D. SOUTENIR LES PME DANS LA BATAILLE DE L'EXPORTATION

L'activité internationale des entreprises françaises qui contribue à leur développement, est concentrée et s'inscrit dans un contexte de concurrence accrue.

1. Une rude bataille : un déficit commercial persistant et inquiétant

La part de marché des exportations françaises a diminué de deux points entre 2000 et 2014, notamment du fait de la montée en puissance de pays émergents, tels que la Chine et l'Inde, mais aussi en raison d'une moindre compétitivité-prix.

Si les parts se sont stabilisées depuis 2013, le rapport économique, social et financier pour 2018 constate un fort ralentissement des exportations (+ 1,8 % après + 4,3 %) plus important que pour les importations (+ 4,2 % après + 5,7 %) et une perspective inquiétante de dégradation du déficit commercial qui atteignait déjà -48 milliards d'euros en 2016, et s'est creusé à - 62,3 milliards d'euros en 2017 (65,6 milliards d'euros après corrections et ajustements de la Banque de France) et sans doute autant en 2018, « à la condition d'un gel du prix du pétrole ».

La balance courante continuerait également de se dégrader en 2017 (à - 29 milliards d'euros après - 19 milliards d'euros) pour quasiment se stabiliser en 2018, autour de - 1,3 point de PIB (- 30 milliards d'euros).

L'exportation assure un emploi à près de six millions de personnes, et chaque milliard d'euros d'exportation engrangé par notre économie crée 10 000 emplois supplémentaires.

2. Les PME, un rôle modeste

D'après l'INSEE, 9 % des entreprises françaises (hors secteurs financier et agricole et hors micro-entreprises) ont réalisé en 2015 un chiffre d'affaires à l'export, pour un montant total de 593 milliards d'euros.

La répartition de ce chiffre d'affaires est très inégale puisque 97 % de ce montant est réalisé par les 24 000 entreprises qui ont réalisé un chiffre d'affaires d'au moins un million d'euros à l'export. Les 1 000 entreprises les plus grosses à l'export réalisent 70 % de l'export français ; 10 000 entreprises concentrent 95 % du commerce extérieur.

En 2014, le poids des grandes entreprises dans les exportations est de 52 %, les entreprises de taille intermédiaire ETI 33 %, les PME/PMI 16 %.

3. L'évaluation du soutien public aux exportations

Dans une évaluation réalisée par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale en 2013 332 ( * ) , il était indiqué que seulement 10 % des entreprises qui exportent utilisent des dispositifs de soutien pilotés par l'État (ce ratio n'intègre pas les dispositifs régionaux), pour l'essentiel les accompagnements Ubifrance et l'assurance prospection.

Lorsqu'on interroge les chefs d'entreprise qui exportent sur les raisons de ce faible intérêt, la réponse est qu'ils jugent le système français de soutien à l'export peu ou pas efficace (61 %), peu ou pas compréhensible (66 %) et peu ou pas adapté au contexte économique actuel (67 %) selon une enquête réalisée en février 2013 333 ( * ) . En conséquence, 78 % d'entre eux se chargent eux-mêmes de la commercialisation de leurs produits à l'exportation.

De même, les chefs d'entreprise estiment inefficace à 58 % le soutien à l'exportation dans une enquête d'Ernst Young de février 2013 consacrée aux aides publiques aux entreprises.

Face à ce désaveu, le rapport proposait non pas de « faire du chiffre en recherchant absolument à intégrer davantage de TPE ou PME, qui n'en ont pas les moyens, dans une démarche d'exportation » mais de « se focaliser sur l'identification des entreprises à fort potentiel afin de les aider à mettre en place ou consolider une stratégie de moyen terme à l'exportation ». La marge de progrès sur ce segment est importante car la moitié des ETI françaises ne sont pas exportatrices et, parmi les ETI exportatrices, 40 % réalisent moins de 10 % de leur chiffre d'affaires à l'export.

a) La suppression du crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale des PME

Prévu à l'article 244 quater H du CGI, le crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale (CIDPC) correspondait à 50 % de certaines dépenses engagées par les PME au titre d'activités de prospection commerciale dans les quatre mois qui suivent le recrutement d'une personne affectée au développement des exportations ou le recours à un volontaire international en entreprise affecté à la même mission.

