LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : afin d'associer le mouvement sportif, prévoir une concertation avec les fédérations, sous l'égide du CNOSF, avant de déterminer la répartition de l'enveloppe budgétaire globale des subventions de chaque campagne de conventions d'objectifs.

Proposition n° 2 : afin d'aligner le conventionnement sur le programme sportif de la fédération, mettre en place des conventions d'objectifs pluriannuelles qui couvrent, en principe, la durée de l'olympiade.

Proposition n° 3 : afin d'augmenter la visibilité des fédérations sur les subventions de l'État, garantir un montant de subvention sur une partie des actions de la convention d'objectifs, de l'ordre de 80 % du montant total.

Proposition n° 4 : afin d'accroître la liberté de gestion des crédits des fédérations, prévoir une subvention de l'État divisée en deux actions, contre quatre actuellement.

Proposition n° 5 : afin de ne pas pénaliser les petites fédérations dans le cadre du redéploiement des conseillers techniques sportifs, concentrer et accélérer la diminution du nombre de CTS dans les fédérations disposant des ressources propres les plus importantes.

Proposition n° 6 : afin de renouveler les équipes d'encadrement des fédérations, examiner la possibilité de renforcer les mobilités de conseillers techniques sportifs dans d'autres disciplines que celles dans lesquelles ils sont spécialisés.

Proposition n° 7 : afin de faciliter l'exercice du mandat de président de fédération par des fonctionnaires, permettre la mise à disposition à titre gratuit pour les présidences de fédérations sportives.

INTRODUCTION - REPENSER LA GOUVERNANCE PUBLIQUE DU SPORT

« Ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c'est au sport que je le dois » 1 ( * ) . Cette formule d'Albert Camus - qui a été, jusqu'à la découverte de sa tuberculose, gardien de but du Racing universitaire Algérois - met en exergue le rôle majeur que le sport peut et doit jouer dans la formation de la jeunesse et dans l'apprentissage des règles, des contraintes, mais aussi des joies de la vie en société.

Dans un contexte de mobilisation nationale en faveur de la jeunesse et de la consolidation des valeurs de notre société , la politique sportive doit constituer une priorité d'action , dont les avantages ne relèvent pas seulement de la santé ou des loisirs de nos concitoyens, mais plus encore de la cohésion sociale.

Au sein de cette politique, les fédérations sportives jouent un rôle de premier plan , en animant un réseau d'associations, de bénévoles et de pratiquants unique par son ampleur et par sa vitalité. La puissance publique apporte une aide précieuse à ce réseau ; les aides de l'État aux fédérations nationales, sous la forme de subventions ou de moyens humains affectés, qui font l'objet du présent rapport, ne constituent à cet égard que la partie la plus visible d'un dispositif de financement public du sport qui, à côté des ministères de l'éducation nationale et du sport, rassemble le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et, surtout, les collectivités territoriales pour le développement des équipements sportifs locaux et des clubs.

Le présent rapport a pour objet de dresser quelques constats et de proposer certaines pistes d'évolution en matière d'aides de l'État aux fédérations sportives. Cependant, votre rapporteur spécial estime utile, en introduction, de poser un certain nombre de principes qui devraient guider notre gouvernance publique du sport .

1. Un ministère des sports à identifier

La France dispose, depuis sa création par Léo Lagrange sous le Front populaire en 1936, d'un ministère des sports dont la mission consiste à définir la politique publique en faveur du sport et à déterminer les règles et le financement alloué au mouvement sportif.

Au regard de l'importance, précédemment rappelée, du sport en tant qu'outil en soi de la promotion des valeurs de la vie en société, votre rapporteur spécial est favorable à la mise en place durable d'un ou d'une ministre des sport de plein exercice . En effet, le rattachement du ministre ou du secrétaire d'État au sport à un autre ministre, qu'il s'agisse, comme aujourd'hui, de la ville, de la jeunesse et des sports, ou de l'Éducation nationale ou de tout autre ministère, nuit à la lisibilité de l'action politique menée. Il fait dépendre de telle ou telle autre action publique - la politique de la ville, la formation de la jeunesse, la santé, etc. - une politique sportive par définition transversale, qui doit contribuer, sans en exclure aucune, à chacune de ces politiques publiques. Ce caractère transversal du sport est d'ailleurs identifié à l'article L. 100-1 du code du sport, qui inaugure ce dernier : « Les activités physiques et sportives constituent un élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale. Elles contribuent notamment à la lutte contre l'échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles, ainsi qu'à la santé. La promotion et le développement des activités physiques et sportives pour tous, notamment pour les personnes handicapées, sont d'intérêt général ».

Aussi, du point de vue de la nécessaire transversalité de l'action menée, de la cohérence des orientations données au mouvement sportif ou de la personnalisation, aux yeux du public, de la promotion du sport et des objectifs qui lui sont fixés, il est donc souhaitable que le Gouvernement comprenne un seul ministre de plein exercice chargé des sports.

