Rapport d'information n° 748 (2020-2021) de MM. Arnaud BAZIN et Éric BOCQUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021

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N° 748

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées dans la gestion de l' allocation aux adultes handicapés (AAH),

Par MM. Arnaud BAZIN et Éric BOCQUET,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ont présenté le mercredi 7 juillet 2021 devant la commission des finances les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif au rôle des maisons départementales des personnes handicapées dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés.

I. LE FINANCEMENT DES MDPH : UN CIRCUIT SIMPLIFIÉ MAIS DES MOYENS ENCORE INSUFFISANTS

A. UN FINANCEMENT ÉCLATÉ ENTRE L'ÉTAT, LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LES DÉPARTEMENTS, EN VOIE DE SIMPLIFICATION

Instituées par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont constituées sous forme de groupements d'intérêt public (GIP) dans chaque département et présidées par le président du conseil départemental. Elles ont pour principale mission d'offrir un accès unique aux droits et prestations prévus en faveur des personnes en situation de handicap, parmi lesquels l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui présente la spécificité d'être financée par le budget de l'État via les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (11,2 milliards d'euros en exécution 2020).

Les membres du GIP contribuent au financement des MDPH par le biais de contributions en nature (mise à disposition de personnel etc .) et de dotations monétaires. En 2018, les contributions de toute nature aux MDPH étaient estimées à 310,2 millions d'euros (dont 200,8 millions d'euros de dotations monétaires), mais ces données ne sont qu'imparfaitement consolidées.

Part respective des contributions de toute nature aux MDPH
par contributeur (2018)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

Depuis 2017, la contribution de l'État qui correspond à la compensation des postes mis à disposition au moment de la constitution des MDPH en 2006 et devenus vacants , est financée non pas sur les crédits du budget général mais versée par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour le compte de l'État. Cette réforme a permis une simplification du canal de financement et un raccourcissement des délais de versement.

B. UNE RELATIVE STABILITÉ DES MOYENS QUI CONTRASTE AVEC UNE HAUSSE DE L'ACTIVITÉ, NOTAMMENT AU TITRE DE L'AAH

Les contributions nationales cumulées (État et CNSA) sont restées relativement stables, passant de 135 à 152 millions d'euros entre 2015 et 2019 . L'évolution de la contribution de l'État n'a en réalité que peu d'impact sur le fonctionnement des MDPH puisqu'elle se borne à compenser, imparfaitement, les vacances constatées sur des postes préexistants.

Évolution comparée des contributions nationales au fonctionnement des MDPH et de la progression du nombre des bénéficiaires de l'AAH

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire et les documents budgétaires

L'activité des MDPH a bondi depuis leur création en 2006 (+ 170 % des demandes traitées) selon la CNSA . En particulier, le nombre de bénéficiaires de l'AAH est particulièrement dynamique, avec une nette progression du nombre de bénéficiaires, passé de 1,06 à 1,2 million sur la même période. En particulier, la tendance observée ces dernières années est celle d'un fort dynamisme des demandes d'AAH-2 , dispositif applicable aux personnes dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % (contre un taux supérieur à 80 % pour l'AAH) et dont l'instruction suppose un examen de la « réduction substantielle et durable d'accès à l'emploi » (RSDAE) particulièrement complexe et chronophage pour les agents . Il est à noter que l'AAH ne représentait, en 2019, qu'une part estimée à 12,7 % des demandes traitées par les MDPH .

C. LA NÉCESSITÉ D'UN RENFORCEMENT STRUCTUREL DES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS DES MDPH

Face à cet accroissement massif de leur activité, un consensus existe entre les acteurs sur la nécessité de renforcer les moyens des MDPH . Une démarche en ce sens a été engagée dans le cadre de la Feuille de route « MDPH 2022 » .

Des efforts doivent à ce titre être salués avec notamment :

- la décision de « socler » une majoration de 15 millions d'euros du montant global de la dotation CNSA à compter de 2021 ainsi que la révision du calcul de la part variable de celle-ci en fonction d'indicateurs d'activité des MDPH ;

- la mise en place d'une « task force » de la CNSA en appui aux MDPH les plus en difficulté , dotée d'un budget d'intervention de 20 millions d'euros sur deux ans.

Pour les rapporteurs spéciaux, il convient cependant d'aller plus loin en menant un véritable travail de qualification et de quantification des moyens dont doit disposer une MDPH pour assurer ses missions convenablement . Un tel travail doit notamment faire le point sur les effectifs et la composition des équipes pluridisciplinaires évaluant les demandes , souvent trop réduites pour remplir l'objectif d'analyse globale de la situation des demandeurs. Il convient en outre de renforcer l'appui aux MDPH les moins bien dotées , les effectifs pouvant varier selon les MDPH de 1 ETP pour 334 habitants à 1 ETP pour 23 146 habitants.

II. LES MDPH DOIVENT CONTRIBUER À EFFACER LES « ANGLES MORTS » QUI SUBSISTENT DANS LA CONNAISSANCE DE L'AAH ET DE SES BÉNÉFICIAIRES

A. LE SYSTÈME D'INFORMATION COMMUN : UN « SERPENT DE MER » EN VOIE DE CONCRÉTISATION

1. Le chantier du système d'information harmonisé

Dans le rapport qu'elle a consacré à l'AAH en 2019, la Cour des comptes a pointé la connaissance insuffisante des bénéficiaires de l'AAH, ce qui est d'autant plus problématique que la prestation est fortement dynamique.

Ce constat résulte notamment, en dépit de la claire obligation posée par la loi du 11 février 2005, de l'absence d'un système d'information unique , interdisant le traitement homogène de ces statistiques et partant la remontée d'une information robuste.

Près de 15 ans après la loi de 2005 qui posait pourtant clairement l'obligation légale d'instituer d'un système d'information unique, des avancées significatives ont enfin pu être observées dans les années récentes, avec le lancement du chantier du système d'information harmonisé (SIH) . Celui-ci a pour ambition d'harmoniser :

- les systèmes d'information de gestion des demandes ;

- les échanges de la MDPH avec ses partenaires : caisses d'allocations familiales (CAF), service public de l'emploi (SPE), Éducation nationale, établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) ;

- le dépôt des demandes en ligne.

2. Premiers résultats et perspectives

Le chantier du SIH, malgré certains retards, a d'ores et déjà permis d'accomplir certains progrès en matière de transparence, avec la constitution du « baromètre MDPH » mis en ligne par la CNSA, et ayant vocation à être enrichi. À ce stade, les informations qu'il permet d'obtenir ne permettent cependant pas d'isoler suffisamment les données relatives à l'AAH de l'ensemble des prestations.

Plus généralement, l'option du SIH par opposition à un système d'information unique peut à certains égards être assimilée à un pis-aller . Cette option emporte un certain nombre de difficultés techniques, et en particulier celle de faire mettre en oeuvre la moindre modification réglementaire par l'ensemble des éditeurs informatiques

Enfin, s'il est essentiel de mener à bien ce projet rapidement, il convient cependant de prendre en compte les complexités que ce processus induit dans le travail quotidien des agents et les besoins de formation qu'il appelle , dimensions souvent négligées par l'État et la CNSA.

B. L'OBJECTIVATION DES PHÉNOMÈNES DE FRAUDE ET LUTTE CONTRE LE NON-RECOURS À L'AAH : DES MISSIONS À DÉVELOPPER

1. Le développement de la lutte contre la fraude à l'AAH...

La nécessité de développer le contrôle au recours frauduleux à l'AAH a bien été soulignée par la Cour des comptes, cette prestation faisant partie des moins contrôlées par les CAF , ce qui peut s'expliquer par un montant estimé des indus frauduleux relativement faible (entre 31 millions d'euros et 123 millions d'euros selon la CNAF) en comparaison de celui estimé pour le revenu de solidarité active - RSA (entre 811 millions d'euros et 1 164 millions d'euros).

La Cour pointe également un « angle mort » en matière de lutte contre la fraude, dans la mesure où les CAF n'axent leurs contrôles que sur la vérification des conditions de ressources et non sur l'éligibilité. Si le phénomène de dépôt de demandes frauduleuses est marginal selon les acteurs, son objectivation constitue bien un axe d'amélioration de la gestion de l'AAH par les MDPH.

2. ...doit avoir pour corollaire la lutte contre les phénomènes de non-recours

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'objectif, légitime, de lutte contre la fraude doit avoir pour corollaire, dans une même logique de juste accès au droit, la lutte contre les phénomènes de non-recours.

Là encore, ces phénomènes complexes doivent être mieux objectivés et appréhendés . Comme en témoigne l'exemple du RSA, un fort dynamisme des entrées ne signifie pas l'absence de non-recours.

Les principaux leviers de lutte contre le non-recours identifiés sont le renforcement et une clarification des missions d'information des MDPH, et le développement de la territorialisation des accueils des MDPH. Selon la CNSA, environ deux tiers des MDPH disposent de points d'accueil dans les territoires et les bassins de vie (antennes polyvalentes des départements, centres communaux d'action sociale, Maisons France services etc .)

III. POUR UNE HARMONISATION DES PRATIQUES DES MDPH EN MATIÈRE D'AAH GRÂCE À UN PILOTAGE CLARIFIÉ, RENFORCÉ, ET PARTENARIAL

A. UN CONSTAT PERSISTANT : LES IMPORTANTES DISPARITÉS TERRITORIALES DE PRATIQUES ET DE RÉSULTATS ENTRE MDPH

La nécessité de résorber les disparités de pratiques constatées entre MDPH pour ce qui concerne l'attribution de l'AAH est partagée par l'ensemble des acteurs . Les principales disparités concernent :

- les délais de traitement des demandes : le délai moyen au niveau national était estimé à 4 mois et 7 jours, soit à peine au-dessus du délai légal fixé à 4 mois, même si l'on observe des variations selon les départements allant de 1,9 mois (Meuse) à 12,8 mois (Aube). Les délais excessifs sont l'un des principaux déterminants de l'insatisfaction des usagers, même si celle-ci reste multifactorielle.

Délai moyen de traitement des demandes d'AAH en 2019

Part des MDPH respectant le délai de 4 mois en 2019

Taux de satisfaction moyen en 2019

Source : CNSA, Baromètre MDPH

- les taux d'attribution : si le taux moyen national estimé par la CNSA est de 68 % en 2017, on observe des variations allant de 53 % (Val d'Oise) à 84 % (Haute-Corse) selon les départements.

Taux d'accord d'AAH par département en 2017

Source : CNSA

Au plan plus qualitatif, les divergences de pratiques concernent notamment l'évaluation de la réduction substantielle et durable d'accès à l'emploi conditionnant le bénéfice de l'AAH-2, critère complexe et laissant une large place à la subjectivité des instructeurs, à plus forte raison lorsque les équipes pluridisciplinaires n'intègrent pas de réelle compétence « emploi ».

B. LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE : PASSER D'UN RÔLE D'ANIMATION DE RÉSEAU À UN VÉRITABLE RÔLE DE PILOTAGE

Si la CNSA assure depuis sa création une mission d'animation et d'appui des MDPH (groupes de travail, production de guides, lettre d'information...), la tendance récente est à l'enrichissement de cette mission vers un pilotage accru , articulé notamment autour de la mise en oeuvre du SI commun, de la production et l'analyse de données et plus généralement de la mise en oeuvre de la Feuille de route MDPH 2022.

Cette mission de pilotage national doit mettre au coeur de ses préoccupations l'harmonisation des pratiques, dans un souci de justice territoriale, tout en prenant en compte la situation particulière de chaque MDPH, en instaurant avec elles un réel dialogue. Les responsables de MDPH entendus par les rapporteurs spéciaux ont unanimement relevé une regrettable évolution de la CNSA vers un pilotage très directif et centré sur la remontée d'indicateurs et la gestion budgétaire .

En tant que pilote du réseau, il incombe également à la CNSA de développer l'offre nationale de formation des agents des MDPH, aujourd'hui lacunaire . Un partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) serait en cours de négociation sur ce point. L'appui juridique aux MDPH pourrait également être renforcé.

C. QUELLE PLACE POUR L'ÉTAT ?

Le rôle de l'État, et plus spécifiquement en son sein de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), reste à clarifier . Financeur de l'AAH, il ne joue pratiquement aucun rôle dans la procédure d'attribution et de service de la prestation. Pour autant, la tendance récente est celle d'un repositionnement de l'État sur la définition des orientations stratégiques de la politique du handicap, et spécifiquement en matière d'AAH.

L'État se propose de développer une compétence d'appui technique aux MDPH, via la création d'une mission nationale de contrôle et d'audit (MNCA) . Celle-ci devait être lancée en 2020 mais n'est toujours pas opérationnelle. Une incertitude demeure sur son financement, ainsi que sur son champ de compétences précis . La question de son articulation avec les actions de pilotage menées par la CNSA reste posée.

LES 13 RECOMMANDATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Fiabiliser et contemporanéiser les estimations du montant total des moyens alloués annuellement aux MDPH par l'ensemble des financeurs.

