Rapport d'information n° 648 (2021-2022) de M. Henri CABANEL , fait au nom de la MI Culture citoyenne, déposé le 7 juin 2022

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N° 648

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur la redynamisation de la culture citoyenne : Jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer

Président
M. Stéphane PIEDNOIR,

Rapporteur

M. Henri CABANEL,

Sénateurs

(1) Cette mission est composée de : M. Stéphane Piednoir, président ; M. Henri Cabanel, rapporteur ; MM. Jérémy Bacchi, François Bonneau, Jean-Pierre Decool, Thomas Dossus, Mme Martine Filleul, M. Hervé Gillé, Mmes Marie-Pierre Richer, Patricia Schillinger, vice-présidents ; Mme Catherine Belrhiti, M. Philippe Folliot, secrétaires ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, MM. Hussein Bourgi, Olivier Cigolotti, Mmes Laure Darcos, Catherine Di Folco, Sabine Drexler, Laurence Muller-Bronn.

JEUNES ET CITOYENNETÉ :
UNE CULTURE À RÉINVENTER

23 RECOMMANDATIONS
POUR REDYNAMISER LA CULTURE CITOYENNE

AVANT-PROPOS

La notion de citoyenneté, inscrite depuis 1789 au coeur de nos textes fondamentaux, n'est ni univoque, ni figée . Sa conception initiale, profondément liée aux Lumières et à la Révolution, est articulée autour de droits civils et politiques (le citoyen concourt par le vote à l'exercice de la souveraineté nationale) et de devoirs (respecter la loi et défendre la Nation).

Ces droits et devoirs structurent une communauté de citoyens unis par des valeurs et par un avenir partagés , idéal de cohésion sociale qui suppose le respect de chacun et l'« égale dignité de tous » 1 ( * ) , traduits aujourd'hui par le terme de « vivre ensemble ». La transmission de cette notion aux futurs citoyens est au coeur des missions de l'école : « la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l'éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l'égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité » 2 ( * ) .

Initialement réservé à une élite, le droit de vote , en devenant universel, a permis à tous les Français, hommes et femmes, d'accéder à la citoyenneté politique. Depuis la suspension de la conscription, en 1997, les devoirs du citoyen en matière de service national sont les mêmes pour les hommes et les femmes : recensement et journée défense et citoyenneté (JDC).

Au-delà de ce cadre hérité de l'histoire, la citoyenneté est devenue une valeur, voire une vertu : une démarche « citoyenne » intègre désormais des finalités sociales, solidaires et conviviales, ainsi que - cette évolution est plus récente - des préoccupations environnementales. Les « entreprises citoyennes » prennent en compte des considérations écologiques et privilégient une prise de décision collégiale. Les « cafés citoyens » sont des lieux de débats où l'on soutient aussi des solidarités de voisinage. Plus largement, être citoyen, c'est aussi être civique : la citoyenneté a en quelque sorte rejoint au fil du temps une notion proche du savoir-vivre.

La diversité des « rencontres citoyennes » organisées dans de nombreux territoires, à l'initiative de différents acteurs (associations, collectifs spontanés, collectivités territoriales...), sont autant de manifestations d'un engouement certain pour une perception de la citoyenneté qui excède largement le cadre classique de l'élection.

Parallèlement à cet élargissement de la notion, la citoyenneté, de concept théorique, a intégré une dimension concrète à travers l'engagement au service de la collectivité . Depuis la fin de la conscription, la nécessité d'un lien fort entre la jeunesse et la Nation et d'un vecteur de cohésion nationale a inspiré la création de formes diverses de volontariats, civils et militaires. Le besoin d'outils de cohésion sociale a été souligné après les attentats de 2015-2016. De manière générale, l'engagement des jeunes est ainsi devenu une véritable politique publique et un enjeu de cohésion sociale .

Dans toutes ses dimensions, la citoyenneté est aujourd'hui confrontée à des défis majeurs .

Tout d'abord, sa forme traditionnelle s'essouffle d'élection en élection, parallèlement à l' abstention qui progresse à chaque scrutin. L'inquiétude suscitée par les élections de 2021 n'a pas été apaisée par la récente élection présidentielle (28 % d'abstention au second tour en 2022, plus qu'en 2017 (25,4 %). Le Baromètre de la confiance 3 ( * ) traduit en chiffres le fossé qui se creuse entre les Français et les élus, dont on attend une exemplarité rigoureuse. La distance entre les citoyens et le pouvoir politique s'accroît. La capacité des institutions à trouver des solutions face à la crise actuelle, économique et sociale, est régulièrement mise en doute. Le vote se fait « intermittent », en fonction du scrutin, voire contestataire. L'usure liée à la désillusion des citoyens n'est d'ailleurs pas propre à la France.

Ensuite, le « vivre ensemble » auquel renvoie aussi la notion de citoyenneté est confronté aux fractures - sociales, économiques, territoriales, générationnelles - qui affectent une société française « archipélisée » 4 ( * ) . La crise des « gilets jaunes » l'a montré : la devise républicaine ne parvient pas à fédérer ceux qui se considèrent comme des laissés-pour-compte de la République. Le moment de communion intense vécu lors des grands rassemblements qui ont fait suite aux attentats de janvier 2015 semble bien loin : en d'autres termes, « l'esprit du 11 janvier » a rejoint une « mythologie républicaine » que l'on peine à faire vivre au-delà du discours 5 ( * ) .

Enfin, la soumission à une norme commune ne va plus de soi ; la loi se trouve régulièrement mise en cause en tant qu'« expression de la volonté générale ». La crise sanitaire l'a montré à plusieurs reprises : certains ne respectent la règle que s'ils la comprennent et s'ils « y croient », c'est-à-dire si elle rejoint leurs convictions personnelles - ou leur intérêt...

Des paradoxes compliquent l'analyse :

- l'absence d'intérêt pour la politique concerne 42 % des Français 6 ( * ) mais on observe une aspiration à être davantage associé à la prise de décision , comme le relevait en 2018 la mission d'information du Sénat sur la démocratie participative 7 ( * ) . De nouvelles formes de mobilisation apparaissent (forums, sondages et pétitions en ligne...), portées par des technologies « citoyennes ». Les communes sont le lieu privilégié de cette citoyenneté de proximité, donnant raison à l'étymologie ;

- au sein d'une société atomisée, marquée par l'individualisme, le secteur associatif connaît pour sa part une vraie vitalité ; les associations, fortes de leurs millions de bénévoles, sont créditées d'un taux de confiance de 67 % ; plusieurs interlocuteurs de la mission d'information ont commenté la « soif d'engagement » qui caractérise les jeunes ;

- les incivilités , voire les violences contre les élus, atteignent des niveaux inquiétants mais 65 % des Français font confiance aux maires 8 ( * ) .

Ces défis et ces paradoxes appellent à réfléchir à ce qui fonde aujourd'hui la notion de citoyenneté et à s'interroger sur les moyens de la faire vivre concrètement pour rendre possible cet avenir commun qui constitue le socle de la République.

C'est dans ce contexte que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), dans le cadre du droit de tirage reconnu à chaque groupe politique par l'article 6 bis du règlement du Sénat, a demandé la constitution d'une mission d'information ayant pour sujet : « Comment redynamiser la culture citoyenne » ? ».

Le Sénat a désigné les dix-neuf membres titulaires de la mission d'information le 18 novembre 2021. Au cours de la réunion constitutive du 1 er décembre 2021, la mission d'information a désigné son président, Stéphane Piednoir. Elle a pris acte de la nomination d'Henri Cabanel à la fonction de rapporteur, conformément au souhait du groupe RDSE de confier le rapport à l'un de ses membres, et de la participation aux travaux de la mission de deux membres suppléants.

Pour mener à bien ses travaux, la mission d'information a procédé à vingt-sept auditions plénières (dont cinq ont pris la forme de tables rondes), complétées par douze réunions du rapporteur ouvertes à l'ensemble de la mission d'information. Elle a ainsi donné la parole à des interlocuteurs très divers (membres du Gouvernement, élus locaux, universitaires, experts, hauts fonctionnaires, représentants d'associations...).

La mission d'information a abordé la culture citoyenne, qui permet aux citoyens de s'inscrire dans un projet collectif par des références partagées, à travers un « parcours citoyen » qu'elle a souhaité inscrire dans une continuité, dès l'école et à toutes les étapes de la vie. Ce parcours, dans sa logique chronologique, inspire la structure du rapport.

Tout d'abord, la culture citoyenne doit s'appuyer sur un socle de connaissances qui devrait en principe s'acquérir en famille et à l'école. Dans le cadre scolaire , qui fait partie des préoccupations essentielles de la mission d'information, l'acquisition d'une culture citoyenne passe par l'enseignement moral et civique , dont la mission d'information a constaté les limites.

L'éducation à la citoyenneté constitue aussi, en dehors de l'école, une dimension importante des dispositifs d'insertion sociale et professionnelle .

La « fabrique du citoyen » ne se limite pas à l'instruction : la journée défense et citoyenneté , lointaine héritière du service national obligatoire, constitue une étape importante du parcours de citoyenneté. Elle doit retrouver sa vocation initiale de rendez-vous unique, dans la vie d'un jeune, avec les armées et avec tous ceux qui assurent la défense de notre pays.

Ensuite, pour être vivante, la culture citoyenne peut s'incarner dans un engagement dont les modalités peuvent être très diverses, du délégué de classe aux très nombreuses formes de bénévolat : la cohérence des politiques publiques qui encouragent et encadrent l'engagement, dans leur grande diversité 9 ( * ) , doit aujourd'hui être renforcée.

Enfin, la culture citoyenne implique une participation active des citoyens à la décision politique , ce qui passe par une modernisation du processus électoral et une meilleure association des citoyens aux décisions ; pour autant, la mission d'information a acquis la certitude que l'enjeu majeur dans ce domaine, pour que notre démocratie se projette dans l'avenir, est de faire des jeunes de vrais acteurs de la vie démocratique, en commençant par l'échelon local dont la mission d'information a à maintes reprises constaté la pertinence.

La mission d'information a donc souhaité aller à la rencontre de la jeunesse. Dans cet esprit, trois déplacements, inscrits à son agenda en février et mars 2022, ont complété les auditions d'élus, de représentants d'associations et de membres de conseils de jeunes, de métropole comme des outre-mer 10 ( * ) .

À Dunkerque, dans un centre du Service national universel (SNU), elle a rencontré de jeunes volontaires qui ont participé à ce « séjour de cohésion », ainsi que leurs animateurs et encadrants.

Dans le Maine-et-Loire, après une réunion avec des élus qui font vivre la « journée citoyenne », elle a pu mesurer, en visitant un établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide), l'importance de l'éducation à la citoyenneté pour les jeunes engagés dans un tel dispositif.

Dans l'Hérault enfin, elle échangé avec un conseil de jeunes, des associations, des membres de la communauté éducative et des lycéens particulièrement engagés pour faire vivre au quotidien une culture citoyenne dynamique.

La mission d'information a souhaité s'adresser aux élus locaux sur la plateforme en ligne du Sénat : les nombreux témoignages et suggestions reçus par la mission d'information en réponse à cette consultation ont considérablement enrichi ce rapport 11 ( * ) . Ils confirment l'importance d'une approche territoriale des questions relatives à a citoyenneté. Que tous ceux qui ont pris le temps de s'adresser à cette mission d'information en soient chaleureusement remerciés.

S'agissant du périmètre de ce rapport :

- la mission d'information n'a pas intégré à sa réflexion les questions relatives aux étrangers, malgré l'importance de ce sujet et son lien fort avec la notion de citoyenneté. Elle n'a pas non plus fait porter son analyse sur les réserves, qui constituent des modalités d'engagement spécifiques et très diverses : ces deux sujets auraient justifié chacun une mission d'information ;

- la mission d'information a abordé l'engagement au prisme des politiques publiques qui l'encouragent et l'encadrent et, dans cette logique, s'est abstenue d'étendre le champ de son analyse aux choix professionnels qui peuvent revêtir une dimension d'engagement ;

- elle a par ailleurs considéré que le débat sur l'abaissement du droit de vote à seize ans a été tranché par le Sénat en séance publique, alors que cette mission d'information commençait ses travaux 12 ( * ) .

Des sujets proches des préoccupations de la mission d'information ont été inscrits à l'agenda d'autres institutions et structures du Sénat pendant cette mission d'information qui s'est déroulée du 1 er décembre 2021 au 7 juin 2022 13 ( * ) . Cette convergence souligne l'importance de ces questions et l'urgence de mesures destinées à réparer le lien entre les citoyens et les institutions et, à travers l'éducation citoyenne de la jeunesse, à renforcer la cohésion nationale et à préparer l'avenir de notre démocratie .

Au terme de ses travaux, la mission formule vingt-trois recommandations pour mieux éduquer et former à la citoyenneté, pour encourager une citoyenneté active par l'engagement, et pour repenser les pratiques démocratiques afin de rapprocher les citoyens - et plus particulièrement les jeunes - des institutions.

Elle considère que ces questions doivent, à l'approche de la nouvelle législature, constituer une priorité pour les pouvoirs publics.

L'ENGAGEMENT VOLONTAIRE : DES FORMULES NOMBREUSES 14 ( * )

Cadre scolaire : délégués de classe, éco-délégués, conseils de vie collégienne/lycéenne ; tutorat...

Conseils d'enfants/de jeunes (école élémentaire, collège, lycée)

Cadets de la sécurité civile (11 ans minimum)

Programme jeunes-sapeurs-pompiers (11-18 ans)

Cadets de la Défense/de la Gendarmerie (12-18 ans)

Service national universel (SNU) : séjour de cohésion/mission d'intérêt général
(vers 16 ans)

Service civique (16-25 ans 15 ( * ) )

Sapeur-pompier volontaire (16-60 ans)

Service volontaire européen (17-30 ans)

Cadets de la Police nationale (18-30 ans)

Corps européen de solidarité (18-30 ans)

Volontariat de solidarité internationale (à partir de 18 ans ; pas de limite d'âge)

Missions ponctuelles de bénévolat (plateforme jeveuxaider.fr )

Engagements associant un dispositif d'insertion : Service militaire adapté/Service militaire volontaire (18-25 ans)

Volontariat international en administration/entreprise (18-28 ans)

Réserves opérationnelles (Armées, Gendarmerie, Police, Services d'incendie et de secours...)

L'ESSENTIEL

1. L'ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE : UN ENSEIGNEMENT CENTRAL DANS LA FORMATION DU FUTUR CITOYEN, À REDÉFINIR DE MANIÈRE PLUS PRÉCISE AUTOUR DE PRIORITÉS CLAIRES

hebdomadaires en moyenne au cours de la scolarité

Recommandations :

- Recentrer le contenu et les objectifs de l'EMC sur des priorités claires, et plus particulièrement le fonctionnement des institutions

- Stabiliser le socle législatif

- Étendre à l'EMC l'évaluation des acquis de 6 e et 2 nde , afin de mieux connaître le niveau des élèves

- Généraliser des rencontres entre élèves et élus dans les classes ou dans les institutions

- Intégrer une question d'EMC aux concours de recrutement des professeurs d'histoire et de géographie (CAPES et agrégations) afin de renforcer la formation initiale des futurs enseignants ; prévoir dans le cadre de la formation continue une formation pour les professeurs des autres disciplines chargés d'enseigner l'EMC.

modifications de la définition législative de l'EMC (article
L. 312-15 du code de l'éducation) depuis 2017

- Un enseignement « strapontin »

- Des programmes pléthoriques

Un socle législatif qui ne mentionne pas le fonctionnement des institutions

- Des enseignants insuffisamment formés

- Une ignorance du fonctionnement des institutions par les futurs électeurs

« L'éducation est au coeur du projet démocratique » (Dominique Schnapper) ;

« Il s'agit de recentrer et de simplifier cet enseignement pour qu'il s'ancre davantage dans le socle de connaissances des élèves »
(Stéphane Piednoir, président de la mission d'information
)

2. LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL : DES OBJECTIFS FLOUS, UN DISPOSITIF DÉPLOYÉ À MARCHE FORCÉE, DES ORIENTATIONS À DÉFINIR

budget estimatif pour une généralisation à toute une classe d'âge

- La phase 1 (séjour de cohésion) : des objectifs ambitieux jamais atteints en raison de la crise sanitaire

- La phase 2 (mission d'intérêt général), parent pauvre du déploiement du SNU

- Des interrogations fortes sur la capacité logistique à augmenter le nombre de jeunes accueillis (hébergement, encadrement, nombre de MIG)

- Des arbitrages de fond (découverte de l'engagement associatif ou héritage du service national ; volontariat ou obligation) à trancher d'urgence.

Recommandation :

- Préciser le socle juridique du SNU après un débat parlementaire pour lever les incertitudes relatives au choix de l'obligation ou du maintien du volontariat.

Le rôle du SNU : « semer les graines de l'engagement bénévole » (S. El Haïry)
ou « élément de refondation du pacte si essentiel entre les armées et la Nation »
(E. Macron, conférence de presse du 17 mars 2022) ?

3. LA JDC, UN RENDEZ-VOUS OBLIGATOIRE ENTRE LES JEUNES FRANÇAISES ET LES JEUNES FRANÇAIS, LEURS ARMÉES ET LA GENDARMERIE

dédiées aux questions de défense et de sécurité pendant la JDC

- Un programme trop dense

- Un socle législatif modifié 12 fois depuis 2000

Recommandation :

- Recentrer le programme de la JDC sur les enjeux de la défense et de la sécurité, le repérage des jeunes en difficulté et la présentation des différentes formes d'engagement (service civique, sécurité civile, réserves...).

« appelés » en 2021 (95 % d'une classe d'âge)

- Un héritage du service national

- Un outil de repérage des jeunes en difficulté à préserver

- Une institution qui serait remise en cause si le service national universel (SNU) devenait obligatoire

« La jeunesse est par l'essence et la nature même de nos armées au coeur de notre ministère. Aujourd'hui ce lien est très différent et doit continuer d'être adapté en permanence » (Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants)

4. LE DEVOIR DE MÉMOIRE : UNE ÉCOLE DE CULTURE CITOYENNE, UN ENJEU POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Une question : comment préserver une mémoire vivante avec la disparition progressive des témoins des deux guerres mondiales ?

Un enjeu pour les communes : accompagner l'inéluctable mutation des commémorations

Recommandations :

- Donner un rôle actif aux jeunes dans les cérémonies mémorielles (porte-drapeaux, dépôt de gerbes, lecture de textes ...)

- Organiser les cérémonies locales sur le temps scolaire, quand c'est possible, et y associer les élèves.

« Nous avons remarqué que les journées de commémoration rencontraient davantage de succès lorsqu'une classe y participait. Nous ne pouvons que nous réjouir de la présence de jeunes à ce type d'événements »

(Henri Cabanel, rapporteur de la mission d'information)

5. LE SERVICE CIVIQUE : UNE INITIATIVE SÉNATORIALE DE 2010 PLÉBISCITÉE PAR LES JEUNES

volontaires depuis 2011

- Une politique publique à l'efficacité reconnue

- Une expérience d'engagement plus qu'un plan B.

- Des volontaires aux profils divers

- Un outil à faire connaître dès le lycée.

Deux défis :

- Accompagner son développement par des moyens en cohérence

- Mieux valoriser le service civique dans le parcours des jeunes (études, expériences professionnelles

Recommandations :

- Pérenniser les moyens nécessaires au financement des 240 000 missions actuellement programmées

- Augmenter la durée de formation civique et citoyenne des volontaires pour amplifier la dimension citoyenne du service civique

- Intégrer systématiquement le service civique aux politiques en faveur de la ruralité pour favoriser son développement dans ces territoires.

« Le service civique m'a appris l'engagement. J'y ai appris qu'il s'agissait de donner
son temps et de s'investir dans son travail. J'ai ensuite commencé à faire du bénévolat dans des structures sportives» ; « Pour moi le service civique a été un réel tournant dans ma vie. » (Témoignages de volontaires)

« Il faut mieux faire connaître le service civique qui peut, parallèlement à l'expérience concrète de l'engagement au service de la collectivité, s'inscrire dans un parcours universitaire très réussi ou constituer une année de césure utile » (Béatrice Angrand, Présidente de l'Agence du service civique)

« Ce qui fonctionne avec le service civique, c'est de mettre les jeunes en position d'être acteurs, de se sentir utiles à la société » (Marie Trellu-Kane, présidente d'Unis-cités)

6. L'ENGAGEMENT ASSOCIATIF, UNE DYNAMIQUE À PRÉSERVER

des jeunes sont déjà bénévoles ou envisagent de l'être

- Une forte vitalité associative : 1,5 million d'associations mobilisant entre 16 et 20 millions de bénévoles

- Une jeunesse française engagée, mais selon de nouvelles formes (un engagement en faveur d'une cause plutôt que d'une structure)

- De nouvelles formes de gouvernance

Deux défis à relever pour les associations :

- S'adapter à un engagement aujourd'hui plus flexible, court et réversible

- Faciliter l'accueil de nouveaux bénévoles, conditions du maintien du dynamisme associatif

Recommandation :

- Adapter les formulaires administratifs aux nouvelles pratiques de gouvernance des associations (responsabilités exercées en binômes ou partagées dans le temps).

« Redynamiser la culture citoyenne, c'est aussi permettre à des jeunes de s'engager dans cette école de la citoyenneté que sont les associations » (Haut conseil à la vie associative)

« La jeunesse est diverse, tout comme le sont les associations et, partant, les modes d'engagement se sont largement diversifiés ces vingt dernières années » (France bénévolat)

7. FAIRE DES JEUNES DES ACTEURS À PART ENTIÈRE DE LA VIE LOCALE : UNE NÉCESSITÉ POUR LA DÉMOCRATIE

- De nombreuses initiatives des collectivités territoriales, à tous les échelons, pour encourager l'engagement des jeunes

- Une bonne pratique à généraliser : les journées citoyennes, vecteur de lien intergénérationnel

- Les conseils d'enfants et de jeunes : une véritable école de la citoyenneté, un vivier de citoyens engagés

- Élus locaux étudiants : des difficultés pour mener de front études et mandat

Recommandations :

- Créer un statut de l'élu étudiant pour faciliter la conciliation d'études avec l'exercice d'un mandat municipal, départemental et régional

- Encourager l'accès des jeunes élus aux responsabilités

- Associer les conseils de jeunes à la vie locale en leur confiant de vrais projets.

« Nous ne voulons pas être un outil politique pour faire joli ! »

(Témoignage d'un membre de conseil des jeunes)

« Nous ne sommes pas l'avenir, nous sommes le présent » (Un jeune élu)

8. UNE FORTE ABSTENTION CHEZ LES JEUNES

d'abstention chez les 18-24 ans au 2 nd tour de l'élection présidentielle en 2022 :

Moyenne nationale de l'abstention : plus de 28 %

L'abstention décroît avec l'âge : 20 % chez les 60-69 ans, 15 % chez les plus de 70 ans.

Recommandations :

- Prévoir avant chaque scrutin une campagne d'information « grand public », sur tous supports (réseaux sociaux, applications,...) pour mieux informer les jeunes

- Généraliser la double procuration

- Dématérialiser l'envoi des professions de foi des candidats pour les électeurs qui le demandent

- Expérimenter le vote électronique dans certains territoires lors d'élections locales.

des non-inscrits ont moins de 35 ans : l'élection est une contrainte pour ceux qui étudient loin du domicile familial

des 18-24 ans déclarent avoir beaucoup d'intérêt pour l'élection présidentielle. Moyenne nationale : 42 % (source : CEVIPOF)

- un vote « intermittent » en fonction des élections

« Quelle que soit l'élection, les jeunes sont toujours plus abstentionnistes, environ dix points de plus en moyenne que le niveau d'abstention mesuré dans l'ensemble du corps électoral » (Anne Muxel, sociologue)

« Cette élection qui structure la vie politique et la Ve République n'est (...) plus perçue comme le moment important de la vie politique, alors même que les jeunes de 18 à 24 ans participeront pour la première fois à une élection présidentielle, ce qui devrait susciter de la motivation et de l'intérêt » (Martial Foucault, directeur du CEVIPOF)

RÉSUMÉ DU RAPPORT

I. MIEUX ÉDUQUER ET FORMER LES CITOYENS

L'école est le lieu privilégié de l'éducation des citoyens. L'enseignement moral et civique contribue à cette éducation conçue dans une logique transversale, de manière à mobiliser en principe toutes les disciplines.

L'éducation du futur citoyen se poursuit dans le cadre de la journée défense et citoyenneté, héritière de l'appel de préparation à la défense mis en place à l'époque de l'abandon de la conscription pour maintenir un lien structurant entre les jeunes et l'institution militaire.

Convaincue que l'éducation citoyenne est aussi un vecteur d'égalité des chances, la mission d'information s'est intéressée à la dimension citoyenne de certains dispositifs d'insertion.

A. REDÉFINIR LES CONTENUS DE L'ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE AUTOUR DE PRIORITÉS CLAIRES

La mission d'information a établi, au cours de ses travaux, les constats suivants concernant l'enseignement moral et civique (EMC) :

- les nombreuses modifications et réformes dont l'EMC a fait l'objet au cours des dernières décennies témoignent de l'importance politique que revêt cet enseignement, sur lequel pèse la lourde charge de traiter les tensions qui traversent la société française et de favoriser le « vivre ensemble » dans une société en proie à de nombreuses fractures ;

- à l'instruction civique classique, étendue en 2015 à la « morale », se sont donc ajoutées au fil du temps des thématiques diverses , destinées à permettre aux élèves de comprendre les enjeux du monde d'aujourd'hui, qu'il s'agisse des défis environnementaux et internationaux ou de questions sociétales (discriminations, bioéthique, égalité femmes-hommes...) ;

- il résulte de ces ambitions démesurées des programmes pléthoriques , dont la rédaction manque pour le moins de clarté, en contradiction avec un volume horaire (une demi-heure par semaine en moyenne dans le secondaire, qui sert souvent à « boucler » le programme d'histoire-géographie) largement disproportionné par rapport aux nombreux objectifs assignés à l'EMC ;

- les manuels , reflets des défaillances de la conception des programmes, insistent sur le débat d'opinion et comportent beaucoup plus de documents bruts que de textes destinés à la transmission des connaissances ;

- l'article L. 312-15 du code de l'éducation , qui détermine les contours de l'enseignement moral et civique, a été modifié à de nombreuses reprises au cours de la période récente (deux fois pour la seule année 2021 ; une modification par an en moyenne entre 2017 et 2022) ; la définition législative de l'EMC ne mentionne pas le fonctionnement des institutions démocratiques, ce qui semble paradoxal ;

- la formation des enseignants , tant initiale que continue, est incontestablement défaillante ; de plus, alors que l'EMC incombe le plus souvent aux professeurs d'histoire et de géographie , il ne figure pas parmi les épreuves des concours de recrutement de ces enseignants (CAPES et agrégations). Les professeurs des autres disciplines, susceptibles d'être chargés de cet enseignement, n'y sont pas préparés dans le cadre de la formation continue . Cumulées à l'instabilité d'une matière en proie à de fréquentes révisions, on comprend les difficultés des enseignants à s'approprier l'EMC ;

- la méconnaissance par de nombreux jeunes (et moins jeunes) du fonctionnement des institutions , dont certains membres de la mission d'information ont fait l'expérience lors de contacts avec des publics scolaires, impose une reprise en mains d'un enseignement dont l'un des enjeux est aussi de préparer les futurs électeurs à exercer leurs droits et devoirs de citoyens.

Elle formule en conséquence les recommandations suivantes :

- redéfinir les fondements législatifs de l'EMC (article L. 312-15 du code de l'éducation) à partir de priorités claires : renforcer la connaissance des institutions démocratiques ainsi que des principes de la République, et donner à nos jeunes concitoyens les outils pour comprendre les grands enjeux (internationaux, sociétaux et environnementaux) du monde contemporain ; assurer la stabilité de ce socle juridique dans la durée ;

- recentrer le contenu et les objectifs de l'enseignement moral et civique sur ces priorités ; au sein du collège, structurer les programmes par classe et non par cycle pluriannuel, cibler les années charnières au cours desquelles les programmes d'EMC doivent être centrés sur les aspects institutionnels (classes de 3 e , de 2 nde et de 1 re ) ;

- créer à l'attention des enseignants des outils pédagogiques clairs et objectifs sur les institutions françaises et européennes et le rôle des élus et confier cette mission, en lien avec le ministère chargé de l'éducation nationale, aux institutions concernées ;

- généraliser les rencontres entre élèves et élus , dans les classes et dans le cadre de visites d'institutions (mairies, conseils départementaux et régionaux, assemblées parlementaires...), sur la base de conventions entre l'Éducation nationale et ces institutions ;

- étendre à l'EMC l'évaluation des acquis à laquelle il est procédé en 6 e et en 2 nde , afin de mieux connaître le niveau des élèves ;

- intégrer une question d'EMC aux épreuves des concours de recrutement des professeurs d'histoire et de géographie , afin de garantir la formation initiale de ces professeurs auxquels incombe généralement l'enseignement moral et civique ; prévoir, dans le cadre de la formation continue , un module d'EMC pour préparer les autres professeurs à cet enseignement.

B. RECENTRER LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ (JDC) SUR SES FINALITÉS ESSENTIELLES : ENJEUX DE LA DÉFENSE, ORIENTATION DES JEUNES EN DIFFICULTÉ ET PRÉSENTATION DES DIFFÉRENTES FORMES D'ENGAGEMENT

Selon l'article L. 111-2 du code du service national, « La journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l'esprit de défense et de concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse ». Ces objectifs ont été définis au moment de la suspension de la conscription, en 1997, lorsqu'il est apparu nécessaire :

- d'une part, de maintenir un lien privilégié entre les armées et la jeunesse et de permettre aux jeunes, par ce rendez-vous obligatoire et unique en Europe, d'aller à la rencontre des armées et de la gendarmerie pour y être informés des carrières de la défense et de la sécurité ;

- d'autre part, de préserver les compétences de l'institution militaire en matière de recensement et de sélection des appelés, afin de se prémunir contre l'hypothèse d'une menace majeure exigeant une remontée en puissance du service militaire.

Les constats de la mission d'information sont les suivants.

La JDC constitue également un vecteur d'égalité des chances . Dans la logique du savoir-faire acquis par les armées à l'égard des jeunes en difficulté et en matière de lutte contre l'illettrisme, elle comporte des tests permettant d'identifier des jeunes en difficulté ; au cours d'un entretien spécifique, il est possible de conseiller à ces jeunes une orientation vers un dispositif d'insertion sociale et professionnelle adapté. Lors de ces entretiens individuels, plus de 42 000 jeunes ont été, en 2021, informés de l'existence de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide).

Depuis 25 ans, le contenu de la JDC, défini par l'article L. 114-3 du code du service national, a été modifié par le législateur douze fois - deux fois au cours des années 2004 et 2011. Le champ des informations dispensées aux jeunes appelés s'est ainsi considérablement étendu , puisqu'il intègre désormais des thématiques telles que le don d'organe aux fins de greffe, de sang, de gamète, de plaquettes ou de moelle osseuse, la sensibilisation à la sécurité routière, les dangers des addictions, la sécurité civile ou l'égalité entre femmes et hommes et la lutte contre les violences au sein des couples.

Il en est résulté un programme très dense et une réduction du temps relatif consacré aux enjeux de la défense et de la sécurité : sur un emploi du temps conçu pour durer huit heures, ces modules « coeur de cible », qui occupaient quatre heures en 1999, ont été réduits à un peu moins de trois heures actuellement. La nécessité d'un recentrage de la JDC sur sa « vocation première » de sensibilisation à l'esprit de défense figurait ainsi dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

Ce recentrage est d'autant plus pertinent que l'on observe une redondance entre certaines thématiques ajoutées au fil du temps au programme de la JDC et les enseignements prévus par le code de l'éducation dans le cadre scolaire : les informations sur les conduites addictives, l'égalité entre femmes et hommes et les violences au sein des couples, le don d'organe et le don du sang, le code de la route.

La mission d'information recommande donc de recentrer le contenu de la JDC sur les trois axes suivants :

- l'information sur les enjeux de la défense et de la sécurité et sur les métiers accessibles aux jeunes dans ce domaine ;

- le repérage et l'orientation des jeunes en difficulté ;

- et la présentation des différentes formes d'engagement (service civique, autres formes de volontariat, sécurité civile, réserves...).

Elle souhaite que la rédaction de l'article L. 114-3 du code du service national soit modifiée pour inscrire ces priorités dans la loi, tout en étant consciente que, dans l'hypothèse d'un SNU obligatoire, la JDC aurait vocation à se fondre à terme dans le séjour de cohésion, qui comporte une séquence comparable, la journée « défense et mémoire nationale » (JDM).

C. L'INTÉRÊT DE LA FORMATION À LA CITOYENNETÉ DANS LES DISPOSITIFS D'INSERTION

La mission d'information a souhaité faire porter sa réflexion sur le lien entre citoyenneté et insertion sociale et professionnelle.

Ses constats sont les suivants.

Les dispositifs d'insertion destinés aux jeunes en difficulté, mis en place dans une logique d'égalité des chances, font une large part à l'appropriation des valeurs citoyennes ; celle-ci est à juste titre jugée importante dans l'accompagnement de ces publics vers l'autonomie et l'insertion sociale et professionnelle , qu'il s'agisse des dispositifs inspirés de l'institution militaire - Épide et SMV - ou des missions locales.

Les structures inspirées par les armées, dérivées du savoir-faire traditionnellement reconnu à celles-ci en matière d'intégration à l'époque du service national obligatoire, ont en commun :

- une discipline stricte, déclinée des usages militaires (tenue uniforme, internat, cérémonie quotidienne du lever des couleurs...) ;

- des conditions d'âge comparables : 17 à 25 ans pour l'Épide, 18 à 25 ans pour le SMV ;

- des effectifs très limités (2 848 jeunes ont été accueillis par l'Épide en 2021 ; 1 200 jeunes environ effectuent chaque année un SMV) ;

- des taux d'encadrement très élevés ;

- des taux de réussite très appréciables, a fortiori si l'on tient compte de la fragilité particulière des publics accueillis, qui entrent pour la plupart dans la catégorie des décrocheurs : 64 % de sorties « positives » (emploi, formation ou réorientation) pour l'Épide ; 70 % pour le SMV en 2020 ;

- des proportions de jeunes femmes comparables (29 %).

La montée en puissance de l'Épide , qui reste très en deçà des objectifs de 20 000 jeunes par an définis lors de la création, en 2005, du dispositif « défense deuxième chance » dont l'établissement est issu, dépend de l' attractivité de cette structure et, surtout, de sa visibilité encore insuffisante parmi les autres dispositifs d'insertion présents sur la plateforme numérique 1 jeune, 1 solution . La revalorisation récente de l'indemnité attribuée aux volontaires à l'insertion et l'ouverture à de nouveaux publics (mineurs et, sous certaines conditions, bacheliers) pourraient renforcer l'intérêt de l'Épide pour certains jeunes. Dans le même esprit, le rééquilibrage du maillage territorial de l'Épide, trop peu présent dans certaines régions, et l'émergence de plus petites structures, seraient de nature à favoriser son développement.

En outre, le rapporteur a constaté que des anciens volontaires pouvaient rencontrer des difficultés d'accès au logement à leurs débuts dans la vie professionnelle. Le code du service national permet de proposer à ces jeunes un « contrat de soutien » de trois mois afin de leur permettre de continuer à être hébergés à l'Épide alors qu'ils ne sont plus volontaires à l'insertion. La durée de ce contrat, qui constitue un outil très appréciable d'accompagnement au logement, gagnerait à être assouplie.

La mission d'information estime que l'Épide est un modèle à encourager et souhaite que les évolutions en cours lui permettent de monter en puissance, ce qui implique un effort en termes de visibilité, plus particulièrement sur la plateforme 1 jeune, 1 solution .

Quant aux volontaires du SMV, qui sont soumis de ce fait au statut général des militaires, ils reçoivent une solde et sont encadrés par des personnels militaires. L'objectif d'augmentation de 25 % du nombre de volontaires, annoncé en 2020, traduit l'intérêt de ce dispositif, qui restera toutefois limité à un public restreint (1 500 volontaires in fine ).

Les deux dispositifs comportent des exigences réelles en termes d'éducation civique et citoyenne :

- pour le SMV : visite d'institutions (Assemblée nationale, conseils régionaux, etc.), participation à des cérémonies et réalisation par l'ensemble des volontaires d'une mission citoyenne de quelques jours pendant leur contrat (par exemple au profit de collectivités ou d'associations reconnues d'utilité publique) ;

- à l'Épide, l'attestation de parcours citoyen, partie intégrante du parcours des volontaires à l'insertion, passe par : des exercices pratiques tournés vers l'organisation de la vie quotidienne (formalités administratives, gestion du budget...), des modules théoriques visant la connaissance des institutions locales et nationales, la participation à des commémorations nationales (ravivage de la flamme sous l'Arc de triomphe, cérémonie du 14 juillet) et par des actions citoyennes réalisées auprès d'associations.

Les missions locales sont caractérisées par un taux d'encadrement cohérent avec les effectifs accueillis (1,3 million de jeunes sont actuellement suivis par le réseau). Jusqu'en mars 2022, les missions locales étaient chargées de la mise en oeuvre de la garantie jeunes ; depuis le 1 er mars 2022, le contrat d'engagement jeunes (CEJ) qui lui a succédé implique Pôle emploi à leurs côtés.

Les missions locales ont pour vocation de rendre les jeunes acteurs de leur parcours et de les accompagner vers l'autonomie et considèrent l'accompagnement de manière globale, intégrant les thématiques de l'emploi, du logement, de la mobilité et de la santé. La citoyenneté, condition de l'insertion des jeunes et outil d'égalité des chances, est une dimension de cet accompagnement vers l'autonomie.

La formation civique et citoyenne des jeunes au sein des missions locales peut se décliner dans ses aspects classiques (information sur le recensement, la JDC, le droit de vote, le service civique) et concerner des dimensions très concrètes telles que démarches administratives, demande de naturalisation, impôts, et banque.

L'attention de la mission d'information a par ailleurs été attirée, au cours de son déplacement dans l'Hérault, sur la situation problématique d'élèves qui, exclus temporairement de leur établissement , se retrouvent livrés à eux-mêmes en dehors de tout cadre structurant. Elle estime que, pour être efficaces, ces mesures doivent avoir un effet pédagogique et préventif.

Elle a été favorablement impressionnée par le dispositif de prévention du décrochage scolaire mis en place à Montpellier, où établissements scolaires, acteurs associatifs et services de la métropole de Montpellier travaillent ensemble afin qu'une exclusion temporaire soit l'occasion, pour l'élève concerné, d'apprendre à respecter les obligations qui lui incombent et favorise une prise de conscience citoyenne.

L'objectif de ce dispositif est, d'une part d'offrir au jeune une structure d'accueil pendant cette période, d'autre part de lui faire comprendre le sens de la sanction et de la lui faire accepter.

Dans un registre différent de l'égalité des chances, la mission d'information s'est également intéressée aux stages de citoyenneté imposés à certaines personnes dans un contexte judiciaire . Elle a constaté que ces stages confirmaient le lien entre la formation à la citoyenneté et l'insertion .

Ces stages visent en effet, selon le code pénal, non seulement à faire comprendre à ces personnes les devoirs qu'implique la vie en société, mais aussi à favoriser leur insertion sociale. Leur efficacité en termes de prévention de la récidive doit donc être évaluée .

En conclusion, la mission d'information recommande :

- de renforcer la visibilité de l'Épide sur la plateforme numérique 1 jeune, 1 solution , gage de la montée en puissance du dispositif ;

- d'améliorer l'accompagnement des jeunes à la sortie de l'Épide en ouvrant la possibilité de prolonger de trois mois le contrat de soutien permettant à d'anciens volontaires à l'insertion de continuer à être hébergés à l'Épide quand ils rencontrent des difficultés de logement, soit six mois au total ;

- de s'assurer que les commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES) soient en mesure de proposer aux jeunes dont aucun des voeux n'a été validé sur la plateforme Parcoursup , et dont le profil correspond à celui des jeunes accueillis par l'Épide, de souscrire un volontariat à l'insertion ;

- d'expérimenter et évaluer la mise en place, au sein de l'Éducation nationale et de l'enseignement agricole et en partenariat avec les acteurs locaux, d'un accompagnement et d'un suivi des élèves exclus temporairement de leur établissement, afin que cette sanction soit l'occasion d'une prise de conscience citoyenne ;

- d'évaluer l'efficacité des stages de citoyenneté, mis en oeuvre dans un contexte pénal, en termes de prévention de la récidive.

II. ENCOURAGER UNE CITOYENNETÉ ACTIVE PAR L'ENGAGEMENT

La mission d'information est convaincue de la nécessité d'encourager l'engagement, qui a vocation à accompagner une citoyenneté active tout au long de la vie.

À ce titre, elle a identifié deux modalités d'engagement précoce, susceptibles de donner aux très jeunes le goût de l'engagement et de faire de celui-ci une part significative de leur identité : les dispositifs de « démocratie scolaire » (délégués, conseils d'élèves, éco-délégué...) et le service national universel (SNU), qui s'adresse aux jeunes entre 15 et 17 ans, encore en devenir.

Le service civique, qui existe depuis 2010, vise les jeunes de 16 à 25 ans (30 ans pour les personnes en situation de handicap).

Enfin, le bénévolat associatif concerne toutes les générations et offre des possibilités infinies d'engagement.

A. CONSTATS ET OBSERVATIONS SUR LA DÉMOCRATIE SCOLAIRE : DES DISPOSITIFS D'INTÉRÊT INÉGAL

La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République de 2013 encourage l'engagement des élèves au sein de l'institution scolaire.

La démocratie scolaire constitue donc, en principe, un vecteur d'engagement précoce. Elle a vocation à compléter de manière concrète l'enseignement moral et civique, s'inscrivant ainsi dans le parcours citoyen des élèves.

Les outils de démocratie scolaire sont très nombreux et diversifiés : aux délégués de classe, institués en 1969, se sont ajoutés d'autres instances participatives (conseils de la vie collégienne et conseils de la vie lycéenne, éco-délégués, comités d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement...). Les élèves peuvent aussi s'investir, par exemple, en tant qu'ambassadeurs contre le harcèlement scolaire, tuteurs, journalistes dans le média de l'établissement.

Ces dispositifs semblent toutefois d'intérêt inégal. Si les élèves jugent utile la fonction de délégué de classe, selon un sondage diligenté par la Cour des comptes en 2021 dans le cadre de son rapport sur la formation à la citoyenneté, et si la fonction d'éco-délégué correspond à une appétence certaine des élèves pour les questions environnementales, en revanche la baisse continue du taux de participation aux élections des conseils de vie lycéenne suggère que ces instances sont nettement moins appréciées des élèves. Autre point de vigilance pour la mission d'information : le risque qu'une écoute insuffisante, au sein des établissements, de ces structures et de ceux qui exercent ces fonctions décourage finalement l'engagement des jeunes.

La mission estime donc que la diversité de ces dispositifs justifie leur évaluation pour s'assurer qu'ils ne constituent pas un empilement de structures insuffisamment cohérentes.

Elle s'est par ailleurs demandé s'il était pertinent de créer des mesures destinées à valoriser l'engagement précoce dans le cadre scolaire, telles que l'attribution de points ou coefficients supplémentaires au baccalauréat. Elle a constaté que l'engagement était déjà pris en compte dans le cadre de Parcoursup , dans la rubrique « activités et centres d'intérêt » et a écarté une telle solution pour les raisons suivantes :

- les opportunités d'engagement étant variables en fonction des territoires, ces éléments de valorisation pourraient introduire une inégalité entre élèves ;

- cette mesure pourrait être perçue comme une pression à l'engagement, à un âge où certains jeunes se cherchent encore ;

- enfin, elle pourrait revenir à une sorte d'injonction à s'engager, en contradiction avec le principe même d'engagement bénévole qui suppose une certaine spontanéité.

B. L'URGENCE DE CHOIX CLAIRS CONCERNANT LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL (SNU)

La mission d'information a établi les constats suivants.

Depuis la fin du service national obligatoire, le besoin d'une expérience dédiée au service de la collectivité dans le parcours des jeunes citoyens est un thème récurrent du débat public. D'attentat en émeute dans les banlieues, lorsque la cohésion nationale semble menacée, le brassage social et le rattrapage scolaire que l'on associe souvent à la conscription - du moins dans le souvenir idéalisé que l'on peut en avoir aujourd'hui - figurent parmi les perspectives susceptibles de « réparer » notre modèle social.

La création du service national universel (SNU), dont le chantier a été ouvert lors des voeux du Président de la République aux armées de 2018 et qui figurait en 2017 dans son programme, s'inscrit dans cette logique. Il s'agit, dans un esprit de « mixité sociale », de « valoriser la citoyenneté et le sentiment d'appartenance à une communauté rassemblée autour de ses valeurs, de renforcer la cohésion nationale et de dynamiser le creuset républicain » en faisant « découvrir (aux jeunes) les différentes formes d'engagement possibles » 16 ( * ) .

Le SNU comporte trois étapes :

1) un séjour de cohésion d'une durée de douze jours ;

2) une mission d'intérêt général (MIG) d'une durée de 84 heures ou douze jours, qui doit être effectuée dans les douze mois suivant le séjour de cohésion ;

3) une mission de service civique .

Les deux premières étapes sont nécessaires pour que le parcours de SNU soit validé ; la troisième est facultative .

Le SNU concerne des mineurs : pour des raisons de compatibilité du séjour de cohésion avec le parcours scolaire, la classe de seconde a été privilégiée car elle ne comporte pas d'examen final susceptible d'affecter la disponibilité des jeunes, contrairement aux classes de troisième, première et terminale.

Cette politique publique demeure à ce stade encore largement inaboutie malgré le soutien dont elle fait l'objet de la part du Gouvernement. Le bilan de l'expérimentation est plus probant s'agissant du séjour de cohésion, première phase du SNU sur laquelle le Gouvernement a concentré ses efforts, la mission d'intérêt général faisant en quelque sorte figure de parent pauvre du SNU. En outre, la crise sanitaire est venue perturber le développement de cette deuxième phase.

L'objectif fixé par le Gouvernement concernant le nombre de jeunes à accueillir croît régulièrement : 2 000 jeunes en 2019 ; 20 000 à 30 000 jeunes en 2021 ; 50 000 en 2022. Conformément à cet objectif, la phase 1 du SNU a été caractérisée par un développement progressif (1 978 jeunes effectivement accueillis en 2019 ; 14 650 en 2021). Sa montée en puissance a été impactée par la pandémie qui a conduit à l'annulation de tous les séjours de 2020.

En 2022, 2 409 jeunes ont validé le séjour de février. Compte tenu des inscriptions aux séjours de juin et juillet et d'un taux de défection de 25 % environ, le nombre total de participants devrait s'élever à 30 000-35 000 jeunes environ entre février et juillet.

Cela représente un doublement par rapport aux 14 650 volontaires de 2021 : malgré ce progrès, on reste loin de l'objectif de 50 000 volontaires affiché par le Gouvernement qui ne semble pas, une nouvelle fois, en passe d'être atteint.

Pendant le séjour de cohésion, les jeunes suivent un programme dense d'activités, ponctué par des temps forts comme la cérémonie matinale de levée des couleurs.

Les MIG, qui constituent la deuxième étape du SNU, peuvent être effectuées auprès d'une association, d'une collectivité territoriale ou d'un « corps en uniforme », de manière continue ou séquencée. Les MIG doivent être réalisées près du domicile des jeunes, dans un rayon de 100 kilomètres, alors même que la constitution d'une offre suffisante de MIG tarde à se structurer, notamment parce que les structures supposées accueillir ces jeunes considèrent qu'elles ont été trop peu associées à la mise en place du SNU ou s'interrogent sur l'accueil de recrues mineures.

