Rapport d'information n° 743 (2018-2019) de M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019

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N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 septembre 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' inspection du travail ,

Par M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

LES RECOMMANDATIONS
DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Axe n° 1 : Adapter l'organisation du service de l'inspection du travail

Recommandation n° 1 : Repenser l'organisation territoriale de l'inspection du travail afin d'équilibrer la charge pesant sur les sections.

Recommandation n° 2 : Prendre en compte les disparités territoriales et les postes effectivement pourvus pour atteindre l'objectif national de 10 000 salariés par agent de contrôle.

Recommandation n° 3 : Renforcer les services de renseignements en développant la formation des agents qui y sont affectés.

Recommandation n° 4 : Mieux associer les agents de contrôle à la mise en place de la nouvelle organisation territoriale prévue par la circulaire du 12 juin 2019.

Recommandation n° 5 : Veiller à ce que l'application de la circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État ne se traduise pas par une diminution des moyens affectés à l'inspection du travail.

Recommandation n° 6 : Opérer un rapprochement du service de l'inspection du travail avec les parquets afin de garantir un suivi de son action.

Recommandation n° 7 : Valoriser l'activité de conseil de l'inspection du travail auprès des entreprises.

Axe n° 2 : Développer une véritable gestion prévisionnelle
des ressources humaines

Recommandation n° 8 : Mettre en place une véritable réponse à la crise des vocations observée au sein de l'inspection du travail, en valorisant la carrière, en ouvrant son recrutement et en dotant l'INTEFP de moyens suffisants pour la formation continue des agents.

Recommandation n° 9 : Combler les vacances de postes en y affectant prioritairement les lauréats du concours de l'inspection du travail.

Recommandation n° 10 : Promouvoir des solutions pragmatiques pour maintenir l'implication des contrôleurs du travail au sein du service de l'inspection du travail et mettre en place un plan d'accompagnement de l'extinction de cette catégorie d'emploi.

Recommandation n° 11 : Mettre en place de nouveaux instruments de dialogue avec les agents de contrôle afin de répondre au malaise constaté au sein de la profession.

Axe n° 3 : Rendre efficientes les réformes menées depuis 2006

Recommandation n° 12 : Supprimer les indicateurs de performances dès lors qu'ils ne sont pas renseignés et utiliser les objectifs fixés annuellement comme indicateurs de performances.

Recommandation n° 13 : Mettre en place une véritable méthode de travail au plan local pour atteindre les objectifs fixés, veillant à ce que l'activité de contrôle repose davantage sur l'anticipation que sur la réaction.

Recommandation n° 14 : Accélérer la modernisation du logiciel Wiki'T afin de renforcer son ergonomie et de permettre son utilisation optimale.

Recommandation n° 15 : Mettre en place un véritable mode d'emploi du logiciel Wiki'T afin de tenir compte de la réalité de l'activité de contrôle et revoir l'instruction de la direction générale du travail du 17 décembre 2018 à ce sujet.

Recommandation n° 16 : Concilier pilotage de l'activité de l'inspection du travail et préservation de la capacité d'initiative des agents de contrôle.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Créée en 1892, l'inspection du travail a vu son organisation bouleversée par plusieurs réformes d'ampleur depuis 2006. Son champ d'intervention, ses moyens de sanction, ses structures et son recrutement ont été profondément révisés au risque de générer une impression d'accumulation difficilement assimilable par les agents.

À ces réformes structurelles vient s'ajouter une révision régulière du code du travail depuis 2015 dans un contexte marqué par l'émergence de nouvelles formes d'activité : travail détaché, développement du statut d'autoentrepreneur, apparition des travailleurs de plateforme, etc.

L'initiative du présent contrôle budgétaire est à relier à la fin, en 2019, du plan de transformation des emplois, lancé en 2013 dans le cadre de la réforme « Ministère fort », qui vise à permettre à une majorité de contrôleurs du travail de devenir inspecteurs du travail.

Aux termes de leurs travaux, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que cette réforme comme celles lancées depuis 2006 restent difficiles à mettre en oeuvre. Les intentions louables de leurs promoteurs peinent à s'affranchir des réalités du terrain : vacances de postes, formation insuffisante des services de renseignements, faiblesse de la coopération avec le parquet, malaise social, crise des vocations chez les inspecteurs du travail et manque de fiabilité des outils statistiques.

Dans ce contexte, vos rapporteurs spéciaux formulent seize recommandations s'articulant autour de trois axes principaux :

- adapter l'organisation du service de l'inspection du travail afin, notamment, de tenir compte des disparités régionales ;

- développer une véritable gestion prévisionnelle des ressources humaines ;

- rendre efficientes les réformes menées depuis 2006 en mettant en oeuvre une véritable méthode de travail et en développant des outils statistiques adaptés.

I. LE SERVICE DE L'INSPECTION DU TRAVAIL : UNE COMPÉTENCE GÉNÉRALE ET UN CHAMP D'INTERVENTION RELATIVEMENT LARGE

A. UNE COMPÉTENCE GÉNÉRALE

Créée en 1892, l'inspection du travail dispose d'un pouvoir d'investigation a priori , lui permettant de vérifier la légalité de toute situation ou relation de travail, qu'il s'agisse de la régularité de l'emploi, de la licéité du contrat de travail, des conditions dans lesquelles il est accompli, de son organisation et de sa durée ou encore de la mise en oeuvre du dialogue social.

L'inspection du travail ne s'appuie pas uniquement sur le code du travail mais aussi sur le code de la santé publique, le code pénal, le code de la sécurité sociale, le code rural et, bien évidemment, sur les conventions collectives et les textes non codifiés.

Certaines décisions des entreprises sont, en outre, soumises à un régime d'autorisation préalable de l'inspection du travail :

- licenciement de salariés protégés en raison de leurs activités syndicales ou de leur statut de représentant du personnel ;

- dérogation aux travaux interdits aux mineurs dans le cadre de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage ;

- rupture conventionnelle des contrats de travail à durée indéterminée.

Sa compétence est donc générale. Elle est cependant partagée dès lors qu'il s'agit de lutte contre le travail illégal et d'infractions pénales au sens large, pour laquelle les services de police et de gendarmerie sont également associés.

Ce mode de fonctionnement diffère de celui retenu dans d'autres Etats européens. En Belgique et au Royaume-Uni, les questions de salaire sont ainsi distinguées de celles de la santé et de la sécurité au travail ou du travail temporaire. Au sein de l'Union européenne, seule l'Espagne semble s'être dotée d'un mode de fonctionnement identique.

B. UN CHAMP D'INTERVENTION RELATIVEMENT LARGE

1. La plupart des entreprises sont couvertes

Depuis sa fusion fin 2009 avec les inspections spécialisées chargées de l'agriculture et des transports dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP), sa compétence s'étend à l'ensemble des entreprises du secteur privé. Elle inspecte également les anciens établissements publics, régies ou sociétés nationales (Pôle emploi, La Poste, SNCF, RFF, RATP).

Seuls les secteurs des mines, des carrières et des centrales nucléaires sont couverts par une inspection spécialisée : celle des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour les deux premières et celle de l'Autorité de sécurité nucléaire (ASN) pour la dernière. Au total, 1,765 million d'établissements relèvent du contrôle de l'inspection du travail 1 ( * ) . 83 % emploient moins de 10 salariés et 14 % entre 10 et 49 salariés.

L'inspection du travail couvre, dans ces conditions, l'activité de 18,65 millions de salariés :

- 73 % d'entre eux relèvent du secteur tertiaire ;

- 7 % d'entre eux travaillent au sein du secteur industriel ;

- 10 % d'entre eux opèrent au sein du secteur agricole ;

- 10 % d'entre eux sont issus du secteur de la construction.

En ce qui concerne les fonctionnaires et les contractuels de droit public, la compétence de l'inspection du travail est limitée aux conditions de travail dans les hôpitaux, les ateliers des lycées et les établissements professionnels ainsi que ceux installés dans les centres de détention. Il convient de relever qu'au sein des anciennes entreprises publiques, à l'image de La Poste, les agents ayant conservé leur statut public ne sont pas couverts par l'inspection du travail.

2. Un panel étendu de sanctions

Les pouvoirs de l'inspection ont été renforcés ces dernières années, avec l'introduction de sanctions administratives financières dans certains domaines et l'extension des arrêts de travaux sur certains risques graves. La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite Loi Macron, renvoyait à une ordonnance le renforcement des moyens nécessaires à une application pleine et entière de cette réforme 2 ( * ) . L'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 sur le contrôle de l'application du droit du travail prévoit ainsi un renforcement des prérogatives du système d'inspection du travail, afin de garantir une meilleure effectivité du droit du travail et une plus grande efficacité des contrôles. Cette ordonnance reprend substantiellement les dispositions de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail, déposée en mars 2014 à l'Assemblée nationale 3 ( * ) .

Il revient, en premier lieu, à l'agent de contrôle de déterminer la suite qu'il entend donner à un constat. Il dispose, en effet, d'un pouvoir d'appréciation qui ne saurait être, cependant, confondu avec un droit à l'abstention ou à l'inertie. En présence d'infractions dûment constatées, l'agent est, en effet, tenu d'agir. Il a le choix des modalités d'action, qui doivent être adaptées aux circonstances et graduées dans le temps. Plusieurs instruments sont à sa disposition.

Le premier consiste en la notification d'observations ou d'informations. L'agent de contrôle fait connaître, au travers d'une lettre d'observation , un manquement afin de le faire cesser.

L'inspecteur du travail dispose, ensuite de moyens de contrainte :

- la mise en demeure préalable au procès-verbal qui impose au contrevenant de régulariser sa situation dans un délai compris entre 8 jours et 3 mois ;

- la demande relative aux vérifications périodiques : les agents de contrôle peuvent prescrire aux employeurs de faire vérifier, à leurs frais, par des organismes de contrôle technique, la conformité des installations ou des équipements aux règles techniques applicables ;

- la mise en demeure du directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) : elle s'appuie sur le constat d'un agent de contrôle qui relève une situation dangereuse mais ne dispose pas de texte précis pour pouvoir y remédier.

Le non-respect de ces mises en demeure peut donner lieu à l'engagement de poursuites pénales après établissement d'un procès-verbal ou de pénalités administratives. Il est, par ailleurs établi un procès-verbal sans démarche préalable dès lors qu'une infraction aux règles du code du travail pénalement sanctionnée non soumise à mise en demeure a été constatée.

Face à une irrégularité flagrante ou à un risque imminent, l'agent de contrôle dispose d'autres moyens de coercition :

- la saisine du juge judiciaire par voie de référé , qui peut s'imposer face un employeur dûment informé mais récalcitrant ;

- l'arrêt temporaire de travaux , qui peut être mis en oeuvre lorsqu'il existe une cause de danger grave et imminent ;

- l'arrêt temporaire de l'activité , lorsque le salarié est exposé à une situation dangereuse résultant d'une exposition à une substance cancérigène, mutagène ou toxique ;

- la procédure de retrait d'urgence ou la suspension du contrat de travail ou de la convention de stage pour les salariés ou les stagiaires de moins de 18 ans exposés à un danger grave ou imminent ou exerçant des travaux interdits.

A ces moyens de coercition, s'ajoutent des moyens répressifs . L'inspection du travail peut réprimer certaines infractions par des sanctions à portée financière : amende administrative (le montant total des amendes dressées hors secteur du BTP s'élève à 4,6 millions d'euros en 2018 contre 1,3 million d'euros en 2017, le taux de recouvrement restant cependant moyen : 53 % en 2018 contre 57 % en 2017) ou fermeture administrative et suspension d'activité . L'agent de contrôle peut également procéder à la verbalisation des infractions constatées . Le procès-verbal est transmis ensuite au procureur de la République qui décide de l'engagement d'une procédure pénale.

Il peut également être proposé à l'auteur d'une infraction constituant une contravention ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement de moins d'un an une transaction consistant en un paiement d'une amende et à la prise de mesures de conformité . Cette procédure transactionnelle évite le passage devant le tribunal et favorise l'effectivité du paiement comme la régularisation de la situation. La transaction doit être homologuée par le procureur de la République. Elle relève de l'initiative du DIRECCTE. Ainsi en cas d'infraction à la législation en matière de chutes de hauteurs, l'amende transactionnelle peut être comprise entre 4 500 et 15 000 euros.

Enfin, la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) prévoit la possibilité, pour les DIRRECTE, de notifier un avertissement en lieu et place d'une amende administrative , afin de prendre en compte la bonne foi de l'employeur 4 ( * ) . Au 30 juin 2019, 8 avertissements ont ainsi été notifiés. La loi introduit également une procédure de rescrit qui peut concerner les normes relatives au règlement intérieur, à la carte délivrée aux travailleurs du secteur des bâtiments et travaux publics (carte BTP) et aux stagiaires. Les premières demandes sont en cours d'instruction 5 ( * ) . Elles concernent la carte BTP.

Il convient de relever que les contrôles de l'inspection du travail ne sont pas concernés par la limitation des contrôles administratifs prévus par la loi ESSOC et menés, à titre expérimental, dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France 6 ( * ) . Les entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros sont visés par cette expérimentation.

Activité de l'inspection du travail 2015-2018

2015

2016

2017

2018

Interventions

dont enquêtes

dont examen de documents

203 000

48 900

38 000

254 000

53 800

64 000

262 500

53 600

71 500

279 600

54 700

80 700

Contrôle (en % des interventions)

51

48

47

46

Suites à intervention

- Lettres d'observations

- Mises en demeure

- Procédures pénales engagées

- Sanctions administratives

- Arrêts et reprises de travaux ou d'activité

168 060

119 490

2 460

3 060

20

3 980

216 420

154 990

3 915

4 570

950

5 170

227 595

161 330

3 980

4 380

1 555

6 070

216 420

170 470

4 840

5 000

1 770

5 810

Nombre moyen d'intervention par agent de contrôle

90,6

114,5

123,4

131,4

Source : direction générale du travail

C. UN MODE DE FONCTIONNEMENT ENCADRÉ PAR L'ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL

La France a ratifié, en 1950, la convention n° 81 sur l'inspection du travail adoptée par l'Organisation internationale du travail (OIT) en 1947. Le texte est entré en vigueur le 7 avril 1950. La France est également partie de la convention n° 129 concernant l'inspection du travail dans l'agriculture adoptée en 1969. Entrée en vigueur en France le 19 janvier 1972, elle décline, dans le domaine agricole, les principaux points de la convention n° 81.

1. Les dispositions de la convention n° 81

Le dispositif contient plusieurs obligations. Le corps de contrôle doit couvrir toute la réglementation du travail et l'ensemble des secteurs, les secteurs des mines et des transports pouvant disposer d'inspections spécifiques. L'inspection du travail s'intègre au sein d'une administration du travail et est placée sous « la surveillance et le contrôle » d'une autorité centrale, soit, en France, la direction générale du travail (article 4 de la convention). L'inspection du travail doit coopérer au plan interministériel avec les autres corps de contrôle mais aussi les partenaires sociaux (article 5).

Les agents de contrôle doivent bénéficier d'un certain nombre de garanties : statut de fonctionnaire public, garanties de stabilité d'emploi et d'indépendance vis-à-vis des changements de gouvernement ou des « influences extérieures indues » (article 6). Les tâches non prévues par la convention ne doivent pas, en outre, aboutir à distraire l'inspection de ses tâches prioritaires (article 3). Le texte prévoit également un certain nombre d'obligations statutaires : prévention du conflit d'intérêt, secret professionnel et respect de la déontologie.

Le nombre d'inspecteurs doit être suffisant pour permettre l'exercice efficace des missions (article 10). Les établissements doivent ainsi être inspectés « aussi soigneusement et souvent qu'il est nécessaire pour assurer l'application effective des dispositions légales » (article 16). Les moyens nécessaires à leur action et missions doivent être mis à la disposition des agents de contrôle : qu'il s'agisse de moyens matériels (article 11) ou juridiques (article 12) : libre accès aux établissements, droits d'enquêtes et de contrôle, accès aux pièces et documents de l'entreprise, accès au personnel de l'entreprise. Les agents de contrôle doivent, en outre, être dotés de pouvoirs de coercition (modifications aux installations, mesures exécutoires immédiates) et de sanction. La convention n° 81 insiste, par ailleurs, sur le principe de libre décision de l'inspecteur du travail quant aux suites à donner à un constat (article 17) .