2. Réformer les dotations nationales aux MDPH en remettant notamment à plat la méthode de valorisation des emplois vacants compensés par l'État.

3. Mener un travail de qualification et de quantification des compétences dont doit disposer une MDPH pour assurer ses missions convenablement, en portant un diagnostic précis sur les effectifs et la composition des équipes pluridisciplinaires dans les MDPH.

4. Évaluer rigoureusement l'action de la « task force » mise en place par la CNSA en faveur des MDPH les plus en difficulté d'ici 2022, afin d'examiner l'opportunité d'une pérennisation voire d'un renforcement de l'enveloppe ponctuelle qui lui a été attribuée.

5. Enrichir les indicateurs du « baromètre MDPH » concernant spécifiquement l'AAH.

6. Mieux accompagner et former les agents à la manipulation des nouveaux outils informatiques.

7. Examiner, à plus long terme, les avantages qui pourraient être tirés du passage à un système d'information unique, en capitalisant sur les acquis du système d'information harmonisé.

8. Associer les MDPH à une démarche d'objectivation des phénomènes de fraudes et de non-recours à l'AAH.

9. Généraliser, dans une logique d' « aller vers » et de lutte contre le non-recours à l'AAH, la mise en place de points d'accueils territorialisés des MDPH.

10. Améliorer l'offre de formation des agents des MDPH, en partenariat avec le CNFPT.

11. Harmoniser les pratiques d'appréciation de la réduction substantielle et durable d'emploi (RSDAE) servant de base à l'instruction des dossiers d'AAH-2.

12. Clarifier la gouvernance, le rôle et les objectifs de la mission nationale de contrôle et d'audit devant être constituée auprès de la DGCS, son niveau et ses modalités de financement, et son articulation avec les missions assurées par la CNSA.

13. Veiller à ce que la remontée de données serve de support à un véritable dialogue individualisé entre la CNSA et la MDPH afin d'en faire un levier d'amélioration de la performance.

PREMIÈRE PARTIE :
LE FINANCEMENT DES MDPH : UN CIRCUIT SIMPLIFIÉ MAIS DES MOYENS ENCORE INSUFFISANTS

I. LES MDPH SONT DES GROUPEMENTS D'INTÉRÊT PUBLIC JOUANT UN RÔLE DÉCISIF DANS L'ATTRIBUTION DE L'AAH

A. UNE GOUVERNANCE PLURIPARTITE DES MDPH, DONNANT UN RÔLE PRÉPONDÉRANT AU CONSEIL DÉPARTEMENTAL

Instituées par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et régies par les articles L. 146-3 à L. 146-12-2 et R. 146-16 à R. 146-44 du code de l'action sociale et des familles , les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont constituées sous forme de groupements d'intérêt public (GIP) dans chaque département.

Les MDPH, aux termes de l'article L. 146-3 précité, exercent « une mission d'accueil, d'information, d'accompagnement et de conseil des personnes handicapées et de leur famille, ainsi que de sensibilisation de tous les citoyens au handicap » .

Elles sont administrées par une commission exécutive présidée par le président du conseil départemental, qui dispose d'une voix prépondérante en cas d'égal partage des voix. Outre son président, la commission exécutive comprend :

- des membres représentant le département, désignés par le président du conseil départemental (50 % des membres) ;

- des représentants des associations de personnes handicapées, désignés par le conseil départemental consultatif des personnes handicapées (25 % des membres) ;

- des représentants de l'État désignés par le préfet de département et par le recteur d'académie compétent (25 % des membres).

Il est par ailleurs à noter que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) , à qui est confiée une mission globale d'animation du réseau, ne participe donc pas stricto sensu à leur gouvernance.

B. BIEN QU'IL S'AGISSE D'UN DISPOSITIF NATIONAL FINANCÉ PAR L'ÉTAT, LA DÉCISION D'ATTRIBUTION DE L'AAH RELÈVE EN PRATIQUE DES MDPH

Les MDPH ont repris les attributions de trois structures préexistantes :

- les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), qui étaient chargées des questions d'emploi, de formation professionnelle et de placement en établissement des adultes handicapés ;

- les commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES), qui s'occupaient de la scolarisation de jeunes handicapés de moins de 20 ans ;

- les sites pour la vie autonome (SVA) qui avaient pour mission d'assurer l'accès aux moyens de compensation que sont les aides techniques et les adaptations du cadre de vie.

Elles permettent ainsi d'offrir, selon les termes de
l'article L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles, « un accès unique aux droits et prestations prévus en faveur des personnes en situation de handicap » , parmi lesquels l'allocation aux adultes handicapés (AAH) .

Cette dernière présente la spécificité d'être financée par l'État via les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » de la mission budgétaire « Solidarité, insertion et égalité des chances » . Représentant un coût de 11,2 milliards d'euros en exécution 2020, l'AAH constitue néanmoins, au plan budgétaire comme en termes de nombre de bénéficiaires, la principale prestation en faveur des personnes handicapées .

L'allocation aux adultes handicapés

Régie par les articles L. 821-1 à L. 821-8 du code de la sécurité sociale , l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est un minimum social versé, sous conditions de ressources, aux personnes handicapées de plus de vingt ans, ou de plus de 16 ans sous certaines conditions. Le montant maximum de la prestation, qui est subsidiaire par rapport à d'autres prestations, comme les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou les avantages vieillesse, est fixé à 903,6 euros . L'AAH peut se cumuler avec des ressources personnelles, y compris des revenus d'activité dans les conditions prévues par le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010 modifiant les modalités d'évaluation des ressources prises en compte pour le calcul des droits à l'allocation aux adultes handicapés et dans la limite d'un plafond annuel (fixé en 2021 à 10 843,2 euros pour une personne seule sans enfant, multiplié par 1,81 pour un couple et majoré de 50 % par enfant à charge).

Afin de bénéficier de l'AAH, la personne handicapée doit être atteinte :

- soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (« AAH 1 ») ;

- soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, et présenter une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RDSAE) ne pouvant être compensée par des mesures d'aménagement du poste du travail (« AAH 2 »).

Évolution des dépenses exécutées d'AAH entre les exercices 2015 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les autres prestations dont les demandes sont instruites par les MDPH sont financées par les départements (prestation de compensation du handicap - PCH, allocation d'éducation de l'enfant handicapé - AEEH...), au titre de leur compétence en matière d'action sociale 1 ( * ) .

Nombre de bénéficiaires des prestations dédiées au handicap (2018)

Source : direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), L'aide et l'action sociales en France - Édition 2020

L'enquête annuelle de la CNSA menée sur un échantillon de 63 MDPH a établi que les demandes d'AAH représentaient 12,7 % des demandes instruites , soit une proportion stable par rapport à celle constatée les années précédentes.

Répartition des demandes déposées en 2019 (échantillon : 63 MDPH)

Source : CNSA, enquête annuelle 2019

Au sein des MDPH, les demandes d'AAH, comme pour les autres prestations, sont instruites par une équipe pluridisciplinaire dont la composition, qui peut varier en fonction des particularités de la situation de la personne handicapée, doit permettre l'évaluation globale des besoins de compensation du handicap quelle que soit la nature de la demande et le type du ou des handicaps. Elle doit ainsi en principe réunir notamment des compétences médicales ou paramédicales ainsi que des compétences dans les domaines de la psychologie, du travail social, de l'emploi et de la formation professionnelle 2 ( * ) .

Les MDPH organisent la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) , qui a pour mission, sur la base des propositions de l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH, de se prononcer sur les demandes de droits des usagers notamment les demandes de l'allocation aux adultes handicapées (AAH).

Comme en matière de revenu de solidarité active (RSA), la prestation est enfin versée à ses bénéficiaires par les caisses d'allocation familiales (CAF) .

Composition de la commission des droits et de l'autonomie
des personnes handicapées (CDAPH)

- 7 membres proposés par le directeur départemental chargé de la cohésion sociale parmi les personnes présentées par les associations de personnes handicapées et de leurs familles ;

- 4 représentants de l'État issus respectivement des directions départementales et régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités 3 ( * ) , du rectorat et de l'agence régionale de santé ;

- 4 représentants du département désignés par le conseil départemental ;

- 2 représentants de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou de la caisse d'allocations familiales (CAF)/mutualité sociale agricole (MSA) ;

- 2 représentants syndicaux ;

- 2 représentants d'organismes gestionnaires d'établissements ;

- 1 membre du Conseil départemental consultatif des personnes handicapées (CDCPH) ;

- 1 représentant d'association de parents d'élèves.

Compte-tenu de la forte augmentation des demandes (voir infra ) entraînant, selon la formule de la Cour des comptes, l'avènement d'un « traitement de masse » 4 ( * ) , les CDAPH se bornent dans la pratique à se prononcer « sur liste », entérinant ainsi sans réelle délibération les propositions de l'équipe pluridisciplinaire .

Il en résulte ainsi une gouvernance très particulière de l'AAH, par ailleurs fortement critiquée par la Cour des comptes, conduisant à ce que :

- le décideur réel - la MDPH - ne soit pas le payeur - l'État ;

- la décision d'attribution d'un droit national - l'AAH - soit décentralisée et puisse ainsi donner lieu à des divergences de pratiques.

Ce hiatus structurel dans la gouvernance des MDPH éclaire les tendances à l'oeuvre quant à l'évolution du pilotage national des MDPH, qui seront décrites dans la troisième partie du présent rapport.

Répartition des rôles en matière d'AAH

Source : Cour des comptes

Pour y remédier, la Cour des comptes a proposé, dans son rapport précité, de donner la majorité des voix en CDAPH à l'État, en tant que financeur, pour toute décision relative à l'AAH. Force est néanmoins de constater qu'une telle décision aurait un effet essentiellement symbolique dans la mesure où seules 2 à 5 % des décisions (tous droits et prestations confondues) donnent véritablement lieu à un examen en séance par la CDAPH et difficile à mettre en pratique puisqu'une même demande peut ne pas porter exclusivement sur l'AAH.

II. UN FINANCEMENT ÉCLATÉ ENTRE L'ÉTAT, LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LES DÉPARTEMENTS, EN VOIE DE SIMPLIFICATION

A. LA PLURALITÉ DES SOURCES DE FINANCEMENTS REND DIFFICILE L'APPRÉCIATION PRÉCISE DES MOYENS GLOBAUX MIS À LA DISPOSITION DES MDPH

Les membres du GIP peuvent contribuer au financement des MDPH de deux manières :

- par le biais de dotations monétaires , qui sont alors retracées dans le budget des MDPH ;

- par le biais de contributions en nature , via la mise à disposition de personnel ou la prise en charge de certaines dépenses de fonctionnement, qui peuvent dans certains cas ne pas être refacturées aux MDPH et donc ne pas figurer dans leurs dépenses de fonctionnement.

D'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux, fondées sur les enquêtes annuelles de la CNSA, le montant des contributions de toute nature aux GIP MDPH s'est élevé à :

- 322 millions d'euros en 2015, dont 195 millions d'euros de dotations monétaires (102 MDPH répondantes) ;

- 328,2 millions d'euros en 2016, dont 211,9 millions d'euros de dotations monétaires (102 MDPH répondantes) ;

- 281,1 millions d'euros en 2017, dont 189,3 millions d'euros de dotations monétaires (92 MDPH répondantes seulement) ;

- 310,1 millions d'euros en 2018, dont 200,8 millions d'euros de dotations monétaires (97 MDPH répondantes) ;

- 307,8 millions d'euros en 2019, dont 197,6 millions d'euros de dotations monétaires (94 MDPH répondantes, données non définitives).

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que s'étonner du fait que les autorités nationales, tributaires des remontées d'informations des différentes MDPH, ne soient pas en capacité de présenter des données annuelles consolidées et exhaustives en la matière .

Les informations fournies ne permettent donc pas d'apprécier avec précision les moyens globaux alloués aux MDPH ni, du fait des variations du nombre de MDPH répondantes aux enquêtes annuelles, d'effectuer des comparaisons à périmètre constant d'un exercice à l'autre . Les dernières données disponibles ne concernent en outre que l'année N-2. Les rapporteurs spéciaux appellent donc à fiabiliser et, dans la mesure du possible, à contemporanéiser les estimations du montant total des moyens alloués annuellement aux MDPH par l'ensemble des financeurs.

Recommandation n° 1 : Fiabiliser et contemporanéiser les estimations du montant total des moyens alloués annuellement aux MDPH par l'ensemble des financeurs.

B. DES FINANCEURS RÉPONDANT À DES LOGIQUES DIFFÉRENTES, PARMI LESQUELS L'ÉTAT DOIT TROUVER SA JUSTE PLACE

1. Les conseils départementaux sont les principaux contributeurs

Les conseils départementaux , dont les présidents président les GIP MDPH, sont aussi les principaux contributeurs à leur financement.

En 2018 5 ( * ) , ces derniers apportaient 43,1 % des contributions de toute nature aux MDPH, contre 35,6 % pour l'État et 20,4 % pour la CNSA.

