale en un département de la prévention du dopage et de la promotion de la santé par le sport, chargé de définir et de coordonner les politiques de prévention à l'échelle nationale, d'animer le réseau des AMPD et du numéro vert Écoute Dopage , ainsi que de l'examen des demandes d'AUT ;

- une diversification des sources de financement de l'AFLD , en prévoyant un financement mixte entre la subvention de l'État et l'affectation de la taxe « Buffet ».

1. Faire du président de l'AFLD un pilote de la lutte antidopage en créant une commission des sanctions

Aujourd'hui, en dépit des « murailles de Chine » internes aux services de l'Agence, le collège à la tête de l'AFLD est responsable à la fois de la décision d'instruire ou non un dossier et, à l'issue de cette procédure d'instruction, du prononcé de la sanction disciplinaire .

Ce cumul des fonctions d'instruction et de sanction pose deux problèmes majeurs : non seulement il est contraire aux principes de séparation des fonctions fixés tant par la Cour européenne des droits de l'homme que par le Conseil constitutionnel mais il est aussi préjudiciable au rôle que pourrait jouer le président de l'agence dans l'instruction des dossiers et le pilotage du contrôle et du renseignement.

a) La création d'une commission des sanctions

La nécessité de séparer, au sein des autorités publiques indépendantes, l'instruction et la sanction, a été affirmée par la Cour européenne des droits de l'homme s'agissant de la commission bancaire dans une décision « Dubus » du 11 septembre 2009 363 ( * ) : « il ne ressort pas du CMF, ni d'un éventuel règlement intérieur, de distinction claire des fonctions de poursuite, d'instruction et de sanction dans l'exercice du pouvoir juridictionnel de la Commission bancaire . Or, si le cumul des fonctions d'instruction et de jugement peut être compatible avec le respect de l'impartialité garanti par l'article 6§1 de la Convention (...) , ce cumul est subordonné à la nature et à l'étendue des tâches du rapporteur durant la phase d'instruction, et notamment à l'absence d'acte d'accusation de sa part ».

De même, le Conseil constitutionnel a rappelé que « les dispositions contestées, en organisant la Commission bancaire sans séparer en son sein, d'une part, les fonctions de poursuites des éventuels manquements des établissements de crédit aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et, d'autre part, les fonctions de jugement des même manquements, qui peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires, méconnaissent le principe d'impartialité des juridictions et, par suite, doivent être déclarées contraires à la Constitution » 364 ( * ) .

Dans ce cadre, la Commission bancaire a été réorganisée pour donner naissance, en 2010, à l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), comprenant une commission des sanctions distincte du collège de l'ACP . Dans ce schéma, c'est le collège de l'autorité qui décide d'ouvrir une procédure de sanction et transmet, à l'issue de l'instruction, la liste des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur en son sein. Les fonctions de poursuites sont ainsi bien distinctes des fonctions de jugement.

Or, l'AFLD, dont les décisions individuelles ont bien le caractère de sanction disciplinaire, est dans la même situation que la Commission bancaire avant l'ACP, ou la Commission des opérations de bourse (COB) avant l'AMF : une confusion des procédures d'instruction et de sanction, qui l'une comme l'autre relèvent de la même instance, le collège : c'est le collège qui engage la procédure, la clôt ou la poursuit selon les éléments de l'instruction, et qui, enfin, prononce la sanction.

Votre rapporteur se prononce donc en faveur de la mise en place d'une commission des sanctions au sein de l'AFLD , composée de membres différents de ceux présents au collège. Le collège serait chargé de lancer les poursuites et d'instruire l'enquête, tandis que la commission des sanctions serait exclusivement chargée de prononcer les sanctions sur la base du dossier instruit par les services, et rapporté par un rapporteur nommé en son sein.

La commission des sanctions pourrait être composée de magistrats, de personnalités à compétences scientifiques et de représentants du mouvement sportif , de manière à ne pas déresponsabiliser ce dernier en matière disciplinaire 365 ( * ) .

La commission des sanctions jugerait les dossiers disciplinaires en première instance. Les appels seraient formés auprès du Conseil d'État . Par rapport au système actuel, deux étapes d'appel seraient ainsi supprimées (commission fédérale d'appel, tribunal administratif). Au regard du faible nombre de recours exercés suite aux décisions prises par l'AFLD (19 sur les 537 décisions rendues par l'AFLD entre 2006 et fin 2012), la suppression d'une étape d'appel ne semble pas faire peser un risque d'engorgement du Conseil d'État. En tout état de cause, le dispositif serait ainsi non seulement moins complexe et moins long.

Proposition n° 49 Créer une commission des sanctions distincte du collège chargée
de prononcer les sanctions disciplinaires sur la base des dossiers instruits par l'Agence

b) La redéfinition du rôle du président

Outre le respect des principes constitutionnels, d'autant plus nécessaire que l'AFLD se verrait confier l'ensemble des dossiers disciplinaires, votre rapporteur espère, à travers la création d'une commission des sanctions, renforcer le rôle et la capacité d'action du président de l'Agence .

C'est le sens, notamment, des propos tenus par Pierre Bordry devant votre commission, affirmant qu'« un procureur antidopage afficherait clairement la volonté des pouvoirs publics en matière de lutte antidopage. Je pense en effet que la charge du président de l'AFLD est trop lourde : il est à la fois procureur, s'occupe du LNDD et prend en charge la discipline. (...) Je suis favorable à un procureur antidopage qui dirige l'AFLD, choisi avec l'avis du Parlement et non pas coopté par ses pairs. Il pourrait ainsi diligenter l'instruction et les contrôles, tandis qu'une commission réglerait les problèmes disciplinaires » 366 ( * ) .

En effet, débarrassé de la responsabilité du jugement et, ainsi, du devoir de réserve qu'il pouvait s'imposer dans le cadre de l'instruction, le président de l'Agence reprendrait la main en matière d'investigations et d'organisation des contrôles . Il aurait autorité directe sur le directeur des contrôles, sur les services chargés des investigations (que ces derniers soient ou non rattachés aux contrôles) et sur ceux en charge de l'instruction des dossiers. Il pourrait ainsi assurer, de façon opérationnelle, les synergies entre les actions menées par ces différents services. À cet égard, l'autonomisation du laboratoire hors du champ de l'AFLD renforcerait encore cette cohérence du rôle du président .

Au demeurant, ce rôle de président-procureur, responsable des investigations et des contrôles, n'est pas sans analogie avec la fonction assumée, par exemple, par Travis Tygart au sein de l'agence américaine antidopage , qui a coordonné l'enquête ayant conduit aux révélations sur le système de dopage de Lance Armstrong.

Cette évolution du rôle du président correspond aux préconisations formulées par certaines personnes auditionnées, visant à disposer, à la tête de l'Agence, d'un pilote au profil polyvalent et opérationnel.

Ainsi Michel Rieu a estimé devant votre commission que « la représentation nationale de l'Agence souffre enfin d'un déficit . Elle est essentiellement de nature administrative et juridique, au contraire des autres agences, qui prennent des personnalités compétentes en matière scientifique ou de connaissance de terrain » 367 ( * ) .

De même, Stéphane Mandard a indiqué qu'il fallait « que les personnes aux commandes du contrôle antidopage, qu'il soit mondial ou français, soient des personnalités très fortes, capables de résister aux pressions, de se servir des médias » 368 ( * ) . À cet égard, il n'est pas anodin que Michel Boyon, ancien président du CPLD, considère que l'acte fondateur du conseil a été la publication d'un communiqué de presse sur le Tour de France 2000 qui avait déclenché l'ire de l'UCI : la lutte contre le dopage commence lorsqu'elle dérange et effraie le monde sportif 369 ( * ) .

Votre rapporteur considère qu'il pourrait être intéressant que le président de l'Agence soit désigné par la procédure de l'article 13 de la Constitution, qui prévoit une validation parlementaire, laquelle pourrait lui donner une onction démocratique et renforcer sa légitimité.

Il tient à souligner que la compétence des présidents successifs de l'Agence et de son président actuel n'est pas en cause, mais que le profil du président, aujourd'hui nécessairement magistrat, et le rôle qu'il peut jouer au sein de l'Agence doivent s'adapter aux nécessaires évolutions de l'architecture de l'AFLD et des nouveaux moyens à mettre en oeuvre dans la lutte antidopage, en particulier le ciblage des contrôles et les méthodes d'investigation.

Proposition n° 50 Élargir le profil du président de l'AFLD en prévoyant qu'il s'agit d'une personnalité choisie par décret ayant une expérience dans le domaine juridique

2. Confier les enquêtes au département des contrôles

Les sanctions prises par les fédérations françaises ou par l'AFLD sont aujourd'hui essentiellement fondées sur un contrôle positif ou un manquement aux obligations de localisation , comme cela a déjà été exposé précédemment.

Cet état de fait n'est pas étonnant au regard de l'organisation de l'Agence et de ses moyens : aucune équipe n'est dédiée à ce type d'enquêtes . L'activité de veille, d'informations et de renseignement est assurée par le directeur des contrôles qui l'utilise strictement à des fins de ciblage des contrôles, non pas pour la recherche d'éléments de preuve pouvant mener, en eux-mêmes, à une sanction.

De ce point de vue, votre rapporteur regrette que l'Agence ne dispose pas d'une comptabilité analytique qui mette en évidence, de façon synthétique, ses dépenses par catégorie ou affectation (contrôle, analyse, investigation, prévention, etc.) ; une telle présentation pourrait utilement être annexée au rapport annuel d'activité. À titre d'exemple, l'USADA a indiqué à votre commission d'enquête, lors de son déplacement aux États-Unis, que, sur ses 13,7 millions de dollars de budget, 8 millions de dollars sont consacrées aux contrôles et analyses (58 %), 2,5 millions de dollars pour la prévention (18 %), 1,5 million de dollars pour les investigations (10 %), 1,1 million de dollars pour la recherche scientifique (9 %), et 0,7 million de dollars pour le fonctionnement de l'Agence (5 %) 370 ( * ) .

Au total, il convient donc d' élargir les attributions du département des contrôles pour en faire un « département des investigations et des contrôles ». C'est à cette condition que des sanctions sur la base de preuves non analytiques, sur le modèle du dossier établi par l'Usada sur Lance Armstrong, pourront être prononcées à l'avenir par l'Agence.

À cette fin, il sera nécessaire de compléter les équipes de l'AFLD pour y intégrer des profils habitués au traitement du renseignement, plus policiers, à l'instar, notamment, du renouvellement opéré par l'agence espagnole en 2012 371 ( * ) .

Proposition n° 51 Transformer le département des contrôles
en département des investigations et du contrôle

3. Créer un département de la prévention du dopage

La cellule médicale, composée aujourd'hui de trois agents, est essentiellement tournée vers la délivrance des AUT aux sportifs.

En lien avec la proposition déjà évoquée de renommer l'AFLD en lui confiant la prévention du dopage, il est nécessaire de renforcer cette cellule en la fusionnant avec la cellule de recherche et en en faisant un département à part entière, chargé de la définition et de la coordination des politiques de prévention du dopage . Les AMPD, ainsi que le numéro vert Écoute Dopage , lui seraient rattachés.

Les orientations du département seraient définies par le Comité d'orientation scientifique, dont l'existence serait reconnue par le code du sport.

Proposition n° 52 Créer un département de la prévention du dopage au sein de l'AFLD,
dont les orientations seraient définies par le comité d'orientation scientifique

Une nouvelle architecture pour l'Agence française de lutte contre le dopage

4. Instaurer un financement paritaire entre la subvention publique et les financements privés

Le budget de l'AFLD aujourd'hui est d' environ 9,1 millions d'euros , dont 8,6 millions d'euros en dépenses de fonctionnement et 0,5 million d'euros en dépenses d'investissement, principalement pour le laboratoire. Les recettes proviennent essentiellement de la subvention pour charge de service public accordée par l'État (7,8 millions d'euros ) et, à titre secondaire, des prestations aux tiers (0,9 million d'euros) . À cet égard, il convient de souligner qu'étant donné le rôle d'appoint budgétaire non négligeable des prestations aux tiers, l'équilibre du budget de l'AFLD repose en partie sur la poursuite de partenariats importants, en particulier celui avec l'UCI qui représente plus de la moitié des contrôles pour le compte de tiers réalisés.

Il apparaît nécessaire de diversifier les sources de financement , pour donner corps au principe d'autonomie financière de l'Agence posé par l'article L. 232-15 du code du sport .

À titre d'exemple, il n'est en effet pas normal que des considérations budgétaires puissent conduire à la démission du président de l'Agence, comme ce fut le cas en 2010 pour Pierre Bordry, ainsi que ce dernier l'a rapporté lors de son audition par votre commission d'enquête 372 ( * ) .

Dans ce contexte, à l'instar de Pierre Bordry, Bruno Genevois a souligné l'importance d'une diversification des financements de l'Agence : « je souhaite que l'AFLD dispose d'une ressource autonome . La subvention qui finance les neuf dixièmes de son budget est soumise à des aléas », comme le surgel, en 2012, qui a privé l'Agence d'un dixième de sa subvention 373 ( * ) . Dans le même sens, Marc Sanson a affirmé à votre commission qu'il « faut lui donner une véritable autonomie financière, d'ailleurs affirmée dans un article du code du sport, grâce à la diversité de ses ressources » 374 ( * ) .

L'importance, pour une autorité nationale antidopage, de disposer de ressources financières diversifiées a également été souligné par Travis Tygart lors de son audition par la commission d'enquête : « l'Usada est une organisation privée à but non lucratif. Elle dispose d'un budget de 14 millions de dollars dont 8,5 millions proviennent de subventions publiques, le reste provient de sources privées, y compris du Comité olympique américain. Cette diversité des sources de financement garantit notre indépendance ». En effet, il a rappelé qu'« un financement par les États uniquement ne serait pas souhaitable non plus : l'affaire Armstrong a montré que les athlètes étaient prêts à aller jusqu'au Congrès pour faire pression sur nous » 375 ( * ) .

En conséquence, votre rapporteur est favorable à ce que le budget de l'AFLD soit alimenté par une nouvelle ressource financière , distincte de la subvention publique de l'État.

Cependant, la proposition de Marc Sanson, consistant en une hausse de 0,5 centime des licences affectées à l'Agence, n'est pas adaptée , car elle reviendrait à faire reposer sur les millions de licenciés, sportifs amateurs, la charge financière de contrôles majoritairement réalisés sur des compétitions importantes et un groupe restreint d'athlètes.

En revanche, votre rapporteur est favorable à un élargissement de l'assiette de la taxe dite « Buffet » sur les droits de retransmission des événements sportifs nationaux, aux droits des compétitions étrangères diffusés sur nos écrans (Ligue des champions, coupe du monde de football, tournoi des VI Nations, Formule 1, Jeux olympiques...). Il considère en effet que le champ de l'assiette de la taxe est aujourd'hui discriminatoire.

Le seul débat sur cet élargissement, pleinement légitime, est celui de la nature du redevable dans la mesure où les organisateurs de ces compétitions sont situés à l'étranger. Néanmoins, il apparaît que des solutions pleinement satisfaisantes pourraient être envisagées et que le produit d'un tel élargissement serait supérieur à 15 millions d'euros.

Rappelons que la somme nécessaire serait limitée à environ 5 millions d'euros , soit la moitié du budget d'une AFLD renforcée, et qu'elle viendrait en diminution de la subvention de l'État.

Proposition n° 53 Modifier l'assiette de la taxe « Buffet » et en affecter la recette, sous plafond,
à l'AFLD de manière à assurer un financement paritaire subvention / taxe affectée

5. Fusionner l'AFLD avec l'Arjel : une fausse bonne idée

Certaines personnes auditionnées ont préconisé, comme l'ancien ministre des sports David Douillet, de « lier la lutte contre le dopage à la régulation des jeux en ligne » en fusionnant l'AFLD et l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) , soulignant que l'enjeu était le même, à savoir la protection de l'éthique du sport, et que les mafias et les trafics pouvaient être liés. Lors de son déplacement en Espagne, votre commission a pu constater que la nouvelle autorité indépendante antidopage espagnole devrait se voir confier, d'ici à la fin de l'année 2013, la régulation des jeux en ligne.

Cependant, votre rapporteur n'est pas favorable à une telle fusion. En effet, même si le rôle de préservation de l'éthique du sport est partagé, le dopage se singularise par un objectif supplémentaire, celui de la protection de la santé des sportifs .

De plus, il a été indiqué à votre commission par les forces de police que les réseaux, entre le dopage et la corruption, étaient en réalité différents . Une seule autorité de lutte aurait donc en réalité deux domaines, deux branches distinctes à investiguer.

Dès lors, votre rapporteur estime qu'il y a un risque que l'autorité, si elle a cette double responsabilité, perde une partie de sa compétence sur l'un ou l'autre de ses enjeux , alors que la France dispose aujourd'hui de deux autorités déjà très reconnues à l'échelle internationale dans l'une et l'autre de ses luttes essentielles à la protection du sport.

III. LA COOPÉRATION, MAÎTRE MOT DE LA RÉPONSE PÉNALE DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE

A. UN DÉLIT D'USAGE DE PRODUITS DOPANTS, UNE SOLUTION INADAPTÉE

1. Une incrimination particulièrement difficile à mettre en oeuvre

Au fil des auditions, la question de la pénalisation de l'usage de produits dopants s'est posée.

Rappelons qu'en 1965, la France avait choisi de réprimer pénalement l'usage de produits dopants : la loi n° 65-412 du 1 er juin 1965 tendant à la répression de l'usage de stimulants à l'occasion de compétitions sportives disposait que : « sera puni d'une amende de 500 à 5 000 F quiconque aura, en vue ou au cours d'une compétition sportive, utilisé sciemment l'une des substances déterminées par règlement d'administration publique, qui sont destinées à accroitre artificiellement et passagèrement ses possibilités physiques et sont susceptibles de nuire à sa santé » 376 ( * ) .

Pourtant, malgré sa simplicité apparente, l'incrimination pénale d'usage de produits dopants par le sportif pose des difficultés majeures.

Ces difficultés sont surtout juridiques et pratiques.

D'un point de vue juridique , il est tout d'abord très difficile de prouver l'élément moral de l'infraction , le caractère intentionnel de l'infraction commise 377 ( * ) .

Dans la mesure où le sportif a pu, à de multiples occasions, être exposé à des substances dopantes, sans qu'il ait eu l'intention de se doper, il a été en pratique impossible de prouver que le dopage avait été intentionnel : très peu de condamnations ont été prononcées sur le fondement de la loi de 1965 378 ( * ) , jusqu'à ce que la loi n° 89-432 du 28 juin 1989 relative à la prévention et à la répression de l'usage de produits dopants à l'occasion des compétitions et manifestions sportives consacre une définition objective du dopage, ce qui a conduit à l'abrogation du délit d'usage.

Marc Sanson a ainsi pu préciser que ce délit était peu efficace : « Je pense qu'il ne faut pas non plus revenir au seul pénal (...) à l'époque où Roger Bambuck devait être ministre des sports, la répression ne relevait que du pénal et le nombre de personnes sanctionnées était inférieur aux doigts d'une main » 379 ( * ) .

Un délit d'usage de produits dopants pose en outre une difficulté d'articulation avec la sanction disciplinaire dont le sportif va faire l'objet. L'usage de produits dopants appelle en effet nécessairement une réponse disciplinaire. Celle-ci peut être parfaitement cumulée avec une sanction pénale : le principe non bis in idem ne trouve pas à s'appliquer car les deux peines sont de nature différente. Mais les domaines disciplinaire et pénal se recoupent en réalité car les constatations faites par le juge pénal, - liées à l'existence ou à l'inexistence d'un fait - servant de soutien à la décision pénale s'imposent aux juridictions.

Or, au plan procédural , le temps de la sanction pénale est nécessairement long , alors que la sanction disciplinaire a un impératif de rapidité : pour être pédagogique mais surtout effective, en empêchant la participation à une course ou à une saison.