Le législateur n'est à ce stade intervenu à l'égard du SNU que pour autoriser les crédits de la mission correspondante. Le séjour de cohésion a été intégré au code du service national en vertu d'une ordonnance entrée en vigueur sans débat au Parlement. Faute de cadre juridique clair, le SNU reste marqué par de profondes incertitudes et ambiguïtés.

1. - Certains jeunes sont attirés par le SNU par intérêt pour l'institution militaire, par exemple pour tester leur capacité à y effectuer un volontariat ou un engagement opérationnel. Or tous les jeunes ne partagent pas la même appétence pour un service « en uniforme ». De plus, le SNU ne relève pas du ministère des armées : cette ambiguïté doit donc être levée.

2. - Quel doit être le statut des jeunes : volontaires , comme c'est le cas actuellement, ou « appelés » répondant à une obligation légale , comme autrefois dans le cadre du service national ? Cet arbitrage commande de nombreux choix décisifs, non seulement sur le plan organisationnel et logistique (logement, transport...) mais aussi pour identifier des missions d'intérêt général en nombre suffisant pour accueillir toute une classe d'âge, soit environ 800 000 jeunes. Il s'agit là d'un véritable défi puisque le SNU, dans son format actuel concernant un nombre relativement peu élevé de volontaires, est confronté à une offre très insuffisante de MIG.

Si l'on considère, en bonne logique, que pour être universel, le SNU doit être obligatoire, il est possible qu'une révision constitutionnelle soit nécessaire car l'article 34 semble ne permettre actuellement au législateur de fixer de sujétions que pour la défense nationale. Rendre obligatoire le SNU, qui n'est pas un service militaire, pourrait donc justifier une révision constitutionnelle. Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la démocratie, déposé en août 2019, prévoyait de modifier l'article 34 en ce sens mais son examen n'est pas parvenu à son terme. Cette question juridique doit être tranchée.

3. - Quel doit être le périmètre du SNU : les jeunes Français et Françaises seuls ou doit-il être ouvert, comme le service civique, à certains ressortissants étrangers qui seraient volontaires pour y participer ?

En outre, les incertitudes actuelles ont des conséquences sur la journée défense et citoyenneté , puisque celle-ci aurait vocation à être intégrée au séjour de cohésion - qui comporte une journée défense et mémoire - si celui-ci devenait obligatoire.

La portée des choix concernant l'avenir du SNU, qu'il s'agisse de son statut - volontaire ou obligatoire - ou de son périmètre - citoyens français seulement ou faculté ouverte aux ressortissants étrangers volontaires - nécessite de soumettre ces questions au législateur.

La mission d'information recommande donc de lever les incertitudes qui caractérisent encore le SNU et demande qu'un débat parlementaire associe les deux assemblées à l'élaboration des grands axes de cette politique publique, en amont de la définition de son cadre législatif et, le cas échéant, de sa base constitutionnelle.

C. ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DU SERVICE CIVIQUE ET RENFORCER LA FORMATION CITOYENNE DES VOLONTAIRES

Les constats de la mission d'information sont les suivants.

Le service civique répond à une double vocation, présente dans la loi fondatrice de 2010, issue d'une proposition du Sénat : recréer du lien social et permettre aux jeunes d'effectuer une mission au service de l'intérêt général constituant une expérience humaine intéressante, susceptible de s'inscrire dans la formation du jeune ou dans son parcours professionnel.

Il concerne les jeunes de 16 à 25 ans (30 ans pour les personnes en situation de handicap), sans condition de diplôme, qui peuvent effectuer une mission au service de l'intérêt général revêtant « un caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel, ou (concourant) à des missions de défense et de sécurité civile ou de prévention, de promotion de la francophonie et de la langue française ou à la prise de conscience de la citoyenneté française et européenne ». L'Agence du service civique, créée en 2010, est chargée, entre autres tâches, de définir les orientations stratégiques et les missions prioritaires du service civique, d'assurer la gestion des agréments et du soutien financier apporté par l'État à l'accueil des personnes volontaires en service civique et de promouvoir et de valoriser celui-ci.

La montée en puissance continue du service civique (6 000 volontariats signés en 2010, 90 000 en 2021) traduit le succès de cette politique publique, qui a montré pendant la pandémie sa capacité d'adaptation à un contexte de crise. Cette montée en puissance s'inscrit aujourd'hui dans le plan 1 jeune, 1 solution qui suppose une augmentation sensible du nombre de volontariats (100 000 missions supplémentaires en deux ans financées dans le cadre du plan de relance, soit au total 240 000 missions programmées) et implique non seulement, entre autres pistes, de développer le nombre d'organismes accrédités, mais aussi d'identifier de nouvelles missions.

Plébiscité par les jeunes, le service civique accueille des profils très divers (40 % de volontaires ont le bac ou un niveau bac+2, 17 % sont en situation de décrochage scolaire). Si les motivations de ces jeunes sont variées et n'excluent pas l'attrait que représente la perception d'un revenu ou des préoccupations d'insertion professionnelle, le service civique attire des jeunes ayant une prédisposition à l'engagement.

Il contribue à l'apprentissage des valeurs républicaines. Le code du service national prévoit ainsi une formation civique et citoyenne des volontaires à raison de deux journées minimum au cours de la mission. Certains organismes consacrent beaucoup plus de temps à cette formation : l'association Unis Cité , qui accueille chaque année 10 000 volontaires du service civique, organise cette formation sur neuf jours et consacre par ailleurs six jours à la préparation du projet d'avenir de chaque volontaire.

La mission d'information est donc favorable à la poursuite de cette dynamique de développement du service civique.

Pour renforcer son rayonnement, indispensable à la nouvelle étape de son développement ouverte par le plan de relance, elle a identifié les points de vigilance suivants :

- la valorisation du service civique dans les études et le parcours professionnel, qui implique que les établissements d'enseignement supérieur se saisissent davantage des dispositifs prévus par la loi (dispense d'enseignement, attribution de points « bonus », par exemple) ;

- une meilleure diffusion de l'information sur le service civique, qui doit pouvoir être intégrée par les élèves à la construction de leur parcours le plus en amont possible ; dans le cadre scolaire, les « semaines de l'engagement » et les heures d'orientation semblent un cadre approprié pour faire connaître le service civique, de même que, dans le cadre du SNU, le séjour de cohésion ;

- la formation des tuteurs et leur valorisation, qui pourrait être renforcée, y compris par l'attribution d'avantages financiers.

En outre, le développement du service civique en milieu rural est un véritable enjeu pour ces territoires : les collectivités font état de difficultés à recruter des volontaires, les jeunes peuvent être freinés dans leurs projets par des questions de mobilité.

Le potentiel du service civique en milieu rural a été identifié dans le cadre des comités interministériels aux ruralités.

Les collectivités territoriales sont une piste majeure pour développer le service civique, plus particulièrement en milieu rural. 12 % seulement des missions de service civique se déroulent au sein d'une collectivité territoriale. Néanmoins, au cours de la dernière année, des progrès se sont amorcés. La mission d'information ne peut qu'être favorable à cette dynamique. Elle considère en outre que le frein au développement du service civique en milieu rural lié à la mobilité des jeunes justifie la mise en place de moyens spécifiques et leur financement par l'État.

La mission d'information recommande donc :

- de poursuivre le développement du service civique et de pérenniser les moyens dégagés dans le cadre du plan de relance ;

- de développer le service civique en milieu rural , de l'intégrer systématiquement aux politiques publiques en faveur de la ruralité et de mettre en place un soutien financé par l'État afin de prendre en charge les contraintes spécifiques du service civique en milieu rural ;

- d'augmenter la durée de la formation civique et citoyenne des volontaires du service civique au-delà des deux journées actuellement mises en oeuvre conformément au code du service national (article R. 121-15), et d'en tirer les conséquences budgétaires sur les moyens attribués à l'Agence du service civique.

D. PRÉSERVER LE DYNAMISME DU SECTEUR ASSOCIATIF ET FACILITER L'ÉVOLUTION DE LA GOUVERNANCE DES ASSOCIATIONS

La France se caractérise par un fort dynamisme du secteur associatif. On dénombre en France 1,5 million d'associations et un nombre de bénévoles compris entre 16 et 20 millions.

Le nombre de jeunes bénévoles progresse ; l'on observe toutefois des modalités d'engagement de plus court terme, réversible (on parle de zapping ) et motivé davantage par l'intérêt pour une cause que par l'attachement à une structure.

Le monde associatif est donc confronté à la nécessité de tenir compte des nouvelles attentes des bénévoles et de modifier ses modalités de fonctionnement en conséquence.

À ce défi s'ajoute celui de l'accueil de nouveaux bénévoles , car les difficultés révélées par la crise sanitaire - l'indisponibilité de nombreux bénévoles associatifs fragilisés par le virus - ont mis en lumière les freins liés à une moyenne d'âge des bénévoles souvent élevée.

Le maintien du dynamisme du secteur associatif est donc subordonné à la capacité des associations à intégrer de nouveaux membres, y compris à leur gouvernance , et à adapter celle-ci aux formules qui favorisent la conciliation d'un engagement associatif avec des contraintes professionnelles et des responsabilités familiales (telles que l'exercice de responsabilités en binômes - co-présidents, co-trésoriers).

Pour assurer le maintien du dynamisme du secteur associatif et valoriser l'engagement des bénévoles, la mission d'information a identifié les points de vigilance suivants :

- favoriser la formation des bénévoles en renforçant la lisibilité des outils qui existent déjà, comme par exemple le Fonds pour le développement de la vie associative ;

- mieux communiquer sur des dispositifs tels que le compte d'engagement citoyen (CEC), les congés engagement et les dispositifs en faveur de l'engagement étudiant .

Elle recommande en outre une adaptation des formulaires administratifs aux nouvelles pratiques de gouvernance adaptées aux attentes d'un nombre croissant de bénévoles, notamment des jeunes, telles que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers) ou le partage de la présidence dans le temps (présidences tournantes).

III. REPENSER LES PRATIQUES DÉMOCRATIQUES POUR RAPPROCHER LES CITOYENS DES INSTITUTIONS

Le constat largement partagé d'une distance croissante entre les citoyens et les institutions et d'un désintérêt largement répandu pour la vie politique appelle une réflexion globale pour repenser les pratiques démocratiques et mieux associer les citoyens aux décisions.

Cette réflexion passe par la nécessité de garanties renforcées sur l'exemplarité des élus, qui pourrait selon le rapporteur prendre la forme de l'obligation d'un casier judiciaire vierge.

Trois axes ont été identifiés par la mission d'information : dépoussiérer le processus électoral, mobiliser les dispositifs de démocratie participative pour développer la participation citoyenne et mobiliser l'échelon local pour faire des jeunes des acteurs à part entière de la vie démocratique.

A. DÉPOUSSIÉRER LE PROCESSUS ÉLECTORAL ET MIEUX INFORMER LES ÉLECTEURS

Les constats de la mission d'information sont les suivants.

Lors des élections de 2021, l'augmentation de l' abstention a atteint des proportions préoccupantes (66,7 % et 65,3 % aux premier et second tours des élections départementales ; 66,6 % et 65,3 % aux premier et second tours des élections régionales).

Lors de l'élection présidentielle de 2017, elle avait atteint 25,4 %, une proportion sans précédent à cette date, si l'on excepte le second tour de 1969 (31,1 %) ; elle a encore progressé en 2022 (28 %).

« Intermittente » ou systématique, elle rejoint la question des non-inscrits et des « mal inscrits » sur les listes électorales . Elle traduit, dans certains cas, un désintérêt pour le vote et un rapport à celui-ci faisant plus de place à la notion de droit qu'à celle de devoir .

Le vote n'étant pas obligatoire en France, le droit de vote implique le droit de ne pas voter, plus particulièrement pour les jeunes électeurs que caractérise un niveau plus élevé d'abstention que les précédentes générations, ce qui pose la question de l'avenir de notre démocratie.

Pour le rapporteur, le taux d'abstention des jeunes est un enjeu crucial . Lorsque les jeunes n'ont pas d'espoir, lorsqu'ils pensent que leur voix ne compte pas, il est compréhensible qu'ils estiment ne pas avoir de raison de participer aux élections. Il faut donc s'interroger sur ce que les élus ont collectivement raté et tout faire pour retrouver la confiance des jeunes . Cela suppose de ne pas avoir peur de se remettre en question.

Quant aux bulletins blancs , qui relèvent d'une autre approche du vote, s'ils sont aujourd'hui décomptés séparément des bulletins nuls en vertu d'une loi de 2014, le fait qu'ils ne soient pas considérés comme des suffrages exprimés suscite la frustration d'électeurs estimant que les résultats ne reflètent pas leur position et alimente un débat en France sur la prise en compte de ces bulletins dans le calcul des majorités.

Les dysfonctionnements constatés au cours de la période récente en matière d'accès à la propagande électorale au format « papier » (retards d'acheminement, préavis de grève, absence de livraison...) appellent des mesures pour dématérialiser l'accès aux professions de foi des candidats.

Les contraintes matérielles rencontrées par l'électeur en amont du scrutin jouent un rôle dans l'abstention. La possibilité de donner procuration à un électeur inscrit sur les listes d'une autre commune, ouverte en 2019, a constitué un assouplissement bienvenu mais les procurations restent le plus souvent limitées à une par personne, ce qui affecte l'accès au vote (hypothèse d'enfants effectuant leurs études loin du domicile familial par exemple) ; la double procuration , en vigueur jusqu'en 1989, a été brièvement réactivée pendant la crise sanitaire. Elle doit être remise en vigueur et pérennisée.

La nécessité d'être présent physiquement au bureau de vote le jour du scrutin pose notamment le problème de l'exercice du droit de vote par les patients hospitalisés. Le vote électronique présente des avantages évidents en termes d'accès au vote ; il améliore la conciliation des devoirs du citoyen et de ses projets de déplacement ou de congés. Il poserait toutefois, s'il était généralisé, la question de l'abandon d'un cérémonial républicain hérité de l'histoire, auquel on peut légitimement être très attaché.

Compte tenu de l'importance des obstacles à surmonter, la généralisation du vote électronique ne saurait être envisagée à brève échéance ; son processus, que la mission estime inéluctable, ne pourra être que progressif, notamment pour tenir compte de la fracture numérique .

La mission d'information recommande donc :

- pour limiter l'abstention et faciliter les conditions de participation matérielle des électeurs aux différents scrutins, la généralisation de la double procuration , qui peut apporter une solution appréciable dans de nombreuses situations (parents âgés, enfants étudiants établis loin du domicile familial...) ;

- s'agissant de l'envoi de la propagande électorale , la mise en place d'un système mixte permettant aux électeurs qui le souhaitent de recevoir ces documents sous forme électronique , parallèlement au maintien des modalités classiques d'envoi dont ne sauraient se passer certains citoyens. Le droit d'option des électeurs, qui éviterait, en tout état de cause, des envois inutiles pourrait être mis en oeuvre, par exemple, à l'occasion d'une réinscription sur les listes électorales, lors d'un déménagement ;

- une campagne d'information ambitieuse sur ces nouvelles modalités de consultation de la propagande électorale.

La mission d'information estime que cette campagne ne doit pas se borner à l'accès à la propagande électorale : compte tenu de l'ignorance largement répandue du rôle et du fonctionnement des institutions, analysée ci-dessus à propos de l'enseignement moral et civique, et qui ne se limite pas à la jeunesse, un effort d'information doit être mené systématiquement en amont de chaque scrutin, afin que tous les électeurs soient capables de mesurer l'enjeu de celui-ci.

La mission d'information recommande donc également que des campagnes d'information « grand public » soient organisées, avant chaque élection , pour rappeler :

- le rôle des institutions concernées par le scrutin à venir, ainsi que les modalités de l'élection ;

- les démarches nécessaires à l'inscription sur les listes électorales , de sorte que les personnes ayant changé de domicile ne se trouvent pas hors délai lors de l'élection.

Afin de toucher plus efficacement les jeunes , la délégation recommande que ces campagnes mobilisent les supports dont ils sont naturellement familiers ( réseaux sociaux ou applications mobiles notamment ).

Enfin, malgré les difficultés que pose le vote électronique, la mission d'information est convaincue que le vote en ligne va dans le sens de l'histoire, même s'il ne faut pas attendre du numérique qu'il comble à lui seul la distance entre les citoyens et les institutions.

Elle préconise donc :

- d'évaluer le vote électronique en l'expérimentant lors de scrutins locaux, dans les collectivités territoriales qui le souhaitent et, le cas échéant, après consultation des électeurs de ces collectivités en amont du scrutin ;

- la mise en place d'un groupe de travail associant experts, acteurs institutionnels et associations pour ouvrir une réflexion sur le vote en ligne , sur la base du résultat des expérimentations locales.

B. MIEUX ASSOCIER LE CITOYEN AUX DÉCISIONS

Les travaux de la mission d'information ont mis en évidence le rôle crucial des collectivités territoriales pour rapprocher les citoyens et les élus .

Ces travaux ont confirmé :

- l'intérêt de l'outil numérique pour associer le citoyen aux décisions ;

- la diversité des formules de démocratie participative (ou délibérative, variant qui met l'accent sur la participation du public à la phase de délibération précédant ou accompagnant l'élaboration des décisions) qui permettent aux institutions de donner de la consistance au dialogue citoyen.

La participation des citoyens à la décision peut intervenir à différents stades : lorsque le citoyen prend l'initiative de la décision (cas de la pétition), lorsqu'il est consulté sur un projet et, enfin, lorsqu'il adopte la décision (cas du référendum).

Le développement des mécanismes de démocratie participative s'est amplifié dans les années 1990 (conseils de développement, conseils de quartier, conseils citoyens, référendum local...) et leur diversité est considérable.

Les témoignages d'élus consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat en janvier-février 2022 font état de limites récurrentes en matière de démocratie participative (consultations très chronophages pour les organisateurs, déception de ceux dont les propositions ne peuvent être prises en compte, difficulté à toucher un public varié, participation souvent faible...) et partagent quelques bonnes pratiques (varier les outils et les formats pour varier les publics ; mieux expliquer, en amont de la consultation, le processus de décision et les suites qui seront données afin d'éviter toute frustration de la part des citoyens consultés).

Des budgets participatifs ont été mis en place dans plus de dix-huit départements, 40 % concernent l'environnement et les budgets alloués, proportionnés au nombre de participants, vont d'un euro à quarante-cinq euros par personne. Des départements mettent également en place des plateformes collaboratives en lien avec les politiques publiques : ces outils ont trouvé un nouvel essor avec la crise sanitaire. Certaines ont été créées à cette occasion pour structurer l'entraide au sein de la population puis conservées depuis.

Les technologies citoyennes ou civic techs , qui recouvrent les procédés et plateformes numériques permettant d'améliorer les liens entre les gouvernements et les citoyens, jouent un rôle important dans le développement de la démocratie participative et délibérative . Entre autres exemples, des applications informent leurs utilisateurs des projets et propositions de loi examinés par le Parlement dans une approche collaborative d'élaboration des lois.

Deux points de vigilance ont été identifiés par la mission d'information pour développer la participation citoyenne :

- clarifier le statut et le financement des civic techs , qui forment aujourd'hui un pôle d'excellence reconnu mais dont le modèle - associatif ou entrepreneurial - gagnerait probablement à être précisé, afin de parvenir à une distinction plus rigoureuse entre les structures « militantes », destinées à renforcer la participation des citoyens par les outils numériques, et les structures proposant des prestations aux secteurs public et privé pour mettre en place des outils de participation ;

- « dédramatiser » le référendum , dont l'usage limité en France tient à un héritage spécifique et à un risque de confusion entre la question posée au corps électoral et l'autorité qui la pose ; la procédure du référendum d'initiative partagée, créé en 2008, n'a jamais abouti depuis son entrée en vigueur. Or, redonner la parole aux électeurs par le biais du référendum est de nature à contribuer à restaurer le lien entre les citoyens et les institutions : une telle évolution suppose de lui rendre sa fonction initiale d'instrument de démocratie directe .

Cette évolution passe, comme la mission d'information l'a constaté à plusieurs reprises, par l'échelon local , indispensable au dynamisme de notre démocratie. Il est donc important que les collectivités territoriales puissent s'approprier le référendum local inscrit dans la Constitution depuis 2003, afin d'y recourir plus largement sur des questions précises et concrètes, ce qui permettra à terme de « banaliser » cette démarche et pourrait conduire à une pratique apaisée du référendum à l'échelle nationale.

Le rapporteur considère que dans tous les cas, quels que soient les outils déployés, les démarches tendant à associer les citoyens doivent être sincères et ne pas relever d'une simple stratégie de communication politique , sur le modèle du greenwashing . Il s'agit d'instaurer une nouvelle culture politique . Cela implique d'en fixer précisément les limites en amont afin d'éviter de frustrer in fine les citoyens qui y participent puis de procéder à une évaluation de la méthode au terme d'une période donnée.

Penser que les élus ont un blanc-seing pendant tout la durée de leur mandat est une erreur, qui conduit à l'abstention et à la défiance.

C. FAIRE DES JEUNES DES ACTEURS À PART ENTIÈRE DE LA VIE LOCALE

La mission d'information a établi les constats suivants :

1. Les collectivités territoriales sont particulièrement engagées à l'égard des jeunes citoyens ; leurs bonnes pratiques pour faire des jeunes des acteurs à part entière de la vie locale sont très diverses et méritent d'être encouragées.

Parmi les initiatives des collectivités territoriales qui s'inscrivent dans cette logique, elle a noté l'intérêt que présentent les journées citoyennes , qui concernent tous les publics mais sont aussi des vecteurs de liens intergénérationnels à prendre en considération. Elle a également constaté le dynamisme des initiatives des collectivités pour inciter les jeunes à un engagement citoyen comme par exemple Tremplin citoyen , dans le département de l'Essonne, fondé sur l'attribution d'une contrepartie financière en échange de quelques heures d'engagement, par exemple au profit d'une association ou d'une collectivité territoriale. Cet outil aide notamment ses bénéficiaires à financer leur permis de conduire.

Enfin, elle estime que les cérémonies de remise de la carte d'électeur aux nouveaux citoyens dans les mairies sont un véritable vecteur de valorisation de la citoyenneté.

La mission d'information est convaincue de l'importance des initiatives des collectivités locales et de leur intérêt en termes de lien social, de rapprochement entre les institutions et les citoyens et d'encouragements adressés aux jeunes.

2. Parmi les dispositifs susceptibles de susciter des vocations de citoyens actifs, la mission d'information a été convaincue de l'intérêt que pourraient présenter les conseils de jeunes si le rôle de ceux-ci était renforcé. Elle a entendu des témoignages éclairants de jeunes conseillers des outre-mer et de métropole.

Les élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat ont livré un bilan nuancé de ces conseils, lieux d'apprentissage de la vie locale mais dont les membres sont souvent difficiles à recruter, a fortiori dans les petites communes. Certains suggèrent de renforcer les liens entre conseil de jeunes et conseil municipal : ce point a également été mentionné à plusieurs reprises lors des auditions de membres de conseils de jeunes par la mission d'information.

Malgré ces difficultés, les conseils d'enfants et de jeunes sont à la fois un outil pédagogique et un instrument de démocratie participative. La mission d'information invite donc les collectivités territoriales qui le peuvent à contribuer au développement de ces instances et à les associer à la vie locale, en leur confiant, lorsque c'est pertinent, de vrais projets.

3. La mission d'information a fait porter sa réflexion sur l'intérêt que présente l'implication des jeunes dans la politique mémorielle , qui constitue aujourd'hui un enjeu local important .

Parallèlement à la disparition progressive des témoins des deux guerres mondiales, notre politique mémorielle est actuellement confrontée au défi de l'association des jeunes aux temps forts que sont les cérémonies et commémorations (11 novembre, 8 mai, 27 mai...).

De manière spontanée, les élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat en janvier-février 2022 ont considéré l'association des jeunes aux cérémonies mémorielles comme un vecteur de transmission des valeurs citoyennes.

Selon la mission d'information, la participation des jeunes à ces cérémonies, gage de réussite de l'indispensable passage de relais entre générations qu'exige la période actuelle, implique :

- l'organisation de ces cérémonies pendant le temps scolaire et en dehors des jours fériés comme le 11 novembre ou le 8 mai, lorsque les acteurs locaux le jugent possible , afin que les classes puissent y participer, ce qui suppose également une préparation en amont avec leurs enseignants ;

- une réflexion des différents organisateurs des commémorations (associations, élus, directions départementales de l'ONAC...) sur les rôles susceptibles d'être confiés aux jeunes lors de ces commémorations, afin que les jeunes aient une participation active à ces dernières : lecture de textes, chansons, contribution au dépôt de gerbes par les autorités locales et nationales, recherches historiques...

L'Éducation nationale doit être associée à cette réflexion, pour que les élèves associés à ces cérémonies puissent y jouer un rôle actif et s'approprier cet héritage structurant sur le plan citoyen.

L'autre défi de la politique mémorielle, parallèlement au rajeunissement de ses acteurs, est sa territorialisation : l'héritage mémoriel se perçoit et se transmet différemment selon que l'on vit près d'Oradour-sur-Glane, des plages du débarquement, des champs de bataille de la Première guerre mondiale, du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, de la prison de Montluc - où furent internés et torturés nombre de résistants - ou en outre-mer.

4. Enfin, la mission d'information a entendu les témoignages de jeunes élus demandeurs de responsabilités , faisant sienne la remarque de l'un d'eux : « Nous ne sommes pas l'avenir, nous sommes le présent », qui appelle notamment à améliorer leur accès aux mandats .

À la question « Comment accroître la place des jeunes dans les collectivités territoriales ? », les élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat ont tout d'abord répondu que promouvoir une participation plus dynamique des jeunes à la vie politique locale est un enjeu démocratique ; 71 % des élus locaux ayant répondu au questionnaire de la mission d'information ont estimé que les moins de 30 ans n'étaient pas suffisamment représentés dans la vie politique locale.

S'agissant des mesures à privilégier pour mieux impliquer les jeunes dans la vie locale , les élus identifient tout d'abord la nécessité de faire connaître aux jeunes le fonctionnement des institutions , face à une ignorance largement répandue. Certains ont souligné le besoin d'un changement de regard sur les jeunes, d'une remise en question des méthodes de travail des élus et d'une adaptation du fonctionnement des institutions aux besoins et aux attentes des jeunes , la priorité étant de leur faire confiance. Certains évoquent aussi la difficile conciliation d'un mandat avec les obligations professionnelles et la vie privée comme un obstacle majeur à l'engagement politique des jeunes , plus particulièrement des jeunes actifs, confrontés aux contraintes du démarrage d'un parcours professionnel et aux responsabilités parentales.

L'attention de la mission d'information a, par ailleurs, été attirée sur le fait que les étudiants pouvaient être plus disponibles que les jeunes actifs et que les mobiliser pour un engagement politique local était un levier de rajeunissement des instances élues.

La mission d'information partage les préoccupations des élus qu'elle a consultés et estime nécessaire de mieux impliquer nos jeunes concitoyens dans la vie politique locale. Elle est, comme ses interlocuteurs, convaincue de l'importance décisive d'un effort massif pour mieux informer les jeunes sur le fonctionnement des institutions , comme elle l'a souligné à propos de l'enseignement moral et civique dans le cadre scolaire. Elle a également acquis la certitude de la nécessité d'ouvrir davantage aux jeunes la porte des institutions et de leur faire confiance .

Afin de rapprocher les jeunes des collectivités territoriales, la mission d'information juge prometteuses certaines suggestions qui lui ont été adressées sur la plateforme du Sénat :

- pour « former les élus locaux aux enjeux de la jeunesse », car les politiques publiques intéressant la jeunesse relèvent d'une approche transversale qui exige une réelle formation ;

- et pour que les collectivités organisent, selon la périodicité qu'elles jugeront pertinentes, des consultations « de tous les jeunes de la localité », qui pourraient donner lieu à l'inscription, à l'ordre du jour de la collectivité, de sujets ainsi identifiés par les jeunes.

En conclusion, la mission d'information invite donc les collectivités territoriales :

- à s'approprier les bonnes pratiques telles que les journées citoyennes, vecteur de solidarités intergénérationnelles ;

- à associer les conseils de jeunes à la vie locale, en leur confiant, lorsque cela leur semble pertinent, de vrais projets.

Elle appelle les organisateurs des cérémonies mémorielles (collectivités territoriales, préfectures, ONACVG...) :

- à envisager des dates, le cas échéant en dehors des jours fériés, permettant aux élèves d'y participer avec leurs enseignants ;

- à associer l'Éducation nationale à une réflexion sur le rôle des jeunes pendant ces commémorations , afin que leur soit confiée une participation active à ces cérémonies .

Souhaitant que les assemblées locales comprennent une proportion plus importante de jeunes élus, et constatant que les étudiants peuvent être plus facilement disponibles que les jeunes actifs compte tenu des contraintes professionnelles et familiales qui pèsent sur ces derniers, elle recommande qu'un statut de l'étudiant élu organise la compatibilité entre les études et l'exercice d'un mandat local. Or les dispositions du code général des collectivités territoriales portant sur les conditions d'exercice des mandats municipaux, départementaux et régionaux fixent des garanties en lien avec l'activité professionnelle de l'élu mais n'en prévoient pas pour l'élu étudiant.

La mission d'information recommande donc de créer un statut de l'élu étudiant en modifiant le code général des collectivités territoriales pour garantir au conseiller municipal, départemental ou régional inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur le bénéfice d'aménagements de scolarité permettant l'exercice effectif de son mandat .

Enfin, la mission d'information appelle les collectivités territoriales à encourager l'accès des jeunes élus aux responsabilités au sein des exécutifs locaux .

23 RECOMMANDATIONS
POUR REDYNAMISER LA CULTURE CITOYENNE

Ø Redéfinir les contenus de l'enseignement moral et civique (EMC) autour de priorités claires pour améliorer la connaissance des institutions

Recommandation n° 1 . - Redéfinir les fondements législatifs de l'enseignement moral et civique (article L. 312-15 du code de l'éducation) à partir de priorités claires : renforcer la connaissance des institutions démocratiques ainsi que des principes de la République et donner à nos jeunes concitoyens les outils pour comprendre les grands enjeux - internationaux, sociétaux et environnementaux - du monde contemporain ; assurer la stabilité de ce socle juridique dans la durée.

Recommandation n° 2 . - Recentrer le contenu et les objectifs de l'EMC autour de ces priorités ; au sein du collège, structurer les programmes par classe et non par cycle pluriannuel ; cibler les années au cours desquelles les programmes d'EMC doivent être centrés sur les aspects institutionnels (classes de 3 e , de 2 nde et de 1 re ).

Recommandation n° 3 . - Intégrer une question d'EMC aux concours de recrutement des professeurs d'histoire et de géographie (CAPES et agrégations), afin de garantir la formation initiale de ces professeurs, auxquels incombe généralement l'enseignement moral et civique. Dans le cadre de la formation continue, prévoir un module d'EMC pour y préparer l'ensemble des professeurs en charge de cet enseignement.

Recommandation n° 4 . - Créer à l'attention des enseignants des outils pédagogiques clairs et objectifs sur les institutions françaises et européennes et le rôle des élus.

Recommandation n° 5 . - Généraliser les rencontres entre élèves et élus, dans les classes et dans le cadre de visites d'institutions (mairies, conseils départementaux et régionaux, assemblées parlementaires...) sur la base de conventions entre l'Éducation nationale, les associations d'élus et les institutions concernées.

Recommandation n° 6 . - Étendre à l'EMC l'évaluation des acquis à laquelle il est procédé en 6 e et en 2 nde , afin de mieux connaître le niveau des élèves.

Ø Recentrer la journée défense et citoyenneté sur ses finalités essentielles : enjeux de la défense, orientation des jeunes en difficultés et présentation des différentes formes d'engagement

Recommandation n° 7 . - Recentrer le contenu de la journée défense et citoyenneté (JDC), défini par l'article L. 114-3 du code du service national, sur les trois axes suivants : l'information sur les enjeux de la défense et de la sécurité et sur les métiers accessibles aux jeunes dans ce domaine ; le repérage et l'orientation des jeunes en difficulté ; la présentation des différentes formes d'engagement (service civique, autres formes de volontariat, sécurité civile, réserves...).

Ø L'urgence de choix clairs concernant l'avenir du service national universel (SNU) : obligation ou maintien du volontariat ?

Recommandation n° 8 . - Lever les incertitudes relatives au SNU concernant le maintien du volontariat ou le choix de l'obligation ; préciser son cadre juridique (législatif et, le cas échéant, constitutionnel) après un débat parlementaire.

Ø Accompagner le développement du service civique et renforcer la formation civique et citoyenne des volontaires

Recommandation n° 9 . - Poursuivre le développement du service civique et pérenniser les moyens dégagés dans le cadre du plan de relance.

Recommandation n° 10 . - Développer le service civique en milieu rural ; intégrer systématiquement le service civique aux politiques publiques en faveur de la ruralité ; mettre en place un soutien financé par l'État afin de prendre en charge les contraintes spécifiques du service civique en milieu rural.

Recommandation n° 11 . - Augmenter la durée de la formation civique et citoyenne des volontaires du service civique au-delà des deux journées actuellement prévues par le code du service national ; tirer les conséquences budgétaires de cette mesure sur les moyens attribués à l'Agence du service civique.

Ø Faciliter l'évolution de la gouvernance des associations

Recommandation n° 12 . - Adapter les formulaires administratifs aux nouvelles pratiques de gouvernance des associations, telles que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers).

Ø Renforcer le lien entre formation civique et citoyenne et insertion

Recommandation n° 13 . - Expérimenter et évaluer la mise en place, au sein de l'Éducation nationale et de l'enseignement agricole, d'un accompagnement et d'un suivi des élèves exclus temporairement de leur établissement, en partenariat avec les acteurs locaux, afin que cette sanction soit l'occasion d'une prise de conscience citoyenne.

Recommandation n° 14 . - Évaluer l'efficacité des stages de citoyenneté, mis en oeuvre dans un contexte pénal, en termes de prévention de la récidive.

Recommandation n° 15 . - Renforcer la visibilité de l'Épide, plus particulièrement sur la plateforme en ligne 1 jeune, 1 solution ; s'assurer que les commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES) soient en mesure de proposer aux jeunes dont aucun des voeux n'a été validé sur la plateforme Parcoursup de souscrire un volontariat d'insertion à l'Épide, en fonction de leur profil.

Recommandation n° 16 . - Prolonger de trois mois le contrat de soutien prévu à l'article L. 130-2 du code du service national pour permettre à certains anciens volontaires à l'insertion titulaires d'un contrat de travail de continuer à être hébergés à l'Épide lorsqu'ils rencontrent des difficultés d'accès au logement, soit six mois au total.

Ø Moderniser le processus électoral et mieux informer les électeurs

Recommandation n° 17 . - Généraliser la double procuration pour faciliter les conditions de participation matérielle des électeurs aux différents scrutins.

Recommandation n° 18 . - Mettre en place un système mixte d'envoi de la propagande électorale (professions de foi des candidats) fondé sur une communication électronique aux électeurs qui le souhaitent, parallèlement au maintien des modalités classiques d'envoi ; organiser une campagne d'information sur ces nouvelles modalités de consultation de la propagande électorale.

Recommandation n° 19 . - Organiser systématiquement, en amont de chaque scrutin, une campagne d'information « grand public », sur tous supports (y compris réseaux sociaux et applications mobiles) pour rappeler le rôle des institutions concernées par le scrutin à venir, ainsi que les modalités de l'élection et les démarches nécessaires à l'inscription sur les listes électorales.

Recommandation n° 20 . - Expérimenter le vote électronique lors de scrutins locaux, dans les collectivités territoriales qui le souhaitent ; ouvrir une réflexion sur le vote en ligne à partir du résultat des expérimentations locales.

Ø Faire des jeunes des acteurs à part entière de la vie locale

Recommandation n° 21 . - Créer un statut de l'élu étudiant de manière à assurer aux élus municipaux, départementaux et régionaux inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur le bénéfice d'aménagements de scolarité facilitant l'exercice de leur mandat.

Recommandation n° 22 . - Inviter les collectivités territoriales à associer les conseils de jeunes à la vie locale en leur confiant, lorsque cela semble pertinent, de vrais projets ; à encourager l'accès des jeunes élus aux responsabilités au sein des exécutifs locaux ; à s'approprier les bonnes pratiques telles que les journées citoyennes, vecteur de solidarités intergénérationnelles.

Recommandation n° 23 . - Appeler les organisateurs des cérémonies mémorielles : à envisager des dates, le cas échéant en dehors des jours fériés, permettant aux élèves d'y participer avec leurs enseignants ; à associer l'Éducation nationale à une réflexion sur le rôle des jeunes pendant ces commémorations, afin que leur soit confiée une participation active (lecture de textes, chants, participation au dépôt de gerbes...).

PREMIÈRE PARTIE - MIEUX ÉDUQUER
ET FORMER LES CITOYENS

Dans cette première partie, la mission d'information s'est centrée sur la problématique de l' éducation à la citoyenneté . Elle a souhaité l'aborder à travers les institutions et les politiques publiques, laissant de côté le rôle des familles, naturellement très important.

Dans la logique du continuum du parcours citoyen qu'elle a souhaité mettre en valeur dans ce rapport, elle s'est tout d'abord interrogée sur l' école : comment celle-ci éduque-t-elle le futur citoyen ?

Cette mission est cruciale : donner aux futurs électeurs les outils pour se prononcer en toute connaissance de cause lors des différents scrutins, ce qui suppose une certaine compréhension des institutions et du rôle des élus ainsi que des grands enjeux du monde d'aujourd'hui. L'objectif est aussi de faire connaître les droits et les devoirs du citoyen dans une logique de « vivre ensemble », ce qui passe par l'acquisition d'une culture commune sur le respect des droits et devoirs de chacun et sur les principes de la République. Si toutes les matières sont susceptibles de contribuer à cette éducation citoyenne, l' enseignement moral et civique en est le cadre privilégié.

À l'approche de la majorité, les obligations du service national - recensement et journée défense et citoyenneté - constituent une autre étape de ce parcours citoyen. Plus particulièrement, la journée défense et citoyenneté permet à tous les jeunes, une fois dans leur vie, d'aller à la rencontre des armées et de ceux qui, dans la diversité de leurs fonctions, assurent notre sécurité. Cette journée défense et citoyenneté, lointaine héritière de l'impôt du sang - devenu en temps de paix l'impôt du temps - rappelle le devoir premier du citoyen, qui est de participer à la défense de son territoire : la situation internationale nous en a une nouvelle fois rappelé la tragique actualité.

La mission d'information s'est également intéressée au lien entre l'éducation civique et citoyenne et l' insertion sociale et professionnelle . Elle a constaté l'intérêt d'une telle formation dans les dispositifs d'insertion destinés aux jeunes. Elle a pris connaissance, lors d'un déplacement, du caractère prometteur de dispositifs destinés au suivi et à l'accompagnement de certains jeunes dans l'hypothèse d'une exclusion temporaire ou d'un risque de décrochage scolaire. Elle a également pu mesurer l'importance d'une « piqûre de rappel » de citoyenneté dans le contexte pénal, à travers les stages de citoyenneté qui peuvent constituer une alternative aux poursuites.

I. L'ÉCOLE ET LA FORMATION DU FUTUR CITOYEN : LE RÔLE CENTRAL DE L'ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE, À REDÉFINIR DE MANIÈRE PLUS PRÉCISE AUTOUR DE PRIORITÉS CLAIRES

Dans son ouvrage Qu'est-ce que la citoyenneté ?, Dominique Schnapper souligne que l'école est « l'institution citoyenne par excellence » et « l'éducation est au coeur du projet démocratique » ; l'école doit, dans cet esprit, « donner à tous les capacités nécessaires pour participer réellement à la vie publique ».

Cette mission spécifique de l'école, inscrite dans le code de l'éducation ( « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République » 17 ( * ) ), a été rappelée par Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, devant la mission d'information : « l'école et la scolarité obligatoire jouent un rôle de premier ordre dans la formation à la citoyenneté, et qu'il convient donc de conforter cette dernière » 18 ( * ) .

L'enseignement moral et civique (EMC) constitue le socle de l'éducation du citoyen dans le cadre scolaire . Or, les ambitions de cet enseignement, caractérisé par des contenus et des programmes particulièrement vastes, voire confus, où les aspects institutionnels occupent une place somme toute modeste, contrastent avec l'insuffisance de la formation des enseignants. Il en résulte un bilan peu satisfaisant qui implique un recentrage autour de priorités claires.

A. LES CONSTATS : UN ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE QUI NE PERMET PAS DE COMPRENDRE LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS

1. Des réformes récurrentes au cours de la période récente, une matière en manque de stabilité

Au fil du temps, l' éducation civique classique , initialement centrée sur le fonctionnement des institutions, s'est étendue à des problématiques relevant du « vivre ensemble » et à des thématiques sociétales diverses, dans un contexte de graves tensions (émeutes dans les banlieues de 2005, attentats terroristes...) qu'il était tentant de demander à l'école de résoudre.

La formation du futur citoyen est au coeur de la mise en place d'un service public de l'éducation nationale. L'article L. 121-4-1 du code de l'éducation dispose que, « au titre de sa mission d'éducation à la citoyenneté, le service public de l'éducation prépare les élèves à vivre en société et à devenir des citoyens responsables et libres, conscients des principes et des règles qui fondent la démocratie ».

Le rôle majeur de l'éducation à la citoyenneté dans le cadre scolaire, qui constitue à bien des égards un héritage historique , a dès l'origine de l'école républicaine pris la forme d'un enseignement dédié. « À l'école primaire, l'éducation civique a longtemps constitué une finalité centrale de l'enseignement » 19 ( * ) . Dans le secondaire en revanche, l'éducation civique n'a été introduite qu'après 1945 ; dans les lycées, il a fallu attendre les années 1990 pour qu'elle apparaisse de manière institutionnalisée dans les programmes scolaires.

L'article 1 er de la loi du 28 mars 1882 de Jules Ferry portant sur l'organisation de l'enseignement primaire mentionne ainsi explicitement, parmi les apprentissages de l'école primaire obligatoire, l'instruction morale et civique. Celui-ci tient une place particulière, puisqu'il s'agit du premier apprentissage dont cet article énonce la liste, avant même « la lecture et l'écriture ». Cet enseignement disparaît cependant, en tant que tel, des programmes à la suite des événements de 1968 avant d'être réintroduit en 1985 à l'initiative de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'éducation nationale.

L'éducation à la citoyenneté a fait l'objet de nombreuses évolutions au cours de la période récente, retracées dans l'encadré ci-après, parallèlement aux débats récurrents suscités par la contribution de l'école à la création d'un sentiment d'appartenance commune et de valeurs partagées.

Depuis les années 1990, les objectifs de cet enseignement se sont étendus à la dimension européenne, à des enjeux internationaux (droits de l'homme et de l'enfant, relations nord-sud, organisations internationales...) et environnementaux ainsi qu'aux grands sujets de société (égalité femmes-hommes, discriminations, bioéthique, société de l'information...).

Dans le contexte issu des attentats terroristes et face aux défis de la diversité culturelle et religieuse, les modules relevant de la cohésion sociale autour des valeurs de la République ont acquis une importance particulière au sein de l'EMC, de même que les séquences relatives aux défis de la crise climatique . En outre, l'enseignement moral et civique doit, depuis 2015, valoriser l'engagement des élèves (en encourageant la participation des élèves aux instances participatives et aux structures associatives existant dans l'établissement ou leur implication dans des projets, tels que le tutorat ou la médiation entre élèves).

L'intégration d'un enseignement moral à l'éducation civique a donné lieu à l'élaboration de nouveaux programmes en 2015 . Avant cette réforme, le contenu de l'enseignement civique avait déjà connu un certain nombre de modifications : pour le primaire en 1995, 2002 puis en 2008 ; au collège dans les années 1990 puis en 2008 et 2012 ; au lycée en 2000 et 2010-2011, selon une étude publiée en 2016 par le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO) 20 ( * ) .

La période récente ne fait pas exception à cette tendance et l'enseignement moral et civique a connu de nouvelles modifications depuis 2019, dans le cadre de la réforme du lycée.

Historique de l'enseignement moral et civique :
évolution des contenus et des méthodes d'enseignement

L'instruction morale et civique est présente dès l'origine de la création de l'école obligatoire en 1882.

Elle est introduite dans le secondaire au lendemain de la seconde guerre mondiale, en 1945, en complément de l'histoire-géographie.

Dans le primaire, l'instruction civique est, en 1969, regroupée dans les activités d'éveil, avec l'histoire, la géographie, les sciences expérimentales et les activités artistiques et manuelles. Elle est réintroduite en 1985 en tant que matière à part entière, à raison d'une heure par semaine.

Au collège, l'éducation civique devient un enseignement spécifique en 1985. Sa place au sein des programmes d'histoire-géographie est renforcée en 1995, une demi-heure par semaine devant désormais être consacrée à l'apprentissage des droits et au fonctionnement des institutions.

Au lycée, l'éducation civique, juridique et sociale (ECJS) est créée en 1998 (selon l'étude CNESCO en 2000).

La notion d'enseignement moral est introduite en 2015 dans le secondaire (elle l'avait été en 2008 dans le primaire) : l'enseignement moral et civique (EMC) remplace l'instruction civique et morale du primaire, l'éducation civique du collège, l'ECJS du lycée général et l'éducation civique dans les lycées technologiques et professionnels.

En outre, quatre « parcours éducatifs » sont créés en 2016, en application de la loi d'orientation et de programmation pour l'école , dont le parcours citoyenneté (au côté du parcours santé, avenir, artistique et culturel).

Les programmes du lycée général et technologique ont été élaborés dans le cadre de la réforme du baccalauréat et du lycée : ceux des classes de seconde et de première de la voie générale et technologique sont publiés en janvier 2019 et sont entrés en vigueur à la rentrée 2019, tandis que celui des classes de terminale, publié le 25 juillet 2019, a été appliqué à partir de la rentrée 2020.

Enfin, un enseignement moral et civique va être instauré dans la voie professionnelle de l'enseignement agricole à la rentrée 2022 pour la classe de seconde, 2023 celle de première et 2024 celle de terminale.

Nouveauté de la période 2017-2022, la notion « respecter autrui » a été explicitement ajoutée aux savoirs fondamentaux et complète désormais le triptyque « lire/écrire/compter ». Des repères de progression qui correspondent à des repères annuels ont été introduits en 2018 - mais en marge de programmes élaborés pour un cycle scolaire pluriannuel.

L'enseignement moral et civique (EMC) est donc présent tout au long de la scolarité de l'élève, du CP au lycée ; il est sanctionné aux examens nationaux de l'Éducation nationale. Des questions spécifiques sont prévues au brevet national des collèges. La réforme du baccalauréat accorde également une place plus importante qu'auparavant à cet enseignement : si l'enseignement moral et civique fait partie du tronc commun, il bénéficie d'une prise en compte spécifique et différente de l'histoire-géographie. Les moyennes de l'élève dans cette matière comptent pour un coefficient 2 21 ( * ) (sur 100), soit autant qu'une option.

Parallèlement aux contenus, les pratiques pédagogiques ont, elles aussi, évolué sensiblement, les textes officiels préconisant désormais l'organisation de débats et faisant des « débats argumentés » une « méthode clef de l'enseignement civique dans le secondaire » 22 ( * ) ; les programmes de 2015 prévoient des « discussions à visées philosophiques » dès le primaire.

