Rapport d'information n° 573 (2019-2020) de Mmes Élisabeth LAMURE , Pascale GRUNY , M. Jacques LE NAY et plusieurs de leurs collègues, fait au nom de la délégation aux entreprises, déposé le 25 juin 2020

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N° 573 rect.

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) relatif aux rencontres
entre la
délégation aux entreprises et les entrepreneurs ,
intervenues au cours de l'
année parlementaire 2019 - 2020 ,

Par Mmes Élisabeth LAMURE, Pascale GRUNY et M. Jacques LE NAY,

Sénateurs

( 1) Cette délégation est composée de : Mme Élisabeth Lamure , présidente ; MM. Gilbert Bouchet, Olivier Cadic, Emmanuel Capus, Fabien Gay, Xavier Iacovelli, Joël Labbé, Mmes Patricia Morhet Richaud, Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine Fournier, Pascale Gruny, M. Jackie Pierre , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Mmes Martine Berthet, Annick Billon, M. Martial Bourquin, Mme Agnès Canayer, M. Michel Canevet, Mmes Anne Chain Larché, Laurence Cohen, M. René Danesi, Mme Jacky Deromedi, M. Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Michel Forissier, Jean Marc Gabouty, Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Daniel Laurent, Jacques Le Nay, Martin Lévrier, Mme Anne Catherine Loisier, MM. Sébastien Meurant, Claude Nougein, Philippe Paul, Rachid Temal, Jean Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Pendant la session parlementaire 2019-2020, la Délégation sénatoriale aux entreprises a poursuivi son recensement des obstacles au développement des entreprises et ses rencontres entre sénateurs et entreprises, répondant ainsi à la mission qui lui a été confiée lors de sa création par le Bureau du Sénat en 2014 : informer le Sénat sur la situation et les perspectives de développement des entreprises en vue d'encourager la croissance et l'emploi dans les territoires.

Faisant suite aux travaux de Pascale Gruny sur le retard de la France dans la numérisation des PME ( Accompagnement de la transition numérique des pme : comment la France peut-elle rattraper son retard ? , rapport d'information n° 635 (2018-2019), adopté le 4 juillet 2019), la Délégation aux entreprises a poursuivi ses réflexions sur ce sujet et y a associé le groupe Numérique du Sénat, présidé par Patrick Chaize. Nos auditions nous ont conduits à élaborer un rapport d'information intitulé Accès des PME à la fibre : non-assistance à concurrence en danger ? , rapport d'information n° 208 (2019-2020), adopté le 16 décembre 2019. Dans la lignée de ces travaux, nous avons déposé, en mai 2020, une proposition de loi pour une concurrence facilitant l'accès des clients professionnels à la fibre optique . En effet, afin de proposer aux entreprises un accès à la fibre et au très haut débit à un prix raisonnable sur l'ensemble du territoire, il convient de développer une concurrence effective et loyale sur le marché de gros des télécoms d'entreprise, ce que les acteurs publics, dont les régulateurs, n'ont pas pu ou su garantir à ce jour. L'enjeu est crucial : il s'agit de pallier le retard numérique des TPE et PME, que nous avons dénoncé dans les rapports précités.

Notre Délégation a adopté par ailleurs deux rapports d'information dont la crise sanitaire et économique n'a fait que renforcer la brûlante actualité :

- Jacques Le Nay et moi-même avons travaillé à l'écriture d'un rapport sur la RSE, en particulier des petites et moyennes entreprises : Responsabilité sociétale des entreprises (RSE): une exemplarité à mieux encourager (rapport d'information n° 572 (2019-2020) du 25 juin 2020) ;

- et les problématiques de recrutement et de formation ont fait l'objet d'un rapport intitulé Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises (rapport d'information n° 536 (2019-2020) du 18 juin 2020), de Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel.

Dans les deux cas, les rapporteurs ont pu réorienter les travaux de leurs missions d'information afin de tenir compte de la nouvelle donne économique. Les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur notre économie placent plus que jamais ces problématiques au coeur des préoccupations des entreprises.

La crise sanitaire a eu un impact certain sur le déroulement des travaux de la Délégation. Chaque année, la Délégation aux entreprises organise une Journée des entreprises au Sénat, permettant à plus de 150 chefs d'entreprise d'échanger de façon directe avec les sénateurs et de débattre autour de tables rondes. La cinquième édition, qui devait se tenir le 2 avril 2020, n'a pas pu avoir lieu au vu de la situation qu'affrontait notre pays ; elle se tiendra donc l'an prochain à la même période.

Votre Délégation a poursuivi, pendant l'année 2019-2020 et jusqu'au confinement, ses déplacements sur le terrain afin d'aller au contact direct des entreprises, dans les territoires, pour porter et amplifier leur voix au Sénat et s'engager solidement au service de la croissance et de l'emploi.

De façon chronologique, je citerai tout d'abord la très intéressante visite de la Cité de l'Économie à Paris , le 16 octobre 2019. Nous nous réjouissons du succès de ce musée, destiné « à réconcilier les Français avec l'économie et les aider à mieux appréhender leur quotidien ». Pour reprendre les termes de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France et Président de Citéco, « en comprenant les mécanismes de l'économie, nous devenons de meilleurs acteurs de notre propre développement et nous pouvons mieux agir en citoyens éclairés dans nos choix ». S'adressant notamment aux jeunes, accueillis par groupes scolaires grâce au partenariat établi avec l'Éducation nationale, cet espace éducatif et culturel a déjà permis à plus de 20 000 visiteurs de découvrir les fondamentaux de l'économie de façon ludique et interactive et, par extension, d'être sensibilisés aux rôles des entreprises dans notre société.

Le 27 février 2020, nos déplacements à la fois à Station F , campus de startups inauguré fin juin 2017, et Cuisine Mode d'Emploi(s) , l'école de Cuisine de Thierry Marx, ont contribué à nourrir nos réflexions sur les travaux pour le rapport Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises . D'un côté, les jeunes entreprises incubées à Station F rencontrent des difficultés de recrutement compte tenu des compétences spécifiques requises et, de l'autre, Cuisine Mode d'Emploi(s), qui forme aux métiers de la restauration, rencontre des difficultés administratives dans l'enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) des formations de courte durée qu'elle dispense. Ces secteurs en tension ont besoin d'une réactivité de la part des administrations afin que les entreprises puissent disposer des compétences nécessaires à leur développement.

Au cours de cette session 2019-2020, la Délégation s'est rendue dans trois départements, contre six en 2018-2019 : l'Aisne, le 24 octobre 2019, à l'initiative de Pascale Gruny ; la Haute-Garonne, les 11 et 12 décembre 2019, à l'invitation de notre collègue Alain Chatillon ; enfin le Morbihan, les 15 et 16 septembre 2020, à l'invitation de Jacques Le Nay. D'autres déplacements devaient être organisés cette année, notamment en Seine-Saint-Denis, en Haute-Vienne ou encore dans le Maine-et-Loire, à l'initiative respectivement de Fabien Gay, Jean-Marc Gabouty et d'Emmanuel Capus. Cependant, le contexte sanitaire des derniers mois et les restrictions de circulation qu'il a entrainées les ont rendus impossibles.

Renvoyant aux travaux du rapport Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises , les entrepreneurs de l' Aisne rencontrés ont fait part d'un manque d'adéquation entre les formations initiales et les besoins sur le marché du travail, notamment dans les métiers industriels. La dégradation de la qualité de ces formations a amené l'entreprise Côté SAS, PME de 300 employés, à miser sur des apprentis représentant 10 % de son effectif total et à travailler sur la féminisation des métiers dans le secteur très masculin de l'électrotechnique, afin de pallier les problèmes de recrutement. Anticipant les questions soulevées lors de la crise sanitaire concernant « le monde d'après », nos échanges avec Thibaut George, dirigeant du Groupe Drekan, positionné sur le marché des éoliennes reconditionnées, ont mis en lumière le manque de structuration et de souveraineté dans ce secteur stratégique à l'importance grandissante au vu des enjeux écologiques du siècle.

Les entrepreneurs de Haute-Garonne ont partagé les difficultés de recrutement qu'ils affrontaient en zone rurale dans un contexte de forte évolution des métiers et de nécessité d'un renouvellement des compétences. En réponse à ces difficultés, nous avons eu plaisir à rencontrer les acteurs de la filière bois de Revel, constitués en écosystème et s'appuyant sur l'Institut des métiers d'art et de l'artisanat d'art (IMARA) dont la qualité de l'enseignement, assuré par des professionnels, encourage les jeunes à mettre en valeur ce savoir-faire traditionnel et local à travers leurs métiers et, parfois, à lancer leur propre entreprise. Nous avons également vu, avec l'entreprise Nutrition et Santé, l'exemple d'un entrepreneuriat ancré dans son territoire. Ayant su parier très tôt sur le fort développement d'une demande d'alimentation alternative et végétale, cette entreprise -devenue le premier fabricant français d'aliments diététiques et biologiques- fait vivre une filière agricole de proximité, notamment avec le soja provenant d'exploitations à moins de 100 km de l'usine.

Le déplacement dans le Morbihan fut notre premier rendez-vous collectif sur le terrain depuis le début de la crise économique liée à la pandémie du Covid-19. Dans ce contexte particulièrement difficile, un « modèle morbihannais » nous est apparu avec, d'un côté des entreprises résilientes, déterminées, solidaires avec leur territoire, et, de l'autre, un préfet réellement au service des entreprises en difficulté, et unanimement salué pour son efficacité, sa compréhension des situations et son action exemplaire au service des acteurs économiques, aux côtés des chambres consulaires. Les aides de l'État et la présentation du plan de relance ont été bien accueillis même si les chefs d'entreprise rencontrés demeurent vigilants quant aux modalités de mise en oeuvre qui seront retenues. La table ronde organisée avec une vingtaine d'entre eux a permis d'évoquer plusieurs conditions et propositions pour dégager l'horizon Enfin, faisant écho aux deux derniers rapports de la Délégation, le dirigeant de la Cité Marine a témoigné des effets positifs de son engagement en matière de RSE, tout en fustigeant les difficultés de recrutement et les pénuries de compétences faisant obstacle à son développement.

De ces rencontres, la Délégation tire des conclusions contrastées des politiques d'accompagnement des entreprises. Les belles réussites constatées sur le terrain sont d'autant plus remarquables que les contraintes et obstacles administratifs grèvent malheureusement la croissance du plus grand nombre. De plus, quand il existe des aides ou des dispositifs, ceux-ci sont souvent peu rationnels, émiettés entre les différentes strates du tristement célèbre « mille-feuille administratif », tantôt redondants, tantôt insuffisants, et très souvent le reflet de politiques non concertées et donc inefficientes, ou insuffisamment en tout cas.

Ces difficultés paraissent d'autant plus dommageables dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, où la relance de notre économie et la survie du tissu entrepreneurial français ne pourra passer que par un allègement de ces contraintes qui font perdre temps, argent, énergie et compétitivité aux entrepreneurs de notre pays, déjà fragilisés par la crise.

En donnant la parole à des dizaines de chefs d'entreprise, représentant la diversité des secteurs et les spécificités des territoires, ces déplacements attestent de l'actualité de nos travaux et de la nécessité de que nos propositions soient traduites dans le droit et dans les pratiques. Ils nous permettent aussi d'ouvrir de nouvelles pistes de réflexion pour l'avenir. Enfin, ils participent à la mobilisation du Sénat en vue de la simplification des normes applicables aux entreprises, en particulier aux PME et TPE, ainsi qu'à la diffusion des bonnes pratiques et des clefs du succès des entreprises de notre pays.