La contribution des départements, estimée à 133,3 millions d'euros en 2018 se fait essentiellement en nature (77,2 millions d'euros), via la mise à disposition de locaux, de personnels et de services supports. Ainsi, 88 % des MDPH sont hébergées totalement ou en partie dans les locaux des conseils départementaux . En particulier, 74 % des MDPH mutualisent au moins en partie leurs services juridiques avec ceux du conseil départemental. Cette proportion monte à 97 % s'agissant des services informatiques.

Part respective des contributions de toute nature aux MDPH
par contributeur (2018)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

2. La CNSA : une dotation nationale répartie selon des critères paramétriques

En application de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles , la CNSA verse une dotation annuelle aux conseils départementaux au titre de l'installation et du fonctionnement des MDPH.

Son montant, fixé par la CNSA, est revalorisé en fonction des priorités ou des projets nationaux. Il est passé de 68,2 millions d'euros en 2015 à 76,8 millions d'euros en 2020 .

L'article L. 14-10-7 du même code prévoit que cette dotation soit répartie entre les départements selon des modalités définies par décret 6 ( * ) . Auparavant, les paramètres pris en compte se limitaient à la population adulte du département et à son potentiel fiscal.

Ces modalités ont été réformées à compter du 1 er juillet 2021, avec l'introduction :

- d'une part forfaitaire représentant entre 75 % et 90 % de la dotation totale versée au département, calculée en fonction de la population du département , et de laquelle sont déduites la subvention de la CNSA versée au conseil départemental au titre de la PCH ainsi que la valorisation des personnels mis à disposition par l'État dans le département ;

- d'une part variable , calculée en fonction de critères d'activité des MDPH. Sont ainsi pris en compte le nombre de bénéficiaires de la PCH et des décisions relatives à l'orientation de personnes handicapées vers un établissement médico-social, dossiers qui représentent une charge particulièrement lourde pour les instructeurs 7 ( * ) , ainsi que le nombre de bénéficiaires de l'AEEH, qui concerne les enfants en situation de handicap.

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'introduction de critères d'activité , qui, ayant fait l'objet d'une concertation avec la CNSA, l'association des directeurs de MDPH (ADMDPH) et l'association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des départements et métropoles (ANDASS), permettent de refléter plus fidèlement les charges auxquelles font face les MDPH.

Ils appellent à ce que les travaux d'appréciation des charges des MDPH se poursuivent afin d'affiner encore la formule de calcul de la part variable de la dotation nationale .

Les critères liés à l'AAH (et singulièrement à l'AAH-2) pourraient être pris en compte, comme le permet d'ailleurs l'article L. 14-10-7 précité. L'introduction d'un critère tel que le nombre de primo-demandeurs pourrait également être étudié, dans la mesure où une demande formulée par une personne non connue de la MDPH demande plus de temps d'instruction.

Les rapporteurs spéciaux considèrent ainsi que la réforme des dotations nationales qui est en cours doit se poursuivre (voir recommandation n° 2) . Ils relèvent toutefois que la question spécifique de la prise en compte des critères de répartition reposant sur l'activité des MDPH, qui suppose la production de données fiables et harmonisées, va de pair avec celle de la réforme du système d'information , dont il est question en deuxième partie du présent rapport.

3. L'État : une dotation de compensation des postes originellement mis à disposition et devenus vacants, dont le sens est désormais à interroger
a) Une dotation désormais versée par la CNSA

La contribution de l'État au fonctionnement des MDPH est prévue par l'article L. 146-4-2 du code de l'action sociale et des familles .

Celui-ci prenait auparavant la forme d'une subvention financée sur les crédits du programme 157. En application des articles 48 de la loi de finances pour 2017 8 ( * ) et 35 de la loi de financement de sécurité sociale pour 2017 9 ( * ) , celle-ci est depuis 2017 versée directement pour le compte de l'État par la CNSA , qui perçoit en retour une fraction équivalente du prélèvement social sur le capital, qui s'intègre plus largement dans le cadre transferts financiers de l'État à la sécurité sociale. Cette réforme poursuivait un double objectif :

- l'unification, dans un souci de simplification, du versement des dotations nationale aux MDPH ;

- le raccourcissement des délais de versement : en effet, du fait des contraintes liées à la gestion déconcentrée des crédits budgétaires, le premier des deux versements de la dotation n'intervenait qu'entre mars et juillet, parfois au-delà, tandis que le nouveau système permet d'assurer un premier versement au cours du premier trimestre.

b) Une dotation qui vise principalement la compensation des postes originellement mis à disposition et devenus vacants

La subvention ou contribution de l'État aux MDPH, dont le montant et la répartition font l'objet d'un arrêté annuel des ministres en charge des affaires sociales et du budget, comprend :

- un montant forfaitaire annuel correspondant aux moyens consacrés jusqu'en 2005 aux COTOREP, CDES et sites pour la vie autonome ;

- un montant correspondant à la compensation financière des postes mis à disposition par l'État aux MDPH devenus vacants du fait du départ en retraite de certains agents ou de leur demande de réintégration dans leur administration d'origine. Cette composante a vocation à varier chaque année en fonction des mobilités des agents concernés.

Le montant des compensations des postes est encadré par l'instruction n° DGCS/SD3C/2011/132 du 8 avril 2011 relative aux MDPH. Celle-ci fixe un montant forfaitaire de compensation des postes devenus vacants en prenant en compte la catégorie de l'agent et le motif de la mobilité (départ en retraite ou retour à l'administration d'origine).

Trois cas de figures sont à distinguer :

- en cas de départ en retraite, la valorisation est déterminée selon la catégorie à laquelle appartenait l'agent (voir tableau ci-dessous) ;

- en cas de retour dans l'administration d'origine, les postes vacants sont valorisés sur une base forfaitaire de 30 000 euros par an et par poste indépendamment de la catégorie de l'agent parti ;

- pour les contractuels, la compensation est calculée sur la base du montant effectivement payé lors du transfert.

Valorisation des postes mis à disposition par l'État devenus vacants
suite à un départ en retraite

(en euros)

Catégorie

Montant annuel

Catégorie A

62 000

Catégorie B

46 700

Catégorie C

33 000

Source : instruction n° DGCS/SD3C/2011/132 du 8 avril 2011 relative aux MDPH

c) Si le principe d'une contribution de l'État aux MDPH reste indispensable, son sens et partant son mode de calcul doivent être interrogés

Le montant de la contribution de l'État est passé de 67,2 millions d'euros en 2015 à 78,9 millions d'euros en 2020 .

Cette croissance reflète la tendance à la diminution du nombre d'agents mis à la disposition par l'État . Celui-ci a été divisé par cinq entre 2006 et 2019, passant de 1 548 ETP à 228,2 ETP.

Les rapporteurs spéciaux considèrent néanmoins qu'il est nécessaire de s'interroger sur les modalités de calcul de cette dotation , dont les règles de valorisation forfaitaire sont souvent mal comprises par les MDPH et, surtout, dont le sens est de moins en moins évident à mesure que les postes mis à disposition deviennent vacants et que la contribution devient essentiellement monétaire.

Cette logique de compensation au coût historique, avec des modalités de valorisation des postes décorrélées des coûts actuels de recrutement, qui évoque les compensations de transferts de compétences aux collectivités territoriales, semble mal adaptée au financement d'une politique du handicap, et singulièrement d'une politique de l'AAH, dans laquelle l'État s'investit et doit continuer de s'investir, en contribuant à doter les GIP-MDPH - dont il est membre - de moyens suffisants pour être les relais efficaces de son action.

Il resterait à établir comment s'articuleraient, à terme, les deux contributions nationales versées respectivement par l'État et la CNSA. Pourrait par exemple être envisagé un scénario dans lequel un montant global de dotation nationale aux MDPH serait déterminé selon des critères précis, avec une clé de répartition de la charge entre ses deux financeurs .

Recommandation n° 2 : réformer les dotations nationales aux MDPH en remettant notamment à plat la méthode de valorisation des emplois vacants compensés par l'État.

III. UNE RELATIVE STABILITÉ DES DOTATIONS NATIONALES AUX MDPH QUI CONTRASTE AVEC UNE HAUSSE DE L'ACTIVITÉ, APPELANT UN RENFORCEMENT STRUCTUREL DE LEURS MOYENS

A. DES DOTATIONS NATIONALES EN LÉGÈRE AUGMENTATION

Les dotations nationales cumulées (État et CNSA) ont connu une légère augmentation passant de 135 à 153,7 millions d'euros entre 2015 et 2020 .

Évolution des dotations nationales aux MDPH entre 2015 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

Il est cependant à noter que l'évolution de la dotation de l'État n'a en réalité que peu d'impact sur celle des moyens de fonctionnement réels des MDPH puisqu'elle se borne à compenser, imparfaitement comme cela a été montré précédemment, les vacances constatées sur des postes préexistants.

De même, l'augmentation de la dotation de la CNSA sur la période (+ 9 millions d'euros) s'explique pour une bonne part par la nécessité de financer la mise en oeuvre d'un projet national imposé aux MDPH, la « réponse accompagnée pour tous » (+ 6 millions d'euros).

B. UNE HAUSSE CONTINUE DE L'ACTIVITÉ DES MDPH, DONT LA SEULE ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DEMANDES ET DE DÉCISIONS NE SUFFIT PAS À RENDRE COMPTE

L'activité des MDPH a bondi depuis leur création en 2006 et 2018 (+ 170 % des demandes traitées) selon la CNSA . Pour l'année 2019, le nombre total de décisions et avis rendus par les MDPH est ainsi estimé à 4,52 millions.

Évolution du nombre des bénéficiaires de l'AAH

(en nombre de personnes)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

À titre d'exemple, le dynamisme du nombre de bénéficiaires de l'AAH - passé de 1,06 à 1,2 million sur la même période - est notamment porté par celui de l'AAH-2 , dispositif applicable aux personnes dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % (contre un taux supérieur à 80 % pour l'AAH-1). La Cour des comptes a ainsi pu relever qu'en 2017, deux nouveaux allocataires sur trois relevaient de l'AAH-2.

Évolution comparée de l'AAH-1 et de l'AAH-2
entre les mois de juin de chaque année

(en nombre de personnes)

2015/2014

2016/2015

2017/2016

2018/2017

2019/2018

2020/2019

AAH-1

+ 0,51 %

+ 0,07 %

+ 0,46 %

- 0,18 %

+ 1,20 %

+ 0,70 %

AAH-2

+ 4,61 %

+ 5,56 %

+ 7,05 %

- 8,55 %

+ 9,20 %

+ 5,00 %

Source : documents budgétaires

Or, l'instruction de l'AAH-2 suppose un examen de la « réduction substantielle et durable d'accès à l'emploi » (RSDAE) critère multidimensionnel dont l'appréciation est particulièrement complexe et chronophage pour les agents .

Outre l'AAH-2, la prestation de compensation du handicap (PCH) , qui suppose l'établissement d'un plan de compensation global impliquant souvent une visite à domicile et des placements en établissements médico-sociaux de personnes handicapées demandent également un travail d'instruction particulièrement conséquent.

Il en ressort ainsi que de nombreuses MDPH se trouvent en situation de forte tension entre leurs charges et leurs moyens . Selon l'enquête annuelle de la CNSA, 80 MDPH se trouvent en sous-effectif en 2019 . Pour 64 % d'entre elles, celui-ci serait supérieur à 6 % de postes prévus non pourvus (contre 50 % en 2018).

C. LA NÉCESSITÉ D'UN RENFORCEMENT STRUCTUREL DES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS DES MDPH

1. La nécessité d'objectiver les besoins des MDPH en vue de définir une trajectoire d'augmentation de leurs moyens

Face à cet accroissement massif de leur activité, un consensus existe entre les acteurs sur la nécessité de renforcer les moyens des MDPH . Une démarche en ce sens a été engagée dans le cadre de la Feuille de route « MDPH 2022 » .

La feuille de route « MDPH 2022 »

Dans la continuité de la conférence nationale du handicap du 11 février 2020 et de la mission d'appui à la simplification de l'accès aux droits des personnes handicapées, le Secrétariat d'État aux personnes handicapées a souhaité consolider l'ensemble des projets touchant aux MDPH dans une feuille de route « MDPH 2022 » partagée .

Celle-ci est le fruit d'un travail de co-construction avec l'ensemble des acteurs nationaux responsables de la politique publique des MDPH, soit le Secrétariat d'État aux personnes handicapées, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la CNSA d'une part, ainsi que la mobilisation ponctuelle des administrations partenaires d'autre part : direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) , direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), direction de la sécurité sociale (DSS), et caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

La feuille de route comporte 38 projets structurés autour de 5 axes :

1° Adapter les droits et les parcours aux besoins des personnes ;

2° Clarifier l'engagement des acteurs de l'écosystème pour un accompagnement personnalisé, de proximité ;

3° Maîtriser les délais et la qualité de service des MDPH ;

4° Renforcer les moyens d'action des MDPH pour garantir l'équité de traitement ;

5° Assurer un pilotage effectif de la feuille de route au niveau local et national.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Des efforts doivent à ce titre être salués avec notamment la décision de « socler » de façon pérenne une majoration de 15 millions d'euros du montant global de la dotation CNSA à compter de 2021 .

