IV. RENDRE LA FILIÈRE ATTRACTIVE, UN DÉFI À RELEVER POUR TOUTES LES ENTREPRISES SIDÉRURGIQUES

A. UNE FILIÈRE PEU ATTRACTIVE POUR LES SALARIÉS

1. Une démographie vieillissante et essentiellement masculine

Le tissu industriel sidérurgique est très restreint et ne compte que 27 sociétés, exploitant 422 établissements sur le territoire national et employant environ 38 000 salariés en 2017 contre 48 000 en 2008 . La sidérurgie de base a perdu à elle seule 7 700 emplois soit le quart de ses effectifs, la fabrication des tubes et tuyaux ayant connu un déclin moins marqué, tandis que les profilages à froid se sont plutôt bien maintenus.

La pyramide des âges est vieillissante : en 2015, plus du tiers des salariés de la sidérurgie avaient plus de 50 ans et 17,5 % plus de 55 ans, les moins de 30 ans ne représentant que 15 % des effectifs totaux.

Une étude de l'Observatoire de la métallurgie 54 ( * ) de février 2017 a estimé que 13 % des effectifs actuels du secteur partiront à la retraite d'ici 2020, soit près de 32 000 personnes 55 ( * ) .

Les métiers de la métallurgie sont exercés de façon prépondérante par des hommes, la part des femmes n'excédant pas 19 %.

Les emplois se concentrent dans l'est de la France (Hauts-de-France avec 30 % des effectifs nationaux, Grand-Est, Bourgogne - Franche-Comté, PACA) qui représente 83 % des emplois.

Environ deux tiers des emplois de la filière sidérurgique appartiennent au groupe ArcelorMittal avec environ 16 000 salariés ; viennent ensuite parmi les principaux employeurs : Aubert & Duval (3 500), Saint-Gobain PAM (2 500), Ascometal et Ugitech (1 500 chacun).

2. Une image abîmée

La sidérurgie souffre de son image d'industrie « polluante » et « en déclin » ou « en faillite » 56 ( * ) .

Le grand public n'a de cette industrie que la vision des grandes cheminées et de leurs rejets. Les aciéries, de taille gigantesque, ont pourtant été les cathédrales industrielles du XIX ème siècle. Il ne perçoit que des conditions de travail difficiles (chaleur, poussières, métier physique...).

Si Germinal de Zola domine le roman réaliste industriel, les usines sidérurgiques sont peu représentées dans l'art, que ce soit au théâtre ou au cinéma ou en peinture : Usines près de Charleroi , peint par Maximilien Luce en 1897 et affiché au Musée d'Orsay est l'exception qui confirme la règle.

La succession de conflits sociaux, de fermetures d'usines avec leurs cortèges de licenciements et de drames humains ont profondément marqué l'opinion publique française, notamment dans les régions directement concernées. Un article de l'AFP du 5 février 2018, repris par le magazine économique Challenges était ainsi titré : « La sidérurgie-métallurgie française, malade chronique »...

Selon le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, alors M. Emmanuel Macron, lors d'un débat organisé à l'Assemblée nationale le 13 janvier 2016, « la sidérurgie est l'illustration même de secteurs qui emportent un fort imaginaire collectif, social et industriel et qui se trouvent être les victimes d'une mondialisation non maîtrisée, ou en tout cas à laquelle nous ne savons pas, pour l'heure, apporter de réponse crédible. Ce faisant, nous nous affaiblissons ».

Même au sein des familles des salariés de la filière, il est difficile de motiver des jeunes pour s'engager dans le secteur de la sidérurgie qui qui offre pourtant une très grande diversité de métiers (plus d'une centaine recensés), à différents niveaux de qualification.

Pendant longtemps, la filière n'a pas su communiquer et l'opinion publique est restée à l'imagerie d'Épinal des « maîtres de forges » 57 ( * ) qui symbolise l'aristocratie industrielle.

Il est donc naturel que la première recommandation du Conseil national de l'industrie de février 2017 ait porté sur une « stratégie collective d'investissement massif dans le développement des compétences et la qualification des salariés pour le futur de l'industrie ».

Néanmoins, et comme votre mission d'information a pu le constater à l'occasion de ses déplacements, les salariés qui y travaillent sont fiers de leur activité, et l'image d'un haut fourneau reste spectaculaire . Toutefois, elle « fait peur et pas rêver » comme l'a évoqué M. Lionel Bellotti, Secrétaire fédéral en charge des secteurs « Sidérurgie, forges et fonderies » au sein de la fédération FO Métaux 58 ( * ) .

3. Des perspectives d'emploi limitées

Outre les fermetures de sites, arrêts ou baisses de production, tels ceux décidés récemment par ArcelorMittal, les surcapacités structurelles de la filière n'engagent pas à des recrutements massifs et pérennes, la filière ayant également tendance à recourir à l'intérim. Ce dernier n'est pas toujours adapté à des métiers qui exigent un grand professionnalisme et savoir-faire élevé même, et surtout, dans les postes opérationnels.

Les industriels eux-mêmes ont peu de visibilité sur l'évolution de leur activité compte-tenu de son caractère fortement cyclique. Globalement, une estimation d'évolution de l'activité réalisée par Oxford Economics et citée par l'Observatoire de la métallurgie chiffre le nombre de recrutements à + 0,08 % par an entre 2020 et 2025, soit une stagnation.

Le besoin net de recrutements de l'ensemble de la filière métallurgique est ainsi modeste à l'échelle nationale et estimé à 1 500 personnes d'ici 2020 et à 5 600 entre 2020 et 2025, essentiellement pour compenser les départs à la retraite.


* 54 « Etude sur l'élaboration et la transformation des métaux par forge, fonderie et fabrication additive métallique » ; Étude nationale publiée le 1 er mars 2017. À noter que l'étude a un périmètre plus large puisqu'elle inclut l'ensemble du secteur métallurgique ainsi que les industries minières, soit un total de 256 000 salariés en CDI et 20 300 intérimaires, hors les 7 000 emplois en Nouvelle-Calédonie.

* 55 Cet effectif est évalué en prenant l'hypothèse d'un départ en retraite à 62 ans de 2015 à 2020.

* 56 « La sidérurgie française, 1945-1979. L'histoire d'une faillite. Les solutions qui s'affrontent » de Michel Freyssenet, édition Savelli, 1979.

* 57 Titre du roman de Georges Ohnet (1848-1918), publié en 1882, qui a fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques dont un film de 1947 tourné par Fernand Rivers.

* 58 Audition du 19 juin 2019.

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