Ces derniers mois , c'est à nouveau en leur donnant la parole, ainsi qu'à leurs représentants, mais par visioconférence cette fois-ci, que la Délégation aux entreprises a cherché à amplifier leurs voix, à relayer leurs doléances pendant le confinement, mais aussi après ce dernier. Nous avons agi à travers à la fois nos auditions plénières et la participation des membres de notre Bureau aux travaux de la cellule « PME, commerce et artisanat » de la commission des Affaires économiques, qui a rendu ses conclusions le 17 juin 2020. Nous avons aussi saisi plusieurs fois les ministres et administrations concernés pour demander clarifications, ajustements et mesures nouvelles.

Car le dispositif des aides apportées aux entreprises en cette période de crise économique, qui accompagne et succède à la crise sanitaire, n'échappe que partiellement aux critiques habituellement exprimées : si elles ont été rapidement mises en place, leurs conditions et modalités ont en revanche beaucoup évolué, parfois de semaine en semaine. Certes, en général pour élargir les aides, mais il a été parfois difficile de s'y retrouver. Nous nous mettons donc à la place des entreprises, parfois désemparées, qui se sont retournées vers nous ainsi que vers leurs représentants pour les aider. Nous, sénateurs, les avons accompagnées, tant dans nos départements qu'au niveau national avec la Délégation, afin de plaider auprès du gouvernement un assouplissement des dispositifs.

Notre mobilisation au service des entreprises n'a donc pas faibli malgré la crise et nous nous sommes pleinement et efficacement adaptés aux contraintes imposées par la période.

Les visites d'entreprises et tables rondes avec les chefs d'entreprise sur le terrain, dont le bienfondé n'est plus à démontrer, reprendra dès l'automne 2020. Nous pourrons aussi reprendre les immersions en entreprise et ainsi retrouver les pratiques qui constituent l'ADN de notre Délégation.

Élisabeth LAMURE,

Présidente de la Délégation aux entreprises

I. I. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 14 NOVEMBRE 2019, SUITE AU DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION À CITÉCO, LA CITÉ DE L'ÉCONOMIE À PARIS, LE 16 OCTOBRE 2019

Mme Élisabeth Lamure , sénateur, présidente de la Délégation aux entreprises. - Mes chers collègues, mercredi 16 octobre dernier, 14 membres de notre Délégation se sont rendus à « Citéco », la Cité de l'Économie, fraîchement inauguré en juin dernier, a été installé dans le 17 e arrondissement, dans un lieu chargé d'histoire : l'ancien hôtel Gaillard. Construit à la fin du 19 e siècle par un banquier dans un style néo-Renaissance, cet hôtel particulier a ensuite été acquis par la Banque de France pour abriter sa succursale de Paris-Malesherbes, comme en témoigne l'imposante salle des coffres située au bout d'un couloir rétractable, entouré de douves, et qui abrite aujourd'hui la salle des trésors numismatiques.

Après sa fermeture en 2006, un projet de réhabilitation a été mené par la Banque de France afin de donner une nouvelle vie à ce lieu. Après 6 ans de travaux de rénovation et d'installation, est née la Cité de l'Économie. Il s'agit du premier et unique musée européen consacré à l'économie, avec une approche à la fois pédagogique, interactive et ludique.

Citéco concrétise la stratégie d'innovation menée par la Banque de France et le ministère de l'Économie et des Finances, à la suite d'une demande de l'OCDE. Selon cette dernière, les Français présenteraient des lacunes dans le domaine la connaissance de l'économie. Or, une sensibilisation de la population à ce sujet entraînerait une plus grande stabilité et une meilleure compréhension des enjeux économiques.

Selon les termes même de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France et Président de Citéco : ce musée est destiné « à réconcilier les Français avec l'économie et les aider à mieux appréhender leur quotidien . En comprenant les mécanismes de l'économie, nous devenons de meilleurs acteurs de notre propre développement et nous pouvons mieux agir en citoyens éclairés dans nos choix ». Je crois que nous en sommes tous convaincus ! C'est pourquoi nous pouvons nous réjouir de ce projet culturel, qui a vocation à accueillir des personnes de tous les âges et de tous les horizons, même si les jeunes sont sans doute sa cible privilégiée. Le musée a déjà accueilli plus de 20 000 visiteurs depuis son ouverture. Ce sont principalement des jeunes, du niveau lycée au niveau BAC+3. La Cité de l'Économie est ouverte plus de 350 jours par an et dispose d'un partenariat avec l'Éducation Nationale qui lui permettra d'accueillir plus de 1 000 groupes scolaires par an. Pour compléter la visite, son site internet propose des outils permettant d'approfondir les connaissances acquises. Cet établissement utilise le jeu et le numérique pour faire acquérir les fondamentaux de l'économie à tous les publics. La découverte du monde de l'économie et la compréhension de son fonctionnement sont en effet facilités par des jeux de simulations innovants, des vidéos explicatives et des outils interactifs particulièrement ludiques.

La Cité de l'Économie s'articule en 6 secteurs qui reprennent les thèmes majeurs des sciences économiques et permettent un enseignement complet, synthétique et ludique de la matière. Ces thèmes concernent : les échanges, le commerce mondial, les acteurs de l'économie, les marchés, les instabilités et la régulation. À chacun de ces thèmes correspondent des salles thématiques, auxquelles s'ajoute une salle dédiée aux trésors numismatiques.

Ce musée s'inscrit également dans une démarche d'objectivité scientifique car, nous la savons tous, l'unanimité est rarement atteinte entre économistes. Citéco a ainsi un Conseil scientifique chargé de vérifier la rigueur économique des explications proposées par le musée. Les retours à ce sujet sont pour l'heure majoritairement positifs, avec uniquement deux articles de presse critiques sur les 300 dont Citéco a fait l'objet.

Nous nous sommes prêtés au jeu et avons donc pu revoir nos fondamentaux en science économique lors de cette visite. Dans la première salle, dédiée aux échanges, nous avons pu revenir entre autres sur la nécessité économique des échanges, illustrée par le « test du grille-pain », qui démontre combien il est difficile et coûteux de réaliser soi-même toutes les étapes nécessaires à la fabrication d'un objet du quotidien aussi simple quand il est possible, par le jeu des échanges, de l'acheter pour une somme modique, puis sur le paradoxe de la valeur mis en avant par Adam Smith (la valeur d'un verre d'eau dans le désert comparée à celle d'un diamant) ou encore sur les origines de la monnaie. Dans la salle suivante, dédiée au commerce mondial, nous avons pu observer un artefact de scanner qui déconstruit la provenance des matériaux dont sont composés des objets du quotidien, comme un yaourt, un airbus ou un jean. Il s'agit d'illustrer que les étapes de conception, fabrication, assemblage, production et distribution de ces objets font appel à des chaînes de valeur au niveau mondial. Dans la salle dédiée aux acteurs de l'économie, le visiteur du musée peut se mettre à la place d'un ménage, d'une banque, d'une entreprise ou de l'État de manière ludique et instructive. Puis on peut découvrir les logiques de l'offre, de la demande et de la concurrence dans la salle dédiée à l'économie de marché. Les salles sur l'instabilité et la régulation reviennent, quant à elles, sur l'histoire et les conséquences des crises économiques, ainsi que sur différents types de régulation économique (régulation nationale, partage de compétences au niveau de l'Union européenne, maîtrise de l'inflation et des taux directeurs, etc.).

Nous n'avons malheureusement pas eu le temps de découvrir l'exposition temporaire, intitulée « Écosystèmes », qui fait le lien entre économie et écologie, un thème vraiment d'actualité, et correspondant en partie à nos travaux sur les entreprises responsables et engagées. On peut affirmer sans se tromper que nous avons été unanimement ravis de cette passionnante visite, qui nous a permis de découvrir ce lieu superbe !

Je ne peux que vous encourager à parler de cette découverte autour de vous, en particulier aux établissements de vos départements, pour pouvoir faire découvrir au plus grand nombre ce lieu si instructif. C'est aussi un lieu d'échanges, où sont organisés des conférences, débats et évènements. Et nous réfléchissons à l'élaboration d'un partenariat entre Citéco et le Sénat.

Mme Pascale Gruny, sénateur. - C'est un lieu qui donne envie d'y retourner. Je précise que les enseignants peuvent avoir accès au site internet pour enseigner l'économie avec des outils pédagogiques innovants. C'est une excellente initiative car le musée, étant situé à Paris, peut être difficile d'accès pour les établissements situés en région.

M. Daniel Laurent , sénateur. - Citéco a-t-il vocation à accueillir des entreprises ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Le musée s'adresse à tout public et principalement aux lycéens en raison de sa démarche pédagogique. Cependant, il organise également des évènements et des conférences auxquelles les entreprises peuvent participer. Il est par ailleurs possible de privatiser des espaces.

M. Gilbert Bouchet, sénateur. - Comment sont financés les frais de fonctionnement de ce musée, qui doivent être élevés ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Citéco ne devrait pas connaître trop de problèmes à ce sujet. C'est une valorisation magnifique par la Banque de France d'un bâtiment superbe, une démarche pédagogique inédite qui a rencontré un succès immédiat avec plus de 20 000 visiteurs pour les trois premiers mois, que ce soit le grand public ou les scolaires.

M. Guy-Dominique Kennel, sénateur. - Je connais bien le directeur de Citéco, qui a travaillé dans une institution culturelle du département du Bas-Rhin. Il bénéficie désormais de moyens financiers importants, disposant de sept ans pour atteindre l'équilibre de fonctionnement. Entretemps, Citéco est financé par la Banque de France, qui ne manque pas de ressources. Si sa pédagogie est orientée vers les lycéens, ses salles et ateliers interactifs et ludiques s'adressent également aux adultes et proposent beaucoup de fond.

II. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 14 NOVEMBRE 2019, SUITE AU DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION DANS L'AISNE, LE 24 OCTOBRE 2019

Mme Pascale Gruny, sénateur. - Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse que la Délégation aux entreprises ait accepté mon invitation dans le département de l'Aisne pour découvrir son dynamisme économique souvent méconnu puisqu'il fait partie des cinq départements les plus pauvres de France. Cependant, les entrepreneurs du département débordent d'idées et font preuve d'une grande vitalité. Je remercie particulièrement notre présidente, Élisabeth Lamure, ainsi que nos collègues qui nous ont accompagnées : Guillaume Arnell, Michel Canévet, Catherine Fournier, Jacques Le Nay et Jackie Pierre.

Nous avions un programme dense pour ce déplacement : trois visites d'entreprises - le Groupe Drekan dans sa nouvelle usine de Beautor, la société Clarilog et la société Côte SAS - ainsi qu'une table ronde avec des entrepreneurs du département à la Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Aisne.

Nous avons donc débuté par le site de Beautor, dans l'ancienne usine du groupe sidérurgique NLMK, groupe Russe, récemment rachetée par le Groupe Drekan. Cette entreprise, employant 90 salariés et créée il y a près de 10 ans, est spécialisée dans les métiers de la machine tournante pour la conception, l'installation et la maintenance opérationnelle d'installations électromécaniques. Elle possède une dizaine de sites en France pour couvrir les besoins de l'ensemble du territoire national. Drekan a récemment effectué une levée de fonds de 4 millions d'euros afin d'accélérer son activité dans la maintenance et le reconditionnement d'éoliennes. Elle travaille également pour le nucléaire et l'hydraulique sur d'autres sites. Son charismatique dirigeant, M. Thibaut George, nous a fait part des difficultés rencontrées pour mener à bien cette acquisition. Il aura fallu à l'entreprise 3 années de recherche pour trouver le site idéal. L'usine de Beautor présente en effet de nombreux avantages. Au niveau géographique, elle occupe une place privilégiée pour accéder à des éoliennes en fin de vie situées au Nord de la France, en Allemagne et au Benelux. Le site dispose également d'accès directs aux réseaux ferroviaires et fluviaux. De plus, l'usine appartenait auparavant à une entreprise industrielle, et dispose donc de la superficie requise et d'une partie du matériel nécessaire pour mener à bien les activités du groupe.