Il résulte de cette suite d'évolutions des contenus et des méthodes une difficulté compréhensible, pour les enseignants, de s'approprier l'EMC . Un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) sur le suivi de l'enseignement des fondamentaux à l'école primaire notait ainsi de manière éclairante : « Globalement, les enseignants semblent davantage démunis que non motivés pour dispenser cet enseignement (l'EMC) qui manque de stabilité dans les textes et discours institutionnels depuis des années, ce qui ne contribue pas à consolider des pratiques et une expertise professionnelle » 23 ( * ) .

2. La définition législative de l'EMC : des objectifs disparates omettant l'essentiel

Si le contenu des programmes ne relève normalement pas de la loi, l'EMC fait partie des enseignements définis par la partie législative du code de l'éducation 24 ( * ) . L'article L. 312-15 qui en définit le contenu décline ainsi une large gamme d'objectifs et d'apprentissages incombant à l'enseignement moral et civique, dont il résulte une liste pour le moins disparate où figurent pêle-mêle, entre autres exemples :

- des formations (« aux valeurs de la République », « à la connaissance et au respect des personnes en situation de handicap », au « développement d'une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible » et à l'acquisition d'un « comportement responsable (...) lors de leur usage des services de communication au public en ligne ») ;

- des informations (sur les « organisations internationales oeuvrant pour la protection de l'enfant ») ;

- des projets (la « participation à un projet citoyen au sein d'une association d'intérêt général ») ;

- et des actions de sensibilisation (« à la vie associative et au service civique », « au respect des animaux de compagnie »).

De manière paradoxale, l'article L. 312-15 du code de l'éducation omet de mentionner le fonctionnement de la vie démocratique et des institutions , qui devrait pourtant, selon la mission d'information, constituer l'un des objectifs premiers de l'EMC. La cohérence du dispositif paraît également problématique, puisque le service civique fait partie des sujets sur lesquels les élèves doivent être informés, mais pas le service national universel.

Le tableau annexé à ce rapport montre la fréquence des modifications de l'article L. 312-15 du code de l'éducation, sur lequel le législateur est intervenu douze fois (et à deux reprises certaines années : 2005, 2018 et 2021), et six fois depuis 2017. Les récentes modifications ont notamment visé à étendre le champ de l'enseignement moral et civique afin d'y inclure, par exemple, la condition animale ou encore la lutte contre le harcèlement scolaire, comme le montre le tableau annexé à ce rapport.

3. Des programmes (trop) ambitieux et confus

Les programmes du cycle 2 (classes de CP à CE2) et du cycle 3 (CM1 à 6 e ) poursuivent trois finalités 25 ( * ) : « respecter autrui », « acquérir et partager les valeurs de la République » et, enfin, « construire une culture civique » , approfondis en principe de classe en classe. Chaque module se décline en « connaissances et compétences » et en « objets d'enseignement ».

Au lycée , les programmes d'EMC sont élaborés selon la progression suivante :

- celui de la classe de seconde est construit autour de la notion de liberté (« La liberté, les libertés ») 26 ( * ) ;

- la classe de première est centrée sur les questions sociales (« Fondements et fragilités du lien social »), mais abordées sous un angle assez critique 27 ( * ) : lors de son audition devant la mission d'information, Souâd Ayada a indiqué que le programme abordait la thématique de l'égalité « non pas comme une réalité mais comme une promesse républicaine » 28 ( * ) . On relève parmi les objets d'enseignement possibles le cas pratique suivant, orienté sur le thème de l'exclusion (contrebalancé toutefois par la suite par un chapitre sur les « politiques publiques pour plus d'égalité et de citoyenneté) » : « à partir de l'exemple d'une ville, d'un quartier, d'un groupe social, étudier les mécanismes d'exclusion et les inégalités : ressenti, réalité et expression (violences urbaines, phénomènes de bandes, quartiers fermés, entre soi) ») ;

- l'année du baccalauréat est centrée sur le thème « La démocratie, les démocraties » 29 ( * ) .

S'agissant du collège , dont l'importance est déterminante car tous les élèves ne vont pas au lycée, la lecture du programme d'EMC, par ailleurs rédigé en termes malaisément compréhensibles, souligne une diversité déroutante de thématiques qu'illustre, pour le cycle 4 (de la 5 e à la 3 e ), le document annexé à ce rapport. On y trouve, entre autres multiples exemples, l'égalité et la discrimination, l'égalité fille-garçon, la fête nationale, l'hymne européen, le harcèlement scolaire, les grands principes juridiques français (« respect du droit de propriété », « protection contre les risques sociaux », « le droit du travail, le droit de grève, la liberté syndicale ») ou encore la différence entre la loi et la jurisprudence, les différentes déclarations des droits de l'homme, la dissuasion, la JDC et le SNU, le statut juridique de l'enfant, « la consultation et les modalités de consultation du peuple : du vote à la démocratie participative », « le fonctionnement de l'État : décentralisation, déconcentration », « les libertés de conscience, d'expression, d'association, de presse », « l'engagement politique, syndical, associatif, humanitaire et en faveur de l'environnement : ses motivations, ses modalités, ses problèmes ».

Lors de son audition, Souâd Ayada, alors présidente du Conseil supérieur des programmes, a effectivement jugé souhaitable de clarifier les attendus de fin de collège et de « simplifier la structuration du programme », qui se présente comme une accumulation de « nombreuses strates », ce qui ne facilite « ni son appréhension, ni son traitement » : « Une rédaction trop détaillée donne l'impression d'un empilement d'objectifs, d'un éparpillement des contenus voire de nombreuses répétitions. Il semble peu aisé pour les enseignants de l'enseigner et pour les élèves de se l'approprier ». La lecture de ces documents ne peut que conduire la mission d'information à partager cette analyse et à souligner l'urgence de cette correction.

Face à la multitude des thématiques à aborder et à l'absence de priorité claire, l'enseignant doit donc faire des choix . Ceux-ci vont se porter, en l'absence de toute priorité définie par le ministère, sur ses goûts, les thématiques sur lesquels il se sent le plus à l'aise et compétent, ou sur celles qu'il estime les plus importantes ou intéressantes pour ses élèves. Interrogés sur la priorisation face à la multitude des thématiques, un syndicat enseignant a indiqué que « ces thématiques sont priorisées en fonction de différents critères : l'appétence de l'enseignant pour telle ou telle question, l'actualité de la question, la disponibilité des ressources pédagogiques, la complexité de la question au regard du niveau des élèves dans les différentes classes, la crainte éventuelle de traiter un sujet pouvant provoquer des polémiques potentiellement incontrôlables (classiquement : le sujet du port du voile à l'école par exemple) » 30 ( * ) . Avec cet enseignement dépendant des choix du professeur, pour reprendre les mots de Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur de l'éducation nationale, « c'est la volonté collective qui en pâtit » .

Comme l'a indiqué Souâd Ayada, « Cet enseignement donne [aujourd'hui] le sentiment d'une exhaustivité des connaissances, qui n'est pas de mise à ce niveau, ni même dans un cadre scolaire. »

En outre, les concepts irriguant le programme - par exemple la République, la Nation et la démocratie - y sont mal définis et ne sont pas abordés à travers leurs dimensions politiques, historiques et institutionnelles, ce qui selon l'ancienne présidente du Conseil supérieur des programmes pourrait affecter la compréhension, par les élèves, de leur genèse et des spécificités de leur conception française. Ainsi, au collège, les valeurs de la République « prennent le pas » sur la définition de la République . Les notions sont parfois abordées de manière trop abstraite, ne permettant pas aux élèves de comprendre leurs implications pratiques, ou au contraire se réduisent à la présentation des symboles de la République.

Extraits de l'audition de Souâd Ayada,
alors Présidente du Conseil supérieur des programmes

« Si on se penche plus en détail sur la deuxième finalité du programme (acquérir et partager les valeurs de la République), on se rend compte que celle-ci s'appuie sur une définition indéterminée de la République. Les principes et les valeurs ne sont pas suffisamment appréhendés dans leur aspect politique pour en saisir le contenu concret. Ils sont abordés au même titre que les symboles de la République, dans une perspective qui rapporte la citoyenneté française à la citoyenneté européenne. En l'état actuel, il semble excessivement difficile de distinguer les concepts de République, démocratie ou nation : ces notions ne sont pas définies, et sont principalement délimitées dans la relation qu'elles entretiennent les unes avec les autres. La République est à la fois tout et rien de bien précis. Il conviendrait de circonscrire le périmètre d'un enseignement de la République et de déterminer ses contenus.

Au collège, l'appréhension de la République fait l'objet de propos abstraits qui ne restituent pas le mouvement de sa genèse. Les programmes ne semblent pas viser des connaissances précises sur ce sujet. Au collège, l'étude des valeurs de la République prend le pas sur celle de ses principes. Elle est menée selon une double perspective, celle que dessinent les droits de l'individu et du citoyen et celle que constitue l'égalité, présentée non pas comme une réalité, mais « comme une promesse républicaine ». Les perspectives juridiques, politiques et historiques sont écartées, au profit d'une approche sociétale, ancrée dans des enjeux contemporains.

On a l'impression qu'au collège les valeurs de la République désignent tout ce qui se rattache à la démocratie, à l'État, à la nation, à la loi, à la cohésion sociale et nationale, à la laïcité, sans que ces différents niveaux soient distingués. Ces valeurs véhiculent inévitablement une certaine confusion, que renforce le caractère indéterminé de la notion de valeur. Rien de ce qui fait la singularité du civisme républicain n'est explicité » 31 ( * ) .

On constate donc en définitive une confusion entre EMC, valeurs de la République et actions menées pour améliorer le « climat scolaire », par exemple afin de lutter contre le harcèlement . De manière éclairante, interrogée sur la création de contenus et les outils dédiés à l'EMC, la directrice générale du Réseau Canopé s'est spontanément concentrée sur l'enseignement aux médias et à l'information (EMI) et les valeurs de la République : « pour ce qui concerne la création de contenus d'EMC, nous avons créé un groupe de travail "EMI et valeurs de la République", doté d'une cheffe de projet » . De même, les chiffres relatifs aux formations consacrées aux valeurs de la République ont naturellement été cités.

Si la mission d'information partage la volonté du ministère de renforcer l'apprentissage et le partage des valeurs de la République, ceux-ci ne doivent pas laisser de côté des pans entiers de la formation du futur citoyen, et notamment les modalités concrètes de fonctionnement et de participation à la vie démocratique du pays.

4. Un traitement succinct par les manuels

L'étude de quelques manuels, certes non exhaustive mais probablement représentative, à laquelle le rapporteur a procédé révèle quelques lignes de force préoccupantes. Cette lecture confirme le constat posé lors de son audition par la présidente du Conseil supérieur des programmes : « les manuels scolaires obéissent à une logique de déconstruction, à de l'éparpillement, avec peu de textes, peu d'idées et mises sur le même plan. Ils insistent sur le débat d'opinion et non sur la connaissance. Les éléments mis en valeur sont la démocratie participative, les discriminations, la liberté de moeurs et sexuelle, les droits des personnes homosexuelles, transgenres, les migrants, leurs droits... » 32 ( * ) .

Conséquence directe de la rédaction trop théorique des programmes évoquée ci-dessus, le contenu est hétérogène, y compris au sein d'une même collection 33 ( * ) : ainsi, aux éditions Hachette, le nombre de pages consacré à l'EMC varie du simple à plus du double selon les années, avec un contenu d'intérêt inégal, parfois riche et dense, et parfois nettement moins convaincant.

Du fait de la structuration par cycle et non pas par année scolaire du programme, ce contenu est très répétitif et l'on ne discerne pas de véritable progression d'année en année.

Enfin, conformément à une tendance assumée (et regrettable) de la pédagogie actuelle dans notre pays, les éléments de cours sont d'ampleur limitée , au profit de documents « bruts ». Ainsi, un élève qui ne recevra pas de son professeur de cours d'EMC complets sur l'année peut parfaitement avoir lu consciencieusement ses manuels et, pour autant, ne rien en retenir hormis des bribes disparates de connaissances qu'il aura dû lui-même reconstituer.

Quelques lignes de force positives se dégagent à l'école élémentaire et au collège , au vu des collections Hatier et Hachette que le rapporteur a consultées :

- les auteurs s'efforcent, en général, de fournir, souvent sous forme de schémas bien conçus , le « noyau dur » des connaissances aux élèves ;

- les manuels reproduisent fréquemment les textes fondateurs de nos institutions, notamment les déclarations des droits de 1789 et 1946, citées in extenso , dès la classe de sixième, aux éditions Hatier ;

- l'organisation de la justice et le rôle des tribunaux sont correctement décrits, de même que le processus de vote et les règles qui le régissent ou le rôle des maires ;

- les manuels, de manière générale, présentent efficacement le rôle des règles et leur nécessité pour garantir le « vivre ensemble », et la nécessaire conciliation entre liberté et sécurité ou entre libertés individuelles et libertés collectives.

Au lycée en revanche, l'EMC fait figure de « parent pauvre » des manuels d'histoire-géographie. La matière n'occupe qu'une place des plus réduites dans les manuels ; le constat est, certes, cohérent avec l'horaire très limité prévu par les textes officiels, mais il en est aussi, du même fait, encore plus regrettable :

- aux éditions Hachette, 22 pages en moyenne pour chacune des années de 2 nde , 1 ère et terminale ;

- aux éditions Le Livre Scolaire, 34 pages en moyenne ;

- aux éditions Magnard, qui consacrent à l'EMC un manuel qui lui est spécifiquement dédié et couvre les trois années du lycée, le volume annuel est similaire : 33 pages.

Comme le relève l'encadré ci-après, l'organisation des institutions semble absente de ces manuels, si l'on fait exception de schémas qui mériteraient, à ce niveau, des explications détaillées. On objectera, peut-être, que ces curieuses lacunes n'en sont pas, puisque le programme d'histoire comporte un chapitre dédié à la V e République, qui en présente les institutions ; il n'empêche que l'angle d'étude est différent et qu' un enseignement « civique » qui ne décrit pas les institutions de la « cité » ne remplit pas sa fonction .

En outre, la situation de notre pays, plus particulièrement sur le plan social, y est décrite sous l'angle volontiers pessimiste et quasiment exclusif des discriminations.

L'enseignement moral et civique dans les manuels de lycée

Des documents, mais pas de cours

Suivant la tendance générale des manuels scolaires depuis quelques années, le parti est pris de ne quasiment jamais fournir aux élèves de cours si l'on fait exception des quelques lignes d'introduction écrites en tête de chapitre par les auteurs.

Pour le reste, les nombreux documents produits (photos, articles de journal, parfois extraits de textes constitutionnels ou de loi, citations d'auteurs) impliquent nécessairement l'intervention de l'enseignant. Une lecture autonome de l'élève paraît difficile et ne permettrait pas à celui-ci d'appréhender correctement le sujet traité.

Dans le manuel Magnard , certains thèmes sont complétés, à titre d'illustration, par des références cinématographiques ou théâtrales, par des chansons ou par des portraits de personnages célèbres (tels que Nelson Mandela, Olympe de Gouges, Germaine Tillion). On peut s'étonner à cet égard que la page relative à l'abolition de la peine de mort, illustrant le thème de « l'espace d'exercice des libertés », consacre une pleine page au téléfilm L'abolition , inspiré en 2008 des livres de Robert Badinter, et que le visage de l'acteur incarnant le futur garde des Sceaux ainsi que la fiche technique du film occupent finalement plus de place que la photo de Robert Badinter lui-même, sans que figure sur ces pages la moindre citation de ses discours, pourtant historiques, devant le Parlement lors de l'examen de la loi de 1981 abolissant la peine de mort. On peut aussi trouver étrange certaines sélections de personnalités destinées à illustrer une cause : ainsi le choix de l'actrice Emma Watson, dans le manuel Magnard , pour incarner la défense des droits des femmes paraît discutable au pays de Gisèle Halimi (en revanche la personnalité de Simone Veil est rapidement évoquée sur une page consacrée au combat pour la liberté à travers un texte de Leïla Slimani)... Sur deux pages, le manuel décline la biographie d'Emma Watson, illustrée par sa photo, et reproduit un extrait d'un discours prononcé à l'ONU en tant qu'ambassadrice des droits des femmes. La jeune actrice est donc largement plus présente que Germaine Tillion ou que Simone Veil, par exemple.

L'organisation des institutions de la République, grande absente

Un bachelier ayant lu méthodiquement ses manuels d'EMC n'aura probablement jamais disposé :

- d'explication sur le rôle du Président de la République et du gouvernement ; il n'aura, d'ailleurs, probablement que rarement rencontré le mot « ministre », si ce n'est, dans le manuel Magnard , à l'occasion d'une affaire de fraude fiscale concernant un ancien ministre du budget (exposée à partir d'un extrait d'une bande dessinée intitulée Les riches au tribunal ), mais rien, sauf erreur, sur la composition, le rôle et le fonctionnement du gouvernement, sauf un bref encadré sur les institutions repéré dans le manuel Magnard ;

- d'indication sur le processus d'élaboration de la loi (ainsi, la partie dévolue à la classe de 2 nde du manuel des éditions Magnard consacre un encadré à la « fabrique de la loi » et n'évoque ... que l'Assemblée nationale !) ; le Sénat est évoqué dans ce manuel à l'occasion des élections, locales, nationales et européennes, mais pas en tant que législateur ;

- de présentation claire des collectivités territoriales, à l'exception des informations relatives aux élections.

Le biais récurrent du pessimisme

Comme cela a été indiqué précédemment, les manuels suivent les programmes, qui en prédéterminent donc en partie le contenu ; les biais qui les affectent sont ainsi, en partie, en germe dans les orientations fixées par l'Éducation nationale. Force est toutefois de constater qu'ils les accentuent : une présentation régulièrement pessimiste de la situation sociale de notre pays peut être souvent relevée au fil des pages, à travers des références récurrentes au thème des discriminations.

Le principe d'égalité est largement consacré dans le corpus juridique français : or les manuels insistent sur les discriminations, sans mettre en évidence tout ce qu'a réalisé notre pays pour promouvoir l'égalité, de droit mais aussi réelle (par exemple le volume considérable des prestations sociales et de la redistribution, qui en fait, sur ce point, l'un des pays les plus égalitaires au monde). Ainsi, au chapitre « libertés économiques et droits sociaux » (classe de 2 nde ), le manuel Magnard consacre un schéma sommaire à la protection sociale, le reste du dossier étant consacré à la pauvreté à travers les thèmes du revenu universel et du droit au logement.

Une valorisation systématique de certains engagements

Les manuels consultés mettent volontiers en avant les formes d'engagement suivantes : associatif, environnemental, économie « participative et collaborative ».

Il n'est évidemment pas question de nier l'utilité qu'il y a à promouvoir de tels engagements ; on ne peut, en revanche, que regretter l'absence ou la quasi absence de toute mention de l'engagement des 500 000 élus locaux, du rôle des maires lorsque des catastrophes frappent nos concitoyens, ou de celui des grands services publics de notre pays...

Ainsi le manuel Magnard consacre-t-il une double page à l'engagement syndical (à partie du film En guerre de Stéphane Brié) et au courage des lanceurs d'alerte (à partir du film La fille de Brest , d'Emmanuelle Bercot), mais rien à l'armée, si ce n'est à l'occasion d'une page sur le film Les combattants , de Thomas Cailley intitulée « regards sur les jeunes et la défense ». La police est succinctement évoquée en revanche au titre de « la sécurité dans un état de droit », séquence traitant notamment la lutte contre le terrorisme.

Source : mission d'information

5. L'éducation aux médias et à l'information, un enseignement à la périphérie de l'EMC qui peine à trouver sa place

Depuis la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République de 2013, dans un contexte d'utilisation croissante des réseaux sociaux, le code de l'éducation prévoit une « éducation aux médias et à l'information qui comprend une formation à l'analyse critique de l'information disponible » pour les collégiens (art. L. 332-5 du code de l'éducation). Les nouveaux programmes du cycle 2 (CP, CE1 et CE2) parus en 2020 appellent néanmoins dès le primaire à « prendre appui sur l'éducation aux médias et à l'information » pour le « développement des aptitudes au discernement et à la réflexion critique », dans le cadre de la troisième finalité « construire une culture civique ».

L'enseignement aux médias et à l'information (EMI) est intégré dans le code de l'éducation (article L. 315-12) à l'EMC mais n'est pas nécessairement dispensé par les mêmes enseignants. Il peut être confié aux professeurs-documentaristes des collèges.

L'enseignant en charge de l'EMI peut avoir recours aux outils élaborés par le Clemi (centre de liaison de l'enseignement et des médias de l'information), créé en 1983. La semaine de la presse et des médias est également un événement important : chaque année environ 400 000 collégiens de 4 e et de 3 e y participent, notamment par des rencontres avec des journalistes.

Selon Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire, « l'EMC vise à développer la connaissance des valeurs de la République, la culture citoyenne, les droits et devoirs, et l'EMI à comprendre l'information, à apprendre à identifier ses sources, à confronter les regards et à développer sa capacité d'analyse face à une information plus éclatée et abondante que jamais ».

Dans les faits, ces deux enseignements se recoupent et parfois se confondent :

- l'article L. 312-15 du code de l'éducation précise que « dans le cadre de l'EMC, les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information » ;

- contrairement à l'EMC, il n'existe pas d'horaires dédiés à l'EMI dans les programmes scolaires ;

- les fausses informations et ses conséquences sur la démocratie ont été un sujet majeur ces cinq dernières années, en faisant un sujet d'actualité abordé en EMC.

Force est de constater, comme pour l'enseignement moral et civique, une réalité de terrain en décalage par rapport aux engagements forts en faveur de l'EMI dans les instructions officielles . L'étude du CNESCO de février 2019 intitulée Éducation aux médias et à l'actualité : comment les élèves s'informent-ils ? , constate que « l'institution scolaire ne paraît pas pleinement accompagner les jeunes dans un univers informationnel en mutation marqué par des débats forts autour des réseaux sociaux et des infox qui s'y propagent » . Au final, plus qu'une éducation aux médias - c'est-à-dire avec les médias comme objet d'études -, il s'agit plutôt d'une éducation par les médias, utilisés comme supports d'information. Selon l'enquête du CNESCO, à peine plus de la moitié des élèves de 3 e (52 %) déclarent avoir abordé le sujet des médias en EMC 34 ( * ) .

La commission Les Lumières à l'ère du numérique , présidée par Gérald Bronner, a remis son rapport le 11 janvier 2022 au Président de la République. Elle appelle notamment à renforcer la formation à l'esprit critique à l'EMI, dès l'élémentaire, ainsi que la formation des enseignants . Selon cette commission, « l'Éducation nationale a un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre les fausses informations ». À la suite de ce rapport, le ministre de l'éducation nationale a présenté devant la mission d'information la mise en place de plusieurs mesures visant à renforcer l'EMI, notamment :

- la nomination dans chaque académie d'un référent sur le sujet, sous l'autorité du recteur ;

- la création dans chaque académie d'une cellule d'éducation aux médias et à l'information, pilotant cette politique pour les premier et second degrés ;

- un renforcement des moyens pour le coordonnateur académique ;

- l'élaboration d'un vadémécum en lien avec le ministère de la culture.

Comment les jeunes s'informent-ils :
l'exemple des élèves du lycée Henri IV de Béziers
35 ( * )

En lien avec Henri Cabanel, rapporteur, qui entretient des liens réguliers avec le lycée Henri IV de Béziers grâce à Jean Fonteray, enseignant en droit et grands enjeux du monde contemporain (DGEMC), les élèves de terminale suivant cette option ont réalisé un sondage sur « la culture citoyenne » auprès de leurs camarades de lycée. 728 réponses ont été analysées - un peu plus de la moitié des élèves du lycée ont répondu à l'enquête. Celle-ci a été complétée par l'avis de 129 enseignants du secondaire 36 ( * ) , permettant un regard croisé sur certaines thématiques entre élèves et enseignants.

Cette étude éclaire sur les outils utilisés par les jeunes pour s'informer. Les réseaux sociaux sont leurs principales sources d'information sur la politique et les institutions (61 %), essentiellement avec Instagram , Twitter , puis TikTok et YouTube . La radio ou la télévision sont la deuxième source d'informations (57 %).

6. Des enseignants insuffisamment formés et outillés
a) Un enseignement à vocation transversale mais reposant dans les faits, dans le secondaire, sur les professeurs d'histoire-géographie

Le ministre de l'éducation nationale l'a rappelé à la mission d'information lors de son audition : « l'éducation civique est aussi la résultante des autres enseignements » . On peut citer, comme disciplines susceptibles en théorie de contribuer à l'éducation citoyenne, la philosophie, les langues et le français.

Ainsi, Luc Ferry, ancien ministre de l'éducation nationale, évoquait lors de son audition l'intérêt des « grandes oeuvres cinématographiques et littéraires, telles que La Liste de Schindler , Amistad, le remarquable film de Spielberg sur l'esclavage, ou Le choix de Sophie », qui « pourraient être utilement mobilisées pour susciter l'intérêt des élèves » : « J'en suis convaincu, les programmes d'instruction civique doivent être recentrés sur des thèmes fondamentaux (...) et passer par de grandes oeuvres littéraires et cinématographiques qui touchent à la fois l'intelligence et le coeur » 37 ( * ) .

L'enseignement moral et civique est toutefois, dans les faits, principalement dévolu aux enseignants d'histoire-géographie dans le secondaire . Or, selon plusieurs syndicats d'enseignants consultés par la mission d'information, l'EMC n'est pas présent en tant que tel que dans le cursus d'histoire-géographie, si l'on se réfère aux maquettes des Master MEEF (qui préparent aux métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé).

Avec la réforme du lycée en 2019, 20 % des cours d'EMC sont désormais assurés par un enseignant autre que celui d'histoire-géographie : enseignant de sciences économiques et sociales (SES) notamment, enseignant de philosophie ou encore enseignants de la nouvelle spécialité « droits et grands enjeux du monde contemporain ». Pour la Cour des comptes, cet élargissement des disciplines de recrutement des enseignants s'explique notamment par des « préoccupations utilitaires » (« boucler un service »). D'ailleurs, le nombre d'heures des enseignants de sciences économiques et sociales a baissé de 13,6 % 38 ( * ) depuis 2019, nécessitant pour certains d'entre eux de compléter leur service par des heures autres que celles de leurs disciplines.

Cette diversification des profils d'enseignants de l'EMC semble en principe intéressante, à condition que ces professeurs soient formés et accompagnés. En effet, selon la Cour des comptes, « le quasi-monopole de fait des enseignants d'histoire-géographie sert souvent de prétexte à leurs collègues pour s'en désintéresser. Ce mode d'attribution ne favorise pas le travail pluridisciplinaire prôné par les programmes ». La mission d'information souhaite le souligner : la transmission des principes de la République et la formation du citoyen doit être un projet partagé par l'ensemble de la communauté éducative. L'ensemble des disciplines, au-delà de l'EMC ou de l'histoire-géographie, fers de lance en la matière, ont leur rôle à jouer.

b) La question des outils pédagogiques, peu faciles à mobiliser

Le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2021 sur l'éducation à la citoyenneté souligne que les outils pédagogiques dédiés à l'EMC sont nombreux et peu utilisés du fait de la multiplication des sites et du manque d'accompagnement des enseignants . Il semble en effet difficile, pour un enseignant novice, de s'y retrouver dans la profusion d'outils pédagogiques disponibles en ligne , plus particulièrement sur le Réseau Canopé . Ainsi, pour la seule école primaire, 19 pages internet relatives à l'enseignement moral et civique ont été identifiées en marge des travaux de la mission d'information, chaque page comportant une dizaine de références, sans véritable accompagnement pour sélectionner ces supports.

La mission d'information note avec intérêt la nouvelle mission du Réseau Canopé - historiquement l'éditeur de ressources de l'Éducation nationale - qui se voit désormais confier explicitement dans son nouveau contrat d'objectifs et de performances avec l'État une mission de formation des enseignants tout au long de la vie. Une direction de la formation vient d'ailleurs d'être créée au sein du Réseau Canopé et le site internet est en cours de refonte. Lors de son audition, la directrice générale du Réseau Canopé 39 ( * ) a précisé que Canopé était très attaché à permettre à tout enseignant de pouvoir proposer du contenu, même si, « à ce jour, ce principe n'a pas trouvé sa pleine application » . Plusieurs outils numériques ont été mis à la disposition des enseignants comme viaéduc , qui fonctionne comme un réseau social et permet aux enseignants d'échanger leurs bonnes pratiques, ou encore un outil permettant de créer des séquences pédagogiques thématiques et de les proposer à d'autres collègues.

Trois exemples de contenus innovants
pour rendre l'EMC moins abstrait

Voxapolis : un jeu de rôle développé à l'initiative d'enseignants, pour aider à mieux comprendre le fonctionnement de la République et le scrutin.

Les clés de la République : des capsules de trois minutes utilisables en classe et réutilisables par les parents et les enfants, abordant les thèmes de la gouvernance mondiale, l'ONU, la séparation des pouvoirs, les symboles de la République.

Un escape game autour des valeurs de la République.

(Source : audition de la directrice générale de Canopé )

On ne peut donc qu'espérer que les enseignants trouvent davantage de réponses à leurs questionnements sur ce site dont la richesse contribue à rendre plus complexe l'identification de sources pertinentes et priorisées.

c) La formation des enseignants, un point faible

Les travaux de la mission d'information ont mis en relief le point faible que constitue la formation des enseignants.

À de nombreuses reprises 40 ( * ) , le Sénat a pointé du doigt la faiblesse de la formation des enseignants, tant initiale que continue. Les budgets de formation continue connaissent une sous-exécution chronique. En 2019 41 ( * ) , à peine 71 % de celui-ci a été consommé (34,4 millions d'euros sur les 48,4 millions d'euros alloués).

L'EMC est particulièrement concerné en raison de ses spécificités.

Selon les informations transmises à la mission d'information, les épreuves de CAPES d'histoire-géographie ne comportent aucune épreuve d'enseignement moral et civique, alors même que celui-ci incombe plus particulièrement aux professeurs de cette discipline. Cela n'incite pas les Inspé à approfondir cet enseignement.

En outre, l'EMC n'étant pas une discipline universitaire, l'identification du formateur est parfois difficile. Certains Inspé sollicitent les inspecteurs pédagogiques d'histoire-géographie. Comme l'a souligné lors de son audition Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général de l'éducation nationale et auteur du rapport La formation des personnels de l'éducation nationale à la laïcité et aux valeurs de la République , « quid de la formation des professeurs chargés de dispenser cette éducation morale et civique, qui "émarge" à quatre disciplines universitaires ? Outre la formation méthodologique, il faut une formation sur les contenus : le droit, l'histoire, les sciences politiques et la philosophie politique » 42 ( * ) .

En matière de formation continue également, la formation fait défaut. Comme l'indique la note de l'inspection générale de l'éducation du sport et de la recherche (IGÉSR) de janvier 2020 sur le suivi de l'enseignement des fondamentaux à l'école primaire, « respecter autrui demeure une question d'enseignement non investie » . Elle constate notamment la faible place de la priorité « respecter autrui » dans les formations et l'accompagnement des enseignants, alors même que la demande des enseignants est forte.

Extraits de rapports de l'IGÉSR sur le suivi de l'enseignement des fondamentaux
à l'école primaire, notes d'étape n° 1 à 3 (note 2018-19 octobre 2018 ;
rapport n° 2019-013 mars 2019 ; rapport n° 2019-063 juillet 2019)

« Le seul domaine pour lequel l'effort reste clairement à accentuer est l'enseignement moral et civique, qui apparaît peu (en tout cas beaucoup moins) pris en compte dans les formations comme dans les suivis, soit que le terme « fondamentaux » renvoie d'abord à la lecture [...] et aux mathématiques, soit que l'accompagnement national par les ressources et les séminaires d'inspecteurs ait été moins fort » (note 2018-19).

« L'enseignement moral et civique apparaît quant à lui très peu dans les formations comme dans les suivis, la priorité "respecter autrui", lorsqu'elle est abordée, l'étant par le biais du traitement des problèmes de climat scolaire ». « La réduction presque systématique du précepte "respecter autrui" à la dimension du climat scolaire interroge sur sa portée exacte et le sens qu'il convient de lui donner : cette priorité recoupe-t-elle l'enseignement moral et civique dont le programme a été modifié sans que cela ait lieu à des formations voire même à de l'information ou doit-elle être considérée comme renvoyant à une approche plus globale, plus éducative que strictement pédagogique ? » (note 2019-013).

Les syndicats enseignants déplorent également ce manque de formation, initiale ou continue. Certains d'entre eux estiment que la formation continue en EMC est inexistante en tant que telle. Certes, il existe des formations pour répondre à une priorité nationale (éco-délégués, lutte contre le harcèlement scolaire, éducation à l'environnement, valeurs de la République,...), mais cela varie selon les académies. « L'EMC n'est pas une discipline mais un enseignement, et depuis sa création, on a beaucoup de mal à savoir qui pilote cet enseignement au niveau de l'inspection générale et des inspections pédagogiques académiques. De là la difficulté à avoir des propositions de formations cohérentes par rapport aux programmes d'EMC » . Un autre syndicat constate : « L'offre de formation continue en EMC est moins abondante que celle proposée pour les enseignements disciplinaires classiques. Elle est rarement priorisée par les corps d'inspection et par les enseignants dans la mesure où la priorité assumée est souvent celle liée à la maîtrise des programmes disciplinaires académiques. Les enseignants autres que ceux d'histoire-géographie sont rarement présents dans les formations d'EMC quand celles-ci sont proposées » 43 ( * ) .

Le graphique ci-dessous, extrait de l'enquête précitée, conduite au sein de leur établissement par des lycéens de Béziers, montre que les enseignants interrogés portent un regard critique sur l'enseignement de la citoyenneté - un jugement qu'ils partagent avec les élèves.

d) Un effort de formation principalement axé, au cours de la période récente, sur la transmission des valeurs de la République

À l'initiative du ministre, plusieurs mesures ont été prises afin de renforcer la transmission des valeurs de la République.

Le renforcement nécessaire
de la formation aux valeurs de la République

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le Sénat avait souligné la nécessité de renforcer la formation des enseignants à la laïcité et aux valeurs de la République 44 ( * ) . En effet, selon un sondage Ifop de 2018 45 ( * ) , les ¾ des enseignants indiquaient ne pas avoir bénéficié de formation initiale sur la laïcité, et seulement 6 % en avaient bénéficié au titre de la formation continue - avec des résultats mitigés, puisque 40 % des participants n'en étaient pas satisfaits. Ce sondage mettait également en avant l'autocensure des enseignants : plus d'un sur trois indiquaient s'être déjà autocensuré pour éviter des incidents avec les élèves, cette proportion concernant la moitié des enseignants en REP.

Enfin, le rapport de l'IGÉSR sur l'application du principe de laïcité dans les établissements publics scolaires (IGÉSR n° 2019-115, novembre 2019) mettait en exergue un phénomène inquiétant : une appropriation trop limitée du principe de laïcité aux personnels de l'encadrement : « le principe de laïcité, la connaissance de ses racines historiques et juridiques et de sa signification, ainsi que ses règles d'application et sa portée restaient très lacunaires chez beaucoup d'enseignants, certes à des degrés très différents selon leurs disciplines d'enseignement (les professeurs d'histoire-géographie et EMC sont souvent mentionnés comme bien au fait de l'ensemble de ces questions). Plusieurs interlocuteurs de la mission ont en outre souligné que, pour un certain nombre d'enseignants, la conception de la laïcité et de son sens était davantage affaire de positionnement personnel, idéologique et politique, que de droit, ce qui pouvait entraîner des tensions dans l'équipe éducative, lorsque la question de son application dans l'établissement était évoquée ».

Au niveau de la formation initiale tout d'abord, la nouvelle maquette des concours de recrutement des professeurs inclut dans la nouvelle épreuve orale d'entretien une question relative à la laïcité et aux valeurs de la République, notamment par des mises en situation. Il s'agit de vérifier la « capacité du candidat à s'approprier ces valeurs et à les transmettre ». Par ailleurs, le ministère a publié un référentiel de compétences et un cahier des charges de la formation initiale à la laïcité et aux valeurs de la République, destinés aux Inspé. Ces deux mesures traduisent la volonté du ministre de l'éducation nationale qu'un « professeur ait des compétences de savoir et de transmission, mais il est aussi porteur des valeurs de la République au quotidien » 46 ( * ) .

À la suite du rapport de Jean-Pierre Obin sur la formation des enseignants aux valeurs de la République de mai 2021, un vaste plan de formation du personnel de l'Éducation nationale en matière de laïcité et de valeurs de la République est en cours de mise en place. À terme, 25 % des crédits dédiés à la formation continue seraient ainsi consacrés aux thèmes « laïcité et valeurs de la République » - contre 0,5 % actuellement.

Ce plan, intitulé « la formation des mille » (voir l'encadré ci-après) s'appuie sur une formation de mille professeurs et autres personnels de l'Éducation nationale, chacun étant ensuite chargé de former à son tour d'autres personnes. Au total, 250 000 personnes doivent bénéficier chaque année d'une formation de neuf heures.

La « formation des mille »

1 000 personnels de l'Éducation nationale (enseignants, CPE, personnels de direction, inspecteurs, personnels administratifs,....) bénéficient d'une formation de 60 heures, soit dix journées de formation. Ils ont ensuite pour mission de former leurs collègues dans chaque école et établissement scolaire (trois demi-journées de formation).

En outre, parmi ces 1 000 formateurs, 100 d'entre eux, sur la base du volontariat, ont la possibilité de bénéficier d'une formation renforcée (120 à 150 heures) en vue d'un diplôme universitaire (DU). Ils auront alors pour tâche de venir en appui des équipes « valeurs de la République » présentes dans chaque rectorat.

La mission d'information salue ce renforcement nécessaire de la formation des enseignants aux principes de la République. Elle souligne néanmoins que l'ensemble des dimensions de l'EMC ne doit pas être oublié dans cet effort.

e) La question des méthodes : la pédagogie du débat

Au cycle 4 (de la 5 e à la 3 e ), le Bulletin officiel préconise dans le cadre de l'EMC le recours à la « discussion réglée » et au « débat argumenté », qui ont une « place de premier choix pour permettre aux élèves de comprendre, d'éprouver et de mettre en perspective les valeurs qui régissent notre société démocratique ». Il est dit par ailleurs que l'EMC se prête particulièrement à des travaux « qui placent les élèves en situation de coopération et de mutualisation favorisant les échanges d'arguments et la confrontation des idées ».

Lors de son audition, Nathalie Mons, responsable du CNESCO, a insisté sur l'intérêt de cette méthode pour permettre aux élèves de s'approprier les usages du débat démocratique . Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire de l'éducation nationale, a toutefois relativisé la pertinence de la « pédagogie du débat », qui permet selon lui d'éluder la formation des enseignants : « L'inspection générale d'histoire-géographie n'a pas été associée à l'examen et à l'évaluation des maquettes déposées par les Inspé cette année et agréées par les directions de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur. Il est aussi très difficile de savoir ce qui se passe dans les Inspé : devant cette difficulté, l'inspection générale d'histoire-géographie a réagi en développant la formation continue. Mais à qui faire appel ? Elle a contourné l'obstacle en proposant non pas des contenus, mais des formations méthodologiques très largement centrées sur ce qu'il est convenu d'appeler la pédagogie du débat ».

De plus, le recours régulier aux débats, outre qu'il pose la question, selon la mission d'information, de la transmission des savoirs indispensables à la compréhension du fonctionnement de la démocratie, comporte un risque réel car il est susceptible, selon Jean-Pierre Obin, « d'encourager le relativisme : toutes les opinions se valent ».

7. Un bilan peu satisfaisant
a) Entre horaires théoriques et « enseignement strapontin »

Les programmes prévoient en théorie 36 heures annuelles d'EMC au primaire, soit en moyenne une heure par semaine ; et une demi-heure par semaine en sixième. Pour tout le cycle 4 (de la 5 e à la 3 e ), aucun volume horaire n'est défini, l'EMC étant intégré au volume horaire hebdomadaire prévu pour l'histoire-géographie (3h30 en troisième, 3 heures en lycée).

Néanmoins, il ressort des auditions un non-respect de ces horaires. Les raisons sont plurielles :

- ces horaires sont utilisés pour finaliser les programmes des autres matières, principalement l'histoire-géographie dans le secondaire. Cette problématique d'horaires se retrouve également au primaire : selon les syndicats enseignants, 60 % du temps de classe est consacré au français et aux mathématiques, dans le cadre des priorités ministérielles. Il ne reste donc que 20 % du temps pour les autres disciplines - les 20 % restants étant consacrés à la gestion de classe ;

- les enseignants ne se sentent parfois pas armés pour aborder des questions sensibles. Selon un sondage de l'institut Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès 47 ( * ) , toutes matières confondues, 49 % des enseignants se sont déjà préventivement censurés dans les enseignements des questions religieuses par crainte d'incidents avec des élèves. Si les enseignants de plus de soixante ans étaient 30 % à l'avoir fait, ce taux grimpait à 68 % pour les moins de trente ans ;

- les contrôles réalisés par les inspecteurs de l'Éducation nationale portent très rarement sur cette discipline, notamment au primaire, en raison de la priorité fixée par le ministre sur le français et les mathématiques.

En définitive, les réponses adressées à la mission d'information par les syndicats d'enseignants reflètent un regard sévère 48 ( * ) sur l'évaluation de l'EMC au brevet des collèges et au bac. Les syndicats critiquent notamment l'inadéquation entre le faible volume horaire accordé au lycée (18 heures par semaine) et les modalités d'évaluation. Quant au brevet des collèges, l'épreuve se limite à un contrôle succinct de connaissances et, selon eux, ne permet pas aux élèves d'exercer leur esprit critique. À ce sujet, plusieurs membres de la mission d'information ont fait part de leurs expériences, en tant qu'anciens personnels de l'Éducation nationale, ou d'élus allant à la rencontre de classe d'élèves : ont notamment été citées l'épreuve du brevet des collèges qui a consisté une année à entourer les photos de bâtiments n'arborant pas un drapeau français ou encore la méconnaissance du rôle et du fonctionnement d'un conseil municipal par un étudiant de classe préparatoire.

b) Une ignorance des institutions largement répandue chez les élèves

Réformes fréquentes des contenus, ambitions démesurées par rapport aux horaires de fait, enseignants insuffisamment formés : ces constats font de l'EMC une matière dont le « statut, dans les pratiques scolaires, apparaît relativement fragile » 49 ( * ) .

Il résulte de cette fragilité une faiblesse du niveau des élèves à l'égard du fonctionnement des institutions, tant nationales que locales , dont la mission d'information a fait le constat à diverses reprises. Plusieurs membres de la mission d'information ont fait part de leurs expériences, en tant qu'anciens personnels de l'Éducation nationale ou d'élus allant à la rencontre de classe d'élèves de collèges et lycées : ces échanges avec les jeunes soulignent l'ignorance de nombre de nos jeunes compatriotes sur le rôle des élus et la loi républicaine. Parmi ces témoignages, on note la méconnaissance du rôle et du fonctionnement d'un conseil municipal par un étudiant de classe préparatoire. Ce point a été confirmé par un professeur de droit, à propos de ses étudiants de première année : « Enseignant à l'université, je note le manque de culture des étudiants de première année de droit sur le fonctionnement des institutions : ils ne maîtrisent pas du tout les enjeux de la V e République. Leur apporter une culture sur le fonctionnement des institutions et le rôle des élus serait une façon de les motiver à aller voter » 50 ( * ) .

Les témoignages recueillis par la mission d'information confirment ces constats.

Une volontaire du service civique 51 ( * ) a ainsi souligné un « sentiment d'illégitimité » ressenti par les jeunes, qui ne se trouvent pas « suffisamment éduqués politiquement, à l'école ou ailleurs » : « J'ai personnellement fait des études en sciences politiques et je ne peux pas vous dire exactement comment fonctionne le Sénat, l'Assemblée, etc. Alors je vous laisse imaginer pour un collégien ou un lycéen ! ». Selon ce témoignage, une telle ignorance induit des conséquences sur le fonctionnement de la démocratie en induisant le « désengagement » ou un « désintérêt » des jeunes et en encourageant la persistance de « la verticalité du système et le manque de participation des jeunes ».

Le témoignage d'une jeune élue de 33 ans, recueilli sur la plateforme du Sénat en réponse à la consultation entreprise par la mission d'information entre janvier et février 2022, a confirmé la nécessité de mieux faire connaître des jeunes le travail des élus : « Je me rends compte que je découvre la société dans laquelle nous vivons, la politique et la sphère publique depuis que j'ai été élue. Ce que je constate, c'est que je vote depuis mes 18 ans sans vraiment comprendre le système dans lequel nous évoluons. Je me rends compte à présent de la méconnaissance de ma génération dans les domaines d'éducation civique et politique. Je pense que cela crée de l'incompréhension, de la déception et un rejet de la politique » 52 ( * ) .

Dans le même esprit, les volontaires à l'insertion rencontrés lors de la visite de l'Épide de Combrée dans le Maine-et-Loire, le 24 février 2022, ont déclaré ne pas avoir souvenir de l'EMC, alors qu'ils avaient tous fréquenté le collège et étaient allés pour certains jusqu'au bac.

Lors d'une table ronde avec de jeunes ultramarins engagés dans les conseils de jeunes, l'une des participantes a estimé que « l'enseignement moral et civique devrait permettre une connaissance plus soutenue des jeunes des institutions et les informer plus précisément sur les dispositifs et services qui sont mis à leur disposition (...) » : « Je pense que l'aspect "citoyen" de l'enseignement moral et civique devrait être davantage développé » 53 ( * ) , a-t-elle fait valoir.

Les élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat en janvier et février 2022 54 ( * ) , faisant le constat d'une ignorance largement répandue du fonctionnement des institutions , en lien avec des relations dégradées entre les élus et leurs concitoyens, ont à de nombreuses reprises appelé à un renforcement de l'« éducation civique » classique et à des contacts réguliers et directs entre élèves et élus. Ils considèrent également qu'une meilleure connaissance du fonctionnement des institutions constitue l'un des leviers à mobiliser pour encourager la participation des jeunes dans la vie locale (voir l'encadré ci-après).

L'éducation civique et la connaissance des institutions : un levier essentiel pour renforcer le civisme et encourager les jeunes à s'impliquer dans la vie locale,
selon les élus locaux consultés sur la plateforme du Sénat

De janvier à février 2022, la mission d'information s'est adressée aux élus locaux via le site internet du Sénat pour recueillir leurs témoignages sur des sujets aussi divers que le renforcement de la participation des jeunes à la vie locale, la consultation des citoyens par les collectivités territoriales, les conseils de jeunes, le service civique ou les incivilités à l'encontre des élus.

Le renforcement de l'éducation civique est très fréquemment mentionné comme un levier essentiel pour renforcer le civisme et intéresser les jeunes à la vie politique locale.

Cet enseignement doit toutefois, selon les élus, être repensé de manière à :

- porter davantage sur le fonctionnement des institutions : « Je pense qu'il y a un besoin urgent de sensibiliser de façon accessible et pédagogique sur des notions basiques telles que “qu'est-ce que la démocratie”, les compétences communales, intercommunales, départementales, régionales, les droits et des devoirs du citoyen, le rôle des élus mais aussi les limites de leur fonction, l'importance de l'administration, le lien entre les agents publics et les élus, etc... » ;

- ne pas se limiter au cadre scolaire , mais s'appuyer aussi sur des échanges directs avec les élus , plus particulièrement municipaux, dans les classes mais aussi dans les mairies : « Travailler avec les écoles, collèges et lycées, ouvrir la mairie, faire visiter, aller parler de son engagement dans les classes, rendre la politique locale plus proche, plus accessible » ; « Je suis moi-même un maire de moins de 30 ans. Chose assez rare. Je pense qu'il faut aller dans les écoles, les collèges, les lycées afin d'expliquer comment fonctionnent nos institutions. J'essaie de le faire dès que j'en ai l'occasion, c'est un moment d'échange essentiel et souvent bien accueilli par des jeunes qui ne connaissent pas nos fonctions ».