Cette discordance a été soulignée par plusieurs personnes entendues, Marc Sanson a souligné que « la procédure [pénale] est longue, alors qu'une procédure disciplinaire correctement menée durera moins longtemps qu'une procédure pénale » 380 ( * ) . Cette différence du temps pénal et du temps de la sanction disciplinaire a été également soulignée par Jean-François Lamour : « Pensez-vous vraiment que la justice civile puisse traiter le problème en un an, compte tenu des appels et des différents recours ? (...) Rien ne serait pire que la justice civile remette en question une décision de justice sportive, sous prétexte que son rythme n'est pas le même (...) le danger de la sanction réside dans le décalage qui existe entre la justice sportive et la justice pénale, qui conduirait à un imbroglio judiciaire. La justice pénale peut avoir différentes vitesses en fonction du pays » 381 ( * ) .

En cas de mise en place d'une sanction pénale d'usage de produits dopants, les instances disciplinaires pourraient avoir tendance à attendre que le juge pénal se prononce, et l'usage de produits dopants se retrouverait paradoxalement moins réprimé disciplinairement, et probablement aussi peu pénalement poursuivi que lorsqu'il était pénalisé par la loi de 1965, pour les mêmes raisons.

La mise en place d'un délit d'usage pourrait donc avoir, entres autres inconvénients, celui de rompre l'équilibre mis en place entre le rôle de sanction disciplinaire des fédérations et de l'AFLD d'une part, celui des services répressifs d'autre part, comme le soulignait votre collègue Alain Dufaut dans son rapport sur le projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants : « Toutefois, [la pénalisation de l'usage] aurait aussi de nombreux inconvénients : la stigmatisation des sportifs contrôlés positifs, la judiciarisation de la lutte antidopage, et le risque de nuire à la bonne relation qui préside aujourd'hui entre l'AFLD et de nombreuses fédérations sportives, bien décidées à lutter contre le dopage et à mettre en cause certains de leurs licenciés. Votre rapporteur estime que l'équilibre actuel sur l'usage est bon, dans la mesure où les procédures de sanctions disciplinaires sont aujourd'hui dissuasives et où la coopération entre les fédérations et l'AFLD est efficace . Au demeurant, le code mondial antidopage n'impose en rien la pénalisation de l'usage des produits dopants » 382 ( * ) .

D'un point de vue pratique , il est également très complexe de rapporter la preuve de l'acte de dopage, en raison de l'évolution des techniques utilisées et des nouveaux produits constamment développés.

L'audition de Françoise Lasne, a permis de souligner le caractère parfois très innovant des méthodes de dopage et le caractère parfois fortuit de la découverte de techniques ou de produits : « nous ne détectons que ce que nous recherchons. N'étant pas informés de l'existence de cette substance [la tétrahydrogestrinone (THG), une molécule qui a été spécialement synthétisée dans un but de dopage] , nous ne la recherchions pas. Il a fallu que nous en apprenions l'existence par une dénonciation d'un entraîneur. Certains sites internet proposent des molécules à des fins de dopage dans certaines disciplines sportives » 383 ( * ) .

Par ailleurs, à l'heure actuelle, certaines méthodes de dopage ne sont pas détectables , à l'instar de l'autotransfusion , comme l'a souligné devant la commission d'enquête Armand Megret : « la transfusion d'une poche de sang prend un quart d'heure à vingt minutes. On n'a pas les moyens de détecter l'autotransfusion » 384 ( * ) .

Enfin, la pénalisation de l'usage de produits dopants pose aussi un problème plus général lié au statut du sportif dopé, d'abord considéré comme une victime . Marie-George Buffet a ainsi pu ainsi affirmer que « la sanction sportive me paraît importante et préférable à la sanction pénale. La sportive ou le sportif, même s'ils sont responsables, sont cependant des victimes » 385 ( * ) . Jean-François Lamour a également établi le même constat : « nous nous sommes donc rangés à la position du mouvement sportif, qui était de considérer que le sportif dopé restait une victime, son entourage étant pénalement responsable et devant subir une sanction pénale, au-delà de la sanction sportive » 386 ( * ) .

Valery Fourneyron a également rappelé son opposition de principe à une pénalisation de l'usage de produits dopants, lors de son audition devant la commission d'enquête 387 ( * ) .

Lors de l'adoption de la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants, les débats liés à la pénalisation de l'usage de produits dopants par un sportif ont montré que cette conception d'un sportif d'abord victime est une constante des législations contre le trafic de produits dopants : Marie-George Buffet a ainsi souligné qu'« une privation de liberté est lourde de sens, et je ne vois pas en quoi elle pourrait être une solution au problème du dopage pour un sportif » 388 ( * ) .

2. Une incrimination inutile en tant que telle

L'incrimination de l'usage de produits dopants n'est en réalité pas recherchée pour elle-même, mais plutôt pour les possibilités procédurales qu'elle offre.

Olivier Niggli remarque ainsi qu'« il est indispensable que l'entourage du sportif puisse être poursuivi pénalement. Est-il nécessaire de pénaliser le dopage pour déclencher des enquêtes ? La réponse dépend des systèmes juridiques. Elle sera diverse . L'Italie, où le dopage est un délit, n'a jamais mis un athlète en prison mais a pu diligenter des enquêtes grâce à ce cadre juridique, qui a permis à la police et aux douanes de travailler » 389 ( * ) .

Dans la note technique au cabinet du ministre chargé des sports, en date du 30 novembre 2011, l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) justifie la pénalisation de l'usage en soulignant que « la finalité recherchée n'est pas d'obtenir la condamnation ni a fortiori l'incarcération des sportifs. Il s'agit de rendre plus efficiente l'action des enquêteurs en incitant les mis en cause à leur révéler des informations relatives à leurs sources d'approvisionnement, en utilisant les pouvoirs de police judicaire dont ne disposent pas les autorités sportives ou l'Agence française de lutte contre le dopage » 390 ( * ) .

Les partisans d'une pénalisation de l'usage de produits dopants avancent donc l'utilité d'un tel délit , non pas en vue de pénaliser effectivement l'usage de produits dopants , mais bien pour disposer d'un levier , pour avoir un « moyen de pression » afin de démanteler les éventuelles sources d'approvisionnement, les personnes, qui sont ceux vers lesquels l'action répressive est en réalité orientée.

Mais il est difficile de justifier la création d'une incrimination pénale nouvelle, dirigée spécifiquement contre les sportifs, dans le seul but de permettre de poursuivre un autre comportement - celui consistant à fournir des produits dopants - et des personnes qui ne sont le plus souvent pas des sportifs.

La France, en pénalisant la détention de produits dopants , y compris par le sportif, permet déjà de disposer d'une incrimination pénale pouvant, le cas échéant, permettre d'inciter le sportif à collaborer avec les services de gendarmerie ou de police 391 ( * ) .

En instaurant ce délit, la loi parvient au bout de sa logique : la détention de produits dopants peut aussi, dans certains cas, être l'indice d'un trafic mené par le sportif lui-même. Il est donc justifié de donner les moyens aux services répressifs d'enquêter sur ce cas.

Le délit de détention de produits dopants sans justificatif constitue même pour certains auteurs une pénalisation indirecte de l'usage de produits dopants : « (...) on peut légitimement se demander si, sous couvert de ne pénaliser que la seule détention, le législateur n'a pas souhaité implicitement sanctionner pénalement l'utilisation des substances ou des procédés les plus dopants » 392 ( * ) .

Enfin, si certains pays, comme l'Italie ou la Suède ont fait le choix de la pénalisation de l'usage de produits dopants , il est difficile d'évaluer dans quelle mesure cette incrimination d'usage a eu un effet sur l'efficacité pour démanteler les réseaux de trafiquants de produits dopants.

Jean-François Lamour a pu ainsi relever le peu d'effectivité du modèle italien : « la loi italienne a été votée un an et demi avant la nôtre ; le seul résultat probant était celui de Marco Pantani, malheureusement disparu depuis. Or, Marco Pantani n'a jamais été condamné par la justice italienne, bien qu'il soit passé devant les tribunaux » 393 ( * ) .

À l'inverse, l'Australie qui ne pénalise pas pour l'instant l'usage de produits dopants a obtenu d'excellents résultats en matière de lutte contre le dopage .

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission d'enquête n'a pas souhaité proposer la pénalisation de l'usage de produits dopants.

B. UN IMPÉRATIF : MOBILISER LES NOMBREUX ACTEURS DE LA LUTTE ANTIDOPAGE

1. Des acteurs nombreux, aux buts différents, parfois divergents
a) Des acteurs nombreux et hétérogènes

En France, de nombreuses structures sont en charge de la lutte contre le dopage mais elles interviennent sur des plans très différents.

Rappelons que, sur un plan disciplinaire , les fédérations sportives - personnes privées délégataires d'une mission de service public - et l'Agence française de lutte contre le dopage exercent seules ce pouvoir, sous le contrôle du juge administratif.

Le ministère des sports, les structures décentralisées du ministère que sont les directions régionales de la protection de la jeunesse sont également impliquées dans la lutte contre le dopage, mais leurs actions sont davantage orientées vers la prévention, et le soutien des sportifs. Les commissions régionales de prévention et de lutte contre les trafics de produits dopants, dont le secrétariat est assuré par les directions régionales de la jeunesse et des sports, se sont vu attribuer un rôle de coordination 394 ( * ) .

Les services de la police judiciaire mènent des actions axées notamment sur la répression du trafic de produits dopants, l'administration de produits dopants, l'incitation au dopage, ou les oppositions à contrôles.

Parmi ces services, un office central, créé en 2004 est spécifiquement responsable, entre autres attributions, de la répression des infractions liées au dopage : l'Oclaesp .

L'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) a été créé par un décret n° 2004-612 du 24 juin 2004, dans le but de lutter spécifiquement contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique . Il dispose d'une compétence nationale en la matière. Il dépend de la sous-direction de la police judiciaire de la Gendarmerie nationale.

L'Oclaesp a un effectif de cinquante-cinq personnes ; quarante-sept gendarmes, quatre policiers et quatre conseillers techniques, dont un fonctionnaire du ministère des sports ; il va faire l'objet d'une augmentation de quinze personnes en 2013 395 ( * ) et sera donc porté à soixante-dix personnes .

Enfin, comme tout office, l'Oclaesp peut s'appuyer sur les groupements locaux, ce qui peut être particulièrement utile pour suivre un événement local par exemple.

Il a une mission de coordination des actions de police judiciaire relatives aux infractions entrant dans son domaine de compétence, une fonction de collecte du renseignement ; il a enfin pour rôle de favoriser la circulation de ces informations ; il a enfin une mission plus générale d' assistance des ministères.

Il traite des questions de dopage sous l'angle de l'atteinte à la santé publique que ces substances et méthodes représentent, mais remarquons que le dopage n'est qu'un des aspects d'une de ses deux missions. Auparavant, la lutte contre le dopage était abordée sous l'angle des trafics de produits stupéfiants ou de trafics de médicaments, par la brigade des stupéfiants de la préfecture de Police de Paris et par l'Ocrtis. Désormais, si l'Ocrtis a conservé sa compétence quand le produit dopant est aussi un stupéfiant, l'Oclaesp est seul compétent en matière de lutte contre le dopage.

Les services des douanes, enfin, traitent également des questions de dopage, sous l'angle bien spécifique des infractions commises au code des douanes : contrefaçons ou entrée en fraude de marchandises, illégales ou soumises à des déclarations spécifiques sur le territoire français notamment.

En application de l'article 60 du code des douanes, les services des douanes ont un droit de visite des marchandises : c'est la seule administration en contact direct avec les marchandises au moment où elles sont importées et où elles entrent sur le territoire national. En 2012, la douane a ainsi contrôlé près de 51 millions de produits (contre 30 millions en 2011).

Les services des douanes envisagent la question du dopage par le biais d'une direction essentielle, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). En effet, dans le cadre de sa mission générale de renseignement, la DNRED est un acteur de premier plan aussi bien dans son rôle de collecteur d'informations qui vont permettre aux autres services de la douane d'orienter les contrôles, que dans son rôle opérationnel de démantèlement des réseaux de trafiquants .

Le service national des douanes judiciaires (SNDJ) est également un acteur important, car il permet à des officiers de police judiciaire des douanes, placés sous l'autorité d'un magistrat de l'ordre judiciaire, de mener des enquêtes en s'appuyant non pas sur le code de procédure pénale, mais sur le code des douanes.

Mais ce service se caractérise par le fait qu'il ne peut être saisi que par un magistrat : autrement dit, lorsqu'il enquête sur une affaire donnée, dans le cadre qui lui a été fixé lorsqu'il a été saisi, si le service découvre des éléments liés à un autre trafic, comme un trafic de produits dopants greffé sur un réseau écoulant des médicaments contrefaits, il lui faudra l'autorisation préalable du magistrat pour explorer cette nouvelle voie.

Comme l'a souligné Jean-Paul Garcia lors de son audition, ces intervenants peuvent être en concurrence : « L'Office central [l'Oclaesp] est pour nous un partenaire de tous les instants. Nous ne sommes toutefois pas en concurrence avec cet office, qui détient une capacité judiciaire. Très souvent, l'Oclaesp se pose en concurrent du SNDJ dans les affaires que nous avons levées. (...) Toutefois, le service national des douanes judiciaires présente la caractéristique de devoir être saisi par un magistrat et de ne pas pouvoir s'autosaisir » 396 ( * ) .

La juxtaposition de services aux compétences et aux moyens différents, n'intervenant pas sur les mêmes aspects d'un problème donné et abordant la question du dopage sous un angle pouvant être très différent d'un service à l'autre, entraîne naturellement le risque d'un fonctionnement en « tuyaux d'orgue », chacun travaillant sans se préoccuper de l'action des services voisins, entraînant des contradictions et une certaine perte d'efficacité.

b) Des services poursuivant des objectifs différents et parfois contradictoires

Les structures en charge de la lutte contre le dopage poursuivent naturellement des objectifs différents , selon l'importance accordée à la lutte contre le dopage, qui n'est jamais qu'une attribution parmi d'autres pour les services répressifs - y compris pour l'Oclaesp -, et selon l'angle abordé, qui est disciplinaire pour l'AFLD ou les fédérations sportives.

Les objectifs ne sont pas les mêmes en fonction des sanctions infligées : les fédérations sportives par exemple, ou l'Agence française de la lutte contre le dopage, luttent contre les pratiques dopantes en sanctionnant administrativement et disciplinairement les sportifs. Elles ne sont qu'indirectement intéressées par la répression du trafic de produits dopants. À l'inverse, les services répressifs s'intéressent quasi exclusivement aux questions de trafics, et moins à l'usage de produits dopants par le sportif en raison, d'une part, de l'absence de pénalisation de l'usage de produits dopants, d'autre part, parce qu'il est plus efficace de réprimer le trafic en amont. En l'absence de pénalisation de l'usage, essayer de remonter le trafic à partir du sportif « usager » de produits dopants est très difficile. Les stratégies sont donc naturellement différentes, comme le sont les objectifs : l'AFLD peut ainsi chercher à sanctionner les sportifs sans s'inscrire dans un cadre plus large de lutte contre les trafics, et les services répressifs préféreront parfois ne pas dénoncer un sportif, afin de remonter le réseau.

Certains acteurs peuvent aussi se focaliser sur leurs seules attributions et négliger de transmettre les informations, inutilisables pour eux mais utiles pour d'autres acteurs : comme le souligne lors de son audition Michel Rieu, professeur et conseiller scientifique de l'Agence française de lutte contre le dopage, l'AFLD qui disposait d'éléments importants transmis par l'Usada dans l'affaire Ciprelli-Longo ne les a apparemment pas transmis en temps à l'Oclaesp : « en revanche, je crois savoir que cette affaire avait déjà au moins un an d'existence au moment de sa révélation. Je pense que l'Usada avait fourni des informations à l'AFLD qui auraient peut-être pu permettre de lancer l'opération un peu plus tôt et d'alimenter une enquête. Cela ne semble pas avoir été totalement le cas. J'ai cru comprendre que l'AFLD avait considéré que l'affaire était trop ancienne pour pouvoir faire l'objet d'un recours disciplinaire au sens où l'Agence l'entend et qu'elle avait gardé en son sein les documents communiqués par l'Usada. C'est dommage, car même si l'Agence ne pouvait instruire l'affaire elle-même, elle aurait pu alerter les forces de l'ordre » 397 ( * ) .

Force est de reconnaître qu'une telle coopération est particulièrement nécessaire, notamment au vu de l'intérêt des documents transmis par l'Usada.

Lors de son audition, Daniel Delegove a bien illustré cette divergence qui pouvait exister entre ces différents organes en rappelant qu'en sanctionnant lourdement les cyclistes qui avaient admis s'être dopés, la Fédération internationale de cyclisme n'a pas permis d'aider à briser la loi du silence, alors que les aveux auraient peut-être permis de trouver d'autres responsabilités, ou de remonter des réseaux : « Je reproche d'ailleurs aux instances du cyclisme d'avoir pénalisé sportivement chaque personne qui brisait la loi du silence alors que nous devrions plutôt nous inspirer de la technique de l'Usada » 398 ( * ) .

L'Usada a en effet protégé les sportifs qui avaient fait les aveux permettant de confondre Armstrong et son équipe.

Ces objectifs peuvent aussi entrer en conflit : les services répressifs ont parfois intérêt à ne pas dénoncer un sportif qui aurait fait usage d'un produit dopant, si ce dernier est éventuellement enclin à donner des informations utiles sur les contacts qui l'ont approvisionné. En ce qui concerne l'AFLD, s'il existe une obligation de dénoncer tout fait porté à sa connaissance ayant la caractéristique d'une infraction pénale (en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale), rien ne l'oblige en revanche à alléger une sanction disciplinaire en échange des informations données par le sportif sur le réseau ou sur les personnes l'ayant aidé à monter un protocole de dopage .

Au sein des services répressifs eux-mêmes, et au sein de la douane, la question du dopage peut faire l'objet d'un suivi plus ou moins approfondi.

À titre préliminaire, pour les services répressifs comme pour les douanes, qui s'occupent de dopage parmi d'autres attributions, la lutte contre le dopage n'est jamais considérée comme étant une priorité .

Jean-Paul Garcia le reconnait bien volontiers lors de son audition : « en conclusion, les produits dopants ne sont pas, pour nous, une cible ministérielle - je répugne à le reconnaître. Cela signifie que les efforts que nous faisons ne sont pas à la hauteur de ce que nous faisons sur les produits stupéfiants, le tabac ou la contrefaçon. Néanmoins, c'est un sujet important pour nous ; nous avons créé, il y a quelques années, au sein de la direction du renseignement douanier, un observatoire du médicament dont une partie du temps est consacrée à appréhender le problème des produits dopants. Il est à l'origine de partenariats en Europe et à travers le monde, nous permettant de mieux suivre les filières et les réseaux qui, pour nous, existent assurément » 399 ( * ) .

Précisons cependant que certaines fédérations sportives - dont les objectifs peuvent assez différents de ceux des services répressifs - sont en contact avec l'Oclaesp, comme l'a souligné Bernard Amsalem lors de son audition 400 ( * ) .

Pour l'Oclaesp lui-même, le dopage ne constitue cependant qu'une de ses missions, parmi d'autres, certaines de ces missions pouvant être plus prioritaires que la lutte contre le dopage, comme les missions que l'Office assure en matière d'environnement ou en matière de santé au sens large du terme.

D'une manière générale, Houlihan et Garcia, dans leur rapport précité 401 ( * ) , identifient parmi les facteurs d'application de la réglementation concernant les substances dopantes l a faible priorité donnée à la lutte contre le dopage , outre des peines infligées trop faibles et un manque de connaissance de la question ou d'échange d'informations entre les services répressifs 402 ( * ) .

2. L'impérieuse nécessité de mieux coordonner les structures qui luttent contre le dopage
a) Conforter le rôle de l'Oclaesp comme interface entre les différents acteurs
(1) L'Oclaesp, organe de la centralisation de l'information

Dans l'étude précitée de Barrie Houlihan et de Borja Garcia, dans la réponse au questionnaire invitant à relever d'éventuelles difficultés rencontrées dans la lutte contre le trafic de produits dopants, la France souligne expressément qu'il existe « de nombreuses difficultés dans les échanges d'informations entre autorités concernées » 403 ( * ) .