Pour les rapporteurs spéciaux, il convient cependant d'aller plus loin en menant un véritable travail de qualification et de quantification des moyens dont doit disposer une MDPH pour assurer ses missions convenablement . Un tel travail doit notamment faire le point sur les effectifs et la composition des équipes pluridisciplinaires évaluant les demandes , souvent trop réduites pour remplir l'objectif assigné d'analyse globale de la situation des demandeurs.

Dans son rapport précité relatif à l'AAH, la Cour des comptes a relevé que, dans les faits, ces « équipes pluridisciplinaires » étaient dans la majorité des cas limitées à une personne ou à un binôme, souvent constitué au demeurant d'un seul profil évaluateur et complété par un profil administratif, les formations plus larges étaient réservées aux cas les plus complexes. Une part importante des MDPH fait également face à un déficit de compétences pour la constitution des équipes pluridisciplinaires : plus de 40 % des MDPH ne bénéficient pas du concours de psychologues, alors même que les déficiences du psychisme constituent, après les déficiences motrices, les troubles les plus représentés parmi les usagers des MDPH (toutes prestations confondues)

Ainsi, si le renforcement annoncé des moyens est bienvenu, seul un référentiel détaillé des objectifs, des tâches et des charges des MDPH permettrait de déterminer une projection financière objective et soutenable.

Recommandation n° 3 : mener un travail de qualification et de quantification des compétences dont doit disposer une MDPH pour assurer ses missions convenablement, en portant un diagnostic précis sur les effectifs et la composition des équipes pluridisciplinaires dans les MDPH.

2. Un soutien accru doit être apporté aux MDPH les plus en difficulté

Les rapporteurs spéciaux ont en outre pu constater d'importantes inégalités de moyens entre les MDPH eu égard à leurs charges.

Selon la CNSA, pour un montant comparable d'avis et décisions, on constate d'importantes disparités des contributions de toute nature entre structures. Les apports globaux sont compris entre 30,34 euros et 173,1 euros par avis et décision rendus, pour une moyenne à 109,22 euros et une médiane à 75,32 euros.

Des disparités importantes de moyens humains peuvent être constatées. Les écarts vont de 1 ETP travaillé (ETPT) pour 5 128 habitants pour les MDPH à 1 ETPT pour 23 146 habitants selon les départements (hors outre-mer 10 ( * ) ), pour une moyenne de 1 ETPT pour 11 116 habitants en 2019. Si l'on rapporte ces données au nombre de décisions et avis rendus, on constate que 14 MDPH se trouvent dans une situation particulièrement tendue , avec en moyenne entre 1 000 et 1 808,9 décisions et avis par ETP travaillé par an.

Nombre de décisions et avis rendus par ETP travaillé en 2019

(échantillon : 95 MDPH)

Source : CNSA, enquête annuelle 2019

Face à ce constat, la mise en place d'une « task force » de la CNSA en appui aux MDPH les plus en difficulté dans le cadre de la feuille de route « MDPH 2022 » peut également être saluée. Celle-ci est dotée d'un budget d'intervention de 20 millions d'euros sur deux ans (2021-2022).

Ses interventions sont de 4 ordres :

- des réponses aux questions complexes ;

- un appui à la conception et au pilotage de projets ;

- un appui à la mise en oeuvre des projets sur le terrain ;

- un appui à la mobilisation de ressources supplémentaires.

Pour les rapporteurs spéciaux, son action doit être précisément évaluée en vue de mettre en lumière les façons les plus adéquates de soutenir les MDPH les plus en difficulté et de déterminer les moyens pérennes qu'il conviendrait d'allouer à ce type d'interventions.

Recommandation n° 4 : évaluer rigoureusement l'action de la « task force » mise en place par la CNSA en faveur des MDPH les plus en difficulté d'ici 2022, afin d'examiner l'opportunité d'une pérennisation voire d'un renforcement de l'enveloppe ponctuelle qui lui a été attribuée.

DEUXIÈME PARTIE :
EFFACER LES « ANGLES MORTS » QUI SUBSISTENT DANS LA CONNAISSANCE DE L'AAH ET DE SES BÉNÉFICIAIRES

En dépit du coût budgétaire important de l'AAH pour l'État et de son dynamisme, le suivi de cette prestation demeure largement lacunaire , et la population des bénéficiaires et personnes éligibles est insuffisamment connue.

Ce constat étant largement imputable au caractère décentralisé de la prestation , les MDPH pourraient davantage contribuer à effacer les « angles morts » qui subsistent en matière d'AAH.

Deux pistes peuvent ainsi être explorées à cette fin :

- l'enjeu du système d'information des MDPH ;

- l'enjeu de l'association des MDPH à une démarche de lutte contre la fraude et contre le non-recours à la prestation .

I. LE SYSTÈME D'INFORMATION COMMUN : UN « SERPENT DE MER » EN VOIE DE CONCRÉTISATION

A. LE CHANTIER DU SYSTÈME D'INFORMATION HARMONISÉ EST DÉSORMAIS BIEN ENGAGÉ

1. Une obligation légale longtemps restée lettre morte

La bonne connaissance de l'AAH et de ses bénéficiaires, dans un contexte où l'attribution de la prestation est décentralisée, implique une consolidation robuste des données au niveau national , qui suppose elle-même un traitement homogène des mêmes données au niveau de chaque MDPH.

C'est la raison pour laquelle, l'article 88 de la loi précitée du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées , avait expressément prévu la création d'un système d'information commun aux MDPH (articles L. 247-2 à L. 247-4 du code de l'action sociale et des familles), interopérable avec ceux des départements, de la CNAF et de la CNSA, qui permettrait un traitement homogène des données relatives, notamment :

- à l'activité des MDPH et leurs équipes pluridisciplinaires ;

- aux caractéristiques des usagers ;

- aux décisions relatives aux droits et prestations dont l'attribution relève de la CDAPH, parmi lesquels l'AAH.

Le système d'information commun des MDPH : une obligation légale
(articles L. 247-2 à L. 247-4 du code de l'action sociale et des familles)

Art. L. 247-2. - Dans le cadre d'un système d'information organisé par décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les maisons départementales des personnes handicapées transmettent à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, outre les données mentionnées à l'article L. 146-3, des données :

- relatives à leur activité, notamment en matière d'évaluation des besoins, d'instruction des demandes et de mise en oeuvre des décisions prises ;

- relatives à l'activité des équipes pluridisciplinaires et des commissions des droits et de l'autonomie ;

- relatives aux caractéristiques des personnes concernées ;

- agrégées concernant les décisions mentionnées à l'article L. 241-6.

Art. L. 247-3. - Les données agrégées portant sur les versements opérés à la suite d'une décision de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 et sur les caractéristiques de leurs bénéficiaires sont transmises par les organismes en charge de ces prestations au ministre chargé des personnes handicapées dans des conditions fixées par décret.

Art. L. 247-4. - Les informations individuelles relatives aux personnes concernées par les décisions de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 relatives aux prestations versées suite à ces décisions sont transmises au ministre chargé des personnes handicapées, dans des conditions fixées par voie réglementaire, à des fins de constitution d'échantillons statistiquement représentatifs en vue de l'étude des situations et des parcours d'insertion des personnes figurant dans ces échantillons, dans le respect des dispositions de l'article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques et des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Source : code de l'action sociale et des familles

Cette obligation est cependant restée lettre morte durant près de 15 ans , ce qui s'explique notamment par le fait que les départements font appel à des éditeurs de logiciels distincts pour leurs propres systèmes d'information, lesquels sont bien souvent imbriqués avec ceux des MDPH, rendant complexe l'unification des systèmes d'information.

Dans son rapport relatif à l'AAH, la Cour des comptes est allée jusqu'à recommander de sanctionner financièrement , dans le cadre des relations conventionnelles avec la CNSA, l'absence de mise en oeuvre par les MDPH de leurs obligations légales en matière de suivi statistique, par exemple par un mécanisme de retenue financière. Si l'enjeu du système d'information doit constituer une priorité, une telle solution ne semble pas souhaitable : elle reviendrait à faire peser une contrainte supplémentaire sur les seules MDPH, dont l'activité s'est complexifiée au cours des dernières années du fait, notamment, de l'augmentation du nombre des demandes et d'une volonté d'individualisation croissante dans le traitement des situations. Or, ce sont bien les autorités nationales, l'État et la CNSA, qui doivent prendre leurs responsabilités pour impulser une telle transformation.

2. Des avancées encourageantes
a) À défaut d'un système d'information unique, le choix d'un système d'information harmonisé

Force est cependant de constater que des avancées encourageantes ont pu être constatées ces dernières années.

Ainsi, la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a attribué à la CNSA une mission de conception et de mise en oeuvre d'un SI commun aux MDPH. Dans le cadre de cette nouvelle mission, la CNSA s'est dotée d'une cellule dédiée à la mise en place de ce système d'information commun aux MDPH et a mis en place un programme de déploiement spécifique . Ce programme a pour ambition de mettre en place un système d'information commun à l'ensemble des MDPH conformément à la loi mais également d'outiller les MDPH pour améliorer le service qu'elles rendent aux usagers et faciliter le pilotage de leur activité afin de gagner en performance et en qualité de traitement des situations.

La solution retenue n'est toutefois pas celle d'un véritable système d'information unique, mais d'un système d'information harmonisé (SIH) dans lequel chaque MDPH pourrait préserver son propre système d'information et conserver son éditeur. Les départements sont toutefois pleinement engagés dans la démarche, et un accord de méthode a été signé en ce sens entre l'État et l'Assemblée des départements de France le 11 février 2020 aux termes duquel « L'État et les départements s'engagent résolument à soutenir le déploiement du système d'information des MDPH et à en faire une priorité structurante » 11 ( * ) .

Le chantier d'harmonisation se déploie dans trois directions :

- l'harmonisation des systèmes d'information de gestion des demandes, du dépôt jusqu'à la notification des droits (dit « tronc commun » ) ;

- l'harmonisation des échanges de données de la MDPH avec ses partenaires : caisses d'allocations familiales (CAF), service public de l'emploi (SPE), Éducation nationale, établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS).

- le dépôt des demandes en ligne .

b) Un déploiement progressif, par palier successifs

Ce déploiement s'effectue en outre par paliers successifs, qui correspondent à un périmètre de fonctionnalités défini en amont et identique pour chaque MDPH .

Le « palier 1 » est déjà largement déployé. Il intègre :

- une première version du tronc commun, mise en place par 99 MDPH à date ;

- un système de suivi des orientations en ESMS (96 MDPH) ;

- un système de dématérialisation des échanges avec les CAF pour ce qui concerne l'identification des personnes (78 MDPH), les flux de données relatifs aux mises à jour pour le maintien des droits (53 MDPH) et ceux relatifs aux dépôts de demandes (8 MDPH).

Lancé fin 2020, le « palier 2 » intègre de nouvelles fonctionnalités :

- dans le cadre du tronc commun (gestion des recours administratifs et contentieux...) ;

- en matière d'échanges avec les partenaires (transmissions automatisées des décisions entre les MDPH et les agences Pôle emploi...) ;

- une solution d'interopérabilité entre le SIH et le télé-service « MDPH en ligne » proposé par la CNSA et permettant la dématérialisation du dépôt des formulaires de demandes, déjà mis en place par 55 MDPH (sur 69 volontaires).

B. PREMIERS RÉSULTATS ET PERSPECTIVES DU SYSTÈME D'INFORMATION HARMONISÉ

a) La mise en place de nouveaux outils de pilotage, qui ne remplissent pas encore pleinement l'objectif de meilleure connaissance des bénéficiaires de l'AAH

Le chantier du SIH, malgré certains retards, a d'ores et déjà permis le lancement de nouveaux dispositifs de pilotage de nature à améliorer la connaissance des droits et prestations gérées par les MDPH et la transparence sur leur activité.

En particulier, son déploiement a permis la mise en place d'un « centre de données » permettant de consolider, au niveau national, les données issues des solutions harmonisées du SIH. À ce jour, 79 MDPH ont transmis un flux de données au centre de données depuis leur système d'information L'objectif en 2021 est une alimentation du centre de données pour l'intégralité des départements, et son exploitation en routine .

Le SIH alimente en outre d'ores et déjà le baromètre des MDPH mis en ligne par la CNSA depuis octobre 2020 et mis à jour régulièrement. À ce stade, ce baromètre comporte des données disponibles par MDPH, articulées autour de 5 thèmes :

- les décisions d'attribution sans limitation de durée des différentes prestations ;

- la scolarisation des enfants handicapés ;

- les délais de traitement des demandes ;

- l'intensité de l'activité des MDPH (nombre de décisions et d'avis) ;

- la mesure de la satisfaction des personnes et des familles.