L'intérêt de visites de l'Assemblée nationale et du Sénat est également mentionné pour mieux faire connaître des jeunes le fonctionnement des institutions.

Une réponse suggère en outre des « journées de découverte citoyenne à l'école primaire et au collège (rencontre avec des élus, visite auprès de la mairie sur un thème particulier, exposé à faire sur un sujet civique avec interviews d'élus) ».

De manière générale, l'idée est de valoriser l'implication des élus , de « démystifier la vision d'élus (qui seraient) au-dessus des citoyens » et de rappeler aux jeunes que « la vie locale est incarnée par des visages humains ».

Pour sa part, l'enquête réalisée par la Cour des comptes dans le cadre de son rapport sur la formation à la citoyenneté, d'octobre 2021, montre une fracture parmi les élèves, notamment pour ceux les plus en difficulté : « au collège comme au lycée, la proportion d'élèves en difficulté sur le parcours citoyen est supérieure à ce que l'on observe dans les autres disciplines » 55 ( * ) . L'échange particulièrement enrichissant qu'ont pu avoir le rapporteur, le président et plusieurs membres de la mission avec des élèves de terminale du lycée Henri IV à Béziers confirme les difficultés de cet enseignement. Son programme a été qualifié tant par les élèves que par le corps enseignant de « rébarbatif » et « abstrait », ne permettant pas aux élèves de s'investir, d'éveiller leur curiosité.

La mission d'information préconise, pour rendre ses enseignements plus concrets et renforcer la connaissance par les élèves des institutions et de la vie démocratique, d'encourager les échanges entre élus et élèves . Par ailleurs, de nombreux élèves ne font pas le lien entre institutions, vie démocratique et services ou droits sociétaux dont ils bénéficient au quotidien ainsi que leurs familles (éducation et soins gratuits, égalité homme-femme, liberté d'expression, ..). Il est important de mieux leur faire connaître.

Extraits des résultats de l'enquête précitée, réalisée par les élèves de terminale suivant l'option « droit et grands enjeux du monde contemporain » du lycée Henri IV
de Béziers, auprès de leurs camarades, sur la culture citoyenne

Seuls 34 % des élèves pensent que l'école forme bien à la citoyenneté, alors même que 82 % d'entre eux estiment que la culture citoyenne doit être enseignée à l'école. L'école « censée nous éclairer », « n'apprend pas vraiment comment vivre en société » ni « les droits et devoirs », et « la culture citoyenne en est absente ». « Elle n'apprend pas assez l'histoire et la laïcité », et « devrait davantage nous apprendre nos droits de citoyens » et « nous inciter à aller voter ». Lors des échanges avec les membres de la mission d'information, l'un des jeunes a ainsi regretté qu'il n'y ait pas, dès la classe de seconde, plus d'informations données sur le vote et l'inscription sur les listes électorales.

Le constat sur l'enseignement moral et civique est tout aussi sévère. 52 % des élèves estiment que l'EMC ne forme pas bien à la citoyenneté. La note moyenne attribuée par les élèves au programme d'EMC est de 2,5 sur 5, les élèves de terminale étant ceux les moins satisfaits par ce programme. Ils demandent de « vrais cours d'EMC, distincts de ceux d'histoire », « un programme plus étoffé et plus utile, par exemple former à devenir adulte - documents administratifs, .... », « des professeurs formés à l'EMC », ou encore davantage de débats (80 %). Près d'un élève sur deux souhaiterait davantage d'heures de cours consacrées à la citoyenneté et une majorité d'élèves souhaiterait donner davantage de poids au baccalauréat tant à l'EMC qu'à l'option droit et grands enjeux du monde contemporain.

La mission sénatoriale salue le travail réalisé par ces élèves avec leur professeur à l'occasion de cette enquête, qui constitue un témoignage précieux sur leur ressenti du rôle de l'école dans la transmission de la culture citoyenne et de la qualité de l'EMC.

De fait, peu de travaux de recherche permettent d'évaluer la manière dont l'EMC est mis en oeuvre et ses effets sur les élèves. Ce constat impose une véritable évaluation de la discipline 56 ( * ) , d'autant plus que le ministère a souhaité renforcer les évaluations nationales pour les autres savoirs fondamentaux.

B. PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

1. Définir les contenus de l'EMC autour de priorités claires et stabiliser son socle législatif

La mission d'information a acquis la conviction, au cours de ses travaux, de la nécessité de redéfinir le contenu et les objectifs de l'enseignement moral et civique autour d'une priorité claire : renforcer les connaissances destinées à aider nos jeunes concitoyens à comprendre le fonctionnement des institutions de leur pays, locales et nationales, pour leur permettre de participer activement à la vie démocratique et d'appréhender les principes de la République ainsi que les droits et les devoirs de chacun.

Ce renforcement ne doit se faire aux dépens ni des grands enjeux environnementaux, nécessaires à la compréhension d'un défi majeur de notre époque, ni des questions liées à la cohésion nationale et au « vivre ensemble », comme l'égalité entre femmes et hommes ou l'inclusion des personnes en situation de handicap, ni des questions internationales et européennes indispensables à l'appréhension du monde contemporain et de la place qu'y occupe notre pays.

La mission d'information recommande donc au ministère de l'éducation nationale, en lien avec le Conseil supérieur des programmes, de procéder à une redéfinition d'ensemble des programmes d'EMC :

- en cohérence avec des horaires limités (environ trente minutes par semaine), ce qui implique des contenus recentrés ;

- au sein du collège, de structurer les programmes par classe et non par cycle pluriannuel, afin d'éviter d'inévitables redites d'année en année ;

- de cibler des années charnières au cours desquelles les programmes d'EMC doivent être fléchés principalement sur les aspects institutionnels : les classes de 3 e , de 2 nde et de 1 re semblent appropriées, soit au moment du brevet national des collèges, mais aussi parce que ces classes correspondent à un moment particulier dans la vie du citoyen et dans le parcours d'engagement de l'élève : démarches d'inscription sur les listes électorales à 16 ans, journée défense et citoyenneté et participation au service national universel.

Recommandation . - Recentrer le contenu et les objectifs de l'enseignement moral et civique (EMC) sur des priorités claires :

- renforcer la connaissance des institutions démocratiques ainsi que des principes de la République et donner à nos jeunes concitoyens les outils pour comprendre les grands enjeux (internationaux, sociétaux et environnementaux) nécessaires à la compréhension du monde contemporain ;

- au sein du collège, structurer les programmes par classe et non par cycle pluriannuel ;

- cibler les années au cours desquelles les programmes d'EMC doivent être spécifiquement centrés sur les aspects institutionnels (classes de 3 e , de 2 nde et de 1 re ).

Le législateur ne saurait éluder ses responsabilités. Il importe donc que la définition de l'EMC par le code de l'éducation soit revue et rédigée de manière concise, limitant l'exposé de son contenu aux priorités que sont la connaissance et le fonctionnement des institutions locales, nationales et européennes, la compréhension des principes de la République, le sens de la devise républicaine et du principe de laïcité ainsi que les grands enjeux internationaux, environnementaux et sociétaux contemporains. L'objectif doit être de rendre inutile toute modification de cette définition au gré de l'actualité législative.

La mission d'information appelle, une fois cette redéfinition effectuée, à assurer la stabilité des contenus et des attendus de l'EMC, afin que la communauté éducative puisse se l'approprier et qu'un retour d'expérience puisse être conduit le moment venu.

Recommandation . - Redéfinir les fondements législatifs de l'EMC (article L. 312-15 du code de l'éducation) à partir de ces priorités et assurer la stabilité de ce socle juridique dans la durée.

2. Mieux accompagner les enseignants

Afin d'accompagner les enseignants, la mission d'information propose de créer à leur attention des outils pédagogiques clairs et objectifs sur les institutions et le rôle des élus 57 ( * ) .

Cette mission serait confiée au ministère de l'éducation nationale en partenariat avec les différentes institutions concernées par l'élaboration de ces outils (associations d'élus, services du Parlement européen, de l'Assemblée nationale et du Sénat, services du Premier ministre, Conseil constitutionnel, Conseil d'État, Cour de cassation...)

Recommandation . - Créer à l'attention des enseignants des outils pédagogiques clairs et objectifs sur les institutions françaises et européennes et le rôle des élus.

Pour que la transmission des connaissances sur les institutions ne ressemble pas à ce que Luc Ferry a qualifié devant la mission d'information de « cours de droit constitutionnel pour enfants », la mission d'information plaide pour la généralisation des rencontres entre les élèves et les élus, qui devraient être de façon systématique associés aux séquences d'EMC et invités à intervenir dans les classes.

Dans le même esprit, les visites d'institutions (mairies, conseils départementaux et régionaux, assemblées parlementaires) devraient être encouragées, ce qui suppose la mise en place des moyens nécessaires (transports, accompagnants...) par l'Éducation nationale, en lien avec les collectivités territoriales.

La mission d'information invite donc à la conclusion de conventions entre l'Éducation nationale, les associations d'élus et les institutions concernées (assemblées parlementaires, Parlement européen...) pour favoriser ces échanges et ces visites.

Recommandation . - Généraliser les rencontres entre élèves et élus, dans les classes et dans le cadre de visites d'institutions (mairies, conseils départementaux et régionaux, assemblées parlementaires...) sur la base de conventions entre l'Éducation nationale, les associations d'élus et les institutions concernées.

3. Étendre à l'EMC l'évaluation des acquis afin de mieux connaître le niveau des élèves

Par ailleurs, la mission d'information estime nécessaire de procéder à une évaluation de l'enseignement moral et civique . Elle note la volonté politique du ministère, ces cinq dernières années, de renforcer les évaluations nationales des élèves dans un triple objectif : fournir aux enseignants des repères des acquis de leurs élèves, doter les services académiques et les chefs d'établissements d'indicateurs leur permettant de mieux connaître les résultats et adapter leur action éducative, disposer d'indicateurs permettant de mesurer, au niveau national, les performances du système éducatif à la fois dans une dimension temporelle et internationale. Dans cette logique, il serait opportun d'ajouter un volet « éducation morale et civique » aux évaluations des disciplines de français et de mathématiques en 6 e et en 2 nde58 ( * ) . La première évaluation devrait avoir lieu dès la rentrée de 2023 pour qu'un premier bilan soit disponible dès que possible. Une telle modification tirerait également les conséquences de l'élargissement des savoirs fondamentaux prôné par le ministère depuis 2017.

Recommandation . - Étendre à l'EMC l'évaluation des acquis à laquelle il est procédé en 6 e et en 2 nde , afin de mieux connaître le niveau des élèves.

4. Intégrer l'EMC aux concours de recrutement des enseignants d'histoire et de géographie et à la formation continue des autres professeurs

La mission d'information note que la maquette des concours de recrutement des enseignants vient d'être modifiée afin d'intégrer, pour tous les candidats, une question relative aux valeurs de la République lors de l'épreuve d'entretien. Néanmoins, le contenu de l'EMC est plus large. Parce qu'ils ne constituent actuellement pas un objet de concours, l'EMC et la pédagogie de sa transmission ne sont pas enseignés aux futurs enseignants. La mission d'information note que le ministère a choisi d'attribuer à l'EMC une place particulière , indépendamment de l'histoire-géographie, au brevet des collèges et au baccalauréat , afin d'évaluer les compétences et connaissances spécifiques des élèves dans cette matière. Par parallélisme, il serait logique que les futurs enseignants principalement chargés de l'enseigner y soient formés dès leur formation initiale.

Le précédent des valeurs de la République le montre : le meilleur moyen de s'assurer d'une formation initiale de qualité des futurs enseignants à une thématique est de prévoir son inscription au concours de recrutement .

En raison du rôle prépondérant que jouent les enseignants d'histoire-géographie dans la transmission de l'enseignement moral et civique, la mission d'information préconise d'intégrer une question relative à l'EMC au CAPES d'histoire-géographie, ainsi qu'à l'agrégation d'histoire et à celle de géographie .

La mission d'information est d'avis que cette mesure devrait entrer en vigueur dès le concours de 2026, cette échéance permettant de prendre en compte le temps nécessaire au ministère pour concevoir cette nouvelle épreuve et de permettre aux Inspé ainsi qu'aux écoles normales supérieures d'en tirer toutes les conséquences sur les nouvelles maquettes de formation et la préparation des candidats.

Par ailleurs, il semble nécessaire à la mission d'information que les enseignants qui se voient confier les enseignements d'EMC - au lycée 20 % de ces heures sont assurées par des enseignants autres que ceux d'histoire-géographie - bénéficient très rapidement d'un module de formation continue dédié à l'EMC.

Recommandation . - Intégrer une question d'EMC aux concours de recrutement des professeurs d'histoire et géographie (CAPES et agrégations), afin de garantir la formation initiale de ces professeurs auxquels incombe généralement l'enseignement moral et civique. Dans de cadre de la formation continue, prévoir un module d'EMC pour y préparer l'ensemble des professeurs en charge de cet enseignement.

II. « FORGER CHEZ LES JEUNES UNE CONSCIENCE CITOYENNE » : UNE DIMENSION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ (JDC) À REVALORISER

Comme l'a rappelé la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, « la jeunesse est par l'essence et la nature même de nos armées au coeur de (ce) ministère » 59 ( * ) . Cette relation spécifique entre l'armée et la jeunesse s'incarne principalement aujourd'hui dans la journée défense et citoyenneté (JDC), héritière de l'appel de préparation à la défense qui avait été mis en place à la fin du XX e siècle lors de la professionnalisation des forces.

Si le lien armées-jeunesse a évolué depuis la suspension du service national obligatoire, la politique menée par le ministère chargé de la défense à l'attention des jeunes contribue à la formation citoyenne de ceux-ci à travers la JDC.

Les constats de la mission d'information sur l'enseignement moral et civique sont à certains égards transposables à la JDC, qui a connu une telle extension de son périmètre au cours des dernières années qu'il semble nécessaire aujourd'hui de la recentrer sur ses finalités essentielles face à un véritable risque de dispersion.

A. LES CONSTATS : UN HÉRITAGE DE LA CONSCRIPTION À RECENTRER SUR L'ESSENTIEL

1. Une singularité française héritée du service national obligatoire

Les obligations s'imposant à tout citoyen au titre du service national sont principalement le recensement et la journée défense et citoyenneté , dont l'article L. 111-2 du code du service national précise la portée : « La journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l'esprit de défense et de concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse ».

Lors de son audition par la mission d'information, le 11 janvier 2022, le général Menaouine, directeur du service national et de la jeunesse du ministère des armées, a rappelé cette singularité française qui consiste en « un rendez-vous obligatoire et institutionnalisé » entre « les jeunes Françaises et les jeunes Français, leurs armées et la gendarmerie » ; « Cette sujétion au service national (...), unique en Europe, impose à tout jeune citoyen âgé en moyenne de 17 ans et quatre mois d'aller à la rencontre des armées et d'avoir pendant une journée le statut d'appelé du contingent ».

Institué dans le contexte de la suspension de la conscription , à la fin des années 1990, comme le rappelle l'encadré ci-après, cette rencontre entre la jeunesse et son armée était initialement centrée sur la volonté de maintenir un lien fort entre l'armée et la Nation et sur la nécessité de faire connaître aux jeunes les métiers militaires, afin d'aider les armées à recruter les engagés volontaires indispensables à la réussite de la professionnalisation.

Au fil du temps, ce rendez-vous obligatoire est devenu l'occasion d'un rattrapage de connaissances diverses jugées nécessaires aux futurs citoyens.

Le programme de la JDC, comme d'ailleurs celui de l'enseignement moral et civique, s'est donc progressivement élargi aux dépens de ses finalités premières , au risque d'une dilution préjudiciable à la clarté des messages transmis aux jeunes.

La journée défense et citoyenneté contribue en principe, selon la loi de programmation militaire pour 2019-2025 60 ( * ) , à affermir le « lien entre la jeunesse et les armées », « enjeu essentiel de cohésion nationale » ; à « forger chez les jeunes une conscience citoyenne dont se nourrit l'esprit de défense » et à « garantir aux armées un vivier de recrutement indispensable à la pérennité de son efficacité opérationnelle ».

Origines de la JDC : le souhait de maintenir un lien
entre les armées et la jeunesse malgré la suspension de la conscription

Dans le vaste débat qui s'est tenu entre l'annonce de la réforme du service national par le Président de la République, en février 1996, et son inscription dans la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national 61 ( * ) , députés et sénateurs, soucieux de préserver l'esprit de défense, ont souhaité maintenir un lien privilégié entre les armées et la jeunesse et mettre en place une obligation inspirée des « trois jours » 62 ( * ) .

Selon les propositions formulées en mai 1996 par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en amont de l'examen de la réforme du service national, il s'agissait de « préserver les opérations de recensement et de sélection » 63 ( * ) afin de :

- conserver les compétences indispensables à une éventuelle remontée en puissance du service national qui serait imposée par la « résurgence d'une menace majeure » ;

- et préserver le « savoir-faire statistique », unique à l'époque, acquis par la direction centrale du service national en matière de « détection de l'illettrisme » et d'« évaluation de l'état sanitaire des jeunes générations ».

L'objet de ce dispositif, que le Sénat suggérait d'instaurer dans le cadre du futur service national, était également :

- de procéder à un « rappel de l'instruction civique que doit théoriquement maîtriser tout citoyen appelé à voter » ;

- de présenter aux jeunes les différentes formes de service volontaire destinés à se substituer à l'ancien service national ;

- de « faire connaître aux jeunes les carrières de l'armée, de la gendarmerie et de la police » ainsi que « les possibilités d'engagement ultérieur dans la réserve ».

C'est dans ce contexte qu'a été instituée la journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) 64 ( * ) ; le rapporteur sénatorial du projet de loi relevait qu'elle avait pour objet « de maintenir, en le renouvelant, le lien entre l'armée et la Nation » 65 ( * ) . Les objectifs que lui a fixés le législateur en 1997 (conforter l'esprit de défense, concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale et au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse) sont restés, depuis vingt-cinq ans, inscrits à l'article L. 111-2 du code du service national.

La JDC permet l'organisation d'une étape « quasi universelle » dans le parcours des jeunes Français, à laquelle participent plus de 95 % d'une classe d'âge 66 ( * ) . L'expertise du ministère des armées, qui centralise les listes de recensement communales et convoque les jeunes en s'appuyant sur son réseau territorial de 33 centres, dont 27 en France métropolitaine, est à cet égard particulièrement précieuse.

Parallèlement à la JDC, d'autres dispositifs pilotés par le ministère des armées concernent, comme l'a rappelé la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, « un nombre restreint de jeunes, dans peu de territoires » 67 ( * ) . Il s'agit par exemple des cadets de la défense et des classe défense et sécurité globales (CDSG), développés dans l'encadré ci-après. Les classes de défense ont été qualifiées par Geneviève Darrieussecq de « précieuses », même si leur succès « dépend fortement de l'engagement d'un professeur, d'un principal ou d'un proviseur ».

La portée de ces dispositifs, qui touche un public limité, n'est pas comparable à celui de la JDC qui concerne l'intégralité des classes d'âge.

Les classes de défense et de sécurité globale (CDSG)
et les cadets de la défense

Le dispositif des classes de défense et de sécurité globale (CDSG) a été institué par un protocole interministériel adopté en 2016 par les ministres en charge de la défense, de l'éducation nationale et de l'agriculture 68 ( * ) . Il repose sur un projet pédagogique élaboré par une équipe enseignante d'un établissement scolaire du secondaire relevant du ministère de l'éducation nationale ou du ministère de l'agriculture en partenariat avec une unité militaire marraine.

Selon le choix de l'équipe enseignante, la classe de défense peut correspondre, notamment, à ces différentes modalités :

- projet de classe ;

- classe à option ;

- enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) ;

- accompagnement éducatif ;

- atelier de défense.

Le dispositif connaît une forte croissance depuis 2017 et il est passé de 214 à 470 classes qui concernent 12 000 élèves au mois de mars 2022. Un protocole interministériel de décembre 2021 69 ( * ) entre les ministères chargés de l'éducation nationale et de la défense fixe un objectif de déploiement d'une classe de défense par département en ciblant de manière prioritaire les réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+) et les zones rurales isolées.

Le dispositif des cadets de la défense a été institué par le protocole interministériel de 2016 et codifié, à titre expérimental, à l'article L. 116-1 du code du service national 70 ( * ) . Programme civique mis en oeuvre par le ministère de la défense, le dispositif des cadets a pour objectif de renforcer la cohésion nationale, la mixité sociale et le lien entre la Nation et son armée.

Les jeunes cadets âgés de 14 à 16 ans sont accueillis en dehors du temps scolaire, généralement le mercredi après-midi, dans l'un des 33 centres rattachés aux armées. Sous l'encadrement de militaires d'active ou de réserve, les cadets participent à des activités éducatives, citoyennes et sportives.

Pérennisé par le ministère des armées qui estime que ce dispositif est complémentaire de celui du service national universel (SNU), le programme des cadets est passé de 614 à 1 036 jeunes accueillis entre 2017 et 2021.

L'audition du général de corps d'armée Daniel Ménaouine a permis à la mission d'information de mesurer le rôle de la JDC dans la transmission des valeurs citoyennes . On note ainsi, parmi les modules liés aux droits et devoirs du citoyen, une présentation systématique du thème de la laïcité. De plus, un module d'une heure environ est spécifiquement dédié à l'engagement citoyen : selon les informations transmises par le ministère des armées, 9 % des jeunes qui effectuent un service civique ont découvert l'existence de celui-ci lors de la JDC.

La JDC joue également un rôle non négligeable en matière d' insertion sociale et professionnelle grâce à l'identification des jeunes en difficultés scolaires et à leur orientation vers un organisme adapté (plus de 12 000 jeunes sont ainsi orientés vers les dispositifs sur lesquels ce rapport reviendra ci-après - notamment service militaire volontaire, établissement pour l'insertion dans l'emploi...). De plus, le plan handicap et inclusion mis en place à la fin de 2019 par le ministère des armées prévoit d'améliorer l'accessibilité des sites de JDC et de permettre à un jeune en mobilité réduite d'accéder à un centre adapté à moins d'une heure de chez lui.

Les indicateurs permettant de mesurer l'attractivité de la JDC sont favorables, à la fois du point de vue de son intérêt aux yeux des jeunes (90 % des participants se déclarant satisfaits en 2021 71 ( * ) ) et du point de vue de son influence sur l'image des armées (91 % des participants déclarant que la journée a amélioré leur image des armées en 2021 72 ( * ) ).

Les témoignages entendus par la mission d'information lors de son déplacement dans l'Hérault en mars 2022 sont nettement moins positifs : cette journée a été qualifiée de décevante par les jeunes rencontrés à Montpellier et à Béziers 73 ( * ) .

2. Douze modifications législatives depuis 2000, un programme élargi à six nouvelles thématiques

Si le cadre général de l'appel de préparation à la défense puis de la JDC est resté le même depuis 1997, en revanche le contenu de cette journée, défini par l'article L. 114-3 du code du service national, a connu de multiples modifications législatives depuis le début du XXI e siècle . On relève ainsi pas moins de douze lois ayant complété, entre 2000 et 2021, les informations dispensées aux jeunes à cette occasion (un tableau annexé à ce rapport récapitule ces modifications successives) ; certaines années (en 2004 et en 2011), le législateur est revenu à deux reprises sur le contenu de la JDC, comme le montre le tableau ci-après. Six nouvelles thématiques ont été ainsi introduites par le législateur dans le programme de la JDC.

Les interventions successives du législateur ont réformé en profondeur la journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) devenue, en application de la loi du 10 mars 2010 relative au service civique, la journée « défense et citoyenneté » (JDC). Initialement centré sur une présentation des enjeux et des objectifs généraux de la défense nationale, des moyens civils et militaires de la défense et de leur organisation, sur l'information relative aux différentes formes de volontariats, sur les préparations militaires et les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve, auxquels s'ajoutent des « tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française », le programme de la JDC a été progressivement étendu :

- aux modalités de consentement au don d'organes à fins de greffe (élargie en 2011 à l'information sur le don de sang, de moelle osseuse, de plaquettes et de gamètes) ;

- à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours (remplacées par une « sensibilisation à la sécurité routière » en 2015) ;

- « aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale » ;

- à la prévention des conduites à risque pour la santé, « notamment celles susceptibles de causer des addictions et des troubles de l'audition » ;

- à l'égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les préjugés sexistes et la lutte contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises au sein du couple ;

- à la sécurité civile et aux possibilités d'engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire.

La JDC comporte également des « tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française ».

La visite médicale gratuite introduit en 2002 pour certains appelés a été supprimée en 2015.

3. Une réduction du temps dédié aux questions de défense et de sécurité

L'extension progressive du périmètre de la JDC évoque l'évolution de l'enseignement moral et civique analysée précédemment : la JDC concernant tous les jeunes (selon les informations transmises par la direction du service national et de la jeunesse, 919 815 jeunes Français ont été accueillis en 2021), on peut comprendre la tentation de saisir l'occasion de ce contact obligatoire pour diffuser des informations importantes. Mais cette évolution s'est traduite par un programme très dense, aux dépens du temps dédié aux questions de défense et à la qualité des informations délivrées aux participants.

La mission d'information observe toutefois que ces réformes n'ont pas eu pour conséquence d'allonger le temps de prise en charge en proportion de l'élargissement du périmètre de cette journée. Elles se sont traduites par une réduction du temps dédié aux questions de sécurité et de défense , alors même que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 préconisait son recentrage sur « sa vocation première de sensibilisation à l'esprit de défense » 74 ( * ) . La Cour des comptes fait ainsi remarquer, dans son rapport sur La formation à la citoyenneté , publié en octobre 2021, que le temps dédié aux questions de défense est passé de quatre heures en 1999 à un peu moins de trois heures en 2021 , sur une durée totale de huit heures environ, comme le montre le schéma ci-après.

Organisation de la JDC (huit heures)

OUVERTURE DE LA SESSION (25') ET PRÉSENTATION ANIMATEURS/GROUPE (15')

ANIMATION 1 - Nous vivons dans un monde instable :
une défense nécessaire (65')

TESTS D'ÉVALUATION DES ACQUIS FONDAMENTAUX DE LA LANGUE FRANÇAISE (30')

IJC 1 - Droit à l'information (30')

ACTIVITÉ DÉFENSE SÉCURITÉ (60')

ENTRETIEN AVEC LES JEUNES DÉTECTÉS EN DIFFICULTÉ

ANIMATION 2 - Une réponse adaptée : notre appareil de défense (50')

IJC 2 - Module sécurité routière (30')

ANIMATION 3 - Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen (60')

QUESTIONNAIRE D'ÉVALUATION - FICHES DE LIAISON - REMISE DES CERTIFICATS (25)

La JDC a par ailleurs dû, en raison de la crise sanitaire, s'adapter à de fortes contraintes :

- en recentrant le programme sur une durée de trois heures trente, selon le schéma ci-dessous (fléchage des priorités : information sur la défense et ses métiers, repérage des jeunes décrocheurs et orientation de ces jeunes) ;

- en modifiant régulièrement le pilotage du dispositif.

En 2020, la JDC a ainsi connu trois modalités d'organisation différentes : selon le schéma classique jusqu'au 16 mars (213 685 jeunes), selon un format de trois heures trente du 1 er septembre au 26 octobre (235 889 jeunes), en ligne du 23 novembre au 23 décembre (165 123 jeunes).

Organisation de la JCD
(format resserré de trois heures trente - crise sanitaire)

ANIMATION 1 - Nous vivons dans un monde instable :
une défense nécessaire (25')

TESTS D'ÉVALUATION DES ACQUIS FONDAMENTAUX DE LA LANGUE FRANÇAISE (30')

ANIMATION 2 - Une réponse adaptée : notre appareil de défense (25')

ANIMATION 3 - Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen (40')

ENTRETIEN AVEC LES JEUNES DÉTECTÉS EN DIFFICULTÉS

QUESTIONNAIRE D'ÉVALUATION - FICHES DE LIAISON - REMISE DES CERTIFICATS (25)

4. Un programme particulièrement dense, un risque de dispersion

Il résulte de cette extension régulière du périmètre de la JDC, qualifiée par la Cour des comptes, dans son rapport de 2021, d'« empilement progressif des missions assignées à la JDC » :

- une dilution du message porté par le ministère des armées, au détriment de l'esprit de défense, qui se trouve pourtant à l'origine de ce dispositif ;

- une confusion des informations délivrées aux jeunes et le « risque de délivrer des messages superficiels et peu audibles » identifié par la Cour des comptes.

De fait, l'évolution du contenu de la JDC évoque un saupoudrage de thématiques d'autant plus problématique qu'on relève en outre certaines redondances entre la JDC et l'Éducation nationale : des sujets introduits dans le programme de la JDC depuis 2004 sont également présents dans le code de l'éducation . Ainsi, l'enseignement du code de la route est désormais « obligatoire » (article L. 312-13 du code de l'éducation). D'autres thématiques donnent lieu à des séances d'information, à un rythme variable, et certaines d'entre elles sont abordées dans le cadre scolaire : l'information sur les conduites addictives (article L. 312-18) 75 ( * ) , la sensibilisation aux violences sexistes ou sexuelles (article L. 312-16) 76 ( * ) , l'information sur l' égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple (article L. 312-17-1) 77 ( * ) , l'information sur le don d'organes à fins de greffe et la sensibilisation au don du sang (article L. 312-17-1) 78 ( * ) .

La JDC est-elle un cadre approprié pour traiter des questions telles que les conduites addictives ou l' égalité entre les femmes et les hommes ? Il est certain que la gravité de ces thématiques exige probablement de leur consacrer beaucoup plus de temps qu'il n'est possible d'en dégager pendant la JDC pour les aborder de manière efficace.

En dehors de toute appréciation relative à l'importance de ces thématiques dans la formation des jeunes citoyens, le maintien d'une obligation législative de dispenser dans le cadre de la journée « défense et citoyenneté » (JDC) d'une part une information générale sur le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, de gamètes et d'organes et d'autre part une sensibilisation à la sécurité routière devrait faire l'objet d'un examen approfondi. Notons que le module de sécurité routière, qui occupe environ une trentaine de minutes dans le programme de la JDC, se superpose à l'enseignement du code de la route, inclus dans les programmes des premier et second degrés 79 ( * ) , ce qui pose la question de la pertinence de son maintien au titre de la JDC.

La création du service national universel (SNU), qui fera l'objet de développements spécifiques ci-après, impose par ailleurs une réflexion de fond sur l'avenir de la JDC.

En effet, la mise en place d'une journée « défense et mémoire nationale » (JDM), intégrée au séjour de cohésion du service national universel (SNU), qui a vocation à se substituer à la journée « défense et citoyenneté » (JDC) pour ses participants 80 ( * ) , constitue une piste intéressante de recentrage des thèmes abordés au profit des enjeux propres à la défense nationale et à la mémoire combattante .

Toutefois, en l'absence de perspective claire quant à la généralisation du SNU, qui ne concerne en 2022 que quelques dizaines de milliers de jeunes citoyens, la mission d'information estime que le programme de la journée « défense et citoyenneté » (JDC) doit demeurer un sujet d'attention aussi longtemps qu'elle constituera l'une des seules occasions de rencontre directe entre les forces armées et la jeunesse.

Ce nécessaire recentrage de la JDC sur ses enjeux essentiels souligne l'urgence de décisions levant les incertitudes relatives à l'avenir du SNU. Celui-ci comprenant une séquence comparable à la JDC, celle-ci aurait vocation à être intégrée au SNU si celui-ci devenait obligatoire.

B. PROPOSITION DE LA MISSION D'INFORMATION : RECENTRER LE CONTENU DE LA JDC SUR SES OBJECTIFS ESSENTIELS

La mission d'information conclut donc à la nécessité d'un recentrage du contenu de la JDC sur les trois axes suivants :

- l'information sur les enjeux de la défense et de la sécurité et sur les métiers susceptibles d'être accessibles aux jeunes dans ce domaine ;

- le repérage et l'orientation des jeunes en difficulté ;

- et la présentation des différentes formes d'engagement proposées aux jeunes (service civique, autres formes de volontariat, sécurité civile, réserves...).

Ce recentrage implique d'examiner les thématiques énumérées par l'article L. 114-3 du code du service national au regard de leur complémentarité avec les apprentissages dispensés par l'Éducation nationale et de leur contribution aux objectifs essentiels évoqués ci-dessus.

La mission d'information juge souhaitable de modifier la rédaction de l'article L. 114-3 du code du service national autour de priorités claires et dans des termes suffisamment généraux pour qu'il ne soit pas justifié de revenir sur le contenu de la JDC en fonction de l'actualité législative. Elle engage le législateur à souscrire à cet objectif de stabilisation du cadre législatif de la JDC.

Recommandation . - Recentrer le contenu de la journée défense et citoyenneté (JDC), défini par l'article L. 114-3 du code du service national, sur les trois axes suivants : l'information sur les enjeux de la défense et de la sécurité et sur les métiers accessibles aux jeunes dans ce domaine ; le repérage et l'orientation des jeunes en difficulté ; la présentation des différentes formes d'engagement (service civique, autres formes de volontariat, sécurité civile, réserves...).

(Dans l'hypothèse d'un SNU obligatoire, la JDC aurait cependant vocation à se fondre à terme dans le séjour de cohésion, qui comporte une séquence comparable, la journée « défense et mémoire nationale » ou JDM).

III. RENFORCER LE LIEN ENTRE CITOYENNETÉ ET INSERTION

La mission d'information a souhaité faire porter sa réflexion sur le lien entre l'appropriation des valeurs citoyennes et l'insertion sociale et professionnelle et, plus généralement, l' égalité des chances .

Elle s'est donc intéressée à des dispositifs d'insertion inspirés de l'institution militaire , tels que l' Épide et le service militaire volontaire , qui font partie des structures d'accompagnement des jeunes répondant à une logique d'égalité des chances. Elle a constaté que ces dispositifs faisaient une large part à la formation citoyenne des jeunes qu'ils accueillent et que cette formation contribue à leur réussite en matière d'insertion sociale et professionnelle.

Cette dimension n'est pas spécifique à ces dispositifs hérités des armées qui, par ailleurs, ne concernent que des effectifs très limités de jeunes. En effet, les parcours mis en place par les missions locales , qui interviennent à une échelle beaucoup plus importante, soulignent eux aussi l'intérêt de la formation civique et citoyenne, considérée par le réseau des missions locales comme une priorité et une condition de l'autonomie des jeunes.

La mission d'information a également souhaité réfléchir à une prise de conscience citoyenne dans le cadre d'un processus de responsabilisation des élèves exclus temporairement de leur établissement.

Elle s'est aussi intéressée, dans un autre registre, au rôle des stages de citoyenneté imposés dans le cadre judiciaire, comme processus de responsabilisation en réponse à des comportements inappropriés.

A. LA FORMATION CITOYENNE, UNE CONDITION DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES

1. La formation à la citoyenneté dans les dispositifs d'insertion d'inspiration militaire et les missions locales
a) L'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide) : un parcours citoyen renforcé, un modèle à encourager

Le dispositif « défense deuxième chance » , annoncé en juin 2005 dans le prolongement de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, a été confié à l'Épide, établissement public administratif de l'État placé sous la triple tutelle des ministres chargés de la défense, de l'emploi et de la ville. Sa mission, précisée par l'ordonnance du 2 août 2005 81 ( * ) , consiste à accompagner vers l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplôme ou en voie de marginalisation sociale. Si le ministère de la défense a eu un rôle décisif dans le lancement de l'Épide, les ministères de la ville et de l'emploi exercent de fait actuellement la tutelle de l'établissement.

L'institution militaire et l'insertion des jeunes

Le service national a contribué à faire de l'institution militaire l'« instrument unique d'observation et d'évaluation sociale » analysé par un précédent rapport sénatorial intitulé de manière éclairante La défense et l'insertion des jeunes : apprendre à réussir 82 ( * ) .

La professionnalisation des forces a ainsi suscité des inquiétudes bien compréhensibles sur le risque d'une perte de compétence en matière de repérage et d'orientation des jeunes en difficulté, que l'on qualifie aujourd'hui de « décrocheurs » : « Lorsque la suspension de la conscription a été décidée, de nombreuses voix ont alerté les autorités pour rappeler que le signalement des jeunes en difficulté et la lutte contre l'illettrisme en souffriraient » 83 ( * ) .

Ce savoir-faire reconnu aux armées en matière d'intégration, hérité de la conscription 84 ( * ) , a toutefois perduré dans une certaine mesure après la suspension de la conscription, à travers :

- le maintien du service militaire adapté (SMA), destiné aux jeunes ultramarins 85 ( * ) ;

- la création en 2005, dans le cadre du dispositif « défense deuxième chance », de l'Établissement public d'insertion de la défense (Épide), devenu Établissement pour l'insertion dans l'emploi 86 ( * ) ;

- puis la mise en place, en 2015, du service militaire volontaire (SMV).

Outils d'insertion sociale et professionnelle dédiés aux jeunes publics fragiles et ouverts aujourd'hui aux jeunes filles, contrairement à l'ancien service national obligatoire, l'Épide et le SMV offrent aux jeunes un accompagnement spécifique, favorisé par l'internat et par une discipline inspirée du cadre militaire, qui s'incarne notamment par le port d'une tenue uniforme.

Selon les informations transmises par le ministère des armées, plus de 42 000 jeunes ont, en 2021, été informés de l'existence de l'Épide lors de la journée défense et citoyenneté (JDC).

Selon la directrice générale de l'Épide, les jeunes que l'établissement a vocation à accueillir « cumulent le plus de fragilités » : outre leurs « fragilités sociales, ils ont des problèmes de ressources, ils sont souvent en rupture familiale, ils ont des difficultés de santé, des fragilités psycho-sociales, ils sont souvent fâchés avec la société, ils ont perdu leurs repères, en particulier temporels » 87 ( * ) .

Ces constats justifient un encadrement intensif des volontaires , avec un effort particulier sur le taux d'encadrement, qui atteint un professionnel pour 2,5 jeunes 88 ( * ) . L'une des spécificités du dispositif repose également sur une « prise en charge à 360 degrés (...) dans une unité de temps et de lieu », et sur un accompagnement pluridisciplinaire qui comprend « un diagnostic social, un diagnostic psychologique, un diagnostic en santé, un diagnostic en matière d'insertion professionnelle et sur le comportement » 89 ( * ) . La méthode de l'Épide s'appuie donc sur une réponse individualisée aux multiples difficultés que rencontrent les volontaires.

Lors du déplacement effectué par la mission à l'Épide de Combrée, dans le Maine-et-Loire 90 ( * ) , la directrice du centre a insisté sur le courage des volontaires à l'insertion, qui prennent le risque de « sortir de leur zone de confort » en rejoignant un internat où ils seront soumis à une discipline stricte (réveil à six heures, coucher à vingt-deux heures, hébergement collectif, accès restreint à Internet...).

De fait, l'accompagnement des jeunes s'appuie sur des codes pour partie inspirés de l'institution militaire, notamment la cérémonie quotidienne du lever des couleurs.

La visite du centre de Combrée a permis de constater la qualité de l'encadrement des jeunes dans les centres Épide et de mesurer l'engagement constant et la remarquable implication des personnels, auxquels la mission d'information tient à rendre hommage.

Les jeunes admis à l'Épide souscrivent un contrat de volontariat à l'insertion. Ils sont accueillis à partir de 17 ans depuis le dernier trimestre de 2021 (18 ans jusqu'alors). Autre nouveauté, le dispositif, dédié initialement aux non-diplômés, s'est ouvert récemment aux jeunes diplômés menacés par la précarité : comme l'a fait observer la directrice générale de l'Épide lors de son audition, « Nous avons constaté que de jeunes bacheliers pouvaient avoir connu une rupture et être en voie de marginalisation, par exemple parce que "Parcoursup" ne leur avait pas ouvert une place dans la formation qu'ils demandaient » 91 ( * ) . Entre octobre et décembre 2021, 114 mineurs et 67 bacheliers ont ainsi été admis ; ces nouveaux publics ont représenté 20 % des 876 volontaires intégrés au cours de cette période. L'objectif est par ailleurs d'assurer progressivement l'ouverture de certains centres le week-end, afin de prendre en compte les difficultés des jeunes qui ne disposent pas de solution d'hébergement stable en fin de semaine.

L'accompagnement dont bénéficient les volontaires à l'insertion peut se poursuivre après la fin du contrat. Cette faculté s'adresse aux jeunes qui, ayant trouvé un emploi, sont confrontés à des difficultés d'accès à un logement : l'article L. 130-2 du code du service national permet un contrat de soutien de trois mois, au titre duquel l'ancien volontaire à l'insertion reste temporairement hébergé à l'Épide. Cette possibilité concernait environ 10 % des volontaires et 25 % des sorties en emploi en 2019.

L'Épide : chiffres-clés

- 20 centres Épide répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain

- Ouvert sur la base du volontariat aux jeunes âgés de 17 à 25 ans

- 2 848 jeunes admis à l'Épide au cours de 2021 (4 583 jeunes accompagnés pendant cette année compte tenu des 1 735 volontaires présents au 1 er janvier) ; 72 % d'admission de plus qu'en 2020 et 23 % de plus qu'en 2019

- 29% des volontaires sont des femmes

- Durée moyenne de l'accompagnement : huit mois

- Indemnité mensuelle attribuée aux volontaires à l'insertion : 450 euros depuis le début de 2022, auxquels s'ajoutent 50 euros par mois remis aux volontaires lors de leur départ (jusqu'à la fin de 2021 : 210 euros + 90 euros)

- 12 % des volontaires ayant quitté l'Épide depuis deux ans et demi ont rejoint « l'armée, la police ou la sécurité publique » 92 ( * )

- en 2019, 23 % des volontaires déclaraient avoir été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) avant d'intégrer l'Épide

- Sorties anticipées de l'Épide : 36 % en 2021 (30 % à l'initiative des jeunes ; 6 % à l'initiative du centre)

Les résultats en matière d'insertion sont favorables, a fortiori si l'on considère la précarité particulière dans laquelle se trouvent certains bénéficiaires du dispositif au moment de leur entrée : le taux de sorties « positives » (emploi, formation ou réorientation) s'établit en effet à 64 % en 2021 93 ( * ) . Comme l'a fait observer un jeune volontaire à l'insertion rencontré par la mission d'information à l'Épide de Combrée : « Ici tu es obligé de partir avec quelque chose. Ailleurs on te laisse partir sans rien » 94 ( * ) , soulignant ainsi la qualité de l'accompagnement personnalisé offert aux jeunes dans le cadre de l'Épide.

Ce succès tient pour partie à l'importance attachée à la formation citoyenne des volontaires à l'insertion , composante décisive de l'accompagnement des jeunes. La formation citoyenne est « au coeur de l'offre de service de l'Épide depuis 2005 », selon les informations communiquées à la mission d'information. Cette formation est sanctionnée par la délivrance d'une attestation de parcours citoyen de l'Épide (APCE), remise solennellement aux titulaires lors de cérémonies permettant de valoriser leurs efforts. Selon la directrice générale de l'Épide, l'éducation à la citoyenneté s'inscrit dans un cadre « strict, mais bienveillant » . Elle consiste à « accueillir, faire confiance, donner de la reconnaissance » ; « dire (aux jeunes) qu'ils ont leur place dans la République est une démarche essentielle. C'est le premier message qu'ils reçoivent en arrivant à l'Épide. Nous leur disons que nous représentons la République et que la République ne veut laisser personne au bord du chemin » 95 ( * ) .

Cette formation contribue également à faire des volontaires à l'insertion des atouts pour leurs futurs employeurs , car « les compétences développées dans le cadre de ce parcours sont transférables dans le monde de l'entreprise » 96 ( * ) .

Le « parcours citoyen » est ainsi ancré dans une pratique quotidienne et concrète . Son renforcement, décidé en 2015, s'est traduit par la création dans les centres Épide d'un service et de postes dédiés. Destiné à assurer l'autonomie des jeunes, il comporte des exercices pratiques tournés vers l'organisation de la vie quotidienne (formalités administratives, gestion du budget...). La cérémonie matinale de levée des couleurs constitue par ailleurs un temps fort de la journée, qui permet d'enseigner les symboles de la République et plus particulièrement La Marseillaise . Le parcours citoyen prévoit aussi des modules théoriques visant la connaissance des institutions locales et nationales, ainsi qu'une sensibilisation au devoir de mémoire. Selon les informations réunies lors du déplacement du 24 février 2022 à Combrée, certains volontaires sont conduits à participer aux commémorations nationales (en assistant par exemple au ravivage de la flamme sous l'arc de triomphe) et à la cérémonie du 14 juillet. Le parcours citoyen, également tourné vers la valorisation de l'engagement, comporte enfin « des actions citoyennes à réaliser auprès d'associations : lutte contre la pauvreté, préservation de l'environnement, appui aux personnes en situation de handicap. L'idée est qu'ils soient des citoyens engagés au service des autres » 97 ( * ) .

Selon les informations transmises par l'Épide à la mission d'information et selon les témoignages recueillis lors de la visite de l'établissement de Combrée, l'établissement pâtit encore d'une visibilité insuffisante parmi les dispositifs proposés aux jeunes sans qualification ni diplôme et auprès des opérateurs chargés de l'orientation des jeunes. Le nombre de volontaires à l'insertion, inférieur à 3 000, reste très inférieur aux objectifs définis lors de la création du dispositif : 10 000 jeunes pour 2006, 20 000 à l'échéance de 2007.

Pourtant, le modèle de l'Épide gagnerait à être développé.

L'institution militaire s'emploie à faire connaître l'Épide à l'occasion de la JDC : la direction du service national et de la jeunesse du ministère des armées a indiqué à la mission d'information avoir informé 42 616 jeunes décrocheurs de l'existence de l'établissement en 2021, lors des entretiens individuels proposés aux jeunes en difficultés repérés au cours de la JDC.

Selon la directrice générale de l'Épide, accueillir davantage de jeunes volontaires à l'insertion ne saurait passer par une réduction de la durée des séjours, sauf à dégrader la qualité de l'accompagnement. L'augmentation du nombre de volontaires à l'insertion implique donc d'améliorer l'attractivité du dispositif.

Les évolutions décidées dans le cadre de la « feuille de route 2022-2024 » de l'établissement (augmentation de l'indemnité versées aux volontaires à l'insertion, accueil de nouveaux publics et ouverture d'une offre d'hébergement continu) devraient permettre de rehausser l'attractivité de l'Épide, notamment par rapport à la garantie jeunes puis au contrat d'engagement jeune 98 ( * ) , et d'augmenter le nombre de jeunes accompagnés par ce dispositif chaque année. Les mesures identifiées par la direction générale de l'Épide pour rendre le dispositif plus attractif auprès des jeunes filles peuvent aller dans le même sens.

L'insuffisante visibilité de l'Épide parmi les dispositifs d'insertion des jeunes demeure cependant une réelle difficulté.

L'intégration de l'Épide dans le contrat d'engagement jeune (CEJ) créé en mars 2022 pourrait être une opportunité pour l'Épide de progresser en notoriété. Cette évolution favorable suppose toutefois qu'une campagne d'information dynamique favorise la visibilité de l'Épide parmi tous les dispositifs ayant vocation à accueillir les jeunes décrocheurs. Or le site « un jeune, une solution » ne met pas spécifiquement en valeur l'Épide sur la page dédiée au contrat d'engagement jeune , à laquelle on accède par l'onglet « aide et accompagnement ». De manière générale, il est difficile de trouver des informations en ligne sur l'Épide si l'on ne connaît pas déjà ce dispositif.