L'objectif de Drekan est de rendre le site de Beautor opérationnel d'ici début 2020 et d'en faire, in fine , son nouveau siège social. Au total, les travaux de rénovation auront duré un peu plus de six mois, alors que trois années entières auraient été nécessaires pour construire intégralement une telle usine. L'entreprise pourra, à terme, fabriquer une centaine de machines par an, en étant un acteur important des marchés du neuf et de l'occasion.

M. George a regretté son isolement sur le marché des machines tournantes en France. Notre pays dispose pourtant du savoir-faire industriel pour être un acteur majeur dans ce secteur, qui est aujourd'hui inexploité, car il manque l'outil industriel pour mener les activités d'assemblage. Cette situation est d'autant plus regrettable que la France a longtemps été une puissance dans le secteur de l'énergie et que le marché des machines tournantes est vital pour l'ensemble de l'économie. En effet, sans elles, il n'y a pas de production électrique. Même si Drekan bénéficie d'un nombre de subventions essentielles à sa survie, son président dénonce une mauvaise répartition des aides, qui ne profitent pas assez à l'industrie française. Il ne peut pas se tourner vers des sous-traitants français car ceux-ci sont, tout simplement, inexistants. En quelques années d'existence, le groupe est devenu le leader français dans son secteur d'activité, ce qui témoigne bien de l'absence d'acteurs majeurs.

Le groupe Drekan est positionné sur le marché des éoliennes reconditionnées. Ses avantages sont nombreux : le prix est plus faible et le reconditionnement permet d'éviter de détruire des machines encore utilisables et de créer des emplois, cette activité nécessitant 4 000 heures de travail par machine. Enfin, ce processus inscrit Drekan dans une démarche d'économie circulaire, lui permettant d'agir en tant qu'entreprise socialement responsable.

L'exemple de la Côte d'Or illustre malheureusement l'absence des Français sur ce marché : en effet, il s'agit du premier parc éolien français et il est exclusivement composé d'éoliennes chinoises. L'entrepreneur a exprimé son avis sur le sujet, en déclarant « c'est une honte », et je pense que nous pouvons partager ce regret.

Par ailleurs, un point de droit nous a interpelés : il existerait aujourd'hui une interdiction européenne de percevoir des subventions sur des machines reconditionnées, ce qui empêcherait l'entreprise de se positionner sur le marché des éoliennes en France et l'obligerait à exporter sa production. L'étonnement du dirigeant était d'autant plus grand qu'un projet de loi concernant l'économie circulaire nous a récemment été soumis, à nous, parlementaires. Nous avons déjà commencé à examiner ce sujet afin de tenter d'y remédier le cas échéant. L'incohérence d'une telle règle, fragilisant nos entreprises sur un secteur déjà en tension, nous paraîtrait effectivement incompréhensible et nocive tant du point de vue environnemental qu'économique.

Enfin, Drekan est confronté aux mêmes difficultés de recrutement, mises en avant lors de la quasi-totalité de nos déplacements, que je mentionnerai rapidement. Le secteur industriel dispose d'une faible attractivité, liée notamment à une image erronée des métiers auprès des jeunes générations, alors qu'en réalité un nouveau modèle de l'entreprise se développe dans le monde de l'industrie. Les jeunes sont de plus en plus réticents au travail physique et à se conformer à des horaires particuliers. Enfin, la qualité de la formation dans l'électrotechnique se dégrade fortement et l'Éducation nationale continue de faire disparaître des BTS dans ces secteurs, alors qu'il existe une forte demande de main d'oeuvre de la part d'entreprises dynamiques. Ainsi, M. George nous a indiqué qu'il n'existait quasiment plus de formation en bobinage alors qu'il existe des emplois non pourvus dans ce métier.

Nous avons été impressionnés par le dynamisme et la détermination de ce chef d'entreprise, qui se bat chaque jour pour développer son entreprise dans un secteur difficile.

Après cette rencontre instructive, nous avons repris notre route en direction de Saint-Quentin, afin de prendre part à une table ronde avec une dizaine d'entrepreneurs de la région. Je vais énoncer brièvement l'ensemble des problématiques qui ont été évoquées. La complexité des démarches administratives continue de s'accroître chaque année. Ce problème est d'autant plus important pour les PME/TPE qui ont l'obligation de se diversifier pour demeurer compétitives. Cette diversification implique de nouvelles obligations administratives, souvent ingérables pour des entrepreneurs qui n'ont pas nécessairement la connaissance des textes de loi, ce qui les force à consacrer une part trop importante de leur temps de travail à des tâches très éloignées de leur coeur de métier.

Nous avons eu l'occasion de rencontrer un grand nombre d'entrepreneurs travaillant dans le secteur du numérique. La ville de Saint-Quentin, qui ne dispose pas de faculté de droit ou de médecine, a décidé de développer sa formation dans le numérique avec notamment l'INSSET, l'Institut supérieur des sciences et techniques, rattaché à l'université Jules Verne d'Amiens. C'est un institut universitaire consacré principalement aux métiers du numérique et à la logistique. De nombreux entrepreneurs ont signifié que c'est la présence même de cet établissement, et plus généralement de celle d'un pôle universitaire autour du numérique, qui les a motivés à s'installer à Saint-Quentin. Cependant, la relation entre les entreprises et les « centres de ressources » n'est pas assez systématique et manque de souplesse.

Au cours de la table ronde, nous avons également ressenti de la colère de la part de ces entrepreneurs, qui décrivent une sorte de fossé entre le monde des entreprises et celui de l'État, dont les représentants et l'Administration semblent trop éloignés de la réalité du terrain. La demande répétée du Gouvernement aux entreprises de « prendre leurs responsabilités » passe mal quand, dans la réalité, des entrepreneurs sacrifient tout pour sauver leurs entreprises, au point que certains finissent par se rendre malades ou jeter l'éponge. En réalité, le droit à l'erreur n'est souvent pas appliqué : un entrepreneur a évoqué un contrôle de l'URSSAF, ayant mobilisé un comptable pendant 6 semaines complètes pour vérifier l'ensemble des factures de restaurant de l'entreprise sur 5 ans, et débouchant finalement sur un redressement de 1 500 euros. Cette procédure a constitué une perte de temps considérable et inutile pour la société concernée : un « gâchis collectif » de l'avis du dirigeant concerné pour un gain ridicule pour les caisses de l'État.

Un autre entrepreneur nous a confié que, faisant face à de grandes difficultés avec son entreprise, il ne s'est pas attribué de salaire pendant 6 ans, afin de la sauver. Ainsi, près de 6 années de travail acharné ne seront pas prises en compte pour sa retraite. De manière plus globale, cet entrepreneur souhaiterait que l'État valorise davantage l'échec ; créer son entreprise n'est pas simple et le risque d'échouer est important. Ainsi, il suggère que Pôle Emploi valorise davantage le profil d'une personne ayant pris des risques pour sortir d'une situation de chômage, face aux personnes qui jouent la simplicité et se reposent sur la logique d'aide de notre système.

D'autres thèmes ont été mentionnés, comme les délais de paiement des services publics qui ont été qualifiés de « scandaleux », alors que pourtant nous avons déjà pointé ce sujet dans nos précédents travaux, ou les difficultés de transmission pour plus de 10 000 PME qui ne trouvent pas de repreneurs.

Les difficultés de recrutement continuent d'être rapportées par l'ensemble des entrepreneurs, mais l'on a pu noter des appréciations divergentes de l'action de Pôle Emploi. Face à la critique de certains, d'autres ont au contraire salué son action dans les Hauts-de-France, comme par exemple avec l'action de formation préalable au recrutement (AFPR).

Madame le Maire de Saint-Quentin, Frédérique Macarez, nous a rejoints pour nos visites de l'après-midi. La ville a décidé de s'engager pour redynamiser l'économie locale ayant souffert de la désindustrialisation, notamment dans le secteur du textile. La création d'un centre de formation spécialisé dans le numérique, avec un enseignement de qualité, est ainsi apparue comme l'un des axes de cette mobilisation de la mairie avec les autres collectivités territoriales. Cette décision a permis d'éviter la fuite de talents, l'apport d'une main d'oeuvre de qualité dans une zone en tension et, surtout, de faire revenir les entreprises. 90 % des jeunes finissant leur master ont déjà trouvé un CDI, et il existe une véritable synergie entre les collectivités territoriales et les entreprises, dont nous nous sommes réjouis.

Cette synergie a d'ailleurs été mise en évidence lors de la deuxième visite de la journée, dans les locaux de Clarilog. C'est est une entreprise en pleine croissance, qui développe des logiciels et assure la gestion du parc informatique d'entreprises et du Help Desk de plus de 1 000 clients, pour la plupart des entreprises de taille intermédiaire, françaises, belges, suisses ou canadiennes. Clarilog travaille également avec le secteur public. Nous avons rencontré son nouveau président, un entrepreneur dynamique et motivé. Son profil témoigne du succès des politiques de reconversion et d'accompagnement des PME. En effet, après avoir travaillé plusieurs années pour les principaux éditeurs de logiciels français, il a suivi la formation à la reprise d'entreprise du réseau CRA (cédants et repreneurs d'affaires). Il y a 3 ans, il est devenu président de Clarilog qu'il dirige désormais avec succès, en appliquant à cette PME les méthodes d'un grand groupe industriel et en axant son développement sur l'international. Il vante les bienfaits du crédit d'impôt innovation (CII) qui permet de donner une « bouffée d'oxygène » lors du lancement de l'activité, ainsi que le soutien de Bpifrance, qui donne une garantie indispensable pour obtenir des prêts de la part des banques.

Enfin, notre journée s'est terminée par la visite de l'entreprise Côte SAS, PME française de 300 employés basée initialement dans le Rhône, et disposant d'une antenne à Saint-Quentin où travaillent 30 collaborateurs. Côte est spécialisée dans la conception, le déploiement et le suivi technique de solutions d'installations électriques. Le directeur de l'agence de Saint-Quentin, qui nous a accueillis, s'est donné comme objectif de développer l'entreprise dans une région initialement peu propice à la prospérité économique, et de montrer qu'il existe un vrai potentiel dans le secteur de l'électronique à Saint-Quentin.

Le principal problème mis en avant par ce dirigeant tient, comme souvent, aux difficultés de recrutement, puisque 10 postes sont à pourvoir en 2020. En outre, la dégradation de la formation pour les électriciens constitue un vrai problème. En effet, on constate l'absence de plus en plus fréquente de formation pratique, jugée trop risquée par l'Éducation nationale. Or le risque est plus grand de ne pas former les techniciens à la pratique, car sur les chantiers, effectuer une opération de manière inadéquate constitue un danger encore plus grand. Cela représente un frein à la croissance économique de cette entreprise qui doit, pour compenser une formation lacunaire, former les jeunes pendant deux ou trois ans avant de les rendre opérationnels. Son dirigeant l'a exprimé clairement : « si aujourd'hui nous recrutons 100 personnes compétentes de plus, nous ferons demain 10 millions d'euros de chiffre d'affaire supplémentaire ».

L'entreprise a donc décidé de mener des politiques de recrutement innovantes. Sur les 300 employés de Côte, 30 sont en apprentissage. L'entreprise n'hésite pas à favoriser la féminisation des métiers dans un secteur demeurant très masculin et privilégie l'emploi des seniors, valorisant ainsi l'expérience. L'entrepreneur met l'accent sur le contact humain avec ses employés et tend à recruter des jeunes disposant davantage de motivation que de compétences, en compensant ce déficit par la formation interne.

Voilà, mes chers collègues, le résumé de notre déplacement. Deux sentiments contradictoires peuvent s'en dégager : d'un côté la découverte d'un territoire dynamique malgré un handicap économique de longue date ; de l'autre, l'impression d'un éternel gâchis lorsqu'on entend encore et toujours les mêmes témoignages des dirigeants qui rencontrent quotidiennement des obstacles dressés par une Administration insuffisamment encline à adopter une logique de conseil et de service aux entreprises, notamment aux plus petites.