La qualité de la collaboration et des échanges d'informations entre les services sont pourtant une condition directe de la réussite des opérations de lutte contre les trafics, comme l'a rappelé Marie-George Buffet : « En 1998, lors du Tour de France, ce qui a déclenché toute l'affaire, c'est la collaboration avec d'autres services. Nous avions mis en place des cellules régionales avec les douanes, la santé, la jeunesse et les sports, afin d'essayer d'agir par d'autres biais. Je pense que l'on a aujourd'hui les moyens de poursuivre quelqu'un qui fait le trafic, recèle ou vend des produits illicites. On peut également être poursuivi pour pratiques illégales de la médecine, même si certains procès sont très longs à venir, comme en Espagne » 404 ( * ) .

Du point de vue des juridictions, Daniel Delegove a souligné l'importance de l'information pour pouvoir commencer une enquête : « Il s'agit davantage d'un manque d'informations qui empêche de démarrer les enquêtes . Nous ne pouvons que connaître l'existence de ce dopage massif mais nous ne disposons pas de moyens nécessaires à l'obtention de résultats sans enquête. Voilà pourquoi les méthodes de l'Usada me semblent plus efficaces. Sans pratiquer une seule analyse ni saisir un seul produit dopant, l'agence américaine a obtenu des résultats probants » 405 ( * ) .

Pourtant, au fil des auditions menées, il apparaît bien que la coordination entre les multiples services chargés de lutter contre le dopage est aujourd'hui largement perfectible.

Jean-Pierre Bourely remarque aussi que d'une manière générale, « nous disposons dans tous les domaines, depuis la prévention de la lutte contre le dopage, dont le ministère est responsable depuis la loi du 5 avril 2006, jusqu'à la lutte contre les trafics de produits dopants, des marges importantes de progression » 406 ( * ) .

Ce constat est partagé par la quasi-totalité des instances de lutte qui l'ont relevé pratiquement systématiquement : Bruno Genevois souligne ainsi que « nous pourrions utiliser mieux les instruments existants. D'abord, en échangeant davantage d'informations entre acteurs de la lutte contre le dopage, comme le prévoit l'article L. 232-20 du code du sport. L'AFLD devrait en particulier coopérer mieux avec la police, la gendarmerie et les douanes, ce qui pourrait se faire si l'on redonnait vie aux commissions créées par un décret de juin 2003 » 407 ( * ) .

Entendu par la commission d'enquête, Michel Rieu a ainsi réaffirmé qu'« il faut des liens très étroits avec les autorités publiques chargées de lutter contre les trafics de produits dopants » 408 ( * ) .

Lors de son audition, Françoise Lasne, a fait observer également que le manque de communication existant entre le laboratoire et les services des douanes ou de la police est dommageable , dans la mesure où les saisies aident à faire progresser la recherche sur les produits dopants : « Les publications scientifiques du laboratoire de Cologne expliquent que c'est souvent à la suite de saisie des douanes ou d'autorités policières qu'ils ont eu connaissance de nouveaux produits pouvant être utilisés dans le cadre du dopage. Il ne s'agit pas de médicaments. Je souhaiterais que l'on puisse parvenir à la même chose en France et que le laboratoire puisse bénéficier des saisies » 409 ( * ) .

Ce manque d'informations entre le laboratoire d'analyses et les services des douanes et de la police n'est pas propre à la France. À l'occasion du déplacement en Suisse, le laboratoire suisse a rappelé ainsi que « de nombreuses informations sont détenues par chacun des acteurs de la lutte antidopage (AMA, fédérations, CIO, police, douanes) mais il n'existe aucune véritable plateforme d'échanges d'informations ».

Au regard du renouvellement permanent des substances ou des méthodes, il apparaît en effet essentiel de systématiser les transmissions d'échantillons saisis de produits dopants ou suspectés de l'être vers le département d'analyses de l'AFLD aux fins d'analyses ou pour enrichir les bases de données du laboratoire.

Or, il existe bien une base juridique permettant ce partage d'informations entre les différents acteurs : l'article L. 232-20 du code du sport qui dispose que « les agents des douanes, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les agents relevant du ministre chargé des sports, les agents de l'administration des impôts et les agents de l'Agence française de lutte contre le dopage, les officiers et agents de police judiciaire sont habilités à se communiquer entre eux tous renseignements obtenus dans l'accomplissement de leur mission respective et relatifs aux substances et procédés mentionnés à l'article L. 232-9, à leur emploi et à leur mise en circulation dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret ».

La base juridique de l'article L. 232-20 du code du sport permet donc déjà des échanges entre les agents des douanes, ceux de l'AFLD, de la police judiciaire ou ceux du ministère ses sports ou encore ceux de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

En ce qui concerne les saisies de produits dopants, l'article L. 232-20 du code du sport pourrait prévoir une obligation à la charge des services effectuant des saisies de produits dopants ou suspectés de l'être de transmettre un échantillon pour analyse à l'AFLD .

Proposition n° 54 Systématiser la transmission au département d'analyses de l'AFLD d'un échantillon
de produits dopants ou suspectés de l'être lorsqu'ils sont saisis par les services douaniers ou tout autre service répressif

Le décret n° 2003-581 du 27 juin 2003 relatif à la transmission d'informations entre administrations dans le cadre de la lutte contre les trafics de produits dopants, qui précisait ces dispositions, a été abrogé en 2007 par le décret n° 2007-1133 du 24 juillet 2007 relatif aux dispositions réglementaires du code du sport sans que les dispositions n'aient été codifiées dans le code du sport 410 ( * ) .

Dès lors, en l'absence du décret d'application de l'article L. 232-20 du code du sport, toujours en projet, la transmission des informations entre ces agents n'est, dans les faits, pas effective.

La collaboration entre les services des douanes intervenant sur la question, la DNRED et le SNDJ apparaît bien fonctionner , d'autant que l'action de ces deux services est complémentaire - la DNRED intervenant dans le cadre du code des douanes et de codes spécifiques, le SNDJ sur le fondement du code de procédure pénale - et qu'ils ne disposent pas de la même marge de manoeuvre : « le Service national de la douane judiciaire (SNDJ) n'appartient pas à la DNRED. Toutefois, depuis octobre, il en partage les locaux, à Ivry, dans un immeuble que nous avons étrenné le 31 octobre dernier. Le SNDJ est à la fois notre voisin et notre partenaire. La DNRED n'agit que sur le fondement du code des douanes et de certains autres codes, à l'exclusion du code de procédure pénale. Le SNDJ, composé d'agents que nous appelons officiers des douanes judiciaires, qui sont en réalité des officiers de police judiciaire (OPJ), n'agit que sur le fondement du code de procédure pénale. De la même façon, alors que DNRED est toujours en position infrajudiciaire ou ajudiciaire et utilise ce pouvoir de transaction prévu par le code des douanes, le SNDJ ne peut être saisi que par un magistrat et ne dispose d'aucune faculté d'autosaisine. Il existe donc une collaboration naturelle entre la DNRED et le SNDJ » 411 ( * ) .

La collaboration entre les services répressifs semble cependant perfectible ; les contacts entre l'Oclaesp et les autres Offices qui pourraient avoir pourtant connaissance d'éléments liés au dopage comme l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) ou l'OCLCTIC ne semblent pas développés. La collaboration avec les douanes ne semble pas davantage être très poussée ; aucune convention n'existe par exemple entre l'Oclaesp et les douanes en matière de lutte contre les produits dopants.

La solution d'un Office central semble pourtant bien être une solution adéquate. Lorsqu'une problématique est au carrefour de plusieurs administrations, il est certain qu'un office spécifique dédié à cette question permettra de mieux traiter le problème que ne le feraient différents services dispersés. Un office permet en effet d'agir de manière interministérielle, et l'Oclaesp comporte en effet un fonctionnaire du ministère des sports, un fonctionnaire de police, adjoint du responsable de l'office, et divers techniciens. Enfin, la relative autonomie, la visibilité de l'office participent aussi de l'efficacité de l'action sur la problématique considérée.

Les difficultés de l'Oclaesp ne relèvent en effet pas d'un manque de moyens, bien que la question ait été parfois évoquée, comme Stéphane Mandard a pu le dire lors de son audition : « Je pense donc qu'il faut renforcer les pouvoirs de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp), qui a compétence sur les affaires de dopage, mais dont les moyens me semblent limités » 412 ( * ) . Mais l'augmentation de l'effectif de l'office pour le porter de cinquante-cinq à soixante-dix personnes en 2013, dont votre rapporteur se félicite, contredit cette approche.

Il semble que les difficultés de l'Oclaesp résident davantage dans le fait qu'il n'est pas systématiquement destinataire de toutes les informations relatives au dopage collectées par tous les autres services .

Dès lors, il apparaît essentiel de systématiser la transmission d'informations relatives à toutes les affaires impliquant des faits de dopage à l'Oclaesp, par le biais de conventions par exemple passées au nom de la gendarmerie, pour le compte de l'Oclaesp, selon le même modèle que celle existant entre l'AFLD et la Gendarmerie. Toutefois, en raison de la faible effectivité de la convention existante, la réunion des points de contact des différentes structures pourrait faire l'objet d'une périodicité fixée dans la convention et non pas être mobilisé dans la seule éventualité d'informations à partager.

La nature des informations , les sujets et le degré de détail doivent être précisés dans les conventions afin de ne pas faire de ces conventions des éléments purement formels. La nature confidentielle de certaines données impliquera aussi de préciser dans ces conventions des protocoles pour garder le secret sur tel ou tel sujet.

Proposition n° 55 Préciser à l'article L. 232-20 du code du sport que les informations
impliquant des faits de dopage sont systématiquement portées à la connaissance
de l'Oclaesp et que la communication des informations relatives aux faits de dopage
est formalisée par une convention entre chacun des acteurs

(2) Conforter l'Oclaesp dans son rôle de pourvoyeur d'informations vers les autres structures

L'Oclaesp ne doit pas être considéré comme un simple point d'arrivée mais bien comme une interface ; il peut aussi, à l'image de son homologue australienne, transmettre les éléments qu'il a collectés, afin d'aider l'AFLD ou les fédérations sportives à cibler des contrôles.

À ce titre, il pourrait être également efficace pour la circulation de l'information de rendre l'AFLD systématiquement destinataire de tous les procès-verbaux d'audition de personnes soupçonnées d'avoir commis un des délits prévus par les articles L. 232-9, L. 232-10, L. 232-25 et L. 232-26 du code du sport , la loi pouvant créer des dérogations au principe du secret de l'instruction affirmé à l'article 11 du code de procédure pénale.

Proposition n° 56 Prévoir que l'AFLD est destinataire de tous les procès-verbaux de personnes soupçonnées d'avoir commis un des délits prévus par les articles L. 232-9, L. 232-10, L. 232-25 et L. 232-26 du code du sport

Les commissions régionales de lutte contre le trafic de substances ou méthodes dopantes qui devraient être créées prochainement par décret, constitueront le cadre adéquat pour organiser ces échanges d'informations et préciser aussi les problématiques propres à la région.

b) L'AFLD, un soutien nécessaire des acteurs de la lutte pénale
(1) Mieux associer l'AFLD aux investigations et procédures menées par les services habilités à se communiquer des informations

Rappelons que le système de partage des informations entre les différentes autorités, aménagé à l'article L. 232-20 du code du sport permet aux services de la police judiciaire, aux agents des douanes mais aussi aux agents relevant du ministère des sports ou aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de communiquer davantage avec l'AFLD, pour l'informer d'éléments collectés lors d'enquêtes menées.

L'AFLD a donc vocation à être pleinement informée des éléments liés à des infractions pénales commises en matière de dopage.

Là encore, l'absence du décret d'application de cet article est un obstacle à la pleine efficacité de cette disposition pourtant essentielle.

(2) Prévoir la possibilité pour l'AFLD de moduler les sanctions administratives en fonction des éléments transmis par le sportif

Lors du déplacement en Suisse, l'AMA a reconnu qu'« au plan international, l'AFLD ne fait plus partie des agences de tête car elle apparaît à la traîne sur le développement et le traitement des preuves non analytiques » 413 ( * ) .

Si elle ne bénéficie pas de la capacité de sanctionner pénalement les faits de dopage, l'AFLD est une pièce maîtresse dans le dispositif compliqué de répression pénale des faits de dopage. En effet, elle dispose d'une capacité de collecte de renseignement essentielle , aussi bien en raison des contrôles qu'elle effectue que par son statut d'autorité administrative indépendante. La présence d'un laboratoire d'analyses en France est enfin un élément essentiel pour orienter les contrôles des services répressifs.

L'intervention de l'AFLD, très en aval, est aussi un ultime « filet » ; elle permet de sanctionner les sportifs quand, en amont, les services répressifs n'ont pas réussi à démanteler ou à détecter un trafic.

Mais, dans la mesure où l'AFLD a pour tâche essentielle de lutter contre le dopage par le bais de sanctions disciplinaires à l'encontre de sportifs ayant utilisé des substances dopantes, sa sensibilité relative aux questions de trafics de produits dopants peut difficilement lui être reprochée, dans la mesure où, à l'exception des questions d'échanges d'informations, elle ne peut pas véritablement intervenir dans le sujet.

Pour faire converger les intérêts des organismes répressifs et de l'AFLD, il y a tout d'abord la possibilité de concrétiser cette coopération par le biais d'une convention entre l'AFLD et les autres services, mais l'exemple actuel montre qu'une telle solution dépend en réalité de facteurs sur lesquels l'action ne peut être que progressive, en particulier la disponibilité et le volontarisme des services pour coopérer.

Une autre solution peut consister à impliquer davantage l'AFLD dans le système, en l'incitant à moduler les sanctions qu'elle prononce en fonction du degré de coopération du sportif contrôlé (voir supra ).

Il s'agit de moduler une sanction disciplinaire en fonction des éléments que le sportif pourra apporter, susceptibles de faire l'objet d'une enquête pénale , concernant par exemple son fournisseur de produits dopants, les membres de l'équipe ayant monté le système de dopage. Cette modulation de la sanction administrative permettrait de surmonter la difficulté posée par l'impossibilité évoquée dans la première partie de pénaliser l'usage de produits dopants. Ce système permettrait aussi de trouver un point de contact entre l'infraction pénale - de trafic de produits dopants par exemple, ou de détention d'un produit interdit par le sportif - et la sanction disciplinaire prononcée pour usage de produits dopants. Car l'actuelle séparation des deux domaines a eu aussi pour effet de séparer progressivement les instances s'occupant de ces deux domaines.

Cette modulation des sanctions, qui resterait une prérogative de l'Agence - qui pourrait ainsi souverainement décider que les éléments donnés ne justifient pas une telle modulation -, a été expérimentée avec succès par une autre autorité administrative indépendante, l'Autorité de la concurrence. Dans le domaine de la concurrence, l'existence de cartels est relativement difficile à prouver et les entreprises impliquées peuvent craindre les sanctions pécuniaires encourues en cas de révélation de telles pratiques. En matière de dopage et de trafic de produits dopants, la pression sur le sportif qui se livre à la révélation de telles pratiques est également très forte : cette importance de l'« omerta », jusqu'au plus haut niveau, qui entoure le dopage a été précédemment développée 414 ( * ) .

La modulation ou la diminution de la sanction administrative pourrait dans un premier temps n'être applicable qu'aux amendes infligées ou ne pas permettre de diminuer la sanction disciplinaire en dessous d'un plancher , pour maintenir le principe d'une sanction. Ce dispositif pourrait être créé selon le modèle existant pour l'autorité de la concurrence à l'article L. 464-2 al. IV du code de la concurrence 415 ( * ) .

L'AFLD dispose depuis l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage de la possibilité de prononcer des sanctions pécuniaires , jusqu'à 45 000 euros contre les sportifs dopés (article L. 232-23). La possibilité de moduler les seules sanctions pécuniaires éventuellement prononcées par l'Agence devrait être un axe de travail.

En effet, la possibilité accordée à une autorité administrative indépendante d'infliger des amendes est parfois plus efficace qu'une sanction pénale ; ce système permettrait aussi de conduire des investigations qui concerneraient moins des sportifs que des trafiquants, pour lesquels la sanction pénale est cette fois parfaitement justifiée. Cette possibilité de moduler la sanction souligne ainsi que le sportif reste une victime du dopage et que la cible reste bien l'entourage du sportif.

Cette proposition de moduler les sanctions en échange d'une coopération sera une des dispositions du nouveau code mondial antidopage, comme l'a précisé John Fahey, lors de son audition : « les sanctions sportives pourront être réduites et même annulées si un athlète coopère avec les autorités » 416 ( * ) .

Remarquons d'ailleurs que l'Usada a utilisé ce système de modulation des peines pour obtenir des témoignages dans le cadre de l'affaire Lance Armstrong et que cette technique a été en réalité le seul moyen de découvrir le système de dopage mis en place.

Dans la mesure où comme le souligne Daniel Delegove, dans son audition précitée, il est nécessaire de disposer d'un élément pour lancer l'enquête, cette procédure pourrait permettre de libérer la parole car « les enquêtes judiciaires peuvent être efficaces, mais encore faut-il pouvoir les déclencher » 417 ( * ) . Ce dispositif pourrait constituer « cette incitation plus forte aux confessions » suggérée par Daniel Delegove.

Proposition n° 57 Mettre en place un mécanisme de repentis afin d'améliorer l'efficacité générale
de la lutte contre le dopage

3. La sensibilisation des juridictions à la problématique du dopage
a) Le dopage, un domaine nécessitant un investissement juridique et des connaissances théoriques importantes de la part des juridictions

Au regard des caractéristiques du trafic de produits dopants, de sa rentabilité relativement plus faible que le trafic de drogue, de la technicité de la matière, - comme a pu le souligner Daniel Delegove, lors de son audition 418 ( * ) , qui a insisté sur la complexité des protocoles de dopage dont certains imposaient jusqu'à la prise de douze substances par jour -, l'information des magistrats à propos des pratiques de dopage est un élément essentiel.

Par ailleurs, comme l'a souligné Stéphane Mandard, la question du sport est sensible et l'exemple espagnol du procès Puerto l'illustre bien : « La Guardia Civil, dans l'affaire Puerto, était prête à aller très loin, et c'est le juge d'instruction qui y a mis un frein » 419 ( * ) .

Surtout, au regard des petites quantités concernées, les services enquêteurs doivent mener un travail de longue haleine pour démontrer que les petites quantités et les faibles sommes en cause sont en réalité inscrites dans un processus beaucoup plus large, justifiant les efforts et l'investissement fournis.

Lors de son audition, Jean-Paul Garcia a pu aussi souligner la moindre sensibilité des magistrats aux questions ne relevant pas du code de procédure pénale : « à titre plus général, il est vrai que les offices ont une vocation interministérielle, mais les offices centraux relevant de la police judiciaire travaillent exclusivement pour la police judiciaire, de plus en plus aujourd'hui, du fait de la difficulté que nous avons à intéresser des magistrats du pénal à un autre ordre que le code de procédure pénale. La réelle corrélation qui existe entre les services de police judiciaire - dont les offices, qui dépendent de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) - et la justice fait que nous avons de plus en plus de difficultés à monter de réelles procédures douanières » 420 ( * ) .

Or, comme il le souligne, et c'est particulièrement vrai pour les produits dopants, « beaucoup d'affaires sont abordées selon une procédure douanière ; lorsqu'il y a matière à poursuivre une telle affaire au niveau judiciaire, nous procédons de diverses manières, parfois sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, en appelant l'attention d'un magistrat, qui aura la faculté de saisir le SNDJ. Dans la plupart des cas, nous le lui suggérerons avec tout le tact nécessaire... » 421 ( * ) .