Pour autant, les informations publiées sont encore lacunaires pour ce qui concerne spécifiquement l'AAH. Aussi, si les jeux de données relatifs aux décisions d'attribution sans limitation de durée et aux délais de traitement des demandes permettent bien d'isoler les décisions en matière d'AAH, il n'en va pas de même concernant le nombre total de décisions.

La distinction entre primo-demandeurs des dossiers de renouvellements mériterait également d'être intégrée avec, spécifiquement pour les renouvellements, une déclinaison selon les prestations.

L'exploitation de telles données trouverait des applications très utiles , notamment :

- pour enrichir la maquette de performance du programme 157 , dont l'indicateur 1.1 se limite aujourd'hui à des objectifs en matière d'écarts types des taux de départements sur les attributions et renouvellements d'AAH, sans intégrer, par exemple, la question des délais de traitement ;

- pour améliorer la mesure de l'activité des MDPH prise en compte dans le cadre du calcul de la part variable de leur dotation (voir supra ).

Recommandation n°5 : enrichir les indicateurs du « baromètre MDPH » concernant spécifiquement l'AAH.

b) La question du passage à un système d'information véritablement commun

S'il est essentiel de mener à bien ce projet rapidement, il convient cependant de prendre en compte les complexités que ce processus d'harmonisation induit dans le travail quotidien des personnels et les besoins de formation qu'il appelle : ces chantiers successifs sont menés dans un contexte de forte tension sur les équipes (voir supra ), et la démarche d'appropriation des nouveaux outils vient s'ajouter à une charge de travail d'instruction déjà lourde et croissante. Ces dimensions sont souvent négligées par l'État et la CNSA, malgré la constitution au sein de cette dernière d'une cellule dédiée : ils doivent ainsi s'efforcer de mieux prendre en compte les contraintes opérationnelles concrètes liées à la mise en place du SIH, sans renier l'objectif d'un déploiement rapide de ce dernier.

Pour cette raison, les rapporteurs spéciaux appellent à un renforcement significatif de l'effort de formation des agents pour favoriser l'appropriation des évolutions de process et nouvelles fonctionnalités induits SIH.

Recommandation n° 6 : mieux accompagner et former les agents à la manipulation des nouveaux outils informatiques.

L'option du SIH par opposition à un système d'information unique peut cependant, à certains égards, être assimilée à un pis-aller .

Cette option emporte un certain nombre de difficultés techniques, et en particulier celle de faire mettre en oeuvre la moindre modification réglementaire - or celles-ci sont nombreuses - par l'ensemble des éditeurs de logiciels.

Pour cette raison, les rapporteurs spéciaux tendent à considérer que la mise en place d'un système d'information unique aux MDPH aurait pu d'emblée être recherchée . Une telle option a par exemple été retenue s'agissant des missions locales , avec le développement depuis 2015 du système i-Milo.

Il y a de surcroît toutes les raisons de penser qu'un système d'information véritablement unifié permettrait d'aller plus loin et d'être plus efficace dans l'échange et l'exploitation des données relatives à l'activité des MDPH et à leurs usagers.

Eu égard aux contraintes mentionnées supra , l'ouverture brutale et rapide d'un chantier d'une telle ampleur paraît cependant peu opportune. Il semble toutefois souhaitable d'examiner plus précisément les bénéfices qui pourraient être retirés du passage à un système d'information véritablement unique, en capitalisant sur les acquis du SIH et en prenant en compte, dès sa conception, les besoins d'accompagnement et de formation qu'il induirait.

Recommandation n° 7 Examiner, à plus long terme, les avantages qui pourraient être tirés du passage à un système d'information unique, en capitalisant sur les acquis du système d'information harmonisé.

II. L'OBJECTIVATION DES PHÉNOMÈNES DE FRAUDE ET LA LUTTE CONTRE LE NON-RECOURS À L'AAH : DES MISSIONS À DÉVELOPPER

A. LA FRAUDE À L'AAH : DES INCONNUES À LEVER

Les missions des MDPH, clairement énoncées par
l'article L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles, n'incluent pas la lutte contre la fraude.

La mission de lutte contre le recours frauduleux aux prestations relève principalement des organismes payeurs, soit les CAF s'agissant de l'AAH, qui, dans le cadre de l'organisation du contrôle d'effectivité de leur prestation, peuvent suspecter un recours frauduleux.

En 2018, 40 662 contrôles de ce type ont été menés par les CAF et ont révélé des situations d'indus dans 18 % des cas, représentant 3,8 millions d'euros. Des recouvrements d'indus ont été effectués pour un montant de 1,4 million d'euros. La CNAF estime donc que l'AAH ne représente pas une prestation à fort risque de fraude. Les indus frauduleux sont estimés (à partir d'une extrapolation des contrôles réalisés) dans un intervalle compris entre 31 millions d'euros et 123 millions d'euros 12 ( * ) . Par comparaison, les indus frauduleux du revenu de solidarité active (RSA) sont estimés entre 811 millions d'euros et 1 164 millions d'euros.

La Cour des comptes pointe cependant un « angle mort » en matière de lutte contre la fraude, dans la mesure où les CAF n'axent leurs contrôles que sur la vérification des conditions de ressources et non sur l'éligibilité, qui relève des MDPH. Il y a tout de même lieu de rappeler qu'il appartient à l'équipe pluridisciplinaire d'assurer un travail de vérification de la cohérence des éléments transmis ou recueillis complété par une rencontre avec la personne quand une incohérence apparaît exister et qu'en tout état de cause les propositions sont faites sur la base des éléments constatés et pas seulement sur les éléments reçus. En outre, les CAF ont la possibilité de saisir la MDPH à des fins de nouvel examen de la situation du demandeur 13 ( * ) .

Si le phénomène de dépôt de demandes frauduleuses reste marginal selon les acteurs entendus par les rapporteurs spéciaux, son objectivation constitue bien un axe d'amélioration de la gestion de l'AAH par les MDPH (voir recommandation n° 8).

B. LA LUTTE CONTRE LES PHÉNOMÈNES DE NON-RECOURS NE DOIT PAS ÊTRE PERDUE DE VUE

a) Comme en matière de fraude, la nécessité d'un travail d'objectivation des phénomènes de non-recours à l'AAH

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'objectif, légitime, de lutte contre la fraude doit avoir pour corollaire, dans une même logique de juste accès au droit, la lutte contre les phénomènes de non-recours.

Là encore, ces phénomènes complexes doivent être mieux objectivés et appréhendés . Les différentes études ont en effet montré que les déterminants du non-recours aux prestations sociales sont nombreux. Ils tiennent principalement à un manque d'information sur la prestation ou sur les conditions d'éligibilité, aux procédures complexes et à une volonté d'autonomie des personnes (souhait de s'en sortir soi-même, refus de dépendre de l'aide sociale et d'être considéré comme un « assisté », volonté de ne pas rendre des comptes ou de faire l'objet de contrôle...).

Le RSA a fait l'objet d'une étude en 2012, qui a évalué à environ un tiers des personnes éligibles le non-recours au RSA « socle » 14 ( * ) , et qui ne trouve pas d'équivalent pour l'AAH.

Les associations jouent un rôle très important dans la diffusion des informations à l'AAH, comme l'ont souligné les autorités nationales entendues par les rapporteurs spéciaux, qui n'identifient ainsi pas de risque majeur de non recours à l'AAH. Pourtant, ce sont ces mêmes associations qui, dans le cadre de leur audition, ont alerté les rapporteurs spéciaux sur la nécessité de renforcer les missions d'information et d'accompagnement des MDPH pour favoriser l'accès aux droits. L'argument parfois employé selon lequel le dynamisme de l'AAH prouve un taux de recours satisfaisant n'est pas parfaitement convainquant : l'exemple du RSA atteste en outre qu'un fort dynamisme de la prestation ne signifie pas en soi l'absence de non-recours.

En tout état de cause, l'association des MDPH à une démarche d'objectivation des phénomènes de non-recours à l'AAH, au même titre que ceux liés à la fraude, participerait d'une meilleure connaissance de la prestation.

Recommandation n° 8 : associer les MDPH à une démarche d'objectivation des phénomènes de fraudes et de non-recours à l'AAH.

b) Lutter contre le non-recours à l'AAH en renforçant la mission d'information des MDPH

La lutte contre le non-recours découle directement des missions légales d'information et d'accompagnement qui incombent aux MDPH.

L'un des principaux leviers de lutte contre le non-recours identifié est le développement de la territorialisation des accueils des MDPH.

Selon la CNSA, 65 MDPH disposent de points d'accueil dans les territoires et les bassins de vie , via l'installation d'antennes de la MDPH ou l'organisation d'une permanence au sein de structures territoriales relais, comme les antennes polyvalentes des départements ou les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS). Le déploiement des Maisons France services constitue également une opportunité de renforcement de la présence des MDPH sur le territoire.

Nombre de lieux d'accueils et d'information dont dispose la MDPH
dans le département (échantillon : 96 MDPH)

Source : CNSA, enquête annuelle 2019

Constatant que près d'un tiers des MDPH ne se sont pas inscrites dans une telle démarche de territorialisation de leur activité d'accueil et d'information, les rapporteurs spéciaux considèrent que cette démarche doit être amplifiée et généralisée.

Recommandation n° 9 : généraliser, dans une logique d' « aller vers » et de lutte contre le non-recours à l'AAH, la mise en place de points d'accueils territorialisés des MDPH.

TROISIÈME PARTIE :
POUR UNE HARMONISATION DES PRATIQUES DES MDPH EN MATIÈRE D'AAH GRÂCE À UN PILOTAGE RENFORCÉ, CLARIFIÉ, ET PARTENARIAL

I. UN CONSTAT PERSISTANT : LES IMPORTANTES DISPARITÉS TERRITORIALES DE PRATIQUES ET DE RÉSULTATS ENTRE MDPH

La nécessité de résorber les disparités de pratiques constatées entre MDPH pour ce qui concerne l'attribution de l'AAH est partagée par l'ensemble des acteurs . Les principales disparités concernent :

- les délais de traitement des demandes ;

- les divergences de pratiques en matière d'attribution de l'AAH .

A. LA DURÉE RÉGLEMENTAIRE DE TRAITEMENT DES DOSSIERS, FIXÉE À 4 MOIS, EST INÉGALEMENT RESPECTÉE

L'article R. 241-33 du code de l'action sociale et des familles fixe à 4 mois la durée réglementaire de traitement des demandes par la MDPH. Ce délai correspond à la durée entre le moment où la demande déposée par l'usager est jugée recevable et la date de la décision ou de l'avis rendu.

Toutes demandes confondues, le délai moyen de traitement des demandes est de 4 mois et 21 jours en 2019, soit légèrement au-dessus de l'objectif.

Pour ce qui concerne spécifiquement l'AAH, il est encore légèrement inférieur tout en restant au-dessus de l'objectif, à 4 mois et 7 jours .

Cependant, comme le met en évidence le baromètre des MDPH mis en ligne par la CNSA, ce résultat moyen masque d' importantes variations selon les départements , le délai moyen des demandes d'AAH allant de 1,9 mois (Meuse) à 12,8 mois (Aube). Surtout, seules 36 MDPH affichent un délai de traitement inférieur à 4 mois, soit 42,3 % des 85 MDPH pour lesquelles les données sont disponibles sur le baromètre .

Part des MDPH respectant le délai de 4 mois pour leurs décisions relatives à l'AAH (échantillon : 85 MDPH)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le baromètre MDPH

Les délais excessifs sont considérés comme l'un des principaux déterminants de l'insatisfaction des usagers 15 ( * ) , raison pour laquelle l'instauration d'une « garantie délai » de 4 mois constitue l'un des engagements majeurs de la conférence nationale du handicap du 11 février 2020. Celle-ci s'est traduite dans plusieurs projets de la feuille de route « MDPH 2022» qui se fixe pour objectif :

- le lancement d'un travail de diagnostic des processus internes dans toutes les MDPH qui ne l'ont pas encore fait ;

- l'amélioration, grâce à des travaux de la CNSA, de la connaissance des bonnes pratiques d'évaluation , des circuits optimisés de traitement et l' outillage de l'évaluation afin de permettre aux MDPH de gagner du temps sans perdre de qualité ;

- une montée en compétence sur le pilotage des flux et des stocks.

L'amélioration des délais de traitement passe en outre par une simplification des procédures. Sur ce point également, des avancées peuvent être constatées, notamment avec le développement des possibilités de prorogations de droits sans limitation de durée 16 ( * ) et d'assouplissement des démarches de demande 17 ( * ) .

L'attribution de l'AAH sans limitation de durée

L'attribution des « droits à vie » pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'amélioration constitue une priorité d'action identifiée par la conférence nationale du handicap du 11 février 2020 pour simplifier la vie des personnes handicapées.

