N° 649

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 juillet 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à la prospective (1) sur les entretiens de la prospective ,

Par M. Roger KAROUTCHI,

Sénateur.

Cette délégation est composée de : M. Roger Karoutchi, président ; M. Gérard Bailly, Mme Corinne Bouchoux, M. Yvon Collin, Mme Annie David, MM. Alain Fouché, Philippe Kaltenbach, Mmes Fabienne Keller, Sylvie Robert, MM. Henri Tandonnet, Yannick Vaugrenard, vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-François Mayet, secrétaires ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Pierre Charon, Alain Chatillon, Pierre-Yves Collombat, Robert del Picchia, Francis Delattre, Mme Évelyne Didier, M. Louis Duvernois, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Gilles, Mmes Dominique Gillot, Pascale Gruny, MM. Loïc Hervé, Éric Jeansannetas, Philippe Leroy, Jean-Claude Luche, Franck Montaugé, Robert Navarro, Yves Rome, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur.

AVANT-PROPOS

Mesdames, messieurs,

Créée en avril 2009 par l'Instruction générale du Bureau du Sénat, la délégation à la prospective est une structure originale et unique au sein du Parlement français. Perpétuant une tradition ancrée depuis longtemps au Sénat au travers de la délégation à la planification et du groupe sénatorial de prospective, auxquels elle s'est substituée, elle a pour mission de réfléchir aux transformations sociales, économiques et sociétales en vue d'informer le Sénat des évolutions à l'oeuvre et d'aider à la préparation des futurs souhaitables pour les générations à venir.

À la suite des élections sénatoriales de septembre 2014, la délégation, dont la composition a été profondément renouvelée, a accepté le principe d'ouvrir un cycle d'auditions à caractère généraliste, en conviant un certain nombre d'experts à venir présenter leur vision de la société et de l'économie françaises pour les vingt ou trente prochaines années. Par cette approche didactique, l'objectif était de pouvoir ainsi dégager des thèmes porteurs d'avenir pour y consacrer des études plus approfondies.

La délégation promeut la réflexion et le travail collectifs, au-delà des appartenances politiques, en se nourrissant, par la rencontre et l'échange, de l'expertise de spécialistes reconnus dans leurs domaines respectifs. Au demeurant, c'est l'une des caractéristiques du Sénat que d'avoir un rapport au temps spécifique. Il est donc pleinement dans son rôle lorsqu'il s'agit de dépasser les clivages pour se mettre au diapason de la société.

La prospective est une démarche assurément collective. La société actuelle est marquée par le règne du court-termisme, pour ne pas dire de la dictature de l'instant. Au même moment, notre régime politique subit une double crise de légitimité et d'efficacité. Dans un tel contexte, il paraît judicieux d'encourager le croisement des savoirs, de privilégier une réflexion partagée pour identifier les racines de futurs possibles, pour cheminer, ensemble, vers un avenir souhaitable.

La prospective est un éclairage. C'est tout l'objet du présent rapport d'information, qui retrace le contenu des rencontres et débats organisés au cours du premier semestre 2015, lesquels constituent le socle des réflexions actuellement menées au sein de la délégation.

Pour mesurer pleinement tout ce que la prospective peut apporter au Sénat, il est nécessaire de maîtriser autant que possible les tenants et les aboutissants de cette discipline à part entière, en pleine expansion. Le président du Sénat, Gérard Larcher, indiquait d'ailleurs lui-même en 2010 : « Notre coeur de métier, c'est aussi d'insérer une dimension prospective à nos travaux. »

La rencontre avec Philippe Durance, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de prospective et développement durable, président de l'Institut des futurs souhaitables, a permis de rappeler que l'homme s'était toujours interrogé sur l'avenir en y apportant, selon les époques, des réponses extrêmement diverses. Le futur plonge très profondément ses racines dans le passé tant et si bien que prospective et rétrospective doivent aller de pair. Du reste, l'exploration des futurs possibles est l'affaire de tous, elle intéresse à la fois les sphères publique et privée, les responsables politiques comme les citoyens.