2. Le suivi de l'application de la convention n°81

La ratification de la convention implique que la France s'engage à prendre les mesures nécessaires pour la rendre effective. Ces mesures peuvent être de natures législatives ou issues de tout autre moyen conforme à la pratique nationale : décisions de justice, sentences arbitrales, conventions collectives... La France est tenue de présenter tous les trois ans au Bureau international du travail (BIT) un rapport sur les mesures adoptées en ce sens.

La France est également tenue de publier un rapport annuel sur les travaux de l'inspection du travail et d'en transmettre une copie au BIT dans un délai ne dépassant pas trois mois.

Au-delà de l'envoi de ces rapports, l'OIT peut examiner le respect des obligations incombant à la France via des procédures spéciales, fondées sur des réclamations ou des plaintes adressées au Bureau international du Travail par les mandants, s'ils estiment que la France n'a pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution de la convention n° 81.

Il n'existe pas aujourd'hui de réclamation ou de plainte à l'OIT concernant l'inspection du travail française. L'OIT n'a, par ailleurs, jamais relevé, à ce jour, de « non-conformité » à la convention. À l'inverse, l'inspection du travail française est régulièrement mobilisée par l'OIT dans sa politique de coopération et d'assistance technique auprès d'autres pays, notamment francophones. Elle constitue, même aux yeux de l'OIT, une référence pour le modèle d'inspection du travail dite « généraliste ».

D. L'AUTORITÉ CENTRALE DE L'INSPECTION DU TRAVAIL :
LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRAVAIL

Créée par décret en 2006, la direction générale du travail (DGT) constitue « l'autorité centrale » du système d'inspection du travail. C'est elle qui est notamment chargée de l'application des conventions de l'OIT. Elle a donc autorité sur les services déconcentrés du ministère chargé du travail - en l'espèce les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) - et les agents de l'inspection du travail.

Aux termes de la loi ESSOC , elle veille explicitement « au respect des droits, garanties et obligations des agents de l'inspection du travail », qui sont « placés sous sa surveillance et sous son contrôle» 7 ( * ) . Elle détermine à cet égard les règles qui encadrent l'exercice des missions de l'inspection du travail, s'assure de leur respect et veille à l'application de la déontologie. Elle contribue à la définition de la politique de contrôle en établissant des objectifs à atteindre sur une période donnée sur des thèmes prioritaires. Elle fixe un certain nombre d'interventions à cet effet. Elle peut imposer à chaque agent de rendre compte de son activité selon des modalités qu'elle détermine et établir des objectifs individuels.

Au sein de la DGT, le service de l'animation territoriale de la politique du travail et de l'action de l'inspection du travail (SAT) est chargé du pilotage, de l'animation et du soutien au système d'inspection. Un arrêté ministériel du 3 août 2018 a créé en son sein deux sous-directions : l'une dédiée au pilotage et l'autre à l'appui-soutien. Cette dernière détermine le cadre d'exercice des missions et couvre la question du « statut protecteur ».

II. UNE SUCCESSION DE RÉFORMES

A. UNE RÉVISION COMPLÈTE DE L'ORGANISATION DE L'INSPECTION DU TRAVAIL

Rattachée au ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, l'inspection du travail est assurée par 3 535 agents dont 2 137 agents de contrôle proprement dits : inspecteurs et contrôleurs du travail. Le service de l'inspection du travail représente donc 35 % des effectifs de la mission « Travail et emploi », dont les dépenses de personnel s'élevaient à 611,1 millions d'euros en 2018.

Effectifs au 31 décembre 2018

(en équivalent temps plein - ETP )

Catégorie d'emploi

Nombre

Inspecteurs du travail

1 484

Contrôleurs du travail

414

Assistants au contrôle des entreprises

735

Inspecteurs du travail stagiaires

239

Responsables d'unités de contrôle

210

Chargés du renseignement

453

Total

3 535

La réforme dite « Ministère fort », engagée en 2012, vient compléter un premier plan de modernisation de l'inspection du travail (PMDIT) déployé entre 2006 et 2010. Ce plan, présenté en mars 2006, aboutit notamment à la création de la direction générale du travail qui remplace la direction des relations du travail 8 ( * ) et la mise en place de sections regroupant plusieurs inspecteurs du travail (« sections renforts »). Il est complété en 2009 par la création des DIRECCTE et la mise en place des pôles « travail » 9 ( * ) .

Engagée en 2012, la réforme « Ministère fort » a, quant à elle, débouché sur une nouvelle organisation territoriale du système d'inspection du travail , détaillée au sein d'un décret adopté en mars 2014 puis mise en oeuvre à compter de septembre 2014 10 ( * ) . Elle est effective depuis janvier 2015 sur l'ensemble du territoire.

1. L'unité de contrôle, premier échelon de l'inspection du travail

La réforme prévoit la mise en place d'unités de contrôle (UC) (226 en 2018), regroupant 8 à 12 agents de contrôle sur un territoire donné, placés sous l'autorité d'un responsable d'unité de contrôle (RUC). Directeur adjoint du travail, le RUC appartient au corps de l'inspection du travail. Il s'agit donc d'un agent de contrôle qui peut se voir confier, le cas échéant, une section d'inspection en intérim ou, à titre transitoire, une portion de territoire de l'unité de contrôle. Chaque agent de contrôle est, au sein des UC, affecté à une section, qui correspond à une portion de territoire ou à un secteur (agriculture ou transports).

Le nombre d'unités de contrôle et leur rattachement à une direction sont fixés, pour chaque région, par arrêté du ministre chargé du travail 11 ( * ) . L'organisation de l'inspection du travail comprenait, au 31 décembre 2018, 2 104 sections. Le nombre et la délimitation des sections dépendent d'une décision du DIRECCTE (DIECCTE pour l'outre-mer) 12 ( * ) .

Ces unités de contrôle remplacent les 790 sections d'inspection du travail, composées jusqu'alors en principe d'un inspecteur (catégorie A), de deux contrôleurs (catégorie B) et d'un assistant, chargé des tâches de secrétariat (catégorie C).

a) Des unités rattachées aux DIRECCTE...

Comme les anciennes sections, les UC sont rattachées au pôle travail (pôle T) de la DIRECCTE. Le responsable de la DIRRECTE dispose de pouvoirs propres en matière d'inspection et de législation du travail, le contrôle de celle-ci échappant, conformément aux conventions de l'OIT, à l'autorité du préfet 13 ( * ) . Au sein des DIRECCTE, le pôle T est chargé de l'impulsion, du pilotage et de l'évaluation de la politique du travail. Il assure, au travers de l'action de l'inspection du travail, de l'effectivité du droit du travail dans les entreprises. Celle-ci passe au-delà du contrôle traditionnel, par des actions de sensibilisation, de prévention ou d'appui.

b) ... et coordonnées au sein d'unités départementales

Les UC opèrent sur une portion du territoire ou un secteur d'activité dénommé « section », dont la responsabilité relève d'un agent de contrôle (inspecteur du travail ou contrôleur du travail) et sont coordonnées au niveau départemental au sein d'unités départementales (UD). 101 unités départementales sont réparties sur le territoire. Les responsables de celles-ci veillent à la complémentarité des activités menées par les UC avec les tâches des autres services de la DIRECCTE. Les UD ne sont pas des directions départementales interministérielles mais bien des unités d'un même service régional, ce qui est supposé garantir un pilotage plus efficace.

Le responsable d'UD exerce, au nom du directeur régional, le pouvoir hiérarchique sur les services de l'inspection. L'UD regroupe les inspecteurs du travail, les services de renseignements aux usagers ainsi qu'une « section centrale travail », chargée notamment de l'homologation des ruptures conventionnelles du contrat de travail, l'enregistrement des accords collectifs ou le suivi des procédures pénales.

2. Les déclinaisons régionales et nationales

Les UC peuvent disposer d'une compétence infra-départementale (53 départements métropolitains disposent de plusieurs UC), départementale (44 départements disposent d'une seule UC) ou interdépartementale (UC des aéroports de Roissy et Orly et UC interdépartementale « couloir de la chimie » qui couvre les départements de l'Isère et du Rhône).

Les unités de contrôles peuvent également être de dimension régionale ou interrégionale.

Ainsi, 18 unités régionales d'appui et de contrôle, principalement dédiées à la lutte contre le travail illégal (URACTI) et des réseaux régionaux sur les risques particuliers (BTP et amiante en Nouvelle Aquitaine, transport en Bourgogne Franche-Comté, projet « Grands chantiers en Ile de France) ont été créés. L'ambition affichée est de parvenir à une approche collective des situations et de permettre la conduite de campagnes de contrôles coordonnées. Il s'agit, dans le même temps de favoriser la spécialisation d'agents référents sur des risques ou des contrôles particuliers. Dans un rapport publié en 2016 sur l'application de la réforme « Ministère fort », la Cour des comptes estime néanmoins que cette spécialisation est fragilisée par la procédure de gestion nationale des affectations , qui ne prend en considération que des éléments extérieurs au poste, à l'image du grade ou de l'ancienneté 14 ( * ) .

Des sections interrégionales existent dans le domaine maritime. 4 référents maritimes interrégionaux animent et appuient l'action des services de contrôle sur un segment de littoral. 40 sections - dont 11 en outre-mer - sont dédiées à ce secteur.

Il existe également une structure de contrôle au niveau national . Rattaché à la sous-direction du pilotage de la DGT, le Groupe national de veille, d'appui et de contrôle (GNVAC) , composé de neuf agents de contrôle à compétence nationale. Le GNVAC coordonne les actions nécessitant un pilotage national et peut intervenir dans les actions dites d'envergure, visant principalement le travail illégal ou les entreprises complexes ou à établissements multiples. Il coopère avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la délégation nationale de la lutte contre la fraude (DNLF), les parquets, les ministères des transports et de l'agriculture, la gendarmerie des transports aériens (GTA) et les services aéroterrestres des douanes. La direction générale du travail estime, dans son rapport d'activité 2017, que le GNVAC a connu une véritable montée en puissance, visant en priorité la fraude au détachement.

Répartition régionale des UC

Auvergne-Rhône-Alpes

258

Ile-de-France

432

Bourgogne-France--Comté

85

Normandie

113

Bretagne

98

Nouvelle-Aquitaine

182

Centre-Val-de-Loire

88

Occitanie

169

Corse

17

Pays-de-Loire

107

Grand-Est

170

Provence-Alpes-Côte d'Azur

157

Hauts-de-France

182

France d'outre-mer

46

Source : direction générale du travail

3. Vers une nouvelle organisation territoriale

La ligne hiérarchique de l'inspection du travail se décompose aujourd'hui en quatre niveaux :

Directeur général du travail ? DIRECCTE (avec assistance du chef du Pôle T) ? Responsable d'unité départementale ? Responsable d'unité de contrôle

La circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 prévoit que les services départementaux de la DIRECCTE soient placés sous l'autorité directe du préfet de département, en étant intégrés dans de nouvelles structures relevant des directions départementales de l'intérieur. Les services économiques seraient ainsi rassemblés avec les services dédiés à l'inclusion sociale afin d'éviter les effets de cloisonnement et de renforcer la complémentarité des actions menées à l'échelle du département.

Vos rapporteurs s'interrogent cependant sur l'incidence de la disparition des unités départementales des DIRECCTE sur les unités de contrôle départementales ou infra-départementales de l'inspection du travail. Le texte prévoit que la ligne hiérarchique actuelle soit respectée en ce qui concerne l'inspection du travail, sans plus de précision. Il convient de rappeler à ce stade, qu'aux termes de la convention n° 81 dont la France est partie, les inspecteurs du travail bénéficient d'une indépendance statutaire. Ils ne peuvent, en principe être placés, sous l'autorité des préfets dans le cadre de l'exercice de leur mission de contrôle.

B. UNE RÉFORME EN PROFONDEUR DES EMPLOIS

1. La fusion des quatre services d'inspection du travail

Adopté dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP), le décret n° 2008-1503 du 30 décembre 2008 prévoit la fusion des quatre services d'inspection existants. Coordonnées depuis 1975 au sein du corps interministériel de l'inspection du travail, quatre services d'inspection coexistaient jusqu'alors :

- l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles (ITEPSA) ;

- l'inspection du travail des transports (ITT) ;

- l'inspection du travail maritime (ITM) ;

- l'inspection du travail proprement dite.

Cette fusion s'inscrit dans la continuité du PMDIT. Elle est accompagnée d'un renforcement des effectifs de l'inspection du travail avec la création de plus de 700 emplois d'inspecteurs du travail (120), de contrôleurs du travail (280), d'ingénieurs et de médecins inspecteurs du travail au cours de la période 2006-2010.

2. La réforme dite « Ministère fort »

S'agissant des personnels, la réforme « Ministère fort » s'est principalement traduite par la suppression progressive du corps des contrôleurs du travail et leur fusion avec celle des inspecteurs du travail.

Les contrôleurs du travail sont, en principe, placés sous l'autorité des inspecteurs du travail. La Cour des comptes relevait en 2016 que la pratique laissait apparaître que contrôleurs et inspecteurs exerçaient les mêmes tâches mais à une échelle différente : les inspecteurs contrôlant les entreprises de plus de 50 salariés, les contrôleurs intervenant en dessous de ce seuil. Les régimes d'autorisation visés plus haut nécessitent cependant la signature d'un inspecteur du travail. Les années 2000 ont cependant vu les tâches des contrôleurs et des assistants se diversifier pour acquérir plus de responsabilités, les contrôleurs pouvant, par exemple, être amenés à contrôler des entreprises de plus de 50 salariés.

La fusion des corps de contrôleurs et d'inspecteurs est opérée par le biais d'une requalification des contrôleurs. Les contrôleurs disposant d'au moins cinq ans d'ancienneté doivent, à cet effet, préparer un premier examen professionnel. À l'issue de celui-ci, ils sont amenés à suivre une formation de six mois au sein de l'institut national du travail et de la formation professionnelle (INTEFP), qui se conclut par un nouvel examen professionnel (Examen professionnel d'inspecteur du travail - EPIT).

La fusion des deux catégories respecte, par ailleurs, la convention n° 81, l'OIT n'ayant émis aucune réserve de principe. Il convient de rappeler, à ce stade, qu'il n'existe pas de dualité équivalente au sein d'autres organisations de l'inspection du travail en Europe.

3. L'institution d'un Conseil national de l'inspection du travail

Le Conseil national de l'inspection du Travail (CNIT), créé par décret en 2007, a pour rôle de veiller à ce que les missions des agents de contrôle soient exercées dans les conditions définies par les conventions de l'Organisation internationale du travail. Il émet, dans ce cadre, des avis. Instance consultative indépendante, il peut, à la demande d'un agent de contrôle, établir si une influence extérieure a pu affecter une inspection. Il peut, en outre, être saisi par le ministre en charge du travail ou la direction générale du travail pour toute question à caractère général concernant le respect des missions et des garanties de l'inspection. Le CNIT établit un rapport annuel d'activité qui est rendu public.

Le Conseil considère comme irrecevables les saisines effectuées par :

- des représentants de sections syndicales, ès qualité 15 ( * ) ;

- le président d'une organisation syndicale 16 ( * ) ;

- un particulier 17 ( * ) ;

Ses membres (6 titulaires et 6 suppléants) sont désignés par arrêté du ministre chargé du travail pour une durée de 3 ans, renouvelable une fois. Ils siègent à titre gracieux. Le CNIT est ainsi composé d'un conseiller d'État, d'un conseiller à la Cour de cassation, d'un inspecteur général des affaires sociales, d'un membre du corps de l'inspection du travail exerçant les fonctions de directeur régional ou de chef de service régional, d'un inspecteur du travail et d'un contrôleur du travail.

Activités du CNIT depuis sa création

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Saisines ministère

1

-

-

-

-

2

1

-

1

-

-

Saisines particulier

recevable

-

-

-

-

-

-

1

-

-

-

-

Recours

recevables

2

1

4

4

-

2

2

2

1

3

2

3

3

3

3

1

-

6

5

3

3

Avis

3

4

-

2

2

5

5

3

2

5

3

Le CNIT a émis un avis sur la plupart des réformes concernant l'inspection du travail. Il a ainsi jugé que la fusion des services de l'inspection de travail et le regroupement de l'ensemble des missions d'inspection du travail sous l'égide de la direction générale du travail ne comportaient pas, par eux-mêmes, de mesures contraires aux dispositions des conventions n° 81 et 129 de l'Organisation internationale du travail 18 ( * ) .