Il nous faut absolument passer d'une Administration de défiance à une Administration de confiance et d'accompagnement ! Retenons, pour conclure sur une note positive, que l'Aisne peut s'enorgueillir d'être riche d'entrepreneurs formidables qui se battent pour créer de la valeur et de l'emploi, malgré les difficultés rencontrées. Je vous remercie.

Mme Élisabeth Lamure , présidente. - L'Aisne est un exemple intéressant de reconversion d'un département qui a été très industriel. L'engagement très fort des collectivités locales à l'appui de cette reconversion a été souligné par les entreprises que nous avons visitées. Nous constatons chez les dirigeants les mêmes réactions face aux difficultés que dans les autres départements, mais accentuées. Certains chefs d'entreprises sont au bord du découragement. Il ne faut pas sous-estimer leur désarroi. Les taux de suicide chez les chefs d'entreprises seraient comparables à ceux enregistrés chez les agriculteurs. Ils sont en tension en permanence, avec une lourde charge administrative et des contrôles souvent aberrants, comme parfois ceux de l'URSSAF.

Ainsi, l'entreprise Côte a cité un contrôle URSSAF qui avait jugé que faire le plein d'essence, un vendredi, des véhicules utilisés le lundi par les salariés de l'entreprise qui ont besoin de se déplacer sur d'autres sites, emportait une présomption d'utilisation le week-end des véhicules de la société à des fins personnelles. Ils effectuent donc désormais leur plein le jeudi...

Chez Drekan, ce qui m'a frappée est la dénonciation de l'absence d'accompagnement des banques. Lorsqu'une entreprise n'est pas une start-up, elle semble « blacklistée », empêchée d'accéder au crédit. Ce phénomène semble encore plus évident dans le secteur industriel. Il nous faudrait creuser ce point. J'ai interpellé hier M. Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, sur la question des délais de paiement, citant le cas d'une entreprise qui a repeint les locaux d'une sous-préfecture : si elle ne présente pas sa facture avant septembre, celle-ci ne sera pas prise en compte dans les budgets et sera alors réglée l'année suivante. Cette situation est indécente !

M. Michel Canévet, sénateur. - L'État impose aux entreprises privées des délais de paiement drastiques qu'il est incapable de respecter lui-même. Cette situation est particulièrement frustrante pour les entrepreneurs, et source d'incompréhension.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - De plus, la solution des intérêts moratoires, souvent proposée, n'intéresse personne. Le paiement des intérêts de retard représente un coût pour le budget de l'État et les retards de paiement affaiblissent la trésorerie des entreprises...

Mme Pascale Gruny, sénateur. - ... d'autant plus que l'entreprise doit provisionner dans son bilan les intérêts de retard !

M. Daniel Laurent , sénateur. - L'entreprise qui reconditionne les éoliennes n'a-t-elle que cette activité dans son carnet de commande ? Est-ce un secteur d'activité viable ?

Mme Pascale Gruny, sénateur. - C'est l'unique entreprise en France sur ce marché, mais elle intervient également dans la maintenance des machines tournantes, ce qui complète son plan de charge. Il existe un vrai besoin du fait du développement rapide du marché éolien en France et à l'étranger. Les atouts du nouveau site de l'entreprise sont nombreux : l'étendue de son site, installé dans une ancienne usine sidérurgique, la proximité d'un carrefour routier important et sa situation, au centre de l'Europe. Cependant le chef d'entreprise est choqué par la lourdeur des portes à ouvrir.

Les chefs d'entreprise sont très isolés. C'est un sujet que j'ai abordé dans le rapport sur la santé au travail en France que je viens de rendre public, le 3 octobre dernier, avec notre collègue Stéphane Artano. La question de la santé des dirigeants d'entreprise est ignorée de la médecine du travail. Les recours aux procédures des tribunaux de commerce sont peu utilisés. Surtout, cette question n'est jamais évoquée au sein de l'entreprise et avec les salariés puisqu'elle fragiliserait le dirigeant, ce qui le place dans une situation d'isolement, souvent difficile à vivre.

Un de nos collègues a cité l'accompagnement des collectivités locales. Il est vraiment exemplaire. Je tiens à saluer l'action de notre ancien collègue Pierre André, qui a dirigé la CCI de l'Aisne. À ses côtés, Xavier Bertrand président de la région des Hauts-de-France et Frédérique Macarez, aujourd'hui maire de Saint-Quentin et à l'époque, stagiaire en tant qu'étudiante à Sciences Po, ont réfléchi à la question : « Comment redynamiser la région ? », en particulier après la fermeture d'usines de textile. Réalisant que de nombreuses grandes universités se situaient dans un périmètre d'une centaine de kilomètres et qu'il serait difficile de les concurrencer, ils ont décidé de construire un pôle de formation autour du numérique. ELISA, école d'ingénieur aéronautique, s'est également installée à Saint-Quentin. Sa directrice envisageait un temps un déménagement, mais la détermination des élus l'ont convaincue de rester.

S'agissant des contrôles de l'URSSAF, ils sont en effet particulièrement rigides. J'ai été rapporteur sur le texte relatif au droit à l'erreur. Il n'est pas possible de négocier et ils appliquent le règlement à la lettre, contrairement aux contrôles fiscaux. La proximité entre les services fiscaux et les entreprises est essentielle pour bien connaître les contraintes des TPE-PME. Je me suis battue pour que le service fiscal aux entreprises ne soit pas supprimé. Des conseillers fiscaux accompagnent ces entreprises bien que leur hiérarchie ne soit pas toujours favorable à ce rôle de conseil.

Enfin, il faudrait interroger la profession bancaire sur sa réticence à s'engager en faveur de l'industrie, et de trois secteurs en particulier : l'automobile, l'agriculture et, plus surprenant, le secteur pharmaceutique.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Je suggère que vous présentiez prochainement à la Délégation aux entreprises votre rapport sur la santé au travail.

III. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 16 JANVIER 2020, SUITE AU DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION EN HAUTE-GARONNE LES 11 ET 12 DÉCEMBRE 2019

Mme Élisabeth Lamure , sénateur, présidente de la Délégation aux entreprises. - Mes chers collègues, comme nous venez de le voir dans ce reportage réalisé par le service de communication du Sénat, et en dépit des difficultés d'acheminement, une délégation composée de Michel Canévet, Jacques Le Nay, Sébastien Meurant, Jackie Pierre et moi-même, s'est rendue le jeudi 12 décembre en Haute-Garonne, et plus précisément à Revel, à l'invitation d'Alain Chatillon, notre collègue de la Haute-Garonne. Mme Brigitte Micouleau, sénatrice du même département, nous a également accompagnés.

Revel est l'une des dernières bastides du XIII e siècle, fondée en 1342 par Philippe VI de Valois, et le « château d'eau » du canal du Midi. La délégation a séjourné face au superbe lac de Saint-Ferréol, retenue artificielle des eaux de la rigole de la montagne Noire, construite à l'initiative de Pierre-Paul Riquet, fermier général, entre 1667 et 1680. Ce fut, à l'époque, le deuxième chantier du royaume après celui du château de Versailles. Cet ouvrage le ruina.

C'est donc un territoire héritier d'une culture entrepreneuriale audacieuse que nous avons découvert. À l'occasion de la table ronde, la vingtaine de chefs d'entreprise du département présents ont fait état des freins qu'ils rencontrent dans le développement de leur activité.

La première demande des entrepreneurs rencontrés est adressée à l'État en tant que producteur de normes trop abondantes, trop instables, et appliquées de façon trop tatillonne. Les cadres juridiques bougent trop souvent et la France est sur-contrôlée, notamment par les directions régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement. Il leur est reproché « d'autoproduire de la norme pour la contrôler » et « d'empêcher ainsi l'action des élus locaux de se déployer conformément au principe de libre administration ».

Plusieurs exemples de réglementation tatillonne, voire absurde, ont été fournis ; nous les avons relayés dans un communiqué de presse. La palme revient certainement aux quatre pages de prescriptions adressées à un élu, également chef d'entreprise, pour aménager un parking ; il lui était demandé des mesures de prévention contre « un risque de chikungunya dans l'eau stagnante » en cas de création de flaques d'eau sur le parking... On comprend mieux l'exaspération des PME, lorsqu'est cité l'exemple de l'une d'entre elles dont un des 33 salariés voit son poste presque dédié à la compréhension et l'application de la réglementation en matière de poids lourds. Le comble est atteint lorsqu'une amende est infligée à une PME locale, qui travaille dans le BTP, pour défaut d'eau chaude dans des sanitaires de chantier, tandis qu'elle cohabite sur le même chantier avec une société éphémère qui sera dissoute dès son achèvement afin de s'exonérer de l'obligation d'acquitter des cotisations sociales pour des travailleurs détachés...

Le norme est surabondante et ne protège plus nos entreprises, faute de pouvoir réguler les plateformes qui infligent une concurrence déloyale à nos circuits de distribution ; en effet, ces derniers acquittent la taxe d'aménagement, assise sur la valeur forfaitaire par mètre carré de la surface de construction, et la taxe sur les surface commerciales, assise à la fois sur le chiffre d'affaires annuel imposable de l'année précédente et sur la surface de vente. C'est la raison pour laquelle l'harmonisation de l'imposition des plateformes, par l'OCDE, est vivement attendue. L'OCDE prépare un projet de taux d'imposition minimum global ciblant au premier chef les entreprises du numérique, dont les actifs, par nature immatériels, sont plus difficiles à capter à l'échelle nationale.

La deuxième demande des entreprises est de mieux accompagner l'innovation. Encore une fois les entreprises regrettent que le crédit d'impôt recherche, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il constitue l'un des outils les plus pertinents pour notre compétitivité, soit souvent « chicané » par l'administration, qui délègue des experts. Ces derniers, souvent dépassés par les innovations qu'ils sont censés auditer, contestent l'éligibilité de la dépense de l'entreprise au titre de la recherche, avant parfois de se contredire et de la reconnaître au bout d'une procédure trop longue. Entretemps, la PME aura dépensé beaucoup d'argent en contre-expertises. Lorsque le CIR est accordé, il est souvent versé avec retard.

La troisième demande est de mieux concilier environnement et développement économique.

Premier sujet : les agriculteurs ne comprennent pas les oppositions à la création de retenues d'eau, lesquelles deviennent de plus en plus nécessaires compte tenu du réchauffement climatique. France Eau Publique organisait, sur ce sujet, une réunion au Sénat le 27 novembre 2019, pour élaborer une politique de long terme prenant en compte la raréfaction de cette ressource, en particulier pour répartir les usages et assurer la solidarité entre territoires.

Deuxième sujet : l'objectif de « zéro artificialisation nette du territoire à court terme », annoncée par le Président de la République, laisse dubitatif un chef d'entreprise qui a eu le mérite de citer « l'Instruction du Gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l'engagement de l'État en faveur d'une gestion économe de l'espace », bien que celle-ci n'ait pas été publiée au Journal officiel. À cet égard, je rappelle que, dans le plan biodiversité présenté par le gouvernement à l'été 2018, atteindre le « zéro artificialisation nette » dès 2030 nécessiterait, d'une part, de réduire de 70 % l'artificialisation brute, par exemple en fixant des densités de construction minimales dans les PLU ou en réservant les politiques de soutien au logement neuf aux constructions sur des zones déjà artificialisées, et, d'autre part, de « renaturer » 5 500 hectares de terres artificialisées par an.

Troisième sujet : il semble que l'eau récupérée dans un processus de méthanisation ne puisse pas être utilisée pour l'irrigation en raison d'obscurs obstacles administratifs.

Par ailleurs, en écho aux travaux de nos collègues Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel, les chefs d'entreprise ont également évoqué leurs difficultés de recrutement. L'amélioration de l'efficacité de Pôle emploi ne se constate pas encore sur le terrain. Les salariés des zones rurales, et notamment des plus jeunes, sont aspirés par les métropoles. Les PME ont du mal à conserver les salariés qu'ils ont formés. La prise de conscience, y compris dans ce tissu local, des mutations de l'emploi accélère le cycle de vie des métiers et rendent impératif un effort soutenu de formation permanente.