En matière d'AAH, cet engagement se traduit par l'article R. 821-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du 30 décembre 2019 relatif à la prorogation de droits sans limitation de durée pour les personnes handicapées qui dispose que l'AAH, qui est en principe octroyée pour une période fixée comprise entre un et dix ans, est attribuée sans limitation de durée à toute personne qui satisfait les deux critères cumulatifs suivants :

- un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % ;

- des limitations d'activité qui ne sont pas susceptibles d'évolution favorable, compte tenu des données de la science.

Les rapporteurs spéciaux ont constaté une réelle volonté des autorités nationales de progresser sur la question des délais de traitement des demandes d'AAH, objectif qui doit être concilié avec la préservation de la qualité de l'instruction et des décisions. Ils seront donc vigilants quant aux résultats de la feuille de route « MDPH 2022 » sur ce point .

B. DES DISPARITÉS IMPORTANTES PEUVENT ÊTRE CONSTATÉES EN MATIÈRE D'ATTRIBUTION DE L'AAH

Si le taux moyen national d'attribution rapporté aux nombre de demandes est estimé par la CNSA est de 68 % en 2017, on observe des variations importantes allant de 53 % (Val d'Oise) à 84 % (Haute-Corse) selon les départements 18 ( * ) .

Taux d'accord sur les demandes d'AAH par département en 2017

Source : CNSA

La portée de ces écarts doit quelque peu être nuancée dans la mesure où elle peut s'expliquer par des différences de situation locales identifiées par la DREES 19 ( * ) , liées notamment :

- au nombre d'habitants en âge de percevoir l'AAH dans le département ;

- à la prévalence des handicaps moteur et mental dans la population du département ;

- à des caractéristiques sociodémographiques (état de santé, comportements à risques, âge de la population...) et économiques (niveau de vie des ménages, taux de chômage...).

Ces critères permettent notamment de rendre compte d'une prévalence de l'AAH dans les départements situés dans la partie centrale de la France (Yonne, Nièvre, Allier, Indre, Haute-Vienne, Creuse...).

Ces différences de situations locales ne peuvent cependant qu'expliquer partiellement les disparités constatées . Si des études « optimistes » comme celle de la DREES précitée considèrent qu'elles expliquent à 73 % la prévalence de l'AAH dans un département, sa méthodologie a été critiquée par une étude plus récente, qui aboutit à une proportion quasiment inverse (31 %), et selon laquelle l'essentiel des écarts tiendraient en réalité à des divergences de pratiques des MDPH 20 ( * ) .

Celles-ci peuvent notamment être attribuées à l'évaluation du critère de la réduction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE) conditionnant le bénéfice de l'AAH-2, critère complexe, détaillé à l'article D. 821-1-2 du code de l'action sociale et des familles , laissant une large place à la subjectivité des instructeurs, à plus forte raison lorsque les équipes pluridisciplinaires n'intègrent pas de réelle compétence « emploi » ou que les relations avec les partenaires du service public de l'emploi sont insuffisamment développés. Il demande en effet une appréciation fine de la situation concrète de la personne, en tenant notamment compte de l'adéquation entre son niveau de formation et l'offre d'emploi présente sur le territoire.

En tout état de cause, la maquette de performance du programme 157 , dont l'indicateur 1.1. - le seul indicateur relatif à l'AAH - porte sur les écarts-types pour mille habitants des taux départements des premiers accords d'AAH et des renouvellements d'allocation atteste de la difficulté à résorber ces écarts. Force est en effet de constater que les objectifs ne sont à ce titre pas atteints puisque les écarts-types constatés en 2020 sont respectivement de 3,0 et 3,7, soit un total nettement supérieur aux cibles (respectivement 1,5 et 2,5) et en hausse par rapport à l'année précédente (respectivement 1,5 et 3,3) 21 ( * ) .

II. VERS UN RENFORCEMENT DU PILOTAGE NATIONAL DES MDPH

A. POUR UN PILOTAGE NATIONAL RENFORCÉ

Pour les rapporteurs spéciaux, les enjeux de la réduction des délais de traitement et de la résorption des divergences de pratiques en matière d'AAH, constituent une puissante justification au renforcement du pilotage national des MDPH, dans un double souci de qualité du service public rendu aux usagers et d'égalité de traitement de l'ensemble des citoyens vis-à-vis d'un dispositif national tel que l'AAH .

À ce titre, le déploiement du système d'information harmonisé (voir supra ) doit constituer un levier d'uniformisation des pratiques entre MDPH.

L'enjeu de la clarification de l'appréciation de la RSDAE est également décisif et a constitué une priorité pour les autorités nationales, État comme CNSA avec notamment :

- la publication en 2013 par la CNSA d'un « guide des éligibilités pour les décisions prises dans les MDPH » au sein duquel figure un « arbre de décision » spécifique à la RSDAE, qui illustre au demeurant sa grande complexité (voir infra ) ;

- la publication en 2017 par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) d'un « guide pratique sur l'attribution de l'AAH ».

« Arbre de décision » relatif au critère de réduction substantielle et durable d'accès à l'emploi conditionnant le bénéfice de l'AAH-2

Source : CNSA, Guide des éligibilités pour les décisions prises dans les MPDH, 2013

Enfin, l'enjeu de la formation des équipes pluridisciplinaires a trop longtemps été délaissé. Les MDPH sont dans la pratique contraintes de « bricoler » des formations en interne soit en sollicitant des interventions de spécialistes soit en faisant appel à des prestataires. Il est pour le moins étonnant que, plus de 15 ans après leur création, cette question ne soit pas résolue. Entendue sur ce point, la CNSA a indiqué qu'un travail était en cours avec le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour développer une offre de formation en faveur des agents des MDPH. Les rapporteurs spéciaux appellent ainsi de leurs voeux la concrétisation de cet objectif dans les meilleurs délais.

Cette offre de formation doit notamment se fixer pour objectif de contribuer à harmoniser les pratiques d'appréciation de la RSDAE.

Recommandation n° 10 : améliorer l'offre de formation des agents des MDPH, en partenariat avec le CNFPT.

Recommandation n° 11 : harmoniser les pratiques d'appréciation de la réduction substantielle et durable d'emploi (RSDAE) servant de base à l'instruction des dossiers d'AAH-2.

B. POUR UN PILOTAGE NATIONAL CLARIFIÉ

1. La CNSA : de l'animation du réseau au pilotage des MDPH

La CNSA assure une mission d'animation et d'appui des MDPH grâce notamment à :

- l'organisation de rencontres nationales avec les différents professionnels : directeurs, référents des équipes pluridisciplinaires, aides techniques, spécialistes de l'insertion professionnelle, correspondants scolarisation, spécialistes des affaires juridiques, personnels d'accueil etc. ;

- l'organisation de groupes de travail ;

- la production de guides ;

- la publication d'une lettre d'information bi-mensuelle à destination des MDPH.

L'enjeu pour la CNSA est d'enrichir cette mission vers un pilotage accru, auquel contribuent notamment la mise en oeuvre du système d'information harmonisé et du centre de données en cours de constitution, pour le déploiement desquels la CNSA est en première ligne. Une cellule d'appui dédiée au SIH a par ailleurs été constituée en son sein.

Plus largement, la CNSA assure le pilotage de la feuille de route MDPH 2022 et a conclu à cette fin une convention pluriannuelle avec chaque département en 2020 . L'un des enjeux pour la CNSA, dans le prolongement de ces conventions, est d'être en mesure d'assurer un pilotage territorial actif de leur mise en oeuvre.

La « task force » en faveur des MDPH les plus en difficulté mentionnée supra participe également de ce repositionnement de la CNSA.

Plus généralement, il ressort des auditions conduites par les rapporteurs spéciaux que le rôle d'appui des MDPH pourrait encore être développé, notamment en ce qui concerne l'appui juridique eu égard à l'environnement normatif extrêmement complexe et évolutif au sein duquel les MDPH interviennent.

2. L'État : un rôle à clarifier
a) Une tendance au renforcement du rôle de l'État, qui doit s'articuler avec l'action de la CNSA

Le rôle de l'État, et plus spécifiquement en son sein de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), reste à clarifier .

La supervision de l'État est d'abord d'ordre juridique, avec l'institution dès 2011 dans les services déconcentrés de « référents AAH » départementaux chargés de s'assurer, au sein des CDAPH où ils représentent l'État, de la bonne application du droit d'attribution de l'AAH, et dont l'action est coordonnée par des « référents AAH » régionaux.

La tendance récente est toutefois celle d'un repositionnement de la DGCS sur la définition des orientations stratégiques de la politique du handicap, et spécifiquement en matière d'AAH . Cette évolution peut être en partie être interprétée comme un souci de remédier au hiatus propre à la gouvernance de l'AAH. Il faut en effet rappeler que l'État ne joue pratiquement aucun rôle dans la procédure d'attribution et de service de la prestation, il en reste l'unique financeur (voir supra ).

Le rôle prépondérant de la DGCS dans la conception de la feuille de route « MDPH 2022 » illustre pleinement cette tendance au dépassement de la seule supervision juridique.

Il semblerait qu'un partage efficace des rôles entre la DGCS et la CNSA serait ainsi de confier à la première ce rôle stratégique et de conférer à la seconde un rôle de pilotage opérationnel.

Les deux autorités doivent ainsi constamment veiller à articuler leurs initiatives. Par exemple, pour légitime qu'elle soit, la production de guides juridiques par la DGCS évoquée supra pour ce qui concerne la RSDAE apparaît quelque peu redondante par rapport à celle de la CNSA, et présente le risque d'accroître la complexité des directives nationales.

b) Des incertitudes à lever autour de la mission nationale d'audit et de contrôle des MDPH

Des clarifications sont plus particulièrement attendues concernant la mise en place d'une mission nationale d'audit et de contrôle (MNAC) annoncée dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État 22 ( * ) .

Cette initiative a été fortement appuyée par la Cour des comptes dans son rapport relatif à l'AAH, en s'inspirant de la mission nationale de contrôle des organismes de sécurité sociale - service à compétence nationale placé sous l'égide de la direction de la sécurité sociale 23 ( * ) - et en lui fixant notamment l'objectif de participer au contrôle de l'attribution à bon droit des prestations dans une logique de lutte contre la fraude à l'éligibilité (voir supra ) et en la dotant à cette fin de compétences médicales.

Elle est reprise par l'accord de méthode entre l'État et les départements relatif au pilotage et au fonctionnement des MDPH du 11 février 2020 et constitue à ce titre le 38 ème projet de la feuille de route « MDPH 2022 », qui serait spécifiquement porté par la DGCS. Cet accord prévoit quant à lui que cette mission, dans le cadre d'une gouvernance partagée avec les départements , vise la diffusion du contrôle de la conformité, la culture du contrôle interne et de la maîtrise des risques, sans plus de précisions.

Dans ses réponses au questionnaire qui lui a été adressé, la DGCS a en outre indiqué aux rapporteurs spéciaux qu'une telle mission nationale constituerait un « véritable dispositif d'impulsion et d'appui aux MDPH dans une perspective d'amélioration significative de leurs processus et, partant, des délais de traitement » , missions qui peuvent également à certains égard paraître redondantes par rapport à la mission de pilotage opérationnel incombant à la CNSA, par exemple au titre de la « task force » mise en place en 2021 en appui aux MDPH connaissant les situations de plus forte tension.

Enfin, dans sa note sur l'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » en 2020, la Cour des comptes relève que le lancement de la mission nationale devait, selon l'administration, générer 117 millions d'euros d'économies budgétaires sur les dépenses d'AAH, objectif qui n'avait jusqu'ici jamais été affiché explicitement.

Cet objectif ne s'est cependant pas concrétisé, les travaux de lancement de la MNAC ayant été retardés dans le contexte sanitaire. La MNAC n'a toutefois pas davantage vu le jour en 2021, faute de crédits budgétaire fléchés à sa création. La question de son financement et de ses modalités, qui est liée avec celles de sa gouvernance et de la participation des départements ainsi que du contenu précis de ses attributions, doit donc être tranchée. Les rapporteurs spéciaux considèrent que ces clarifications doivent intervenir au plus vite, et en tout état de cause d'ici au projet de loi de finances pour 2022.

Il convient cependant de noter qu'une telle MNAC ne pourra jamais, à elle seule, se substituer à l'exigence d'un renforcement du contrôle interne de chaque MDPH. La DGCS estime en effet que seulement un tiers des MDPH ont institué leur propre dispositif de contrôle interne à ce jour.

Recommandation n° 12 : clarifier la gouvernance, le rôle et les objectifs de la mission nationale de contrôle et d'audit devant être constituée auprès de la DGCS, son niveau et ses modalités de financement, et son articulation avec les missions assurées par la CNSA.

C. POUR UN PILOTAGE NATIONAL PLUS PARTENARIAL

Ce renforcement du pilotage national des MDPH que les rapporteurs spéciaux appellent de leurs voeux doit mettre au coeur de ses préoccupations l'harmonisation des pratiques, dans un souci de justice territoriale, tout en prenant en compte la situation particulière de chaque MDPH , en instaurant avec elles un réel dialogue.

Les responsables de MDPH entendus par les rapporteurs spéciaux ont unanimement relevé une regrettable évolution de l'État et de la CNSA vers un pilotage très directif, centré sur la remontée d'indicateurs et la gestion budgétaire .