S'agissant de la réforme « Ministère fort », le CNIT a rappelé que les conventions de l'Organisation internationale du travail n'induisent pas, par elles-mêmes, un modèle d'organisation et des règles spécifiques de fonctionnement 19 ( * ) . Il a jugé que la réforme réaffirmait le caractère généraliste du système français d'inspection du travail. Il a également approuvé le nombre limité des priorités nationales et locales, en préconisant de formaliser davantage le processus d'association des agents de contrôle dans leur définition . Enfin, en ce qui concerne la ligne hiérarchique, il préconise de rappeler aux responsables la distinction entre l'action de conseil aux inspecteurs qu'ils sont en droit de donner en matière de contrôle, et l'action de supervision, qui doit être circonscrite aux fondements juridiques des actes 20 ( * ) . Le Conseil a, par ailleurs, souligné la nécessité d'établir « une relation de confiance entre les agents de contrôle et les responsables des services de l'inspection du travail » 21 ( * ) .

Dans une observation publiée en 2008, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT a pris note avec « intérêt » de la création du CNIT, en relevant qu'il est notamment chargé de l'application des conventions internationales relatives à l'inspection du travail 22 ( * ) .

Le CNIT demeure, cependant, de l'avis des représentants du personnel, relativement méconnu. Son apport est jugé parfois peu satisfaisant. Il n'a enregistré, en dix ans d'activité, qu'une seule saisine de la part d'un particulier. Celle-ci était, par ailleurs, irrecevable.

4. La mise en place d'un code de déontologie

La publication, le 12 avril 2017, d'un décret en Conseil d'État sur le code de déontologie du service public de l'inspection du travail est venue, pour partie, répondre aux objections de la Cour sur l'absence de déontologie.

La commission d'experts de l'OIT n'a pas encore examiné ledit décret. Le BIT a cependant noté avec intérêt l'adoption de ce code de déontologie considérant que ce type de dispositif pouvait renforcer la cohérence de l'action des agents de contrôle et limiter les risques d'arbitraire. Dans une observation publiée en 2010, la même commission d'experts avait noté avec « satisfaction » la publication, après validation par le Conseil national de l'inspection du travail, de l'ouvrage collectif « Principes de déontologie pour l'inspection du travail» quelques mois plus tôt 23 ( * ) . Elle avait noté avec « intérêt » la déclaration dans la préface de cet ouvrage que la déontologie renforce la cohérence de l'action des agents à tous les niveaux de la hiérarchie « comme elle protège les administrés eux-mêmes des risques d'arbitrage ». Cela étant, l'examen de cet ouvrage de 2010 par la Commission d'experts ne doit pas préjuger d'un examen futur par la Commission d'experts du code de déontologie du service public de l'inspection du travail de 2017.

Le CNIT émettra, dans les prochaines semaines, un avis sur le contenu même de ce code de déontologie.

C. LES MOTIVATIONS DE CES RÉFORMES : RÉPONDRE DE MANIÈRE PLUS EFFICACE À DE NOUVEAUX ENJEUX EN MATIÈRE DE PROTECTION DES SALARIÉS

1. De nouvelles priorités...

La réforme « Ministère fort » est censée permettre à l'inspection du travail de mieux lutter contre la concurrence déloyale et le travail illégal. Ces deux objectifs visent notamment le recours frauduleux au régime du détachement des travailleurs (520 000 salariés détachés en France en 2017, soit une augmentation de 63 % par rapport à 2016, la durée moyenne de détachement étant d'environ 100 jours). Il s'agit donc d'adapter l'organisation de l'inspection du travail à ces nouveaux enjeux, qui impliquent une approche plus collective et la constitution d'équipes spécialisées. La réforme est également supposée répondre à l'évolution du marché de l'emploi et au développement de nouvelles relations de travail, à l'image du travail indépendant ou de l'intérim.

Les réformes sont également envisagées comme un moyen de permettre de mieux répondre à l'évolution même de l'organisation des entreprises. L'éloignement du centre de décision du lieu où s'effectue la prestation de travail induit une nouvelle approche de l'action de l'inspection du travail, qui doit désormais mieux fonctionner en réseau et faciliter la coordination des sections. C'est à l'aune de cette ambition qu'il convient d'analyser le redécoupage périodique des unités de contrôle.

C'est dans cet esprit que le nombre de priorités nationales a été parallèlement réduit pour être ramené de 18 à 3 en 2014 avant d'être réévalué ces dernières années. Elles sont ainsi au nombre de 4 en 2019 : lutte contre la fraude au détachement, combat contre le travail illégal, actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et promotion de la sécurité et de la santé au travail. Celles-ci traduisent, selon la DGT, « une demande sociale forte ». Il convient, par ailleurs, de rappeler que le CNIT a indiqué dès 2013 que le principe de la libre décision de l'inspecteur du travail ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité hiérarchique fixe des objectifs ou des recommandations de portée générale 24 ( * ) .

Précisés à l'occasion d'une réunion de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle le 9 avril dernier, les objectifs de l'inspection du travail pour 2019 s'inscrivent dans cette optique. La direction générale du travail table sur 300 000 interventions pour l'année 2019 - soit une augmentation de 10 % par an dont la moitié serait dédiée aux quatre priorités nationales.

La lutte contre la fraude aux travailleurs détachés devrait ainsi faire l'objet de 24 000 interventions en 2019 et celle contre le travail illégal, 12 000. L'inspection du travail visera principalement les secteurs du bâtiment et de travaux publics, de l'hôtellerie-restauration et de l'agriculture. 60 000 interventions devraient concerner les thèmes de la santé et de la sécurité au travail : 40 000 ciblant les risques de chute en hauteur (318 accidents en 2018 dont 49 mortels) et 20 000 le risque amiante.

L'égalité salariale entre les femmes et les hommes devrait, quant à elle, faire l'objet de 7 000 interventions au travers d'un travail d'accompagnement et de contrôle des entreprises. Il s'agira, notamment, d'évaluer la mise en place d'un index de l'égalité professionnelle, obligatoire depuis le 1 er mars 2019, en application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 25 ( * ) .

Les objectifs affichés par rapport à l'égalité professionnelle implique de passer de deux interventions par an et par agent dans ce domaine à quatre. Pour les chutes de hauteur, le nombre d'interventions par agent et par an doit progresser de 14 à 21.

En application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, l'inspection du travail devrait, en outre, concourir à la mise en place d'un code du travail numérique au 1 er janvier 2020, incluant les dispositions légales et réglementaires ainsi que les principales conventions collectives.

La direction générale du travail table, par ailleurs, sur une présence dans les entreprises de deux jours par semaine par agent de contrôle.

2. ... dans un contexte de bouleversement du droit du travail
a) Les ordonnances dites « travail »

Au-delà de ces priorités, l'inspection du travail doit également s'adapter à une modification profonde du droit du travail depuis 2017. Les ordonnances dites « travail » du 22 septembre 2017 déterminent ainsi un nouveau cadre en matière de temps de travail ou de hiérarchie des normes. L'ordonnance n° 2017-1835 du 22 septembre 2017 pose ainsi le principe de la primauté de l'accord d'entreprise sur les accords de niveau supérieur dans plusieurs domaines d'activité. L'accord de branche ne prévaut ainsi plus que dans 17 domaines détaillés au sein des articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail. Il appartient aux agents de l'inspection du travail de porter une appréciation sur la licéité d'un accord d'entreprise.

Dans le même temps, les ordonnances de septembre 2017 ont modifié les règles en matière de négociation collective. Toutes les entreprises peuvent désormais conclure des accords collectifs. Cette prérogative était alors principalement réservée aux entreprises disposant d'organisations syndicales représentatives. La périodicité et le contenu des négociations obligatoires sont également révisés.

Les ordonnances prévoient, enfin, la fusion d'ici à 2020 des délégués du personnel (DP), du comité d'entreprise (CE) et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans un «comité social et économique». Une commission santé, sécurité et conditions de travail, de type CHSCT, subsistera dans les entreprises d'au moins 300 salariés et dans les entreprises nucléaire ou de type Seveso (sites dangereux) de moins de 300 salariés. Pour les autres entreprises, l'inspection du travail pourra imposer la création d'une telle commission. Les entreprises pourront également conserver, par accord, les délégués du personnel. Par accord il sera également possible d'intégrer les délégués syndicaux (DS), et donc la compétence de négociation, dans une instance unique nommée « conseil d'entreprise ». Son aval sera nécessaire sur certains sujets. Cette évolution des instances représentatives du personnel induit, là encore, un suivi de l'inspection du travail.

b) Le droit au contrôle

La loi ESSOC créée, par ailleurs, les conditions d'un droit au contrôle, qui intègre l'opposabilité des conclusions du contrôle 26 ( * ) . Tout employeur peut ainsi demander à faire l'objet d'un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La demande doit préciser les points sur lesquels le contrôle est sollicité. L'inspection du travail doit alors procéder au contrôle dans un délai raisonnable.

Lorsqu'une méconnaissance des règles est constatée, l'employeur peut demander une régularisation de sa situation en appliquant les dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-2 du code des relations entre le public et l'administration sur le droit à l'erreur.

Selon la DGT, les entreprises n'ont pas encore fait valoir ce nouveau droit.

III. DES INTERROGATIONS A LEVER

A. UNE RÉFORME DES PERSONNELS QUI NE RÉPOND PAS À TOUTES LES ATTENTES

1. Les conséquences de la requalification des contrôleurs du travail

La requalification des contrôleurs du travail était initialement programmée sur trois ans pour se terminer en 2015. Elle a été prolongée jusqu'en 2019.

La Cour des comptes a relevé en 2016 que cette requalification avait pu contribuer à une certaine désorganisation des services d'inspection durant les périodes de formation des futurs inspecteurs à l'INTEFP.

Sans remettre en cause le bien-fondé de cette revalorisation des tâches, vos rapporteurs spéciaux partagent ce constat. La désorganisation est particulièrement patente en ce qui concerne les services de renseignement. Les services de renseignement des usagers sont intégrés au sein des unités départementales.

Avant la réforme « Ministère fort », le service des renseignements était principalement assumé par des contrôleurs du travail, ayant bénéficié d'une formation initiale à l'INTEFP. La requalification progressive des contrôleurs du travail en inspecteurs du travail a conduit à privilégier le recrutement de secrétaires administratifs (catégorie B de la fonction publique) pour assurer le service public de renseignement, sans pour autant qu'ils ne soient réellement formés, alors même que la demande est importante : 842 000 demandes de renseignement en droit du travail ont été traitées en 2018, dont les deux tiers par téléphone. 140 points d'accueil du public sont, par ailleurs, répartis sur tout le territoire (un au moins par département).

La fonction de filtre du service de renseignement n'est plus ainsi optimale et peut conduire à alourdir la charge des inspecteurs du travail. La question de l''accès au service public de l'inspection du travail par les salariés ou les entreprises est également posée. Vos rapporteurs spéciaux relèvent, par ailleurs, que le nombre de chargés de renseignement est en baisse constante depuis 2009. Ils rappellent que l'expérience du service de renseignements doit abonder le projet de code du travail numérique porté par le ministère en cernant les attentes des salariés et les questions récurrentes.

Nombre de chargés du renseignement en droit du travail et en formation professionnelle 2009-2018

(en ETP)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

580

550

544

534

522

512

480

480

445

453

Source : direction générale du travail

Recommandation n° 3 : Renforcer les services de renseignements en développant la formation des agents qui y sont affectés .

Reste, en outre, la question des contrôleurs ne souhaitant pas devenir inspecteur du travail ou ne réussissant pas l'examen. La direction des ressources humaines du secrétariat général des ministères sociaux (SGMAS) évalue à 900 le nombre de contrôleurs du travail en fonction à la fin de l'exercice 2019. 400 contrôleurs seraient encore dans les effectifs en 2022 sur la base des départs prévisibles 27 ( * ) . Il convient de relever à ce stade que ces contrôleurs peuvent être affectés sur d'autres missions relevant de l'inspection du travail (renseignements, section central travail, appui technique) ou au sein d'autres pôles des DIRECCTE : en 2017, 22 % des contrôleurs du travail seraient ainsi affectés au pôle 3E et 10 % dans les fonctions supports. Le nombre de contrôleurs du travail restant affecté en section serait ainsi de l'ordre de 325 agents. Une augmentation de la part de postes offerts au concours interne, à l'issue du plan de transformation d'emploi est aujourd'hui envisagée pour permettre aux contrôleurs du travail récemment nommés - le dernier concours date de 2013 - d'accéder au corps de l'inspection du travail.

Une négociation sur l'avenir des contrôleurs a été engagée par la direction des ressources humaines sans qu'aucune des pistes envisagées - promotion du reliquat, poursuite du plan de transformation de l'emploi, évolution vers la carrière administrative - ne soit in fine retenue, au risque de susciter une forme de démotivation chez les agents concernés et donc un affaiblissement de l'activité de contrôle.

En attendant, des solutions pragmatiques sont mises en oeuvre dans certaines DIRECCTE afin notamment d'éviter ainsi des vacances de poste au sein de certaines sections d'inspection. Ainsi, en Ile-de-France, où 24 % des contrôleurs du travail sont affectés à des missions de contrôle, 40 % d'entre eux sont affectés au contrôle d'entreprise de toutes tailles, dépassant donc le seuil de 50 salariés.

Évolution du nombre de contrôleurs du travail depuis 2012

(en ETP)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Nombre annuel de contrôleurs du travail devenant inspecteurs du travail

130

205

205

250

250

250

250

Nombre total de contrôleurs du travail

2948

2618

2277

1927

1478

1478

900

Nombre de contrôleurs du travail en section

1320

1176

992

745

539

517

325

Source : direction générale du travail

Recommandation n° 10 : Promouvoir des solutions pragmatiques pour maintenir l'implication des contrôleurs du travail au sein du service de l'inspection du travail et mettre en place un plan d'accompagnement de l'extinction de cette catégorie d'emploi.

2. Une diminution du nombre d'agents de contrôle ?

À l'occasion du lancement de la réforme en 2013, le ministère du travail avait, par ailleurs, indiqué qu'elle n'aurait pas pour effet de réduire les effectifs de contrôle de l'inspection du travail. La Cour des comptes relevait ainsi en 2016 ainsi que les réductions des effectifs ont principalement porté sur les personnels de soutien depuis 2010. Les données de la direction générale du travail tendent à relativiser cette analyse : on constate en effet une diminution de près de 5 % du nombre d'agents de contrôle entre 2016 et 2018, qui passe de 2 251 à 2 137.

Dans le même temps, l'évolution des parcours professionnels liée à la réforme a conduit à une augmentation mécanique du nombre d'inspecteurs du travail depuis 2013, dont l'effet semble cependant moins net depuis 2016. Cette progression n'est pas sans incidence financière : un contrôleur voit sa rémunération brute établie entre 1 471 et 2 502 euros bruts mensuels, en fonction de l'ancienneté, alors qu'un inspecteur dispose d'un revenu compris entre 1 902 et 3 289 euros bruts mensuels, en fonction de l'ancienneté.

Il convient par ailleurs de rappeler que la réforme « Ministère fort » avait été précédée d'une forte augmentation du nombre d'agents de l'inspection du travail entre 2006 et 2010 dans le cadre du PMDIT. 1 100 agents étaient ainsi venus renforcer ses effectifs, dont 57 % en provenance des ministères des transports et de l'agriculture. Le PMDIT avait ainsi contribué à des créations nettes d'emplois. Le nombre de salariés par agent de contrôle est ainsi passé de 10 406 en 2006 à 6 563 en 2010. Ce taux était alors largement inférieur à l'objectif de 8 000 salariés par agent fixé dans le PMDIT.

On constate, ces dernières années, un relèvement du taux qui a atteint 9 070 salariés par agent de contrôle en 2017 . Le ministère du travail fixe désormais un objectif de 10 000 salariés par agent de contrôle à l'horizon 2022. Ce taux serait supérieur à ceux constatés dans la plupart des pays européens.