Certains chefs d'entreprise se sont étonnés que, dans le bassin d'emploi, deux lycées professionnels sur dix seulement encouragent la formation en alternance, au motif que les lycéens seraient davantage intéressés par le travail concret dans l'entreprise au détriment de leur formation générale et académique. L'image des métiers manuels reste à revaloriser, quand bien même ils permettent de structurer une filière dynamique, comme celle de l'ébénisterie d'art.

S'agissant de l'utilisation du crédit d'impôt recherche, si un chef d'entreprise s'est réjoui que les doctorants soient enfin inscrits, depuis février 2019, au Répertoire national de la certification professionnelle (RNCP), il a regretté que leur qualification ne soit toujours pas reconnue dans les conventions collectives.

Un patron de PME nous a présenté son processus interne de recrutement. Il a « challengé » ses salariés afin qu'ils trouvent eux-mêmes et forment un nouveau salarié, y compris si ce dernier est en situation précaire ou très éloigné du marché de l'emploi ou s'il s'agit d'un ressortissant d'un pays n'appartenant pas à l'Union européenne. Il assure ainsi régler les difficultés de recrutement.

Le coût élevé des procédures de recrutement pour les PME et TPE ayant été évoqué, j'ai cité l'exemple du regroupement d'employeurs qui permettrait de mutualiser la compétence « ressources humaines » entre PME d'un même bassin économique. Les obstacles sont ici plus psychologiques que réglementaires. Nos PME semblent encore trop individualistes, contrairement à l'Italie, et n'ont pas suffisamment l'habitude de la mise en commun de leurs problématiques.

La délégation s'est ensuite rendue à l'IMARA (Institut des métiers d'art et de l'artisanat d'art) et au musée du bois et de la marqueterie de Revel. L'IMARA est un organisme de formation professionnelle habilité, qui fêtera ses 25 ans cette année. Il forme des jeunes et des personnes en reconversion à des métiers manuels liés au travail du bois, en particulier l'ébénisterie, la restauration de mobilier, la marqueterie.

Il s'inscrit ainsi dans la tradition de ce territoire. En effet, cette technique a contribué à la renommée internationale de Revel, labellisée « Ville et Métiers d'Art », cité du meuble d'art. Un ébéniste versaillais, Alexandre Monoury, s'installe dans la ville en 1888. Il est à l'origine de la production de meubles de style, décorés de marqueterie. Revel connaît son âge d'or dans les années 1930. À cette époque, 140 ateliers d'artisans emploient 700 personnes.

Nous avons échangé avec le proviseur de cet institut de formation et des enseignants et des étudiants qui ont témoigné de leur parcours, qu'ils suivent une formation initiale ou soient en reconversion. Nous avons été impressionnés par la passion qui les anime pour se former à ces métiers manuels nobles et créatifs. Ils ont souligné la qualité de l'enseignement, qui fait la part belle à la transmission des savoir-faire, avec une organisation pédagogique adaptée aux besoins. Les formateurs sont des professionnels en activité, tant pour la partie formation pratique que pour la transmission de compétences transverses, telles que l'histoire de l'art, le dessin d'art, le marketing, la communication ou les enjeux liés à la création d'entreprise.

D'ailleurs, certains étudiants et étudiantes nous ont dit souhaiter créer leur propre entreprise, sans toujours se sentir encore prêts à se lancer cependant. Ceci nous montre à quel point il est indispensable que les organismes de formation intègrent pleinement la préparation à l'insertion dans la vie professionnelle aux parcours proposés à leurs étudiants. De ce point de vue, l'IMARA paraît être un bon exemple à suivre.

Puis nous nous sommes rendus sur le site de l'entreprise Nutrition et Santé, premier fabricant français d'aliments diététiques et biologiques, même s'il appartient depuis 2009 à un groupe japonais, leader de l'alimentation diététique en Asie. Cette belle réussite entrepreneuriale débute en 1972, lorsque notre collègue Alain Chatillon acquiert Gerblé et fonde Diététique & Santé, qui adopte son nom actuel en 1991 lors de la fusion avec Céréal, premier acteur français en alimentation biologique. Il a l'intuition du développement d'une alimentation alternative et végétale.

L'entreprise fabrique ses produits en respectant des normes rigoureuses (labélisées ISO 14 000 et ISO 22 000), et commercialise des produits sans gluten ou sans sucre ou sans viande, comme des « steaks soja et blé » ou des « « émincés vegan » au soja, que nous avons pu déguster. L'entreprise produit notamment du substitut de viande, produit alimentaire dont les qualités esthétiques (principalement la texture, la flaveur et l'apparence) et chimiques sont similaires à un certain type de viande.

S'agissant de l'appellation « steak végétal », je rappellerai qu'en avril 2018, un amendement à la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, avait été adopté par l'Assemblée nationale afin d'interdire l'emploi des termes « traditionnellement utilisés pour désigner des denrées alimentaires d'origine animale » pour la désignation et la promotion de produits « contenant une part significative de matières d'origine végétale » . Cet amendement a été censuré par le Conseil constitutionnel qui a considéré qu'il s'agirait d'un cavalier budgétaire. Cette initiative avait même été condamnée par l'Association végétarienne de France car elle « stigmatisait les alternatives végétariennes à la viande en les qualifiant de pratiques commerciales trompeuses ».

En règle générale, les substituts de viande sont fabriqués à partir de produits non carnés et parfois excluent aussi tous les produits d'origine animale, tels les produits laitiers. La majorité de ces substituts est à base de soja, blé, céréales, petits pois, plantes photosynthétiques diverses, cultures bactériennes ou fongiques (tel le Quorn, seul aliment à base de mycoprotéine présent sur le marché, mis au point au bout de douze ans de recherches à partir d'un champignon, qui a un goût de poulet). Ces substituts sont dénaturés par traitement chimique et mécanique pour obtenir un produit ayant la forme d'une viande qui est ensuite aromatisée. La fabrication de ces produits requiert sept fois moins de ressources, notamment en eau, que celle des véritables viandes. Certaines start-ups essaient même de fabriquer de la viande artificielle avec des imprimantes 3D : c'est ce que l'on appelle le « bio-printing ».

Nutrition et Santé est implanté dans plus de 40 pays sur plusieurs réseaux de distribution (grandes et moyennes surfaces, pharmacies et drugstores, magasins spécialisés et autres distributeurs) avec cinq segments de marché : diététique bien-être, nutrition minceur, nutrition sportive, bio et l'alternative végétale. Le vaste site de l'usine, avec des lignes de production dans des bâtiments longs de plus de 160 mètres, a été rénové en 2013. Une nouvelle usine de barres diététiques a été créée en 2014 et une usine de biscuits sans gluten en 2015. La rénovation de l'usine en 2017 a permis de doubler sa production : ainsi la production de 16 millions de biscuits Gerblé, bien connus, nécessite une cadence de 1 000 par minute. En raison à la fois d'une forte demande (en particulier sur les références en sans sucre, sans gluten et sans viande), de capacités de production croissantes, d'une communication forte, d'innovations permanentes, et de plus de 500 recettes fabriquées sur les sites, le chiffre d'affaires a atteint 431 millions en 2018. 45 % des volumes de vente s'effectuent à l'export, principalement en Espagne, autour d'une trentaine de marques, par 1 750 collaborateurs au total, dont plus d'un millier en France.

C'est donc une très belle réussite que nous avons visitée, une belle entreprise de taille intermédiaire (ETI) en fort développement sur un marché porteur. Ce marché répond aux attentes de nouveaux consommateurs qui souhaitent diversifier leur alimentation et la « décarner ». Cette entreprise est ancrée dans son territoire et fait vivre une filière agricole de proximité, le soja notamment provenant d'exploitations à moins de 100 kms de l'usine.

Hasard du calendrier, notre déplacement s'est effectué le jour même où la Cour des comptes rendait public son rapport sur la politique de lutte et de prévention de l'obésité, lequel plaide pour rendre obligatoire le Nutri-Score - échelle de couleurs qui note la qualité nutritionnelle des aliments industriels -, mais n'est présent que sur 5 % des produits vendus en grande distribution.

Je vous remercie et remercie à nouveau notre collègue Alain Chatillon de nous avoir ainsi accueillis dans ce département de Haute-Garonne, où le tissu économique est très actif.

M. Sébastien Meurant, sénateur. - Outre la découverte d'un écosystème en ébénisterie et la rencontre de jeunes talents, nous avons visité, avec Nutrition et Santé, une belle réussite entrepreneuriale dans une filière nouvelle et locale. Nous avons hélas encore constaté les difficultés de recrutement puisque cette entreprise n'a pu embaucher qu'un faible nombre des salariés de la conserverie Spanghero, fermée en 2013 à la suite du scandale de la fraude à la viande de cheval, située a seulement une trentaine de kilomètres. La distance géographique est l'un des éléments constitutifs de la trappe à inactivité, mais il n'est pas le seul.

Mme Élisabeth Lamure , présidente. - S'y ajoute en effet l'aspiration des salariés de ces zones rurales par la métropole de Toulouse. Néanmoins, Revel reste un bel exemple de réussite de bassin économique éloigné des métropoles.

M. Jacques Le Nay, sénateur. - Au même titre que dans tous les déplacements, nous sentons un enthousiasme de la part des entrepreneurs qui évoquent également les normes et les contraintes administratives qui pèsent sur eux. C'est une forme de harcèlement textuel !

M. Michel Canévet, sénateur. - Nous avons vu dans ce déplacement que l'action publique pouvait remédier à certaines difficultés, notamment dans la formation. Les acteurs publics ont joué un rôle important dans la création des instituts de formation, au même titre que ceux de l'Aisne qui ont contribué à la création de formations dans le numérique. Nous voyons ainsi que l'implication des élus est essentielle au développement des activités commerciales et de service.

M. Michel Forissier, sénateur. - Au sujet des difficultés de recrutement, on remarque que les meilleurs systèmes en Europe, comme celui de l'Allemagne, mettent les entreprises au coeur de la formation. Nous devons rompre avec l'idée que le ministère de l'Éducation nationale et le monde des entreprises ne puissent pas dialoguer : ces deux parties sont, ensemble, responsables de la formation. Dans l'agglomération lyonnaise, celle relative aux métiers de la restauration fait office de référence. Néanmoins, les personnes formées ne poursuivent pas toujours leur parcours professionnel dans ce secteur, car les salaires ne sont pas attractifs compte-tenu du rythme de travail décalé et intense de ces métiers. Aussi, il est impératif de réguler la formation en fonction des besoins du marché. Certains parents inscrivent leurs enfants dans un CFA, par peur de l'inactivité ou qu'ils s'orientent vers des métiers sans avenir, mais sans la certitude que ces derniers puissent trouver un emploi à l'issue de leur apprentissage.

Mme Pascale Gruny, sénateur. - J'aimerais rebondir sur la question des normes, sujet récurrent évoqué par les entreprises et les élus. Dans mon département, une de nos entreprises, vendue par son propriétaire et ayant trouvé repreneur, attend depuis déjà deux ans une autorisation de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), ce qui compromet la reprise convenue. Certes l'entreprise est polluante mais le préfet ne peut accélérer l'instruction de ce dossier par la DREAL. La situation est bloquée. Les compétences octroyées aux DREAL, notamment en matière de contrôle des normes, devraient pouvoir être débattues.

Mme Agnès Canayer, sénateur. - J'acquiesce au propos de Pascale Gruny au sujet des DREAL, qui imposent une lourdeur normative à certaines entreprises. Il y a parfois confusion entre la loi et la norme, représentant l'hypertrophie administrative exercée par les services de l'État.

