PREMIÈRE PARTIE : LES DONNÉES RÉCAPITULATIVES DE L'APPLICATION DES LOIS

I. LE SUIVI DE L'APPLICATION DES LOIS : LE CONTRÔLE DE L'EFFECTIVITÉ DES LOIS VOTÉES

A. LE PÉRIMÈTRE DU CONTRÔLE DE L'APPLICATION DES LOIS

Le bilan annuel de l'application des lois est désormais un rendez-vous traditionnel visant à vérifier que les lois votées par la représentation nationale sont applicables. Ce travail qu'effectue le Sénat tous les ans depuis plus de 40 ans résulte de l'article 24 de la Constitution. Il s'inscrit en effet à la fois dans la continuité du vote de la loi, permet le contrôle du Gouvernement et pose les bases de l'évaluation des politiques publiques. En l'absence des textes réglementaires prévus par le législateur, l'article de loi reste inapplicable. Or, comme le souligne la circulaire du Premier ministre en date du 29 février 2008 relative à l'application des lois, texte de référence dans ce domaine, « faire en sorte que la loi s'applique rapidement, efficacement et de façon conforme à son esprit est un impératif démocratique. Chaque disposition législative qui demeure inappliquée est une marque d'irrespect envers la représentation nationale et de négligence vis-à-vis de nos concitoyens » 1 ( * ) .

Ce rapport porte sur l'application des lois votées lors de la session 2016-2017, au 31 mars 2018. Cette date de référence - six mois après la fin de la session concernée - est choisie en raison de la circulaire précédemment citée, laquelle rappelle l'objectif que s'est fixé le Gouvernement « consistant à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de la loi ».

Le Sénat exerce à la fois un contrôle formel - la prise effective des textes prévus par la loi - mais aussi une analyse de fond - ces derniers doivent respecter la volonté exprimée par la représentation nationale lors du vote de la loi.

Les lois sont classées en quatre catégories réparties selon l'état de leur application :

- Les lois d'application directe, pour lesquelles le texte législatif ne prévoit aucun texte réglementaire. Toutefois, le Premier ministre, qui assure l'exécution des lois en vertu de l'article 21 de la Constitution, peut prendre des décrets « non prévus » par la loi, pour l'application de cette dernière.

- Les lois applicables : il s'agit des lois pour lesquelles tous les textes réglementaires prévus par le législateur ont été pris.

- Les lois partiellement applicables, pour lesquelles seuls certains textes réglementaires prévus ont été pris.

- Les lois non mises en application, pour lesquelles aucune mesure réglementaire prévue par le texte n'a été prise.

Le taux d'application des lois calculé tant par le Sénat que par le Gouvernement appelle plusieurs remarques.

Certaines mesures demandées par la loi ne sont pas intégrées dans le calcul de ce dernier. C'est notamment le cas des rapports demandés par le Parlement au Gouvernement, dont le taux de remise est très faible.

En outre, il reflète la part des textes réglementaires pris par rapport aux textes attendus. Ainsi, il n'inclut pas les lois d'application directe, ou les articles directement applicables des lois. Une loi peut être considérée non mise en application, car aucun des décrets attendus n'a été pris ; toutefois, les articles de cette loi n'appelant aucun texte réglementaire sont applicables.

Enfin, ce taux est la conséquence d'un calcul mathématique, sans pondération en fonction de la complexité ou de l'importance pour le texte de la mesure attendue ou prise. Ainsi, une loi peut avoir un taux d'application élevé, alors même que le décret d'application d'un article formant le coeur du dispositif législatif n'a pas été pris, vidant ainsi la loi de sa substance. Au contraire, une loi peut avoir un taux d'application faible, alors que la plupart de ses articles sont d'application directe, et que le principal décret d'application a été pris.

Dès lors, un examen qualitatif doit être effectué à la fois sur les mesures prises, et les mesures encore attendues. C'est notamment l'objet de la deuxième partie de ce rapport, où chaque commission a procédé à un contrôle approfondi des lois relevant de ses compétences votées lors de la session 2016-2017 - mais aussi, dans certains cas lors des sessions précédentes, comme droit de suite des rapports annuels d'application des lois des années antérieures.

Cette analyse permet de faire le point non seulement sur les mesures et rapports pris et non pris, mais également de souligner des réserves du législateur vis-à-vis des textes d'application pris par le pouvoir réglementaire. A titre d'exemple, la commission des affaires sociales souligne dans sa contribution « un risque de conflit entre les termes de la loi et ceux du décret » relatif aux conditions pour bénéficier de la formation spécifique pour les accueillants agrées, dans le cadre de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement. De même, Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques s'interroge sur les raisons pour lesquelles le décret en Conseil d'État du 10 mai 2017 pris en application de plusieurs dispositions de la loi « Égalité et citoyenneté » prévoit une entrée en vigueur différée de ses dispositions au 1 er juillet 2018, alors que « le Parlement n'a jamais demandé d'entrée en vigueur différé ».En outre, elle note que « le décret est encore incomplet ».


* 1 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018217158 .

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