Une autre piste d'amélioration pourrait privilégier un rééquilibrage géographique , le maillage territorial de l'Épide étant hérité des implantations des casernes militaires où ont été installés de nombreux centres. Cette évolution permettrait d'atteindre des jeunes issus de régions où le nombre de places reste limité (210 en PACA, 150 en Nouvelle Aquitaine, 660 dans les Hauts-de-France) : « une dizaine de départements nous ont envoyé moins de cinq jeunes en cinq ans, ce qui tient à notre maillage territorial encore trop faible » 99 ( * ) . De plus, une réflexion sur le modèle des centres pourrait faire évoluer le dispositif vers de plus petites structures, grâce à une collaboration avec les collectivités territoriales qui sont « souvent demandeuses de l'installation d'un centre Épide » 100 ( * ) .

b) Le service militaire volontaire (SMV) : une large place à la formation citoyenne

Inspiré du service militaire adapté (SMA), dispositif d'insertion dédié aux jeunes ultramarins (voir l'encadré ci-après), le service militaire volontaire (SMV) est un dispositif d'insertion sociale et professionnelle créé à titre expérimental par la loi de programmation militaire 2015-2019 101 ( * ) et pérennisé par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 102 ( * ) . Il est placé sous l'autorité du ministre chargé de la défense.

Le SMA, un dispositif original d'insertion sous statut de volontaire
dans les armées, destiné aux jeunes ultramarins

En premier lieu, le service militaire adapté (SMA) est un dispositif d'insertion social original, placé sous l'autorité du ministre des outre-mer 103 ( * ) .

Dirigé par un officier général détaché des armées, le commandement du service militaire adapté (SMA) s'appuie sur les 1 100 militaires mis à disposition du dispositif par le ministère en charge de la défense 104 ( * ) . Ce dispositif ouvert en 1961 en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane est désormais implanté dans sept territoires ultramarins (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie, Mayotte, Polynésie française).

Ouvert sur le fondement du volontariat aux jeunes ultramarins âgés de 18 à 25 ans éloignés de l'emploi, ce dispositif a accueilli 4 192 bénéficiaires au cours de l'année 2020, avec un taux d'insertion de 76,2 %. Dans le cadre de leur accueil dans un régiment du service militaire adapté (RSMA), les bénéficiaires reçoivent une formation à la citoyenneté qui comprend une phase théorique et une phase pratique. Cette phase pratique, fondée sur le respect de cinq règles impératives de « savoir-être » (être à l'heure ; agir en sécurité ; travailler en équipe ; avoir la bonne tenue ; respecter mes chefs et mes camarades) constitue un des leviers de l'insertion sociale des jeunes accueillis par le dispositif.

Dans leur rapport de 2019 Le service militaire adapté : un dispositif indispensable au développement des outre-mer 105 ( * ) , nos collègues Nuihau Laurey et Georges Patient rappellent que les objectifs du plan « SMA 6000 », lancé en 2009 pour doubler les effectifs accueillis (soit 3 000 jeunes par an), ont été atteints en 2017. Ils constatent le bilan positif du SMA en matière d'insertion (entre 74 et 77% au cours des dernières années), alors que les jeunes concernés ont un profil particulièrement éloigné de l'emploi (un tiers des promotions est constitué de non-diplômés). Ils font observer que la forte demande caractérisant certains territoires (Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) peut s'y traduire par des « taux de sélection anormalement élevés ». Ils relèvent également une baisse alarmante du taux d'encadrement, sauf à La Réunion, susceptible de « mettre en péril » tant les résultats du SMA que la sécurité de ses activités.

Ils appellent ainsi, entre autres recommandations, à une augmentation du taux d'encadrement des unités prenant en compte l'évolution du format des promotions, à un allongement de la durée des formations pour favoriser une « employabilité durable » des volontaires et à un renforcement du suivi des jeunes à l'issue du SMA.

Ils estiment enfin que, malgré des différences importantes entre le SMA et le futur service national universel (SNU), des synergies pourront être trouvées entre les deux formes de service, tout en concluant à la nécessité de réaffirmer « la singularité et l'indépendance du SMA », centré sur l'insertion professionnelle.

Selon la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (article 32) 106 ( * ) , le SMV s'adresse aux jeunes de nationalité française âgés de 18 à 26 ans au moment de leur recrutement, résidant en métropole ou à l'étranger, à qui est proposé un « contrat de volontaire stagiaire du service militaire volontaire », souscrit pour une durée de six à douze mois.

Pendant cet engagement, les volontaires sont considérés comme des militaires d'active : ils servent au premier grade de militaire du rang, perçoivent une solde et sont soumis au statut général des militaires. La loi dispose qu'« Ils peuvent effectuer, dans le cadre légal des réquisitions ou des demandes de concours, des missions de sécurité civile. Ils peuvent également participer, dans le cadre de leur formation, à des chantiers d'application à la demande de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des associations à but non lucratif déclarées d'utilité publique. »

Les volontaires du SMV sont « encadrés par des personnels militaires qui assurent la mission de formateur, assistés de militaires volontaires dans les armées » ; la participation d'intervenants extérieurs est prévue depuis 2018.

« Le service militaire volontaire comporte une formation militaire ainsi que diverses formations à caractère professionnel, civique ou scolaire visant à favoriser leur insertion sociale et professionnelle ». Les volontaires ont la qualité de stagiaires de la formation professionnelle au titre des actions de formation suivies dans ce domaine. Pourtant, sur la plateforme numérique « Un jeune, une solution », le SMV est classé dans la rubrique « engagement et bénévolat », comme le SMA, le service civique, le service national universel (SNU), la réserve opérationnelle dans les armées ou la Gendarmerie nationale, la réserve civile dans la Police nationale ou l'engagement dans les sapeurs-pompiers volontaires 107 ( * ) .

Implanté sur sept sites militaires, le SMV s'appuie sur 357 cadres d'active issus des trois armées ainsi que sur des personnels extérieurs (médecins, psychologues, assistantes sociales, enseignants...).

Outre la formation militaire et professionnelle, le programme du SMV fait une large place à la formation citoyenne, qui s'appuie notamment, selon les informations transmises par la direction du service national et de la jeunesse du ministère des armées, sur la visite d'institutions (Assemblée nationale, conseils régionaux, etc.), la participation à des cérémonies patriotiques et la réalisation par l'ensemble des volontaires d'une mission citoyenne de quelques jours pendant leur contrat (au profit de collectivités ou d'associations reconnues d'utilité publique ou sur demande de concours, par exemple dans le cadre de l'opération Résilience).

Le nombre de volontaires accueillis dans le cadre du SMV dépend, selon la loi de programmation 2018-2025, de la « capacité d'accueil des centres désignés par (le ministre chargé de la défense) pour mettre en oeuvre ce dispositif ». Environ 1 200 jeunes sont ainsi accompagnés chaque année dans les régiments et centres du SMV. Les jeunes femmes représentent environ 29 % des volontaires (soit la même proportion que pour l'Épide).

Les résultats de ce programme en matière d'insertion sont probants puisque le taux d'insertion socio-professionnelle des bénéficiaires a atteint 70 % en 2020 , au terme de cinq années de fonctionnement. Ce bilan positif a justifié l'annonce par la ministre des armées, en octobre 2020, d'un objectif d'augmentation de 25 % des effectifs de volontaires, pour atteindre 1 500 bénéficiaires en 2022 108 ( * ) .

Toutefois, ce nouveau format implique un effort en termes d'encadrement, le besoin étant évalué à 29 postes d'encadrants, selon les informations transmises par le ministère des armées. L'efficacité du SMV est en effet, comme celle de l'Épide, liée à la qualité de l'encadrement ; la réussite de la montée en puissance du dispositif exige donc une vigilance particulière dans ce domaine.

c) La citoyenneté, une priorité de l'accompagnement vers l'autonomie des jeunes accueillis par les missions locales

Selon l'Union nationale des missions locales (UNML), dont le représentant a été entendu le 30 mars 2022, chaque année 1 300 000 jeunes sont suivis par le réseau des missions locales et 2 200 000 jeunes entrent en contact avec celui-ci. Les effectifs des missions locales sont donc sans commune mesure le nombre de volontaires à l'insertion accueillis par l'Épide ou de volontaires du service militaire. Le taux d'encadrement est également cohérent avec les effectifs accompagnés : un ETP pour 50 jeunes en moyenne (un encadrant pour 2,5 jeunes à l'Épide) dans le cadre de la garantie jeunes , dispositif d'accompagnement et d'insertion mis en oeuvre principalement par les missions locales jusqu'en mars 2022 (voir infra).

La vocation des missions locales est, si l'on se réfère à l'article L. 5314-2 du code du travail, d'aider les jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus (29 pour les jeunes en situation de handicap) à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale .

Comme l'a relevé la mission d'information du Sénat pour l'égalité des chances 109 ( * ) (voir l'encadré ci-après), les missions locales accueillent désormais des jeunes plus âgés (étudiants en situation difficile ou souhaitant se réorienter et jeunes sans perspective d'insertion professionnelle).

Les missions locales et l'égalité des chances

Le rapport de notre collègue Monique Lubin note que l'organisation des 436 missions locales pour l'insertion, réparties sur 6 800 sites, s'appuie sur un réseau « animé par l'UNML (Union nationale des missions locales), créée en 2003, mais chacune d'entre elle demeure autonome, sous réserve des missions qui leurs sont confiées par la loi ». Les missions locales « prennent la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public (GIP) », « leur création résulte généralement de l'initiative de collectivités territoriales ».

Par ailleurs, constatant que « quand certaines missions locales interviennent à l'échelle d'un département, comme dans les Landes, d'autres ont un périmètre beaucoup plus restreint », la mission d'information du Sénat conclut à la nécessité d'un « renforcement de l'organisation du réseau », et invite les missions locales « à se regrouper à l'échelle départementale lorsqu'une échelle plus fine n'apparaît pas plus pertinente ».

Enfin, le rapport de Monique Lubin relève que les missions locales accueillent aujourd'hui « de nouveaux publics, souvent plus âgés, tels que des étudiants en situation difficile ou souhaitant se réorienter ou des jeunes de 25 à 30 ans sans perspectives d'insertion professionnelle » et qu'elles sont « les structures les plus à même de mener des actions de proximité autour desquelles pourrait s'organiser un service public de l'insertion des jeunes ». Il juge donc souhaitable « de permettre aux missions locales, qui le font parfois déjà, d'agir en faveur de l'ensemble des jeunes de leur territoire » et recommande l'ouverture d'une « réflexion sur l'organisation d'un service public de l'insertion des jeunes ».

Jusqu'en mars 2022, les missions locales étaient chargées de la mise en oeuvre de la garantie jeunes , « modalité spécifique du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie » (article L. 5131-6 du code du travail) créée en 2016, destinée aux jeunes de 16 à 25 ans et assortie d'une allocation forfaitaire d'un montant mensuel équivalent à celui du RSA (article R. 5131-20 du code du travail). Depuis le 1 er mars 2022, le contrat d'engagement jeune (CEJ) qui lui a succédé implique également Pôle emploi aux côtés des missions locales. La création du CEJ par la loi de finances pour 2022 110 ( * ) vise un renforcement de l'intensité de l'accompagnement des jeunes. Le bénéficiaire d'un CEJ peut être conduit à suivre, en fonction du programme prévu par son contrat, un programme de 15 à 20 heures par semaine (sur une période pouvant aller jusqu'à douze mois) susceptible de comporter les éléments suivants : mises en situations professionnelles (stage en entreprise, par exemple), périodes de formation, phases de recherche d'emploi, seul ou en collectif, missions d'utilité sociale dans des cadres tels que le service civique, l'Épide ou les écoles de la deuxième chance.

Selon le site de l'Union nationale des missions locales, plus de 442 514 jeunes ont signé en 2021 un parcours personnalisé et contractualisé ; 682 587 jeunes ont accédé à un emploi, dont 67 035 en alternance ; 162 521 sont entrés en formation. Ces chiffres sont à rapporter au nombre de jeunes suivis chaque année par le réseau (1,3 million).

Dans le cadre de l'accompagnement vers l'insertion sociale et professionnelle, la vocation des missions locales est aussi, d'après l'UNML, de rendre les jeunes « acteurs de leur parcours d'insertion » 111 ( * ) . L'accès à « l'autonomie concrète, c'est-à-dire matérielle et professionnelle » est en effet un aspect décisif de leur rôle. La notion de citoyenneté est donc intégrée à un accompagnement conçu de manière globale (formation et accès à l'emploi, logement, santé, mobilité...). Elle est présentée à juste titre non seulement comme un « enjeu de l'insertion des jeunes », mais aussi comme une dimension de l'égalité des chances .

D'une part, « pour que les jeunes éprouvent la citoyenneté et comprennent qu'elle est un ensemble de droits et de devoirs, l'insertion dans la société - une place, un rôle, une utilité - est nécessaire » : leur formation citoyenne est donc une condition de leur insertion.

D'autre part, tant que l'égalité des chances n'est pas pour ces jeunes une réalité, ce ne sont que « des mots qui les confortent dans l'idée que la citoyenneté n'est pas pour eux ». La réussite de leur accompagnement est aussi une condition de leur citoyenneté.

La citoyenneté est donc devenue au cours de la période récente un « élément prioritaire » du réseau des missions locales , qui a dans cet esprit engagé une démarche de professionnalisation de ses conseillers, destinée à « intégrer la question de l'engagement et de la citoyenneté dans les modalités d'accompagnement ».

L'accompagnement des jeunes vers la citoyenneté peut se décliner dans ses aspects classiques (information sur le recensement, la JDC et le droit de vote, auxquelles s'ajoute l'information sur le service civique). Cette formation citoyenne peut aussi s'intéresser à des dimensions très concrètes telles que démarches administratives, demande de naturalisation, impôts, et banque 112 ( * ) . La formation citoyenne dispensée par les missions locales s'inscrit donc de manière cohérente dans un parcours dédié à l'autonomisation des jeunes.

Les interventions des missions locales dans le domaine de la citoyenneté ont vocation non seulement à compléter, mais aussi à donner tout son sens à l'accompagnement des jeunes vers l'insertion.

Les missions locales proposent différents types de modules et d'outils permettant d'engager la discussion sur la citoyenneté et les institutions avec des jeunes que leur l'environnement familial n'a pas nécessairement préparés à aborder ces problématiques : « la transmission d'une génération à une autre ne s'est pas faite ».

À l'approche des échéances électorales de 2022, diverses initiatives ont été mises en place pour favoriser la participation des jeunes : débats sur l'élection présidentielle, sur les droits et devoirs du citoyen, concours d'éloquence autour d'un « thème citoyen » : « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour ton pays », débats, « accompagnement concret » dans les démarches liées à la délivrance d'une carte électorale... Ces activités sont abordées selon une logique « plus participative et moins ascendante que par le passé ». L'encadré ci-après en propose deux exemples éclairants.

Deux exemples d'ateliers citoyens organisés en 2022
« Bien vivre sa citoyenneté » (Mission locale du Chinonais)
et « Moi président » (Mission locale du Pays de Saverne)

La mission locale du Chinonais a proposé le 8 mars 2022 un atelier « Bien vivre sa citoyenneté » 113 ( * ) autour des thématiques du « civisme au quotidien » et du droit de vote - incluant des conseils très concrets pour s'inscrire sur les listes électorales - ainsi qu'un jeu sur la devise française, sur les symboles de la République (drapeau tricolore, Marianne, le coq, la semeuse) et sur les paroles de La Marseillaise .

La mission locale du Pays de Saverne a pris l'initiative, en mars 2022, d'un atelier intitulé « Moi président » , destiné à permettre aux jeunes de « se mettre dans la peau d'une personne du gouvernement » afin de prendre conscience de ce qu'implique de « prendre des décisions difficiles ». Au cours de deux tours de table successifs, les participants étaient invités à présenter les mesures qu'ils auraient prises, s'ils avaient été présidents :

- le 16 janvier 2020, c'est-à-dire au tout début de la pandémie, pour lutter contre la crise sanitaire ;

- le 24 février 2022, au début de la guerre entre l'Ukraine et la Russie, pour « intervenir dans le conflit ».

Une autre séquence, dédiée au droit de vote, rappelait l'histoire de ce droit en France, l'importance de ce devoir pour tout citoyen, les démarches à effectuer pour être inscrit sur les listes électorales et permettait aux participants de se familiariser avec l'application Elyze pour mieux connaître certains enjeux de l'élection présidentielle de 2022 (santé, relations internationales, environnement, éducation...) et mieux comprendre les programmes des différents candidats 114 ( * ) .

2. La responsabilisation dans le cadre scolaire : un exemple de bonne pratique

L'attention du rapporteur a été attirée par la situation des élèves exclus temporairement de leur établissement qui, faute de suivi, peuvent se trouver livrés à eux-mêmes pendant plusieurs jours.

Le respect par l'élève du règlement intérieur de l'établissement - et, de manière générale, le respect de la règle - fait partie de son parcours de citoyenneté.

À la suite des états généraux de la sécurité à l'école en avril 2010 et des Assises sur la prévention du harcèlement de mai 2011, une nouvelle échelle des sanctions pour les élèves du second degré a été mise en place (voir l'encadré ci-dessous). L'objectif de cette réforme est double : réaffirmer le respect des règles et limiter les exclusions, temporaires ou définitives, afin de lutter contre la déscolarisation.

L'échelle des sanctions applicables aux élèves des établissements du second degré (extrait art. R-111-13 du code de l'éducation)

« I.- Dans les collèges et lycées relevant du ministre chargé de l'éducation, les sanctions qui peuvent être prononcées à l'encontre des élèves sont les suivantes :

1° L'avertissement ;

2° Le blâme ;

3° La mesure de responsabilisation ;

4° L'exclusion temporaire de la classe. Pendant l'accomplissement de la sanction, l'élève est accueilli dans l'établissement. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours ;

5° L'exclusion temporaire de l'établissement ou de l'un de ses services annexes. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours ;

6° L'exclusion définitive de l'établissement ou de l'un de ses services annexes.

Les sanctions prévues aux 3° à 6° peuvent être assorties du sursis à leur exécution dont les modalités sont définies à l'article R. 511-13-1 ».

Cette nouvelle échelle des sanctions , précisée à l'article R. 511-13 du code de l'éducation, introduit la « mesure de responsabilisation ». Celle-ci consiste pour l'élève à participer, en dehors des heures d'enseignement, à des activités de solidarité, culturelles, de formation, ou à l'exécution d'une tâche à des fins éducatives. Elle peut être prononcée comme sanction ou comme alternative à une exclusion temporaire.

La mesure de responsabilisation

Celle-ci est prononcée par le chef d'établissement ou par le conseil de discipline. D'une durée maximale de 20 heures, elle ne peut représenter plus de trois heures d'activités par jour ni requérir la présence de l'élève plus de quatre jours par semaine. Pendant la durée de la mesure de responsabilisation, l'élève reste sous statut scolaire. Elle peut se dérouler au sein de l'établissement, d'une association, d'une collectivité territoriale, d'un groupement rassemblant des personnes publiques, d'une administration de l'État. L'élève doit s'engager à réaliser les activités prévues

Cette sanction, lorsque l'acte commis par l'élève la justifie, peut utilement faire comprendre à celui-ci les conséquences de ses actes.

Le vadémécum sur les mesures éducatives de responsabilisation dans les établissements du second degré donne des exemples intéressants de mesures de responsabilisation en ce sens. En cas d'atteintes aux biens, il est suggéré, entre autres mesures, que l'élève accompagne pendant plusieurs heures les agents de service dans leur travail d'entretien et de réparation, ou encore qu'il rencontre le SDIS s'il a déclenché sans raison un signal d'alarme.

S'agissant des mesures d'exclusion temporaire , elles présentent l'inconvénient de priver les jeunes de tout cadre structurant. Il importe donc de trouver une solution pour que ces sanctions aient un effet pédagogique et préventif .

Lors de son déplacement dans l'Hérault, la mission d'information a pris connaissance avec intérêt du programme d'accompagnement des élèves exclus temporairement de leurs établissements, mis en place entre la communauté urbaine de Montpellier, le rectorat et plusieurs services publics et associations, dont l'association Uni'Sons . Ce programme permet de s'assurer que l'élève soit pris en charge pendant sa période d'exclusion, au moins partiellement , dans un double but : d'une part, lui offrir une structure d'accueil pendant cette période, d'autre part lui faire comprendre le sens de la sanction et la lui faire accepter.

La prise en charge d'élèves temporairement exclus par l'association Uni'Sons
dans le cadre du programme de réussite scolaire de Montpellier
115 ( * )

L'échange entre les membres de la mission d'information et Habib Deshraoui, directeur, et Nacer Benammar, éducateur spécialisé, de l'association Uni'Sons à Montpellier a été l'occasion de présenter l'action de cette dernière pour accueillir des élèves temporairement exclus de leurs établissements.

Le jeune exclu de son établissement est accueilli les lundis matin, mercredis matin et vendredis matin, avec un bilan d'entrée et sortie réalisé par un éducateur spécialisé. Une prise en charge avec les structures partenaires (notamment le service de prévention du réseau des transports de Montpellier - TAM Prévention -, les services de la métropole de Montpellier ainsi que d'autres associations) est également possibles les autres jours. Après la réintégration, le jeune continue d'être accompagné par l'association, pendant au moins trois mois, avec des rendez-vous hebdomadaires. Le jeune a également la possibilité de participer aux ateliers d'écriture organisés tous les mercredis après-midi par l'association. Entre septembre et décembre 2020, l'association a accueilli 14 jeunes sur décision d'exclusion scolaire.

Mettre en place un « parcours coordonné global » et « favoriser la conscience citoyenne des jeunes » figurent parmi les objectifs de ce programme.

3. L'intérêt des stages de citoyenneté prévus dans le cadre judiciaire

Selon le code pénal 116 ( * ) , le stage de citoyenneté a deux objets :

- « faire prendre conscience [au condamné] de sa responsabilité pénale et civile ainsi que des devoirs qu'implique la vie en société » ;

- « favoriser son insertion sociale » .

Le stage de citoyenneté est destiné à plusieurs usages.

Il peut, en premier lieu, être prononcé en tant que mesure alternative aux poursuites, en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale 117 ( * ) . Le parquet renonce alors à poursuivre l'auteur supposé d'une infraction si celui-ci accepte de suivre un stage de citoyenneté.

Un tel stage peut également être requis par le parquet comme mesure de composition pénale 118 ( * ) , qui peut être proposée, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, à une personne qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits passibles d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans.

Le stage de citoyenneté peut aussi être prononcé dans le cadre d'un contrôle judiciaire socioéducatif 119 ( * ) , mesure alternative à la détention provisoire pour une personne en attente de jugement.

En outre, le stage de citoyenneté peut constituer une peine en soi, qu'il s'agisse d'une peine complémentaire, c'est-à-dire venant en plus d'une peine principale (peine d'amende ou d'emprisonnement) 120 ( * ) ou d'une alternative à l'emprisonnement 121 ( * ) .

Enfin, un stage de citoyenneté peut être prononcé par le juge d'application des peines dans le cadre d'un sursis probatoire 122 ( * ) .

L'article 131-5-1 du code pénal précise que le stage de citoyenneté tend à « l'apprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen » ; son coût incombe à la personne condamnée, dans la limite de 450 euros 123 ( * ) . Ces dispositions sont complétées par l'article R. 131-35 du même code qui précise, notamment, que ces valeurs républicaines se réfèrent à la tolérance et au respect de la dignité humaine.

Les stages de citoyenneté ont été présentés à la mission d'information par la directrice d' ABC Insertion, association créée il y a près de trente ans pour « promouvoir la citoyenneté et l'insertion socioprofessionnelle, dans un esprit de justice sociale, en accueillant tous les publics » 124 ( * ) . Cette association poursuit plusieurs objectifs, parmi lesquels « prévenir la délinquance et la récidive ; favoriser l'insertion socioprofessionnelle ; aider à une meilleure intégration du citoyen dans la société » 125 ( * ) . La formation citoyenne qu'elle dispense lors de ces stages s'inscrit donc également, parallèlement à la prévention de la récidive, dans une finalité d'insertion professionnelle.

ABC Insertion organise différents types de stages, dont des stages de citoyenneté qui représentent la moitié de son activité 126 ( * ) . Ces stages durent de trois à cinq jours et sont mis en oeuvre à la demande de services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) ou de parquets tels que ceux de Pontoise et Paris avec qui travaille l'association. Certains peuvent également se dérouler en milieu carcéral, auprès de détenus.

L'âge des stagiaires dépend des territoires : selon la directrice d'ABC insertion , la moyenne d'âge est de 26 ans en Seine-et-Marne ou à Paris, de 35 ans dans les Yvelines.

Le programme de ces stages varie en fonction de leur durée et ont, notamment pour objet de montrer aux stagiaires qu'ils sont des « citoyens à part entière » et, à ce titre, de leur rappeler leurs « droits et devoirs, le "vivre-ensemble", et le fonctionnement des institutions » 127 ( * ) .

Un travail sur la discrimination peut également être être mis en oeuvre afin que les stagiaires, qui se sentent souvent discriminés eux-mêmes, puissent « savoir précisément ce qu'est la discrimination, car on peut être discriminé et discriminant » : « L'objectif est de faire prendre conscience finalement que nous devons nous-mêmes travailler sur nos préjugés ».

Un volet « décryptage des médias » a été mis en place en 2015 par ABC Insertion à la demande de certains services souhaitant aborder le thème de la radicalisation : « De tels modules de décryptage sont un outil de lutte contre ce phénomène. (...) Depuis l'attaque contre Charlie Hebdo, les services pénitentiaires se montrent très intéressés. [...] Dans l'ensemble, les stagiaires nous disent souvent : "nous sommes manipulés". Dans un but pédagogique, nous n'entrons pas en conflit et nous demandons comment faire pour ne pas être manipulés ». Ce module vise à présenter des « réflexes anti intox » à des participants enclins à faire davantage confiance aux réseaux sociaux qu'aux médias.

Parmi les autres modules proposés lors de ces stages, la demi-journée consacrée au pouvoir judiciaire permet d'étudier le fonctionnement de la chaîne pénale. Lors d'un atelier structuré autour du documentaire La dixième chambre , de Raymond Depardon, les participants sont invités à rendre leur propre verdict, « toujours plus sévère que le jugement réel », selon la directrice de l'association : l'objectif est d'aider les stagiaires à « sortir du positionnement " nous contre la justice et l'État " ». Dans le même esprit, une séquence dédiée aux premiers secours « met les stagiaires en situation (...) de s'intéresser à l'autre » ; la participation de pompiers « permet de renouer le dialogue (...) malgré les caillassages qu'ils peuvent parfois subir dans certains quartiers ».

De manière éclairante, la visite du Mont-Valérien susceptible d'être proposée aux stagiaires confirme le rôle structurant du devoir de mémoire dans la formation citoyenne : ce rapport reviendra ultérieurement sur ce sujet, auquel la mission d'information a accordé une attention particulière.

Enfin, la visite du Carrefour des associations parisiennes permet aux stagiaires de comprendre le fonctionnement des associations et de sensibiliser les participants au rôle que chacune peut jouer dans la société à travers un projet associatif. L'idée est de « montrer que chacun doit travailler tous les jours à faire vivre ses droits et à pratiquer ses devoirs » et que chacun peut à son niveau faire vivre la devise républicaine et exercer concrètement sa citoyenneté.

Par ailleurs, dans le registre de l'insertion professionnelle, un atelier de « remobilisation vers l'emploi » permet d'informer les stagiaires sur les dispositifs existants. L'association est en outre en mesure d'orienter les stagiaires qui le souhaitent vers un accompagnement en insertion professionnelle.

Selon la directrice d' ABC Insertion , ces stages rencontrent un certain succès auprès des stagiaires puisque 96 % des participants se disent très satisfaits. Toutefois, cette satisfaction n'intervient qu'après un premier temps d'adaptation : « Dans l'ensemble, au début, les participants peuvent manifester leur mécontentement et parfois crier à l'injustice. Ils estiment pour la plupart n'avoir aucune raison de se trouver là. [...] Si certains participants manifestent encore leur mécontentement pendant la première matinée, même les plus réfractaires finissent par y prendre part. L'expérience des formateurs permet de créer un climat de confiance. Nous ouvrons très vite sur les règles de "vivre-ensemble", à l'intérieur du stage comme de la société, et ce sujet parle à tout le monde » .

Malgré ces résultats positifs, l'association n'est pas en mesure d'évaluer la portée des stages de citoyenneté. Cette difficulté est, en partie, due au contexte dans lequel ces stages se déroulent, qui implique l'anonymat des stagiaires : « comme nous accueillons des personnes qui se trouvent sous main de justice, nous ne disposons pas de leur identité et ne devons garder aucune trace de leurs données, ce qui nous empêche de les solliciter ultérieurement » . Selon la directrice d' ABC insertion , un travail de veille sur les chiffres européens et l'expérience du terrain « permettent de savoir que ces stages fonctionnent, mais nous ne disposons cependant d'aucune indication à notre échelle ».

B. PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

1. Renforcer la visibilité et la notoriété de l'Épide

La formation civique et citoyenne joue un rôle important dans les dispositifs d'insertions sociale et professionnelle destinés aux jeunes ayant besoin d'un accompagnement spécifique. Cette observation s'applique à des structures très spécifiques comme l'Épide et le service militaire volontaire, qui s'adressent à un très petit nombre de jeunes, ou aux missions locales, dont le modèle concerne des effectifs beaucoup plus importants.

La mission d'information est convaincue que cette formation citoyenne aide ces jeunes à trouver leur place dans la société et contribue à la réussite de cet accompagnement.

Elle estime que l'Épide est un modèle à encourager et souhaite que les évolutions en cours à l'Épide permettent une montée en puissance de l'établissement, en cohérence avec les objectifs initialement envisagés pour « défense deuxième chance ».

Dans cette logique, elle appelle à améliorer la visibilité et la notoriété de ce dispositif , plus particulièrement sur la plateforme numérique 1 jeune, 1 solution , et à mettre davantage en valeur la complémentarité entre les différents dispositifs d'insertion qui y sont proposés aux jeunes.

Elle souhaite également que ce dispositif puisse faire partie des solutions proposées aux jeunes qui, au terme de leur parcours d'inscription sur la plateforme Parcoursup , ont reçu des réponses négatives à tous leurs voeux et dont le profil correspond à celui des jeunes accueillis par l'Épide. Un volontariat à l'insertion pourrait ainsi, selon le profil du jeune , être suggéré par les commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES).

Recommandation . - Renforcer la visibilité de l'Épide, plus particulièrement sur la plateforme en ligne 1 jeune, 1 solution ; s'assurer que les commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES) soient en mesure de proposer aux jeunes dont aucun des voeux n'a été validé sur la plateforme Parcoursup de souscrire un volontariat d'insertion à l'Épide, en fonction de leur profil.

L'attention du rapporteur a par ailleurs été attirée par les difficultés d'accès au logement auxquelles se heurtent certains anciens volontaires à l'insertion dont le contrat de volontaire prend fin car ils sont titulaires d'un contrat de travail. Pour ces jeunes, l'article L. 130-2 du code du service national prévoit un « contrat de soutien » de trois mois afin de leur permettre de continuer à être hébergés à l'Épide alors qu'ils ne sont plus volontaires à l'insertion.

Le rapporteur est d'avis que la durée de ce contrat devrait être assouplie et que le code du service national devrait ouvrir la possibilité d'un renouvellement du contrat de soutien, dont la durée totale serait ainsi étendue à six mois lorsqu'un accompagnement vers le logement est nécessaire.

Recommandation. - Prolonger de trois mois le contrat de soutien prévu à l'article L. 130-2 du code du service national pour permettre à certains anciens volontaires à l'insertion titulaires d'un contrat de travail de continuer à être hébergés à l'Épide lorsqu'ils rencontrent des difficultés d'accès au logement, soit six mois au total.

Par ailleurs, la mission d'information considère que l'effort annoncé par le ministère des armées afin d'accueillir davantage de jeunes dans le cadre du service militaire volontaire doit prendre en compte des exigences renforcées en matière d'encadrement, sauf à réduire la qualité de l'accompagnement de ces volontaires.

2. L'intérêt d'un suivi et d'un accompagnement favorisant une prise de conscience citoyenne pour les élèves exclus temporairement de leur établissement

La mission d'information estime que les élèves faisant l'objet d'une mesure d'exclusion temporaire doivent faire l'objet d'un accompagnement tel que celui dont elle a pu apprécier l'intérêt lors de son déplacement dans l'Hérault, où établissements scolaires, acteurs associatifs, services de la métropole de Montpellier et institutions (la protection judiciaire de la jeunesse, notamment) travaillent ensemble afin que ces sanctions favorisent une prise de conscience citoyenne et qu'elles soient l'occasion, pour les élèves qui en font l'objet, d'apprendre à respecter leurs obligations 128 ( * ) .

La mission d'information appelle les ministères concernés à s'inspirer de telles initiatives locales afin de les expérimenter dans toutes les académies, en partenariat avec les acteurs locaux (associations, collectivités territoriales, aide sociale à l'enfance...), en vue de leur éventuelle généralisation ; les élèves de l'enseignement agricole, qui ne relèvent pas du ministère de l'éducation nationale, ne doivent pas être oubliés.

Recommandation . - Expérimenter et évaluer la mise en place, au sein de l'Éducation nationale et de l'enseignement agricole, d'un accompagnement et d'un suivi des élèves exclus temporairement de leur établissement, en partenariat avec les acteurs locaux, afin que cette sanction soit l'occasion d'une prise de conscience citoyenne.

3. Mieux connaître l'impact des stages de citoyenneté sur la prévention de la récidive

Les stages de citoyenneté prévus dans un contexte judiciaire constituent un exemple éclairant du rôle de la formation citoyenne en termes d'intégration et de lien social . Ces stages confirment l'intérêt, pour des personnes éloignés de la citoyenneté, d'une information sur le fonctionnement des institutions, notamment parlementaires et judiciaires, d'une prise de conscience des limites des réseaux sociaux et d'une formation destinée à permettre à chacun de devenir un citoyen actif, par exemple à travers un projet associatif.

Il serait donc intéressant d'évaluer l'intérêt de ces stages en termes de prévention de la récidive.

Les obligations liées au statut des stagiaires ne permettent pas aux associations agréées de procéder à un suivi de ces derniers, du fait des contraintes d'anonymat qui pèsent sur elles, ce qui les empêche de mesurer l'efficacité de ces stages dans la durée.

La mission d'information recommande donc que la Chancellerie procède régulièrement à une évaluation de l'efficacité de ces stages, notamment en termes de prévention de la récidive dans la durée.

Recommandation . - Évaluer l'efficacité des stages de citoyenneté, mis en oeuvre dans un contexte pénal, en termes de prévention de la récidive.

DEUXIÈME PARTIE - ENCOURAGER UNE CITOYENNETÉ ACTIVE PAR L'ENGAGEMENT

Après l'éducation à la citoyenneté - dans le cadre de l'enseignement moral et civique, de la journée défense et citoyenneté ou des dispositifs d'insertion évoqués dans la première partie - la citoyenneté a vocation à faire partie de la vie du citoyen à travers un engagement susceptible de prendre des formes diverses. « L'engagement républicain, c'est d'abord l'engagement électif », faisait ainsi observer le président du Sénat en avril 2015 dans un rapport demandé par le Président de la République à la suite des attentats de 2015 129 ( * ) . L'engagement peut aussi s'incarner dans certaines professions , à vocation sociale par exemple, ou dans le registre de la sécurité et, plus généralement, dans le service de l'État. Il peut privilégier la participation à des réserves opérationnelles (armée, gendarmerie, police, plus récemment Éducation nationale).

Il peut enfin relever du bénévolat associatif , dans la diversité des associations, dans le champ infini de leurs activités (solidaires, humanitaires, environnementales, culturelles, sportives, de loisirs...), et dans tous les territoires : le dynamisme du secteur associatif s'appuie sur une image positive en France, qui inspire aujourd'hui de nombreuses vocations de bénévoles. Mais la nécessité de s'adapter aux nouvelles attentes de ceux-ci constitue autant de défis pour les associations.

L'intérêt de l'engagement au service de la collectivité comme vecteur de cohésion nationale est régulièrement souligné : « l'action des nombreux bénévoles et volontaires est indispensable à la cohésion sociale », relevait le président de l'Assemblée nationale en 2015 130 ( * ) .

L'engagement est aussi une manière de donner une dimension concrète à la citoyenneté et de la vivre au quotidien . Par les rencontres qu'il favorise, le dialogue qu'il encourage et l'expérience de collégialité qu'il implique, l'engagement est aussi un vecteur d'apprentissage de la vie citoyenne .

La jeunesse valorise spontanément d'ailleurs les valeurs de l'engagement, comme l'a fait observer la sociologue Anne Muxel à partir de l'augmentation régulière des demandes de service civique ou du dynamisme de l'engagement de proximité pendant la crise sanitaire 131 ( * ) .

Le besoin d'une expérience dédiée au service de la collectivité dans le parcours des jeunes citoyens est un thème récurrent du débat public ; cette préoccupation a inspiré la mise en place de politiques publiques afin de faire en sorte que l'appétence des jeunes pour l'engagement s'inscrive dans un projet collectif.

C'est dans cet esprit qu'a été créé le service civique , héritier direct du service civil volontaire créé par une loi dont le projet a été déposé - ce point est éclairant - quelques semaines après les violentes émeutes des banlieues de novembre et décembre 2005 qui ont mis en lumière le besoin de « renforcer la cohésion nationale (...) à l'heure où notre pays sort d'une épreuve grave » 132 ( * ) .

Plus récemment, la création du service national universel (SNU) s'est inscrite dans une démarche similaire.

Tant le service civique que le SNU considèrent l'engagement des jeunes comme le socle de leur formation citoyenne et le conçoivent comme un élément d'un parcours citoyen qui est aussi un parcours de vie, dès l'école et sans limite d'âge.

Aujourd'hui, plus de dix ans après la création du service civique, qui suscite l'adhésion de très nombreux jeunes, et alors que le service national universel est encore en cours d'expérimentation, ces politiques publiques s'articulent, sur le papier, dans une apparente cohérence . En effet, le service civique est désormais supposé constituer la suite logique du SNU. Quant au SNU, il est lui-même présenté comme « l'aboutissement du parcours citoyen débuté à l'école primaire et poursuivi au collège » 133 ( * ) , parcours composé de l'enseignement moral et civique développé dans la première partie, et des dispositifs relevant de la « démocratie scolaire », qui semblent monter en puissance mais dont l'efficacité doit être évaluée.

Toutefois, en l'absence de choix clair sur le SNU - qui pose notamment la question de son statut : volontariat ou obligation ? - la cohérence de ce parcours citoyen reste largement théorique. L'engagement des citoyens s'inscrit donc principalement dans des cadres à l'efficacité éprouvée : le service civique, qui en quelque douze années est devenu une politique publique à part entière, plébiscitée par les jeunes, et le bénévolat associatif, auquel nos concitoyens, dans leur diversité, sont à juste titre très attachés.

I. L'ENGAGEMENT PRÉCOCE : DES POLITIQUES PUBLIQUES À MIEUX ARTICULER

La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, promulguée en juillet 2013, encourage l'engagement des élèves au sein de l'institution scolaire, pour compléter de manière concrète l'enseignement moral et civique : « pour devenir de jeunes citoyens, les élèves doivent apprendre les principes de la vie démocratique et acquérir des compétences civiques grâce aux enseignements dispensés et par la participation aux instances représentatives et/ou à la vie associative des écoles et des établissements » .

La « démocratie scolaire » constitue donc un vecteur d'engagement précoce des élèves, dès le premier degré. Le service national universel (SNU), qui s'adresse aux jeunes de 16 ans environ, s'inscrit dans une logique similaire.

A. LA DÉMOCRATIE SCOLAIRE : DES INITIATIVES NOMBREUSES POUR DÉVELOPPER LA PARTICIPATION CITOYENNE ET L'ENGAGEMENT

La participation citoyenne et l'engagement des élèves au sein de l'institution scolaire font partie du parcours citoyen de l'élève, mis en place par le ministère de l'éducation nationale en 2016 134 ( * ) . Ce parcours citoyen se décline notamment « dans le fonctionnement des écoles et établissements et la vie scolaire » , l'école ou l'établissement scolaire étant à la fois « un lieu d'exercice, d'expérience et d'explication du droit » , « où les élèves exercent des responsabilités reconnues » .

Le parcours citoyen a ainsi été défini par le directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO), « De l'école élémentaire au lycée, (il) vise à la construction, par l'élève, d'un jugement moral et civique, à l'acquisition d'un esprit critique et d'une culture de l'engagement » 135 ( * ) .

1. Un constat : des dispositifs d'intérêt inégal

Lors de son audition, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a qualifié la démocratie scolaire de « sujet très important pour notre institution » 136 ( * ) .

Les outils de participation à la vie des instances scolaires et pour favoriser l'engagement des élèves, mis en place ou promus par le ministère, peuvent se classer en fonction du mode de sélection choisi :

- Les élections

Les délégués de classe , institués en 1969, sont l'instance de participation des élèves la plus ancienne, la plus répandue, et sans doute la plus connue.

Selon le sondage diligenté par la Cour des comptes dans le cadre de son rapport La formation à la citoyenneté , publié en octobre 2021, 97 % des jeunes interrogés connaissent le rôle des délégués de classe et 56 % les jugent utiles. De plus, plus d'un sondé sur deux (52 % des élèves) a été lui-même délégué au moins une fois au cours de sa scolarité 137 ( * ) .

L'élection des délégués de classe se déroule pendant la semaine de la démocratie scolaire. Les semaines de l'engagement, organisées de septembre à début octobre, sont l'occasion de sensibiliser les collégiens et lycéens à l'engagement, sous toutes ses formes, y compris hors de l'établissement.

Au fil des années, de nouvelles instances participatives ont été créées au sein des établissements scolaires. Sans être exhaustif, on peut citer les conseils de la vie lycéenne 138 ( * ) (CVL), créés en 2010, et les conseils de la vie collégienne (CVC), créés en 2016. Ces instances ont des déclinaisons au niveau académique - le conseil académique de la vie lycéenne 139 ( * ) - et au niveau national - le Conseil national de la vie lycéenne 140 ( * ) , qui doit se réunir au moins deux fois par an. Le dispositif des délégués est donc structuré, pour les lycées, selon une organisation pyramidale.

Selon le directeur général de l'enseignement scolaire, si tous les lycées ont un CVL, « ce n'est pas le cas des CVC qui ne sont pas forcément issus d'une élection et ne font par conséquent pas l'objet d'une remontée officielle. Toutefois une enquête de décembre 2020 auprès des chefs d'établissement fait état de 90 % de CVC installés sur les 70 % d'établissements ayant répondu » 141 ( * ) .

Jean-Michel Blanquer a indiqué à la mission s'être « beaucoup appuyé sur le Conseil national de la vie lycéenne, dans le contexte de la pandémie », soulignant « le caractère très utile de ces instances, avec des délégués élus, qui ont un discours extrêmement construit et s'initient à la décision » 142 ( * ) .

Très récemment, avec une expérimentation en 2019 et une généralisation à cette rentrée scolaire, des « éco-délégués » ont été mis en place dans chaque classe de collège et de lycée.

Aux éco-délégués des classes s'ajoutent les binômes d'éco-délégués élus par les établissements d'enseignement secondaire parmi les membres volontaires des CVC et des CVL. Chargés des enjeux d'environnement dans les établissements à la suite des propositions formulées par des lycéens en 2019 à l'occasion de la marche pour le climat, les éco-délégués ont été présentés par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports comme l'« une des principales innovations du quinquennat », et comme des « acteurs de l'accélération de mesures en lien avec cette thématique, comme les cantines scolaires à circuit court, la création de potagers, l'amélioration de la biodiversité par des nids d'oiseaux, le nettoyage de forêts alentour, etc. » 143 ( * ) .

Enfin, à l'occasion de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, le Gouvernement a souhaité élargir les prérogatives et redynamiser les comités d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement , instances dans lesquelles les élèves sont représentés. Selon les informations transmises par le directeur général de l'enseignement scolaire, les fonctions de délégués et d'éco-délégués ne peuvent pas être exercées simultanément par le même élève.

- Les désignations

Il s'agit par exemple d' ambassadeurs contre le harcèlement scolaire , que le ministère veut généraliser à l'ensemble des établissements secondaires dans le cadre de son programme pHARe (programme de lutte contre le harcèlement à l'école). Ces ambassadeurs étaient 23 000 en novembre 2021, contre 10 000 en 2020. Cette procédure de désignation présente l'avantage de pouvoir s'adresser à des élèves qui n'oseraient pas se présenter à une élection.

Au cours de son déplacement dans l'Hérault, la mission d'information a rencontré le conseil des jeunes de la commune de Jacou. Outre le dialogue riche qu'elle a pu avoir avec ces jeunes, elle a noté le processus très intéressant de désignation de ses membres en classe de CM2. Les élèves intéressés doivent présenter devant leurs camarades de classe une idée, un projet argumenté. Puis il est procédé à un tirage au sort pour désigner les douze membres du conseil des jeunes 144 ( * ) .

Parallèlement à ces instances, la participation des élèves à la vie collective peut privilégier des projets collectifs , à ce jour nombreux dans les établissements - ceux relatifs à l'environnement devraient être prochainement renforcés. Lors de son audition, Jean-Michel Blanquer a annoncé la rédaction, en partenariat avec le ministère de la culture, d'un vadémécum pour la mise en oeuvre de webradios dans les établissements et notamment les collèges. Elle peut aussi prendre la forme d'actions de tutorat, la participation à des associations sportives, la participation en tant que journaliste au média de l'établissement.

2. Points de vigilance de la mission d'information

Le tableau ci-après récapitule les différentes formes d'engagement proposées aux élèves dans le cadre scolaire. Il montre la diversité de ces missions.

Les différents engagements proposés aux élèves
dans le cadre scolaire

- délégué de classe : deux titulaires et deux suppléants par classe ;

- éco-délégué :

. un par classe ;

. un binôme paritaire élu parmi les élèves membres du conseil de la vie collégienne et du conseil de la vie lycéenne ;

. un binôme paritaire parmi les lycéens élus au conseil académique de la vie lycéenne ;

. un binôme paritaire élu par les lycéens élus au conseil national de la vie lycéenne ;

- représentants élèves au conseil de la vie collégienne : le mode de représentation est décidé par le conseil d'administration (désignation ou élection) ;

- représentants élèves au conseil de la vie lycéenne ;

- représentants élèves au conseil académique de la vie lycéenne ;

- représentants élèves au Conseil national de la vie lycéenne ;

- membres des Maisons des lycéens : président, vice-président, secrétaire, membres et bénévoles ;

- vice-président, jeune arbitre, jeune juge, jeune coach, jeune reporter, jeune secouriste, jeune organisateur de l'association sportive de l'établissement. Au total, en 2019, 93 784 élèves occupaient ces fonctions ;

- ambassadeurs « non au harcèlement » au collège et au lycée ;

- ambassadeurs « santé » établissement ;

- journalistes pour le média de l'établissement ;

- cadets de la République (5 563 élèves en février 2020) et cadets de la sécurité civile (environ 600 lycéens en 2019) ;

- tuteurs d'autres élèves.

Source : direction générale de l'enseignement scolaire

Selon les chiffres de l'Injep datant de décembre 2021, à 13 ou 14 ans, plus d'un tiers des élèves sont engagés dans le cadre du collège. La fonction de délégué est la fonction d'engagement la plus fréquente : un quart des élèves ont été élus délégués de classe depuis leur entrée en 6 e , tandis que 9 % des élèves sont investis dans la vie du collège sans être délégués de classe ou au conseil de vie collégienne. Outre le genre - les filles s'engagent plus que les garçons -, deux autres critères influencent l'engagement : le niveau scolaire - les meilleurs élèves s'engagent plus - ainsi que le milieu familial : le fait d'avoir un parent bénévole, par exemple dans une association, favorise l'implication de l'élève dans la vie du collège 145 ( * ) .