Au sujet de la formation, je pense que les écoles de production peuvent nous aider à former in situ aux métiers de l'entreprise, remobiliser des jeunes en situation de déscolarisation et répondre aux attentes des employeurs. Nous travaillons sur la création d'une école au Havre qui pourrait aider un secteur sous tension comme celui de la chaudronnerie.

M. Michel Forissier, sénateur. - Le groupe Total a dégagé 60 millions d'euros sur dix ans pour créer des écoles de production.

Mme Agnès Canayer, sénateur. - Dont 1 million pour celle du Havre !

Mme Élisabeth Lamure , présidente. - En effet, nous comptons de beaux exemples d'écoles de production dans le département du Rhône et je pense que cette initiative est à dupliquer.

M. Michel Canévet, sénateur. - Concernant la régulation de la formation, il faut veiller à éviter son excès car cela représente des délais administratifs. Il faut de la souplesse pour répondre aux besoins des entreprises. Il existe des filières de qualifications autres que celles crées par le CAP ou le BEP, notamment par les certificats de qualification professionnelle (CQP) qui répondent davantage aux besoins actuels comme nous avons pu le voir à Revel. Il apparaissait que les formations de CAP étaient déconnectées, dans leur contenu, des besoins des élèves, comme le soulignait le proviseur du lycée dispensant les formations.

M. Olivier Cadic, sénateur. - Encore une fois, on peut regretter que les velléités politiques de simplification des normes soient remises en question. Un exemple a été donné à Revel avec la « prime Macron » qui nécessite désormais un justificatif. Notre Délégation a déjà travaillé sur la simplification administrative mais je constate qu'il faut persister pour étudier le phénomène qui consiste à ajouter sans cesse de nouvelles normes. Je regrette que la situation ne s'améliore pas.

Au sujet de l'entreprise Nutrition et Santé, je me réjouis que la Délégation aux entreprises mette en lumière dans ses déplacements de telles entreprises d'avenir. Ses produits sont disruptifs en utilisant sept fois moins d'eau. Ils viennent de nos terroirs : pourquoi ne pas les inscrire à la carte du Restaurant du Sénat afin de leur donner de la visibilité ? Il faut réinventer la cuisine française pour les nouvelles générations de consommateurs.

Mme Élisabeth Lamure , présidente. - En effet, il a été intéressant de visiter cette entreprise, montrant l'ouverture de notre Délégation à tous les secteurs. De nombreux sujets ont été évoqués lors de ces échanges et font écho aux missions d'information menées actuellement par notre délégation.

IV. COMPTE RENDU DE LA VISITE DE L'ÉCOLE « CUISINE MODE D'EMPLOI(S) », À PARIS, LE 27 FÉVRIER 2020

Dans le cadre des travaux de MM. Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel sur les difficultés de recrutement des entreprises dans un contexte de forte évolution des métiers, la Délégation aux entreprises a organisé la visite d'un centre de formation souvent cité en exemple par les acteurs de l'emploi : « Cuisine Mode d'Emploi(s) ». Il s'agissait de comprendre la logique et l'organisation d'une formation illustrant avec succès l'orientation vers des formes rapides et opérationnelles de formation permettant de répondre de manière efficiente aux pénuries de main d'oeuvre dans un secteur.

Le secteur de la restauration est particulièrement touché par ce phénomène dans un contexte de global peu réjouissant puisque, malgré un taux de chômage de 8,1 % en février 2020, plus de la moitié des recrutements sont jugés « difficiles » selon l'enquête « Besoins en main d'oeuvre » (BMO) de Pôle emploi. Le « Baromètre PME » de Bpifrance Le Lab et Rexecode, de mai 2019, indique quant à lui que 82 % des entreprises ayant cherché à recruter au cours des 12 derniers mois ont signalé de telles difficultés.

Née en 2012 d'un projet conjoint du chef étoilé Thierry Marx et de la maire du 20 e arrondissement, Frédérique Calandra, l'école « Cuisine Mode d'Emploi(s) » vise à former rapidement des personnes éloignées de l'emploi pour les insérer professionnellement tout en répondant à la pénurie de compétences dans le secteur de la restauration.

L'école compte aujourd'hui 9 centres de formation proposant 4 filières, et a formé 700 personnes en 2019. Des formations itinérantes sont également proposées sous forme de session unique.

Le concept est celui d'une formation courte et gratuite, avec 8 semaines en école et 3 semaines en entreprise. Les « élèves » ou « stagiaires » sont encouragés à passer ensuite le CAP de leur spécialité en candidats libres ; leur taux de réussite avoisine les 100 %.

L'école « Cuisine Mode d'Emploi(s) » permet à des personnes de 20 à 60 ans de retrouver le chemin de l'emploi : jeunes sortis du système scolaire sans qualification, demandeurs d'emploi de longue durée ou en reconversion professionnelle, bénéficiaires du RSA, mais aussi individus ayant un casier judiciaire et ne pouvant suivre un cursus classique. Les résultats sont excellents puisque le taux d'insertion professionnelle à l'issue de cette formation est de 91 %. Le pôle Hôtellerie-Restauration du groupe Adecco est en charge de l'accompagnement vers l'emploi. On propose aux stagiaires des offres d'emplois en CDI, CDD ou intérim dans les secteurs de la restauration en fonction de leur profil et de leur souhait. Les stagiaires peuvent également choisir de poursuivre leur formation et de se spécialiser dans un CFA (centre de formation des apprentis) ou de suivre d'autres cursus.

Malgré la dynamique portée par ce projet depuis le début, l'école a rencontré des obstacles administratifs pour obtenir la reconnaissance administrative de la formation qu'elle délivre. L'intervention personnelle de Thierry Marx a été nécessaire pour que soit rapidement reconnu le certificat de qualification professionnelle (CQP), inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Cette inscription au RNCP marque la reconnaissance par l'État et atteste un niveau d'études en correspondance avec le niveau de qualification enregistré.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel définit deux sortes de certifications : les certifications professionnelles, enregistrées au RNCP permettant une validation des compétences et des connaissances acquises nécessaires à l'exercice d'activités professionnelles et qui sont classées par niveau de qualification et domaine d'activité (Art. L. 6113-1) ; et les certifications et habilitations, enregistrées au Répertoire spécifique (RS), correspondant à des compétences professionnelles complémentaires aux certifications professionnelles (Art L. 6113-6). France compétences assure la tenue de ces deux répertoires.

Ainsi que le souligne le ministère du Travail, la réforme de 2018 a donc introduit une procédure d'enregistrement simplifiée pour les certifications professionnelles portant sur des métiers identifiés comme particulièrement en évolution ou en émergence. « Cette procédure permet d'assurer l'adaptation et la réactivité de l'offre de certification professionnelle aux évolutions des compétences pour ces métiers en exonérant le ministère ou l'organisme certificateur des deux premiers critères réglementaires impossibles à respecter dans le cas de métiers émergents (adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé par le projet de certification professionnelle et impact du projet de certification professionnelle en matière d'accès ou de retour à l'emploi, apprécié pour au moins deux promotions de titulaires et comparé à l'impact de certifications visant des métiers similaires ou proches). ».

Convaincus par la méthode de l'école « Cuisine Mode d'Emploi(s) », par ses résultats en termes d'insertion professionnelle de publics pourtant éloignés de l'emploi et de l'intérêt pour les entreprises peinant à recruter des personnes compétentes, les membres de la Délégation aux entreprises regrettent que les secteurs touchés par la pénurie de main d'oeuvre ne puissent pas, surtout en période de chômage élevé, bénéficier de procédures de certification accélérées permettant à des projets comme celui de Thierry Marx de voir aisément le jour.

V. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 23 SEPTEMBRE 2020, SUITE AU DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION DANS LE MORBIHAN, LES 15 ET 16 SEPTEMBRE 2020

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Mes chers collègues,

Notre collègue Jacques Le Nay nous présente le compte rendu de notre intéressant déplacement dans le Morbihan, effectué à son invitation. Il s'agit du premier déplacement de notre délégation depuis décembre 2019 compte tenu des circonstances.

M. Jacques Le Nay . - Madame la Présidente, mes chers collègues,

Mardi 15  et mercredi 16 septembre derniers, six membres de notre Délégation se sont rendus dans le département du Morbihan. Je remercie particulièrement notre présidente, Élisabeth Lamure, dont c'était le dernier déplacement en cette qualité, ainsi que les collègues qui nous ont accompagnés : Emmanuel Capus, Joël Labbé, Sébastien Meurant, Jackie Pierre, ainsi que Muriel Jourda, sénateur du Morbihan.

Nous avions un programme dense pour ce déplacement : quatre visites d'entreprises - Cité Marine, dans sa nouvelle usine de Kervignac à Lorient, la société Multiplast à Vannes, le groupe Yves Rocher à La Gacilly et l'entreprise Hamiform à Ploërmel - ainsi qu'une table ronde avec des entrepreneurs du département à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Vannes.

Nous avons donc débuté par la société Cité Marine, créée en 1990 et rachetée par le groupe japonais Nissui en deux étapes (2007 et 2012). Ce rattachement, qui résulte d'un choix de ses fondateurs, permet à l'entreprise de bénéficier de l'assise commerciale et logistique de ce groupe, devenu numéro 2 mondial des produits de la mer. Il lui procure également une filière d'approvisionnement et une traçabilité. Cité Marine emploie aujourd'hui 1 600 collaborateurs répartis sur sept sites principalement localisés en Bretagne. Elle a vendu en 2019 des produits élaborés qui ont généré un chiffre d'affaires de 315 millions d'euros. Trois familles de produits sont commercialisées : les produits de la mer pour l'essentiel, les légumes élaborés, ainsi que des solutions végétariennes. Frais ou congelés, ces produits s'adressent à un large panel de clients, en grandes surfaces notamment ou à l'export.

Le site visité à Kervignac a été mis en service en 2017. Le recrutement des nombreux collaborateurs requis pour son fonctionnement n'a pas été aisé. En effet, les profils d'opérateurs de production, de logistique ou de maintenance sont peu abondants sur le marché de l'emploi régional, comme au niveau national d'ailleurs. La France souffre d'un manque de candidats pour les métiers techniques. Ainsi, des offres d'emplois non pourvues empêchent encore aujourd'hui Cité Marine d'augmenter la production pour répondre à une demande qui existe pourtant aussi bien en France qu'à l'étranger. Pourtant, son image de marque s'est améliorée ces dernières années avec le développement d'une politique sociale et d'une approche RSE ; de plus, le versement de primes permet d'augmenter sensiblement les rémunérations.

L'énergique dirigeant de Cité Marine, M. Éric Le Hénaff, nous a confié qu'il s'agit là d'un obstacle majeur au développement de son entreprise, qui a des causes multiples. L'instabilité législative et réglementaire est vécue par lui, comme par de nombreux chefs d'entreprise rencontrés par notre Délégation, comme « un élément de contexte anxiogène ». L'approche punitive du monde de l'entreprise, à travers l'exemple du bonus-malus applicable aux contrats courts, participe de ce sentiment. L'incapacité de Pôle emploi à répondre aux besoins des entreprises a été une nouvelle fois dénoncée. M. Le Hénaff estime en effet que « cet organisme administre plus qu'il ne combat le chômage » et « qu'il ne parle pas le même langage que les entreprises », les contraignant à recourir à des sociétés d'intérim. Enfin, l'attachement des salariés - et des jeunes en particulier - au monde du travail semble manquer. Le contexte sanitaire actuel, qui a privilégié le maintien à domicile, semble avoir aggravé cette désaffection d'une partie des salariés pour la valeur travail. Comme d'autres chefs d'entreprise, il a témoigné du fait que la relocalisation d'une partie de nos activités industrielles -cruciale pour redynamiser l'écosystème local, créer de l'emploi et retrouver ainsi notre souveraineté économique- dépendait moins de problèmes financiers que du manque d'incitation à travailler qui résulte, à l'entendre, du modèle social français.