2. Un rôle plus important à accorder au mouvement sportif dans la définition de la politique nationale du sport

Le « mouvement sportif » rassemble les associations sportives, les clubs - professionnels ou amateurs -, et les fédérations, ainsi que le comité national olympique et sportif. Ce mouvement, s'il est dispersé par le nombre de ses acteurs et hétérogène par leur taille et leurs objectifs, présente une caractéristique commune : une mission de développement de la pratique et de l'excellence sportive.

Pour exercer cette mission, le mouvement sportif dispose d'un réseau qui irrigue le territoire national , présent, souvent avec l'aide de bénévoles passionnés, aussi bien dans les centres villes, dans les quartiers sensibles, dans les espaces péri-urbains ou les espaces ruraux.

L'article L. 100-2 du code du sport prévoit ainsi que les associations et fédérations sportives, aux côtés de l'État et des collectivités territoriales, ainsi que des entreprises et des institutions sociales, « contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives ». Il prévoit par ailleurs que ces associations et fédérations sportives, aux côtés du seul État, « assurent le développement du sport de haut niveau », avec le concours des collectivités territoriales.

Pourtant, le mouvement sportif apparaît parfois comme placé dans une position de quasi-tutelle vis-à-vis de l'État . Peu associé à la définition des objectifs de la politique du sport, il découvre chaque année, plus qu'il n'y participe, le montant de la subvention qui lui est allouée et les actions qu'elle doit financer. Certaines des personnes entendues par votre rapporteur spécial ont souligné que la convention d'objectifs et de moyens était moins conclue en concertation entre l'État et la fédération concernée qu'imposée par l'État.

Il ne s'agit pas de remettre en cause la nécessité absolue qu'il y a, pour l'État, à indiquer et à contrôler l'utilisation qui peut être faite de l'argent public apporté sous la forme d'une subvention.

Cependant, une meilleure association du mouvement sportif dans la définition de la politique du sport devrait être recherchée, pour assurer la cohérence et l'efficacité de l'action menée . Plusieurs propositions du rapport vont dans ce sens, en particulier la mise en oeuvre d'une consultation systématique du comité national olympique et sportif français (CNOSF) avant la répartition des subventions aux fédérations ; une plus grande liberté de gestion de l'enveloppe d'aide allouée en fonction d'objectifs définis par le ministère des sports ; une plus grande clarification des conditions de gestion des conseillers techniques sportifs au sein des fédérations. D'autres évolutions, qui dépassent le cadre du présent rapport, pourraient être envisagées, en particulier une association plus étroite du mouvement sportif à la définition des actions et des investissements financés par le CNDS.

Pour assurer un rôle dans la définition de la politique sportive plus en adéquation avec les moyens et l'action de terrain du mouvement sportif, ce dernier devra relever le défi du rassemblement . En effet, le mouvement sportif français se caractérise par une relative dispersion, que ne peut parfaitement pallier le CNOSF, structure légère dont les interventions dans les orientations et les relations avec l'État de chacune des fédérations sont limitées. Votre rapporteur spécial regrette cette vision cloisonnée , qui se manifeste notamment par le faible nombre des rendez-vous sportifs où se retrouvent les dirigeants et les sportifs de plusieurs fédérations et disciplines.

À cet égard, votre rapporteur spécial espère, à l'instar des propos tenus par le président Denis Masseglia lors de son audition, que la candidature de la ville de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024 soit l'occasion d'un rassemblement de tout le mouvement sportif autour d'une cause commune, à savoir l'obtention des Jeux puis la réussite de leur organisation et de leur déroulement pour le sport de haut niveau français.

3. Les compétences des collectivités territoriales en voie de clarification

La politique sportive fait partie des politiques publiques qui, au terme de plusieurs vagues de décentralisation et de répartition des compétences, continuent d'être portées par l'État et par chaque niveau de collectivités territoriales . Sans doute en raison de leur transversalité, mais aussi de leur importance pour la vitalité d'un territoire localement, le sport, la culture et le tourisme sont les trois principaux domaines où, d'après le rapport public de la Cour des comptes de 2013, « dès l'origine de la décentralisation et malgré des dispositions particulières, les interventions de toutes les collectivités et de l'État se sont cumulées ou conjuguées » et pour lesquels elle constate « une confusion des interventions de l'État et des collectivités dans des domaines de compétences partagées, conduisant à des doublons, une complexité de gestion, et une dilution des responsabilités » 2 ( * ) .