Le service national des douanes judiciaires ne pouvant être saisi que par un procureur, sa mise en action dépend donc étroitement de la sensibilité des magistrats aux questions de dopage.

b) Le rôle sous-utilisé « d'interface avec les institutions » du ministère public

Comme le soulignent Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, en plus de son rôle essentiel dans la chaîne pénale, le procureur est aussi une interface avec les autres administrations : « pour assurer la mise en oeuvre de sa politique pénale mais également pour apporter une vision judiciaire sur des questions d'intérêt général, il est en relation constante avec les administrations de l'État, les élus locaux et diverses institutions publiques ou privées. Lui-même participe à de nombreux organismes ou dispositifs en charge de mettre en oeuvre les politiques publiques, dont il assure parfois la présidence » 422 ( * ) .

Les commissions régionales de lutte contre le dopage 423 ( * ) , remplissaient ce rôle : le représentant de l'État et un représentant du procureur général les présidaient. Ces commissions avaient fait montre de leur efficacité lors de plusieurs affaires.

L'abrogation par le décret n° 2007-1133 du 24 juillet 2007 relatif aux dispositions réglementaires du code du sport des articles créés par le décret 2003-481 du 27 juin 2003 relatif à la transmission d'informations entre administrations dans le cadre de la lutte contre les trafics de produits dopants, qui prévoyait leur création, sans qu'un décret soit depuis venu restaurer ce dispositif, prive de base juridique ces commissions régionales, ou a tout le moins les fragilise, tout en empêchant la création de nouvelles commissions régionales : cela explique leur relative mise en sommeil 424 ( * ) .

Elles n'ont toujours pas fait l'objet de la réactualisation annoncée et aujourd'hui, seules quelques commissions régionales semblent opérationnelles, alors que ces instruments de coordination sont essentiels pour assurer une meilleure lutte de tous les acteurs, et une plus grande sensibilisation des juridictions à la question du dopage.

Outre la consolidation du statut de ces commissions régionales, il est aussi essentiel de prévoir que les éléments collectés à ce niveau fassent l'objet d'une centralisation au sein d'une instance nationale qui pourrait rassembler annuellement les responsables des instances de lutte contre le dopage. Cette instance nationale aurait pour fonctions de favoriser les bonnes pratiques identifiées au sein de telle ou telle commission , d'assurer une diffusion du renseignement , de partager aussi les retours d'expériences . Elle pourrait être chargée aussi de formuler des propositions d'améliorations, par le biais d'un rapport.

En effet, si une instance nationale semble être en projet pour centraliser tous les éléments transmis par ces commissions régionales, comme le souligne la France dans ses réponses aux questionnaires du rapport précité de Barrie Houlihan et de Borja Garcia, le système envisagé apparaît beaucoup trop vague : « un nombre réduit d'administrations peuvent échanger ce type d'informations dans le cadre de commissions régionales de lutte contre le trafic. La création prochaine d'une instance nationale qui aura un rôle d'animation et de coordination de l'action des commissions régionales permettra de renforcer la coopération interministérielle de manière à accroitre l'effectivité globale des actions judiciaires en matière de lutte contre les trafics de substances ou méthodes dopantes » 425 ( * ) .

Proposition n° 58 Créer une instance nationale, composée des responsables des différents acteurs
de la lutte antidopage, chargée d'une mission générale d'analyses des résultats
des différentes commissions régionales

La mise en place d'un procureur à compétence nationale pour les questions de dopage, comme l'a suggéré par exemple Jean-Pierre Verdy 426 ( * ) , soulève des questions théoriques et pratiques très complexes, liées à la mobilisation des moyens nécessaires pour le créer, même en choisissant une formule légère. De plus, un procureur national est un dispositif étranger à la procédure pénale française, dont les spécificités du dopage ne justifient probablement pas la création. Les débats entourant la création d'un procureur national financier illustrent bien les difficultés très fortes qu'il y aurait à proposer ce mécanisme, pour un bénéfice sans doute très mince.

La mise en place d'un véritable procureur auprès de l'AFLD pose un problème difficile, lié à la contradiction insurmontable qu'il y aurait d'avoir un procureur, intégré dans une chaîne hiérarchique, placé auprès d'une instance dont l'indépendance vis-à-vis de l'administration et en premier lieu du Gouvernement est affirmée par son statut. Votre rapporteur a souligné à cet égard sa conception de ce que doit être un procureur antidopage au sein de l'Agence (voir supra , le rôle du président de l'AFLD).

Votre rapporteur considère que le renforcement des commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage est donc préférable à ces solutions . En outre, les phénomènes de trafics de produits dopants sont la plupart du temps des phénomènes plus régionaux que nationaux ; les commissions régionales de lutte contre le dopage, qui associeraient les procureurs généraux, semblent dès lors être l'instance la plus adaptée.

C. UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE À GÉOMÉTRIE VARIABLE

1. La coopération internationale, un facteur clef de la lutte antidopage
a) Une sensibilité variable des pays aux questions de dopage

Par essence transfrontalier, le trafic de produits dopants nécessite une coopération internationale pour en assurer une répression efficace.

Toutefois les États sont très inégalement sensibles à la question du dopage , comme l'a souligné Jean-Paul Garcia lors de son audition : « La sensibilité de nos partenaires à l'égard des produits dopants est assez inégale » 427 ( * ) . En Roumanie, par exemple, les stéroïdes ne sont pas interdits, mais ne peuvent être exportés.

En effet, plusieurs pays admettent que la lutte contre le dopage n'est pas la priorité de leurs services répressifs, à l'instar de l'Australie qui, dans l'étude de Houlihan et de Garcia précitée, observe que le dopage « n'est pas une priorité pour les services » 428 ( * ) .

Pour le directeur de l'AMA, un cadre juridique répressif efficace est pourtant indispensable : « les autorités antidopage (...) ont besoin de cadres juridiques nationaux adaptés, qui autorisent les échanges d'informations entre les douanes, la police, les fédérations sportives et les agences antidopage. Si les gouvernements comprennent l'importance d'adopter de telles lois, alors je serai optimiste pour l'avenir » 429 ( * ) .

Ainsi, Ronald K. Noble, secrétaire général d'Interpol souligne-t-il que « le système d'informations criminelles d'Interpol contient un nombre considérable de données sur le trafic international de drogues. Chaque année, plus de 35 000 messages sont échangés entre les services de police de nos pays membres sur ce seul sujet. Des détails à propos de suspects, de types de recels et de saisies sont échangés chaque jour; mais, parmi ces milliers de messages, moins de vingt sont liés à des cas de dopage. Ceci semble indiquer que le trafic de substances dopantes n'est pas un domaine prioritaire pour les pays membres d'Interpol . Mais ceci indique également que l'infrastructure existe, et que là où le soutien est présent, la communauté chargée de l'application de la loi peut partager les détails liés à des enquêtes et le fait » 430 ( * ) .

La coopération des pays membres avec Interpol - dont le rôle est de faire circuler les informations et de partager les expériences pour permettre aux États de mieux combattre le trafic de produits dopants - reste très variable selon les pays, comme le souligne le rapport Houlihan et Garcia précité 431 ( * ) .

À la seule échelle des États composant l'Union européenne, on constate que très peu d'États transmettent à Interpol les statistiques liées aux condamnations pour trafic de produits dopants et que l'organisme chargé de le faire n'est identifié que dans très peu de cas.

Pays
(Seuls les pays de l'Union européenne sont pris en compte dans ce tableau)

Transmission à Interpol
de statistiques concernant les procédures
et les condamnations pour la production,
le mouvement, la distribution
et l'approvisionnement en produits dopants

Organisme
chargé de la transmission

Chypre

Non

Danemark

Non

France

Oui

Oclaesp via le bureau central national

Hongrie

Non

Italie

Oui

Forces de police

Portugal

Oui

Forces de police

Roumanie

Non

Espagne

Non

Suède

Non

Grèce

?

Luxembourg

Non

Belgique

variable

Finlande

Non

Lettonie

Non

Lituanie

Non

Slovaquie

Non

Irlande

Oui

Irish Medecine board

Source : Barrie Houlihan, Borja Garcia, The use of legislation un relation to controlling the production, movement, importation, distribution and supply of performance-enhancing drugs in sport (PEDS) ,
Institute of Sport and Leisure Policy, Loughborrough University, Aug. 2012

Cette relative difficulté à identifier les contacts entre les autorités nationales en charge de la lutte contre le dopage et Interpol se retrouve dans les relations entre les instances policières et douanières nationales, qui peuvent être relativement compliquées, comme l'a souligné Jean-Paul Garcia : « je vous rejoins (...) sur la nécessité de développer nos contacts avec l'étranger. (...) Autant nous n'avons pas de difficultés à travailler avec les Anglais sur les stupéfiants ou le tabac - avec toute la diplomatie et la ruse nécessaires - autant nous avons beaucoup d'aisance à travailler avec la police, la douane et la garde civile espagnoles sur les stupéfiants ou sur le tabac, autant les choses sont fort différentes pour ce qui est des produits dopants . Il est en effet nécessaire de trouver le bon interlocuteur, ceux-ci ne se bousculant pas. Dans les deux cas que je prends, nous n'avons eu aucun contact utile à proprement parler avec les autorités britanniques ! En revanche, nous en avons eu avec les laboratoires et les instances installées en Grande-Bretagne en matière de médicaments dopants. En Espagne, le bon interlocuteur est plutôt le ministère de la santé, la police étant assez réticente à travailler à l'échelon international sur les affaires de dopage. Il en va ainsi à peu près partout. Nous travaillons cependant fort bien avec la douane allemande ou la police suisse sur les produits dopants, mais plus difficilement que sur d'autres sujets » 432 ( * ) .

Or, la coopération douanière entre les pays est une des conditions - clefs de l'efficacité de la lutte contre les trafics de produits dopants.

Proposition n° 59 Suggérer à l'AMA de recommander aux membres de communiquer le point de contact en charge de la répression pénale du dopage au niveau national

b) Le trafic de produits dopants, un axe non prioritaire d'Interpol

Au sein même d'Interpol, le trafic de produits dopants n'est pas une priorité, comme le constate Jean-François Lamour lors de son audition : « On doit également renforcer la lutte en matière de trafic de produits dopants. En dehors de quelques prises réalisées par Interpol, peu de trafics ont été mis à jour. Je reconnais qu'Interpol est aujourd'hui focalisé sur la lutte antiterroriste et sur les trafics de drogue, mais il me semble important que ces entités internationales travaillent de façon plus marquée sur le trafic de produits dopants » 433 ( * ) .

Mentionnons toutefois des opérations internationales, menées sous l'égide d'Interpol ciblant spécifiquement les produits des ventes illégales de médicaments sur Internet : les opérations Pangea . Elles ne concernent toutefois qu'indirectement les produits dopants ; surtout, le bilan de celles-ci, qui se tiennent depuis 2008, ne distinguent pas les saisies de produits dopants. La simple mention de la quantité de produits reconnus comme dopants, tout comme les avoirs ou le nombre de sites internet désactivés liés au trafic de produits dopants pourraient être très instructives, d'autant que six ans après son lancement, ces opérations concernent une centaine de membres d'Interpol.

Bilan de l'opération PANGEA V (25 Sept. - 2 Oct. 2012)

Nombre de pays participants : 100.

3,75 millions de pilules illicites-contrefaites saisies, d'une valeur estimée à 10,5 millions de dollars ;

Plus de 18 000 sites web désactivés.

Près de 133 000 colis-paquets inspectés par les douanes ou les forces de police, dont 6 700 confisqués.

80 individus poursuivis ou arrêtés pour diverses infractions comme la gestion d'un laboratoire clandestin produisant des médicaments contrefaits ou illégaux, appartenance à un groupe criminel vendant des médicaments contrefaits ou illégaux en ligne, responsables de sites Internet vendant des médicaments contrefaits ou illégaux.

L'AMA ayant signé avec Interpol un protocole d'accord, le 2 février 2009, afin d'améliorer la circulation de l'information entre les pays membres, il semblerait logique que l e détail des saisies de produits dopants réalisées lors des opérations Pangea apparaissent dans les bilans .

Comme le souligne Jean-Paul Garcia, les bases de la coopération internationale sont posées, mais l'effectivité du dispositif dépend largement de l'implication des partenaires : « dans un tel système international, c'est par un réseau étroit de liens avec des services étrangers que nous allons pouvoir anticiper et attendre la marchandise. Aujourd'hui, les bases de ce système sont posées mais le système est perfectible , la sensibilité aux produits dopants étant relativement inégale chez nos partenaires » 434 ( * ) .

c) La mise en place en France d'un cadre juridique efficace pour coopérer

La France dispose d'une législation permettant les échanges d'informations avec les autres autorités nationales.

L'article L. 232-20-1 dispose en effet que « l'Agence française de lutte contre le dopage est habilitée à recevoir de la part d'un organisme reconnu par l'Agence mondiale antidopage et disposant de compétences analogues aux siennes des informations de la nature de celles mentionnées au premier alinéa de l'article L. 232-20 et à lui communiquer de telles informations ».

Cette disposition a été introduite par la loi n° 2012-158 du 1 er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs. L'AFLD, dans sa délibération n° 176 du 26 mai 2011, avait en effet recommandé de compléter en ce sens l'article L. 232-20 du code du sport.

Sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, l'Oclaesp peut transmettre des informations couvertes par le secret de l'enquête à l'AMA ; l'Oclaesp reste bien sûr libre de transmettre aussi toutes les informations qui ne seraient pas couvertes par ce secret.

Précisons aussi que les dispositions des articles 695-9-31 à 695-9-49 du code de procédure pénale permettent des échanges directs d'informations des forces de police et des douanes entre les pays de l'Union européenne ainsi que de l'espace Schengen, via le système d'information Europol.

Enfin, l'insertion d'un officier de liaison à Interpol depuis 2009 permet aussi de faciliter la coopération entre la France et Interpol.

2. La prise en compte progressive de la question de la lutte contre le dopage par l'Union européenne
a) La mise en place d'une instance européenne spécialement dédiée au dopage : une solution écartée par votre rapporteur

Le cadre actuel de lutte contre le dopage apparaît relativement complet ; la création d'une structure européenne de lutte contre le dopage, comme cela a pu être suggéré par certaines personnalités entendues, constituerait plutôt un facteur de brouillage des compétences en matière de dopage. Comme le souligne en effet Jean-Pierre Bourely, « ce serait un élément de complexité qui pourrait déséquilibrer la construction actuelle, altérant l'efficacité globale du système en cours de construction » 435 ( * ) .

Ajoutons d'ailleurs que l'Office européen de police (Europol) - qui a pour mission de « soutenir l'action des services répressifs nationaux et leur coopération mutuelle aux fins de la prévention des formes graves de criminalité et du terrorisme et de la lutte contre ces phénomènes [et de faciliter] l'échange d'informations entre les autorités répressives des États membres et [de fournir] des analyses de la criminalité afin d'aider les forces de police nationales à mener des enquêtes transfrontières » 436 ( * ) - remplit déjà cet objectif, sans qu'il soit nécessaire de créer une structure supplémentaire.

b) L'existence depuis le Traité de Lisbonne d'instruments permettant une action efficace

L'Union européenne n'a que très récemment marqué son intérêt pour les questions liées au sport en général et au dopage en particulier.

Ainsi, dans ses conclusions lors du Conseil européen de Nice, des 7, 8 et 9 décembre 2000, les « fonctions sociales du sport » ont été soulignées, ainsi que la nécessité de préserver les sportifs du dopage, tout en constatant que la Communauté n'a pas de compétences directes dans ce domaine 437 ( * ) .

Le Livre blanc sur le sport 438 ( * ) présenté en 2007 par la Commission européenne est quant à lui présenté comme « la première initiative prise par la commission pour traiter de manière approfondie les problèmes liés au sport ».

Dans ce document, la Commission européenne souligne la nécessité de « s'unir pour lutter contre le dopage dans le sport » 439 ( * ) ; elle recommande de faciliter les échanges d'informations en la matière entre les différentes structures en charge de la lutte ; elle propose aussi « que le trafic de substances dopantes illégales soit traité de la même manière que le trafic de drogues illégales dans l'ensemble de l'Union européenne » 440 ( * ) .

Dès lors, le cadre existant dans l'Union européenne reste aujourd'hui encore très parcellaire. Dans le rapport précité de Houlihan et de Garcia, précitée 441 ( * ) , la France a souligné que l'absence d'harmonisation minimale des législations nationales en la matière posait une grande difficulté pour lutter contre ces trafics . Une des personnes auditionnée par votre commission a ainsi rappelé que dans une affaire impliquant deux pays membres de l'Union européenne, seule une partie d'un trafic a pu être démantelée, en raison d'un cadre juridique inadéquat dans l'un des pays.

Dans le rapport d'information n° 379, fait au nom de la commission des affaires européennes, sur l'Union européenne et le sport professionnel 442 ( * ) , votre président Jean-François Humbert souligne comment les différences de législation en matière de dopage, - déjà fortes à la seule échelle de l'Union européenne - constituent des freins importants à une lutte efficace contre le dopage : « cette différence d'approche n'est pas sans nuire à l'efficacité de la lutte contre un phénomène souvent transfrontalier. L'Union européenne se doit d'être un cadre pour une plus grande convergence des plans nationaux de lutte contre le dopage » 443 ( * ) .

Toutefois, c'est véritablement depuis le Traité de Lisbonne que l'Union européenne obtient un rôle de soutien du sport puisque l'article 65 al. 1 er du Traité de Lisbonne dispose que « l'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat, ainsi que de sa fonction sociale et éducative ». Précisons qu'en la matière, l'Union ne dispose que d'un rôle de soutien et de promotion du sport , sans pouvoir entreprendre une harmonisation des législations nationales dans le domaine du sport.

Dès lors, ce processus est encore à l'ébauche au sein de l'Union européenne.

Toutefois, comme le suggère votre président dans son rapport précité, en vertu de l'article 83 du Traité de Lisbonne, des directives d'harmonisation en matière pénale peuvent être adoptées ; elles pourraient être l'occasion de préciser des principes communs pour les infractions pénales les plus consensuelles en matière de dopage : le trafic de produits stupéfiants, par exemple mais aussi à terme le délit de détention d'un produit dopant ou encore le délit d'administration d'une substance dopante.

Là encore, les instruments juridiques existent ; outre leur caractère récent, ils nécessitent aussi la volonté politique de les mobiliser en faveur d'une lutte plus efficace contre le dopage.

Proposition n° 60 Encourager l'adoption par l'Union européenne de directives d'harmonisation en matière de lutte contre le trafic de produits dopants

CONCLUSION : UN COMBAT PROTÉIFORME

Les soixante propositions formulées par la commission d'enquête ne seront pas mises en oeuvre dans l'année. Écrire la loi exige du temps et du dialogue.

Néanmoins, votre rapporteur considère que la plupart des recommandations de nature législative pourraient être rapidement adoptées. Elles ont en effet pour caractéristique d'être précises, réalistes et applicables à budget constant .

En outre, un projet de loi-cadre sur le sport devrait être adopté en Conseil des ministres à la fin de l'année 2013 et débattu au premier semestre 2014 dans les enceintes parlementaires. Il devrait contenir une partie relative à la lutte contre le dopage et votre rapporteur a bon espoir que le présent rapport inspire le chapitre du futur texte relatif à cette problématique.

En tout état de cause, il est convaincu que les vingt et un membres de la commission d'enquête sauront porter des amendements issus d'un rapport qu'ils ont approuvé à l'unanimité, voire, si le projet de loi faisait défaut, déposer une proposition de texte reprenant l'ensemble de leurs préconisations.

La lutte contre le dopage a toujours fait l'objet d'un large consensus parmi les parlementaires français. Si les textes ont été régulièrement modifiés, ce n'était jamais pour opérer des revirements dans cette politique publique, mais bien pour accompagner les pratiques, se conformer aux dispositions du code mondial antidopage, et améliorer sans cesse notre arsenal réglementaire.

L'originalité de ce rapport est probablement d' englober l'ensemble des disciplines sportives et des problématiques : la prévention du dopage, la lutte menée par les fédérations sportives et l'agence française, et le combat mené contre les trafics. Votre rapporteur estime que cette exhaustivité est la garante d'un renforcement de l'efficacité de la lutte contre le dopage, qui doit être aussi protéiforme que le phénomène qu'elle combat .