Nombre de salariés par agents de contrôle : éléments
de comparaison européens

Pays

Nombre de salariés par agent de contrôle

Bulgarie, Finlande, Luxembourg, Pologne, Roumanie

Entre 7 000 et 8 000

Espagne, France, Grèce, Slovénie

Entre 8 100 et 9 500

Belgique, Portugal

Entre 11 900 et 19 000

Source : direction générale du travail (chiffres de 2014)

Il est régulièrement indiqué que ce taux répondrait à une recommandation de l'OIT. Pourtant, ce taux ne figure pas dans la convention n° 81. Il est issu d'une étude d'ensemble établie par le BIT en 2006. Il ne peut servir, aux yeux de l'OIT, que d'orientation générale pour faciliter la répartition optimale des moyens et des personnels. La convention n° 81 prévoit surtout, à l'article 12, plusieurs critères pour définir le nombre d'agents de contrôle nécessaires. Celui-ci doit être évalué en fonction du nombre d'établissements, du tissu économique et social, de la complexité de la réglementation mais aussi des moyens mis à la disposition des agents . Le nombre d'interventions ne saurait, en outre, constituer aux yeux de l'OIT le seul critère d'efficacité : il en va aussi de la définition d'objectifs prioritaires, de la synergie entre les différents contrôles et de la qualité de la coordination interministérielle.

Nombre d'agent de contrôle par salarié : orientations
du Bureau international du travail

Type d'économie

Nombre d'agent par salarié

Économies de marché industrielles

1/10 000

Économies de marché en cours d'industrialisation

1/15 000

Économies en transition

1/20 000

Pays les moins développés

1/40 000

Source : direction générale du travail

La moyenne nationale ne saurait, par ailleurs occulter les écarts entre certains territoires. L'exemple de la DIRECCTE Île-de-France est assez éloquent : le nombre de salariés par section de contrôle est estimé à 10 686 et le nombre d'entreprises par section de contrôle dépasse lui aussi la moyenne nationale : 856 établissements contre 827 à l'échelle du pays.

S'agissant du nombre d'agents, il convient de rappeler à ce stade que la convention n° 81 de l'OIT n'impose pas un nombre spécifique d'inspecteurs du travail. L'article 10 de la convention requiert simplement que le nombre des inspecteurs du travail soit « suffisant pour permettre d'assurer l'exercice efficace des fonctions du service d'inspection », ce nombre devant être fixé en fonction d'un certain nombre de critères. Vos rapporteurs spéciaux relèvent à cet égard, que, dans une demande directe adressée au Gouvernement en 2015, la commission d'experts de l'OIT a pris note de la réforme dite « Ministère fort » et a demandé des informations sur les répercussions de la mise en oeuvre de cette réforme sur l'inspection du travail, en insistant notamment, sur le nombre et les pouvoirs des agents d'inspection, ainsi que sur leurs moyens d'action 28 ( * ) . L'examen de la conformité de l'effectif de l'inspection du travail avec l'article 10 de la convention n° 81 est donc encore en cours.

La direction générale du travail indique aujourd'hui que les effectifs apparaissent relativement stables, voire en augmentation depuis le lancement de la réforme. Aux agents de contrôle que sont les inspecteurs et contrôleurs du travail, elle agrège en effet les inspecteurs du travail stagiaires, les responsables d'unités de contrôle (RUC) et les assistants de contrôle pour déterminer le nombre d'agents en UC.

Nombre d'agents de contrôle 2009-2018

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Inspecteurs du travail

754

781

796

783

781

855

991

1258

1285

1484

Contrôleurs du travail

1422

1468

1450

1428

1320

1176

992

745

539

414

Inspecteurs du travail stagiaires

-

-

-

-

130

205

205

248

192

239

Responsables d'unités de contrôle

-

-

-

-

-

226

209

208

195

210

Total

2 176

2 249

2 246

2 211

2 224

2 462

2 399

2 459

2125

2347

Source : direction générale du travail

La direction générale du travail note par ailleurs que les effectifs des agents de contrôle ne se sont pas vu appliquer, jusqu'en 2017, la baisse prévue par les lettres de cadrage. La réduction des effectifs des ministères sociaux, estimée à 5,6 % par an, aurait ainsi porté sur les directions support d'administration centrale et les directions régionales. 140 postes en service de contrôle ont ainsi été supprimés via un non-remplacement des départs en retraite. Elle relève même une augmentation du nombre d'agents en mesure de mener des contrôles.

La réalité est plus nuancée. Il existe une véritable progression du nombre d'agents de contrôle entre 2009 et 2018 - +7,9 % -, mais avec de fortes variations annuelles. Les derniers exercices ont ainsi été marqués par une baisse notable : - 4,5 % entre 2016 et 2018. Ces chiffres assimilent, par ailleurs, les inspecteurs du travail stagiaires et donc en formation et des responsables d'unités de contrôles à des agents de contrôle à plein temps. Dans ces conditions, on peut constater une diminution des postes d'agents de contrôle, qui correspond quasiment à la baisse des effectifs enregistrée à l'échelle des ministères sociaux.

3. Une crise des vocations ?

La diminution relative des effectifs enregistrée depuis 2016 peut apparaitre inquiétante au regard des difficultés constatées à combler les postes ouverts aux concours . La direction générale du travail a confirmé à vos rapporteurs spéciaux la baisse d'attractivité du concours d'inspecteur. Cette crise des vocations s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte marqué par l'extinction progressive du corps des contrôleurs du travail, qui représentaient jusqu'alors un vivier important de recrutement. 934 personnes étaient ainsi inscrites au concours externe 2019 d'inspecteur du travail (39 postes ouverts) contre 2 129 en 2013 (39 postes ouverts). Ce phénomène de désaffection est également marqué pour le concours interne : 139 inscrits en 2019 (11 postes ouverts) contre 205 en 2013 (12 postes ouverts). Il apparaît, en outre, important de noter que 20 % environ des inspecteurs du travail sont affectés en dehors du pôle travail des DIRECCTE, essentiellement au sein du pôle Entreprises, Emploi et Économie (pôle 3 E ), sur des fonctions « emploi » et « formation professionnelle ».

Concours d'inspecteur du travail 2006-2019

Année de
prise en charge
budgétaire

année du
concours

Concours externe

postes

inscrits

présents

admis-sibles

admis

présents/
inscrits

postes/
inscrits

postes/
présents

2006

2005

69

1884

627

152

80

33,3%

3,7%

11,0%

2007

2006

73

2083

625

178

87

30,0%

3,5%

11,7%

2008

2007

75

1516

523

200

90

34,5%

4,9%

14,3%

2009

2008

40

2427

605

123

40

24,9%

1,6%

6,6%

2010

2009

53

2480

611

110

63

24,6%

2,1%

8,7%

2011

2010

28

2419

655

72

28

27,1%

1,2%

4,3%

2012

2012

24

1546

473

72

24

30,6%

1,6%

5,1%

2013

2013

39

2129

488

99

39

22,9%

1,8%

8,0%

2014

2014

52

2028

508

89

50

25,0%

2,6%

10,2%

2015

2015

32

1347

453

78

32

33,6%

2,4%

7,1%

2016

2016

32

1261

313

64

32

24,8%

2,5%

10,2%

2017

2017

19

1008

259

46

19

25,7%

1,9%

7,3%

2018

2018

33

1032

202

67

33

19,6%

3,2%

16,3%

2019

2019

39

934

204

21,8%

4,2%

19,1%

Année de
prise en charge
budgétaire

année du
concours

Concours interne

postes

inscrits

présents

admis-sibles

admis

présents/
inscrits

postes/
inscrits

postes/
présents

2006

2005

35

164

92

47

24

56,1%

21,3%

38,0%

2007

2006

36

200

121

42

22

60,5%

18,0%

29,8%

2008

2007

38

174

115

43

23

66,1%

21,8%

33,0%

2009

2008

20

184

89

37

20

48,4%

10,9%

22,5%

2010

2009

27

196

89

35

17

45,4%

13,8%

30,3%

2011

2010

9

273

94

20

9

34,4%

3,3%

9,6%

2012

2012

8

177

82

20

8

46,3%

4,5%

9,8%

2013

2013

12

205

82

31

12

40,0%

5,9%

14,6%

2014

2014

17

209

79

31

17

37,8%

8,1%

21,5%

2015

2015

11

143

56

22

11

39,2%

7,7%

19,6%

2016

2016

11

137

37

14

5

27,0%

8,0%

29,7%

2017

2017

7

106

26

11

5

24,5%

6,6%

26,9%

2018

2018

10

109

20

12

7

18,3%

9,2%

50,0%

2019

2019

11

139

23

16,5%

7,9%

47,8%

Année de
prise en charge
budgétaire

année du
concours

Troisième concours 29 ( * )

postes

inscrits

présents

admis-sibles

admis

présents/
inscrits

postes/
inscrits

postes/
présents

2011

2010

3

100

29

12

3

29,0%

3,0%

10,3%

2012

2012

3

67

29

8

3

43,3%

4,5%

10,3%

2013

2013

5

88

30

12

5

34,1%

5,7%

16,7%

2014

2014

6

95

44

20

6

46,3%

6,3%

13,6%

2015

2015

4

77

36

12

4

46,8%

5,2%

11,1%

2016

2016

4

110

53

12

4

48,2%

3,6%

7,5%

2017

2017

2

107

55

8

2

51,4%

1,9%

3,6%

2018

2018

4

134

45

12

4

33,6%

3,0%

8,9%

2019

2019

6

218

64

29,4%

2,8%

9,4%

Source : direction générale du travail

Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de juillet 2016 a préconisé une réforme des épreuves du concours afin de diversifier les profils des candidats et l'élaboration, dans le même temps, d'une stratégie de communication sur l'intérêt des fonctions 30 ( * ) . L'IGAS insiste ainsi sur de nouvelles modalités de recrutement, plus ouvertes et valorisant une expérience professionnelle. L'IGAS souligne ainsi que le concours externe privilégie les filières juridiques (principalement en droit social). Il conviendrait donc de majorer le nombre de postes offerts au troisième concours afin d'attirer d'autres profils. Dans le même temps, les épreuves du concours interne pourraient être rapprochées de celles du troisième concours. Le concours externe pourrait également mieux valoriser les épreuves d'aptitude. Une telle réforme implique enfin une diversification de la composition des jurys et la professionnalisation de leurs pratiques.

Le rapport insiste également sur la formation des responsables d'unités de contrôle, afin de renforcer leur positionnement stratégique, ou l'ouverture de nouvelles perspectives de carrière pour les directeurs-adjoints du travail afin qu'ils conservent un rôle actif en matière d'inspection. Vos rapporteurs spéciaux relèvent que ces options permettraient tout à la fois de concilier progression personnelle et maintien d'effectifs actifs en matière de contrôle.

Par-delà, le rapport insiste sur la faiblesse des fonctions « ressources humaines » au sein des DIRECCTE, ce qui fragilise notamment la détection des potentiels. La difficulté à disposer de données fiables sur la répartition des effectifs est également relevée, difficulté également rencontrée par vos rapporteurs spéciaux.

La publication de ce rapport a débouché sur la nomination d'un directeur de projet auprès du directeur de ressources humaines entre 2017 et 2018. Reste que cette réforme des concours d'accès est, trois ans après, toujours en cours d'élaboration. Plusieurs pistes ont déjà été envisagées : élargissement du troisième concours, possibilité d'accueil en détachement, refonte des épreuves et de la composition du jury. La formation pourrait également être revue afin d'élaborer une nouvelle articulation entre formation initiale, formation continue et entretien des compétences. Des propositions ont été formulées en ce sens. Une note du directeur de projet datée du 16 novembre 2018 transmise à vos rapporteurs spéciaux vient les étayer. Elles n'ont, pour l'heure pas abouti. L'enjeu est pourtant de taille, la pyramide des âges de l'inspection du travail induit, en effet, un profond renouvellement du corps entre 2015 et 2025. Le plan de transformation d'emplois devrait, en outre, se traduire par la croissance du « pied de corps » des inspecteurs du travail, ce qui n'est pas sans incidence sur la question du maintien de déroulés de carrière attractifs, alors même que le nombre de postes de direction se réduit. La réforme territoriale a en effet débouché sur une diminution, au 1 er janvier 2016, du nombre de postes d'encadrement au sein des DIRECCTE.

À la demande de la ministre du Travail, M. Yves Calvez, ancien directeur adjoint de la DGT a été chargé, le 15 février 2019, de mener à bien cette réflexion. Cette mission devait se terminer en juillet 2019. Les conclusions n'ont pas encore été rendues publiques. Sa lettre de mission reprend les pistes évoquées plus haut. Elle prévoit, en effet, qu'il formule des propositions opérationnelles d'évolution des modalités de recrutement, de formation initiale et d'accompagnement de la prise de poste des inspecteurs du travail. Il s'agit de développer l'attractivité des postes offerts et de diversifier les profils (troisième concours, détachement mais aussi recrutements de doctorants et de salariés ou de représentants syndicaux souhaitant, en seconde partie de carrière, rejoindre un corps de fonctionnaires). La ministre souhaite également une professionnalisation des jurys, au travers d'une meilleure représentation du « monde du travail et des ressources humaines ».

Elle entend également que la formation initiale prépare au mieux les futurs inspecteurs à saisir les évolutions du contexte économique et social, le monde de l'entreprise et la transformation du rôle de l'État. La formation doit s'adresser aux inspecteurs du travail susceptibles d'intégrer le pôle Travail des DIRECCTE mais aussi le pôle 3E. La ministre envisage une formation en alternance dans les DIRECCTE afin de développer une « véritable logique d'apprentissage » et la mise en place d'un tutorat destiné à « sécuriser la prise de fonction initiale » des nouveaux inspecteurs du travail.

La lettre de mission aborde enfin le mode de gouvernance de l'INTEFP, qui fait actuellement l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes. La ministre souhaite que soient formulées des propositions afin que l'INTEFP dispose de ressources adéquates et d'un comité pédagogique opérationnel. Le budget de l'INTEFP s'élève à 17 millions d'euros par an et bénéficie d'une subvention de l'État de 13,9 millions d'euros en 2019 (soit une baisse de 8,6 % par rapport à la loi de finances pour 2018). 100 emplois (ETPT) sont rémunérés par cet opérateur en 2019 (contre 92 en 2018). La diminution de ses ressources budgétaires contraste avec l'augmentation constatée de son activité. En 2017, l'INTEFP a connu une augmentation de 9 % du nombre de stagiaires accueillis (21 941) et une progression du nombre de jours de formations de 13 % (68 182). Cette dernière est pour partie liée à l'intégration dans ses missions de nouveaux modules dans le cadre des plans régionaux de formation-métier (PRFM). La question des moyens budgétaires peut donc apparaître cruciale.

Vos rapporteurs spéciaux saluent cette réflexion sur le contenu même de la formation et les modalités de prise de postes. S'ils comprennent la problématique de la nécessité d'une formation en alternance, ils rappellent que la mise en place d'un tutorat ne peut avoir pour conséquence de renforcer la charge de travail des inspecteurs du travail, dans un contexte marqué par de nombreuses vacances de poste.

Recommandation n° 8 : Mettre en place une véritable réponse à la crise des vocations observée au sein de l'inspection du travail, en valorisant la carrière, en ouvrant son recrutement et en dotant l'INTEFP de moyens suffisants pour la formation continue des agents.

4. La question des postes vacants

Le rapport de l'IGAS insistait également sur la nécessaire anticipation en matière de gestion des effectifs, des compétences et des parcours professionnels. Il préconisait un rendez-vous particulier concernant l'accès aux emplois d'encadrement supérieur dans les services.

La gestion prévisionnelle des emplois semble cependant pour partie tributaire des redécoupages réguliers des unités de contrôle. Elle est, par ailleurs, fragilisée par d'importantes vacances de poste. Il existe aujourd'hui 215 postes non pourvus au sein du corps de l'inspection du travail, dont 136 en section d'inspection 31 ( * ) . Le cas de la DIRECCTE Île-de-France est là encore éloquent. La région a enregistré une diminution du nombre de ses unités de contrôle entre 2017 et 2018, passant de 47 à 43. Le nombre de section d'inspection a, dans le même temps, été ramené de 468 à 423. Pour occuper celles-ci, la DIRECCTE ne peut s'appuyer que sur 358 agents de contrôle, soit un taux d'occupation de moins de 85 %. Il convient de relever que sont comptabilisés parmi les 358 agents de contrôle, les inspecteurs du travail actuellement en formation. Afin d'assurer la continuité du service public, les agents assurent l'intérim sur une ou deux sections vacantes. 38 inspecteurs du travail stagiaires ont rejoint la DIRECCTE au 1 er juillet 2019, portant le nombre d'agents de contrôle à 396. Restent que ces derniers ne disposent pas de l'expérience idéale pour pleinement assurer leurs fonctions dans une région, dont la spécificité tient à la fois à la présence de nombreux sièges sociaux et aux nombreux travaux d'infrastructures sur son territoire (chantier du Grand Paris). Compte-tenu des vacances de poste, la région Île-de-France dépasse largement l'objectif de 10 000 salariés par agent de contrôle pour atteindre 11 347 salariés par agent de contrôle.