Cette exigence de transparence et de travail sur les données est bienvenue puisqu'elle participe d'un nécessaire renforcement de la connaissance de l'AAH et de ses bénéficiaires.

Trop souvent, cette remontée d'information ne s'accompagne pas d'un retour suffisant sur leur usage et les moyens de s'en servir pour améliorer la gestion interne des MDPH. Pour les rapporteurs spéciaux, il convient donc, dans une logique moins directive et plus partenariale, de veiller à ce que la remontée de données serve de support à un véritable dialogue individualisé entre la CNSA et la MDPH afin d'en faire un levier d'amélioration de la performance.

Recommandation n° 13 : veiller à ce que la remontée de données serve de support à un véritable dialogue individualisé entre la CNSA et la MDPH afin d'en faire un levier d'amélioration de la performance.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juillet 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

M. Claude Raynal, président . - Nous poursuivons la restitution des travaux de contrôle de notre commission avec la présentation du contrôle budgétaire sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés mené par les rapporteurs spéciaux Arnaud Bazin et Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Nous vous présentons ce matin, avec Arnaud Bazin, les principales conclusions de nos travaux de contrôle budgétaire sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées - les MDPH - dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés - l'AAH.

Pour mémoire, l'AAH est un minimum social attribué sous conditions de ressources à des personnes en situation de handicap. Comme pour le RSA, l'instruction des dossiers est décentralisée, à ceci près que cette tâche essentielle n'est pas confiée aux départements mais - depuis la loi « Handicap » de 2005 - aux MDPH. Son attribution est ensuite entérinée en commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et son service est assuré par les caisses d'allocations familiales (CAF). Toutefois, à l'inverse du revenu de solidarité active (RSA), le dispositif reste financé par le budget de l'État et la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Il en résulte donc une architecture institutionnelle originale, dans laquelle l'État se cantonne quelque peu au rôle de payeur. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé intéressant de nous pencher sur la part qu'y prennent les MDPH, une part décisive puisqu'elle détermine dans la pratique l'attribution de la prestation.

À ce titre, le premier constat que nous portons est celui d'un financement complexe des MDPH, et surtout d'un niveau insuffisant.

Les groupements d'intérêt public que sont les MDPH ont trois principales sources de financement : le département pour 43 %, l'État pour 35 % et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour 20 %. Cela représente un montant total de contributions d'un peu plus de 300 millions d'euros par an.

Je précise que la contribution de l'État au fonctionnement des MDPH, qui se limite à compenser les vacances des postes qui avaient été mis à leur disposition lors de leur création, est versée depuis 2017 par la CNSA.

Du côté des départements, les contraintes financières que l'État a imposées sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont forcément rendu plus complexe tout renforcement de leur contribution aux MDPH.

En tout état de cause, il ressort des entretiens que nous avons menés que la relative stabilité des concours nationaux aux MDPH est bien insuffisante pour leur permettre de faire face à la hausse massive de leur activité dans des conditions satisfaisantes. À titre d'exemple, le nombre de bénéficiaires de l'AAH a progressé de 15 % en seulement 5 ans. Tous dispositifs confondus, on constate même une hausse de 70 % du nombre des demandes depuis 2006.

Le seul constat de l'évolution du nombre de demandes est de surcroît insuffisant pour apprécier la charge réelle des services des MDPH. Une demande d'AAH n'en vaut pas forcément une autre. Je pense par exemple aux demandes d'AAH-2, le volet de la prestation - particulièrement dynamique au demeurant - réservé aux personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, mais justifiant d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Ce critère de « RSDAE » pose d'importantes difficultés d'appréciation, et est à ce titre particulièrement chronophage pour les instructeurs. Encore faut-il d'ailleurs que ces derniers soient en mesure d'expertiser convenablement un critère d'accès à l'emploi...En effet, en dépit de la lettre de la loi, qui impose que l'instruction des demandes soit effectuée par une équipe pluridisciplinaire capable de croiser différentes expertises, ces équipes sont dans les faits souvent réduites à peau de chagrin. Certaines MDPH n'ont même pas un ETP complet de médecin !

Les MDPH sont dans le même temps confrontées à une forte pression pour tenir le délai légal de traitement des demandes, fixé à 4 mois. De fortes disparités peuvent être constatées à cet égard : le délai moyen au niveau national était estimé en 2019 à 4 mois et 7 jours, soit à peine au-dessus du délai légal fixé à 4 mois, mais l'on observe des variations selon les départements allant de 2 mois à plus d'un an.

Au vu de tous ces éléments, il est indispensable que soit mené un travail de qualification et de quantification des compétences dont doit disposer une MDPH pour assurer ses missions convenablement, en portant un diagnostic précis sur les effectifs et la composition des équipes pluridisciplinaires dans les MDPH.

L'augmentation annoncée de 15 millions d'euros de la dotation de la CNSA va naturellement dans le bon sens, mais l'effort devra sans doute être amplifié si l'on veut que l'objectif affiché d'appréciation globale de la situation des personnes dans un délai raisonnable ne soit plus un slogan mais bien une réalité pour tous les usagers.

La mise en place d'une « task force » en faveur des MDPH les plus en difficulté et dotée d'un budget d'intervention de 20 millions d'euros sur deux ans est également à saluer. Il faudra mener une évaluation rigoureuse de ses résultats, afin d'envisager une pérennisation, voire un renforcement de l'enveloppe ponctuelle qui lui a été attribuée.

S'agissant enfin de la contribution de l'État, il convient sans doute de se demander s'il n'est pas temps de remettre à plat les critères posés en 2006 pour valoriser les vacances de postes à compenser, et plus fondamentalement sur le sens de cette compensation quand tous les postes transférés à l'époque de la création des MDPH auront disparu. L'État doit, nous semble-t-il, sortir d'une logique de compensation au coût historique pour s'investir pleinement dans la politique du handicap et singulièrement dans la politique de l'AAH, en contribuant à doter les MDPH de moyens suffisants pour être les relais efficace de son action.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Nous n'avons également pas manqué d'être frappés, dans le cadre de nos travaux, par la connaissance très imparfaite que nous avons de l'AAH et de ses bénéficiaires, alors même que celle-ci représente une dépense de plus de 11 milliards d'euros, par ailleurs très dynamique.

Nous avons trop longtemps laissé perdurer une situation dans laquelle chaque MDPH pouvait disposer de son propre système d'information, en dépit de l'obligation légale clairement posée en 2005 tendant à l'institution d'un système d'information commun. Cette situation rendait impossible la remontée d'une information robuste sur les bénéficiaires de l'AAH.

Néanmoins, nous avons eu l'occasion de constater que des progrès certains avaient été accomplis en ce sens, avec la mise en place d'un système d'information qui, à défaut d'être commun, est au moins harmonisé. Celui-ci doit notamment permettre un traitement homogène des données relatives aux demandes et offrir un cadre commun pour les échanges de données entre les MDPH et leurs partenaires, comme les CAF ou encore les établissements médicaux-sociaux.

Le déploiement de ce SI a par ailleurs permis la publication d'un « baromètre MDPH » par la CNSA, qui marque également un progrès en termes de transparence, même si l'outil est à ce jour un peu fruste et ne permet pas d'isoler de façon satisfaisante les données relatives à l'AAH de celles relatives aux autres types de dispositifs instruits par les MDPH.

Ce choix du SI harmonisé n'en reste pas moins source de complexités et nous avons tout de même tendance à considérer, avec Éric Bocquet, qu'un système réellement commun aurait sans doute été préférable. Reste à voir si l'on peut capitaliser sur l'existant pour progresser sur cette voie. En tout état de cause, toute évolution du système devra être pensée pour et avec le point de vue des agents des MDPH, en déployant simultanément un réel effort de formation en leur direction.

La nécessité de s'approprier ces nouveaux outils, parfois à marche forcée et avec une formation minime, s'est en effet imposée aux agents comme une contrainte lourde s'ajoutant à leurs tâches quotidiennes d'instruction. Ces dimensions concrètes sont trop souvent négligées.

Plus largement, il existe un consensus parmi les MDPH pour considérer que l'effort de formation actuellement déployé par la CNSA est largement lacunaire. De réels efforts sont à mener en ce sens, en partenariat avec le CNFPT.

Cet enjeu de la formation m'amène, pour conclure, à vous présenter notre dernière série d'observations, qui porte sur l'animation du réseau et la nécessité de renforcer son pilotage.

La CNSA montre une réelle volonté pour assumer son rôle de pilote du réseau. Elle coordonne à ce titre la feuille de route gouvernementale « MDPH 2022 ».

L'hétérogénéité des pratiques entre MDPH est encore. On peut la constater en matière de délais de traitement, mais aussi en matière de taux d'attribution de l'AAH, et encore davantage en matière d'appréciation du critère de RSDAE. L'harmonisation des pratiques, qui va dans le sens d'une plus grande égalité de traitement entre usagers, justifie donc pleinement un renforcement du pilotage national.

Pour autant, la forme que celui-ci est en train de prendre laisse parfois un peu dubitatif. Les responsables de MDPH que nous avons auditionnés ont été unanimes pour regretter une évolution de la CNSA vers un pilotage très directif et centralisé, focalisé sur la remontée d'indicateurs et les enjeux budgétaires. Il y a une vraie obsession de la donnée, sans que leur partage ne donne lieu à un véritable dialogue individualisé entre la CNSA et la MDPH afin d'en faire un réel levier de progrès d'amélioration de ses performances.

L'État semble de son côté s'efforcer de reprendre quelque peu la main sur l'AAH, en lançant une mission nationale d'audit et de contrôle dont les contours, les objectifs et les moyens semblent encore flous, de même que ses modalités d'articulation avec l'action de la CNSA.

Le renforcement du pilotage ne suffit donc pas, encore faut-il que celui-ci reste clair et - j'ai envie d'ajouter - soit plus partenarial et plus humain et plus efficace.

M. Jean-François Husson, rapporteur général . - Je veux à nouveau remercier les deux rapporteurs. D'après vous qu'est ce qui a pu empêcher la mise en place, pourtant décidée en 2005, d'un système d'information commun ? Au regard de votre connaissance du sujet et de vos expériences personnelles, quels avantages verriez-vous à ce système d'information commun ? Sur ce sujet, je partage le propos conclusif : la donnée ne doit pas être recherchée pour elle-même, et il faut veiller à conserver de l'humanité dans les relations avec les équipes qui travaillent autour de la question du handicap et avec les usagers.

Mme Sylvie Vermeillet. - À mon tour, je souhaite remercier nos deux rapporteurs spéciaux pour cet exposé très intéressant. Je suis frappée par la carte qui est intégrée dans le rapport. Elle fait en effet apparaître des disparités entre départements en matière de traitement des dossiers d'AAH. Quelle est l'origine de ces disparités entre départements, est-ce une question de disparités de moyens humains ?

M. Marc Laménie . - Merci à nos deux rapporteurs qui ont travaillé sur un sujet d'importance. J'ai en mémoire, lorsque je faisais partie de la commission des affaires sociales, un travail qui avait été réalisé en 2010 sur le bilan des MDPH par notre ancien collègue Paul Blanc, et à titre personnel je ne mesure plus réellement leur rôle. Il y a en effet, comme cela a été rappelé par les rapporteurs, trois partenaires financiers sous l'autorité des conseils départementaux. Mes questions sont les suivantes : premièrement, comment se rapprocher, sur le terrain, des demandeurs qui déposent leur dossier ? Ensuite, peut-on quantifier le coût de fonctionnement des MDPH rapporté à leur réelle efficacité?

Mme Sophie Taillé-Polian . - Merci aux deux rapporteurs pour ce travail qui soulève différents éléments qu'il convient de remettre à plat. Ma question rejoint, dans l'esprit, celle de Marc Laménie. Les indicateurs ont certes leur utilité mais se révèlent déconnectés du réel. Ainsi par exemple, de nombreuses MDPH préconisent, après un parcours du combattant des parents, le suivi par des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). On devrait donc aussi mesurer l'effectivité de l'accès aux droits qui sont ouverts par les MDPH. Car si les parents parfois s'interrogent sur un nombre d'heures qui leur semble peu important par rapport au handicap de leur enfant, en réalité pendant l'année scolaire, il n'y a parfois aucun recrutement d'AESH pour assurer cet accompagnement. Cela montre la limite de l'approche par les indicateurs : une fois qu'il y a prescription de droits, quelle est la réalité de leur ouverture ?