La commission d'enquête a également fait le choix d'élargir sa vision au-delà des seuls « sportifs » au sens du code du sport , afin d'intégrer dans le cadre de la lutte des pratiquants d'une activité physique qui ne disposent pas de licence dans une fédération, mais qui sont susceptibles d'avoir une pratique dopante néfaste pour la santé et d'entretenir le trafic de produits.

Cette démarche est liée au double enjeu sur lequel votre rapporteur a insisté à plusieurs reprises : l'éthique , d'une part, qui doit préserver les valeurs du sport, et la santé publique , d'autre part, problématique que le sport, quel que soit le statut de ceux qui le pratiquent, a pour objectif de promouvoir.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 juillet 2013, sous la présidence de M. Jean-François Humbert, président, la commission d'enquête examine le rapport de M. Jean-Jacques Lozach sur l'efficacité de la lutte contre le dopage .

M. Jean-François Humbert , président . - En préambule, il est de tradition pour les commissions d'enquête de donner lecture de la lettre qui nous est adressée par M. le Président du Sénat avant l'examen du rapport :

« À l'approche de la date de publication du rapport de la commission d'enquête que vous présidez, je souhaiterais appeler particulièrement votre attention sur les procédures définies par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

« Aux termes du cinquième alinéa de cet article 6, la mission de cette commission prend fin par le dépôt de son rapport.

« Je vous rappelle qu'il convient que chaque commissaire puisse être en mesure de disposer du temps nécessaire à la consultation du projet de rapport de la commission dans la semaine précédant la séance au cours de laquelle la commission adoptera ledit rapport.

« En vertu de l'Instruction générale du Bureau, le dépôt du rapport fait l'objet d'une publication au Journal officiel ; si aucune demande de constitution du Sénat en comité secret n'est formulée dans un délai de six jours nets à compter de cette publication, le rapport est immédiatement publié. Il résulte de cette disposition que la publication du rapport doit avoir lieu dans la matinée du sixième jour qui suit la parution du dépôt au Journal officiel.

« Il est souhaitable, afin de ne pas prolonger le délai pendant lequel le rapport adopté est couvert par le secret, que son dépôt - qui fait courir le délai de six jours - intervienne dans un délai très bref après l'adoption, de manière à permettre d'apporter à la rédaction les quelques adaptations souhaitées au moment de l'adoption et de donner, le cas échéant, la faculté à certains collègues d'exprimer brièvement leur opinion minoritaire.

« Je pense que vous jugerez utile de porter les termes de cette lettre à la connaissance de l'ensemble des membres de la commission d'enquête que vous présidez.

« Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs ».

Si nous adoptons ce rapport, nous pourrons le rendre public le mercredi 24 juillet, jour prévu pour la conférence de presse.

Dans sa réunion constitutive du 27 février dernier, la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage s'était fixé comme objectif de rendre ses conclusions au cours du mois de juillet. Nous sommes à la moitié du mois. En se réunissant aujourd'hui pour adopter ses conclusions, je considère donc que la mission a rempli son objectif.

En cinq mois, un travail considérable a été effectué :

- 63 auditions et 2 tables rondes ont été organisées : 86 personnes ont donc été entendues sous serment, avec obligation de dire la vérité. Nous avons donc eu le plaisir, pour certains d'entre nous, de participer à 69 heures et 47 minutes d'échanges sur la lutte contre le dopage. Chacun a pu poser ses questions et j'estime que les auditions ont globalement été menées avec respect, mais sans complaisance ;

- 5 déplacements ont été organisés, dont 3 à l'étranger : aux États-Unis, en Suisse, en Espagne, au laboratoire de Châtenay-Malabry et à l'Oclaesp. Le rapport fait d'ailleurs son miel de nombreux exemples étrangers qui viennent éclairer notre propre lutte antidopage. Je vous renvoie notamment aux annexes du rapport, qui contiennent un compte rendu des auditions réalisées dans les trois pays.

Pour l'organisation de ces auditions, un autre objectif avait été fixé. C'était celui de ne pas se concentrer sur le seul cyclisme, mais d'élargir notre panorama à l'ensemble des disciplines.

Je crois que nous y sommes bien parvenus. 15 disciplines ont ainsi été représentées au cours des auditions sans que le cyclisme ne soit mis au premier plan. Je dois admettre que j'ai eu des échos de plusieurs sports considérant qu'ils avaient été particulièrement ciblés : le rugby ou le football font partie de ceux-là. Le cyclisme aussi, certaines personnes regrettant même de ne pas avoir été auditionnées, alors qu'elles avaient des choses à dire.

Mais j'estime que ce sentiment d'injustice partagé reflète bien à la fois la difficulté du monde sportif à parler de ces pratiques mais aussi la capacité de la commission d'enquête à donner une place équitable à chacun des sports. Cet état d'esprit d'équité nous a aussi conduits, comme vous le savez, à repousser la date d'adoption, mais surtout de publication du rapport.

Il est enfin reflété par le contenu du rapport, dont le rapporteur va maintenant nous parler.

M. Jean-Jacques Lozach , rapporteur . - Je tenais à vous remercier Monsieur le président, ainsi que l'ensemble des membres de la commission d'enquête présents aujourd'hui, pour ce moment si particulier qu'est l'adoption d'un rapport, après 5 mois de travail assez dense. Nous sommes tous ici convaincus de l'intérêt de la lutte contre le dopage :

- elle est d'abord l'un des aspects de l'équité sportive. Le dopage trouble les hiérarchies normalement établies par les entraînements et les compétitions. La lutte contre le dopage vise ainsi à ne pas créer un sport fondé non sur les compétences des athlètes, mais sur leurs capacités à trouver les médecins et les produits les plus performants, et sur les effets aléatoires de ces produits sur leurs organismes ;

- le dopage recouvre ensuite, et même surtout, un enjeu sanitaire. La plupart des produits dopants, notamment les médicaments qui font l'objet d'un mésusage, ont des effets néfastes sur la santé des sportifs, à court, moyen ou long terme. Ces conséquences suffiraient à justifier la lutte antidopage, si le dopage était réservé aux sportifs professionnels. Mais, la prise de produits interdits pour améliorer ses capacités physiques est une pratique courante, y compris de la part des amateurs.

La lutte contre le dopage revêt donc un double enjeu éthique et sanitaire, dans un environnement en pleine mutation, de mondialisation, d'arrivée massive de l'argent dans le sport et d'avènement du sport spectacle.

Dans ce cadre, la proposition de résolution du groupe socialiste, déposée au Sénat le 8 février 2013, et qui est à l'origine de la création de la commission d'enquête, lui avait fixé plusieurs objectifs : travailler sur un état des lieux du dopage, faire le bilan de la politique de lutte antidopage, et enfin formuler des propositions. La dimension internationale de la problématique ne devait pas être négligée.

J'espère que le rapport répond à ces enjeux.

Nous devions en premier lieu mener un travail de vérité sur la réalité des pratiques dopantes, « afin à la fois de dépassionner le débat public sur le sujet et définir des objectifs pragmatiques de lutte contre le dopage ».

À cet égard, nous avons partiellement contribué à la libération de la parole sur le sujet, au cours d'une année 2013 rythmée par les déclarations sur le dopage. De nombreuses données issues de la recherche universitaire ou des laboratoires d'analyses sont en outre fournies dans le rapport : on peut en conclure aisément que le dopage traverse les disciplines, les pays et les niveaux de performance. Sa prévalence est indéniablement plus forte que le taux de sportifs contrôlés positifs, il y a donc un décalage entre les chiffres officiels du dopage et sa réalité.

L'une de mes conclusions est également que le fait de parler de dopage ne nuit pas au sport, mais contribue au contraire, à moyen et à long terme, à lui redonner ses lettres de noblesse. Ne pas en parler, c'est souvent ne rien faire. C'est finalement contribuer à l'imaginaire collectif qui veut que tous les sportifs soient dopés. C'est aussi ce préjugé-là que nous voulons combattre.

Quid du bilan de la politique antidopage ?

Je crois que les auditions nous ont permis d'établir un diagnostic précis. Les déplacements et visites, ainsi que la consultation d'un nombre considérable de documents nous ont donné une connaissance concrète des actions menées. Je souhaite aussi insister sur la bonne coopération de nombreux acteurs auxquels j'ai pu faire appel dans le cadre des pouvoirs spécifiques d'enquête prévues par l'ordonnance de 1958. Le ministère des sports, l'Agence française de lutte contre le dopage et les fédérations sportives ont ainsi joué le jeu, en nous transmettant les documents demandés.

Résumer le bilan établi par le rapport en quelques mots est difficile. Je crois qu'on peut dire que la France reste plutôt en pointe en matière de lutte contre le dopage.

Néanmoins des difficultés réelles sont rencontrées, qui expliquent que la lutte a souvent encore un temps de retard sur le dopage, dans cette course entre ceux qui se dopent ou alimentent le dopage et ceux qui le combattent :

- nous avons des difficultés à avoir une bonne connaissance statistique des pratiques dopantes, des trafics qui y sont liés et des molécules utilisées ;

- en matière de prévention, notre politique est à la fois trop peu dynamique et mal ciblée. Le ministère en charge de la prévention n'a pas su dégager des lignes directrices pertinentes et des outils efficaces ;

- le dispositif de contrôle est plutôt solide, notamment en termes de quantité. Le renforcement de son efficacité passe aujourd'hui par une politique de qualité avec une priorité donnée aux contrôlés inopinés et à un meilleur ciblage. Ce ciblage passe par la mise en place du passeport biologique sanguin, étendu au profilage stéroïdien. Un consensus s'est dégagé sur ce passeport, donc il faut avancer. Les organisations nationales antidopage doivent aussi avoir plus de liberté dans leur politique de contrôle, notamment sur certaines compétitions internationales. On pense au Tour de France évidemment ou encore à Roland-Garros. Enfin, le ciblage nécessite un travail de renseignement qui est aujourd'hui lacunaire ;

- notre laboratoire d'analyse est toujours reconnu au niveau international. Néanmoins nos efforts en matière de recherche sont clairement insuffisants par rapport à d'autres laboratoires, notamment européens, comme Lausanne ou Cologne ;

- la politique de sanction mériterait quant à elle d'être clarifiée. Le partage des compétences actuelles entre les fédérations et l'AFLD nuit clairement à l'uniformisation des sanctions, mais surtout à leur originalité. Elles restent souvent centrées sur le contrôle positif et la suspension, alors que d'autres pays insistent davantage sur les sanctions basées sur des preuves non analytiques, comme les témoignages ou les contributions de la police. Les sanctions pécuniaires sont peu utilisées, ainsi que le pouvoir de modulation de sanctions en fonction du comportement du sportif ;

- enfin, en matière de lutte contre les trafics, nous butons notamment sur une définition restrictive du sportif et sur une certaine complexité de nos dispositifs juridiques. Mais surtout nous avons constaté une incroyable incapacité des instances à coopérer entre elle : l'AFLD, l'Oclaesp et les douanes ont toutes des informations sur le dopage, mais elles ne les partagent pas. La lutte antidopage serait beaucoup plus efficace si les différents acteurs sportifs, policiers, et judiciaires, coopéraient.

Voilà quelques difficultés majeures que nous avons pointées et les 60 propositions que je propose ont pour objectif d'y répondre. La plupart d'entre elles sont tout à fait opérationnelles et pourraient être mises en oeuvre rapidement. Quelques-unes, notamment celles à caractère international, ont plutôt vocation à donner la direction dans laquelle nous pourrions travailler.

Je les ai réparties en sept piliers que je vais décliner très rapidement devant vous.

La connaissance d'abord. Je vous propose que le ministère des sports et l'AFLD financent des études sur la réalité du dopage, les risques encourus et sur le trafic de produits dopants. On ne combat bien que ce que l'on connaît bien. Ces études existent souvent à l'étranger, elles manquent en France. Le mouvement sportif devrait quant à lui se saisir du sujet pour faire parler ouvertement les sportifs, notamment ceux qui ont été contrôlés positifs. Leur prise de parole serait à mon avis intéressante. On pense à une sorte de commission « vérité et réconciliation », sous l'égide du mouvement sportif lui-même.

La prévention ensuite.

J'ai mis en avant 17 propositions, tant il me semble qu'il y a à faire sur ce sujet. Le retour de la prévention dans le giron de l'Agence française de lutte contre le dopage me paraît déjà constituer un premier pas important. Le message de prévention doit être incarné dans la continuité et l'Agence paraît constituer le vecteur idoine de la communication sur ce sujet. Elle pourrait aussi remettre les antennes médicales de prévention sur les rails, ainsi que les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage. Deux axes devraient ensuite animer la politique de prévention. La politique de sensibilisation des sportifs amateurs est une nécessité. Elle peut avoir lieu à travers les associations de sport scolaire, mais je pense qu'une action choc et ciblée vers les salles de musculation est un impératif. D'après les renseignements que nous avons reçus, ce sont souvent des plaques tournantes de la consommation et du trafic ; or, rien n'y est fait actuellement. Le deuxième axe doit être orienté vers le sport professionnel. Les calendriers sportifs des ligues et fédérations sont aujourd'hui devenus fous. Tout le monde le sait et on ne fait rien. Pourtant ça pousse au dopage. Le ministère est déjà destinataire des calendriers, je pense qu'il doit pouvoir s'opposer à ceux qui seraient abusifs, sur la base des risques pesant sur la santé des sportifs.

Le troisième pilier est celui de la politique des contrôles.

Le premier impératif c'est de permettre à l'AFLD d'être présente sur un certain nombre de compétitions qui lui échappent actuellement. Je vous propose donc que toutes les compétitions se déroulant en France soient considérées, par principe, comme nationales, sous réserve de la communication par la fédération internationale d'une liste annuelle des manifestations internationales qu'elle entend effectivement contrôler. Je pense qu'on resterait comme cela dans le cadre du code mondial. Sa nouvelle version prévoira en outre qu'en cas de carences des fédérations internationales, les Agences pourront reprendre la main.

Afin d'améliorer le ciblage des contrôles, une spécialisation des responsables régionaux de la lutte antidopage est également indispensable. Je vous propose donc de mettre en place huit correspondants antidopage interrégionaux mis à la disposition de l'AFLD à temps plein, chargés de définir, en lien avec le directeur des contrôles, le programme interrégional de contrôles. Ils sont aujourd'hui 24 correspondants en tout, mais leur réel investissement est très disparate. Il vaut clairement mieux 8 temps plein que 24 à tiers temps. Ce serait un moyen de remotiver les troupes, d'éviter la dispersion et de professionnaliser les intervenants, à coût constant.

Quatrième pilier, les analyses.

Aujourd'hui il y a beaucoup d'échantillons collectés qui ne sont pas analysés pour toutes les substances, pour des raisons d'économie. Comme l'AMA l'a recommandé, il semble pourtant que des produits comme l'EPO ou l'hormone de croissance devraient être plus systématiquement recherchés, quitte à réduire le nombre de contrôles. Cela aurait à mon sens un effet dissuasif et réduirait le sentiment d'impunité que pourraient ressentir certains sportifs dopés.

Afin d'accentuer l'orientation du laboratoire français vers la recherche, je pense qu'il faudrait le rattacher à l'Université et non plus à l'AFLD. Du fait de la complexité technique d'un tel rattachement je vous propose uniquement que l'Inspection générale de la jeunesse et du sport soit chargée d'une mission sur la pertinence et les modalités d'un adossement du laboratoire national de Châtenay-Malabry à une université. Idéalement, ce rapport devrait être rendu avant nos discussions sur la loi-cadre.

Cinquième pilier, les sanctions disciplinaires.

Je vais évoquer deux propositions parmi les 12 contenues par le rapport sur ce sujet. Tout d'abord le transfert du pouvoir de sanction des sportifs des fédérations nationales à l'Agence française de lutte contre le dopage. Cette proposition constitue le socle nécessaire à la réforme globale de la politique de sanction. Elle permet de mettre fin aux risques de conflits d'intérêt pesant sur les fédérations, mais aussi de professionnaliser la sanction afin de favoriser la prise de sanctions pécuniaires, de sanctions collectives et de sanctions basées sur des éléments non analytiques. C'est aujourd'hui complexe de prendre ce type de sanctions et les fédérations n'en sont pas capables.

Je vous propose également que puisse être mis en place un véritable mécanisme de repentis. L'omerta est un sujet majeur dans le dopage et les sportifs nient systématiquement quand ils sont pris. Il y a donc un réel intérêt général pour la politique de lutte contre le dopage à réduire la sanction de quelques-uns, en fonction du degré de coopération du sportif et des éléments qu'il fournit, susceptibles notamment d'améliorer la lutte contre le trafic de produits. Cela aurait le triple intérêt d'apporter des informations sur les produits utilisés, de permettre de mieux remonter les filières de trafiquants et de renforcer les liens entre autorités antidopage et services de police et de gendarmerie.

Le sixième pilier est celui de la politique pénale en matière de dopage.

Premier élément, je ne vous propose pas de pénaliser l'usage de produits dopants. J'ai entendu l'argument selon lequel l'idée serait de pouvoir disposer de moyens supplémentaires pour remonter les filières et qu'il ne s'agirait pas de mettre en prison les sportifs.

Néanmoins, je crois que ce serait une erreur de créer une concurrence entre les sanctions disciplinaires et pénales. Je trouve aussi risqué de créer une incrimination pénale dans le but de poursuivre en réalité un autre comportement, celui consistant à fournir des produits dopants. Enfin, nous disposons déjà d'une incrimination de détention de produits dopants pour les sportifs, qui permet de lancer les enquêtes policières.

En revanche, cette incrimination est pour l'instant limitée aux seuls sportifs, au sens du code du sport. Or, cette notion n'est pas très claire et exclut par exemple les membres des salles de sport ou de musculation, lesquelles constituent un lieu de trafic important. Je vous propose donc tout simplement que l'incrimination pénale de la détention de produits dopants soit élargie à l'encontre des personnes pratiquant un sport dans le cadre d'un établissement d'activités physiques et sportives.

Enfin, le dernier pilier et non le moindre est celui de la coopération.

L'AFLD ne pourra pas prendre des sanctions non analytiques si les services de police, de gendarmerie ou des douanes ne lui fournissent aucun élément. Il est à l'inverse extrêmement difficile de remonter les filières si les sportifs contrôlés positifs ne livrent aucune information. Il faut sortir chacun de son isolement contre-productif en imposant une coopération entre les acteurs.

Je vous propose donc, parmi d'autres préconisations, que les informations recueillies par l'AFLD impliquant des faits de dopage soient systématiquement portées à la connaissance de l'Oclaesp, qui est aujourd'hui censée centraliser les informations relatives au dopage.

Inversement, l'AFLD devra être destinataire de tous les procès-verbaux de garde à vue de personnes soupçonnées d'avoir commis un délit relatif au trafic de produits dopants. Afin d'aller plus loin que le décret récemment publié par la ministre des sports, je suis également convaincu qu'une commission nationale souple doit pouvoir réunir quelquefois dans l'année l'Oclaesp, l'AFLD et les douanes afin de faire remonter les informations de terrain et d'évoquer les dossiers communs. Pour avoir un temps d'avance sur les dopés, il me semble primordial que les maillons de la chaîne de l'antidopage communiquent bien mieux. À cet égard, je vous indique que le titre proposé aujourd'hui est le suivant : « Lutte contre le dopage : avoir une longueur d'avance ».

Voilà les sept piliers selon moi d'une lutte antidopage performante. Elle doit être aussi protéiforme que le phénomène qu'elle combat. 60 propositions sont avancées. Elles sont réalistes, précises et applicables à budget constant, ce qui n'est pas négligeable en ces temps difficiles.

J'ai donc bon espoir que vous les adoptiez et que nous les portions ensemble en séance publique quand l'occasion nous sera donnée.

M. Vincent Delahaye . - Je n'ai pu prendre part aux travaux de la commission d'enquête que par intermittence car ils ont été particulièrement chronophages. Je souhaite néanmoins exprimer ma satisfaction quant aux résultats obtenus, avec lesquels je suis assez d'accord.