La mission d'information confirme l'intérêt de développer le goût de l'engagement au sein de l'école . Elle a entendu des témoignages de membres de conseils de jeunes qui ont acquis, à travers les fonctions de délégués de classe, le goût de l'engagement et l'ambition de poursuivre dans cette voie dans un cadre associatif ou politique. Être délégué de classe, puis siéger au conseil de la vie collégienne ou lycéenne peut donc déclencher une vocation.

Toutefois, la mission a identifié les points de vigilance suivants :

- la diversité des formules d'engagement accessibles dans le cadre scolaire souligne la nécessité d'un suivi et d'une évaluation complète de ces outils afin que ceux-ci ne se limitent pas à un empilement de dispositifs sans cohérence d'ensemble ;

- les dispositifs encourageant l'engagement des élèves au sein de leurs établissements doivent être mis en oeuvre dans un esprit d'égalité des chances de manière à toucher des élèves qui jusqu'alors n'étaient pas engagés. Comme le souligne Hubert Pénicaud, référent national vie associative de France Bénévolat , « il existe une très grande inégalité dans l'accès à l'engagement. Ainsi, les titulaires d'un diplôme bac+3 et au-delà sont deux fois plus engagés dans le bénévolat que ceux qui ont un niveau de formation inférieur au bac » . Et de noter : « le monde associatif est très attentif à ce qui se passe dans l'école, là où il est possible de rétablir l'égalité » ;

- les conseils de vie lycéenne semblent « de moins en moins appréciés » des élèves (27 % seulement « estiment que le CVL a joué un rôle utile dans leur vie scolaire et un tiers pense le contraire » ; le taux de participation aux élections connaît ainsi une chute régulière (47,5 % en 2008 ; 38 % en 2020) 146 ( * ) ;

- l'efficacité des CVL semble limitée : le rapport de la Cour des comptes montre qu'ils sont « peu consultés sur des points liés à l'enseignement, comme l'organisation du travail personnel ou le soutien apporté aux élèves » et que leur activité porte souvent sur des « projets extrascolaires comme le "bal du lycée" ou la création d'une salle de repos » et que les enseignants « déplorent souvent que les réunions (du CVL) aient lieu sur les temps de cours » 147 ( * ) .

En outre, la parole des jeunes ainsi engagés doit être suffisamment prise en compte au sein de l'établissement et de l'institution scolaire, au risque d'être une déception pour les élèves et de transmettre, à rebours de l'objectif de ces initiatives, une impression d'inutilité de s'engager.

3. Une interrogation : faut-il renforcer la prise en compte de l'engagement dans le parcours scolaire ?

À plusieurs reprises, la mission d'information s'est interrogée sur la nécessité de renforcer la prise en compte de l'engagement dans le parcours scolaire , par exemple au moyen de l'attribution de points supplémentaires pour le baccalauréat.

La mission d'information souhaite tout d'abord rappeler que l'engagement est déjà pris en compte à plusieurs moments de la scolarité et des études supérieures :

- au brevet , l'élève peut choisir le « parcours citoyen » pour son oral (exposé de cinq minutes, suivi d'un échange de dix minutes avec le jury). C'est pour lui l'occasion de mettre en avant ses engagements associatifs ou au sein de l'institution scolaire. Cet oral est noté sur 100 points auxquels s'ajoutent les points de l'EMC dans le cadre de l'épreuve d'histoire-géographie-enseignement moral et civique ;

- la plateforme Parcoursup dispose d'une rubrique facultative « activités et centres d'intérêt », comportant quatre sous-rubriques : expérience d'encadrement ou d'animation, engagement citoyen, expérience professionnelle, ouverture sur le monde (pratiques sportives et culturelles, parcours spécifiques) ;

- lors des études supérieures et depuis la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté de 2017, le code de l'éducation (à l'article L. 611-9) permet une validation de l'engagement étudiant, qu'il s'agisse de compétences acquises dans le cadre d'une association, d'un engagement dans la réserve opérationnelle, de sapeur-pompier volontaire ou encore d'un service civique. Il revient toutefois à chaque université de définir les modalités de valorisation de cet engagement ;

- une prise en compte spécifique dans l' enseignement agricole , où une unité facultative « engagement citoyen » a été créée par l'arrêté du 13 avril 2017 dans le cadre des diplômes du certificat d'aptitude professionnelle agricole (CAP agricole) et des baccalauréats professionnel, technologique et général préparés dans un établissement public ou privé sous contrat de l'enseignement agricole ;

- une validation de compétences, de connaissances et d'aptitudes dans le cadre d'activités associatives, d'engagement dans des réserves ou d'un service civique, lorsque celles-ci correspondent aux spécialités présentées par le candidat à un BTS (art. D. 643-15-1 du code de l'éducation).

Ces dispositifs sont souvent méconnus des jeunes , mais aussi, selon le Haut conseil à la vie associative, des universités elles-mêmes : « Comment encourager l'engagement des étudiants ? La loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté permet à ceux-ci de faire valoir leur engagement dans leur cursus universitaire. Même si des universités ont mis en place des actions intéressantes, il reste du chemin à parcourir. Il n'est pas nécessaire d'inventer de nouvelles choses ; il faut simplement valoriser les dispositifs en vigueur » 148 ( * ) .

La mission d'information partage cette analyse. Créer un dispositif de plus pour valoriser l'engagement des jeunes paraît peu judicieux, alors même que les jeunes et les associations dénoncent un manque d'information entraînant le non-recours aux droits ouverts aux bénévoles.

S'agissant de l'attribution de coefficients supplémentaires au baccalauréat, la mission d'information a constaté que si une unité facultative existe dans l'enseignement agricole, elle traduit les spécificités de cet enseignement : proportion très importante d'internes - 50 % d'élèves internes pouvant aller jusque 80 % dans certains établissements contre 10 % dans l'Éducation nationale - et accent mis de longue date sur l'éducation socio-culturelle des jeunes, qui occupe une place à part entière dans leurs formations depuis la circulaire du 23 février 1965 149 ( * ) .

La mission d'information estime qu'une mesure telle que l'attribution de points supplémentaires au baccalauréat serait de nature à créer des inégalités entre les élèves : en fonction des territoires, les opportunités d'engagement peuvent fortement varier. En outre, une telle mesure pourrait être perçue comme une pression exercée sur les jeunes à s'engager, à un âge où certains se cherchent encore. Cette injonction entre également en contradiction avec le principe même d'engagement bénévole qui suppose une certaine spontanéité.

B. UN NOUVEL OUTIL EN FAVEUR DE LA SOCIÉTÉ DE L'ENGAGEMENT : LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL (SNU)

1. Une préoccupation récurrente dans le débat public depuis la fin de la conscription : valoriser la citoyenneté, renforcer la cohésion nationale et faire découvrir l'engagement aux jeunes

Depuis la fin du service national obligatoire, suspendu en 1997, d'attentat en émeute dans les banlieues, lorsque la cohésion nationale semble menacée, la remise en vigueur d'une forme de service permettant le brassage social et le rattrapage scolaire que l'on associe souvent à la conscription - du moins dans le souvenir idéalisé que l'on peut en avoir aujourd'hui - figurent parmi les solutions jugées susceptibles de réparer notre modèle social 150 ( * ) .

a) Un précédent éclairant : le « rendez-vous citoyen » initialement prévu pour tous les jeunes, en amont de la réforme du service national de 1997

La réforme du service national rendue nécessaire par l'abandon de la conscription, annoncée en 1996 par le président Jacques Chirac, a donné lieu à deux projets de loi successifs . Le second texte est devenu la loi du 28 octobre 1997 qui régit le service national actuellement en vigueur (constitué du recensement et de la journée défense et citoyenneté). Un premier texte, dont la discussion a été interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale du 21 avril 1997, prévoyait d'imposer à tous les jeunes citoyens un « rendez-vous citoyen » de cinq jours, dérivé des « trois jours » destinés, à l'époque de la conscription, à la sélection des appelés.

L'objectif était :

- dans une logique de cohésion sociale , de rassembler pendant cinq jours des jeunes de tous les milieux, ayant pendant le « rendez-vous » le statut d'appelés ;

- dans une logique d' aide à l'insertion sociale et professionnelle et de lutte contre la précarité , de les soumettre à un bilan médical afin de « rendre possible le traitement de jeunes qui, sortis du système scolaire, ne disposent plus d'assistance en matière de santé publique » 151 ( * ) et de leur proposer « des entretiens individuels avec des spécialistes de l'orientation professionnelle, prolongés le cas échéant par un rendez-vous spécialisé » organisé à l'attention des jeunes en difficulté ;

- dans une logique de contribution à l'esprit de défense , d'informer les jeunes des perspectives de carrière dans les armées et la gendarmerie, et des besoins des forces de réserves, la professionnalisation imposant un effort particulier pour susciter des vocations ;

- dans une logique de formation à la citoyenneté , de rappeler les éléments de base de l'instruction civique (droits et devoirs du citoyen, fonctionnement des institutions républicaines) et d'informer les jeunes des possibilités offertes par les différentes formes de volontariat.

Ces objectifs semblent transposables à l'époque actuelle : la thématique de la fracture sociale, la nécessité d'une expérience de cohésion et l'intérêt d'un outil d'accompagnement pour les jeunes en difficulté sont en effet d'actualité.

Selon les termes du rapporteur du Sénat en 1997, « la dénomination de rendez-vous citoyen répond à la volonté de traduire les notions conjuguées de brassage social, d'accession solennelle à la citoyenneté et de rencontre conviviale des jeunes avec la Nation » 152 ( * ) .

Le « rendez-vous citoyen » avait aussi pour objet, dans l'hypothèse où la situation internationale aurait imposé un retour à la conscription, de maintenir le savoir-faire statistique de la Direction centrale du service national en matière de sélection des militaires . L'esprit militaire était assumé : les centres qui auraient dû accueillir le rendez-vous citoyen devaient être dirigés par des officiers supérieurs assistés d'un responsable civil. L'encadrement devait être assuré à raison d'un tiers par la gendarmerie.

Des « médiateurs-citoyens » devaient par ailleurs assurer l'accueil et l'accompagnement des jeunes en difficulté.

Une cérémonie de remise des « brevets du rendez-vous citoyen » était prévue à la fin de chaque session. À ces certificats étaient subordonnés, comme l'attestation de recensement, le droit de s'inscrire aux examens et concours organisés sous le contrôle de l'autorité publique (baccalauréat, permis de conduire, permis de chasse et de pêche, concours d'accès à la fonction publique) et la possibilité de « souscrire un contrat ayant pour but de faciliter l'accès des jeunes à l'emploi », selon les termes du projet de loi.

Le « rendez-vous citoyen » imaginé par nos prédécesseurs en 1997 aurait toute sa place dans la société française actuelle. Les débats de l'époque suscitent un écho évident aujourd'hui .

b) Le SNU de 2018 : « dynamiser le creuset républicain »

La création du service national universel (SNU), dont le chantier a été ouvert lors des voeux du Président de la République aux armées de 2018 et qui faisait partie de son programme en 2017, s'inscrit dans une logique comparable puisque l'objectif est, dans un esprit de « mixité sociale », de « valoriser la citoyenneté et le sentiment d'appartenance à une communauté rassemblée autour de ses valeurs, de renforcer la cohésion nationale et de dynamiser le creuset républicain » en faisant « découvrir (aux jeunes) les différentes formes d'engagement possibles » 153 ( * ) .

Aujourd'hui, plus de dix ans après la création du service civique, qui suscite l'adhésion de très nombreux jeunes, et alors que le service national universel est encore en phase d'expérimentation, ces deux politiques publiques sont supposées s'inscrire dans une cohérence : le service civique devrait en principe être la suite logique du SNU qui, s'adressant aux jeunes de 16 ans environ, est lui-même présenté comme « l'aboutissement du parcours citoyen débuté à l'école primaire et poursuivi au collège » 154 ( * ) . Mais les incertitudes concernant encore le SNU altèrent cette cohérence.

Le service national universel :
la promotion d'un engagement en trois étapes

1) Le séjour de cohésion, d'une durée de 12 jours, s'effectue entre 15 et 17 ans. Jusqu'à 200 jeunes peut être accueillis en même temps. Ils sont répartis en compagnies, elles-mêmes subdivisées en maisonnées, non mixtes, regroupant de 10 à 15 participants.

2) La mission d'intérêt général, d'une durée de 84 heures ou 12 jours, doit être effectuée dans les douze mois suivant le séjour de cohésion.

Ces deux premières étapes s'adressent aux jeunes Français, selon le site officiel du SNU. Elles sont obligatoires pour valider le SNU.

3) La mission de service civique, facultative, est ouverte dans certaines conditions aux ressortissants étrangers.

Le projet de création d'un service national universel (SNU) s'est traduit par plusieurs travaux de préfiguration dont, en particulier, le rapport remis au Président de la République le 26 avril 2018 par le groupe de travail présidé par le général Daniel Ménaouine 155 ( * ) , aujourd'hui directeur du service national et de la jeunesse du ministère des armées.

Le développement du SNU - bien que freiné par la crise sanitaire - bénéficie d'un soutien politique fort du Gouvernement , comme en témoigne l'augmentation annuelle conséquente du budget qui lui est attribué - ainsi que l'objectif ambitieux du nombre de jeunes à accueillir, qui croît chaque année (2 000 en 2019, 30 000 en 2021, 50 000 en 2022), illustrés par les graphiques ci-après.

Budget affecté au SNU et nombre de places financées 156 ( * )

Toutefois, en l'absence de choix clairs quant aux objectifs du SNU, cette politique publique pourrait risquer de connaître des difficultés d'adhésion, tant d'une partie des jeunes que des acteurs concernés.

2. Les constats : une politique publique dont la mise en place s'est principalement focalisée sur le séjour de cohésion

À ce jour, le bilan de l'expérimentation est plus probant s'agissant du séjour de cohésion, première phase du SNU, la mission d'intérêt général constituant encore en quelque sorte le « parent pauvre » du SNU.

a) Le séjour de cohésion
(1) Une mise en oeuvre à marche forcée dans un contexte de crise sanitaire

Temps de séjour collectif, le stage de cohésion constitue la première phase du service national universel - et pour le moment sa principale vitrine. Celui-ci poursuit quatre objectifs, inscrits dans le code du service national 157 ( * ) :

- renforcer la cohésion nationale ;

- favoriser la mixité sociale et territoriale ;

- développer une culture de l'engagement ;

- contribuer à l'orientation et à l'accompagnement des jeunes.

Pendant le séjour de cohésion, les participants suivent un programme dense d'activités structurées autour de sept thématiques 158 ( * ) : défense, sécurité et résilience nationales ; citoyenneté nationale et européenne ; prise d'autonomie, connaissance des services publics et accès aux droits ; développement durable ; activités sportives et activités de cohésion ; culture et patrimoine et découverte de l'engagement.

Ces activités collectives sont ponctuées par des temps forts autour du drapeau et de l'hymne national , dont la plus emblématique est le lever matinal des couleurs. Enfin, il est à relever qu'eu égard à la programmation, dans le cadre du séjour de cohésion, d'une journée « défense et mémoire » (JDM), les participants au séjour de cohésion sont regardés comme ayant accompli leurs obligations relatives à la journée défense et citoyenneté (JDC) 159 ( * ) .

Pour tenir compte des nombreuses difficultés afférentes à la mise en oeuvre de ce dispositif, le Gouvernement a fait le choix d'un déploiement progressif - mais ambitieux - du séjour de cohésion.

Pour la première cohorte - celle de 2019 , 1 978 jeunes issus de treize départements préfigurateurs 160 ( * ) ont participé à un séjour de cohésion, du 16 au 28 juin 2019. Les séjours de cohésion de 2020 ont dû être annulés en raison de la Covid-19, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie 161 ( * ) .

Du 21 juin au 2 juillet 2021 , après une année d'expérimentation fortement perturbée par la crise sanitaire en 2020 et l'inscription du SNU dans la partie réglementaire du code du service national par un décret en date du 29 juillet 2020 162 ( * ) , 14 650 jeunes ont pu participer à un séjour de cohésion dans l'un des 143 centres du SNU présents dans l'ensemble des départements du territoire national 163 ( * ) . Ce chiffre doit être mis en regard des objectifs affichés par le Gouvernement : le budget alloué de plus de 62 millions d'euros devait en effet permettre à plus de 30 000 jeunes d'effectuer leur séjour de cohésion. Le Gouvernement explique cet écart, d'une part par l'absence de visibilité des familles et des jeunes sur la situation sanitaire au mois de juin, dans un contexte où l'édition 2020 avait fait l'objet d'une annulation et, d'autre part, par l'existence d'une « jauge Covid-19 » au sein des compagnies afin de limiter le brassage et les risques de contamination 164 ( * ) .

On relève par ailleurs que les conditions de brassage territorial ont évolué entre les deux années d'expérimentation : alors qu'en 2019 la mobilité dans le cadre de l'affectation de chaque jeune à un centre d'accueil du séjour de cohésion concernait l'ensemble du territoire, en 2021 l'administration a choisi de réduire le périmètre des affectations au cadre régional, les volontaires étant envoyés dans un département différent de leur département de résidence. Alors que le cahier des charges prévoyait que les jeunes volontaires ultramarins seraient tous affectés sur le territoire métropolitain en 2021, les conditions sanitaires n'ont pas permis d'atteindre cet objectif.

Pour l'année 2022 , le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux de 50 000 jeunes accueillis en séjour de cohésion 165 ( * ) . Pour la première fois, le séjour de cohésion sera organisé pendant trois périodes distinctes : du 13 au 25 février, du 12 au 24 juin et du 3 au 15 juillet. Ces sessions multiples doivent permettre d'attirer de nouveaux publics - par exemple des jeunes en stage ou travaillant fin juin ou début juillet, qui ne pouvaient pas postuler selon le précédent calendrier -, de vérifier la faisabilité de certaines activités en hiver, et de tester la réalisation du séjour avec une reprise immédiate des cours à la fin de la phase de cohésion, voire pour certains jeunes sur une partie du temps scolaire 166 ( * ) .

Comme l'a souligné la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement au cours de son audition, dans la mesure où cette expérimentation repose sur le volontariat, l'atteinte de cet objectif dépendra largement de l'information des jeunes sur l'existence de ce dispositif, c'est-à-dire de « la mobilisation des enseignants, recteurs et professeurs, mais aussi des associations, des maisons départementales des personnes handicapées et des missions locales » 167 ( * ) .

Le bilan de 2022 est le suivant 168 ( * ) :

- séjour de cohésion de février : 3 200 inscrits, 2 409 jeunes ayant validé le séjour ;

- session de juin : 16 825 inscriptions ;

- session de juillet : 19 898 inscrits.

58 000 dossiers ont été ouverts pendant la campagne d'inscription sur la plateforme dédiée en 2022 ( 40 000 inscriptions validées ).

Si l'on applique aux inscriptions de juin et juillet le taux de défection de 25 % observé pour février, on peut évaluer le nombre de volontaires effectuant le séjour de cohésion à 12 600 jeunes en juin et 15 000 en juillet, soit un total estimé à 30 000-35 000 jeunes entre février et juillet 2022 .

Ce total - un doublement par rapport aux 14 650 volontaires de 2021 - représente un progrès, mais à quelques semaines des séjours de juin et juillet 2022, l'objectif de 50 000 volontaires affiché par le Gouvernement ne semble pas, une nouvelle fois, en passe d'être atteint.

Ce constat interroge sur le dimensionnement de cette politique par rapport à l'appétence des jeunes pour cette démarche.

(2) Un premier bilan positif à analyser néanmoins avec un certain recul

Le déplacement d'une délégation de la mission d'information dans un centre du SNU à Dunkerque 169 ( * ) , à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Decool, pendant la période du séjour de cohésion qui s'y est déroulé en février 2022, a permis de constater les efforts considérables déployés par les acteurs de terrain . Les membres de la délégation ont pu en particulier constater la qualité des activités proposées et l'engagement exemplaire des encadrants de ce centre, issus des différentes cultures professionnelles (monde associatif, professionnels de l'Éducation nationale et corps en uniforme) que l'administration fait participer à la mise en oeuvre du SNU.

« Ces liens qui nous unissent », le séjour de cohésion
organisé dans le centre de Dunkerque en février 2022

Dans le cadre de la mission, une délégation de sénateurs s'est rendue le 17 février 2022 au centre « L'Escale » de Dunkerque (Nord) où elle a pu rencontrer les encadrants et les jeunes volontaires accueillis à l'occasion du séjour de cohésion qui y était organisé du 13 au 25 février 2022.

Le directeur du centre de Dunkerque a profité de cette visite pour présenter à la mission le projet pédagogique du centre, qui est adapté à chaque séjour pour tenir compte aussi bien de la période de l'année que des attentes des volontaires.

Intitulé « Ces liens qui nous unissent », le projet pédagogique du centre de Dunkerque pour le séjour de février 2022, qui fait référence au matelotage et à la place symbolique du port de Dunkerque dans l'Histoire et dans l'économie locale, est centré autour de l'importance des valeurs de liberté et de solidarité, fondement d'une vie collective qui se situe au-delà de « nos appartenances, nos enracinements, nos lignées, nos parcours, nos bagages culturels ».

Le déplacement de la mission a permis à ses membres de constater l'importance et la pertinence de ce projet pédagogique eu égard d'une part, aux activités d'initiation à la vie citoyenne organisées par le centre, au premier rang desquelles l'organisation d'une élection pour désigner le « maire du village », et d'autre part, à l'implication d'acteurs locaux de terrain, dont notamment les services de la commune de Dunkerque, essentielle à la réussite du projet.

Le cadre de vie en commun offert par le service national universel, et notamment les cérémonies quotidienne telles que le lever des couleurs, est apparu aux membres de la mission comme un puissant levier de consolidation de la culture citoyenne des jeunes participants.

Le directeur du centre de Dunkerque a qualifié la cérémonie de levée des couleurs de « moment de sacralisation hors du temps et de l'espace » et l'a présentée comme un « moment de communion ». Certains encadrants issus du milieu associatif ont indiqué à la mission que s'ils n'avaient pas été a priori convaincus par cette cérémonie, ils avaient constaté à l'usage son utilité pour consacrer les valeurs de la République, qui se situent « au-dessus de la vie quotidienne » des encadrants comme des volontaires.

Parallèlement, sous réserve de leur bonne articulation avec le programme d'enseignement moral et civique (EMC) 170 ( * ) , les activités proposées pendant le séjour de cohésion peuvent faire du SNU une opportunité, pour les jeunes, de passer en revue et de consolider les connaissances acquises sur la citoyenneté au cours de leur scolarité.

Les bilans des premières cohortes du séjour de cohésion, réalisés par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) 171 ( * ) permettent ainsi de tirer un premier bilan positif de la phase 1 du SNU. Ainsi, pour la cohorte 2019, 49 % des volontaires se déclarent très satisfaits par leur séjour de cohésion et 45 % plutôt satisfaits , soit un total de 94 % .

Néanmoins, comme le souligne l'Injep, « ce taux très élevé est bien sûr à interpréter en gardant à l'esprit que les jeunes de cette phase de préfiguration sont des volontaires » .

D'ailleurs, pour la cohorte 2021, 10 % des jeunes accueillis indiquent que leur participation au SNU leur a été imposée par leur famille . Le séjour de cohésion a été moins bien vécu et a entraîné une moindre adhésion pour ces « non-volontaires ». En outre, 60 % de ces « non-volontaires » se déclarent peu enthousiastes à l'idée de devoir effectuer leur mission d'intérêt général. Si le taux général de satisfaction reste très élevé (90 %), cette cohorte 2021 permet d'effleurer la question des jeunes récalcitrants ou, a minima , de ceux pour lesquels la réalisation de ce séjour est perçue comme une contrainte.

b) La mission d'intérêt général : parent pauvre du SNU ?

Phase concrète de découverte de l'engagement, la mission d'intérêt général (MIG), d'une durée minimale de 12 jours ou de 84 heures, doit avoir lieu dans l'année suivant le séjour de cohésion.

Les missions d'intérêt général

Les missions d'intérêt général (MIG) constituent la seconde étape obligatoire du SNU. Elle peut être effectuée par le jeune auprès d'une association, d'une collectivité territoriale ou d'un « corps en uniforme », de manière continue ou non, dans les 12 mois suivant la première phase collective.

La mission d'intérêt général peut être réalisée dans des structures existantes, faire l'objet d'un projet ad hoc dans le cadre du SNU ou bien d'un projet porté par les jeunes. Alors que le séjour de cohésion est réalisé dans un autre département que celui de résidence, la MIG est en principe réalisée près du lieu de vie du jeune : le référentiel indique qu'elle doit avoir lieu dans un rayon de 100 km autour de son domicile. Elle vise à développer une culture de l'engagement et le sens de l'intérêt général, ainsi qu'à renforcer la responsabilité et l'autonomie des jeunes. Elle se situe à l'intersection de deux logiques : le service rendu à la nation, d'une part, et la découverte de l'engagement, d'autre part.

La mission d'information ne peut que constater les flottements qui demeurent sur cette deuxième phase. Celle-ci était initialement envisagée différemment dans le cadre du rapport de préfiguration du service national universel qui avait été confié au général Ménaouine. Il était en effet prévu une seconde période d'appel collectif, avec un « objectif de brassage social et territorial, en s'efforçant de constituer localement des groupes suffisamment mélangés, pour se rendre dans un établissement ou un lieu autre que celui de scolarisation, au moins pour la journée » , soit un format plus proche du modèle britannique présenté dans l'encadré ci-après.

Le service national citoyen en Angleterre

La loi britannique du 27 avril 2017 sur le service national citoyen ( national citizen service ou NCS) permet aux jeunes volontaires de s'engager au sein de différents programmes :

- NCS « part-residential experience » , qui consiste en un programme de deux semaines. À titre d'exemple, le programme « été 2022 » sera composé, la première semaine, des phases « Be Epic » et « Live Life », réunissant les participants en équipe pour apprendre de nouvelles aptitudes, loin de chez eux pendant quatre nuits et cinq jours. La deuxième semaine sont mises en oeuvre les phases « Do Good » et « Go Party », par la réalisation du projet d'action sociale conçu en équipe pour la communauté ;

- NCS « changemakers » , qui s'adresse principalement aux personnes de 16 et 17 ans et dont le but est d'inciter les participants à concevoir et réaliser des projets d'action sociale à l'échelle de leur communauté locale, en équipe avec d'autres participants. La durée d'engagement reste au choix du participant, les sessions se déroulent une fois par mois, voire plus selon les projets et les équipes ;

- et NCS « futuremakers » , qui n'est pas un programme de volontariat mais un dispositif d'insertion professionnelle des jeunes via des missions à durée limitée, en partenariat avec d'autres programmes nationaux comme « UK year of service » (service d'insertion rémunéré d'une durée de 9 à 12 mois) et « Kickstart Scheme » (mission de six mois et 25 heures par semaine pour les jeunes majeurs de 18 à 24 ans).

Source : note de la Division de la Législation comparée 172 ( * )

La crise sanitaire, qui a bouleversé fortement l'expérimentation et le déploiement du service national universel, a particulièrement perturbé la phase 2 :

- pour la première cohorte de 2019, de nombreux volontaires n'ont pas pu réaliser leur MIG en raison du confinement et des restrictions dues à la crise sanitaire. Elle devait en effet être effectuée entre juillet 2019 et 2020. C'est notamment le cas de jeunes qui envisageaient de la faire dans les associations sportives. À la fin de l'été 2020 , soit plus d'un an après leur stage de cohésion, seule la moitié des volontaires avaient déjà réalisé ou étaient en train d'effectuer leur MIG . 11 % avaient commencé une mission qui avait été interrompue - dans la quasi-totalité des cas en raison de la crise sanitaire -, et 36 % ne l'avaient pas encore commencée ;

- en 2020, la phase 1 du SNU a été annulée . Néanmoins la secrétaire d'État a indiqué à la mission d'information que la possibilité a été ouverte aux jeunes qui s'étaient inscrits pour un séjour de cohésion de réaliser leur MIG. Seuls 2 000 jeunes ont souhaité la faire ;

- sur les 15 000 jeunes ayant effectué leur phase 1 en 2021, moins de 1 400 ont déjà validé leur MIG , 780 sont en cours de réalisation, et 4 700 jeunes candidatent actuellement. C'est dont à peine 46 % des jeunes volontaires qui se sont inscrits dans cette phase de l'engagement - même si les jeunes ont jusqu'à l'été pour la réaliser.

De l'aveu de la DJEPVA, le déploiement de la phase 2 a pris du retard, « l'énergie étant mise sur les séjours de cohésion ». Or pour la directrice générale de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, « un séjour de cohésion non suivi de MIG, c'est 80 % de l'intérêt du SNU de perdu ».

3. Les interrogations de la mission d'information sur la montée en puissance d'une politique publique encore non aboutie

Quatre ans après le lancement du SNU, la mission d'information constate que d'importants défis logistiques et organisationnels doivent être relevés et que des débats de fond très substantiels doivent être tranchés avant toute nouvelle expansion du service national universel.

a) Un défi : l'accueil d'un nombre croissant de volontaires lors du séjour de cohésion

Passer de 15 000 volontaires effectivement accueillis en 2021 à un objectif de 50 000 en 2022 - à supposer qu'il soit atteint - est un défi considérable. La mise en place de trois sessions en 2022 a été une première réponse, permettant d'envisager ce palier avec un nombre de centres et d'encadrants constants, à la condition que ceux-ci puissent être mobilisés trois fois dans l'année. Néanmoins, l'hypothèse de la poursuite de cette montée en puissance souligne plusieurs défis à relever.

Le premier concerne le logement . Il existe actuellement un à deux centres SNU par département (122 centres dans l'ensemble des départements en 2021). Ils ne seront pas suffisants face à une augmentation significative du nombre de jeunes accueillis, même dans le cadre d'une multiplication des sessions. Il n'existe plus aujourd'hui de casernes ou de lieux susceptibles d'accueillir un grand nombre de jeunes, contrairement à l'époque du service national. Interrogée à l'occasion des débats budgétaires, la DJEVPA avait indiqué à l'automne 2021 qu'une mission visant à recenser les sites susceptibles d'accueillir les séjours de cohésion dans les années à venir et d'évaluer les conditions de leur mise à disposition avait été confiée à l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche. Les conclusions de la mission étaient attendues pour le 15 décembre 2021. Cette mission semble avoir été prolongée. En effet, lors de son audition, la secrétaire d'État à la jeunesse et à l'engagement a indiqué avoir commandé à l'Inspection générale un rapport sur l'immobilier de l'État. Doivent notamment y figurer les lieux qui pourraient être rénovés et équipés.

La mission d'information insiste sur la nécessité de transmettre au Parlement les conclusions de ce rapport. Il s'agit en effet d'un élément essentiel pour toute réflexion sur une montée en puissance du SNU . Le défi est immense, notamment dans le cadre d'une généralisation, comme le souligne la secrétaire d'État : « Si nous devions généraliser le SNU, chaque département devrait avoir au minimum un lieu en capacité d'accueillir 300 à 350 jeunes par territoire, tous les 15 jours ». Et d'ajouter : « Un débat sera également nécessaire avec les collectivités territoriales sur la pertinence des lieux à rénover » 173 ( * ) .

Le deuxième enjeu concerne l'encadrement . Actuellement, la phase 1 du SNU est encadrée par 3 500 à 3 700 encadrants diplômés.

Les encadrants de la phase 1 du SNU

Le recrutement du personnel encadrant du séjour de cohésion doit obéir à des règles précises visant à garantir notamment son honorabilité. Ses missions comportent des sujétions particulières non prévues pour les agents de droit public.

Pour répondre à ces exigences, l'article 112 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique a autorisé le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires par voie d'ordonnance « pour adapter le droit en vigueur en vue de définir les conditions de recrutement des personnes chargées d'encadrer les volontaires du service national universel ainsi que de déterminer leurs conditions d'emploi ». L'ordonnance n° 2021-1159 du 8 septembre 2021 relative aux conditions de recrutement et d'emploi des personnes chargées d'encadrer les volontaires du service national universel est venue préciser le cadre juridique des encadrants du SNU.

Le texte étend aux personnels encadrants du SNU les interdictions d'exercice prévues par l'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles (CASF) pour les accueils collectifs de mineurs.

Les salariés de droit privé et en particulier des associations de l'éducation populaire peuvent être mis à disposition dans la limite de 60 jours par an, pour préparer et encadrer les séjours de cohésion.

En outre, pour les agents des trois fonctions publiques, un congé spécial avec maintien du traitement dans la limite de 60 jours par an et sous réserve des nécessités de service a été créé pour l'encadrement du SNU.

Lors de son audition, la directrice générale de la DJEPVA a souligné la nécessité de conserver cet encadrement de proximité. Selon le secrétaire général de la fédération Léo Lagrange, pour le SNU, « il faut vingt à trente adultes pour encadrer 200 jeunes » 174 ( * ) .

Actuellement, les encadrants sont issus pour un tiers du milieu militaire, un tiers de l'Éducation nationale et un tiers de l'éducation populaire. La mission d'information estime donc nécessaire de mieux associer ces deux derniers acteurs. En effet, il ressort des auditions que les emplois du temps de la phase 1 peuvent être très longs, avec des journées commençant dès 7h30 du matin avec la levée des couleurs et se finissant à 22 ou 23 heures. Si ce rythme se conçoit lorsque des vacances scolaires - a fortiori les vacances d'été - succèdent immédiatement au séjour de cohésion, il en est tout autrement lorsque le volontaire doit retourner en cours à la fin de celui-ci. Par ailleurs, les acteurs de l'éducation populaire disposent d'une expertise reconnue dans la gestion de l'accueil collectif de mineurs. Enfin, face au nombre important d'encadrants à recruter, le vivier des corps en uniforme ne pourra pas couvrir à lui seul cette demande.

Une concertation avec les acteurs de l'Éducation nationale et de l'éducation populaire dans la définition du SNU semble nécessaire pour permettre à chacun de s'approprier les objectifs du SNU, ce qui conditionne le recrutement des encadrants issus de ces secteurs et du milieu associatif. Comme l'a déploré le secrétaire général de la fédération Léo Lagrange : « les associations sont également trop peu impliquées dans la construction de la phase 1, tout en étant sollicitées pour fournir des animateurs alors qu'elles ne sont pas des entreprises de travail temporaire. Il faut que ce dispositif laisse plus de place aux associations comme la nôtre dans son organisation et sa conception » 175 ( * ) .

Les difficultés d'organisation seraient encore amplifiées dans l'hypothèse de l'universalité du SNU : il faudrait alors accueillir et encadrer non plus quelques dizaines de milliers de volontaires, mais toute une classe d'âge, soit environ 800 000 jeunes, avec des conséquences budgétaires, juridiques et logistiques considérables.

L'incertitude actuelle est donc préjudiciable à la fois :

- au réseau des encadrants , qui doit organiser la montée en charge du séjour de cohésion sans visibilité sur son étendue définitive et sur la pérennisation des centres existants ; la formation des encadrants , dans l'hypothèse de l'universalité du SNU, serait un réel défi ;

- au grand public , qui s'approprie difficilement un programme annoncé comme universel, mais qui continue de concerner une minorité des jeunes plusieurs années après sa mise en chantier ;

- aux administrations chargées de son pilotage , qui ne peuvent établir une programmation pluriannuelle solide sans perspective claire sur sa généralisation.

Pour ne soulever qu'un exemple relatif aux conséquences de cet état d'incertitude, l'hypothèse d'une substitution progressive du séjour de cohésion à la journée « défense et citoyenneté » (JDC) aurait des conséquences directes pour la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des armées, qui est actuellement chargée de l'organisation de la journée « défense et citoyenneté » (JDC) et dont les perspectives à moyen terme dépendent directement des arbitrages qui seront rendus sur la généralisation du SNU, dont l'organisation est pilotée par un autre service, la sous-direction du service national universel (SDSNU), placée sous l'autorité du ministre chargé de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

b) Une difficulté : identifier des MIG en nombre suffisant et répondant aux attentes d'engagement des jeunes lors de la phase 2

Le développement du SNU pose également la question des MIG. L'enquête de l'Injep sur la cohorte 2019 montre en effet que toutes les demandes de MIG dans le domaine de la défense et de la sécurité d'une part, et dans le domaine sportif d'autre part, n'ont pu être satisfaites. En outre, 43 % des volontaires ont trouvé eux-mêmes leur mission auprès d'un organisme et l'ont ensuite proposée aux équipes du SNU. Enfin, 9 % des jeunes indiquent que leur MIG ne correspondait pas du tout à leur souhait et 28 % en partie. Un effort s'impose donc.

Diffusion des MIG et recrutement des volontaires du SNU

En application du décret n° 2020-922 du 29 juillet 2020 portant diverses dispositions relatives au SNU, les services de l'État sont chargés de valider les missions et d'affecter chaque jeune sur une mission proche de son domicile et dans une thématique qui correspond à ses souhaits.

Les offres des structures d'accueil doivent être étudiées et validées par le référent MIG des services départementaux à la jeunesse, à l'engagement et aux sports. Elle peut concerner l'un des neuf domaines suivants : défense et mémoire, sécurité, citoyenneté, solidarité, santé, éducation, culture, sport, environnement et développement durable.

Une fois validée, la MIG est renseignée sur la plateforme du SNU. Les volontaires peuvent postuler via leur compte volontaire. Le volontaire ne doit pas uniquement avoir un rôle d'observation mais jouer un rôle actif dans la structure. Néanmoins, les missions ne peuvent se substituer à la création d'un emploi ni au recrutement d'un stagiaire.

Avant de démarrer toute mission, la convention d'engagement doit impérativement être complétée et signée par l'organisme d'accueil, les parents du volontaire, ce dernier étant mineur, et l'équipe organisatrice du SNU.

Cette problématique a d'ailleurs été identifiée par la DJEPVA comme l'un des obstacles organisationnels à l'élargissement du SNU : « Les principales difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces missions concernent la constitution d'une offre de MIG variée au plus près des lieux de vie des volontaires et le suivi de leur réalisation » 176 ( * ) . Par ailleurs, des membres de la mission d'information ont relayé auprès de la directrice de la DJEPVA des témoignages de déception de volontaires habitant dans des territoires ruraux, qui s'étaient heurtés à des difficultés pour trouver une MIG.

L'enjeu concerne tant l'accompagnement et l'encadrement des volontaires que l'identification des structures susceptibles de les accueillir en MIG.

La mission d'information souligne les difficultés liées au statut de mineurs des jeunes du service national universel - ils sont en effet âgés de 15 à 17 ans :

- les structures d'accueil , notamment les associations ou les collectivités locales qui n'ont pas l'habitude d'accueillir des bénévoles aussi jeunes peuvent se montrer réticentes à proposer des MIG. Un travail d'accompagnement et d'outillage par les chefs de projet SNU et le référent MIG dans chaque département est donc essentiel. Chaque volontaire doit bénéficier d'un tuteur lors de sa mission. La DJEPVA a publié sur le site internet du SNU un « référentiel du tuteur » en mars 2022 qui témoigne de l'importance de ce rôle dans la réussite de la MIG. Aussi, il semble opportun à la mission d'information de prévoir une réunion d'information ou a minima des échanges entre les tuteurs et le référent SNU, ainsi que des échanges entre pairs ;

- par ailleurs, la question de la mobilité , notamment pour les jeunes des territoires ruraux ou habitant dans des territoires mal desservis par les transports en commun, doit également être prise en compte. Le ministère a ainsi été alerté par la situation de jeunes qui n'ont pas la possibilité, faute de moyens de transport, d'effectuer leur mission d'intérêt général à proximité de chez eux. Une MIG de 84 heures représente, au rythme d'une session par semaine, pour le jeune - et la personne chargée de l'accompagner s'il ne dispose pas d'un moyen de transport autonome - 42 mobilisations de deux heures (soit presque toutes les semaines sans les vacances scolaires) ou 21 mobilisations de quatre heures dans l'année (soit pendant deux mois et demi).

Lors de son audition, la secrétaire d'État à l'engagement et à la jeunesse a souhaité « remercier chaleureusement les cadets de la gendarmerie, de la police et la direction du service national et de la jeunesse, au sein du ministère des armées » 177 ( * ) qui proposent des MIG en un seul temps et non de manière séquencée. Par ailleurs, un référentiel sur les MIG à l'attention des mairies et des intercommunalités a été publié en janvier 2022. Il mentionne notamment des exemples de MIG ou de tâches pouvant être effectuées dans ce cadre (voir l'encadré ci-après).

Extrait du référentiel pour les mairies et les intercommunalités
sur les missions d'intérêt général du service national universel

Accueil du public : appui à l'accueil et à l'orientation du public, information du public.

Activités citoyennes : appui au fonctionnement des institutions locales : préparation de débat, de séance publique etc., participation à l'animation du conseil municipal des enfants/jeunes, contribution à l'élaboration et à la diffusion du bulletin municipal, appui à la préparation des élections, aide à l'actualisation du plan cimetière et au recensement des concessions.

Santé : aide en centre de vaccination (accueil, renseignement et orientation du public), opération de don du sang (soutien logistique, accueil et orientation du public).

Animation enfants/jeunes : appui aux animations proposées, à la communication sur les structures de loisirs, quelques tâches de gestion quotidienne, aide aux devoirs, appui aux actions de cohésion proposées aux jeunes ( web radio , promotion des associations locales, communication sur les dispositifs dédiés), appui aux actions d'information jeunesse (participation au forum emploi ou forum jobs d'été).

Personnes vulnérables : appel à partir du registre des personnes isolées pour vérifier les coordonnées des personnes inscrites, présence auprès des personnes isolées, participation aux ateliers proposées (lecture, jeux de société, créations), préparation et portage des repas.

Événementiel : appui aux cérémonies commémoratives (installation, préparation, promotion, mise en valeur, micro-reportage sur la cérémonie), participation aux animations de la commune (accueil du public, aide à la gestion des files d'attente, accompagnement des personnes à mobilité réduite), participation aux forums associatifs.

Actions culturelles : accompagnement du public lors d'une exposition, notamment auprès d'un public senior ou familial, participation aux activités de la médiathèque (appui et orientation du public, aide à la valorisation du fonds et des animations, appui aux animations, aux publications internet), appui à la mise en valeur des atouts touristiques d'une commune.

Sport : appui aux manifestations sportives locales (promotion, accueil et orientation du public), appui au fonctionnement des infrastructures et clubs municipaux (aide aux campagnes d'inscription, participation au forum).

Développement durable : nettoyage des sentiers et plages, appui à l'entretien et à la valorisation du patrimoine ou des espaces naturels, appui à l'inventaire des espèces florales et végétales.

Une MIG peut être une combinaison de quelques heures sur plusieurs thématiques.

La mission d'information salue ces efforts, qu'elle appelle à amplifier. Elle estime de même que la possibilité pour le jeune, désormais mise en place sur la plateforme d'inscription, d'autoriser la transmission de ses coordonnées au préfet de son département et au maire de sa commune, est de nature à mettre les communes en mesure de proposer des MIG à des jeunes résidant sur leur territoire 178 ( * ) .

La mission d'information estime par ailleurs souhaitable de renforcer les partenariats avec le secteur associatif. Dans son avis budgétaire sur les crédits alloués à la mission « jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2021 179 ( * ) , notre collègue Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis au nom de la commission de la culture, avait alerté sur les nombreuses interrogations d'associations qui estiment ne pas avoir été associées au déploiement du SNU : « Dans certaines régions, les préfets ont indiqué ne pas avoir besoin du secteur associatif. Le doute est tel que de nombreuses associations hésitent à poursuivre le conventionnement avec l'État sur le déploiement du SNU. Par ailleurs, plusieurs mouvements associatifs ont indiqué avoir relancé des débats en interne sur la compatibilité des valeurs qu'elles portent et souhaitent promouvoir, avec la forte dimension militaire qu'a aujourd'hui le SNU » .

En outre, de nombreux jeunes souhaitent faire une MIG sans pour autant avoir envie de l'effectuer dans des corps en uniforme ou dans des services communaux. Alors qu'il existe au cours du séjour de cohésion des forums de l'engagement permettant de présenter les MIG dans leur diversité, il serait préjudiciable que les jeunes, par manque d'opportunité locale, voient leurs choix restreints à des affectations qui ne correspondent pas à leur envie d'engagement.

La montée en puissance du SNU nécessite ainsi des moyens d'accompagnement importants. Certes, des moyens supplémentaires ont été accordés dans les services déconcentrés à hauteur de 80 ETP. Ceux-ci risquent néanmoins de ne pas être suffisants pour accompagner la montée en puissance du SNU, l'augmentation des effectifs de la phase 1 ayant nécessairement des répercutions sur les besoins en MIG. Ainsi, un objectif de 50 000 jeunes accueillis en phase 1 du SNU à l'échelle nationale en 2022, implique en moyenne 5 000 jeunes à accompagner dans chaque département dans la recherche de leur MIG, soit un nombre considérable de structures à épauler et de nouvelles MIG à valider, auquel s'ajoutent les tâches afférentes à la préparation de la phase 1 de l'année suivante, le tout dans un contexte de multiplication des sessions au cours de l'année (recrutement des encadrants, préparation des sites notamment). Les défis sont donc immenses.

4. Conclusion : des arbitrages de fond à trancher rapidement avec le Parlement
a) Le rôle du SNU : « semer les graines de l'engagement bénévole » ou « élément de refondation du pacte si essentiel entre les armées et la Nation » ?

Pour la mission d'information, il est urgent de clarifier les objectifs du service national universel, qui, au gré des interventions politiques, oscillent entre l'héritage du service national et la promotion de l'engagement associatif.

Le volet « engagement civique » a été mis en avant devant la mission d'information par la secrétaire d'État à l'engagement et à la jeunesse : « la mission d'intérêt général est un temps fort de découverte, qui permet à de nouvelles générations de s'engager et de comprendre qu'une signature sur une pétition, par exemple, peut se compléter d'une action réelle sur le terrain. La MIG est un moyen, en semant des graines de bénévolat, de répondre à la crise du bénévolat que l'on constate aujourd'hui dans les associations » 180 ( * ) .

Toutefois, lors de la présentation à la presse de son programme politique pour son second mandat, le Président de la République a mis en avant - et uniquement - le lien entre le SNU et l'armée : « une Nation qui se protège est une Nation qui a une armée forte, bien équipée, qui déploie ses capacités et à une loi de programmation à hauteur d'hommes - ce que nous avons fait. Mais il nous faut aussi avoir une Nation qui a la capacité et la volonté de se défendre face à toute forme de risques. Nous avons commencé à développer cet esprit avec le SNU. C'est l'un des éléments de la refondation du pacte si essentiel entre les armées et la Nation » .

Cette ambiguïté dans le discours politique existe également dans la perception qu'ont les jeunes et leurs familles du SNU. Les échanges des membres de la mission avec des jeunes volontaires ont témoigné d'un malentendu persistant sur la nature du SNU, que de nombreux volontaires continuent à lier à l'institution militaire. Il existe une contradiction entre ce que viennent chercher certains jeunes dans les séjours de cohésion (préparation militaire, cadets de la défense...) et la nature du SNU ; de fait, lors de l'échange qui a eu lieu entre les sénateurs et les volontaires, un certain nombre de jeunes ont fait état de leur volonté de tester leur capacité à s'intégrer au milieu militaire, voire de valoriser leur participation au SNU en vue d'un éventuel volontariat militaire.