Recommandation n° 1 : Repenser l'organisation territoriale de l'inspection du travail afin d'équilibrer la charge pesant sur les sections.

Recommandation n° 2 : Prendre en compte les disparités territoriales et les postes effectivement pourvus pour atteindre l'objectif national de 10 000 salariés par agent de contrôle.

Les vacances de poste posent également des difficultés dans certains départements ruraux - le cas de l'Aisne a ainsi été évoqué - déjà marqués par un problème d'éloignement entre l'inspection du travail et les salariés. Vos rapporteurs spéciaux relèvent le manque d'attractivité de ces départements pour les jeunes inspecteurs du travail qui privilégient d'autres postes au sein de DIRECCTE plutôt que de choisir un poste au sein d'une UD. Les postes ouverts dans la Creuse n'ont, ainsi, pas été pourvus à l'occasion de la dernière promotion d'inspecteurs du travail.

La question des vacances de postes est particulièrement prégnante quand elle vient s'ajouter à celle de la réduction concomitante du nombre d'agents de contrôle pleinement opérants. Ces manques sont d'autant plus criants qu'ils s'inscrivent dans un contexte marqué par une réforme profonde du droit du travail et donc, par un accroissement des travaux de veille juridique.

Recommandation n° 9 : combler prioritairement les vacances de postes en y affectant les lauréats du concours de l'inspection du travail.

5. La persistance d'un malaise social

La réforme « Ministère fort » tend à prendre en compte les observations de l'Inspection générale des affaires sociales émises en 2010 et 2011 et les conclusions de la Cour des comptes sur le risque d'isolement des agents de l'inspection du travail liés à la pratique en solitaire de leur activité et sur une forme d'individualisme dans le choix des contrôles. La Cour des comptes rappelait d'ailleurs dans son rapport le constat émis par la direction générale du travail sur l'existence d'une culture antihiérarchique voire « ahiérarchique » au sein de l'inspection du travail.

L'appréciation de la DGT quant à la culture antihiérarchique de l'inspection du travail se fondait principalement sur le refus d'une partie des agents de contrôle de rendre compte de leur activité sur les outils informatiques ou d'assister aux entretiens professionnels annuels. Il convient de relever que l'autorité centrale ne recourt pas, pour autant, aux procédures disciplinaires existantes, ce que lui a d'ailleurs rappelé la Cour des comptes dans son rapport.

Une lettre adressée par le directeur général du travail à l'ensemble des agents du service public de l'inspection du travail le 4 mars 2019 vient rappeler que ces difficultés sont toujours prégnantes. Le document insiste ainsi sur les « f rictions » qu'a pu générer l'articulation entre section, unités régionales d'appui et de contrôle en charge de la lutte contre le travail illégal (URACTI) et groupe national de veille, d'appui, et de contrôle (GNVAC). Le même document souligne également la persistance de pratiques fragilisant la portée des réformes : refus de rendre compte de son activité, refus de s'inscrire dans le cadre des actions prioritaires, absence de portée utile donnée aux entretiens annuels d'évaluation, absence aux réunions de service, obstacle à la valorisation des actions et du travail accompli. La lettre souligne enfin des « comportements individuels qui font fi de la plus élémentaire courtoisie et du respect dû à chaque collègue ou de comportements collectifs fondés sur le ressort de l'intimidation ou de l'ostracisme, motivés par le seul fait de désaccords sur les pratiques professionnelles (...) ou encore de la seule appartenance à une « hiérarchie » présentée comme un adversaire ou un ennemi ».

Une décision du Conseil d'État du 1 er février 2017 vient éclairer cet état des lieux. Elle relève en effet un durcissement des relations entre certains syndicats et l'autorité centrale en pointant les actions « dont l'objet est de perturber fortement voire d'empêcher la tenue de réunions, instances de dialogue ou sessions de formation », mais qui « ne sauraient être regardées comme relevant de l'exercice normal d'une activité syndicale ou du droit de grève » 32 ( * ) .

La même décision relève, en outre que la détermination de priorités ne saurait remettre en cause l'indépendance des agents de contrôle. « L'obligation, pour les agents de contrôle, de mettre en oeuvre des priorités nationales et régionales concourant à la politique du travail » n'a pas pour objet de leur « prescrire d'exercer dans un sens déterminé leur mission de contrôle de la législation du travail ».

Les entretiens que vos rapporteurs spéciaux ont menés avec les représentants du personnel de l'inspection du travail ont démontré une véritable défiance à l'égard de la direction générale du travail , comptable des réformes engagées depuis 2009 et jugée incapable de répondre aux inquiétudes des agents de contrôle. Des critiques visant la politique du chiffre et la crainte d'une perte d'indépendance sont manifestes, dans un contexte marqué par les incertitudes pesant sur l'organisation territoriale de l'inspection du travail, suite à la parution de la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019.

Cette tension est, de surcroît, renforcée par une série de suicides et tentatives de suicides qui ont affecté l'inspection du travail . Depuis 2017, cinq suicides et 10 tentatives ont, en effet, été enregistrées. L'agression d'inspecteurs du travail dans l'exercice de leurs missions est par ailleurs récurrente. Les organisations professionnelles ont, dans ce contexte, le sentiment que la hiérarchie ne les soutient pas suffisamment et que l'intensité de leur travail n'est pas reconnue.

Vos rapporteurs spéciaux estiment que toute nouvelle réforme doit nécessairement être accompagnée d'un effort renforcé de dialogue et de pédagogie de la part de la direction générale du travail afin de restaurer un dialogue social constructif. Il s'agit également de rassurer des agents de contrôle qui peuvent sembler pris dans des injonctions contradictoires entre la nécessaire atteinte des objectifs nationaux et la réduction des effectifs.

Recommandation n° 4 : Mieux associer les agents de contrôle à la mise en place de la nouvelle organisation territoriale prévue par la circulaire du 12 juin 2019.

Recommandation n° 11 : Mettre en place de nouveaux instruments de dialogue avec les agents de contrôle afin de répondre au malaise constaté au sein de la profession.

B. QUELLES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE D'ORGANISATION ?

1. Une organisation moins efficace ?

Dans le cadre de son appréciation de la réforme « Ministère fort » en 2016, la Cour des comptes s'est interrogée sur l'affectation des deux tiers du corps de l'inspection du travail en dehors des UC, principalement au sein des pôles travail et emploi des DIRECCTE.

Il convient de relever que le PMDIT ne trouvait pas non plus grâce aux yeux de la Cour des comptes, pour qui la fusion des corps a eu pour conséquence la constitution de sections entièrement tournées vers l'agriculture sans pour autant que les objectifs définis à l'occasion de ce transfert ne soient in fine atteints. Les compétences techniques en matière de transports n'ont, quant à elles, pas été suffisamment diffusées. La Cour notait ainsi que les gains de productivité attendus n'ont pas été obtenus : l'augmentation des interventions enregistrée en 2010 étant inférieure à celle du nombre d'emplois.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent, par ailleurs, les observations du CNIT lors du lancement de la réforme « Ministère fort ». Dans l'avis rendu à cette occasion, le Conseil a attiré l'attention du ministre du travail sur des « points de vigilance ». Parmi ceux-ci figure l'articulation des compétences et attributions entre les inspecteurs du travail, les responsables des unités de contrôle et les agents des unités régionales de contrôle. Le Conseil recommandait ainsi de mettre en oeuvre une procédure d'arbitrage, en veillant à respecter les principes d'indépendance et de libre décision 33 ( * ) .

2. La question des priorités

Vos rapporteurs spéciaux trouvent légitime l'affichage de priorités nationales, tant la réalité du monde du travail tend à dépasser la logique territoriale et implique des actions collectives, mieux coordonnées. Celles-ci ne doivent pas, pour autant, déboucher sur une politique du chiffre (cf infra ) compte-tenu, notamment, des incertitudes pesant sur la fiabilité des statistiques fournies. Elles ne doivent pas, non plus, aboutir à couper l'agent de contrôle de sa section d'inspection. Il semble impératif de lui permettre de conserver sa capacité à enquêter de manière individuelle mais aussi d'accompagner et de conseiller. Au-delà des réponses aux demandes de renseignement, il s'agit aussi de permettre à l'inspection du travail d'aller au-devant de celles-ci en se rendant disponible auprès des salariés issus de la nouvelle économie, « ubérisés » ou « invisibles ».

Vos rapporteurs spéciaux rappellent que les tâches liées à la mise en oeuvre du régime d'autorisation préalable (licenciement d'emploi protégés, suivi des ruptures conventionnelles...) peuvent représenter plus de 25 % de l'activité d'un inspecteur du travail, voire plus dans les régions dotées de nombreux sièges sociaux. Si l'on y ajoute les 50 % de temps de travail dédiés aux priorités nationales, la marge de manoeuvre individuelle est réduite.

Recommandation n° 16 : Concilier pilotage de l'activité de l'inspection du travail et préservation de la capacité d'initiative des agents de contrôle.

3. La question des moyens juridiques et matériels

L'accent mis sur les priorités nationales doit, de surcroît, être accompagné de moyens tant matériels que juridiques. Le cas est particulièrement patent en ce qui concerne la lutte contre la fraude au détachement des travailleurs. Dans un rapport publié en février 2019, la Cour des comptes a ainsi relevé que les corps de contrôle ne disposaient pas encore totalement des outils leur permettant de cibler leurs recherches et de partager les fichiers pertinents 34 ( * ) . Elle insiste ainsi pour que soit mise en place une cartographie partagée des risques de fraude. La Cour note, par ailleurs, que les sanctions prononcées au niveau pénal sont peu nombreuses et peu dissuasives.

Les conclusions de la Cour des comptes sur les sanctions rejoignent les observations formulées par les représentants du personnel de l'inspection du travail auprès de vos rapporteurs spéciaux. La plupart constataient l'absence de portée, au plan pénal, de leurs contrôles, regrettant la faiblesse de leur implication dans les suites à donner au plan judiciaire. Vos rapporteurs spéciaux rappellent que le CNIT a indiqué, dans son avis sur la réforme dite « Ministère fort », que, concernant les possibilités de recours alternatives entre l'ordonnance pénale et la transaction pénale, les relations entre l'inspecteur du travail, le DIRECCTE et le procureur de la République devraient être définies selon des modalités préservant, d'une part, le principe de libre décision et, d'autre part, la nécessaire dissociation entre l'autorité chargée de relever les infractions et celle qui prononce les sanctions pénales 35 ( * ) . Cette méthodologie semble aujourd'hui faire défaut.

Vos rapporteurs spéciaux partagent de fait le constat de la Cour des comptes sur les sanctions. Ils estiment que l'absence de suites juridiques fragilise clairement la qualité des contrôles, leur efficacité et donc l'implication des agents de contrôle, notamment en matière de fraude au détachement. Par-delà, elle remet en cause les intentions des promoteurs des réformes entreprises depuis près de dix ans. Elle peut également éclairer le malaise social constaté au sein du service de l'inspection du travail.

Recommandation n° 6 : Opérer un rapprochement du service de l'inspection du travail avec les parquets, notamment en matière de fraude au détachement, afin de garantir un suivi de son action.

S'agissant de la question des moyens, vos rapporteurs spéciaux seront particulièrement vigilants quant à l'application de la circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale. Celle-ci ne saurait déboucher sur une mutualisation des moyens au sein des nouvelles unités départementales au détriment de l'action des inspecteurs du travail. Le cas du parc automobile de l'inspection du travail est notamment crucial. Il ne saurait être mis en commun avec celui des autres services économiques et sociaux rassemblés sous l'autorité du préfet de département, sous peine de brider la capacité d'intervention des agents de contrôle. Le ministère du travail a assuré à vos rapporteurs que des mesures seraient prises en ce sens.

Recommandation n° 5 : Veiller à ce que l'application de la circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État ne se traduise pas par une diminution des moyens affectés à l'inspection du travail.

C. DES OBJECTIFS DE PERFORMANCE NON ATTEINTS ?

La réforme a coïncidé avec une diminution du nombre d'interventions par agent, passé de 161 en 2007 à 131 en 2018 (91 en 2015). Dans le même temps, on constate à l'inverse une augmentation du nombre d'interventions - 272 730 en 2018 contre 220 800 en 2014 - et une évolution irrégulière des sanctions.

Interventions et nombre d'agents de contrôle 2016-2018

2016

2017

2018

Total des interventions

252 131

260 522

272 730

Nombre d'agents de contrôle

2 251

2 016

2 137

Source : Direction générale du travail

1. Un changement d'indicateurs

Plus largement, il convient de s'interroger sur l'atteinte des objectifs nationaux définis par le ministère du travail dans le projet annuel de performance (programme 111). Au terme de ceux-ci, 35 % des contrôles doivent s'inscrire dans les priorités nationales définies par le ministère. Ce chiffre n'a plus été atteint depuis 2011, avant de subitement augmenter en 2018 pour le dépasser. Le changement de logiciel de saisie des interventions des agents de contrôle (cf infra. ) est, sans doute, une des raisons de cette progression.

Objectif n°1 : Orienter l'activité des services de l'inspection du travail (en % de la totalité des activités de contrôle)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Objectif affiché

35

35

35

35

35

35

Réalisé

21

23

24,1

29,8

48

-

La Cour des comptes notait, en outre, que les indicateurs utilisés ne permettaient pas une mesure des résultats de l'action de l'inspection du travail.

Elle insistait notamment sur les indicateurs mesurant les contrôles donnant lieu à procès-verbal en matière de prestation de service internationale (PSI ou détachement des travailleurs). Ceux-ci permettent de chiffrer le nombre d'interventions mais ne visent pas les résultats de ces procédures.

Nombre de procès-verbaux et de sanctions administratives visant la prestation de service internationale

2016

2017

2017

Nombre de procès-verbaux

163

166

166

Nombre de sanctions administratives

850

850

840

Source : Rapport annuel de performances Travail et emploi 2018

L'indicateur a évolué en 2018. Il distingue, désormais, le nombre d'interventions par rapport à l'activité totale de l'inspection du travail et ensuite le nombre de sanctions administratives et/ou de procès-verbaux par rapport au nombre total d'interventions en matière de détachement. Un raisonnement semblable a été adopté pour la lutte contre le travail illégal (LTI).

Part des interventions de l'inspection du travail en matière de lutte contre le travail illégal (en pourcentage)

Prévision 2018

Prévision 2019

Cible 2020

Part des interventions PSI sur l'ensemble des interventions

5

5,5

6

Part des sanctions et/ou procès-verbaux sur l'ensemble des interventions PSI

1,5

2

2,5

Part des interventions de l'inspection du travail en matière de lutte contre les fraudes au détachement (en pourcentage)

Prévision 2018

Prévision 2019

Cible 2020

Part des interventions PSI sur l'ensemble des interventions

3

4

5

Part des sanctions et/ou procès-verbaux sur l'ensemble des interventions PSI

1

1,5

2

Source : Projet annuel de performances 2018 Travail et emploi

Reste que ces indicateurs n'ont finalement pas été renseignés dans le rapport annuel de performances 2018.

Recommandation n ° 12 : Supprimer les indicateurs de performances dès lors qu'ils ne sont pas renseignés et utiliser les objectifs fixés annuellement comme indicateurs de performances.

Au-delà des indicateurs, l'amélioration constatée du nombre d'interventions - + 38 % entre 2015 et 2018 - ou du nombre de suites aux interventions - + 44 % entre 2015 et 2018 - ne saurait constituer une réponse totalement satisfaisante aux interrogations sur l'impact de la nouvelle organisation de l'inspection du travail sur son action. La direction générale du travail relève elle-même que cette progression est pour partie liée à une meilleure appropriation des outils informatiques par les agents de contrôle. Vos rapporteurs spéciaux relèvent qu'il existe encore un mouvement de refus de saisie au sein du logiciel Wiki'T, soutenu par plusieurs organisations syndicales.