Ce crédit d'impôt, qui ne pouvait être obtenu qu'une fois par chaque entreprise, était plafonné à 40 000 euros. D'un coût de 22 millions d'euros par an, il avait bénéficié à moins de 1 700 entreprises en 2016.

En 2011, le Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales jugeait cette mesure comme n'étant pas « de nature à produire les effets escomptés ; elle est redondante avec d'autres dispositifs. La dépense fiscale ne paraît ni efficiente ni pertinente » 334 ( * ) .

Malgré l'opposition du Sénat, inquiet du « mauvais signal adressé aux PME », l'Assemblée nationale a voté sa suppression à compter du 1 er janvier 2018 335 ( * ) .

En effet, la plupart des exportations sont réalisées par des firmes multinationales, sous contrôle français ou étranger. Les entreprises indépendantes ou appartenant à un groupe intégralement français ont réalisé un chiffre d'affaires cumulé de 55 milliards d'euros à l'export, soit moins de 10 % du total réalisé en 2013. Or, ce sont ces entreprises qui avaient principalement besoin de soutien pour effectuer des démarches de prospection commerciale, a fortiori pour les engager.

Par ailleurs, l'exonération d'impôt sur le revenu des suppléments de rétrocession d'honoraires, prévue à l'article 93-0 A du CGI et concernant les cabinets d'avocats français au titre des dépenses engagées dans un cadre de prospection commerciale, d'un coût inférieur à 500 000 euros et n'ayant bénéficié qu'à 177 redevables en 2016, a été également supprimée.

b) Les annonces du Gouvernement du 23 février 2018

La nouvelle stratégie de l'accompagnement public à l'exportation des entreprises vise à simplifier nos outils et à « muscler » les dispositifs d'aide existants.

(1) La simplification du dispositif de soutien public aux exportations

Tous les acteurs de l'export -- agences régionales de développement, sociétés d'accompagnement et de commerce international, mais aussi acteurs du financement export, autour de Bpifrance et des opérateurs privés -- seront regroupés autour des opérateurs publics, CCI et Business France « dans une logique de mobilisation coordonnée en fonction des besoins des entreprises ».

Les régions sont appelées à jouer un rôle central . Elles assureront le co-pilotage de la réforme aux côtés de l'État et pourront s'appuyer sur l'opérateur Business France et les CCI pour proposer une expertise et des ressources aux entreprises. Chaque région pourra bâtir le dispositif qu'elle juge le plus pertinent sur son territoire, en liaison avec Business France qui assurera la cohérence du dispositif d'un bout à l'autre de la chaîne de l'export.

Le guichet sera unique mais ne sera pas géré de manière identique.

Une « plateforme numérique de solutions » regroupera, au niveau national, l'ensemble des offres d'accompagnement à l'export et de financement export. Cette plateforme sera prolongée par un outil de CRM 336 ( * ) permettant d'assurer de manière mutualisée le suivi des entreprises qui s'appuieront sur la Team France Export 337 ( * ) . Tous les acteurs privés et publics concernés auront vocation à être hébergés, s'ils le souhaitent, sur ce portail qui organisera le « parcours de l'export » préparant l'entreprise à son internationalisation, en dématérialisant les procédures. La phase de repérage des entreprises et de diagnostic de leur potentiel exportateur sera dévolue aux CCI, avec l'appui de l'opérateur public Business France et en lien avec les agences régionales de développement. Le portail constituera un levier d'activation pour les mécanismes de financement existant.