Les enquêtes de l'Injep sur les cohortes 2019 et 2021 montrent d'ailleurs une surreprésentation des volontaires issus d'une famille dont l'un des membres travaille dans les « corps en uniforme ». En 2019, près d'un tiers des volontaires (31 %) déclare que l'un de ses parents travaille ou a travaillé dans l'armée, alors que les personnes travaillant pour l'armée représentent 1,3 % de la population active. À ces jeunes s'ajoutent les enfants de pompiers ou de policiers. Parmi les motivations ayant poussé certains jeunes à participer au SNU, on remarque la volonté de bénéficier d'un environnement militaire (ce point a été constaté par la mission d'information lors de son déplacement à Dunkerque). D'ailleurs, 63 % de ces jeunes souhaitent faire leur mission d'intérêt général dans le domaine de la sécurité et de la défense. Pour la cohorte 2021, « 10 % [des volontaires] déclarent avoir un parent qui travaille dans l'armée, la police, la gendarmerie ou chez les pompiers, ils sont même 37 % à avoir un parent qui a travaillé par le passé dans un de ces métiers, alors que les policiers et militaires ne représentent que 1 % de la population » 181 ( * ) .

Le port de l'uniforme et la cérémonie de levée des couleurs, qui sont les principales images mises en avant par les médias et le Gouvernement pour évoquer le SNU contribuent également à véhiculer une image tronquée, ou partielle, du SNU. Le nom même de ce dernier n'est pas sans rappeler l'ancien service national.

En effet, le SNU reprend l'intitulé de « service national universel » auquel le législateur a eu recours, lors de la professionnalisation des armées en 1997, pour qualifier les modalités d'accomplissement du service national issues de la professionnalisation des forces : recensement, appel de préparation à la défense (devenu journée défense et citoyenneté en 2010) et appel sous les drapeaux (dans l'hypothèse où une évolution préoccupante de la situation internationale rendrait nécessaire une remontée en puissance du service militaire, qui n'est que suspendu depuis 1997).

Ce terme inscrivait les nouvelles obligations faites aux jeunes Français dans la logique du service national obligatoire que l'ancien code qualifiait d'« universel » 182 ( * ) car il englobait des formes très diverses de service, militaire et civil, et qu'il s'inscrivait dans la durée à travers les obligations de réserve et l'appel sous les drapeaux.

Il est évident toutefois que le SNU mis en place en 2018 sous la dénomination de « service national universel » ne peut être confondu avec les trois étapes du parcours défini en 1997 par le législateur.

De fait, la dimension militaire n'est pas prédominante lors du séjour de cohésion. En outre, deux tiers des encadrants ne sont pas issus du milieu militaire. Enfin, la mission d'information rappelle que le budget du SNU n'est pas porté par le ministère des armées, mais par la direction générale de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.

Cette amibiguïté se retrouve également lors de la mission d'intérêt général : un tiers des MIG réalisées l'ont été dans un corps en uniforme. Comme le montre l'enquête de l'Injep de novembre 2020 sur la phase 2 réalisée par la cohorte 2019 - qui reste pour l'instant le seul retour d'expérience existant - « le SNU, et la MIG en particulier, sont envisagés par certains jeunes comme un engagement dans une profession, une première étape dans une insertion professionnelle dans un corps en uniforme » . Or les volontaires effectuant leur MIG dans les corps en uniforme ont principalement un rôle d'observation ou d'apprentissage : pour l'Injep, ces MIG « ne constituent donc un "service rendu à la nation" qu'à travers un éventuel engagement futur dans ces métiers, à l'inverse des missions dans les autres structures où les jeunes sont plus nombreux à avoir eu un rôle actif » .

Pour la mission d'information, il est urgent de clarifier rapidement la nature du service national universel - engagement axé sur la défense ou engagement civique.

Si le SNU a vocation à faire découvrir l'engagement bénévole, comme semble l'indiquer la phase 3, facultative, constituée par un service civique, cela implique, d'une part, de mieux mettre en valeur cette dimension, et d'autre part, de mieux associer le secteur associatif à cette politique, et ce à toutes les phases.

b) Volontariat ou obligation ? L'indispensable saisine du Parlement

Jusqu'à juillet 2020, le socle juridique du SNU était constitué d'un décret 183 ( * ) incorporé à la partie réglementaire du code du service national.

Depuis 2021, les séjours de cohésion sont inscrits dans la partie législative de ce code , à l'article L. 111-2 qui définit le service national et qui prévoit, parallèlement aux obligations du service national (recensement et JDC), des formes volontaires, comme par exemple le service civique 184 ( * ) . Les séjours de cohésion ont donc été intégrés en 2021 à ces divers volontariats du service national, mais l'article L. 111-2 ne mentionne pas spécifiquement les missions d'intérêt général (MIG).

Il faut noter que l'intégration du séjour de cohésion dans le code du service national s'est effectuée par ordonnance (ordonnance n° 2021-1159 du 8 septembre 2021 relative aux conditions de recrutement et d'emploi des personnes chargées d'encadrer les volontaires du SNU). Contrairement à son intitulé, cette ordonnance ne s'est pas limitée au statut des personnes chargées d'encadrer les volontaires du SNU.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance précitée 185 ( * ) a été déposé dans les délais requis pour que ce texte entre en vigueur. Les séjours de cohésion sont donc désormais inscrits dans la partie législative du code du service national 186 ( * ) . Mais cette disposition, prise pour sécuriser le statut des personnels encadrant les centres de SNU, ne saurait tenir lieu de socle juridique pour une politique publique aussi ambitieuse, qui requiert un cadre législatif solide.

Ainsi, aucun débat parlementaire sur le SNU n'a eu lieu à ce jour , si l'on excepte l'autorisation des crédits afférents à son pilotage dans le cadre de la loi de finances. Mais ce vote ne suffit pas, compte tenu des enjeux que recouvre le SNU.

La saisine du Parlement s'impose d'autant plus que l'objectif de généralisation du SNU est présent depuis son origine dans le discours politique du Président de la République. Il était initialement fixé à 2024, mais aucune date ne semble désormais précisée. Or comme l'a affirmé la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement au cours de son audition devant la mission : « ce projet ne sera totalement universel que s'il est obligatoire » 187 ( * ) .

Cette question est déterminante.

Sur le plan juridique tout d'abord, le Conseil d'État a estimé dans un avis en date du 20 juin 2019 que l'article 34 de la Constitution ne permet d'imposer aux citoyens des sujétions que pour la défense nationale , confirmant la nécessité d'une révision constitutionnelle pour rendre obligatoire le SNU, qui n'est pas un service militaire 188 ( * ) . De fait, le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, déposé en août 2019, prévoyait de réviser l'article 34 de la Constitution pour permettre à la loi de fixer les règles concernant les sujétions imposées aux citoyens par le « service national » , ce qui aurait autorisé le déploiement du SNU sur la base d'une obligation. Ce projet de révision constitutionnelle n'a pas abouti et les expérimentations menées depuis 2019 l'ont été sur le fondement du volontariat.

En outre, l'émergence de stratégies de contournement ou des attitudes d'opposition au SNU de la part de jeunes récalcitrants devraient être prises en compte dans l'hypothèse de l'obligation, que ce soit lors du séjour de cohésion ou de la mission d'intérêt général. Se poserait notamment la question des sanctions en cas de non-participation à un SNU obligatoire.

Sur le plan budgétaire ensuite, un rapport de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) cité par la Cour des comptes estime le coût annuel du dispositif à 3,4 milliards d'euros 189 ( * ) en cas de généralisation, ce qui est sans commune mesure avec le budget annuel du dispositif pour l'exercice 2022, qui s'élève à 100 millions d'euros 190 ( * ) .

Enfin, une autre difficulté que poserait l'universalité du SNU concerne l'accès de tous les jeunes Français résidant à l'étranger . Si la réalisation de la phase 1 - avec un coût par jeune légèrement plus élevé afin de prendre en compte les frais de transport pour rejoindre le lieu de séjour de cohésion - ne semble pas poser de difficultés majeures, la question est plus complexe pour la mission d'intérêt général, qui devrait logiquement s'effectuer dans le pays de résidence du jeune, ce qui impliquerait d'identifier et de valider des missions disponibles en territoire étranger par le référent SNU, la signature d'un contrat avec une structure de droit étranger, l'application d'une législation relative aux mineurs différente...

Le SNU devrait donc traduire un choix assumé de la Nation .

c) Un périmètre à définir

Lors des auditions, la question de l'inclusion au SNU des mineurs étrangers résidant en France a été posée. Aujourd'hui, la JDC est réservée aux jeunes Français . En revanche, le service civique est ouvert à certains ressortissants étrangers .

Interrogée à ce sujet, la directrice générale de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative a souligné qu'il s'agissait d'une des questions devant être tranchée par le Parlement : « La question de l'obligation, même exclusivement pour les Français, relève de la loi. Tout est ouvert actuellement. Dans une approche pragmatique, le réserver aux Français se traduirait dans certaines classes par le fait que quelques jeunes ne pourront pas partir en séjour de cohésion. Mais la proportion pourrait être inversée dans d'autres classes » .

Dans son avis du 20 juin 2019 sur le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, le Conseil d'État « (prenait) acte du choix du gouvernement de ne rendre obligatoire ce SNU que pour les "citoyens", et donc pour les personnes de nationalité française, laissant au législateur le soin de déterminer si et comment les ressortissants étrangers pourront, sans y être contraints, y participer ».

Une ouverture aux jeunes non-Français qui le souhaiteraient, comme c'est le cas pour le service civique, dans certaines conditions, pourrait ainsi être envisagée dans l'hypothèse de la généralisation du SNU. Renforcer la cohésion nationale n'est en effet pas l'unique objectif de celui-ci : favoriser la mixité sociale et territoriale, développer une culture de l'engagement ou encore contribuer à l'orientation et à l'accompagnement des jeunes font également partie de ses enjeux.

Pour récapituler, l'avenir du SNU suppose de trancher les points suivants :

- son format : conserve-t-on la logique volontaire de l'expérimentation initiale ou passe-t-on à un dispositif obligatoire, ce qui implique des conséquences juridiques (notamment constitutionnelles), budgétaires, organisationnelles et logistiques, sans parler des difficultés liées à son acceptabilité par tous ?

- son périmètre : jeunes Français ou ouverture à certains ressortissants étrangers (et à quelles conditions ?).

Selon la mission d'information, ces incertitudes doivent être levées au début de la prochaine législature.

La portée des choix concernant l'avenir du SNU, qu'il s'agisse de son format et de son statut - volontaire ou obligatoire - ou de son périmètre - citoyens français seulement ou faculté ouverte aux ressortissants étrangers volontaires - nécessite de soumettre ces questions au législateur. La mission d'information estime qu'un débat parlementaire devrait avoir lieu en amont de ce travail législatif pour que la représentation nationale soit associée aux décisions sur l'avenir du SNU 191 ( * ) .

La mission d'information recommande donc de lever les incertitudes qui caractérisent encore le SNU ; elle souhaite qu'un débat parlementaire associe les deux assemblées aux grandes orientations de cette politique publique, en amont de la définition de son cadre législatif et, le cas échéant, de sa base constitutionnelle.

Recommandation . - Lever les incertitudes relatives au SNU concernant le maintien du volontariat ou le choix de l'obligation ; préciser son cadre juridique (législatif et, le cas échéant, constitutionnel) après un débat parlementaire.

II. LE SERVICE CIVIQUE, UNE ÉCOLE DE L'ENGAGEMENT CITOYEN À DAVANTAGE VALORISER

Depuis sa création en 2010, le service civique, dont la montée en puissance continue souligne l'attractivité pour les jeunes, a su démontrer sa pertinence tant pour encourager l'engagement des jeunes au service de la collectivité qu'en matière d'insertion professionnelle.

Fort de son succès, il est devenu au fil du temps une « politique publique à part entière » selon la présidente de l'Agence du service civique 192 ( * ) .

La mission d'information a identifié plusieurs axes de progression afin de poursuivre le développement du service civique et d'accompagner la nouvelle montée en puissance annoncée le 14 juillet 2020.

A. LA DOUBLE VOCATION DU SERVICE CIVIQUE

1. La volonté de « recréer du lien social »

De manière éclairante, nos collègues du groupe RDSE 193 ( * ) qui, en septembre 2009, prirent l'initiative de proposer la création du service civique 194 ( * ) avaient pour ambition de « combattre l'individualisme qui engendre incivilité et violence, et dilue le sentiment d'appartenance à une collectivité nationale » et de contribuer à l'insertion professionnelle des volontaires. L'objectif était également de « recréer du lien social, de permettre à des jeunes, parfois à la recherche de repères, de s'engager au service des autres , en faveur de l'intérêt général » et, « à l'instar de l'ancien service militaire », « de réaffirmer, voire d'inculquer, les valeurs républicaines » et de faire acquérir aux volontaires une « éducation civique et citoyenne ».

Le service civique s'inscrivait ainsi dans la continuité du service civil volontaire, créé par la loi pour l'égalité des chances de 2006 195 ( * ) , dont l'initiative a été prise au lendemain des violentes émeutes des banlieues de novembre et décembre 2005. L'exposé des motifs du projet de loi appelait à « renforcer la cohésion nationale (...) à l'heure où notre pays sort d'une épreuve grave », et à « rassembler autour des valeurs républicaines » en permettant aux jeunes de 16 à 25 ans d'acquérir une expérience professionnelle et en leur proposant un accompagnement via un tutorat.

La loi du 10 mars 2010 relative au service civique, issue d'une initiative sénatoriale 196 ( * ) , a créé le volontariat de service civique (article L. 120-1 du code du service national), « engagement volontaire d'une durée continue de six à douze mois donnant lieu à une indemnisation prise en charge par l'État, ouvert aux personnes âgées de seize à vingt-cinq ans, en faveur de missions d'intérêt général reconnues prioritaires pour la Nation ». Le service civique comprend également, dès l'origine, des formes internationales (volontariat international en administration ou en entreprise, volontariat de solidarité internationale, service volontaire européen), la gestion de cet ensemble étant confiée à l'Agence du service civique (article L. 120-2 du code du service national).

L'objectif de cette loi était de créer un statut homogène, plus lisible et plus attractif à destination des diverses modalités de volontariat mises en place à la suite de l'abandon du service national obligatoire. Le service civique s'est ainsi substitué au service civil volontaire créé par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances.

2. Une mission au service de l'intérêt général constituant une « expérience humaine enrichissante »

Le service civique vise ainsi à faire vivre à des jeunes de 16 à 25 ans, sans condition de diplôme, une mission au service de l'intérêt général « (revêtant) un caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel, ou (concourant) à des missions de défense et de sécurité civile ou de prévention, de promotion de la francophonie et de la langue française ou à la prise de conscience de la citoyenneté française et européenne ».

Les volontaires reçoivent à l'issue de leur service une « attestation de service civique et un document qui décrit les activités exercées et évalue les aptitudes, les connaissances et les compétences acquises pendant la durée du service civique ». Dès l'origine, la loi prescrit une valorisation du service civique « dans les cursus des établissements secondaires et des établissements dispensant des formations sanctionnées par un diplôme d'études supérieures », le code du service national renvoyant à cet égard à un décret.

En 2014, le service civique a intégré le « volontariat associatif, d'une durée de six à vingt-quatre mois, ouvert aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans, auprès d'associations de droit français ou de fondations reconnues d'utilité publique agréées », puis il s'est étendu en 2017 au service civique des sapeurs-pompiers.

Selon la proposition de loi sénatoriale de 2010, l'objectif du service civique est double :

- « recréer du lien social » et « permettre à des jeunes, parfois à la recherche de repères, de s'engager au service des autres, en faveur de l'intérêt général » ;

- offrir aux jeunes une « expérience humaine enrichissante qui viendra compléter leur cursus scolaire et/ou universitaire, avant d'entrer dans la vie active ».

Cette logique a perduré : la présidente de l'association Unis Cité , association qui accueille chaque année 10 000 volontaires du service civique, a estimé lors de son audition que la création du service civique tendait à « créer une étape dans la vie des jeunes qui soit une étape de mixité et de service à la collectivité, où l'on apprend en donnant de soi aux autres » ; « cette étape manque cruellement dans notre éducation » 197 ( * ) .

Des politiques publiques similaires ont vu le jour dans les années 2010 dans plusieurs pays européens. Si les modalités de mise en oeuvre de ce temps d'engagement peuvent varier en termes de durée (plus longue en Allemagne - jusqu'à dix-huit voire vingt-quatre mois), des exigences concernant le nombre d'heures de service effectuées chaque semaine (possibilité d'un engagement de quelques heures hebdomadaires seulement en Angleterre ou aux Pays-Bas), d'indemnités (au plus 423 euros mensuels en Allemagne, 473 euros en France), ou encore de création des missions (fonctionnement par appel à projet au Pays-Bas, encouragement des jeunes à concevoir et réaliser en équipe un projet d'actions sociales au profit de la communauté en Angleterre), toutes partagent un double objectif : renforcer le « lien social » et « faire vivre aux jeunes une expérience humaine enrichissante ».

À titre personnel, le rapporteur exprime de l'intérêt pour l'exemple des Pays-Bas où le service civique, particulièrement valorisé, ouvre droit à une priorité d'accès à l'emploi dans les administrations publiques.

L'existence de dispositifs comparables au service civique
dans plusieurs pays européens

En Allemagne, au niveau fédéral, le service volontaire a succédé en 2011 au service civil, qui était alors une alternative au service militaire obligatoire. Son champ d'application est toutefois plus large, ainsi que le public auquel il s'adresse, puisqu'il n'a pas de limite d'âge. Il existe par ailleurs un service volontaire des jeunes, créé en 2008, ouvert à tous les jeunes de moins de 27 ans à partir du moment où ils ont terminé leur scolarité obligatoire.

La durée du service civique peut varier de 6 mois à 18 mois et dans des cas exceptionnels peut aller jusque 24 mois. Le volontaire touche une gratification légèrement supérieure à 420 euros par mois à laquelle peuvent s'ajouter des prestations en nature. Depuis sa création en 2011, 400 000 personnes ont participé au service volontaire auquel s'ajoutent chaque année environ 80 000 jeunes participant au service volontaire des jeunes. Il est à noter que les fonds alloués au service volontaire des jeunes permettraient de financer jusqu'à 120 000 missions par an.

En Angleterre, le service civique ( National Citizen Service NCS) a été lancé sous forme expérimentale en 2010, avant d'être pérennisé en 2017. Il est ouvert aux jeunes de 15 à 25 ans. Particularité britannique, les jeunes volontaires contribuent au programme à hauteur de 50 livres (environ 60 euros). En 2019, 91 500 participants ont été recensés. Il existe plusieurs programmes. Le premier, le NCS « part-residential experiences » ressemble davantage au SNU, puisqu'il s'agit d'un programme de deux semaines, les 5 premiers jours étant un temps d'équipe loin de chez soi pour apprendre de nouvelles aptitudes et le reste du temps est consacré à un projet d'action sociale au service de la communauté. Le NCS « changemakers » incite ses participants à concevoir et réaliser des projets d'actions de la communauté locale - la durée d'engagement est au choix du participant et les sessions se déroulent une fois ou plus par mois. Enfin, il existe un dispositif d'insertion sociale pour les jeunes de 18 à 24 ans, pour une durée de 9 à 12 mois. Depuis le lancement du NCS, 600 000 personnes y ont participé.

Aux Pays-Bas, la création d'un service civique ( maatschappelijke diensttijd , ci-après MDT) est une des propositions issues d'un accord de coalition signé en 2017. Après une phase expérimentale de deux ans, le dispositif a été rendu pérenne en 2020. Le MDT fonctionne sur le principe d'appels à projet. Les jeunes engagés reçoivent de la part de l'État un certificat qu'ils peuvent faire valoir pour bénéficier d'une priorité à l'emploi dans les administrations publiques. Il est ouvert à tous les jeunes de 14 à 27 ans. L'implication horaire reste au choix du volontaire, de quelques heures à quelques jours par semaine. Mais le projet de MDT doit être conduit sur une durée d'au moins 80 heures pendant au plus six mois. Depuis son lancement, 28 000 jeunes ont commencé un MDT.

B. UN SUCCÈS CERTAIN, DES OBSTACLES À SURMONTER

1. Les réussites du service civique
a) Une montée en puissance continue

De 6 000 contrats signés en 2010, le nombre annuel des engagements a été multiplié par quinze pour atteindre 90 000 contrats signés en 2021. 600 000 volontariats ont été souscrits depuis la création du service civique.

Nombre de volontaires accueillis depuis 2012 (en stock 198 ( * ) )

Source : rapport d'activité 2020 de l'Agence du service civique.

Le volume des agréments a fortement augmenté entre 2020 et 2021, passant de 105 000 missions à 145 000.

Actuellement, la montée en puissance du service civique s'inscrit dans le plan 1 jeune, 1 solution , qui vise à accueillir 220 000 volontaires en tout, ce qui peut expliquer des délais plus longs dans le traitement des demandes d'agrément.

Le service civique est donc un pari réussi, si l'on se réfère au « double scepticisme » avec lequel il fut accueilli au départ, qu'il s'agisse de la possibilité de trouver les financements nécessaires ou de susciter assez de candidatures auprès des jeunes : Martin Hirsch, premier président de l'Agence du service civique, a fait observer lors de son audition que dès la première année il y avait eu 200 000 volontaires pour 20 000 places, et que l'engagement de permettre chaque année à 10 % d'une classe d'âge (soit environ 75 000 jeunes) de réaliser un service civique avait été respecté compte tenu du nombre annuel de volontaires 199 ( * ) .

Selon la présidente de l'Agence du service civique, le contexte sanitaire de 2020-2021 a montré l'adaptation de ce dispositif à une situation de crise, puisqu'il a été possible de déployer rapidement des volontaires dans des missions relevant de la santé, plus particulièrement pour accompagner la montée en charge des centres de vaccination.

Toutefois, l'augmentation sensible du nombre de volontaires prévue par le plan 1 jeune, 1 solution suppose de poursuivre la montée en puissance du dispositif à une échelle soutenue. Lors de son audition, la présidente de l'Agence du service civique a présenté quatre axes de développement pour atteindre cet objectif : augmenter le nombre de missions dans les organismes d'accueil déjà accrédités ; solliciter de nouveaux organismes ; accompagner le travail des référents territoriaux et des organismes locaux ; investir de nouveaux champs de mission.

Sur ce point, la crise sanitaire a mis en lumière de nouveaux champs d'action possibles, comme la lutte contre l'isolement des personnes âgées, l'accompagnement des personnes fragiles, isolées ou en difficulté, notamment les personnes en situation de handicap, ou encore de nouvelles missions dans le domaine de la santé, comme l'a illustré le développement des centres de vaccination.

Ces perspectives de développement n'impliquent pas que les volontaires se substituent aux aides-soignants ou aux agents publics.

À cet égard, lors de son audition, Martin Hirsch a estimé que « les hôpitaux (étaient) inégaux devant le service civique ». Il a plaidé pour un développement du nombre de volontaires susceptibles d'y être accueillis, dans un esprit de complémentarité avec le personnel soignant et sans risque de « déprofessionnaliser le système » : « Quand on place des volontaires en service civique dans les services d'urgence, ce n'est pas pour faire des piqûres ou porter des brancards. Quand une personne âgée qui s'est tordu la cheville arrive aux urgences et doit prévenir ses enfants, mais n'y parvient pas parce que son portable n'a plus de batterie, les infirmières n'ont pas le temps de l'aider, alors que des bénévoles peuvent le faire » .

Cet exemple illustre la nécessité, en amont, du travail de définition du contenu de la mission, afin qu'elle complète celle des professionnels et leur soit utile.

b) L'accueil de volontaires aux profils très divers

Signe de son intérêt en termes de cohésion nationale, le service civique attire des jeunes de profils très différents, ce que confirment les chiffres-clés ci-après. Pour Martin Hirsch, cette diversité est apparue dès les débuts du dispositif : « certains avaient fait des études brillantes, d'autres avaient raté leurs études, certains avaient été biberonnés à l'engagement depuis trois générations, d'autres étaient arrivés là à l'initiative de la mission locale... » 200 ( * ) .

Les jeunes et le service civique : chiffres-clés de 2021

Le service civique est ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans - jusqu'à 30 ans pour les personnes en situation de handicap.

En 2021, l'âge moyen est de 21 ans, 7 % des jeunes volontaires étant mineurs.

La majorité des volontaires sont des femmes (61 %).

43 % des volontaires effectuent une mission juste après avoir obtenu leur baccalauréat, 35 % des jeunes ont un niveau supérieur au baccalauréat et 22 % un niveau CAP ou BEP.

17 % des volontaires appartiennent à la catégorie « ni en en emploi, ni en formation ».

Entre 20 et 25 % des jeunes volontaires sont issus de la ruralité.

12 % des jeunes viennent de quartiers prioritaires 201 ( * ) .

Dans les territoires d'outre-mer, les volontaires représentent 10 % des jeunes.

Les jeunes en situation de handicap représentent 1,4 % des volontaires.

20 % des missions ne sont pas menées à leur terme. Les trois principales raisons sont les suivantes : une embauche (CDD ou CDI) ou une reprise d'études - 40% des cas - ; un commun accord entre le volontaire et l'organisme d'accueil - 31% des cas - ; un abandon de postes - 18 % des cas.

Actuellement, 82 % des jeunes effectuent leurs missions dans des associations, 12 % dans des collectivités territoriales et 3 % dans des services de l'État ou des établissements publics.

L'indemnité versée au volontaire est de 473 euros mensuels. Le coût pour l'organisme d'accueil est estimé à 107 euros par mois.

Source : Agence du service civique 202 ( * )

Si 40 % des volontaires environ ont le bac ou un niveau bac+2, les jeunes en situation de décrochage scolaire représentent quelque 17 % des volontaires. Le service civique confirme ainsi la double nature souhaitée par le législateur à l'origine. Selon la présidente d' Unis Cité , « le service civique n'est pas un dispositif d'insertion mais il est très efficace en effets secondaires induits car il apporte la fierté d'avoir été utile, une confiance en soi, et c'est vrai pour tous les jeunes, quel que soit le milieu ou le niveau d'études » 203 ( * ) .

c) Un dispositif plébiscité par les jeunes

91 % des volontaires sont satisfaits par leur mission de service civique et 96 % le recommanderaient à leurs proches 204 ( * ) . En outre, et depuis sa création, le nombre de demandes est supérieur au nombre de missions proposées 205 ( * ) . Ces chiffres sont à comparer à la situation allemande, où le nombre de jeunes effectuant un service volontaire - 80 000 - demeure inférieur au budget prévu pour le service volontaire des jeunes, qui permettrait de financer jusqu'à 120 000 missions.

(1) Des motivations variées

Les volontaires rejoignant le service civique sont motivés par des raisons diverses, qui illustrent la dualité du service civique, à la fois expérience valorisante dans une perspective d'insertion professionnelle et engagement au service de la collectivité. Les témoignages entendus par la mission d'information confirment le succès de ce dispositif auprès des jeunes, qui en sont les meilleurs ambassadeurs.

Si les motifs liés à l'insertion professionnelle, au revenu et si les préoccupations relatives à l'orientation sont très présents dans la motivation des volontaires, car les éléments d'attractivité du service civique sont multiples, il n'en demeure pas moins que, selon le directeur général de l'Agence du service civique, « le service civique attire les jeunes ayant une prédisposition à l'engagement ». Il serait donc réducteur de considérer le service civique uniquement comme une passerelle vers l'emploi : « Les jeunes sont en général motivés par un faisceau de raisons. Les éléments d'attractivité du service civique sont multiples. Le service civique permet d'exercer des missions d'intérêt général et de citoyenneté ou de développement de la cohésion sociale. L'engagement pour autrui est une motivation sous-jacente de base. S'y ajoutent tous les éléments d'attractivité du service civique » 206 ( * ) .

Au demeurant, la présidente de l'Agence du service civique a estimé avec raison qu'« il n'existe pas de mauvaise raison de s'engager ».

Pour quelles raisons avez-vous fait un service civique ?

Source : INJEP, mai 2021

Une étude récente de l'Injep montre que les volontaires du service civique exerçaient plus souvent une activité bénévole avant le début de leur mission que la moyenne des jeunes.

Le domaine de la mission est le premier critère de choix des volontaires (54 %), loin devant le lieu où elle s'exerce (31 %). D'ailleurs, même pour les volontaires originaires d'une commune rurale, le critère géographique, bien qu'un peu plus élevé que la moyenne (36 %), n'est pas le premier motif des volontaires. La nature de la mission prime pour 28 % de ces jeunes, ces proportions augmentant avec le niveau d'études (34 % des volontaires ayant commencé des études mentionnent ce critère, cette proportion atteignant 46 % pour les étudiants en bac +5) 207 ( * ) .

Enfin, une part importante des volontaires (44 %) estime que leur mission a eu une influence positive sur leur envie de faire du bénévolat, ce que confirme l'exemple du financement du permis de conduire proposé par l'association Uni'sons , rencontrée à Montpellier par une délégation de la mission d'information 208 ( * ) .

La découverte de l'engagement, au-delà des raisons initiales d'inscription au service civique : l'exemple du financement du permis
de conduire par l'association Uni'sons

Lors de son déplacement à Montpellier, en mars 2022, la mission d'information s'est entretenue avec Habib Deshraoui, directeur, et Nacer Benammar, éducateur spécialisé, de l'association Uni'sons , ainsi qu'avec plusieurs jeunes volontaires qu'elle accueille au titre du service civique. Uni'sons organise deux réunions annuelles d'information sur le service civique pour les jeunes du quartier. Afin d'inciter les jeunes les plus éloignés de l'insertion sociale et professionnelle à s'engager dans un service civique, l'association leur finance leur permis de conduire. En effet, l'association estime que 100 % des jeunes se sentent concernés par son obtention.

Il ressort des échanges avec les responsables de l'association et les volontaires qui ont pu bénéficier de ce dispositif, que si le financement du permis de conduire est l'élément permettant d'attirer des jeunes qui ne s'intéresseraient pas au service civique sans cet élément d'attractivité, une fois la mission commencée, ils se plaisent dans le contenu de celle-ci, « le financement du permis de conduire devenant secondaire ».

(2) Témoignages de volontaires : « une expérience unique »

La mission d'information a souhaité échanger avec des jeunes en service civique ou d'anciens volontaires, afin de connaître les raisons ayant motivé leur choix d'effectuer une mission et leur avis sur cette politique publique.

Selon les témoignages entendus par la mission d'information, il s'agissait pour ces jeunes d'acquérir une expérience avant une reconversion, de faire une pause dans leur parcours de formation, de concrétiser un projet professionnel, ou encore de « faire quelque chose » pendant un an, à la suite de l'absence d'une place en master. Environ un quart des volontaires qui reprennent des études à la suite d'un service civique se réoriente dans une autre filière ou une autre discipline 209 ( * ) .

Ces préoccupations rejoignent celles de très nombreux volontaires : « pour eux, le service civique c'est : 1. Un moyen d'acquérir de l'expérience professionnelle, 2. Un temps de découvertes et de rencontres, 3. L'occasion de faire un point sur sa vie, 4. L'opportunité de découvrir un secteur d'activité, 5. Un moyen de se sentir utile » 210 ( * ) .

L'ensemble de ces jeunes ont fait part de leur satisfaction vis-à-vis de leurs missions. Ils ont mis en avant les expériences acquises, le développement de soft skills (empathie, entre autres compétences), la rencontre avec de nouvelles personnes ainsi que le travail en équipe, la confiance en soi ou encore la découverte de l'engagement.

Paroles de jeunes en service civique 211 ( * )

« Ce que je trouve formidable avec le service civique, c'est la diversité. [...] Même en n'ayant pas les mêmes connaissances ni compétences, nous nous apportons mutuellement plein de choses et nous apprenons sur nous-même et sur les autres ».

« Nous sommes censés être recrutés pour notre motivations et pas pour nos diplômes ou nos compétences. [...] Ma mission consistait à animer les débats pour favoriser l'esprit critique du public sur différents sujets de société, en nous servant du cinéma. Je n'ai pas fait d'étude de cinéma ou d'animation, mais avec les autres membres de l'équipe nous nous complétions. Je pense qu'il est donc très important de faire que les missions se déroulent en équipe. »

« Concernant les raisons pour lesquelles je me suis engagée en service civique, j'ai fait des études mais cela ne me plaisait pas forcément. C'était donc pour acquérir une expérience avant de valider mon choix de reconversion. »

« Le service civique m'a appris l'engagement. J'y ai appris qu'il s'agissait de donner son temps et de s'investir dans son travail. J'ai ensuite commencé à faire du bénévolat dans des structures sportives ».

« Le service civique m'a apporté le fait de rencontrer des personnes différentes, d'âges différents, venant de lieux différents. Cela m'a permis de reprendre confiance en moi et de faire partie d'un groupe ».

« Pour moi le service civique a été un réel tournant dans ma vie. Je faisais une licence de droit et de sciences politiques et cela m'a permis professionnellement de concrétiser mes visions pour l'avenir en m'investissant dans le milieu associatif et social ».

« Le fait que cette mission dure de six à douze mois permet un réel engagement et de voir un réel impact sur le terrain. Contrairement au service national universel qui est plus court, le service civique permet à chacun de réellement s'engager ».

2. D'important défis à relever dans la perspective de l'augmentation du nombre de missions
a) Les enjeux du plan 1 jeune, 1 solution

L'augmentation sensible du budget alloué au service civique ces deux dernières années dans le cadre de la politique 1 jeune, 1 solution permet le financement de 100 000 missions supplémentaires sur deux ans 212 ( * ) . Il s'agit d'un défi à relever en termes de nouveaux organismes à solliciter, à accompagner puis à agréer, de missions à créer et à contrôler ou de formation des tuteurs. La marche est haute : rapportée au nombre de missions financées jusqu'au lancement de cette politique (145 000), elle représente une augmentation de 69 % du nombre de missions de service civique en quelques mois.

Dans ce contexte, la mission d'information se félicite de l'augmentation du nombre d'ETP dont bénéficie l'Agence du service civique, cohérente avec la nécessité d'accompagner de nouveaux organismes d'accueil et s'assurer de la qualité des missions proposées.

Elle tient également à souligner le coût d'entrée important dans le dispositif pour un nouvel organisme d'accueil, son investissement fort pour permettre la réussite d'une mission, ainsi que la forte mobilisation des équipes nationales et déconcentrées de l'Agence du service civique.

b) Renforcer le rayonnement du service civique, un enjeu d'avenir

Le rayonnement du service civique, indispensable à la montée en puissance actuelle, passe principalement par une valorisation renforcée de cet engagement, par des initiatives visant à mieux faire connaître ce dispositif, par la création d'un réseau d'anciens volontaires et par des efforts à l'attention des tuteurs.

(1) La valorisation du service civique dans les études et le parcours professionnel

À l'occasion de plusieurs auditions, la nécessité de mieux valoriser le service civique dans le parcours professionnel et d'études du jeune volontaire a été soulignée.

La valorisation du service civique dans les cursus scolaires et universitaires est prévue par la loi de 2010, qui a modifié en ce sens le code du service national 213 ( * ) . Une disposition de même objet a été inscrite dans le code de l'éducation par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté 214 ( * ) . La circulaire n° 2017-146 du 7 septembre 2017 du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche précise les possibilités de valorisation que les universités et établissements de l'enseignement supérieur doivent mettre en place. Plusieurs formes sont possibles 215 ( * ) :

- l'attribution d'éléments constitutifs d'une unité d'enseignement, qui doit obligatoirement figurer dans la maquette de formation, avec le nombre de crédits d'études qui la composent ;

- l'attribution de crédits ECTS, dans le cadre du cursus de formation ;

- l'attribution de « points bonus » dans la moyenne générale sur proposition du jury ;

- la dispense de stage ou d'enseignement 216 ( * ) .

Une nouvelle circulaire du 23 mars 2022 relative à l'engagement, à l'encouragement et au soutien aux initiatives étudiantes au sein des établissements d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation préconise notamment de mettre en place des dossiers de validation simple et accessible et d'en faire une large communication, ou encore d'accompagner les étudiants dans leurs démarches de validation des compétences, connaissances et aptitudes acquises par l'engagement. Un soutien à des journées ou événements thématiques ou encore par l'aide des pairs est également recommandé. Ces mesures, qui concernent l'engagement en général, s'appliquent aux étudiants en service civique.

Il importe donc que tous les établissements de l'enseignement supérieur se saisissent de l'ensemble de ces outils et les appliquent pleinement.

De même, la reconnaissance du principe de l'année de césure, introduite par la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), permet à l'étudiant, lorsque sa demande de césure est acceptée par l'établissement - ce qui prend la forme d'un accord signé entre l'établissement de formation et l'étudiant - de disposer d'un « droit au retour » dans sa formation, de conserver son statut étudiant pendant la césure et, sous certaines conditions, sa bourse ; les frais d'inscription doivent être réduits. Cette faculté peut ouvrir des perspectives à certains étudiants qui souhaiteraient bénéficier d'une telle année pour faire une expérience d'engagement.

Parmi les initiatives susceptibles de valoriser l'expérience acquise dans le cadre du service civique et d'inscrire celle-ci dans un parcours structuré, la mission d'information a été intéressée par l'Institut de l'engagement, créé et présidé par Martin Hirsch, qui permet chaque année à 700 anciens volontaires du service civique d'être accompagnés dans leur projet professionnel ou d'intégrer un des établissements d'enseignement supérieur partenaires. Elle estime cette formule prometteuse et digne d'être encouragée.

Une structure exemplaire à valoriser :
l'Institut de l'engagement

Créé sous statut associatif, l'Institut de l'engagement a mis en place un concours destiné aux jeunes en service civique, en partenariat avec 180 établissements d'enseignement supérieur (notamment HEC, Audencia, EM Lyon, plusieurs instituts d'études politiques, des écoles de managements, des écoles d'ingénieur et les écoles du travail social, avec pour celles-ci la reconnaissance d'une équivalence par arrêté ministériel). Plutôt que sur des connaissances académiques, il porte sur le projet, la motivation et la personnalité du candidat. Chaque année, environ 3 000 jeunes candidatent et 700 sont sélectionnés : ils deviennent lauréats de l'Institut de l'engagement. Ils peuvent intégrer les établissements partenaires (un choix fait par les deux tiers des lauréats) ou sont accompagnés dans la création de leur association ou de leur entreprise. L'Institut de l'engagement les accompagne dans leurs démarches, à travers un parrain ou une marraine, les met en contact avec des entreprises, peut leur apporter des financements. En outre, l'ensemble des lauréats participent deux à trois fois par an aux « universités de l'engagement » où sont organisés des conférences, ateliers, projections de films, sport, formations, ... On dénombre désormais 5 000 anciens lauréats.

Le taux de succès des lauréats qui choisissent d'intégrer un établissement supérieur partenaire est de 92 %. Une enquête de 2021 portant sur les anciens lauréats de 2012-2018, soit entre deux à huit ans après la fin de l'accompagnement révèle que moins de 2 % d'entre eux sont en recherche d'emploi depuis plus de six mois, plus de 50 % d'entre eux sont diplômés à bac+5. Ils s'engagent en moyenne deux fois plus que les jeunes en général.

(2) La notoriété du service civique

Parallèlement aux mesures destinées à valoriser l'expérience acquise par le jeune lors du service civique, la mission a constaté la nécessité de mieux faire connaître cette forme d'engagement et de mieux diffuser l'information relative au service civique auprès des jeunes.

La mission d'information a donc pris connaissance avec intérêt du travail engagé par l'Agence du service civique avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation afin de renforcer l'information sur le service civique dans le cadre de Parcoursup . Trop souvent, cette possibilité d'engagement est perçue comme un « plan B ». Or comme l'a souligné le directeur général de l'Agence du service civique lors de son audition, cette expérience « peut aussi s'inscrire dans un parcours universitaire très réussi » , ou constituer « une année de césure utile et non pénalisante pour le jeune bachelier » .

Pour cela, il est important que le service civique soit connu et identifié le plus tôt possible par les élèves afin qu'ils puissent l'intégrer dans la construction de leurs parcours.

Dans cette logique, le service civique devrait faire l'objet d'une présentation systématique à l'occasion de la phase 1 du SNU (séjour de cohésion), mais aussi dans le cadre scolaire, lors des heures d'orientation au collège et au lycée, ou encore à l'occasion des « semaines de l'engagement » qui se déroulent fin septembre dans les établissements d'enseignement secondaire.

Cet effort de communication peut s'appuyer sur des volontaires ou d'anciens volontaires, qui sont autant d'excellents ambassadeurs du service civique et permettent de rendre concrètes, pour leurs pairs, les missions accessibles aux jeunes ainsi que l'existence même de cette politique publique.

Les délégués et référents territoriaux du service civique constituent un levier de rayonnement intéressant par leur présence dans les salons et forums des métiers et de l'orientation organisés dans chaque territoire 217 ( * ) .

Des échanges entre l'agence et l'Association nationale des directeurs des ressources humaines sont également en cours, selon les informations transmises à la mission d'information, pour valoriser les compétences acquises par les volontaires. Lors de son audition, la présidente de l'agence a également fait état d'un projet de rencontre avec la commission « jeunesse » du Medef.

Ces initiatives sont de nature, en favorisant la reconnaissance du service civique dans le monde du travail et la prise en compte des compétences acquises par les jeunes dans le cadre du service civique, à renforcer l'attractivité du service civique pour les futurs volontaires.

(3) Créer et faire vivre un réseau d'anciens du service civique

Avec plus de dix ans d'ancienneté, ce sont désormais près de 600 000 jeunes qui ont choisi de réaliser un service civique depuis la création de ce dispositif - soit plus ou moins l'équivalent d'une classe d'âge. Instituer un réseau pourrait donner plus de visibilité au dispositif et participerait pleinement à sa valorisation. La création d'un tel réseau serait également susceptible de faciliter la mobilisation de volontaires et d'anciens volontaires pour présenter le service civique et assurer sa promotion.

(4) La formation et la reconnaissance des tuteurs

Les tuteurs sont un rouage essentiel de la réussite de la mission de service civique. Une mauvaise relation avec son tuteur peut être une raison d'abandon de mission pour le jeune, comme cela a pu être indiqué en audition, ou participer de la déception du volontaire face au déroulement de sa mission. Le rôle du tuteur est d'accueillir le volontaire, de l'accompagner dans sa mission, d'organiser son activité quotidienne et d'être à son écoute pour l'aider à résoudre d'éventuelles difficultés.

Une attention toute particulière doit être portée à la formation effective des tuteurs, dans la période actuelle de forte augmentation du nombre de missions et d'agréments conclus avec de nouveaux organismes d'accueil. Il s'agit là d'un axe de rayonnement non négligeable. Il est indispensable que chaque tuteur ait pu - et avant le début de la mission du jeune - bénéficier de la formation obligatoire à laquelle il a droit. Or, selon certaines personnes auditionnées, tous les tuteurs ou futurs tuteurs n'en bénéficient pas.

De plus, de nombreux tuteurs assument cette fonction à titre gracieux. Martin Hirsch, premier président de l'Agence du service civique, a plaidé pour une incitation financière des tuteurs devant la mission d'information : « Je suis favorable à ce que l'on puisse indemniser les tuteurs dans le secteur public. À l'hôpital, si l'on demande à une infirmière de tutorer une jeune issue de l'école d'infirmière, elle répond à juste titre qu'elle n'en a pas le temps et que cela n'entre pas dans ses missions. J'ai donc mis en place une prime de 100 euros par mois, ouverte également à ceux qui tutorent des volontaires en service civique » .

Selon les estimations de Martin Hirsch, une incitation financière des tuteurs « ne (renchérirait) que de 10 % le coût du service civique ».

La question de la valorisation des tuteurs est pour le rapporteur une condition essentielle de la réussite du service civique.

c) Le service civique dans les territoires ruraux : de nombreux besoins, des obstacles à surmonter

Lors de son audition, la présidente de l'Agence du service civique a souligné que 20 à 25 % des volontaires étaient des jeunes issus de la ruralité. Les freins identifiés par l'agence dans ce domaine sont « liés à l'insuffisance de l'offre des missions dans les territoires ruraux et aux questions de mobilité (logement et transports) » 218 ( * ) . Or pour la présidente d' Unis Cité : « certains jeunes en milieu rural se trouvent dans la même situation de désoeuvrement scolaire, de santé, que dans les quartiers, sauf que personne ne les voit » 219 ( * ) , ce qui rejoint les constats établis en 2020 dans le rapport Orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes de Salomé Berlioux 220 ( * ) .

L'intérêt que présente le service civique pour les territoires ruraux avait été identifié en 2019 dans le rapport Ruralités : une Ambition à partager - 200 propositions pour un Agenda Rural 221 ( * ) , qui qualifiait le service civique de « formidable outil pour recréer du lien social et intergénérationnel dans les territoires » et recommandait de développer le service civique en milieu rural dans les deux secteurs suivants :

- la lutte contre l'isolement des personnes âgées et handicapées en milieu rural ;

- dans la perspective du développement du numérique, pour accompagner les usagers dans leurs démarches dématérialisées.

Le deuxième comité interministériel aux ruralités avait ainsi, en novembre 2020, fléché le développement du service civique en milieu rural, « vrai potentiel à la fois pour donner des perspectives d'engagement à des jeunes ruraux et pour permettre à des jeunes d'autres territoires de découvrir les zones rurales ». En vue du doublement du nombre de services civiques en milieu rural, il était prévu que l'Agence du service civique « renforce son animation à destination des collectivités candidates à l'accueil d'un jeune » 222 ( * ) .

Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé en 2021, à la suite du comité interministériel aux ruralités de 2020. Il a permis de financer vingt-quatre projets d'EPCI, parmi lesquels le financement d'un emploi de prospecteur, de monteur et le concepteur d'une future mission de service civique dans ces territoires ruraux. La mission d'information salue le rôle de l'agence du service civique dans l'animation à destination de ces EPCI et des référents territoriaux afin de développer les services civiques dans les territoires ruraux.

Les collectivités territoriales sont en effet une piste majeure pour développer le service civique, plus particulièrement en milieu rural. En effet, actuellement, seuls 12 % des missions se déroulent au sein d'une collectivité territoriale. Néanmoins, on constate un effort important réalisé cette dernière année : selon le directeur général de l'Agence du service civique, en 2021, entre 500 et 600 collectivités territoriales ont rejoint le réseau du service civique 223 ( * ) . Des actions en ce sens ont été lancées très récemment et doivent être poursuivies 224 ( * ) .

La mission d'information ne peut qu'être favorable à ce mouvement, a fortiori dans les territoires ruraux.

Témoignages d'élus locaux sur le service civique

Consultation organisée sur la plateforme du Sénat 225 ( * )

Dans le cadre de ses travaux, la mission d'information a souhaité donner la parole aux élus locaux, notamment sur le service civique.

Les principales missions confiées par des collectivités territoriales concernent le périscolaire et l'accompagnement aux devoirs, la solidarité intergénérationnelle (animation en Ehpad, utilisation du numérique, lutte contre l'isolement des personnes âgées), le social, l'animation locale ainsi que le domaine de la jeunesse et des sports, le tourisme et la culture (souvent en lien avec la médiathèque), l'environnement et les espaces verts, ou encore les relations avec les administrés.

S'il ressort de cette consultation une vision positive des élus locaux sur le service civique, nombre d'entre eux ont fait part d'axes d'améliorations possibles. Le service civique reste tout d'abord trop peu connu des élus locaux et des jeunes. Des réponses mettent en avant la nécessité de simplifier les démarches incombant aux organismes d'accueil ainsi que les difficultés juridiques liées à la définition des missions. Plusieurs élus locaux ont émis le souhait de faciliter le recrutement en créant un pool de demandeurs vers qui les collectivités pourraient se tourner, ou encore de rendre possible la mutualisation de volontaires par plusieurs communes. Enfin, les problèmes liés à la mobilité en milieu rural, qui constitue un frein pour de nombreux jeunes et pour les collectivités, ont également été régulièrement soulignés.