L'augmentation statistique ne saurait occulter un écueil qualitatif : censée favoriser le travail en équipe autour d'objectifs déterminés au niveau national et décliné à l'échelon local, la réforme « Ministère fort » n'a, semble-t-il, pas débouché sur l'élaboration d'une méthode en la matière. La DGT n'a exigé la mise en place de plans d'actions locaux chiffrés que depuis 2017. Cette démarche tardive peine à trouver ses marques dans un système d'inspection du travail où la pratique du contrôle, relève, d'après plusieurs observateurs, davantage de la réaction que de l'anticipation.

Recommandation n° 13 : Mettre en place une véritable méthode de travail au plan local pour atteindre les objectifs fixés, en veillant à ce que l'activité de contrôle repose davantage sur l'anticipation que sur la réaction.

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent, en outre, sur l'effet cumulatif des réformes sur l'activité de contrôle : la réorganisation des services, les redécoupages territoriaux, les vacances de poste et l'immobilisation d'une partie des effectifs dans le cadre du plan de transformation d'emploi des contrôleurs ne sont pas sans conséquences sur l'action de l'inspection du travail, dans un contexte marqué par des révisions régulières du code du travail.

2. La mise en place de nouveaux instruments de pilotage

La mise en place en 2017, par le département du pilotage du système d'inspection du travail de la DGT, d'un tableau de bord trimestriel doit permettre de suivre sur un plan strictement quantitatif l'action des services en termes d'interventions ou d'action sur les priorités nationales. Cette démarche vient directement répondre aux réserves exprimées par la Cour des comptes sur une insuffisante prise en compte des objectifs nationaux faute d'approche stratégique, notamment au niveau local.

Les DIRECCTE ont également dû se doter d'outils de programmation et de pilotage afin d'assurer tout à la fois un niveau d'activité cohérent sur l'ensemble de leurs territoires et d'analyser, le cas échéant, les écarts observés. Ceux-ci peuvent, en effet, révéler des formes émergentes de fraude ou, à l'inverse, une difficulté dans l'application de la norme. La DGT organise également des audioconférences bimestrielles de pilotage avec les DIRECCTE. Ces rendez-vous permettent un suivi de l'activité, la mise en place d'un échange de bonnes pratiques et la mise en lumière des difficultés constatées.

La direction générale du travail a également indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'une démarche d'évaluation et de valorisation des effets de l'action du système de l'inspection du travail était actuellement en cours. Ce faisant, la DGT souhaite interroger et adapter les pratiques et moyens d'action des services pour atteindre les objectifs poursuivis. Un Guide pour l'intégration de l'évaluation dans la conduite des actions collectives est ainsi paru en décembre 2018. Il s'appuie, notamment, sur l'expérience de l'unité départementale du Finistère qui a élaboré des grilles de contrôle harmonisées dans le cadre de ses travaux sur la prévention des risques liés à l'amiante.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent, en outre, que l'exploitation statistique des interventions ne doit pas se faire au détriment d'un travail de prévention, forcément moins visible. L'inspection du travail ne doit pas s'éloigner de sa triple mission d'écoute, de conseil et d'accompagnement que ne peuvent qu'imparfaitement refléter les indicateurs de performance. Cette ambition doit notamment guider l'action de l'inspection du travail à l'égard des TPE. Interrogée par vos rapporteurs spéciaux, l'Union des entreprises de proximité (U2P) insiste ainsi sur le nécessaire appui de l'inspection du travail pour aider ses adhérents à mieux s'adapter aux règles en matière de santé et de sécurité au travail. Le MEDEF a également insisté auprès de vos rapporteurs spéciaux sur la mission de conseil que pouvait accomplir l'inspection du travail auprès des entreprises sur les évolutions récentes en matière de droit du travail.

Recommandation n° 7 : Valoriser l'activité de conseil de l'inspection du travail auprès des entreprises.

Interventions dans les domaines prioritaires 2016-2018

2016

2017

2018

Travail illégal

16 873

19 973

33 600

Détachement

14 873

11 579

20 322

Chutes de hauteur

12 702

16 965

26 652

Amiante

7 837

8 643

11 500

Égalité professionnelle

1 604

1 773

4 491

TPE/PME

2 325

3 857

9 433

Transport routier

-

1 787

3 008

Total

56 214

64 577

109 006

Total interventions inspection du travail

252 131

260 522

272 730

% des interventions dans les domaines prioritaires

22,30 %

24,79 %

39,97 %

Source : direction générale du travail

D. LA QUESTION DE L'OUTIL INFORMATIQUE

La Cour des comptes relevait dans son rapport, l'utilisation insuffisante du logiciel Cap Sitere, mis en place en 2005, censé permettre la saisie des activités d'inspection, en raison, notamment, des appels des syndicats à ne pas le renseigner. Le dispositif a été fondu en 2015 dans un nouveau logiciel, Wiki'T, mis en service en octobre 2015 mais qui n'a atteint sa vitesse de croisière qu'en 2017 selon la direction générale du travail. En témoignent les chiffres de saisie des interventions : 260 476 en 2017 contre 202 818 en 2015 dans l'ancien système d'information.

1. Un problème d'ergonomie

Wiki'T est envisagé comme un système d'information orienté vers le partage interne. Il est destiné à faciliter les échanges entre les agents de contrôle et l'ensemble du système d'inspection. Il permet, en principe, la rédaction des suites aux interventions - lettres d'observations, PV, décisions ou autres. Il s'agit d'un outil d'aide au contrôle et au diagnostic qui doit concourir, dans le même temps, à la valorisation de l'activité. Il permet, notamment, une automatisation de la remontée d'informations nécessaires au pilotage et à la rédaction des rapports d'activité. Il est accessible à environ 4 500 utilisateurs en lien avec le système d'inspection du travail.

Le logiciel a été amélioré depuis son déploiement, afin d'intégrer de nouvelles fonctionnalités, facilitant notamment le suivi pénal et celui des amendes ou permettant la transmission de documents ou le signalement.

Reste que cet outil semble encore insuffisamment utilisé. Au-delà des réserves sur un logiciel permettant de surveiller l'activité des agents, l'outil est considéré comme complexe et peu intuitif par une large partie des agents de contrôle. L'intégration de ce nouvel outil dans le geste professionnel ne semble pas avoir été anticipée par l'autorité centrale. Son déploiement n'aurait pas été accompagné d'une formation adaptée. En dépit d'une amélioration de l'outil en 2017, il persiste ainsi une sous-utilisation estimée à 40 %.

Au regard de ces éléments, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'efficacité de la dépense publique. La mise en place du logiciel avait déjà été marquée par d'importants retards, comme le souligne le rapport annuel de performances 2016 de la mission « Travail et emploi » (programme 155). Le projet Wiki'T est ainsi passé d'une durée prévisionnelle de réalisation de 36 mois à 60 mois. Le projet avait été lancé en 2011.

Projet WIKI'T : évolution du coût et de la durée

Au lancement

Actualisation en 2016

Écarts en %

Coût total (en millions d'euros)

12,2

12,4

+ 1,6 %

Durée totale (en mois)

36

60

+ 66,7 %

Source : Rapport annuel de performances 2016 « Travail et emploi »

Un rapport remis au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du ministère du travail en septembre 2015, soit un mois avant la mise en service, fait état d'importants problèmes d'ergonomie 36 ( * ) . Les modes d'interaction y sont ainsi jugés chronophages, notamment lorsqu'il s'agit de traiter une demande de licenciement de salarié protégé ou saisir les suites à donner à une visite de contrôle. Le nombre d'étapes pour parvenir à la rédaction d'un courrier en cas de demande de licenciement d'un salarié protégé est également jugé trop important. Le lancement du logiciel débouche sur une multiplication de champs non pertinents affichés à l'écran et les champs obligatoires de renseignements peuvent s'avérer problématiques car ils ne semblent pas tous pertinents. L'interface internet reste également à améliorer. L'étude conclut à un risque patent de non-appropriation de l'application par ses utilisateurs, crainte qui tend à se confirmer dans la pratique.

De nouveaux développements de l'application devraient intervenir dans les prochains mois d'après la direction générale du travail, le dispositif devant être pleinement opérationnel à l'horizon 2022. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que ces évolutions permettent une utilisation plus aisée du logiciel afin que celui-ci éclaire au mieux la réalité de l'activité de l'inspection du travail.

Recommandation n° 14 : Accélérer la modernisation du logiciel Wiki'T afin de renforcer son ergonomie et de permettre son utilisation optimale.

2. Une utilisation inadaptée ?

Au-delà du système informatique en tant que tel, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur son utilisation. Au refus manifesté par certains agents de contrôle d'y avoir recours semblent s'ajouter des pratiques de saisie tendant à majorer le nombre d'interventions. Les objectifs concernant le travail illégal ont ainsi été atteints à 218 % à fin juin 2019...

Un avis rendu par le CNIT le 17 avril 2019 met ainsi en avant des indications données par la DIRECCTE Bourgogne-Franche-Comté à un inspecteur du travail de saisir comme intervention deux jours d'audience au tribunal 37 ( * ) . Le CNIT juge que cette pratique est de nature à augmenter artificiellement les statistiques des visites d'inspections.

L e CNIT s'interroge plus largement, dans le même avis, sur une instruction DGT du 17 décembre 2018 qui prévoit que lorsqu'un contrôle effectué dans le cadre d'une action collective et ciblée n'a pas donné lieu à un constat de défaillance, cette intervention doit être notée dans le logiciel. L'instruction inclut les contrôles ciblés sur la prestation de service internationale où l'absence de constat de défaillance est liée à l'absence de travailleurs détachés au moment de l'intervention. Le CNIT juge qu'une telle pratique conduit à intégrer, dans le rapport de l'autorité centrale au BIT, un certain nombre de visites d'inspection sans réel acte de contrôle. Elle conduit donc à gonfler artificiellement les statistiques des visites d'inspection remontées, par la suite, au Bureau international du travail. Pour l'heure, le ministère du travail a indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'il ne souhaitait pas modifier la circulaire, estimant notamment que les contrôles effectués en l'absence de travailleurs détachés pouvaient mettre en lumière d'autres infractions.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent pourtant que soit clarifiée la méthodologie utilisée pour utiliser le logiciel Wiki'T et s'assurer qu'il reflète le plus fidèlement possible la réalité de l'activité de contrôle . L'absence d'une telle méthodologie fragilise tout à la fois la qualité des données transmises à l'Organisation internationale du travail mais aussi les indicateurs contenus dans les rapports transmis au Parlement.

Recommandation n° 15 : Mettre en place un véritable mode d'emploi du logiciel Wiki'T afin de tenir compte de la réalité de l'activité de contrôle et revoir l'instruction de la direction générale du travail du 17 décembre 2018 à ce sujet.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 septembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux, sur l'inspection du travail.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Monsieur le président, Monsieur le rapporteur général, Chers collègues, notre contrôle porte sur l'inspection du travail. Nous avons fait l'effort de présenter ce contrôle à deux voix, avec Sophie Taillé-Polian, mais avec des propositions communes, ce qui a impliqué la recherche d'un consensus.

L'inspection du travail a été créée à la fin du XIX ème siècle. Elle connaît depuis plus de dix ans une série de réformes qui ont affecté tour à tour son champ d'intervention, ses moyens de sanction, ses structures et son recrutement. La dernière en date, lancée en juin 2019 par le gouvernement actuel, vise désormais son organisation territoriale.

Ces réformes interviennent dans un contexte marqué par l'émergence de nouvelles formes d'activité, à l'image du travail détaché, du développement de l'auto-entreprenariat ou de l'apparition des travailleurs de plateforme. Elles s'inscrivent également dans le cadre d'une révision régulière du code du travail.

Je rappellerai, tout d'abord, quelques généralités.

Rattachée au ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, l'inspection du travail est assurée par 3 535 agents dont 2 347 agents de contrôle proprement dits : inspecteurs et contrôleurs du travail. Le service de l'inspection du travail représente donc 35 % des effectifs de la mission « Travail et emploi », dont les dépenses de personnel s'élevaient à 611,1 millions d'euros en 2018.

Créée par décret en 2006, la direction générale du travail (DGT) constitue « l'autorité centrale » du système d'inspection du travail.

La compétence de l'inspection du travail s'étend à l'ensemble des entreprises du secteur privé. Elle inspecte également les anciens établissements publics, régies ou sociétés nationales (Pôle emploi, La Poste, SNCF, RFF, RATP). L'inspection du travail couvre, dans ces conditions, l'activité de 18,65 millions de salariés, dont 73 % relèvent du secteur tertiaire.

Les pouvoirs de l'inspection ont été renforcés ces dernières années, avec l'introduction de sanctions administratives financières dans certains domaines et l'extension des arrêts de travaux sur certains risques graves. Le panel de sanction est, de fait, assez large, de la simple lettre d'observation adressée à une entreprise à la suspension du contrat de travail, la saisine du juge ou l'amende. Le montant total des amendes dressées hors secteur du BTP s'est élevé à 4,6 millions d'euros en 2018.

279 600 interventions ont été menées en 2018, 216 420 suites étant données à celles-ci.

Le mode de fonctionnement de l'inspection du travail est encadré par l'Organisation internationale du travail. La France est en effet partie à la convention n° 81 de l'OIT, ratifiée en 1950. Elle est tenue de respecter, dans ces conditions, plusieurs principes : les agents de contrôle doivent bénéficier d'un certain nombre de garanties, en matière de stabilité d'emploi et d'indépendance et leur nombre doit être suffisant pour permettre l'exercice efficace des missions.

Parallèlement, le Conseil national de l'inspection du Travail (CNIT), créé par décret en 2007, a pour rôle de veiller à ce que les missions des agents de contrôle soient exercées dans les conditions définies par les conventions de l'Organisation internationale du travail.

Abordons maintenant les réformes engagées depuis 2006.

Un premier plan de modernisation de l'inspection du travail (PMDIT) a été déployé entre 2006 et 2010. Il a abouti notamment à la création de la direction générale du travail et la mise en place de sections regroupant plusieurs inspecteurs du travail (« sections renforts »). Il a été complété en 2009 par la création des DIRECCTE et la mise en place des pôles « travail ».

Engagée en 2012, la réforme « Ministère fort » a, quant à elle, débouché sur une nouvelle organisation territoriale du système d'inspection du travail. Elle est effective depuis janvier 2015 sur l'ensemble du territoire.

La réforme permet la mise en place d'unités de contrôle (UC) (226 en 2018), regroupant 8 à 12 agents de contrôle sur un territoire donné, placés sous l'autorité d'un responsable d'unité de contrôle (RUC). Chaque agent de contrôle est, au sein des UC, affecté à une section, qui correspond à une portion de territoire ou à un secteur (agriculture ou transports). Les UC sont rattachées au pôle travail (pôle T) de la DIRECCTE. Les UC sont coordonnées au niveau départemental au sein des unités départementales des DIRECCTE, au nombre de 101.

Les UC peuvent disposer d'une compétence infra-départementale (53 départements métropolitains disposent de plusieurs UC), départementale (44 départements disposent d'une seule UC) ou interdépartementale (par exemple l'UC des aéroports de Roissy et Orly et l'UC interdépartementale « couloir de la chimie » qui couvre les départements de l'Isère et du Rhône).

Les unités de contrôle peuvent également être de dimension régionale ou interrégionale. Il existe ainsi 18 unités régionales d'appui et de contrôle, principalement dédiées à la lutte contre le travail illégal (URACTI) et des réseaux régionaux sur les risques particuliers (BTP et amiante en Nouvelle Aquitaine, les transports en Bourgogne-Franche-Comté, le projet « Grands chantiers » en Ile de France).

La dernière réforme est en cours. La circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 prévoit que les services départementaux de la DIRECCTE soient placés sous l'autorité directe du préfet de département, en étant intégrés dans de nouvelles structures relevant des directions départementales de l'intérieur. Les services économiques seraient ainsi rassemblés avec les services dédiés à l'inclusion sociale afin d'éviter les effets de cloisonnement et de renforcer la complémentarité des actions menées à l'échelle du département.