M. Michel Canévet . - Je voudrais moi aussi remercier les deux rapporteurs pour leur travail sur ce sujet dont on a beaucoup parlé il y a quelques semaines à l'occasion des échéances qui viennent de s'achever et en effet dans le Finistère on s'apercevait qu'il y avait un délai de traitement particulièrement long, parfois de plus de huit mois. Et j'observe dans le rapport qu'il y a des disparités très fortes en termes de délai de l'ordre de un à six entre les départements. Les rapporteurs ont-ils pu faire une évaluation du nombre de demandes rapporté à la population qui justifierait ces disparités? Par exemple, dans la Meuse est-ce parce qu'il y a moins de demandes que les dossiers sont traités aussi rapidement? Est-ce qu'on a une idée des coûts de traitement des dossiers ? Concernant les personnels, est-ce que la pénurie de médecins entrave le fonctionnement des MDPH ? Je vois que l'une des propositions des rapporteurs est d'aller vers des points d'accueil territorialisés. S'agit-il de se rapprocher des maisons France Service pour proposer sur le territoire une présence ou alors de s'appuyer sur d'autres institutions comme les communes ou communautés de communes ou d'agglomération ? Enfin sur la question des moyens, n'est-il pas temps de se dire qu'il faudrait que ce soit le conseil départemental qui pilote totalement ces MDPH ? On a aujourd'hui le sentiment que des difficultés relationnelles entre les différents acteurs nuisent au pilotage. Sachant que nous sommes dans un domaine où les demandes évoluent fortement et les coûts induits aussi. Il s'agit ici d'une dépense quasi-obligée, qui génère pour l'État des coûts importants, mais justifie que les dépenses publiques augmentent un peu.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial . - Sur le système d'information : il s'agit d'un sujet que nous avons croisé régulièrement au cours de nos travaux ces dernières années. On constate enfin que les choses s'enclenchent : c'est une bonne nouvelle. Il était difficilement compréhensible que nous ne disposions pas de cet outil qui concerne, sur le seul champ de l'AAH, 1,2 million d'allocataires. J'avais du mal à croire que, alors nous avons pu mettre en place le prélèvement à la source pour 38 millions de foyers fiscaux, nous serions dans l'incapacité de mettre en place un système d'information commun pour les MDPH.

Un tel système permet une meilleure connaissance des situations, et constitue donc un outil d'analyse précieux. Il permet également d'objectiver plus finement les disparités entre départements, qui s'expliquent de différentes façons. Par exemple, les effectifs des équipes pluridisciplinaires sont quelque peu à géométrie variable. Il existe d'importantes disparités en matière de formation. On constate enfin des disparités de pratiques, notamment en termes de taux d'attribution, qui ne sont pas acceptables s'agissant d'une politique nationale comme celle de l'AAH.

En réponse à Marc Laménie, le fait de disposer de points d'accueil territorialisés est un atout indéniable pour se rapprocher des demandeurs. Environ deux tiers seulement des MDPH disposent de tels points d'accueil.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je vais m'efforcer de répondre avec ma « double casquette » de rapporteur spécial et d'ancien vice-président aux affaires sociales d'un département d'Île-de-France puis de président. J'étais notamment en charge des affaires sociales au moment de l'institution des MDPH dans mon département, ce qui me permet de répondre au rapporteur général : il n'y a pas pu y avoir d'emblée un système d'information commun pour la seule raison que l'État a placé les départements face à la nécessité de faire sans coordination, et que ceux-ci se sont alors tournés vers différents éditeurs, qui sont encore là aujourd'hui. Ces systèmes d'information MDPH ont en outre souvent des liens avec les systèmes d'information des départements, ce qui a contribué à rendre leur unification complexe.

Pour prolonger le propos d'Éric Bocquet sur les avantages d'un système d'information unique ou au moins harmonisé, je dirais qu'un tel système permet une connaissance plus fiable de l'AAH, une facilité d'interaction avec les autres acteurs, notamment les CAF, et la simplification de la relation à l'usager. Cela peut aussi constituer un levier d'harmonisation des pratiques.

Sylvie Vermeillet nous a interrogés sur les disparités constatées entre les départements : elles reflètent d'abord l'hétérogénéité des départements. Pour avoir siégé plusieurs années au bureau de l'Assemblée des départements de France, je peux affirmer une chose : « autant de départements, autant de situations ». Cela justifie la décentralisation du dispositif, pour mieux prendre en compte la diversité du territoire, à condition bien sûr qu'on puisse toujours garantir une équité de traitement.

Je partage la nécessité exprimée par Marc Laménie de simplification de la communication avec le public. Comme président de département, je m'étais efforcé d'obtenir une simplification de l'expression des notifications de décisions adressées par la MDPH, qui était très complexe. Je me trouvais parfois moi-même en incapacité d'expliquer aux personnes concernées le sens de la décision... Je m'étais cependant heurté à une forte résistance de mon administration, qui craignait que la modification des termes de la notification n'ait pour effet d'ouvrir de nouveaux espaces de contentieux. Il faut donc mettre suffisamment de moyens d'interface pour être en capacité de présenter leurs droits aux personnes le plus clairement possible.

Nous partageons le point de vue exprimé par Sophie Taillé-Polian : les indicateurs ne doivent pas être une obsession. Il y a derrière les chiffres des réalités complexes. La vérification de la bonne activation des droits ouverts par les CDAPH nécessite notamment d'améliorer les relations et les échanges d'informations entre les MPDH et les établissements médico-sociaux.

Michel Canévet a posé une question sur les disparités en termes de délais. Il s'agit de données à manier avec précaution. Certaines décisions simples peuvent être prises très rapidement, tandis que les situations les plus douloureuses, et souvent les plus urgentes, sont évidemment les plus compliquées et leur délai de traitement est plus long. Nous devrions réussir à faire le contraire : traiter prioritairement les demandes émanant des personnes dont la situation est la plus difficile.

La pression en termes de nombre de demandes n'est pas la même selon les départements. Elle est notamment plus forte dans les départements les plus urbanisés.

Il est par ailleurs évident que la pénurie de médecins dans les MDPH et la difficulté de celles-ci à les fidéliser constituent des enjeux importants. Le constat vaut d'ailleurs pour tous les personnels : on observe un « turn-over » important, de la fatigue...

Pour compléter le propos d'Éric Bocquet sur la territorialisation de l'accueil, je dirais qu'à mon sens les centres communaux et intercommunaux d'action sociale restent les partenaires naturels des départements, même si les maisons France services peuvent aussi jouer un rôle.

Sur la question d'un rôle départemental plus affirmé, je noterais qu'en pratique les conseils départementaux, en tant que président des GIP, sont déjà les pilotes des MDPH, notamment en matière de ressources humaines. Il leur manque certaines compétences pour pouvoir exercer un pilotage global, en particulier la compétence « emploi », qui est notamment importante en matière d' « AAH-2 ». Le partenaire État est indispensable dans la chaîne de décision : il faut rappeler que l'AAH représente tout de même 11 milliards d'euros de crédits budgétaires.

La conclusion que j'en tire, c'est que, dans un domaine particulièrement complexe d'un point de vue juridique et de l'organisation administrative, finalement, nous sommes tout de même dans une optique de progrès et d'améliorations. Nous exprimons cependant une nouvelle inquiétude sur l'attitude de l'État au travers de la CNSA, qui est davantage dans le contrôle que dans une volonté d'accompagner et d'impulser ces progrès.

M. Claude Raynal, président . - Je vous remercie.

La commission autorise la publication de la communication des rapporteurs spéciaux sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Maison départementale des personnes handicapées de Paris

- Mme Myriam BOUALI, directrice.

- Mme Sandrine VETRO, responsable du pôle instruction des droits

- M. David LOPEZ, responsable des systèmes d'information et de communication

- Docteur ANDRE, évaluatrice de l'unité médicale du pôle évaluation

- Docteur Nelly DELSAUT, médecin coordonnatrice du pôle évaluation

- Mme Aurélie BERNIER TOREAU, responsable du pôle évaluation

- Mme Cécile LECA, coordonnatrice de l'unité insertion professionnelle du pôle évaluation

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cour des comptes

- M. Michel CLÉMENT, président de la section « Solidarité » de la 5ème chambre, conseiller-maître ;

- M. Mathieu DUFOIX, conseiller référendaire ;

- M. Emmanuel GIANNESINI, conseiller-maître.

Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

- Mme Virginie LASSERRE, directrice générale ;

- M. Jérôme JUMEL, chef du service des politiques sociales et médico-social, adjoint à la directrice générale ;

- M. Anatole PUISEUX, sous-directeur de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées ;

- Mme Catherine MORIN, adjointe au sous-directeur de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées ;

- M. Frédéric CONTE, chef du bureau des droits et des aides à la compensation » ;

- M. Jean DHEROT, adjoint au chef du bureau des minima sociaux

- Mme Manuela OLIVEIRA, chargée de mission « accès au droit des personnes handicapées » du bureau des droits et des aides à la compensation.

Direction interministérielle de la transformation publique (DITP)

- M. Axel RAHOLA, chef du service Accélération des transformations ;

- Mme Isabelle BONNELIE, directrice de projets de transformation au sein du service Accélération des transformations.

Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

- Mme Virginie MAGNANT, directrice ;

- M. Étienne DEGUELLE, directeur adjoint de la compensation de la perte d'autonomie ;

- M. Rémi MANGIN, conseiller technique.

Maison départementale des personnes handicapées de l'Yonne

- M. Louis BEDESSEM-PORTE, directeur

- Mme Isabelle DUMONT, directrice adjointe.

Maison départementale des personnes handicapées de Martinique

- Mme Denise DÉSORMEAUX, directrice ;

- M. Jean-Luc RILOS, directeur adjoint en charge de l'évaluation ;

- M. Teddy PUJAR, responsable du pôle Vie professionnelle.

Association des directeurs de Maisons départementales des personnes handicapées

- M. Dominique LAGRANGE, président ;

- M. Didier MALNOURY, directeur de la Maison départementale des personnes handicapées de l'Aube.

Assemblée des départements de France

- Mme Corine SEGRETAIN, conseillère départementale de la Mayenne.

- M. Jean-Michel RAPINAT, directeur des politiques sociales ;

Table ronde

APF France handicap

- Mme Carole SALERES, conseillère nationale Travail, emploi, formation et ressources.

APAJH, Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés

- M. Jean-Louis LEDUC, directeur général.

UNAPEI, Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis

- M. Luc GATEAU, président ;

- Mme Domitille COTTET, chargée de mission Droit des personnes handicapées et de leurs familles.

Association des accidentés de la vie - Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

- Maître Philippe Karim FELISSI, conseiller.


* 1 Article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 2 Articles L. 146-8 et R. 146-27 du code de l'action sociale et des familles.

* 3 Respectivement des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avant avril 2021.

* 4 Cour des comptes, L'allocation aux adultes handicapés , rapport public thématique, novembre 2019.

* 5 L'année 2018 a été privilégiée à l'année 2019 car l'échantillon retenu dans l'enquête annuelle de la CNSA était plus important.

* 6 Décret du 29 juin 2021, codifié à l'article R.14-10-34 du code de l'action sociale et des familles.

* 7 C'est particulièrement vrai pour la PCH, qui demande l'établissement d'un plan de compensation personnalisé, impliquant souvent une visite à domicile.

* 8 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 9 Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

* 10 Les données ne sont pas communiquées pour certains départements d'outre-mer. Le ratio y est néanmoins nettement supérieur dans certains, cas par exemple à Saint-Pierre et Miquelon (1 ETPT pour 1225 habitants).

* 11 Accord de méthode entre l'État et les départements relatif au fonctionnement et au pilotage des MDPH, 11 février 2020.

* 12 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 13 Article R. 821-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 14 Domingo P. et Pucci M., 2012, « Les non-recourants au RSA », », l'e-ssentiel n° 124, Cnaf, juillet 2012.

* 15 La satisfaction des usagers n'en est pas moins multifactorielle. Mesuré par le baromètre MDPH taux de satisfaction des MDPH atteint en 2019 un score moyen de 73 % et ne présente toutefois pas de corrélation nette avec le délai de traitement des demandes. Ce taux est calculé à partir de la somme de réponses positives à un questionnaire national administré par chaque MDPH comportant deux questions : « dans l'ensemble, est-ce que vous êtes satisfait de la MDPH ? » et « dans l'ensemble, est-ce que vous êtes moyennement satisfait de la MDPH ? ».

* 16 Décret n° 2018-1222 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures de simplification dans le champ du handicap ; décret n° 2019-1501 du 30 décembre 2019 relatif à la prorogation de droits sans limitation de durée pour les personnes handicapées.

* 17 Décret n° 2021-391 du 2 avril 2021 relatif au certificat médical joint à une demande déposée auprès d'une maison départementale des personnes handicapées.

* 18 CNSA, « L'activité des MDPH en matière d'AAH en 2017 », Repères statistiques n°10, août 2018.

* 19 DREES, « L'allocation aux adultes handicapés attribuée dans les départements. Des disparités liées au contexte sociodémographique des territoires », Dossiers solidarité et santé n° 49, décembre 2013.

* 20 Université d'Aix-Marseille (laboratoire population environnement et développement) et centre régional d'études, d'actions et d'informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) PACA et Corse, Géographie de la population en situation de handicap en France métropolitaine, 2018.

* 21 Rapport annuel de performance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020.

* 22 Circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État.

* 23 Arrêté du 9 novembre 2009 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale ».

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