C. UN BILAN ANNUEL EFFICACE ET COMPLÉMENTAIRE AUX AUTRES MODES DE CONTRÔLE DU GOUVERNEMENT PAR LE SÉNAT

1. Les limites d'un suivi exclusivement quantitatif de l'application des textes de lois

Le mode de calcul utilisé par le Sénat permet d'obtenir une vision globale de l'application des lois. Toutefois, l'analyse statistique ne peut constituer l'exclusivité de ce contrôle : une approche uniquement comptable présenterait des inconvénients qu'il convient de prendre en compte.

Tout d'abord, le taux global d'application comporte un biais statistique . En effet, il ne prend en compte que le nombre de décrets et non leur importance respective. Comme l'indique M. Philippe Bas, président de la commission des lois, « il convient de relativiser les données chiffrées, car les mesures d'application des lois ne sont ni toutes aussi urgentes ni toutes aussi aisées à prendre les unes que les autres » 1 ( * ) .

Dans le contexte actuel d'inflation législative, une diminution du taux d'application des lois peut découler d'une augmentation du nombre de mesures à prendre. Depuis le début de la XVe législature, près de 1600 mesures d'application étaient attendues, dont 918 pour la seule session 2018-2019 . Au 31 mars 2019, 461 mesures avaient été publiées pour les lois votées au cours de la précédente session. Au 31 mars 2020, 662 mesures avaient été prises , soit une augmentation que ne reflète pas le taux d'application global. Cet accroissement du nombre de mesures attendues est à relier à la longueur grandissante des textes législatifs. La commission des lois souligne ainsi que les 19 lois relevant de sa compétence comportaient au total 332 articles dans leur version définitive, contre 218 en début de navette.

Par ailleurs, il est essentiel de garder à l'esprit qu'y compris pour les lois non mises en application, c'est-à-dire dont aucune des mesures d'application n'a été publiée, la loi peut rester dans sa très grande majorité applicable, lorsqu'elle comporte un grand nombre d'articles d'application directe.

2. L'application des lois s'intègre dans le dispositif de contrôle plus large du Sénat

Pour pallier ces difficultés, il est nécessaire d'élargir le bilan comptable de l'application des lois à un bilan plus qualitatif. Par exemple, les commissions permanentes s'assurent que les mesures d'application respectent la volonté du législateur. Au-delà de l'examen statistique, ce bilan est aussi et surtout l'occasion d'analyser l'application des lois de manière qualitative.

Le bilan de l'application des lois s'inscrit par ailleurs dans le cadre plus large des travaux de contrôle du Sénat et rejoint les différents outils utilisés par les commissions et plus généralement par les sénateurs.

C'est par exemple le cas des questions parlementaires : les sénateurs peuvent revenir sur les motifs de l'inapplication au travers d'une question écrite ou orale, ou encore par une lettre au ministre concerné ou au Premier ministre. Ainsi, la mise en application de l ' article 17 de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, relatif à la compensation de la charge résultant pour les communes de l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire a fait l'objet de trois questions différentes, dont deux questions orales lors des séances hebdomadaires de questions au Gouvernement 2 ( * ) .

Par ailleurs, les différents rapports et avis budgétaires fournissent l'occasion de mener à bien un bilan détaillé de l'application des lois pour l'action publique considérée. Des groupes de travail et de suivi sectoriels sont créés régulièrement par les commissions pour suivre des thématiques spécifiques. Le rapport d'étape réalisé par le groupe de suivi de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous du 30 octobre 2018, est notamment revenu sur les difficultés soulevées par la publication des décrets d'application de cette loi 3 ( * ) .


* 1 Communication de la commission des lois du mercredi 29 avril 2020.

* 2 Voir notamment la question n°1141 G du 23 janvier 2020 de Stéphane Bouloux, sénateur de la Vienne, la question orale n°1104 S posée le 4 mars 2020 par Mme Christine Lavarde, sénateur des Hauts-de-Seine, ou encore la question n°13967 du 23 janvier 2020 de M. Hugues Saury, sénateur du Loiret.

* 3 Rapport d'information de MM. Daniel GREMILLET, Michel RAISON et Mme Anne-Catherine LOISIER, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 89 (2019-2020) - 30 octobre 2019.

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