Les propositions apparaissent à la fois variées et complètes. Seuls deux points me paraissent éventuellement pouvoir prêter à discussion : d'une part, la réorganisation de la mission de prévention, et d'autre part, l'élargissement de l'assiette de la taxe « Buffet ». Mais je suis convaincu de l'intérêt de confier à nouveau à l'AFLD la prévention de la lutte antidopage et estime intéressant qu'une partie des droits télévisés, notamment des compétitions internationales, puisse être reversée à la lutte antidopage.

Dans le domaine des analyses, vous proposez de confier une mission à l'inspection générale de la jeunesse et du sport visant à évaluer la pertinence et les modalités d'un adossement du laboratoire de Châtenay-Malabry à l'université. Il conviendrait à mon sens d'inscrire cette mission dans le cadre plus général d'une évaluation de l'efficacité et de la productivité de cet organisme.

M. Alain Dufaut . - Votre rapport est très intéressant et vos propositions vont dans le bon sens. Je suggère d'inciter très fortement le Gouvernement à intégrer le plus grand nombre d'entre elles dans le futur projet de loi-cadre, qu'il présentera prochainement au Parlement.

Le volet prévention de la lutte contre le dopage me semble fondamental, en particulier auprès des jeunes. Le volet santé est également très important.

J'ai déjà beaucoup travaillé sur le sujet des sanctions. Il faut effectivement proposer de retirer le pouvoir de sanction aux fédérations, mais ce n'est pas simple. Dans la mise en oeuvre de cette proposition, il faudrait prendre en compte les spécificités de chaque sport et prévoir un accord entre les fédérations et l'AFLD.

En revanche, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le système des repentis que vous préconisez d'instaurer. Il pourrait être la source de dérives, notamment s'il débouche sur des comportements de délation.

Mme Chantal Jouanno . - La prévention via le sport scolaire fonctionne bien. Nous avons en revanche du mal à toucher les salles de sport, qui n'assument pas cette mission en raison de leurs intérêts commerciaux.

S'agissant des sanctions, l'AFLD et le passeport biologique constituent la clé de voûte du dispositif et je soutiens pleinement vos propositions. La conformité de notre code du sport au code mondial antidopage ne doit pas poser problème. Il importe de bien séparer ce qui relève des compétitions nationales de ce qui relève des compétitions internationales.

M. Stéphane Mazars . - Pendant les auditions menées par la commission d'enquête, j'ai très souvent évoqué la question de la pénalisation des sportifs dopés. J'avoue que je reste encore sur ma faim, en ce qui concerne ce sujet. Je persiste à penser que la pénalisation a un effet dissuasif, même s'il est difficile à quantifier. En outre, cette mesure est une porte d'entrée pour accroître l'efficacité de la lutte contre le trafic de produits dopants. Il y a toutefois un argument très important développé dans ce rapport : si la réponse au dopage est pénale, cela peut mettre entre parenthèses la procédure administrative et disciplinaire et cette situation risque en effet de poser une difficulté majeure. C'est un argument de poids qui plaide pour ne pas pénaliser l'usage de produits dopants. Toutefois, je maintiens que cela me paraît compliqué d'expliquer qu'on sanctionne la vitesse excessive ou la consommation de cannabis et qu'en parallèle, les sportifs qui se dopent et acquièrent de ce fait une très grande notoriété, en plus de revenus substantiels, ne sont pas pénalement sanctionnés.

Je pense que ce rapport doit être transmis au Gouvernement afin que ce dernier s'en inspire dans le cadre de la lutte contre le dopage.

Mme Chantal Jouanno . - Lorsque j'étais ministre des sports, j'aurais aimé pouvoir disposer d'un tel rapport !

M. Michel Le Scouarnec . - Le travail accompli est excellent, mais comment faire en sorte que les préconisations soient suivies d'effets ? Si certaines mesures vont être longues à mettre en oeuvre, d'autres mesures pourraient en revanche l'être très rapidement. Il faudrait que nous ayons un compte rendu régulier des mesures adoptées.

Mme Danielle Michel . - 60 propositions, c'est important ! Cela correspond bien à la nature protéiforme du dopage. Mais parmi ces 60 propositions, toutes ne sont pas d'une égale importance. Même si elles sont réparties au sein de 7 piliers, qui les structurent, il serait judicieux de mettre en avant les propositions-phares, car on ne peut pas retenir 60 propositions. On pourrait ainsi identifier les actions à mener en priorité.

M. Jean-François Humbert , président . - En effet, on pourrait hiérarchiser les propositions.

M. Jean-Claude Carle . - En premier lieu, je félicite le rapporteur, car pour avoir été rapporteur de trois commissions d'enquête, je sais l'investissement que cela représente. Mais ce travail ne doit pas rester sur les rayonnages de la bibliothèque du Sénat ! Le plus difficile reste à faire : il faut traduire ce rapport en actes. Certaines mesures relèvent de la loi et il faut que ces mesures fassent l'objet d'un projet de loi ou d'une proposition de loi. Cela me semble essentiel. En ce qui concerne les mesures ne relevant pas de la loi, il faut veiller à ce qu'elles soient effectivement mises en oeuvre. En deuxième lieu, je constate que le rapport ne s'est pas focalisé sur le cyclisme : ainsi, il était pertinent de décaler sa publication. Toutes les disciplines, et parmi elles, certaines que je ne connaissais pas jusqu'à la lecture de ce rapport, sont en effet concernées par le dopage. Enfin, je pense qu'il est essentiel de sensibiliser les sportifs les plus jeunes à la question du dopage et à cet égard, il faut impliquer les ligues sportives, les mouvements sportifs en général ainsi que l'entourage et les familles des sportifs.

M. Alain Néri . - Je tiens également à souligner la qualité du travail réalisé, qu'il convient maintenant de traduire dans la vie quotidienne des sportifs. Les parlementaires pourront améliorer le projet de loi qui devrait être prochainement discuté. Puisque nous sommes ici unanimes, ces amendements devraient n'avoir aucune peine à être votés, et l'exécutif devra s'y plier !

D'ores et déjà, le Gouvernement peut prendre un certain nombre de décrets pour accélérer les choses. La France a été précurseur, avec les lois Bambuck et Buffet notamment, et elle doit le rester.

Je suis d'accord avec le fond du rapport. Lors de la réunion constitutive, j'avais insisté sur le fait que nous devions viser l'ensemble des disciplines sportives, et non le seul cyclisme. Nous avons observé, il y a quelques jours, que cette nécessité se confirmait dans les faits, puisque plusieurs champions d'athlétisme de tout premier rang mondial ont été convaincus de dopage.

Cela est d'autant plus important que, lors de la présentation du rapport à la presse, les questions des journalistes risquent de se focaliser sur les résultats d'analyses des échantillons du Tour de France. Aujourd'hui, la lutte antidopage a une longueur de retard sur le dopage : c'est pourquoi il est utile que tous les sportifs sachent qu'ils seront rattrapés par la patrouille, tôt ou tard ! Il est cependant important de bien expliquer que ces analyses ont été conduites dans le cadre d'une expérience scientifique rétrospective et que, si elle concerne le Tour, c'est qu'il n'y a que dans le cyclisme que des échantillons ont été conservés !

De même, je serais favorable à une uniformisation des contrôles dans toutes les disciplines. Nous avons entendu parfois que l'entraînement serait perturbé par un contrôle à 9 heures du matin : mais les coureurs cyclistes ne sont-ils pas perturbés lorsqu'ils sont contrôlés à 7 heures avant le départ de l'étape du Mont Ventoux !

Pour les AUT, je suis d'accord avec le rapporteur pour un encadrement plus strict, même si j'aurais été, personnellement, plus sévère, en considérant qu'un sportif malade ne doit tout simplement pas concourir, à l'image d'un arrêt de travail.

Je suis également favorable à la généralisation du passeport biologique.

Je suis d'accord avec le rapporteur concernant le pouvoir de sanction de l'AFLD : les fédérations ne peuvent pas rester juge et partie. En revanche, je suis plus réticent sur les repentis, car il s'agit d'un système proche de la délation. Je n'hésite pas, quant à moi, à faire le parallèle avec la prostitution : là aussi, les sportifs sont des victimes et je les plains plus que je ne les blâme. Ils sont soumis à des pourvoyeurs qui sont à la fois des trafiquants et des proxénètes, car ils abusent d'êtres humains, souvent jeunes.

La coopération est effectivement à développer.

Un mot de conclusion : l'AFLD a mon soutien total pour l'action qu'elle mène. Cependant, je suis étonné que son Président, qui a pourtant signé une convention de contrôles avec l'UCI, ne se soit pas manifesté pendant le Tour de France pour faire une sorte de « point d'étape » des contrôles.

De façon générale, le rapport insiste sur la protection de la santé des sportifs, ce qui est primordiale.

M. Jean-François Humbert , président. - C'est en effet un axe que vous avez souvent rappelé, à juste titre, lors des auditions.

M. Jean-Pierre Chauveau . - Je tiens moi aussi à féliciter le rapporteur pour son travail. Les auditions ont été intenses et très enrichissantes pour les profanes dont j'étais. Je crois que la prévention doit en effet être une priorité. Je crois également que sans effort conjoint des autorités nationales et des fédérations internationales, la lutte ne pourra pas être gagnée. Je pense par ailleurs que les sanctions devraient être plus fermes, notamment à l'encontre des sportifs.

L'intérêt de cette commission a été d'auditionner tous les sports. L'exemple récent montre que le cyclisme n'est pas la seule discipline concernée. La performance, dans tous les sports, est croissante, ce que l'amélioration de l'entraînement et de la diététique ne peut seule expliquer. Cela pose question : les sportifs non dopés ne sont-ils plus qu'une exception ?

Dans ce contexte, ce travail est important et permettra d'aller plus loin grâce à sa traduction dans la loi.

M. Michel Savin . - Je félicite également le rapporteur. Il faut inverser la tendance. Le titre donné au rapport est, à cet égard, une bonne indication : nous avions une longueur de retard qu'il s'agit de combler ! Concernant les propositions, il ne faut pas s'arrêter au milieu du gué et il faut les traduire concrètement dans le projet de loi annoncé. Il en va de la crédibilité du travail de notre commission.

S'agissant des sanctions, je regrette de ne pas voir de propositions pour davantage prendre en compte et sanctionner l'entourage des sportifs, les équipes, les médecins, etc.

Enfin, j'insiste sur un point : si la France est précurseur, il est important que la lutte se mette à niveau, a minima dans le reste de l'Europe, et idéalement à l'échelle mondiale.

M. Alain Dufaut . - J'ajoute qu'il serait bon de prévoir davantage de contrôles rétrospectifs pour déceler des substances qui n'étaient pas détectables lors de leur usage.

M. Dominique Bailly . - Je considère que la commission d'enquête est parvenue à dégager des solutions très concrètes. Ainsi le fait de mettre en place un contrôle du calendrier des compétitions me semble constituer une proposition à la fois précise et innovante. Je sais que les ligues professionnelles s'engagent régulièrement à réduire les saisons sportives mais que ces promesses n'ont pas pour l'instant été suivies d'effets.

M. Jean-Jacques Lozach , rapporteur . - S'agissant du laboratoire de Châtenay-Malabry, on a insisté sur son ouverture à l'extérieur et sur le développement de la recherche, qui doit s'inscrire dans le cadre d'un partage des responsabilités entre les différents laboratoires européens. Nous avons également évoqué les questions de fonctionnement interne. Je suggère cependant, selon l'idée de M. Vincent Delahaye, que la proposition n° 40 soit amendée afin d'indiquer qu'une mission de l'Inspection générale de la jeunesse et du sport soit prévue sur la pertinence et les modalités de l'adossement du laboratoire à une université, mais aussi, plus globalement, sur son fonctionnement.

Concernant l'avenir de ce rapport, c'est à nous d'agir. Un débat en séance publique pourrait déjà avoir lieu dès le mois d'octobre prochain, sur le sujet de la lutte antidopage. Ensuite, le projet de loi-cadre sur le sport devrait nous permettre d'introduire dans notre droit les présentes préconisations.

Comme le souhaite Danielle Michel, nous avons également prévu une présentation plus succincte des propositions, à destination de la presse et du public, en nous limitant à 14 d'entre elles.

Sur le thème des sanctions, les fédérations devront en effet être présentes à un moment ou à un autre de la procédure, sans être directement engagées dans la prise de décision.

S'agissant des repentis, il est tout à fait souhaitable de prévoir une réduction de peine maximale. Mais je tiens à vous rappeler que ce mécanisme a été tout à fait essentiel dans l'affaire Armstrong et constitue un outil majeur de démantèlement des filières de trafics de produits dopants.

Notre collègue Alain Néri a parlé d'uniformisation dans les contrôles, je crois qu'il a raison : imposer les mêmes règles à tout le monde est un impératif. La proportion de contrôles inopinés doit être également similaire selon les disciplines. En revanche, il n'est pas réaliste que le même nombre de contrôle soit appliqué à chaque sport.

Au niveau international, le rôle de coordination doit être joué par l'Agence mondiale antidopage, même si faisons quelques suggestions pour une amélioration du lien entre les fédérations internationales et les organisations nationales antidopage.

Des éléments sur le rôle des médecins sont présents dans le rapport. Il est évident que nous militons, par exemple, pour que l'AFLD puisse interdire aux sportifs de travailler avec certains médecins, sanctionnés pour administration abusive de produits dopants.

Je reconnais que le rapport insiste peu sur l'intérêt des analyses rétroactives et je vous propose donc d'apporter quelques éléments complémentaires, au sein des développements sur le laboratoire d'analyses.

À l'issue de ces débats et sur proposition du président, le rapport est adopté à l'unanimité des présents.

LISTE DES ACRONYMES

ADAMS

Système d'administration et de gestion antidopage

AFLD

Agence française de lutte contre le dopage

AMA

Agence mondiale antidopage

AMPD

Antennes médicales de prévention du dopage

ARJEL

Autorité de régulation des jeux en ligne

ASO

Amaury sport organisation

ATP

Association des joueurs de tennis professionnels

AUT

Autorisation d'usage à des fins thérapeutiques

CIO

Comité international olympique

CMA

Code mondial antidopage

CNDS

Centre national de développement du sport

CNOM

Conseil national de l'ordre des médecins

CRPLD

Commission régionale de prévention et de lutte contre le dopage

CPLD

Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (ex-AFLD)

CNOSF

Comité national olympique et sportif français

DHEA

Déhydroépiandrostérone

DNRED

Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières

EAPS

Établissements d'activités physiques et sportives

EPO

Érythropoïétine

IAAF

Association internationale des fédérations d'athlétisme

FI

Fédération internationale

FIFA

Fédération internationale des associations de football

FIT

Fédération internationale de tennis

IRGCN

Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale

LAD

Laboratoire antidopage

LNDD

Laboratoire national de dépistage du dopage

MLAD

Médecin chargé de la lutte antidopage

OCLAESP

Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique

OCLCTIC

Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication

ONAD

Organisation nationale antidopage

ORAD

Organisation régionale antidopage

SMR

Surveillance médicale réglementaire (ou suivi longitudinal)

SNDJ

Service national des douanes judiciaires

STRDJ

Service technique de recherches judiciaires et de documentation

TAS

Tribunal arbitral du sport

UCI

Union cycliste internationale

UEFA

Union européenne des associations de football

USADA

Agence américaine antidopage

UNSS

Union nationale du sport scolaire

USGEL

Union générale sportive de l'enseignement libre


* 1 Voir, à cet égard, l'analyse tout à fait pertinente de M. Daniel Delegove, audition du 29 mai 2013.

* 2 Pas moins de quatorze disciplines ont ainsi été représentées : l'athlétisme, le baseball, le basketball, le cyclisme, l'escrime, le football, le football américain, le judo, la lutte, la natation, le patinage, le rugby, le ski et le tennis.

* 3 Notons néanmoins que le rapport a écarté de son champ d'investigation le dopage animal, qui constitue une problématique importante, mais différente de celle du dopage humain.

* 4 Erwann Menthéour, Secret Défonce, Ma vérité sur le dopage , Lattès, 1999.

* 5 Philippe Gaumont, Prisonnier du dopage , Grasset, 2005.

* 6 « Les rapporteurs des commissions d'enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ».

* 7 Notamment celles d'athlétisme, de basketball, de cyclisme, du handball, de football, de natation, de rugby et de tennis.

* 8 Les comptes rendus de ces déplacements sont présentés en annexe du rapport.

* 9 Francesco Ricci Bitti et Stuart Miller, Felipe Contepomi, John Fahey, Patrick McQuaid et Travis Tygart.

* 10 Les produits utilisés faisaient ainsi partie de la pharmacie courante du peloton des années 1990.

* 11 Voir notamment l'audition de Pat McQuaid du 5 juin 2013 ou encore l'ouvrage de Christophe Brissonneau, Olivier Aubel, Fabien Ohl, L'épreuve du dopage : Sociologie du cyclisme professionnel , Puf, 2008.

* 12 Du nom de Charles Dubin, juge en chef de la Cour d'appel de l'Ontario.

* 13 Cette affaire a conduit à la réalisation d'une enquête épidémiologique lancée en 1990 à la suite d'alertes de veuves de joueurs et dont les résultats sont très alarmants. L'étude porte sur 24 000 joueurs du Calcio (séries A à C) de 1960 à 1996. Elle fait état de taux de leucémie ou de tumeurs de l'appareil digestif deux fois supérieurs à la moyenne nationale et d'une surreprésentation de certaines pathologies telle la sclérose latérale amyotrophique. Voir notamment Eric Jozsef, « L'affaire des veuves du Calcio rebondit », Libération , 6 janvier 2003.

* 14 Jean-Pierre de Mondenard, Dopage dans le football, Jean-Claude Gawsewitch, 2010.

* 15 Voir le compte rendu du déplacement de votre commission d'enquête en Espagne.

* 16 Voir notamment les auditions de Bernard Amsalem et Felipe Contepomi du 18 avril 2013 et de Laurent Bénézech du 30 mai 2013.

* 17 Audition du 11 avril 2013.

* 18 Sports d'élite et dopage de masse. Entretien avec Marc Sanson , Esprit, août-septembre 2010, p. 29-30.

* 19 Audition du 18 avril 2013.

* 20 Audition du 4 avril 2013.

* 21 Audition du 27 mars 2013.

* 22 Audition du 14 mars 2013.

* 23 Audition du 15 mai 2013.

* 24 Audition du 5 juin 2013.

* 25 Audition du 15 mai 2013.

* 26 Audition du 20 mars 2013.

* 27 Audition du 29 mai 2013.

* 28 Audition du 3 avril 2013.

* 29 Audition du 20 mars 2013.

* 30 S'agissant du cyclisme, Philippe Gaumont déplorait ainsi que : « chaque structure est dirigée par d'anciens coureurs. Et qui dit ancien coureur dit pratiquement ancien dopé. Alors tout baigne dans le silence, dans cette éducation de non-dits ». Voir Prisonnier du dopage , 2005, p. 217.

* 31 Sports d'élite et dopage de masse. Entretien avec Marc Sanson , Esprit, août-septembre 2010.

* 32 Table ronde sur les enjeux sociétaux des pratiques dopantes du 18 avril 2013.

* 33 Prisonnier du dopage , 2005, p. 235.

* 34 Audition du 28 mars 2013.

* 35 Audition du 3 avril 2013.

* 36 Audition du 25 avril 2013.

* 37 Audition du 27 mars 2013. Un caisson hypobare vise à recréer les conditions d'altitude pour stimuler la production de globules rouges.

* 38 Sports d'élite et dopage de masse. Entretien avec Marc Sanson , Esprit, août-septembre 2010.

* 39 Audition de M. Jean-Marcel Ferret du 5 juin 2013.

* 40 Ibid.

* 41 Michel Rieu et Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, « La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, Sport et Dopage », 9 février 2012.

* 42 Patrick Laure, Dopage et société , Ellipses, 2000, Éthique du dopage , Ellipses, 2002.

* 43 Voir notamment les auditions de Bruno Genevois du 21 mars 2013 et de Bernard Amsalem du 18 avril 2013.