La question de l'incidence de la disparition des unités départementales des DIRECCTE sur les unités de contrôle départementales ou infra-départementales de l'inspection du travail qui leur étaient rattachées se pose donc. La circulaire prévoit que la ligne hiérarchique actuelle soit néanmoins respectée en ce qui concerne l'inspection du travail, sans plus de précision. Aux termes de la convention n° 81 de l'OIT, les inspecteurs du travail bénéficient d'une indépendance statutaire. Ils ne peuvent, en principe, être placés sous l'autorité des préfets dans le cadre de l'exercice de leur mission de contrôle.

À cette réforme de l'organisation, s'est ajoutée une réforme en profondeur des emplois. Les inspections du travail dédiées au secteur agricole, au travail maritime et aux transports ont fusionné en 2008 avec l'inspection du travail proprement dite.

La réforme « Ministère fort » s'est, quant à elle, principalement traduite par la suppression progressive du corps des contrôleurs du travail et par leur fusion avec celle des inspecteurs du travail. Les contrôleurs et inspecteurs exerçaient dans les faits les mêmes tâches mais à une échelle différente : les inspecteurs contrôlant les entreprises de plus de 50 salariés, les contrôleurs intervenant en dessous de ce seuil. La fusion des corps de contrôleurs et d'inspecteurs est opérée par le biais d'une requalification des contrôleurs, invités à passer un concours interne.

Le ministère du travail avait indiqué que cette réforme n'aurait pas pour effet de réduire les effectifs de contrôle de l'inspection du travail. Les données de la direction générale du travail tendent à relativiser cette analyse : on constate en effet une diminution de près de 5 % du nombre d'agents de contrôle entre 2016 et 2018, qui passe de 2 459 à 2 347. Cette baisse reste très relative puisque les effectifs augmentent par rapport à 2013 avec 2 224 agents de contrôle et à 2012 avec 2 211 agents de contrôle. Elle a néanmoins pour conséquence un relèvement du nombre de salariés par agent de contrôle. Celui-ci atteignait 9 070 salariés par agent de contrôle en 2017. Le ministère du travail fixe désormais un objectif de 10 000 salariés par agent de contrôle à l'horizon 2022.

Ce taux placerait la France au-delà de la moyenne constatée en Europe. L'OIT ne fixe pas, cependant, de norme en la matière. Insistons d'ailleurs sur un point : il n'existe pas aujourd'hui de réclamation ou de plainte à l'OIT concernant l'inspection du travail française. L'OIT n'a, par ailleurs, jamais relevé, à ce jour, de « non-conformité » à la convention. À l'inverse, l'inspection du travail française constitue, même aux yeux de l'OIT, une référence pour le modèle d'inspection du travail dite « généraliste ».

Je n'ai pour ma part pas d'inquiétude sur la baisse du nombre d'agents de contrôle. Ce d'autant plus que l'ensemble de ces réformes vise à permettre à l'inspection du travail d'être plus efficace et de répondre à de nouveaux enjeux en matière de protection des salariés. Il s'agit ainsi de mieux répondre à l'évolution même de l'organisation des entreprises. L'éloignement du centre de décision du lieu où s'effectue la prestation de travail induit une nouvelle approche de l'action de l'inspection du travail, qui doit désormais mieux fonctionner en réseau et faciliter la coordination des sections.

Des priorités sont, par ailleurs, assignées à l'inspection du travail. Elles sont au nombre de quatre en 2019 : la lutte contre la fraude au détachement de travailleurs, le combat contre le travail illégal, l'action en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et la promotion de la sécurité et de la santé au travail.

C'est dans ce contexte que notre rapport formule une série de recommandations s'articulant autour de trois axes : adapter l'organisation de l'inspection du travail, afin, notamment, de tenir compte des disparités régionales, développer une véritable gestion des ressources humaines et mettre en oeuvre une véritable méthode de travail afin de rendre efficientes ces réformes.

Mais je vais désormais laisser la parole à Sophie Taillé-Polian pour vous détailler nos observations.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Nous avons mené je crois un travail approfondi pour comprendre la réalité du travail des inspecteurs au regard des réformes de ces dernières années. Nos avis divergent sur l'orientation qui doit être prise en termes de nombre de postes. L'objectif assumé du ministère du travail est de les baisser mais je ne le partage pas, car je considère que la protection des salariés au regard des conditions de travail nécessite une présence de l'inspection du travail plus forte sur certains territoires.

Nous avons cependant développé seize recommandations communes autour de ces trois axes.

Le premier axe de travail concerne l'organisation de l'inspection du travail.

Sans remettre en cause le bien-fondé de la revalorisation des tâches opérée, nous sommes d'accord pour constater que la requalification des contrôleurs du travail en inspecteurs du travail a pu contribuer à une certaine désorganisation des services d'inspection durant les périodes de formation des futurs inspecteurs.

C'est particulièrement le cas dans les services de renseignements. Avant la réforme « Ministère fort », le service des renseignements était principalement assumé par des contrôleurs du travail, ayant bénéficié d'une formation initiale importante en droit du travail. La requalification a conduit à privilégier le recrutement de secrétaires administratifs (catégorie B de la fonction publique) pour assurer le service public de renseignement, sans pour autant qu'ils ne soient réellement formés. La fonction de filtre du service de renseignement n'est aujourd'hui plus aussi optimale et peut conduire à alourdir la charge des inspecteurs du travail. Rappelons que 842 000 demandes de renseignement en droit du travail ont été traitées en 2018, dont les deux tiers par téléphone.

Nous relevons par ailleurs, que le nombre de chargés de renseignements est en baisse constante depuis 2009. Or, l'expérience du service de renseignements doit abonder le projet de code du travail numérique porté par le ministère du travail en cernant les attentes des salariés et les questions récurrentes. Nous avons d'ailleurs, au cours de certaines auditions, pu remarquer qu'il arrivait, à certains endroits ou à certains moments, que le service de renseignements ne soit pas assuré. Nous souhaitons donc que soient renforcés les services de renseignements en développant la formation des agents qui y sont affectés.

Nous nous interrogeons également sur les vacances de poste constatées au sein de l'inspection du travail.

Il existe aujourd'hui 215 postes non pourvus au sein du corps de l'inspection du travail, dont 136 en section d'inspection. Le cas de la DIRECCTE Île-de-France est éloquent. La région dispose de 423 sections d'inspection. Pour occuper celles-ci, la DIRECCTE ne peut s'appuyer que sur 358 agents de contrôle, soit un taux d'occupation de moins de 85 %. Il convient de relever que sont comptabilisés parmi les 358 agents de contrôle, les inspecteurs du travail actuellement en formation. Compte-tenu des vacances de poste, la région Île-de-France dépasse largement l'objectif de 10 000 salariés par agent de contrôle défendu par le ministère. Elle atteint, en effet, 11 347 salariés par agent de contrôle. Dans ces conditions, nous souhaitons que soit repensée l'organisation territoriale de l'inspection du travail afin d'équilibrer la charge pesant sur les sections. L'objectif national de 10 000 salariés par agent de contrôle doit tenir compte des disparités territoriales et les lauréats du concours doivent être, en priorité, affectés dans les sections vacantes. D'ailleurs ces disparités peuvent recouvrer deux types de situations. Il y a la France des métropoles où il existe un tissu économique très dense et donc beaucoup de sièges sociaux, ce qui implique pour les inspecteurs du travail des tâches administratives supplémentaires. Mais aussi, les territoires ruraux, où l'on constate parfois que des sections entières sont vacantes.

S'agissant des missions de l'inspection du travail, nous souhaitons que l'accent mis sur les priorités nationales soit accompagné de moyens tant matériels que juridiques. La Cour des comptes a relevé en février dernier que les corps de contrôle ne disposaient pas encore totalement des outils leur permettant de cibler leurs recherches et de partager les fichiers pertinents. Elle note, par ailleurs, que les sanctions prononcées au niveau pénal sont peu nombreuses et peu dissuasives.

Nous partageons ce constat. L'absence de suites juridiques fragilise clairement la qualité des contrôles, leur efficacité et donc l'implication des agents de contrôle. Par-delà, elle remet en cause les intentions des promoteurs des réformes entreprises depuis près de dix ans. Elle peut également éclairer le malaise social constaté au sein du service de l'inspection du travail. Un rapprochement du service de l'inspection du travail avec les parquets afin de garantir un suivi de son action nous paraît donc indispensable.

S'agissant des moyens, nous serons particulièrement vigilants quant à l'application de la circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale. Celle-ci ne saurait déboucher sur une mutualisation des moyens au sein des nouvelles unités départementales au détriment de l'action des inspecteurs du travail.

Le cas du parc automobile de l'inspection du travail est notamment crucial. Il ne saurait être mis en commun avec celui des autres services économiques et sociaux rassemblés sous l'autorité du préfet de département, sous peine de brider la capacité d'intervention des agents de contrôle. Le ministère du travail nous a assuré que des mesures seraient prises en ce sens et nous y serons attentifs. Il nous semblerait d'ailleurs opportun d'associer les agents de contrôle à la mise en place de cette nouvelle organisation territoriale

Dans un deuxième temps, nous avons souhaité insister sur la mise en place d'une véritable gestion des ressources humaines. La réforme « Ministère fort », en fusionnant les corps d'inspecteurs et de contrôleurs du travail n'a pas réglé, loin s'en faut, la question du déroulement des carrières. Rappelons que 2019 correspond à la dernière année du plan de requalification. Or, la question des contrôleurs ne souhaitant pas devenir inspecteur du travail ou ne réussissant pas l'examen est désormais posée. 400 contrôleurs seraient encore dans les effectifs en 2022 sur la base des départs prévisibles. Une négociation sur l'avenir des contrôleurs a été engagée par la direction des ressources humaines sans qu'aucune des pistes envisagées qu'il s'agisse de la promotion du reliquat, de la poursuite du plan de transformation de l'emploi ou de l'évolution vers la carrière administrative n'aboutisse réellement.

Il existe un risque de susciter une forme de démotivation chez les agents concernés et, par conséquent, un affaiblissement de l'activité de contrôle. Nous souhaitons donc que soient rapidement trouvées des solutions pragmatiques pour maintenir l'implication des contrôleurs du travail au sein du service de l'inspection du travail et mettre en place un plan d'accompagnement de l'extinction de cette catégorie d'emploi.

Le plan de requalification n'a, par ailleurs, réglé en rien la question de la crise des vocations au sein de l'inspection du travail. La DGT nous a confirmé la baisse d'attractivité du concours d'inspecteur. Cette crise des vocations s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte marqué par l'extinction progressive du corps des contrôleurs du travail, qui représentaient jusqu'alors un vivier important de recrutement. 934 personnes étaient ainsi inscrites au concours externe 2019 d'inspecteur du travail pour 39 postes ouverts contre 2 129 en 2013 là encore pour 39 postes ouverts. Nous ne voudrions pas assister à un affaiblissement des qualifications des futurs inspecteurs, d'où l'importance de retravailler sur l'attractivité de ce métier. Nous notons, en outre, que 20 % environ des inspecteurs du travail sont affectés en dehors du pôle travail des DIRECCTE, essentiellement au sein du pôle Entreprises, Emploi et Économie (pôle 3E), sur des fonctions « emploi » et « formation professionnelle ». De son côté, l'IGAS avait relevé en 2016 la faiblesse des fonctions « ressources humaines » au sein des DIRECCTE, ce qui fragilise notamment la détection des potentiels.

Nous souhaitons que soit rapidement mise en place une véritable réponse à cette crise des vocations, en valorisant la carrière, en ouvrant son recrutement et en dotant l'Institut national du travail de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP), en charge de cette formation, de moyens suffisants pour la formation continue des agents.

Un audit interne est actuellement en cours, nous souhaitons qu'il débouche rapidement sur des solutions. La valorisation de la carrière ne doit pas, dans le même temps, occulter la nécessité de combler des postes, dans les départements ruraux notamment. Il apparaît indispensable que les lauréats du concours de l'inspection du travail soient affectés prioritairement dans les territoires où sont constatées des vacances de postes.

Enfin, nous avons été très marqués au cours de nos auditions par le climat de défiance entre le ministère du travail et l'inspection du travail. Il existe un malaise social évident, qui se retrouve dans le refus de certains inspecteurs et contrôleurs d'utiliser les outils informatiques pour renseigner leur activité, afin de protester contre des réformes menées, d'après eux, sans concertation.

Ces difficultés s'inscrivent de surcroît dans un contexte marqué par une série de suicides et tentatives de suicides qui ont affecté l'inspection du travail. Depuis 2017, cinq suicides et 10 tentatives sont à déplorer. Nous estimons que toute nouvelle réforme doit nécessairement être accompagnée d'un effort d'association des agents de contrôle de la part de la direction générale du travail afin de restaurer un dialogue social constructif. Il s'agit également de rassurer des agents de contrôle qui peuvent sembler pris dans des injonctions paradoxales entre la nécessaire atteinte des objectifs nationaux et la réduction constatée des effectifs. Nous avons relevé les grandes difficultés des inspecteurs du travail pour exercer leurs missions sur le territoire et dans les entreprises, parfois même d'ordre physique. Le ministère doit davantage les entendre.

Venons-en à notre troisième axe de réflexion. Les auditions que nous avons pu mener et la participation à une mission de contrôle ont enfin permis de mettre en lumière des problèmes de méthode, qui obèrent directement la pertinence des réformes menées.

Deux problèmes ont été soulignés lors de nos entretiens. Le premier concerne l'absence de méthodologie s'agissant de la mise en oeuvre de la réforme « Ministère fort », censée déboucher sur un renforcement des contrôles en équipe et la mise en place de plans d'actions au niveau local.

Plus problématique encore, la fixation d'objectifs chiffrés n'est pas sans susciter des interrogations. Celle-ci ne doit pas déboucher sur une vision quantitative de l'activité de l'inspection du travail. Nous avons ainsi pris connaissance d'une note de la direction générale du travail assimilant une visite d'inspection sans acte de contrôle à une intervention, quand bien même celle-ci ne débouche pas sur le constat d'une quelconque infraction.

Il ne faudrait pas, par ailleurs, que ces indicateurs empêchent les inspecteurs du travail d'exercer leur droit et leur devoir d'initiative.

La remontée de ces chiffres passe, en outre, par l'utilisation d'un logiciel, Wiki'T, qui peine à trouver sa vitesse de croisière. Un rapport remis au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du ministère du travail en septembre 2015, soit un mois avant sa mise en service, faisait déjà état d'importants problèmes d'ergonomie. Cet outil est considéré comme complexe et peu intuitif par une large partie des agents de contrôle.

Son déploiement n'aurait, par ailleurs, pas été accompagné d'une formation adaptée. En dépit d'une amélioration du logiciel en 2017, il persiste ainsi une sous-utilisation estimée à 40 %. De nouveaux développements de l'application devraient intervenir dans les prochains mois d'après la direction générale du travail, le dispositif devant être pleinement opérationnel à l'horizon 2022.

Au regard de ces éléments, nous nous interrogeons sur l'efficacité de la dépense publique. La mise en place du logiciel avait déjà été marquée par d'importants retards. Le projet est ainsi passé d'une durée prévisionnelle de réalisation de 36 mois à 60 mois pour un coût de 12,4 millions d'euros.

Nous souhaitons aujourd'hui que ces évolutions permettent une utilisation plus aisée du logiciel afin que celui-ci éclaire au mieux la réalité de l'activité de l'inspection du travail. Un véritable mode d'emploi du logiciel doit par ailleurs être proposé afin qu'il reflète le plus fidèlement possible la réalité de l'activité de contrôle.

Plus largement, nous nous interrogeons sur les changements réguliers d'indicateurs de performance concernant l'inspection du travail dans les documents budgétaires transmis au Parlement. Ces indicateurs ne sont d'ailleurs pas renseignés dans le rapport annuel de performances pour 2018. Dans ces conditions, nous préconisons leur suppression. Ils ne sont pas suffisants pour mesurer la performance de l'inspection du travail.

Nous rappelons ainsi que l'exploitation statistique des interventions ne doit pas se faire au détriment d'un travail de prévention, forcément moins visible. Il s'agit aussi de valoriser l'activité de conseil de l'inspection du travail auprès des entreprises.