Le service public de l'export prendra la forme d'un correspondant unique par pays . Celui-ci pourra être Business France ou tout autre opérateur privé sélectionné dans le respect des règles de concurrence à l'issue d'une procédure ouverte et transparente. Cependant, il ne s'agirait que d'une expérimentation conduite dans huit pays.

Pour votre rapporteur, c'est un exemple positif de rationalisation.

(2) Le renforcement des mécanismes d'aide à l'exportation

Le fonctionnement de l'assurance prospection 338 ( * ) sera simplifié avec la réduction du nombre de documents et d'informations nécessaires. L'aide sera plus prévisible pour les entreprises qui auront une visibilité sur la totalité du montant de dépenses de prospection garanti. Les entreprises pourront bénéficier d'une avance de trésorerie immédiate à hauteur de 50 % du budget prévisionnel garanti pour les deux à trois années à venir. Les entreprises bénéficiaires devront rembourser a minima 30 % du montant perçu.

Ce dispositif a bénéficié jusqu'à présent à 12 000 PME et ETI.

Dans une logique de « partenariat de confiance sur-mesure négocié entre l'État et un exportateur pour une durée de trois à cinq ans » , des exportateurs pourront désormais bénéficier d'un PassExport leur permettant d'obtenir une couverture en garanties publiques au maximum permis par nos engagements multilatéraux. En contrepartie, l'entreprise s'engage à « respecter un niveau minimum de part française en moyenne sur l'ensemble des contrats soutenus financièrement par l'État pendant la durée du passeport ».

Certains projets stratégiques à l'international seront couverts par une garantie publique, y compris en l'absence de contrat export alors que jusqu'à présent, l'assurance-crédit publique, délivrée par Bpifrance Assurance Export au nom de l'État était traditionnellement conditionnée à l'existence d'une opération d'export sous-jacente.

La garantie publique pourra être apportée aux filiales étrangères d'entreprises françaises pour soutenir les exportateurs français y compris lorsqu'une implantation locale est rendue obligatoire par la législation du pays importateur afin de pouvoir remporter un contrat.

D'autres mesures ponctuelles ont été annoncées comme un dispositif particulier de soutien aux sous-traitants d'entreprises exportatrices pour les prémunir des risques associés à l'exportation, l'extension de la garantie de change à onze nouvelles devises, le doublement de l'enveloppe des prêts du Trésor en trois ans , d'environ 300 à 600 millions d'euros par an et la création de financements exports court termes (inférieurs à 24 mois).

Cependant, cette nouvelle stratégie ne répond pas aux défauts structurels de notre économie en raison du mauvais positionnement de gamme de nos produits -y compris sur le marché domestique-, du recul de la production manufacturière, et de la dégradation inquiétante du solde positif de la balance commerciale des services, divisé par quatre en cinq ans, passé de 25 milliards en 2012 à 5,4 milliards en 2017 (et même 0 en 2016).

c) Objectif n° 26 : moduler l'IS en fonction de l'export

Notre commerce extérieur reste trop dépendant d'un petit nombre de secteurs à forte valeur ajoutée où nous sommes bien positionnés et d'entreprises. En France, 5 % des entreprises réalisent 90 % des exportations, en Allemagne 5 % des entreprises en réalisent 80 %.

Seules 125 000 entreprises sont exportatrices 339 ( * ) sans que ce nombre n'ait évolué depuis dix ans quand l'Italie en dénombre 250 000 et l'Allemagne 400 000.

Ce chiffre est toutefois controversé 340 ( * ) et l'INSEE comptabilise environ 360 000 entreprises réalisant un chiffre d'affaires à l'exportation, en intégrant les services 341 ( * ) , soit un chiffre comparable à celui issu des données analogues en Allemagne (360 000 en 2012, selon l' Institut für Mittelstandsforschung de Bonn).