L'entreprise Cité Marine voit son chiffre d'affaires et ses effectifs croître et poursuit une politique ambitieuse d'investissement. De fait, elle regorge de projets : extension en cours des locaux visités, création d'un nouveau site de production...Ayant récemment obtenu une certification bio, elle a à coeur d'inscrire ses activités dans une démarche respectueuse de l'environnement. Cette incontestable réussite est servie par des valeurs fortes, parmi lesquelles le dirigeant a cité la satisfaction du client, la qualité, la performance et l'innovation.

Le plan de relance annoncé par le Gouvernement est accueilli favorablement par M. Le Hénaff, en particulier la baisse annoncée des impôts de production qu'il qualifie « d'élément de réassurance pour localiser les activités en France ». Il a souligné par ailleurs l'excellente collaboration avec les services de l'État dans le département.

Après cette visite instructive, nous nous sommes rendus à l'antenne de Vannes de la Chambre du Commerce et de l'Industrie du Morbihan pour participer à la table ronde organisée avec une vingtaine d'entrepreneurs, en présence du Préfet du département, M. Patrice Faure. Les échanges furent, comme toujours, très riches et authentiques. Artisan ou commerçant, du boulanger-pâtissier au dirigeant d'une start-up, de l'esthéticienne au patron d'une entreprise de sécurité, tous ont exprimé sans fard leur vision du présent et de l'avenir.

La crise sanitaire et le confinement n'ont bien sûr pas eu le même impact sur l'activité de ces entrepreneurs. Certains - majoritaires - ont malheureusement connu une chute abyssale de leur chiffre d'affaires tandis que d'autres, « obligés de nourrir la population », ont poursuivi - voire augmenté - leur production. Parfois, c'est la saisonnalité de l'activité qui était un facteur prééminent sur l'évolution du chiffre d'affaires. D'autres fois, une reconversion de la production a permis de limiter l'impact de la crise, avec la fabrication de masques ou de gel hydroalcoolique. L'impression générale est qu'il émanait de cette salle un remarquable esprit de solidarité, entretenu par les chambres consulaires et la préfecture du Morbihan. Le préfet a été salué par tous comme ayant su mobiliser ses services pour accompagner et soutenir les entreprises en difficulté. Un retour d'expérience sur ce point serait sans doute très instructif, car il me semble que tous les départements n'ont pas eu cette chance...

Quelles ont été les principales problématiques évoquées pendant cette table ronde ?

À l'évidence, le niveau de trésorerie et la situation du carnet de commandes sont des préoccupations de chaque instant, voire « une obsession » selon le terme de l'un des chefs d'entreprise entendus. La raréfaction des débouchés créée par le confinement a asséché les ressources de nombre d'entreprises, certaines puisant dans des réserves déjà diminuées par les chocs économiques précédents. Un entrepreneur nous a confié que la fermeture soudaine des restaurants l'a privé « du jour au lendemain » de 80 % de ses débouchés. Fort heureusement, il a réussi en urgence à convertir une partie de sa production de denrées périssables à d'autres usages. D'autres n'ont pas eu cette opportunité, leur outil de production ne s'accommodant d'aucune transformation. Avec le confinement, tous ont exposé les effets délétères du report, voire des annulations - en plus grand nombre encore - des foires, congrès, salons et autres événements professionnels. Ce « jeûne » commercial imposé a plus amplement encore touché les entreprises ayant une activité saisonnière. Elles ont été contraintes, quand elles le pouvaient, d'accroître leurs dépenses numériques pour ne pas disparaître des radars et chercher des clients.

Toutes ont cependant salué les aides fiscales et financières mises en place par l'État pour maintenir en vie les entreprises. Plusieurs dirigeants ont ainsi apprécié l'étalement et le report des charges, de même que l'obtention simplifiée de prêts garantis par l'État. L'un d'entre eux a toutefois fustigé les libertés prises par le Gouvernement avec la trésorerie amoindrie des entreprises en citant l'exemple de la gratification de 1 000 euros promise aux salariés par l'État, ce qui a pu mettre en difficulté les employeurs. Par ailleurs, le recours au chômage partiel a constitué un ultime recours. En effet, les entrepreneurs rencontrés partageaient le souci de prévenir l'érosion des compétences et au-delà, la perte de profils qualifiés et déjà rares sur le marché du travail. Tous ont eu à coeur de maintenir l'emploi dans un contexte dénoncé de désamour pour le travail et de repli sur la sphère privée. À cet égard, le télétravail n'a pas semblé constituer un horizon indépassable, l'un des entrepreneurs affirmant que « l'entreprise, ce n'est pas chacun chez soi ».

Parmi les autres difficultés rapportées, je citerai les effets nocifs des seuils sociaux sur l'emploi (en particulier le seuil de 50 salariés), le calendrier électoral qui a figé les commandes de nombreuses communes et intercommunalités, le manque de reconnaissance de certains secteurs à l'image des métiers d'art ou de la sécurité privée, le stress pour concilier vie professionnelle et vie privée.

La difficulté d'accès à la commande publique a été également évoquée. La place prééminente du critère prix dans les attributions suscite en effet indirectement une concurrence déloyale au détriment des entreprises françaises.

Les chefs d'entreprise rencontrés nous ont fait part de leurs inquiétudes pour l'avenir. La mise en extinction progressive des aides fiscales et financières, alors même que leur trésorerie n'a pas été reconstituée, loin s'en faut, est source d'anxiété. Pour eux, l'avenir est aussi celui d'une obligation de continuer à produire dans une totale incertitude quant au niveau et même à la pérennité des activités, placées à la merci d'un nouvel emballement de l'épidémie. Un entrepreneur a résumé la situation en indiquant qu'« on n'a pas encore réalisé ce qui va peut-être nous arriver ».

Quelques notes d'optimisme ont fort heureusement percé dans les discours de certains participants. D'abord, l'action des services de l'État, sous la houlette du Préfet Patrice Faure, a été unanimement saluée par les participants. Ce dernier nous a en effet décrit le plan de bataille économique qu'il a mis en place en lien avec l'ensemble des acteurs locaux. À l'évidence, l'administration et les entreprises parlaient un langage commun dans ce département et un véritable réseau a été mis en place, en dépit de la fermeture d'une partie des services publics. Les réponses étaient proportionnées et adaptées aux circonstances, à l'image de la réouverture courageuse des marchés. « On peut apporter des solutions concrètes et immédiates » pour renforcer la résilience du tissu économique local a indiqué le Préfet. Selon lui, cela implique de donner davantage de souplesse aux préfets.

Le plan de relance a été bien sûr évoqué, avec des réactions globalement positives. Un appel a cependant été lancé « à la vigilance quant à son mode d'emploi et aux modalités de distribution des crédits ». Ont été aussi avancées certaines propositions pour aller plus loin et mieux assurer sa réussite, par exemple :

- Déléguer aux préfets la passation de marchés publics par le contrôle de légalité ;

- À travers un groupement d'intérêt public, lisser la commande publique et la flécher en priorité sur les entreprises en difficulté ;

- Étendre le bénéfice de la défiscalisation des travaux de rénovation énergétique aux résidences secondaires, afin d'assurer rapidement des chantiers pour les entreprises concernées ;

- Mieux contrôler les arrêts de travail ;

- Défiscaliser les compléments de rémunération, telles les primes ;

- Donner le goût au travail, y compris en autorisant les « jobs d'été » avant 18 ans.

La synergie entre les acteurs locaux a été aussi mise en évidence lors de la deuxième journée de visites, qui a débuté dans les locaux de l'entreprise Multiplast. Depuis 1981, cette entreprise dessine et conçoit des bateaux multicoques et monocoques en matériaux composites. Son savoir-faire rapidement reconnu lui permet aujourd'hui de travailler pour de grands donneurs d'ordre nationaux. Forte de son ancrage maritime, l'entreprise investit désormais également la terre - dans le secteur des bâtiments - et les airs - avec l'aviation civile -. Son intuitif dirigeant, M. Yann Penfornis, a exposé à la délégation les projets parfois avant-gardistes de son entreprise pour se diversifier dans le domaine des nouvelles mobilités, montrant le lien entre créativité, ambition et développement.

Une fois de plus, cet exemple nous montre la nécessité de « sanctuariser » notre système de crédit impôt recherche, sans lequel notre pays perdrait considérablement en termes d'innovation, de localisation d'activités et d'emplois.

Notre déplacement s'est poursuivi par la visite du site de La Gacilly du groupe Yves Rocher. À l'origine de cette marque, il y a une aventure familiale qui a véritablement façonné cette « entreprise à mission » comme indiqué par son Directeur des relations publiques, M. Auguste Coudray. Depuis 2004, l'entreprise s'implique beaucoup pour le rayonnement culturel de sa commune d'origine, devenue depuis un « village en résilience ». En effet, elle organise chaque année un festival photographique à succès qui a permis, même cette année, d'assurer sept millions d'euros de retombées économiques pour le territoire. Avec près de 3 000 salariés dont 1 800 sur le site de La Gacilly, et l'intégralité des sites de production de la marque situés en France, l'entreprise a su conjuguer ancrage local et développement économique. Cette réussite est un exemple inspirant pour la revitalisation de nos bourgs auxquels les Français sont tant attachés.

Naturellement, le groupe n'a pas été épargné par l'épidémie de Covid-19. Toutefois, il a su, à l'instar des autres entreprises visitées, adapter sa production et faire évoluer ses organisations en intégrant dans la durée les contraintes sanitaires. Ainsi, la fermeture des magasins de l'enseigne a été aussi soudaine que le retour de la clientèle après le confinement, preuve d'un lien solide avec l'entreprise.

Nous avons terminé notre journée par la visite de l'entreprise Hamiform, dirigée par ses deux frères charismatiques, MM. Laurent et Philippe Davalo qui, avec leur père, ont complètement fait évoluer l'élevage de porcs de ce dernier. Modèle de développement familial, l'entreprise Hamiform illustre la réussite du volontarisme entrepreneurial. Construite en 2014 sur un terrain « en friche », l'entreprise est déjà devenue leader en France dans son domaine d'activité et développe ses exportations. Elle fabrique des produits d'alimentation pour animaux, outre ses productions d'accessoires et l'élevage de certaines espèces domestiques. Elle a même créé sa propre marque dédiée aux cosmétiques pour animaux, marché en pleine expansion que la crise sanitaire n'a pas affaibli. Enfin, cette entreprise présente une empreinte carbone très limitée et conduit des actions pour la compenser, ce qui mérite d'être souligné. En sus de cette fulgurante réussite, nous avons été frappés par la politique sociale de la société Hamiform, à la fois inclusive et respectueuse du bien-être de ses salariés. Ainsi, 20 % des 100 salariés de l'entreprise sont en situation de handicap, ce qui est assez rare pour être souligné. De même, l'entreprise pratique un management inspiré du monde agricole, où les chefs de production exercent tour à tour les fonctions d'opérateur. Cela permet une meilleure compréhension réciproque, respect et entraide entre les salariés. À l'heure où les pratiques managériales sont questionnées au sein des entreprises, ce modèle bienveillant et efficient mérite d'être salué.

En revanche, le byzantinisme de certains de leurs interlocuteurs dans les administrations est assez irritant quand il vient ralentir un processus de développement à l'international. De même, des formalités administratives outrancières découragent jusqu'aux plus tenaces des chefs d'entreprise. Ainsi, les validations chronophages - et au final refusées ! - de documents préalables à l'export en Chine nous ont été rapportées avec une pointe d'aigreur. Néanmoins, l'engagement très fort de la préfecture à l'appui du développement des entreprises a été souligné - et apprécié - par MM. Davalo.

Au total, je crois pouvoir dire au nom des collègues qui ont participé à cette mission que nous avons été frappés par le fort ancrage territorial des entreprises visitées et la solidarité dont elles font preuve. C'est un gage de réussite et d'optimisme dans l'horizon incertain que nous connaissons.