* 44 Lorsque l'analyse ne s'avère pas négative, les laboratoires rendent soit un résultat d'analyse anormal, soit un résultat atypique. Dans le premier cas, l'analyse révèle la présence d'une substance interdite ou d'un de ses métabolites ou bien l'usage d'une méthode interdite. Dans le second cas, l'analyse révèle la présence d'une substance ou d'une méthode interdite exigeant une investigation supplémentaire avant qu'un résultat d'analyse anormal ne puisse être clairement établi.

* 45 Voir http://www.wada-ama.org/fr/Ressources/Statistiques/Donnees-sur-les-controles-des-OAD/Q-R--Donnees-sur-les-controles-des-OAD/

* 46 Il s'agit du système d'administration et de gestion antidopage « ADAMS ».

* 47 Voir http://www.wada-ama.org/fr/Ressources/Statistiques/Donnees-sur-analyses-des-laboratoires/Q-R-Donnees-2011-sur-les-analyses-des-laboratoires/

* 48 Audition de Françoise Lasne du 27 mars 2013. Voir aussi le rapport d'activité 2012 de l'AFLD.

* 49 Audition du 27 mars 2013.

* 50 Audition du 29 mai 2013.

* 51 Audition du 14 mars 2013.

* 52 Audition du 18 avril 2013.

* 53 Laurent Bénézech, Le rugby est dans la situation du cyclisme avant l'affaire Festina , Le Monde , 4 avril 2013.

* 54 Audition du 30 mai 2013.

* 55 Audition du 30 mai 2013.

* 56 Pierre-Edouard Sottas, Neil Robinson, Giuseppe Fischetto, Gabriel Dollé, Juan Manuel Alonso et Martial Saugy, « Prevalence of Blood Doping in Samples Collected from Elite Track and Field Athletes », Clinical Chemistry 57 : 5, 762-769 2011.

* 57 Pierre-Edouard Sottas, Neil Robinson, Giuseppe Fischetto, Gabriel Dollé, Juan Manuel Alonso et Martial Saugy, « Prevalence of Blood Doping in Samples Collected from Elite Track and Field Athletes », Clinical Chemistry 57 :5, 762-769 2011.

* 58 George J. Mitchell report to the commissioner of baseball of an independent investigation into the illegal use of steroids and other performance enhancing substances by players in major league baseball, 13 décembre 2007.

* 59 Audition du 20 mars 2013.

* 60 Matthias Strupler, Claudio Perret, « Les substances dopantes et la lutte contre le dopage dans le sport - quelques informations sur la problématique du dopage », Forum Med Suisse, 2012 ; 12 (8) : 165-169.

* 61 Audition du 21 mars 2013.

* 62 Audition du 21 mars 2013.

* 63 Note sur le symposium de l'AMA pour les organisations antidopage des 20 et 21 mars 2013 à Lausanne (document de travail de l'AFLD transmis à votre commission d'enquête).

* 64 AMA, « Franc jeu », numéro 1, 2011.

* 65 Audition de Jean-Pierre Verdy du 27 mars 2013.

* 66 Audition du 21 mars 2013.

* 67 Audition du 20 mars 2013.

* 68 Le Monde , 4 avril 2013.

* 69 Michel Rieu et Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, « La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, Sport et Dopage », 9 février 2012. L'Académie indique en l'occurrence que le laboratoire Balco fabriquait de la « tétra-hydro-gestrinone » (THG) à partir de la « Gestrinone ».

* 70 Audition du 27 mars 2013.

* 71 Audition du 14 mars 2013.

* 72 Audition du 27 mars 2013.

* 73 Voir l'audition de Philippe Lamoureux et de Claire Sibenaler du 17 avril 2013.

* 74 Voir aussi Michel Rieu et Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, « La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, Sport et Dopage », 9 février 2012.

* 75 Audition de Michel Audran du 21 mars 2013.

* 76 Voir notamment l'audition de Michel Audran du 21 mars 2013.

* 77 Audition de Jean-Pierre Verdy du 27 mars 2013.

* 78 Michel Rieu et Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, « La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, Sport et Dopage », 9 février 2012.

* 79 Audition du 14 mars 2013.

* 80 Audition du 27 mars 2013.

* 81 Audition du 20 mars 2013.

* 82 Audition du 4 avril 2013.

* 83 Table ronde sur les enjeux sociétaux du dopage du 18 avril 2013. Voir aussi les études recensées par l'Académie de médecine dans son rapport du 9 février 2012. (Ces études ont été menées depuis les années 1990 aussi bien en France qu'à l'étranger sur des populations de sportifs filles et garçons âgés de douze à dix-huit ans. Elles indiquent que ceux qui utilisaient ou avaient utilisé des produits dopants représentaient de 1,5 % en moyenne des filles à 3,7 % en moyenne des garçons concernés par les différentes études).

* 84 Le code mondial antidopage définit le sportif comme toute personne qui participe à un sport au niveau international (au sens où l'entend chacune des fédérations internationales) ou au niveau national (au sens où l'entend chacune des organisations nationales antidopage, y compris les personnes comprises dans son groupe cible de sportifs soumis aux contrôles) ainsi que tout autre concurrent dans un sport qui relève de la compétence d'un signataire ou d'une autre organisation sportive qui reconnaît le code.

* 85 Voir l'audition de Jean-François Bourely du 27 mars 2013.

* 86 Audition du 21 mars 2013.

* 87 Audition du 30 mai 2013.

* 88 Matthias Strupler, Claudio Perret, « Les substances dopantes et la lutte contre le dopage dans le sport - quelques informations sur la problématique du dopage », Forum Med Suisse, 2012 ;12 (8) :165-169.

* 89 Audition de Patrick Romestaing du 30 mai 2013.

* 90 Michel Rieu et Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, « La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, Sport et Dopage », 9 février 2012.

* 91 Audition de David Douillet du 14 mars 2013.

* 92 Jean-Pierre de Mondenard, Dopage, l'imposture des performances, Mensonges et vérités sur l'école de la triche , 2000.

* 93 Audition du 14 mars 2013.

* 94 Observatoire européen des drogues et toxicomanies.

* 95 Patrick Laure, Le dopage, PUF, 1995.

* 96 Jean-Pierre de Mondenard, Dopage, l'imposture des performances, Mensonges et vérités sur l'école de la triche , 2000, p. 20.

* 97 Jean-Pierre de Mondenard, Dopage, l'imposture des performances, Mensonges et vérités sur l'école de la triche , 2000, p. 21.

* 98 Audition de Michel Audran du 21 mars 2013.

* 99 Audition du 21 mars 2013.

* 100 Michel Rieu, Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique. Sport et Dopage . 9 février 2012.

* 101 Audition du 4 avril 2013.

* 102 Voir l'audition de Michel Vion et de Marie-Philippe Rousseaux-Blanchi du 29 mai 2013. « La chique provient des pays scandinaves. Elle entraîne des décharges très importantes de nicotine et entraîne une dépendance majeure sur les athlètes » (Marie-Philippe Rousseaux-Blanchi).

* 103 Audition du 20 mars 2013.

* 104 En 2013, les sports d'aéronautique, les sports de boule, le bridge, les jeux de neuf quilles et de dix quilles ainsi que le motonautisme ont été retirés de la liste des sports dans lesquels les bêtabloquants sont interdits.

* 105 Audition du 21 mars 2013.

* 106 Patrick Laure, Éthique du dopage , 2002.

* 107 Audition du 20 mars 2013

* 108 Audition du 14 mars 2013.

* 109 M. Pärnissen, U. Kujala, E. Vartiainen, S. Sarna, T. Seppälä « Increased premature mortality of competitive powerlifters suspected to have used anabolic agents ». Int J Sports Med 2000; 3: 225-7 in: Patrick Laure, Éthique du dopage , 2002 ; George J. Mitchell report to the commissioner of baseball of an independent investigation into the illegal use of steroids and other performance enhancing substances by players in major league baseball, December 13, 2007.

* 110 Audition du 4 avril 2013.

* 111 Michel Rieu, Patrice Queneau, Rapport à l'Académie de médecine, La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique . Sport et dopage. 9 février 2012.

* 112 George J. Mitchell report to the commissioner of baseball of an independent investigation into the illegal use of steroids and other performance enhancing substances by players in major league baseball, 13 décembre 2007.

* 113 Jay R. Hoffman and Nicholas A. Ratamess, Medical Issues Associated with Anabolic Steroid Use : Are They Exaggerated ? , J. of Sports Science & Med. 182, 183 (2006), in : George J. Mitchell report to the commissioner of baseball of an independent investigation into the illegal use of steroids and other performance enhancing substances by players in major league baseball, December 13, 2007.

* 114 ChangHee Choi, Harrison Pope Jr . Violence toward women and illicit androgenic-anabolic steroid use , Ann Clin Psychiatry 1994 ; 1 : 21-5, in Patrick Laure, Éthique du dopage , 2002.

* 115 Propos par le coureur cycliste le 27 octobre 1996 et rapportés par Jean-Pierre de Mondenard, Dopage, l'imposture des performances, Mensonges et vérités sur l'école de la triche , 2000, p. 22.

* 116 Pierre-Edouard Sottas, Neil Robinson, Giuseppe Fischetto, Gabriel Dollé, Juan Manuel Alonso et Martial Saugy, Prevalence of Blood Doping in Samples Collected from Elite Track and Field Athletes , Clinical Chemistry 57 :5, 762-769 2011).

* 117 Voir à cet égard les possibles effets secondaires dans l'ouvrage de Tyler Hamilton et Daniel Coyle, La course secrète , Presses de la cité, 2012.

* 118 Audition de Marc Sanson du 20 mars 2013.

* 119 Audition de Gérard Masson, Frédéric Rusakiewicz et Noël Chevaudonnat du 29 mai 2013.

* 120 Audition du 21 mars 2013.

* 121 Audition du 28 mars 2013.

* 122 Éthique du dopage , 2002.

* 123 Prisonnier du dopage , 2005, p. 2006.

* 124 Loïc Sallé et Jean-Charles Basson, « Dopage et référentiel médical : la duplicité ? », in Société de sociologie du sport de langue française (dir.), Dispositions et pratiques sportives, Paris, L'Harmattan, p. 321-333. Voir aussi W. Lowenstein, P. Arvers, L. Gourarier, A. S. Porche et al « Activités physiques et sportives dans les antécédents de personnes prises en charge pour addictions », Ann Med Int 2000 ; 151, A18-26, cité in Patrick Laure, Éthique du dopage , 2002, p. 89.

* 125 Voir notamment les auditions de Jean-Pierre Bourely du 27 mars 2013, de Felipe Contepomi du 18 avril 2013 ou encore de Gérard Masson, Frédéric Rusakiewicz et Noël Chevaudonnat du 29 mai 2013.

* 126 Voir notamment N. Baume, P. Mangin, M. Saugy, Compléments alimentaires: phénomène de société et problématique dans le monde antidopage . Médecine & Hygiène 2004 : 62 : 1510-1514 ; M. Kamber, N. Baume, M. Saugy, L. Rivier, Nutritional supplements as a source for positive doping cases? Int J Sport Nutr Exerc Metab. 2001 Jun;11(2): 258-63.

* 127 http://www.doping.chuv.ch/lad_home/lad-recherche-developpement/lad-recherche-developpement-projets-finalises/lad-recherche-developpement-projets-finalises-complements-alimentaires.htm

* 128 Audition du 27 mars 2013.

* 129 Gérald Simon, Cécile Chaussard, Philippe Icard, David Jacotot, Christophe de la Mardière et Vincent Thomas, Droit du sport , Themis, PUF, 2012, p.464. Quelques condamnations ont été prononcées sur ce fondement (cf. infra ).

* 130 Ouvrage précité, p. 440.

* 131 Certains auteurs ont ainsi pu parler d'un « revirement de politique criminelle » : Mickaël Benillouche, Le renforcement de la lutte contre le dopage : Commentaire de la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants , Gaz. Pal., 2008, doctr. p. 3254.

* 132 Pour une illustration : Cass. crim., 22 mars 2011, n° 10-84.151.

* 133 http://www.senat.fr/rap/l07-327/l07-3271.pdf

* 134 A contrario , l'albumine ou le mannitol par exemple sont des produits dopants mais ne sont pas des produits vénéneux.

* 135 Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières.

* 136 Audition du 3 avril 2013.

* 137 Audition du 25 avril 2013.

* 138 Letizia Paoli et Alessandro Donati, The supply of doping products and the potential of criminal law enforcement in anti-doping: an examination of Italy's experience , janvier 2013.

* 139 Thierry Bourret, Le dopage : fléau récurrent d'un sport durable , Sport santé et environnement, p. 119.

* 140 Anne-Gaëlle Robert, Loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants , RSC 2008, p. 937.

* 141 Jean-Christophe Lapouble, La nouvelle loi sur le dopage : une loi de plus ou une loi de trop ? À propos de la loi du 3 juillet 2008, JCP 2008. I. 183. n°6.

* 142 http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/Chiffres_cles_sport_2013.pdf , p 5.

* 143 Sources : http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/remise.pdf

* 144 Rapport précité, p. 11.

* 145 http://www.senat.fr/rap/l07-327/l07-3271.pdf p. 18.

* 146 E. Wagner, L'exploitation contre la rémunération d'un établissement d'APS au regard de la loi du 16 juillet 1984 , RJ éco. Sport 1990, n° 14, p. 3.

* 147 Les 21 et 22 avril 2006.

* 148 Letizia Paoli, Allessandro Donati, The supply of doping products and the potential of criminal law enforcement in anti-doping: an examination of Italy's experience , Jan. 30, 2013.

* 149 Australian Crime Commission, Organised crime and drugs in sport , février 2013, p. 30.

* 150 Audition du 3 avril 2013.

* 151 Letizia Paoli, Allessandro Donati, The supply of doping products and the potential of criminal law enforcement in anti-doping: an examination of Italy's experience , Jan. 30, 2013, p. 23.

* 152 Audition du 3 avril 2013.

* 153 Audition du 18 avril 2013.

* 154 Letizia Paoli, Allessandro Donati, The supply of doping products and the potential of criminal law enforcement in anti-doping: an examination of Italy's experience , Jan. 2013.

* 155 Audition du 3 avril 2013.

* 156 Australian Crime Commission, Organised crime and drugs in sport , Feb. 2013, p. 22.

* 157 Australian Crime Commission, Organised crime and drugs in sport , Feb. 2013, p. 23.

* 158 Il faut l'autorisation expresse du procureur de la République.

* 159 Assemblée nationale, question écrite n° 107980, JO 08.11.2011, p. 11791.

* 160 Audition du 3 avril 2013.

* 161 Audition du 21 mars 2013.

* 162 Voir l'audition du 4 avril 2013.

* 163 Australian Crime Commission, Organised crime and drugs in sport , Feb. 2013, p. 28.

* 164 Audition du 3 avril 2013.

* 165 Audition du 3 avril 2013.

* 166 Christian Thill, L'échange d'information à l'échelle internationale en matière de lutte contre le dopage : un défi insurmontable ? Mélanges en l'honneur de Denis Oswald, p. 615.

* 167 Voir l'audition du 13 juin 2013.

* 168 Audition du 3 avril 2013.

* 169 Audition du 3 avril 2013.

* 170 Audition du 25 avril 2013.

* 171 Sports d'élite et dopage de masse. Entretien avec Marc Sanson, Esprit, août-septembre 2010.

* 172 Audition du 18 avril 2013.

* 173 Audition du 27 mars 2013.

* 174 Le président de l'Agence américaine antidopage, Travis Tygart, a souligné, à titre d'exemple, l'importance jouée, dans son enquête sur l'affaire Armstrong, par les accords de coopération passés avec la France.

* 175 Les stimulants et les analgésiques y ont été inclus en 1971, les stéroïdes anabolisants en 1974, la testostérone et la caféine en 1982, les bêtabloquants et les autotransfusions sanguines en 1985, les diurétiques en 1987 et l'EPO en 1990.

* 176 Elle a été adoptée à ce titre par l'Australie, le Belarus, le Canada et la Tunisie. Voir http://www.coe.int/t/dg4/sport/Doping/convention_fr.asp#TopOfPage

* 177 Audition du 20 mars 2013.

* 178 Voir http://www.unesco.org/eri/la/convention.asp?language=F&KO=31037

En France, la ratification est intervenue sur le fondement de la loi n° 2007-129 du 31 janvier 2007.

* 179 L'actif du fonds s'élève à environ 3 millions de dollars US. Voir http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/anti-doping/fund-for-the-elimination-of-doping-in-sport/

* 180 Audition du 27 mars 2013.

* 181 Audition du 18 avril 2013.

* 182 Audition du 5 juin 2013.

* 183 Union nationale du sport scolaire et Union générale sportive de l'enseignement libre.

* 184 Audition du 5 juin 2013.

* 185 Audition de Jean-Pierre Bourely du 27 mars 2013.

* 186 Ibid.

* 187 Audition du 5 juin 2013.

* 188 Ibid.

* 189 Audition du 27 mars 2013.

* 190 Audition du 28 mars 2013.

* 191 Audition du 27 mars 2013.

* 192 Site Internet du ministère des sports.

* 193 Le numéro vert 0800 15 2000, ouvert du lundi au vendredi de 10 heures à 20 heures.

* 194 Audition du 27 mars 2013.

* 195 Audition du 20 mars 2013.

* 196 Audition du 4 avril 2013.

* 197 D'après les informations recueillies par votre rapporteur, ces ETPT se répartissent globalement comme suit, outre le directeur et son adjoint : un agent sur l'animation de la prévention du dopage ; un juriste orienté sur les relations internationales (AMA, etc.) ; un pharmacien et deux médecins (environ 1/5 de temps) sur les thématiques de protection de la santé et de la recherche ; un agent chargé des relations avec les AMPD.

* 198 Audition du 20 mars 2013.

* 199 Audition du 14 mars 2013.

* 200 Audition du 18 avril 2013.

* 201 Audition du 3 avril 2013.

* 202 Arrêté du 11 février 2004 fixant la nature et la périodicité des examens médicaux prévus aux articles L. 3621-2 et R. 3621-3 du code de la santé publique, modifié par l'arrêté du 28 février 2008 relatif aux dispositions réglementaires du code du sport.

* 203 Documents transmis par la fédération française de rugby.

* 204 Audition du 28 mars 2013.

* 205 Audition du 18 avril 2013.

* 206 Idem.

* 207 Voir l'audition du 28 mars 2013.

* 208 Voir par exemple l'audition de Stéphane Mandard, journaliste au Monde , le 3 avril 2013 : « On veut des matchs de haute qualité tous les trois jours : pour éviter que les sportifs ne se dopent, il faudrait prévoir une réforme des rythmes et des calendriers ».

* 209 Audition du 10 avril 2013.

* 210 Audition du 17 avril 2013.

* 211 Audition du 20 mars 2013.

* 212 Audition du 18 avril 2013.

* 213 Voir l'audition du 29 mars 2013.

* 214 Audition du 18 avril 2013.

* 215 Audition du 16 avril 2013.

* 216 Audition du 11 avril 2013.

* 217 Audition du 20 mars 2013.

* 218 Audition du 4 avril 2013.

* 219 Voir l'audition de John Fahey du 13 juin 2013.

* 220 899 726 euros de recettes en 2012.

* 221 Rapport d'activité 2012 de l'AFLD.

* 222 Ibid.

* 223 Note d'information transmise par Fabrice Dubois et Frédéric Schuler, correspondants antidopage régionaux (voir annexes).

* 224 Audition du 27 mars 2013.

* 225 Voir l'audition du 27 mars 2013 et la note d'information précitée.

* 226 Audition du 16 avril 2013.

* 227 Voir par exemple l'épisode, rapporté par le préleveur français Olivier Grondin, d'un contrôle inopiné à Saint-Jean-Cap-Ferrat, où il a dû attendre plusieurs dizaines de minutes avant de pouvoir contrôler Lance Armstrong.

* 228 Audition du 25 avril 2013.

* 229 Ibid.

* 230 Voir le compte rendu du déplacement de la commission d'enquête aux États-Unis.

* 231 Dans la version antérieure du code, l'Onad ne pouvait réaliser de tels contrôles que lorsque l'organisation internationale ne réalisait aucun contrôle antidopage.

* 232 Audition du 29 mai 2013.

* 233 Voir l'audition du 22 mai 2013.