Pour conclure, je rappellerai, comme l'a indiqué Emmanuel Capus, que l'OIT considère l'inspection du travail française comme un modèle à suivre et, j'ajoute, à conserver. Nos recommandations visent à permettre à ce corps de garder cette image tout en facilitant son adaptation aux nouveaux enjeux du droit du travail et de la protection des salariés

Je vous remercie.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vous parlez d'outils informatiques peu ergonomiques... Est-ce qu'un inspecteur du travail qui se rend sur un chantier, où les personnels sont assez mouvants, a les moyens de savoir si les salariés sont déclarés, par exemple via une application ? Parfois les outils paraissent désuets.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Ils ont des moyens de contrôle auprès des entreprises, et la possibilité de demander aux personnes sur place de décliner leur identité avec demande de documents à l'appui. Nous avons assisté à des contrôles de ce type, lorsque nous avons accompagné une équipe d'inspecteurs à l'occasion d'une mission de contrôle sur le site d'un festival de musique en région parisienne.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Mais un salarié n'aura pas forcément ces documents sur lui...

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Il y a pour cela la carte BTP... On a même vu une entreprise ayant donné à chacun de ses salariés un bordereau attestant du caractère déclaré de leur travail.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cela paraît un peu désuet... Ma question portait sur le point de savoir si les inspecteurs ne disposaient pas d'une application informatique pour procéder à ces vérifications. En France, nous sommes souvent très en retard sur ces sujets.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Non les inspecteurs du travail n'ont pas les moyens de vérifier l'authenticité de ces documents in situ.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Quoique les inspecteurs n'aient pas toujours les moyens de procéder aux vérifications nécessaires, on constate d'expérience qu'en face de l'autorité de la figure de l'inspecteur du travail, les personnes interrogées font preuve de bonne foi.

M. Éric Bocquet . - Concernant les travailleurs détachés, la législation a évolué. Il y a des avancées réelles, notamment sur la responsabilité des donneurs d'ordres. Les effectifs de l'inspection du travail sont certes revenus à leur niveau de 2012, mais dans le même temps on est passé de trois cent mille à cinq cent mille détachement déclarés, auxquels s'ajoutent tous ceux non déclarés. Ces avancées posent toutefois la question des moyens, notamment pour le contrôle des détachements de courte durée, la durée moyenne étant je crois de quarante-sept jours en France.

M. Philippe Dallier . - Ma question porte également sur les moyens. Dispose-t-on d'un tableau avec la répartition des agents par région ou par département ? Il semble qu'il y ait de fortes disparités territoriales. En outre, a-t-on des points de comparaisons européens en termes d'effectifs par rapport au seuil de 10 000 salariés par agent ?

Mme Sylvie Vermeillet . - J'aimerais savoir quelle est l'évolution de la charge de travail des inspecteurs. S'alourdit-t-elle ? Peut-on également caractériser la nature des demandes et des plaintes ? Ont-elles pour effet de transformer la nature du métier d'inspecteur du travail ?

M. Patrice Joly . - Merci pour cette présentation très intéressante. Dans la continuité de la précédente question, avez-vous connaissance de l'évolution du nombre des infractions, de leur nature, ainsi que de la part du travail illégal parmi celles-ci ? Peut-on par ailleurs constater un lien entre les effectifs sur un territoire donné et l'activité relevée ? Enfin, qu'en est-il de l'analyse des données ? Y a-t-il un travail des données numériques s'appuyant sur des process d'intelligence artificielle, ou bien des pistes de réflexion en ce sens ?

M. Marc Laménie . - Merci à nos deux collègues d'avoir abordé ce sujet, que l'on connaît mal. J'aurais quelques interrogations sur le domaine d'intervention des inspecteurs du travail. Interviennent-ils dans nos trois fonctions publiques ?

Avec certains collègues, notamment Alain Milon, nous avons pu travailler il y a quelques années sur la question du mal-être au travail. Ce sujet semble déterminant pour expliquer la perte d'attractivité du métier d'inspecteurs du travail, leurs missions étant difficiles à tout point de vue.

M. Jean-Claude Requier . - Merci pour ce très bon rapport, nous connaissons en effet mal l'inspection du travail. Nous faisons face à des visions très positives ou à l'inverse, très négatives sur celle-ci, la vérité se trouvant sans doute entre les deux. C'est vrai que la mission des inspecteurs est très difficile.

La transformation des postes de contrôleurs en postes d'inspecteurs avait été initiée par Michel Sapin, et reprise par François Rebsamen. Comment expliquez-vous la transformation du poste de contrôleur en inspecteur ? Cela vise-t-il à améliorer les carrières internes ?

M. Michel Canévet . - Je félicite les rapporteurs spéciaux pour leur travail. Les chefs d'entreprises ont en effet une appréhension controversée du travail des inspecteurs du travail. Ils appellent à un meilleur contrôle du travail détaché mais ont parfois le sentiment d'être « harcelés » par les inspecteurs.

Je suis intéressé également par la question de la répartition territoriale. Certaines régions sont-elles particulièrement en tension ? En outre, quels sont les principaux secteurs faisant l'objet d'observations particulières, hormis le BTP ?

Les inspecteurs du travail ont-ils accès à la base des déclarations sociales nominatives ? Il semble en effet difficile de travailler sans être doté d'un minimum d'outil d'aide à la décision. On ne voit pas pourquoi le ministère du travail serait en retard sur ce sujet...

M. Thierry Carcenac . - Merci pour ce rapport. Dans un autre secteur, celui des contrôles fiscaux, nous avons constaté de fortes disparités territoriales quant aux moyens consacrés. La difficulté est donc de parvenir à une meilleure répartition.

J'aimerais aborder deux autres sujets.

D'abord, quelles sont les relations de coordination de l'inspection du travail avec l'administration des douanes ou avec la DGCCRF ?

Ensuite, vous avez évoqué la circulaire de juin 2019 sur la restructuration de l'organisation au niveau départemental. Quelle seront les incidences de cette évolution pour ce qui concerne l'indépendance vis-à-vis du préfet ? Cela n'aura-t-il pas en outre pour effet de supprimer des agents ?

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Sur la question de Philippe Dallier, nous avons un tableau de répartition par région en page 20 de notre rapport. Une zone comme celle de Paris, qui compte de nombreux sièges sociaux et donc de nombreux salariés, est par exemple en déficit d'inspecteurs du travail. Dans certains territoires ruraux, la difficulté consiste à trouver suffisamment d'inspecteurs acceptant d'y travailler.

Concernant les moyens européens, les informations figurent à la page 32 de notre rapport. En dépassant les 10 000 salariés, nous serions au-dessus de la moyenne européenne. Des pays comme la Bulgarie, la Finlande, le Luxembourg, la Pologne, la Roumanie comptent entre 7 000 et 8 000 salariés par inspecteur. La France est jusqu'à maintenant au niveau de l'Espagne, de la Grèce et de la Slovénie, entre 8 500 et 9 500, tandis que le Portugal et la Belgique atteignent 11 900 à 19 000 salariés par inspecteur.

Cela répond aussi à la question de Michel Canévet.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Pour compléter, il faut, au-delà des indicateurs, se montrer attentif à la réalité des territoires. La présence de nombreux sièges sociaux en Île-de-France, impliquant des tâches d'autorité administratives s'avérant particulièrement chronophages. Se pose également la question, dans les territoires ruraux, du nombre de kilomètres que les inspecteurs doivent parcourir pour effectuer leur travail. Ainsi, si ratio il doit y avoir, celui-ci ne saurait constituer une ligne de conduite ferme.

En tout état de cause, on assiste en France à une diminution de ce ratio, alors même que le droit du travail se complexifie, que les questions de santé au travail et de prévention sont de plus en plus prégnantes, et que l'inspection du travail se voit confier de nouvelles missions, concernant par exemple l'égalité femmes-hommes.

Les comparaisons européennes sont en outre délicates dans la mesure où le périmètre des missions peut différer d'un pays à l'autre. Les inspecteurs du travail français se voient confier un nombre relativement important de missions.

J'enchaîne sur la question du nombre d'infractions constatées. À cause de ce logiciel qui n'est techniquement pas à la hauteur et est en outre souvent mal renseigné, nous avons du mal à obtenir des statistiques fiables et donc à suivre l'évolution du nombre des infractions. La nature des problèmes, depuis plusieurs années, est la même, la problématique spécifique du travail détaché mise à part.

S'agissant des objectifs du ministère, vous trouverez des éléments chiffrés page 25 de notre rapport. Se pose cependant la question de la capacité à répondre aux injonctions du ministère sur ces priorités.

En ce qui concerne la circulaire du 12 juin 2019, les inspecteurs du travail ne relèvent que de l'autorité du ministère du travail au niveau national et non des préfets ou de pouvoirs locaux, ce qui pourrait en théorie induire des biais dans la conduite de leur travail et affecter leur indépendance.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Pour compléter sur la répartition territoriale des types d'infractions, il existe des indicateurs mais ceux-ci sont mal renseignés. On observe au sein l'inspection du travail une forme de culture « anti-hiérarchie » : le fait pour les inspecteurs de devoir remplir des indicateurs est parfois vécu comme une perte d'indépendance. Nous disposons tout de même de données. Celles-ci indiquent que le nombre de procès-verbaux ont concerné le travail détaché s'est élevé à 163 en 2016 et à 166 en 2017 et en 2018, soit une certaine stabilité sur les dernières années.

Sur l'évolution des tâches menées par les inspecteurs, une bonne partie, estimée entre 35 % et 50 % varie selon les priorités du moment. Aujourd'hui, les priorités sont la lutte contre les inégalités hommes-femmes, la lutte contre le travail détaché et le travail illégal et la promotion de la santé et de la sécurité au travail, notamment concernant les risques de chutes en hauteur.

Je partage le constat selon lequel la profession d'inspecteur du travail est difficile. Dans le cadre du contrôle mené dans le secteur de l'évènementiel auquel nous avons pu assister, nous avons pu constater que les salariés, par ailleurs soumis à une pression énorme, recevaient très mal les inspecteurs du travail. Ce climat peut contribuer à expliquer les suicides à déplorer parmi les inspecteurs du travail.

Malgré ces difficultés, on peut néanmoins saluer un vrai professionnalisme des inspecteurs du travail. Leurs profils sont en outre extrêmement variés : nous avons par exemple rencontré, lors de cette mission de contrôle, un ancien sous-marinier, un ancien délégué syndical...

Le corps des contrôleurs a été supprimé car ces derniers sont venus à accomplir quasiment les mêmes missions que les inspecteurs selon la taille des entreprises contrôlées, ce qui constituait une spécificité française. Cette réforme a eu un coût puisque les contrôleurs étaient des fonctionnaires de catégorie B tandis que les inspecteurs sont des agents de catégorie A. L'inconvénient de cette mesure réside dans le fait que les contrôleurs remplissaient la tâche de renseignement juridique auprès des entreprises ou des salariés. Aujourd'hui, cette tâche incombe aux secrétaires administratifs, qui ne sont pas spécialistes du droit du travail, ce qui pose d'autant plus problème que celui-ci s'est complexifié ces dernières années.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Concernant la coordination, nous avons appris qu'un travail conjoint était par exemple mené avec l'administration des douanes sur les aéroports.

Je voudrais ajouter que la conclusion de la Cour des comptes était effectivement qu'une meilleure interconnexion entre les bases de données était nécessaire.

Sur la suppression des contrôleurs du travail, j'ajoute que celle-ci visait également à créer des collectifs de travail pour insuffler un esprit d'équipe au sein des services de l'inspection du travail. Cela est louable, mais entraîne des risques de déstabilisation si cela provoque des suppressions de postes et une hausse de la quantité de travail des agents.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - S'agissant de la circulaire du 12 juin 2019, on nous a expliqué que la ligne hiérarchique actuelle ne changerait pas. L'inspection du travail conserverait ainsi son indépendance vis-à-vis du préfet.

M. Marc Laménie . - Et sur le champ d'action de l'inspection du travail ? Nos fonctions publiques sont-elles concernées ?

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Oui, mais s'agissant des trois fonctions publiques, l'inspection du travail est uniquement compétente concernant les conditions de travail.

La commission a autorisé la publication de la communication de M. Emmanuel Capus et de Mme Sophie Taillé-Polian sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Cabinet de Mme la ministre du travail

- M. Antoine FOUCHER, directeur de cabinet ;

- Mme Fanny FOREST, conseillère parlementaire.

Direction générale du travail

- M. Laurent VILBOEUF, directeur général adjoint ;

- Mme Stéphanie COURS, cheffe de bureau ;

- M. Philippe SOLD, sous-directeur.

Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE)

- Mme Corinne CHERUBINI, directrice.

Conseil national de l'inspection du Travail

- M. Pierre BAILLY, président.

Organisation internationale du travail

- M. Cyril COSME, directeur du bureau de l'OIT pour la France.

Représentants des organisations syndicales

- Mme Céline VERZELETTI et M. Julien BOELDIEU - Confédération générale du travail (CGT) ;

- M. Michel BEUGEAS, Force ouvrière (FO) ;

- Mme Alice PILATOWSKI - Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ;

Représentants des organisations professionnelles de l'inspection du travail

- Mme Pamela TOMCZAK et M. Ian DUFOUR, CGT-TEFP ;

- Mme Fanny LELIMOUZIN et M. Xavier BLOT, SUD - Travail Affaires sociales ;

- M. Niklas VASSEUX, SYNTEF-CFDT ;

- M. Pascal CHARLIER, UNSA-ITEFA.

Unité de contrôle Paris 16

- M. Niklas VASSEUX, responsable d'unité de contrôle ;

- Mme Pascale BLANCHET, inspectrice du travail ;

- Mme Mina QUENUM-SANFO, inspectrice du travail ;

- M. Mathias GAUDEL, inspecteur du travail ;

- M. Michel POMMIER, inspecteur du travail.


* 1 2,3 % d'entre eux sont situés outre-mer.

* 2 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 3 Proposition de loi n° 1848 relative aux pouvoirs de l'inspection du travail, déposée par MM. Bruno Le Roux et Denys Robillard et plusieurs de leurs collègues, 27 mars 2014.

* 4 Article 18 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pur un État au service d'une société de confiance (ESSOC).

* 5 Articles 21 et 22.

* 6 Article 32.

* 7 Article 19.

* 8 Décret n°2006-1033 du 22 août 2006 relatif à la création de la direction générale du travail au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

* 9 Décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

* 10 Décret n° 2014-359 du 20 mars 2014 relatif à l'organisation du système d'inspection du travail.

* 11 Article R. 8122-5 du code du travail.

* 12 Article R. 8122-6 du code du travail.

* 13 Article 33 du décret n°2004*374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs de préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les départements et les régions.

* 14 Cour des comptes, rapport public annuel 2016 : L'inspection du travail : une modernisation nécessaire.

* 15 Avis n°11-0001

* 16 Avis n°13-0001

* 17 Avis n°14-0003

* 18 Avis n° 10-0001

* 19 Avis n° 13-0002

* 20 Avis n°13-0003

* 21 Avis n°14-0005

* 22 Observation (CEACR) - adopted 2008, published 98th ILC session (2009).

* 23 Observation (CEACR) - adopted 2010, published 100th ILC session (2011).

* 24 Avis 13-0004

* 25 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 26 Article 2 de la loi (article L. 124-1 du code des relations entre le public et l'adminsitration).

* 27 800 départs en retraite de contrôleurs du travail sont prévus entre 2013 et 2020.

* 28 Direct Request (CEACR) - adopted 2015, published 105th ILC session (2016)

* 29 Le troisième concours de l'inspection du travail a été ouvert en 2010.

* 30 Recrutement, formation et parcours professionnels des membres du corps de l'inspection du travail, rapport établi par M. Christian Ville et Charlotte Carson, Inspection générale des affaires sociales, juillet 2016 (2016-032R).

* 31 Résultats de la commission administrative paritaire à l'égard du corps de l'inspection du travail

* 32 Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 01/02/2017, 387641

* 33 Avis n° 13-0002

* 34 Cour des comptes, la lutte contre la fraude au travail détaché : un cadre juridique renforcé, des lacunes dans les sanctions, février 2019.

* 35 Avis n° 13-0002

* 36 Eretra, Analyse ergonomique de l'outil Wiki'T - Etude pour le CHSCT et l'administration du ministère du travail, 1 er septembre 2015.

* 37 Avis n° 18-0001

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