Le Morbihan peut s'enorgueillir d'être riche d'entrepreneurs courageux qui se battent pour créer de la valeur et de l'emploi, malgré les difficultés rencontrées et majorées par la crise sanitaire. L'engagement significatif et salué par tous de la préfecture du Morbihan à leurs côtés est exemplaire. Je tiens à saluer également l'action solidaire et efficace des présidents des chambres consulaires, M. Pierre Montel pour la Chambre du commerce et de l'industrie, et M. Michel Aoustin pour la Chambre de métiers et de l'artisanat, en dépit de budgets de plus en plus contraints.

Ce modèle morbihannais peut sans doute être source d'inspiration pour d'autres territoires. D'ailleurs, Madame la Présidente, vous avez salué ce pragmatisme et suggéré de « labelliser l'expérience morbihannaise ».

Je suis heureux que le dernier déplacement sous votre houlette se soit déroulé dans mon département. En tant que co-rapporteurs du rapport de la Délégation sur la RSE, nous avons pu aussi constater que celle-ci fait partie intégrante des stratégies des entreprises locales. Et nous en réjouir !

Je vous remercie.

M. Jackie Pierre . - Merci pour ce compte rendu qui reflète bien ce que nous avons vu et constaté.

M. Sébastien Meurant . - J'ajoute que c'est la première fois que je rencontre un préfet autant à l'écoute des entreprises dans les territoires, et que cela va dans le bon sens.

Mme Élisabeth Lamure . - Merci pour ce compte rendu complet de ce déplacement réussi et très attendu après de long mois. Je salue également le travail hors normes de Monsieur le Préfet, Patrice Faure, qui est selon moi un exemple à suivre.

Ce compte rendu, si vous en êtes d'accord, sera intégré au rapport annuel établissant le bilan de nos déplacements, lequel sera ainsi rectifié en conséquence.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

La Délégation aux entreprises s'est réunie le jeudi 25 juin 2020 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation, le rapport a été adopté :

Mme Élisabeth Lamure , sénateur, présidente de la Délégation aux entreprises. - Mes chers collègues, il nous reste à adopter le rapport annuel établissant le bilan de nos déplacements dans les départements, à la rencontre des chefs d'entreprise et de leurs équipes.

Notre Délégation sénatoriale aux entreprises a poursuivi, pendant l'année 2019-2020, ses déplacements sur le terrain, afin d'accomplir la mission qui lui a été confiée lors de sa création il y a bientôt six ans : aller au contact direct des entreprises, dans les territoires, pour porter et amplifier leur voix au Sénat et s'engager solidement au service de la croissance et de l'emploi.

Après un avant-propos résumant nos travaux de la session, ce rapport compilera les comptes rendus de nos déplacements, dont je vous rappelle la liste, malheureusement écourtée par l'épidémie de Covid-19 :

- La Cité de l'Économie à Paris : le 16 octobre 2019,

- L'Aisne : le 24 octobre 2019, à l'initiative de Mme Pascale Gruny,

- La Haute-Garonne : les 11 et 12 décembre 2019, à l'invitation de notre collègue M. Alain Chatillon,

- Station F et Cuisine Mode d'Emploi(s), l'école de Cuisine de Thierry Marx, toutes deux à Paris, le 27 février 2020.

Nous pensions bien sûr organiser d'autres déplacements cette année, notamment en Seine-Saint-Denis chez Fabien Gay, en Haute-Vienne chez Jean-Marc Gabouty, ou encore en Maine-et-Loire, département d'Emmanuel Capus ; mais le contexte sanitaire des derniers mois et les restrictions de circulation qu'il a entrainées les ont rendus impossibles. Et nous avons dû renoncer au déplacement envisagé en Seine-Saint-Denis le jeudi 16 juillet en raison de l'ordre du jour de la séance publique, puisqu'est inscrit ce jour-là l'examen du 3 e projet de loi de finances rectificative de l'année. C'est donc partie remise, comme convenu avec Fabien.

De ces rencontres, la Délégation tire des conclusions contrastées des politiques d'accompagnement des entreprises. Les belles réussites constatées sur le terrain sont d'autant plus remarquables que les contraintes et obstacles administratifs grèvent malheureusement la croissance du plus grand nombre. De plus, quand il existe des aides ou des dispositifs, ceux-ci sont souvent peu rationnels, émiettés entre les différentes strates du tristement célèbre « mille-feuille administratif », tantôt redondants, tantôt insuffisants, et très souvent le reflet de politiques non concertées et donc inefficientes, ou insuffisamment en tout cas. Ces difficultés paraissent d'autant plus dommageables dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, où la relance de notre économie et la survie du tissu entrepreneurial français ne pourra passer que par un allègement de ces contraintes qui font perdre temps, argent, énergie et compétitivité aux entrepreneurs de notre pays, déjà fragilisés par la crise. En donnant la parole à des dizaines de chefs d'entreprise, représentant la diversité des secteurs et les spécificités des territoires, ces déplacements attestent de l'actualité de nos travaux et de la nécessité de les faire vivre, et nous permettent d'ouvrir de nouvelles pistes de réflexion. Ils participent également à la mobilisation du Sénat en vue de la simplification des normes applicables aux entreprises, en particulier aux PME et TPE, ainsi qu'à la diffusion des bonnes pratiques et des clefs du succès des entreprises de notre pays.

Ces derniers mois, c'est à nouveau en leur donnant la parole, ainsi qu'à leurs représentants, mais par visioconférence cette fois-ci, que la Délégation aux entreprises a cherché à amplifier leurs voix, à relayer leurs doléances pendant le confinement, mais aussi après. Nous avons ainsi agi à travers à la fois nos auditions plénières et la participation des membres de notre Bureau aux travaux de la cellule « PME, commerce et artisanat » de la commission des Affaires économiques, qui a rendu ses conclusions la semaine dernière. Nous avons aussi saisi plusieurs fois les ministres et administrations concernés pour demander clarifications, ajustements et mesures nouvelles.

Car le dispositif des aides apportées aux entreprises en cette période de crise économique, qui accompagne et succède à la crise sanitaire, n'échappe que partiellement aux critiques habituellement exprimées : si elles ont été rapidement mises en place, leurs conditions et modalités ont en revanche beaucoup évolué, parfois de semaine en semaine. Certes, en général pour élargir les aides, mais il a été parfois difficile d'y « retrouver ses petits ». Je me mets donc à la place des entreprises, parfois désemparées, qui se sont retournées vers nous ainsi que vers leurs représentants pour les aider. Je crois pouvoir dire qu'au cours de ces derniers mois, nous les avons accompagnées, tant dans nos départements qu'au niveau national avec notre Délégation, afin de plaider auprès du gouvernement un assouplissement des dispositifs. Et ce fut parfois avec succès !

Notre mobilisation au service des entreprises n'a donc pas faibli, bien au contraire.

Nous avons pu aussi terminer nos cycles d'auditions rapporteurs et réorienter les travaux de nos deux missions d'information (sur le recrutement et la RSE) afin de tenir compte de la nouvelle donne économique.

Et nous avons finalisé la proposition de loi pour une concurrence facilitant l'accès des clients professionnels à la fibre optique. Il s'agit de pallier le retard numérique des TPE et PME, que nous avons dénoncé dans nos deux rapports, de juillet et décembre 2019.

Nous nous sommes donc pleinement et efficacement adaptés aux contraintes imposées par la période, et je vous remercie de votre participation active à nos travaux à distance.

Je ne doute pas que l'exercice du déplacement en entreprise et sur le terrain, dont le bienfondé n'est plus à démontrer, se perpétuera à la rentrée parlementaire prochaine. Nous pourrons aussi reprendre les immersions en entreprise et ainsi retrouver les pratiques qui constituent l'ADN de notre Délégation.

La Délégation autorise la publication du rapport.

ANNEXES

ANNEXE 1 - CARTE DES DÉPLACEMENTS

ANNEXE 2 - PROGRAMMES DES DÉPLACEMENTS

I. Programme du déplacement de la Délégation à Citéco, la Cité de l'économie à Paris, le 16 octobre 2019

II. Programme du déplacement de la délégation dans l'Aisne, le 24 octobre 2019

III. Programme du déplacement de la délégation en Haute-Garonne les 11 et 12 décembre 2019

IV. Programme du déplacement de la délégation de la visite de l'école « Cuisine Mode d'Emploi(s) », à Paris, le 27 février 2020

V. Programme du déplacement de la délégation dans Le Morbihan, les 15 et 16 septembre 2020

DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION AUX ENTREPRISES

DANS LE MORBIHAN

LES MARDI 15 ET MERCREDI 16 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- Mme Élisabeth LAMURE , Sénateur (Les Républicains) du Rhône, Présidente de la Délégation aux entreprises,

- M. Emmanuel CAPUS , Sénateur (Les Indépendants) de Maine-et-Loire, Vice-Président de la Délégation aux entreprises,

- Mme Muriel JOURDA , Sénateur (Les Républicains) du Morbihan, non-membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Joël LABBÉ , Sénateur (rattaché RDSE) du Morbihan, Vice-Président de la Délégation aux entreprises,

- M. Jacques LE NAY , Sénateur (Union Centriste) du Morbihan, Membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Sébastien MEURANT , Sénateur (Les Républicains) du Val d'Oise, Membre de la Délégation aux entreprises,

- M. Jackie PIERRE , Sénateur (Les Républicains) des Vosges, Secrétaire de la Délégation aux entreprises,

---

- Mme Marie-Pascale BOUTRY , Conseillère, Responsable du secrétariat de la Délégation aux entreprises,

- M. Nabil DERROUICHE , Administrateur-adjoint, Délégation aux entreprises.

MARDI 15 SEPTEMBRE 2020

08h10

Départ du Sénat en voiture pour la gare Montparnasse
Rendez-vous au pied de l'escalier d'honneur

08h52

Départ du train Paris-Lorient

12h02

Arrivée en gare de Lorient

12h15

Déjeuner rapide à la crêperie Rosa
(10 Boulevard Franchet d'Esperey, 56100 Lorient)

13h30

Transfert vers Kervignac

14h00

Visite de l'entreprise La Cité Marine, leader français du poisson enrobé, fabricant de légumes élaborés et de solutions végétariennes
(ZI du Porzo, 56700 Kervignac)

15h45

Transfert vers Vannes

17h30

Arrivée à l'hôtel La Marébaudière, check-in
(4 rue Aristide Briand, 56000 Vannes)

17h50

Transfert vers la CCI du Morbihan

18h00

Table ronde avec des entrepreneurs du département

(CCI du Morbihan, 141 Rue Du Commerce Parc Innovation de Bretagne Sud, 56011 Vannes)

19h45

Transfert vers le restaurant

20h00

Dîner au restaurant L'Atlantique avec les chefs d'entreprise
(16 Place Gambetta, 56000 Vannes)

22h30

Retour à pied à l'hôtel

MERCREDI 16 SEPTEMBRE 2020

08h25

Départ de l'hôtel

08h30

Visite de l'entreprise Multiplast, spécialiste des matériaux composites, militaire, civil, aéronautique, spatial et construction de navires de compétition en carbone
(24 Allée Loïc Caradec, 56000 Vannes)

10h00

Transfert vers La Gacilly

11h15

Visite de l'entreprise Yves Rocher

(Moulin de la Gacilly, Le bout du pont, 56200 La Gacilly)

12h45

Déjeuner au Vegetarium

(Moulin de la Gacilly, Le bout du pont, 56200 La Gacilly)

14h00

Transfert vers Ploërmel

14h30

Visite de l'entreprise Hamiform, entreprise de produits alimentaires biologiques
pour animaux
(Lieu-dit, Le Closeau, 56800 Ploërmel)

16h00

Transfert vers la gare de Rennes

17h15

Arrivée en gare de Rennes

17h35

Départ du train Rennes-Paris

19h09

Arrivée à Paris

Retour vers le Sénat

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