* 234 Audition du 22 mai 2013.

* 235 Voir l'audition de Bruno Genevois du 21 mars 2013.

* 236 Audition du 17 avril 2013.

* 237 Audition du 15 mai 2013.

* 238 Audition du 17 avril 2013.

* 239 Audition du 20 mars 2013.

* 240 Audition du 27 mars 2013.

* 241 Voir l'audition du 17 avril 2013.

* 242 Rapport des observateurs indépendants, Tour de France 2010, 28 octobre 2010 : « un élément qui est souligné dans le rapport est l'impératif pour l'UCI de varier le programme de contrôle afin de réduire sa prévisibilité. Le format du programme de contrôle « post-finish » semble être bien connu sur le Tour et bénéficierait d'être à la fois plus flexible et moins prévisible à la fois dans le choix du coureur et le type d'analyse. En outre, les observateurs ont constaté à un certain nombre de reprises qu'une approche plus agressive des tests en dehors des fins de courses aurait dû être mise en oeuvre ».

* 243 Audition du 25 avril 2013.

* 244 Rapport d'activité 2012 de l'AFLD.

* 245 Ibid.

* 246 Voir l'audition de Francesco Ricci Bitti du 15 mai 2013.

* 247 Audition du 21 mars 2013.

* 248 Audition du 15 mai 2013.

* 249 Compte rendu n° CR 2012-11, séance du 14 juin 2012.

* 250 Voir l'audition du 17 avril 2013.

* 251 Audition du 10 avril 2013.

* 252 Ibid.

* 253 Ibid.

* 254 « Localisation des sportifs : le Conseil d'État donne sa bénédiction à l'inquisition sportive », Jean-Christophe Lapouble, Note sous Conseil d'État du 24 février 2011.

* 255 Même si l'utilisation du logiciel Adams est conseillée pour des raisons de facilité d'accès et d'utilisation, les sportifs peuvent également, à défaut, se localiser en remplissant un formulaire de localisation.

* 256 Article L. 232-14 du code du sport.

* 257 « Localisation des sportifs : le Conseil d'État donne sa bénédiction à l'inquisition sportive », Jean-Christophe Lapouble, Note sous Conseil d'État du 24 février 2011.

* 258 Audition du 16 mai 2013.

* 259 Décision du Conseil d'État du 24 février 2011 n° 340122.

* 260 Note de la Fédération nationale des associations et des syndicats de sportifs, Fnass, transmise à votre rapporteur ; voir annexe.

* 261 Voir l'audition du 16 avril 2013.

* 262 Ibid.

* 263 Voir infra ; audition du 16 mai 2013.

* 264 Voir note précitée de la Fnass en annexe.

* 265 Rapport d'activité 2012 de l'AFLD.

* 266 Audition du 21 mars 2013.

* 267 L'Usada a comme pratique de réaliser les deux tiers de ses contrôles hors compétition et de se conformer strictement à ce principe chaque année.

* 268 Statistiques relatives aux contrôles antidopage 2011, site Internet de l'UCI.

* 269 Voir le compte rendu du déplacement en Suisse en annexe.

* 270 La liste de ces quinze joueurs et joueuses fait d'ailleurs apparaître un ciblage davantage en fonction de la nationalité (sur les quinze, cinq sont tchèques et cinq sont espagnols) qu'en fonction du classement mondial, ni les trois premiers joueurs mondiaux ni les quatre premières joueuses mondiales au 31 décembre 2012 n'en faisant partie.

* 271 Statistiques relatives aux contrôles antidopage 2012, site Internet de l'ITF.

* 272 Audition du 15 mai 2013.

* 273 Ibid.

* 274 Ibid.

* 275 Audition du 21 mars 2013.

* 276 Voir l'audition du 16 mai 2013.

* 277 Ibid.

* 278 Audition du 16 mai 2013.

* 279 Ibid.

* 280 Cette possibilité de contrôle pendant la garde à vue a été introduite par la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008.

* 281 Audition du 16 mai 2013.

* 282 Audition du 22 mai 2013.

* 283 Audition du 30 mai 2013.

* 284 Voir le compte rendu du déplacement en Espagne, en annexe.

* 285 Conseil constitutionnel, décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1984.

* 286 Rapport annuel de performance 2012, Mission « Sports, jeunesse et vie associative ».

* 287 Voir l'audition de John Fahey le 13 mai 2013 : « À chaque discipline de mener une analyse des risques de dopage, en lien avec l'AMA ».

* 288 Audition du 29 mai 2013.

* 289 Voir l'audition de Bernard Amsalem du 18 avril 2013.

* 290 Voir l'audition de Martin Fourcade du 16 avril 2013.

* 291 Voir l'audition de Francesco Ricci Bitti et Stuart Miller du 15 mai 2013.

* 292 Voir l'audition du 28 mars 2013.

* 293 Voir la recommandation n° 15 du rapport des observateurs indépendants de l'AMA sur le Tour de France 2010.

* 294 C'est ce système qui prévaut dans le passeport biologique mis en place par l'Usada pour ses athlètes.

* 295 Audition du 28 mars 2013.

* 296 Audition du 22 mai 2013.

* 297 Audition du 16 mai 2013.

* 298 Voir par exemple l'audition de Martin Fourcade du 16 avril 2013, révélant une particularité génétique améliorant le transport de l'oxygène par le sang.

* 299 Audition du 16 mai 2013.

* 300 Site Internet de l'AMA.

* 301 Voir le compte rendu du déplacement en Espagne, en annexe.

* 302 Audition du 15 mai 2013.

* 303 En 2011, le tarif est de 245 euros mais le rapport d'audit du laboratoire montre que le coût complet d'une analyse de confirmation peut être de plus de 1 500 euros.

* 304 Rapport d'activité 2012 de la Nationale Anti-Doping Agentur Deutschland.

* 305 Rapport d'activité 2012 de l'AFLD.

* 306 Audition du 13 juin 2013.

* 307 Standard international et Lignes directrices pour les AUT.

* 308 Rapport d'activité 2012 de l'AFLD.

* 309 Décret n° 2012-1153.

* 310 Audition du 27 mars 2013. Elle a toutefois précisé qu'il manquait encore au laboratoire un spectromètre de masse de haute résolution.

* 311 En particulier les articles L. 232-12, L. 232-18, R. 232-43 du code du sport.

* 312 Cette problématique a été à nouveau soulevée par plusieurs membres du personnel du département des analyses de l'AFLD lors de la visite de la commission d'enquête au laboratoire.

* 313 Audition du 20 mars 2013.

* 314 Voir le compte rendu du déplacement de votre commission d'enquête en Suisse.

* 315 Audition du 15 mai 2013.

* 316 Article 232-18 du code du sport.

* 317 Rapport n° 12 (2005-2006) de M. Alain Dufaut, fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 12 octobre 2005.

* 318 Rapport annuel de performance 2012.

* 319 Comptes rendus des délibérations du collège du 19 mars 2009 et du 20 janvier 2011.

* 320 Dans ce courrier, le président de l'agence explique, en réponse à une demande de la directrice, que le département peut réaliser des analyses pour le compte de la Fédération européenne d'athlétisme aux conditions (notamment la transmission des résultats à elle seulement) qu'elle pose.

* 321 Audition du 27 mars 2013.

* 322 Rapport d'audit du laboratoire, 2011.

* 323 Audition du 20 mars 2013.

* 324 Audition du 21 mars 2013.

* 325 Voir l'audition du 27 mars 2013.

* 326 Audition du 4 avril 2013.

* 327 Audition du 20 mars 2013.

* 328 Cette conservation est désormais possible pour les échantillons collectés lors d'une manifestation internationale, lors d'une manifestation nationale délivrant un titre national et lors des contrôles inopinés.

* 329 Audition du 21 mars 2013.

* 330 Audition du 27 mars 2013.

* 331 Audition du 21 mars 2013.

* 332 Audition du 17 avril 2013.

* 333 Audition du 27 mars 2013.

* 334 S'agissant des sanctions sur la base de preuves non analytiques, la compétence est partagée entre l'organisation nationale dans laquelle le sportif est licencié (par exemple l'Usada dans le cas de Lance Armstrong) ou la fédération internationale concernée.

* 335 Les recours sont limités aux motifs suivants de procédure : composition irrégulière du TAS, défaut de compétence, sentence statuant ultra ou infra petita , violation du droit d'être entendu ou de l'égalité des parties, incompatibilité avec l'ordre public.

* 336 Voir par exemple l'audition de Bernard Amsalem du 18 avril 2013 ou de Laurent Jalabert du 15 mai 2013.

* 337 Voir l'audition du 29 mai 2013 : « Ces commissions, de première et deuxième instances, ont peu de travail au sein de notre fédération. Cependant, nous estimons que trop de cas sont rejugés par l'AFLD, remettant en question l'intérêt des commissions disciplinaires fédérales ».

* 338 Audition du 14 mars 2013.

* 339 Audition du 18 avril 2013.

* 340 Audition du 22 mai 2013.

* 341 Audition du 18 avril 2013.

* 342 Voir notamment l'audition de Marie-George Buffet le 20 mars 2013.

* 343 Voir l'audition du 25 avril 2013.

* 344 André Agassi, « Open », Plon, 2009.

* 345 Voir le rapport d'activité 2012 de l'AFLD : proportionnalité en fonction des conditions de pratique et l'âge des sportifs, de leur attitude, de l'existence d'un dossier médical, de la nature des produits utilisés.

* 346 Audition du 22 mai 2013.

* 347 Décision n° 2012/119 du 20 décembre 2012 ; il s'agit d'un cas d'EPO en athlétisme.

* 348 Audition du 22 mai 2013.

* 349 Audition du 22 mai 2013.

* 350 Audition du 18 avril 2013.

* 351 Voir l'audition du 16 avril 2013.

* 352 Voir l'audition du 23 mai 2013.

* 353 Audition du 16 mai 2013.

* 354 Audition du 23 mai 2013.

* 355 Ibid. Au-delà de la sanction collective, Christophe Blanchard-Dignac a exposé un ensemble de pratiques qui permettent d'assurer que l'équipe et son encadrement sont investis dans la prévention du dopage comme, par exemple, l'absence de rémunération au résultat pour le directeur sportif et le médecin d'équipe.

* 356 Voir le compte rendu du déplacement en Espagne en annexe.

* 357 Rapport annuel de l'ASADA 2011-2012 , Australian Sports Anti-Doping Authority.

* 358 Ou sur la base de manquements liés aux obligations de localisation et de contrôle.

* 359 Il s'agissait d'un cas d'usage de cocaïne chez un cycliste (décision n° 2006-70).

* 360 Décisions n° 2013-85 et 2003-87.

* 361 Article L. 232-6 du code du sport : trois membres des juridictions administrative et judiciaire, trois personnalités qualifiées dans le domaine de la pharmacologie, de la toxicologie et de la médecine du sport et trois personnes qualifiées dans le domaine du sport.

* 362 Conformément à l'article L. 232-5 du code du sport qui prévoit que « les missions de contrôle, les missions d'analyse et les compétences disciplinaires de l'agence ne peuvent être exercées par les mêmes personnes ».

* 363 Dubus SA c/ France, n° 5242/04, Cons. 57.

* 364 Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, Banque populaire Côte d'Azur.

* 365 Voir notamment l'audition de Denis Masseglia du 22 mai 2013.

* 366 Audition du 20 mars 2013.

* 367 Audition du 4 avril 2013.

* 368 Audition du 3 avril 2013.

* 369 Audition du 11 avril 2013 : « l'acte fondateur [du CPLD] a été la publication d'un communiqué de presse à l'issue du Tour de France 2000 annonçant que quatre-vingt-seize contrôles avaient été réalisés, quarante-cinq d'entre eux révélant la prise de substances dopantes ».

* 370 Voir le compte rendu du déplacement aux États-Unis en annexe.

* 371 Voir le compte rendu du déplacement en Espagne en annexe.

* 372 Voir l'audition du 20 mars 2013.

* 373 Audition du 21 mars 2013.

* 374 Audition du 20 mars 2013.

* 375 Audition du 25 avril 2013.

* 376 Article premier.

* 377 Mickaël Benillouche, « Le renforcement de la lutte contre le dopage : Commentaire de la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants », Gaz. Pal., 2008, doctr. p. 3254 : « La preuve du caractère volontaire et intentionnel de l'action s'avérait particulièrement délicat pour les autorités de poursuite ».

* 378 Les bases de données du casier judiciaire national, qui ne commencent qu'en 1984 établissent que de 1984 à 1989, il y a eu 5 condamnations sur le fondement de la loi de 1965 : 2 en 1987
et 3 en 1989 : 4 peines d'emprisonnement avec sursis et une amende ont été prononcées.

* 379 Audition du 20 mars 2013.

* 380 Audition du 20 mars 2013.

* 381 Audition du 27 mars 2013.

* 382 Rapport n° 327, p. 21 : http://www.senat.fr/rap/l07-327/l07-3271.pdf

* 383 Audition du 27 mars 2013.

* 384 Audition du 28 mars 2013.

* 385 Audition du 20 mars 2013.

* 386 Audition du 27 mars 2013.

* 387 Audition du 12 juin 2013.

* 388 Assemblée nationale, séance du mercredi 30 avril 2008.

* 389 Audition du 16 mai 2013.

* 390 C'est en effet le seul avantage d'une pénalisation d'usage de produits dopants, comme l'identifie notre collègue Alain Dufaut dans son rapport précité : « Votre rapporteur estime qu'une éventuelle pénalisation de l'usage desdits produits pourrait avoir un intérêt : celui de faciliter le démantèlement de certaines filières grâce à la menace qui pèserait sur les sportifs déclarés (moyens d'investigation renforcés de la police et de la gendarmerie, et prononcé de peines de prison par les juges : c'est ce qui se passe aujourd'hui dans le cadre des enquêtes mettant en cause la détention de stupéfiants) ».

* 391 C'est notamment la position de Jean-Christophe Lapouble, maître de conférences, directeur des études du CPAG à l'Institut d'études politiques de Bordeaux, entendu le 16 mai 2013, ou encore celle de Mickaël Benillouche, Le renforcement de la lutte contre le dopage : Commentaire de la loi n  2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants, Gaz. Pal., 2008, doctr. p. 3254. : « Si la détention est incriminée, il semble que l'objectif poursuivi est essentiellement de faciliter les investigations concernant le trafic, et non de parvenir à une condamnation du sportif ».

* 392 Anne-Gaëlle Robert, Loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants , RSC 2008, p. 937.

* 393 Audition du 27 mars 2013.

* 394 Leur statut juridique est toutefois incertain, depuis l'abrogation en 2007 des dispositions réglementaires les ayant créées en 2003.

* 395 Rapport général sur le PLF 2013, Tome III, annexe 27a, p. 44 : http://www.senat.fr/rap/l12-148-327-1/l12-148-327-11.pdf

* 396 Audition du 3 avril 2013.

* 397 Audition du 4 avril 2013.

* 398 Audition du 29 mai 2013.

* 399 Audition du 3 avril 2013.

* 400 « Nous sommes en contact avec l'Oclaesp. Cela a surtout été le cas en 2006 et 2007 ». Audition du 18 avril 2013.

* 401 Barrie Houlihan, Borja Garcia, The use of legislation in relation to controlling the production, movement, importation, distribution and supply of performance-enhancing drugs in sport (PEDS) , Institute of Sport and Leisure Policy, Loughborrough University, Aug. 2012 : « The major problems concerning implementation included weak penalties, the low priority given by public authorities to PEDS trafficking cases, lack of knowledge by police and poor information exchange ».

* 402 Rapport précité, p. 6.

* 403 Rapport précité, p. 50.

* 404 Audition du 20 mars 2013.

* 405 Audition du 29 mai 2013.

* 406 Audition du 27 mars 2013.

* 407 Audition du 21 mars 2013.

* 408 Audition du 4 avril 2013.

* 409 Audition du 27 mars 2013.

* 410 Les dispositions du décret de 2003 avaient été codifiées dans le code de la santé publique.

* 411 Audition du 3 avril 2013.

* 412 Audition du 3 avril 2013.

* 413 Voir le compte rendu du déplacement en Suisse en annexe.

* 414 Cf. partie I, p. 7.

* 415 « IV.-Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en oeuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ou l'administration ne disposaient pas antérieurement. À la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, l'Autorité de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre, et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, l'Autorité peut, si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction ».

* 416 Audition du 13 juin 2013. Dans son courrier vers l'AFLD en date du 1 er novembre 2012, l'AMA justifiait la mise en place, encore éventuelle à cette époque, de cette procédure, « en raison de l'omerta qui sévissait dans le milieu cycliste ».

* 417 Audition du 29 mai 2013.

* 418 Voir l'audition du 29 mai 2013.

* 419 Audition du 3 avril 2013.

* 420 Audition du 3 avril 2013.

* 421 Audition du 3 avril 2013.

* 422 Frédéric Desportes, Laurence Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale , Economica, 2 e éd., 2012, p. 556.

* 423 Les commissions régionales, étaient inspirées des cellules régionales mises en place par Jean-Pierre Verdy comme il a eu l'occasion de le rappeler lors de son audition réunissaient la douane, la pharmacie, la gendarmerie et le fisc et ont montré leur très grande efficacité : « Avant de travailler à l'Agence [l'AFLD] , j'étais à la direction régionale d'Ile de France, où j'avais inventé une cellule régionale réunissant la douane, la pharmacie, la gendarmerie et le fisc ». Audition du 27 mars 2013.

* 424 Pour mémoire, l'article D. 3632-44 du code de la santé publique - abrogé en 2007 - disposait qu' « il est créé dans chaque région une commission de prévention et de lutte contre les trafics de produits dopants présidée conjointement par le préfet ou son représentant et le procureur de la République près le tribunal de grande instance du chef-lieu de région ou son représentant ou tout procureur de la République territorialement compétent désigné par le procureur général près la cour d'appel compétente (...) ».

* 425 Barrie Houlihan, Borja Garcia, The use of legislation in relation to controlling the production, movement, importation, distribution and supply of performance-enhancing drugs in sport (PEDS) , Institute of Sport and Leisure Policy, Loughborrough University, Aug. 2012.

* 426 Audition du 27 mars 2013.

* 427 Audition du 3 avril 2013.

* 428 Barrie Houlihan, Borja Garcia, The use of legislation in relation to controlling the production, movement, importation, distribution and supply of performance-enhancing drugs in sport (PEDS) , Institute of Sport and Leisure Policy, Loughborrough University, Aug. 2012. p. 50.

* 429 Audition du 13 juin 2013.

* 430 Franc jeu , 2007, n° 1, p. 2.

* 431 Rapport précité, pp. 27-29.

* 432 Audition du 3 avril 2013.

* 433 Audition du 27 mars 2013.

* 434 Audition du 3 avril 2013.

* 435 Audition du 27 mars 2013.

* 436 http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_europeennes/textes_subsidiarite/COM_2013_173.pdf

* 437 http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/00400-r1.%20ann.f0.htm : « Le Conseil européen a pris note du rapport sur le sport remis par la Commission européenne au Conseil européen à Helsinki en décembre 1999 dans l'optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport au sein de l'Union européenne. Les organisations sportives et les États membres ont une responsabilité première dans la conduite des affaires sportives. La Communauté doit tenir compte, même si elle ne dispose pas de compétences directes dans ce domaine, dans son action au titre des différentes dispositions du Traité des fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport , qui fondent sa spécificité, afin de respecter et de promouvoir l'éthique et les solidarités nécessaires à la préservation de son rôle social ».

* 438 http://ec.europa.eu/sport/white-paper/the-2007-white-paper-on-sport_fr.htm#wp

* 439 Livre blanc, p.5.

* 440 Livre blanc, p.5.

* 441 Barrie Houlihan, Borja Garcia, The use of legislation in relation to controlling the production, movement, importation, distribution and supply of performance-enhancing drugs in sport (PEDS) , Institute of Sport and Leisure Policy, Loughborrough University, Aug. 2012, p. 50.

* 442 http://www.senat.fr/rap/r12-379/r12-3791.pdf

* 443 Rapport n° 379, p. 57.

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