Chaque niveau de collectivité joue ainsi un rôle dans la politique sportive : le pilotage général, le sport de haut niveau et le contrôle (en termes de santé et de sécurité) des activités sportives pour l'État et ses opérateurs ; les équipements sportifs des lycées et le subventionnement du tissu associatif sportif régional pour la région ; les équipements sportifs des collèges, le subventionnement des comités départementaux olympiques et sportifs et des fédérations sportives départementales et l'encadrement du sport nature pour les départements ; enfin, les équipements sportifs de proximité, la sécurité des installations et, là aussi, le subventionnement des associations sportives communales pour les communes ou leurs groupements.

À cet égard, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de l'État dite Notre, tout en recherchant une spécialisation des collectivités territoriales, a prévu, à l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), que « les compétences en matière de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et d'éducation populaire sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier ». Ainsi, le sport est une compétence qui, à défaut d'être générale, reste partagée entre les niveaux de collectivités . En outre, il convient de souligner que la loi Notre, tenant compte des doublons produits par la multiplication des sources de subventions possibles et la complexité qu'elle introduit pour les associations qui les recherchent, a prévu la possibilité pour les collectivités, à l'article L. 1111-8-2 du CGCT, qu'il puisse être mis en place un guichet unique assumé par l'État, une collectivité territoriale ou un EPCI avec lequel les autres personnes publiques concluent des conventions lui délégant la compétence de subventionnement.

En tout état de cause, la diversité des niveaux de collectivités publiques qui interviennent en matière sportive constitue un avantage pour l'animation d'un réseau associatif sportif lui-même caractérisé par une très grande diversité de taille et de moyens, en permettant au mouvement sportif de travailler et nouer des partenariats avec chaque niveau de collectivité, en fonction de ses besoins et de son envergure.

4. Des directions régionales de la jeunesse et des sports à repenser

Le ministère des sports s'appuie sur une administration centrale (direction des sports) et sur des services déconcentrés dans les régions et les départements (directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, et directions départementales interministérielles au niveau départemental).

Si la mission « sport » est bien isolée au sein de la direction nationale, elle est en revanche associée ou mutualisée avec d'autres missions au niveau régional et, plus encore, au niveau départemental . À cet égard, les données dont disposent votre rapporteur spécial ne permettent pas d'identifier les effectifs et les dépenses associées de l'administration des sports au sens strict . D'un point de vue budgétaire, ces moyens sont en effet communs à la jeunesse et au sport ; cette situation reflète d'ailleurs la réalité des missions effectuées par ces agents sur le terrain.

Les effectifs des directions de la jeunesse et des sports (administration centrale et services déconcentrés) ont augmenté sur la période 2011-2014 , passant de 3 792 équivalent temps plein travaillé (ETPT) en 2011 à 4 208 ETPT en 2014. En 2015 et 2016, ce mouvement s'inverse, les directions devant retrouver un niveau de 4 070 ETPT en 2016. Dans le même temps, sous l'effet du glissement vieillesse-technicité notamment, les dépenses de masse salariale ont sensiblement augmenté, pour atteindre 321,9 millions d'euros en 2016 contre 243 millions d'euros en 2011, comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Il convient de souligner que les plafonds d'emploi et les dépenses de personnel concernés ne relèvent pas de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », mais du programme 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Évolution des effectifs et de la masse salariale des directions
de la jeunesse et des sports

Source : commission des finances, d'après les données de la direction des finances, des achats et des services du ministère des affaires sociales

Au total, cette évolution - qui contraste avec l'évolution de réduction continue d'effectifs connue par d'autres administrations - illustre le choix qui a été fait de conserver un réseau plutôt dense en matière de conduite de la politique sportive nationale, en lien avec la priorité donnée par le Gouvernement à la jeunesse .

La Cour des comptes, dans son rapport de 2013 précité, avait proposé quelques pistes de réduction des missions de l'État en matière sportive, qui pourraient permettre une baisse des effectifs ; elle posait notamment la question de la pertinence du maintien d'un corps d'inspecteurs de la jeunesse et des sport qui vérifie le respect des normes des équipements sportifs, mission qui, selon la Cour des comptes, pourrait être effectuée par des opérateurs privés agréés, voire par les fonctionnaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Par ailleurs, elle soulignait la confusion entre les conseillers d'animation sportive, relevant des collectivités, et les conseillers techniques sportifs, relevant de l'État, et appelait à une clarification. Elle en concluait que « l'action propre des services déconcentrés devrait porter, pour l'essentiel, sur les politiques de certification et la lutte contre le dopage ».

Votre rapporteur spécial préconise, à terme, de tendre vers un ministère des sports conçu comme une administration « d'état-major », chargé de piloter la politique du sport à travers des priorités nationales telles que le sport de haut niveau, le sport pour tous, la santé, tandis que la mise en oeuvre de cette politique sur le terrain pourrait davantage être confiée au mouvement sportif, en concertation avec les collectivités territoriales.


* 1 Albert Camus, entretien publié en 1953 dans le bulletin du Racing universitaire d'Alger.

* 2 Rapport de la Cour des comptes sur l'organisation territoriale de l'État, juillet 2013.

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