Une telle diversité des points de vue a également été mise en lumière par Hugues de Jouvenel, président de l'association de prospective Futuribles International. Remontant aux sources de la prospective, soulignant que l'avenir ne se prévoit pas mais qu'il se construit et regrettant à cet égard un vrai déficit de réflexion prospective au sein de notre pays, il en a appelé à un sursaut d'impertinence pour sortir des sentiers balisés, pour opérer des changements d'ampleur, convaincu, pour reprendre ses propres termes, que la France s'épuise à essayer de retrouver le monde d'hier plutôt que de s'atteler à construire le monde de demain.

L'entretien avec Jean-Paul Bailly, président de la délégation à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques du Conseil économique, social et environnemental, et Jean-Claude Étienne, conseiller, membre de la délégation, fut l'occasion d'illustrer la variété des applications de la prospective et de son caractère opérationnel comme instrument d'aide à la décision. Tous deux ont insisté sur la fonction d'alerte particulièrement utile que remplit la prospective et sur l'impérieuse nécessité de prendre en compte la dimension politique dans le cadre des différents scénarios susceptibles d'être élaborés.

Nous l'avons vu, la prospective se nourrit de la variété des acteurs, des lieux, des sujets pour dégager les problématiques d'avenir. Nul doute que les enjeux stratégiques seront intimement liés aux ressources naturelles. Cela a été confirmé par Nicolas Bériot et Éric Brun, de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique. Si l'adaptation aux évolutions du climat est un concept relativement récent, il a pris une place centrale dans le débat public. Sur ce sujet comme sur d'autres, comprendre le présent permet de mieux préparer l'avenir : c'est l'une des clés de la prospective.

L'audition de Bruno Hérault, chef du centre d'études et de prospective du ministère de l'agriculture, a permis de dresser un panorama des grandes transformations de la société française et de développer une vision de la prospective davantage tournée vers les sciences économiques et sociales. Les rapports au temps, à l'espace, sont en train de se modifier, notamment par le biais de la révolution numérique et des nouvelles préoccupations environnementales. L'innovation ne peut plus être entendue sous le seul angle scientifique et technologique, elle est aussi sociale, organisationnelle, culturelle, territoriale.

D'où la nécessité de réhabiliter le temps long, et ce à toutes les échelles géographiques, aussi bien au niveau local que national et mondial. Angel Gurría, secrétaire général de l'OCDE, nous a apporté un éclairage très utile sur la primauté du politique dans un monde globalisé et le besoin toujours croissant de concertation, de coopération entre pays du Nord et du Sud. La prospective n'a pas de frontières. Elle n'est pas qu'affaire de spécialistes, elle concerne chacun d'entre nous.

Dans le cadre des précédents rapports qu'elle a publiés, la délégation s'est toujours efforcée de varier les sujets d'étude pour couvrir un spectre le plus large possible des tendances en devenir tout en favorisant l'interaction entre les différents acteurs et disciplines. C'est ainsi qu'elle a pu s'intéresser au commerce électronique, à l'aménagement du territoire, à la pauvreté, aux emplois de demain. Si elle s'attache à développer une analyse au plus près des territoires, elle n'en oublie pas pour autant la dimension internationale, comme l'a montré le récent atelier de prospective qu'elle a consacré aux maladies infectieuses émergentes. Dans cette logique, l'étude sur l'eau et l'adaptation au changement climatique, qu'elle a récemment confiée à Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach, s'inscrit pleinement dans l'agenda international et la préparation de la Cop21 qui se tiendra à Paris à la fin de l'année.

C'est dans cette perspective, et plus largement dans les préconisations qu'elle s'attachera à formuler, que la délégation sénatoriale à la prospective compte inscrire son action de long terme.

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