En 2017, 28 203 nouvelles entreprises françaises se sont engagées à l'international, après 28 915 en 2016). Les deux-tiers sont des primo-exportateurs (entreprises n'ayant pas exporté les cinq années précédentes). Le nombre d'exportateurs « sortants » (ayant exporté en 2016 et n'exportant plus en 2017) diminue fortement (28 218 après 29 920 en 2016).

Sur l'année 2017, les grandes entreprises exportatrices ne représentent 0,4 % du nombre d'exportateurs de biens mais réalisent plus de la moitié du montant des exportations (51,8 %). Le montant de leurs exportations augmente de 4 % en valeur sur l'année.

Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) exportatrices progressent en nombre de 0,7 %. Elles représentent 4 % du nombre total d'exportateurs mais le tiers des exportations. Leurs exportations augmentent de 6 % en 2017.

Les exportations des PME progressent encore en 2017 (+ 3,7 %) même si le nombre de PME exportatrices diminue très légèrement (- 0,2 %). Les PME représentent plus de 95 % du nombre d'entreprises mais elles n'exportent que 13 % des montants.

Le redressement de notre commerce extérieur sera de longue haleine et cette perspective est désormais obérée par le risque d'une guerre commerciale , suite aux récentes annonces protectionnistes du Président des États-Unis.

Pour permettre aux entreprises exportatrices de se battre à armes égales à l'international avec leurs concurrents internationaux, votre rapporteur propose tout simplement de moduler le taux de l'IS en fonction de la part des exportations dans le chiffre d'affaires de l'entreprise, l'avantage fiscal étant plafonné à 200 000 euros (pour respecter la règle de minimis de l'Union européenne 342 ( * ) , qui prévoit qu'une même entreprise ne peut recevoir que 200 000 euros d'aides sur une période de trois exercices fiscaux) ( proposition n° 28 ).


* 332 Rapport n° 1225 du 4 juillet 2016 de MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat.

* 333 Pour le compte de l'OSCI (opérateurs spécialisés du commerce international).

* 334 Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, Rapport, annexe J, fiche n° 168, dépense fiscale n° 210312.

* 335 Article 94 de la loi de finances pour 2018. Une première tentative avait eu lieu lors des débats du budget 2017. Le Gouvernement avait proposé, dans l'article 13 du projet de loi de finances pour 2017, de supprimer, en raison de son inefficience, les deux dispositifs. La rapporteure générale de la commission des finances de l'Assemblée nationale, alors Valérie Rabault, avait maintenu ce dispositif malgré l'avis défavorable du Gouvernement et la commission des Finances du Sénat en avait pris acte.

* 336 La gestion de la relation client - Customer Relationship Management en anglais (CRM).

* 337 Nom du dispositif public d'accompagnement à l'exportation.

* 338 Outil de soutien à l'export qui offre aux entreprises une assurance contre le risque d'échec de leurs actions de prospection à l'étranger, l'assurance prospection consiste à prendre en charge jusqu'à 65 % des dépenses de prospection engagées ; ces montants sont par la suite remboursés par l'entreprise si elle dégage un chiffre d'affaires suffisant sur la zone garantie ou pris en charge par l'État en cas d'échec de la prospection afin de permettre à l'entreprise de poursuivre ses efforts en dépit de ce premier échec.

* 339 Source : « Commerce extérieur de la France - Résultats 2017 », Direction générale du Trésor, 8 février 2018.

* 340 La Direction générale du Trésor estime ainsi que : « les comparaisons entre pays, notamment européens, restent par ailleurs fragiles en raison de méthodologies de décompte non entièrement harmonisées. Il existe en particulier un seuil de déclaration pour les échanges intra-européens, différent selon les États, ce qui est susceptible d'augmenter le nombre de petits opérateurs recensés dans les États ayant fixé un seuil bas (comme l'Italie, où il est à 0) ».

* 341 À partir de données de la Direction générale des finances publiques couvrant également les exportateurs de services.

* 342 Règlement (UE) n ° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

Page mise à jour le

Partager cette page