Selon les élus locaux consultés sur la plateforme en ligne du Sénat (voir l'encadré ci-dessus), le développement du service civique en milieu rural se heurte à une difficulté importante : la mobilité des jeunes volontaires. Le coût non négligeable de l'accueil d'un volontaire pour les collectivités locales représente également un obstacle.

Les dépenses afférentes au défraiement des frais de transport engagés dans le cadre de la mission et, le cas échéant, à l'aide au logement (ou à la mise à disposition d'un logement) ne peuvent pas être prises en charge par l'Agence du service civique.

Sur ce point, la présidente d' Unis Cité a fait observer que le financement du service civique étant le même pour tous les jeunes, il n'existait pas de prise en charge de la mobilité, qui constitue pourtant un obstacle majeur en milieu rural : « Nous sommes contraints d'aller chercher des financements au niveau privé ou au niveau européen pour mettre en place ces services civiques dans les territoires ruraux, où l'encadrement manque et où la mobilité est un vrai enjeu » 226 ( * ) .

Outre le frein que constitue la mobilité, proposer une mission complète peut être une difficulté pour les collectivités de petite taille : ainsi, certains élus locaux consultés par la mission d'infirmation ont présenté la mutualisation de volontaires par plusieurs communes comme un axe d'amélioration qui serait appréciable. La mission d'information ne peut qu'encourager ce type d'organisation.

C. CONCLUSIONS DE LA MISSION D'INFORMATION POUR ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DU SERVICE CIVIQUE ET RENFORCER SA DIMENSION CITOYENNE

La mission d'information recommande tout d'abord d'accompagner le développement du service civique à travers le maintien de moyens permettant la poursuite de la dynamique actuelle et l'augmentation du nombre de missions dans les territoires ruraux. Elle recommande aussi d'amplifier la dimension citoyenne du service civique en renforçant la formation civique et citoyenne des volontaires.

1. Poursuivre dans la durée l'effort de développement du service civique

Au cours de son audition, la présidente de l'Agence du service civique a attiré l'attention de la mission d'information sur la nécessité de maintenir dans la durée les efforts, notamment budgétaires, qui accompagnent la montée en charge du service civique observée au cours de la période récente : « Un retour en arrière serait particulièrement dommageable, alors que de nombreux organismes se sont mobilisés et organisés pour accueillir tous ces jeunes » 227 ( * ) . Une baisse de l'effort consacré au service civique risquerait de mettre à mal la logique de croissance qui caractérise le service civique depuis dix ans. Selon la mission d'information, cette dynamique doit être préservée.

Les 100 000 missions supplémentaires liées à la mise en oeuvre du plan 1 jeune, 1 solution sont inscrites pour l'instant dans le cadre des crédits de la mission « plan de relance ». Or celle-ci a vocation à être temporaire. Il est donc souhaitable de poursuivre l'effort actuel de développement du service civique et de pérenniser les moyens nécessaires au financement des 240 000 missions actuellement programmées (dont 100 000 financées par le plan de relance).

Recommandation . - Poursuivre le développement du service civique et pérenniser les moyens dégagés dans le cadre du plan de relance.

2. Développer le service civique dans les territoires ruraux

La mission d'information prend acte des déclarations de Joël Giraud, secrétaire d'État chargé la ruralité dans le cadre du troisième comité interministériel aux ruralités de septembre 2021 : « L'avenir (des territoires ruraux) est la jeunesse. Elle doit dont être l'une des priorités » . La dynamique engagée dans le cadre de l'Agenda rural en faveur du service civique doit donc être prolongée.

Les prochains comités interministériels à la ruralité devront être l'occasion d'accompagner le développement du service civique en milieu rural, de même que la préparation de la prochaine génération des contrats de ruralité.

De manière générale, la mission d'information estime nécessaire de mieux tenir compte des difficultés spécifiques aux territoires ruraux à l'égard du service civique . Elle est favorable à la mise en place de financements ad hoc pour développer le service civique en milieu rural, compte tenu de l'obstacle particulier que représente la mobilité pour de nombreux jeunes dans ces territoires.

À l'image de la dotation budgétaire en faveur des volontariats territoriaux en administration, un forfait financé par l'État pour répondre aux contraintes financières spécifiques du service civique en milieu rural pourrait ainsi être prévu.

La mission d'information appelle donc à développer le service civique dans les territoires ruraux, à intégrer systématiquement le service civique aux politiques en faveur de la ruralité et à mettre en place un soutien financé par l'État pour prendre en charge les contraintes spécifiques du service civique en milieu rural.

Recommandation . - Développer le service civique en milieu rural ; intégrer systématiquement le service civique aux politiques publiques en faveur de la ruralité ; mettre en place un soutien financé par l'État afin de prendre en charge les contraintes spécifiques du service civique en milieu rural.

3. Amplifier la dimension citoyenne du service civique en renforçant la formation civique et citoyenne des volontaires

La loi prévoit une « formation civique et citoyenne » des volontaires. L'article L. 120-14 du code du service national renvoie à un décret pour déterminer la durée de cette « formation civique et citoyenne », qui va de pair avec un « accompagnement dans la réflexion (du volontaire) sur son projet d'avenir » 228 ( * ) . Ces formations sont aujourd'hui d'une durée minimum de deux jours, auxquels s'ajoute une journée spécifiquement dédiée à l'apprentissage des gestes de premier secours 229 ( * ) .

L'instruction de l'Agence du service civique du 30 avril 2021 a révisé le cadre de cette formation, qui s'articule désormais autour de la devise de la République française, à laquelle a été adjointe la notion de laïcité.

La formation est dispensée à l'intention des volontaires par l'organisme agréé ou regroupe dans un autre lieu des jeunes accueillis par plusieurs organismes. Cette deuxième solution, promue par l'Agence du service civique, permet des croisements d'expériences et des échanges entre les volontaires. Elle est à valoriser dans la perspective de la mise en place d'un réseau de volontaires et anciens volontaires du service civique.

La mission d'information partage l'avis du directeur général de l'Agence du service civique, selon lequel cet engagement « peut aussi servir de relais à l'apprentissage de la citoyenneté républicaine » .

Elle souhaite donc que cette dimension soit renforcée, notamment en augmentant le nombre minimum de jours de formation, défini par voie réglementaire. Cette préconisation répond à une demande entendue lors de l'audition des jeunes volontaires. Les jours de formation étant financés par l'agence, toute augmentation de leur nombre doit être accompagnée d'une hausse budgétaire équivalente : le renforcement de la formation citoyenne des volontaires ne doit pas se faire au détriment du nombre de missions financées et de l'engagement des jeunes.

Ce renforcement de la formation civique des volontaires correspond à la réalité pour l'association Unis Cité , comme le montre l'encadré ci-après. La mission d'information note d'ailleurs qu'en Allemagne, les jeunes effectuant l'équivalent du service civique bénéficient de 25 jours de séminaire pour une année de service, dont un séminaire obligatoire de formation politique.

Le choix d' Unis Cité : neuf jours de formation citoyenne
pour les volontaires du service civique

Unis Cité prévoit pour ses volontaires une formation de neuf jours, structurés autour de quatre thèmes : les institutions françaises et européennes (rôle du maire, des parlementaires, ...), la transition écologique, la lutte contre les discriminations et les conduites à risque en matière de santé. À cela s'ajoutent la formation aux premiers secours ainsi que le temps d'accompagnement du projet d'avenir, prévus par les textes. Unis Cité organise notamment dans ce cadre des visites d'entreprises ou des « tremplins » - temps d'échanges entre des acteurs du monde professionnel et des jeunes en service civique.

Source : compte rendu du 1 er février 2022

Recommandation . - Augmenter la durée de la formation civique et citoyenne des volontaires du service civique au-delà des deux journées actuellement prévues par le code du service national ; tirer les conséquences budgétaires de cette mesure sur les moyens attribués à l'Agence du service civique.

III. L'ENGAGEMENT ASSOCIATIF : UNE DYNAMIQUE À PRÉSERVER

Les associations sont un lieu privilégié d'apprentissage de la vie citoyenne : la diversité des questions de société qui sont leurs champs d'intervention permet à chacun de trouver un terrain d'engagement qui lui correspond. Par la pratique du débat, par l'apprentissage de la prise de décision collective ainsi que par l'exercice de responsabilités qu'elle implique, la participation à la gouvernance des associations constitue une véritable école de la citoyenneté.

Les Français ont une image positive des associations : 67 % des Français leur font confiance (contre 21 % pour les partis politiques et 38 % pour les syndicats) 230 ( * ) . Ce constat concerne tout particulièrement les jeunes. Le maintien du dynamisme du monde associatif est cependant confronté, entre autres défis, à la prise en compte de nouvelles attentes de la part des bénévoles et à la nécessité de s'adapter à des exigences nouvelles.

A. LE DYNAMISME DU SECTEUR ASSOCIATIF ET L'INTÉRÊT QUE LUI PORTE LA JEUNESSE

1. Une forte vitalité associative en France

La France se caractérise par une forte vitalité associative. On dénombre en France 1,5 million d'associations, mobilisant entre 16 et 20 millions de bénévoles. Témoin de cette vitalité associative, entre 60 000 et 70 000 associations sont créées chaque année, contre 30 000 dans les années 1980. Leur nombre a augmenté de 2,4 % par an entre 2011 et 2017.

Le secteur associatif, un acteur économique à part entière

Près de 1,8 million d'ETP travaillent dans les associations, soit près d'un salarié du secteur privé sur dix. Avec une hausse moyenne de 0,5 % des effectifs salariés par an entre 2011 et 2017, l'emploi associatif connaît une évolution plus dynamique que l'ensemble de l'emploi salarié privé depuis 2008. Enfin, le budget cumulé des associations représente 113 milliards d'euros, soit 4 % du PIB.

Ainsi, parallèlement à l'économie de marché, le secteur associatif alimente une économie dynamique du service, du lien social et du secteur non lucratif .

De manière générale, la crise du bénévolat constatée au début des années 2000 a été surmontée. L'enjeu est désormais différent : comment enrichir et densifier l'engagement, lui donner du sens et répondre aux nouvelles envies et façons de s'engager de la population française, et notamment des jeunes ?

2. Une jeunesse française engagée

Contrairement aux idées reçues, on constate une envie réelle des jeunes de s'engager.

La sociologue Anne Muxel, auditionnée par la mission d'information, dressait le même constat pour les jeunes : « Le cadre associatif bénéficie d'un capital de confiance et suscite un potentiel d'adhésion nettement plus important que les partis politiques ou les syndicats » 231 ( * ) . Le Haut conseil à la vie associative relevait ainsi en 2016 que « le nombre (de bénévoles) progresse et, fait encourageant, celui des jeunes particulièrement » 232 ( * ) .

Comme l'a rappelé à la mission d'information le secrétaire général de la fédération Léo Lagrange : « si des questions peuvent se poser concernant la hausse de l'abstention, la plupart des études montrent que les jeunes sont engagés. [...] Il serait donc inexact de déduire du taux d'abstention élevé constaté chez les jeunes un désintérêt pour la citoyenneté ou pour l'engagement. On observe une inadéquation entre l'offre et la demande dans le domaine politique, mais ce n'est pas un problème d'engagement . »

La présidente de l'Agence du service civique parle à l'égard des jeunes d'une « soif d'engagement ». D'ailleurs, les chiffres du baromètre 2021 de la DJEPVA (direction de la jeunesse de l'éducation populaire et de la vie associative) sur la jeunesse confirment ce constat : les jeunes de 18 à 30 ans apparaissent comme plus engagés que l'ensemble de la population : 55 % déclarent être adhérents d'une association ou d'un groupe contre 46 % de l'ensemble de la population. Ils y consacrent aussi plus de temps : 50 % donnent de leur temps au moins plusieurs fois par mois, contre 42 % de l'ensemble de la population. En 2021, près d'un jeune sur deux, (48 %) donne bénévolement de son temps au sein d'une association ou d'une autre organisation (parti politique, syndicat,...).

À quelle fréquence donnez-vous bénévolement de votre temps
au sein d'une association ou d'une autre organisation :
parti politique, syndicat, etc. ? (en %)

Source : Injep-Crédoc, Baromètres DJEPVA sur la jeunesse 2016 à 2021. Champ : ensemble des jeunes âgés de 18 à 30 ans.

Fait marquant, la hausse de l'engagement bénévole des jeunes en 2020 et 2021 s'est d'abord faite en direction d'un bénévolat assidu (+ 5 points par rapport à 2019) ou régulier (+ 4 points par rapport à 2019).

Enfin, près de neuf jeunes sur dix sont déjà bénévoles ou envisagent de le devenir.

Quels sont les principaux domaines d'engagement des jeunes en 2021 ?

Le baromètre 2021 de la DJEPVA sur la jeunesse montre que les jeunes s'investissent principalement dans les domaines suivants : sport (31 %), jeunesse et éducation (19 %), culture ou loisirs (17 %), domaine social et solidarité (17 %).

Si l'environnement est le domaine donnant le plus envie aux jeunes de s'engager ou de s'engager plus, il a perdu du terrain cette année au profit de la lutte contre les discriminations.

La pandémie n'a pas accru l'envie de s'engager en faveur de la santé, de la recherche médicale ou de l'aide aux malades (17 % en 2021 contre 16 % en 2020), du domaine social, de la solidarité (14 % en 2021, 13 % en 2020) ou de l'intervention d'urgence en cas de crise (8 % en 2021, 6 % en 2020).

Pour les représentants du Haut conseil à la vie associative, « l'engagement des jeunes est très souvent lié à leur vécu. Ceux d'entre eux qui ont connu des situations de précarité ou de discrimination s'engagent très souvent directement dans la lutte contre celles-ci. A contrario , les jeunes pour lesquels « tout va bien » s'engagent plus fréquemment dans le sport, les loisirs, la culture ». En revanche, « l'environnement est un domaine à part : l'engagement en sa faveur croît chez les jeunes, quel que soit leur parcours » (audition du 30 mars 2022) .

B. DES DÉFIS À RELEVER

1. S'adapter à un engagement aujourd'hui plus flexible, plus court et réversible

Les modalités d'engagement ont évolué : il ressort des auditions menées par la mission d'information que l'on ne s'engage plus pour la vie. Le Haut conseil à la vie associative le soulignait en 2016 : selon certains responsables associatifs, « on serait arrivé à un " zapping " bénévole (...) ne permettant pas de prévoir des plans de développement à long terme » 233 ( * ) .

Ce constat concerne aussi les jeunes, d'après la sociologue Anne Muxel : « l'engagement a changé : il est plus flexible, plus court et à tout moment réversible. Les jeunes générations ne s'engagent plus pour des décennies » 234 ( * ) . France Bénévolat l'a également fait observer lors de son audition : « pendant très longtemps, l'engagement associatif s'incarnait dans de grandes structures, assez monolithiques. Depuis vingt ans, on s'engage surtout pour apporter ses compétences, dans une logique de plus court terme. L'engagement n'est plus "un jour, toujours" » 235 ( * ) .

Cette mutation serait particulièrement sensible chez les jeunes, qui s'engageraient en faveur d'une cause plutôt que dans une structure. Il s'agit d'un engagement concret - par exemple, leur engagement en faveur de l'environnement se traduit par des comportements de consommation ou par la participation au mouvement Fridays for future . Pour les générations plus âgées en revanche, l'engagement s'incarne davantage au sein d'une structure. Selon les représentants du Haut conseil à la vie associative, « les jeunes vont là où ils se sentent le plus utiles. Cet engagement, quoi qu'on en dise, est finalement très politique, et plus sur des changements systémiques que ponctuels » 236 ( * ) .

On observe en outre que les jeunes, parallèlement à leur goût pour l'engagement associatif, semblent parfois plus rétifs à un cadre d'action trop hiérarchique. Les associations doivent en tirer les conséquences et « ne doivent pas offrir un cadre d'action trop enfermant, trop directif ou trop hiérarchisé. Les jeunes veulent conserver une marge de manoeuvre » 237 ( * ) .

Le monde associatif est donc confronté à des attentes nouvelles de la part des bénévoles dont il doit tenir compte et auxquelles il doit s'adapter.

2. L'intergénérationnel

La crise sanitaire a été révélatrice de plusieurs tendances de fond qui traversent le secteur associatif et le bénévolat.

Il s'agit tout d'abord de la prédominance des plus âgés dans les réseaux associatifs. Les derniers chiffres-clés de la vie associative de l'Injep, qui datent de 2019, mettent en avant la proportion importante de seniors.

Taux d'engagement associatif par tranche d'âge

Source : L'évolution de l'engagement bénévole associatif en France, de 2010 à 2019

Un certain nombre d'associations ont vu ces deux dernières années leurs actions difficiles à mettre en oeuvre du fait de l'indisponibilité de leurs bénévoles les plus âgés, personnes à risque face à la pandémie. Toutefois, selon le Haut conseil à la vie associative, « l'afflux de personnes prêtes à s'engager (pendant la crise), les plus jeunes notamment, a pu compenser en partie l'absence de certains » 238 ( * ) . La crise sanitaire a ainsi révélé la nécessité de renforcer les logiques d'intermédiation et d'accompagnement entre anciens et nouveaux bénévoles, afin d'augmenter les capacités d'accueil des associations.

L'enjeu est considérable : dynamiser les associations et continuer à les rendre attractives pour les nouvelles générations. Or nombre d'associations ne sont pas en mesure d'attirer de nouveaux adhérents ou de nouveaux bénévoles car, pour des raisons souvent générationnelles, elles ne sont présentes ni sur Internet ni sur les réseaux sociaux.

L'ouverture des associations à de nouveaux bénévoles, notamment à des jeunes, est donc une condition du maintien du dynamisme du secteur associatif.

Le Sénat 239 ( * ) a déjà insisté sur ce nouveau défi des associations, qui est essentiellement celui de l'intergénérationnel. Or, comme l'a mentionné lors de son audition une représentante du Haut conseil à la vie associative : « des représentants d'associations importantes nous ont indiqué qu'il était difficile pour certains de leurs bénévoles de s'ouvrir aux jeunes » 240 ( * ) . Cette remarque vaut, de manière générale, pour l'accueil de nouveaux bénévoles en raison d'une certaine difficulté à « briser l'entre soi des bénévoles investis de longue date » 241 ( * ) .

De leur côté, les jeunes bénévoles font état d'une inadéquation entre leur disponibilité et les horaires des autres bénévoles, notamment les plus âgés, et semblent ressentir un manque de confiance et d'écoute 242 ( * ) .

Cette problématique a été rappelée à l'occasion des auditions : certaines associations doivent apprendre à s'adapter à ce qu'implique l'accueil de nouveaux bénévoles et à prendre en compte l'évolution des modalités d'engagement actuellement observées (notamment le zapping précédemment évoqué), qui ne concernent pas uniquement la jeunesse.

Ce constat implique une transition qui doit se préparer en amont, au risque de créer un sentiment de frustration chez de nouveaux arrivants et l'incompréhension de bénévoles présents depuis plusieurs années, face à des idées et des façons d'agir auxquelles les membres les plus anciens ne sont pas accoutumés.

C. CONCLUSIONS DE LA MISSION D'INFORMATION POUR PRÉSERVER LE DYNAMISME DU SECTEUR ASSOCIATIF ET VALORISER L'ENGAGEMENT BÉNÉVOLE

1. Deux points de vigilance
a) La formation des bénévoles

La vie associative a besoin de se renouveler, de proposer de nouvelles actions pour attirer de nouveaux membres. De même, la communication est devenue un facteur essentiel de visibilité et de vitalité des associations. Ces activités exigent aujourd'hui des compétences spécifiques (levée de fonds, animation du site internet, organisation d'événements, présence de l'association sur les réseaux sociaux, ...), pour lesquelles toutes les générations n'ont pas la même appétence, comme cela a été mentionné précédemment.

La formation des bénévoles est donc une priorité.

La mission d'information appelle à rendre plus accessible et simple l'accès aux outils qui existent déjà, tels que le volet « formation » du Fonds pour le développement de la vie associative (voir l'encadré ci-après), ou encore les missions des centres de ressources et d'informations des bénévoles 243 ( * ) .

Le volet formation du Fonds pour le développement de la vie associative

En 2020, le volet formation du FDVA a bénéficié de 7,1 millions d'euros au titre de la formation pour l'ensemble des associations, hors associations sportives (pour celles-ci, 5,2 millions d'euros d'aide à la formation des bénévoles sportifs ont été attribués par l'Agence nationale du sport en 2020).

Les sommes destinées au volet formation se sont partagées entre 3,1 millions d'euros pour le fonds national destiné aux têtes de réseau et associations nationales et 4 millions d'euros déconcentrés en faveur d'action complémentaires d'entités locales d'associations nationales ou des actions d'associations locales. Ce financement local est souvent complété par des versements de collectivités locales, principalement de conseils régionaux.

En 2020, 1 799 associations (sur 2 250 demandes, soit un taux d'acceptation de 80 %) ont reçu une subvention pour former 164 226 bénévoles (sur 327 103 bénévoles, soit un taux d'acceptation de 50 %) - 61 366 bénévoles accompagnés au niveau national à travers 4 400 journées de formation et 102 860 bénévoles par les fonds régionaux pour 15 600 journées de formation.

En 2022, le volet formation a été doté de 8,08 millions d'euros.

Source : rapport annuel pour 2020 du Fonds pour le développement de la vie associative et loi de finances pour 2022

La mission d'information note d'ailleurs l'expérimentation, dans les régions Centre-Val de Loire, Hauts-de-France et Nouvelle Aquitaine, d'une préfiguration d'un nouveau schéma d'organisation de l'accompagnement local de la vie associative. Celui-ci doit « rendre l'appui aux associations lisible, visible et accessible, en favorisant la construction d'un réseau multi-acteurs (collectivités, structures porteuses d'une mission de service public, réseaux associatifs, associations, etc.) », selon les informations transmises par la DJEPVA.

b) La valorisation de l'engagement

De nombreux outils existent pour valoriser l'engagement associatif.

Ils demeurent peu utilisés, car souvent mal connus. C'est notamment le cas du compte d'engagement citoyen (CEC) créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Il s'agit d'un nouveau droit à la formation ouvert aux personnes effectuant plus de 200 heures annuelles de bénévolat. 14 millions d'euros ont été alloués au CEC en 2022. Cette somme est à comparer aux 6 millions d'euros effectivement versés en 2021. Interrogée sur ce sujet, la DJEPVA table sur une augmentation de 15 % des bénéficiaires en 2022.

Or beaucoup reste à faire, comme le souligne France Bénévolat : « à ce jour, il ne fonctionne bien que pour les pompiers et autres bénévoles qui ont une affectation directe ; il est quasi impossible aux autres bénévoles de l'utiliser, sauf à être très motivés » . C'est d'autant plus paradoxal que le CEC a été créé initialement pour les bénévoles puis élargi aux volontaires du service civique et aux pompiers. Selon les informations transmises par la DJEPVA, entre 8 000 à 10 000 personnes - seulement - ont activé leur compte engagement citoyen. Ces chiffres sont très faibles au regard du nombre de personnes éligibles. Pour la mission d'information, le principal enjeu est l'accès et la connaissance de leurs droits pour les bénévoles éligibles.

Le compte d'engagement citoyen

Créé en 2016 le compte d'engagement citoyen est un nouveau droit à formation ouvert à partir de 200 heures de bénévolat, quel que soit le statut de l'engagé : étudiant dès 16 ans, actif, retraité.

Huit activités sont actuellement éligibles : les bénévoles associatifs sous condition, les volontaires du service civique, les maîtres d'apprentissage, les sapeurs-pompiers volontaires, certains réservistes opérationnels, ceux de la réserve civique et de réserves thématiques, ainsi que les proches aidant une personne en situation de handicap ou une personne âgée en perte d'autonomie.

Ce droit, plafonné à 720 euros, s'ajoute aux droits de formation acquis au titre de l'activité professionnelle. Les droits acquis au titre du CEC sont financés par les autorités responsables des activités bénévoles et volontaires éligibles : les communes pour la réserve communale, le SDIS pour les pompiers volontaires, l'Agence nationale de la santé publique pour la réserve sanitaire et l'État pour les autres formes d'engagement éligibles.

En 2021, tous les droits acquis par les bénéficiaires du CEC au titre des années 2017 à 2020 ont été affichés dans leur compte formation et peuvent être immédiatement mobilisés.

Sur les 3 192 dossiers validés au 31 mai 2021, 1 334 dossiers concernent des formations non certifiantes et 1 858 dossiers des formations certifiantes. Le permis de conduire est la formation non certifiante la plus demandée.

D'autres dispositifs, comme la validation des acquis de l'expérience, le passeport bénévole ou encore le congé engagement, créé par loi « égalité et citoyenneté » de 2017, permettent de faciliter l'exercice des responsabilités des dirigeants et encadrants bénévoles 244 ( * ) . Or, alors qu'1,3 million de dirigeants et encadrants bénévoles sont éligibles à ce dispositif, il reste très largement méconnu tant d'eux que de leurs employeurs.

Une convention entre le ministère de l'éducation nationale et France Bénévolat a été signée en juin 2018 afin de promouvoir le passeport bénévole 245 ( * ) ainsi que la validation des acquis de l'expérience (VAE). Il s'agit notamment de mieux faire connaître le bénévolat dans le but de susciter des vocations, de sensibiliser les associations à la démarche de la VAE et de mieux prendre en compte les acquis issus de l'action bénévole dans une démarche de certification des compétences. Cette démarche s'inscrit dans la même logique que la délivrance d'un document recensant et mettant en valeur les compétences acquises dans le cadre d'activités bénévoles, comme le « pass bénévole » instauré par le Land de Berlin ou le « passeport du volontaire » mis en place en Autriche (voir l'encadré ci-après).

Exemples étrangers de modalités d'engagement
et de promotion de l'engagement

Le Land de Berlin a instauré le Berliner FreiwilligenPass (pass bénévole berlinois) qui précise les périodes d'engagement du volontaire, la durée hebdomadaire moyenne de bénévolat (au minimum 80 heures réparties sur un an ou qui ont consacré 200 heures à un ou plusieurs projets) et la description des tâches assumées. Les compétences acquises sont également précisées. Ce passeport existe sous trois formes : un passeport pour les adultes bénévoles, un passeport pour les jeunes correspondant aux classes allant du CM1 à la terminale et un passeport spécifique pour le bénévolat dans l'aide aux réfugiés. Le passeport est décerné dans un cadre solennel. Les organisations peuvent organiser elles-mêmes la cérémonie de remise des prix ou inscrire les bénévoles pour la remise qui a lieu deux fois par an à la Mairie de Berlin. Le passeport est alors remis par le ministre du Land en charge de la santé et des affaires sociales et le délégué à l'engagement civique.

En Autriche, environ 2,3 millions de personnes travaillent sans rémunération dans des organisations ou des associations. La loi fédérale sur la promotion du volontariat a créé en 2012 un cadre juridique de soutien au bénévolat. Un passeport autrichien du volontaire, Freiwilligennachweis , a été mis en place. Il recense les compétences acquises par le bénévole. En vertu de l'article 2 de la loi sur le bénévolat (2012), les organisations bénévoles peuvent être soutenues si elles délivrent aux volontaires, à leur demande, dans les six mois suivant la cessation de leur activité, une attestation d'activité concernant la durée et la nature de l'activité ainsi que les compétences acquises dans le cadre de celle-ci.

Source : note de la Division de la Législation comparée du Sénat 246 ( * )

Enfin, comme le service civique, les engagements associatifs peuvent être reconnus dans le cadre des études supérieures et du parcours professionnel. L'article L. 611-9 du code de l'éducation prévoit que les compétences, connaissances et aptitudes ainsi acquises par un étudiant puissent être validées au titre de sa formation 247 ( * ) . En outre, les établissements d'enseignement supérieur sont tenus d'élaborer une politique spécifique visant à développer l'engagement des étudiants au sein des associations (L. 611-10 du code de l'éducation). Enfin, l'article L. 611-11 du même code permet aux étudiants exerçant notamment des responsabilités au sein d'un bureau d'une association de bénéficier d'aménagements dans l'organisation et le déroulement de leurs études et de droits spécifiques, afin de concilier leurs études et leurs engagements.

Or, comme pour le service civique, la valorisation de l'engagement et son soutien dépendent des politiques menées dans ce domaine par chaque établissement d'enseignement supérieur. La mission d'information ne peut que réitérer son appel à prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre pleinement et de manière simple l'application de ces dispositions et de renforcer la communication autour de leur existence.

La mission d'information s'est par ailleurs interrogée sur la création d'un statut du bénévole dans une logique de valorisation de l'engagement. Il lui a semblé au final inopportun de proposer cette création qui ne répond pas aux besoins des bénévoles et interroge la notion même de bénévolat. D'ailleurs, les représentants du secteur associatif, consultés sur ce sujet par la mission d'information, n'y sont pas non plus favorables : le Haut conseil à la vie associative, comme son prédécesseur le Conseil national de la vie associative, se sont toujours prononcés contre : « Accoler « statut » et « bénévole » serait source d'ambiguïté, pour ne pas dire plus. Être bénévole, c'est être libre ; or un statut enfermerait, en quelque sorte, et ne réglerait rien » 248 ( * ) .

2. Mieux accompagner l'évolution de la gouvernance des associations

La prédominance des seniors est marquée chez les présidents d'association. Alors que les plus de 65 ans représentaient 32 % des présidents d'association, cette part est passée à 41 % en 2017 - derniers chiffres disponibles. Cette hausse s'explique par une baisse de la part des présidents d'association âgés de 56 à 64 ans (- 3 points entre 2011 et 2017) et surtout par celle de la tranche d'âge 46-55 ans (- 5 points entre 2011 et 2017). Seulement 7 % des dirigeants d'association avaient moins de 36 ans.

Ce constat pose donc de manière plus générale la question de l'ouverture de la gouvernance aux jeunes.

De manière similaire aux revendications des jeunes élus, qui ne veulent pas être simplement relégués au rôle de « colleurs d'affiche » 249 ( * ) mais disposer de responsabilités, la mission d'information est convaincue que l'attrait pour de jeunes bénévoles - et de manière plus large de nouveaux bénévoles - suppose que ces derniers se voient confier des missions concrètes et des projets valorisants, au-delà des « tâches » pour lesquels ils ont pu, dans un premier temps, être approchés (communication, organisation d'événements...), et qu'une place leur soit faite dans les instances de gouvernance, par exemple au sein du conseil d'administration.

L'encadré ci-après montre comment France Bénévolat aide quelques grands réseaux à ouvrir aux jeunes leurs instances de gouvernance.

Un exemple d'accompagnement d'association pour une meilleure intégration
des jeunes dans les instances de gouvernance
Audition du 30 mars 2022 - France Bénévolat

« S'agissant de la place des jeunes dans la gouvernance des grandes associations, j'accompagne depuis dix ans cinq ou six gros réseaux associatifs - Croix-Rouge, APF France handicap, Familles rurales, Ligue de l'enseignement - pour les aider à offrir davantage de place à des jeunes très actifs, y compris en les intégrant dans leur conseil administration.

Voilà dix ans, aucune de ces associations ne comptait de jeunes dans son conseil d'administration. À ce jour, celui de la Croix Rouge française accueille cinq trentenaires, sur vingt-cinq membres, tandis que celui d'APF France handicap, sur vingt-quatre administrateurs, en compte six, dont un vice-président. Ce qui a permis cette évolution, c'est un travail sur les relations intergénérationnelles et sur la place des jeunes au sein de ces organisations, c'est la volonté de faire bouger les choses. Par exemple, APF France handicap a offert la possibilité de se présenter en binôme pour un poste d'administrateur pour un mandat de six ans ».

Cette ouverture pourrait être encouragée par les nouvelles formes de gouvernance qui existent au sein de certaines associations pour favoriser le partage des mandats, tels que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers) ou le partage de la présidence dans le temps.

Selon France Bénévolat , de telles initiatives sont de nature à favoriser l'implication des jeunes : « quand on a 25 ans, un mandat de six ans n'a pas de sens. En revanche, il est plus facile de se projeter à deux et, si nécessaire, de se mettre en retrait en cas de nécessité - mariage, souci de santé, etc. Nous disposons de témoignages qui confirment la pertinence de cette organisation » . Ces remarques valent naturellement pour les autres générations.

Or il ressort des auditions menées par la mission d'information que les documents administratifs de déclaration d'une association ne sont pas adaptés aux nouveaux modèles de gouvernance évoqués ci-dessus 250 ( * ) .

Dès lors, beaucoup d'associations ne savent pas que de tels modèles d'organisation sont possibles : selon le témoignage de Stéphanie Andrieux du Haut conseil à la vie associative, « parce que le formulaire administratif de déclaration de création d'une association en préfecture comporte des cases à cet effet, beaucoup pensent qu'il faut nécessairement prévoir un président, un trésorier, un secrétaire - à l'exclusion de co-présidence ou co-trésorier » . Et de conclure : « il suffirait tout simplement de mettre à jour ces documents administratifs pour lever certains blocages dans la gouvernance des associations » 251 ( * ) .

La mission d'information recommande donc la prise en compte de ces modes d'organisation dans les formulaires administratifs. Elle tient à le rappeler : la loi de 1901 est très souple et offre toute latitude dans l'organisation de la gouvernance associative.

En conclusion, pour assurer le maintien du dynamisme du secteur associatif et valoriser l'engagement des bénévoles, la mission d'information a identifié les points de vigilance suivants :

- favoriser la formation des bénévoles en renforçant la lisibilité des outils qui existent déjà, comme par exemple le Fonds pour le développement de la vie associative ;

- mieux communiquer sur des dispositifs tels que le compte d'engagement citoyen (CEC), les congés engagement et les dispositifs en faveur de l'engagement étudiant.

Elle recommande en outre une adaptation des formulaires administratifs aux nouvelles pratiques de gouvernance adaptées aux attentes d'un nombre croissant de bénévoles, notamment des jeunes, telles que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers) ou le partage de la présidence dans le temps (présidences tournantes).

Ces mesures, au coût budgétaire limité, peuvent être rapidement mises en place selon la mobilisation des acteurs concernés (ministères, DJEPVA, préfectures, établissements d'enseignement supérieurs). Si elles peuvent sembler modestes au premier abord, elles sont de nature à faire sauter rapidement les verrous et freins à l'engagement associatif et à répondre à de nombreuses demandes exprimées par le secteur associatif depuis plusieurs années.

Recommandation . - Adapter les formulaires administratifs aux nouvelles pratiques de gouvernance des associations, telles que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers)

TROISIÈME PARTIE - REPENSER LES PRATIQUES DÉMOCRATIQUES POUR RAPPROCHER LES CITOYENS DES INSTITUTIONS

L'abstention est plus marquée chez les jeunes électeurs : ce constat, confirmé par la récente élection présidentielle, interroge sur l'avenir de nos pratiques démocratiques.

Face à l'abstention et au vote blanc dont l'ampleur conduit à questionner la légitimité des élus, des aménagements peuvent certes être proposés pour lever certains freins à la participation des électeurs. Le numérique pourrait à terme y contribuer, même si le vote électronique n'est pas pour aujourd'hui. Des procédures de démocratie participative, dans de nombreux territoires, associent le citoyen aux débats avec le soutien des « technologies citoyennes » et constituent des pistes prometteuses au niveau local.

Mais à elles seules, ces évolutions ne sauraient suffire à déclencher l'envie de voter chez les jeunes électeurs. Pour Martial Foucault, directeur du Cevipof, l'expérimentation du vote électronique en Suisse n'a produit qu'un sursaut de participation des jeunes, qui n'a pas perduré. Dans ce pays où le recours à des formes de démocratie directe est fréquent, l'abstention des jeunes n'est pas sensiblement différente de la France 252 ( * ) .

L'importance des enjeux implique une démarche de long terme. Pour la sociologue Anne Muxel, les jeunes ressentent une « absence de confiance » ; ils « réclament davantage de reconnaissance » 253 ( * ) . Les témoignages de jeunes entendus par la mission d'information confirment cette aspiration. Des élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme en ligne du Sénat parlent de la nécessité d'« ouvrir (aux jeunes) la porte des institutions » 254 ( * ) .

Pour la mission d'information, l'intégration des jeunes à la vie démocratique passe par le niveau territorial. De manière naturelle, cette partie conclut donc à la nécessité de faire des jeunes des acteurs à part entière de la vie locale.

I. UNE NÉCESSITÉ : DÉPOUSSIÉRER LE PROCESSUS ÉLECTORAL

La mission d'information estime que la crise de confiance entre citoyens et élus à laquelle notre pays est aujourd'hui confronté exige a minima des mesures pour faciliter les démarches liées au vote, le calendrier électoral propre à notre pays (choix historique du dimanche comme jour d'élection, scrutin « tombant » souvent pendant les congés scolaires du printemps...) conduisant parfois à considérer la participation à l'élection comme une contrainte.

Cette crise doit aussi encourager une réflexion globale pour mieux associer les citoyens aux décisions, en mobilisant l'échelon local qui, la mission d'information en est convaincue, est le plus approprié pour amorcer cette réconciliation de nos concitoyens avec la vie politique, et pour faire de nos jeunes concitoyens des acteurs à part entière de la vie démocratique.

A. ABSTENTION, VOTE BLANC : UNE LÉGITIMITÉ POLITIQUE QUESTIONNÉE

Tant l'ampleur de l'abstention que la proportion de votes blancs posent la question de la légitimité des décisions prises par des candidats considérés comme « mal élus », qui se heurtent désormais à une contestation endémique. « La participation électorale détermine la légitimité politique. À titre indicatif, certains maires de communes importantes ont pu être élus avec moins de 10 % des inscrits lors du dernier scrutin municipal » 255 ( * ) . Comme l'a souligné lors de son audition le professeur Daugeron : « l'un des dangers qui nous guette [...] est que, même avec les voix de 30 % des citoyens, l'élection puisse fonctionner », soulignant la nécessité de mesures destinées à « rétablir le lien entre les citoyens et les institutions » 256 ( * ) .

1. Un développement régulier de l'abstention, plus particulièrement chez les jeunes

Lors des récents scrutins, l'augmentation de l'abstention a atteint des proportions préoccupantes :

- 55,4 % et 58,6 % aux premier et second tours des élections municipales de 2020, il est vrai marquées par la crise sanitaire ;

- 66,7 % et 65,3 % aux premier et second tours des élections départementales de 2021 ;

- 66,6 % et 65,3 % aux premier et second tours des élections régionales de 2021.

Ces élections ont été caractérisées par des niveaux record d'abstention, à tempérer cependant pour les élections municipales, car la crise sanitaire a découragé de nombreux électeurs de participer au scrutin.

En revanche, la participation aux dernières élections au Parlement européen a été marquée par une relative dynamique (50 % en 2019 au lieu de 40 à 43 % entre 2004 et 2014).

Lors de l'élection présidentielle de 2017, l'abstention avait atteint 25,4 % au second tour, une proportion sans précédent à cette date, si l'on excepte le second tour de 1969 (31,1 %) ; elle a encore progressé en 2022 (28 %).

L'abstention peut être « intermittente » lorsqu'elle alterne avec le vote, la décision de participer ou non à l'élection étant fonction de celle-ci. L'abstention peut aussi être systématique, lorsqu'elle reflète une relation à la politique qualifiée par Brice Teinturier de « PRAF attitude » (PRAF pour « plus rien à faire ») 257 ( * ) . En 2017, les abstentionnistes systématiques ont représenté 14% des inscrits, selon l'Insee 258 ( * ) .

L'abstention s'explique aussi par le décalage entre le nombre d'électeurs potentiels et le nombre d'inscrits sur les listes électorales.

Une étude publiée par l'Insee en février 2020 259 ( * ) , évalue la proportion de non-inscrits à 9 %, cette catégorie représentant plus de 4,5 millions de Français ; selon un sondage de décembre 2021 260 ( * ) , 50 % de ces non-inscrits ont moins de 35 ans.

La notion de « mal inscrits » se réfère aux personnes inscrites sur des listes électorales ne relevant pas du ressort de leur domicile, par exemple à la suite d'un déménagement, lorsque la personne n'a pas effectué les démarches de réinscription sur les listes correspondant à son nouveau domicile : « 7,6 millions de Français se trouveraient dans cette situation, sur un total de 48 millions d'électeurs inscrits. Ils ont une propension trois fois plus importante à l'abstention que les citoyens dont le bureau de vote se situe à proximité de leur domicile » 261 ( * ) .

Le total des non-inscrits et des mal-inscrits s'élèverait à 12 millions de personnes environ, ce qui est considérable.

Qu'elle soit intermittente ou systématique, l'abstention s'inscrit dans une évolution du rapport au vote faisant plus de place à la notion de droit, qui implique le droit de ne pas voter, qu'à la notion de devoir.

L'abstention concerne ainsi davantage les jeunes : selon la sociologue Anne Muxel, entendue par la mission d'information, « Quelle que soit l'élection, les jeunes sont toujours plus abstentionnistes, environ dix points de plus en moyenne que le niveau d'abstention mesuré dans l'ensemble du corps électoral ». 85 % des 18-24 ans (contre 89 % pour l'ensemble) ne sont pas inscrits sur les listes.

L'abstention des jeunes tient souvent au fait qu'ils ne se reconnaissent pas dans l'offre politique, comme l'a souligné lors de son audition le directeur du Cevipof : « le désintérêt plus fort des jeunes à l'égard de l'élection présidentielle peut être lié à une question d'offre électorale, à savoir si les candidats sont capables de discuter, de débattre et de formuler des propositions au sujet de ce que les jeunes identifient comme des enjeux prioritaires » 262 ( * ) .

Parmi les 18-29 ans, moins de deux inscrits sur dix auraient participé aux deux tours des élections présidentielle et législatives de 2017 : « À ces âges, le vote intermittent est largement dominant : il concerne six jeunes inscrits sur dix. Ils s'abstiennent aussi systématiquement plus fréquemment que les autres. Les 25-29 ans sont toutefois plus abstentionnistes permanents que les 18-24 ans : 24 % contre 20 % » 263 ( * ) . L'abstention systématique caractériserait davantage les jeunes qui ne sont « ni en emploi, ni en formation, ni étudiants » 264 ( * ) . Actuellement, l'abstention diminue avec l'âge (environ 16 % d'abstentionnistes parmi les 60-69 ans, 12 % chez les 70 ans et plus), les générations plus âgées envisageant plus souvent le vote comme un devoir.

Au total, selon Anne Muxel « c'est approximativement une moitié des jeunes en âge de voter qui se rend régulièrement aux urnes », ce qui signifie que la moitié ne s'y rend pas. Ce chiffre est cohérent avec le fait que « Plus d'un jeune sur deux pensent que les élections ne permettent pas de changer les choses en France » 265 ( * ) .

Bien que l'élection présidentielle soit toujours la plus mobilisatrice, l'abstentionnisme des jeunes en 2017 a atteint 29 % chez les 18-24 ans et 28 % chez les 25-34 ans. En 2022, l'abstention aurait concerné 41 % des 18-24 ans au second tour 266 ( * ) de l'élection présidentielle.

Ces évolutions interrogent l'avenir de notre démocratie, même si l'abstention en France peut être relativisée, si l'on se réfère à certains exemples étrangers : ainsi, Jean-Pierre Gaudin, professeur émérite de sciences politiques, faisait observer que « si la Suisse vote souvent, elle vote souvent très peu, c'est-à-dire que le taux de participation atteint difficilement, en moyenne, les 50 % - souvent, dans les scrutins locaux, il culmine à 25 %. Cela n'empêche pas la démocratie suisse d'être citée en exemple... » 267 ( * ) .

Pour le rapporteur, le fort taux d'abstention des jeunes est un enjeu crucial. Lorsque les jeunes n'ont pas d'espoir, lorsqu'ils pensent que leurs voix ne comptent pas, il est compréhensible qu'ils estiment ne pas avoir de raison de participer aux élections. Il faut donc s'interroger sur ce que les élus ont collectivement raté et tout faire pour retrouver la confiance des jeunes. Cela suppose de ne pas avoir peur de se remettre en question.

2. Un débat récurrent : la reconnaissance du vote blanc

Le vote blanc relève d'un autre rapport au vote. Il est le fait d'électeurs auquel aucun candidat ne convient, mais qui n'envisageraient pas pour autant de ne pas participer au scrutin.

L'assimilation des bulletins blancs aux bulletins nuls lors de la proclamation des résultats a été la règle jusqu'à l'adoption de la loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections 268 ( * ) comme le montre l'encadré ci-après :

Le décompte des bulletins blancs - rappel historique

L'origine de l'assimilation des bulletins blancs et nuls lors des premières élections, au début de la Révolution française, proviendrait du fait que les électeurs devaient alors inscrire eux-mêmes sur le bulletin le nom du candidat pour lequel ils souhaitaient voter ; aussi, un bulletin sans nom - donc blanc - était-il irrégulier au regard des règles électorales en vigueur. Sous la Restauration toutefois, certaines élections comptabilisent le vote blanc comme partie intégrante des suffrages exprimés ». En 1839, sous la monarchie de Juillet, la Chambre des députés renverse finalement cette règle. Depuis cette date, l'assimilation des bulletins blancs et nuls est demeurée une règle constante pour les opérations de vote en France.

Cette règle, malgré son ancienneté, « n'en a pas moins été constamment contestée sous les Républiques successives. Dès 1880, deux députés du Vaucluse, Alfred Naquet et Jean-Baptiste Saint-Martin, présentaient une proposition de loi visant à mettre fin à cette assimilation entre bulletins blancs et nuls. Depuis lors, cette revendication n'a cessé de susciter des propositions de loi ayant le même objet . »

La question des bulletins blancs a donné lieu à de nombreuses initiatives législatives dans les deux assemblées.

Entre 1993 et 2012, on compte plus de 25 propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale pour autoriser un décompte spécifique des bulletins blancs : sept propositions de loi au cours de la X e législature (1993-1997), cinq pour la XI e législature (1997-2002), six sous la XII e législature (2002-2007) et huit pour la XIII e législature (2007-2012). Cinq propositions sénatoriales allant dans le même sens ont été identifiées entre 2000 et 2012, certaines envisageant également de regarder un bulletin blanc comme un suffrage exprimé .

Source : rapport n° 357 (2012-2013) fait au nom de la commission des lois par François Zocchetto sur la proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections.

Depuis la loi de 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections, les bulletins blancs donnent lieu à un décompte différent des bulletins nuls et sont annexés en tant que tels au procès-verbal des résultats 269 ( * ) . Le rapporteur du Sénat, constatant que « la confusion des bulletins blancs et nuls lors du dépouillement d'un scrutin méconnaît la logique différente entre un vote blanc et un vote nul » 270 ( * ) , a plaidé en faveur de l'adoption de ce texte qui s'applique à la plupart des scrutins 271 ( * ) .

Le poids relatif du vote blanc lors des seconds tours des deux dernières élections présidentielles rend compréhensible la frustration d'électeurs dont le vote ne se retrouve pas dans le décompte des suffrages exprimés ni dans le calcul des majorités.

En 2017, on comptait ainsi 3 021 499 bulletins blancs (8,5 % des suffrages) et 1 064 225 nuls, soit plus de 4 millions d'électeurs : leur prise en compte, conjuguée à l'abstention (12 millions d'électeurs), relativisait les résultats du scrutin : en cumulant abstention, vote blanc et bulletins nuls, la majorité absolue (50 %) n'aurait pas été franchie par le candidat élu qui a recueilli les suffrages de 43,63 % du corps électoral français 272 ( * ) .

En 2022, le nombre de bulletins blancs est en diminution, même s'il reste important : 2 233 904 (et 805 249 bulletins nuls). Les bulletins blancs représentent 6,36 % des suffrages, faisant resurgir le débat de 2017 : en tenant compte du vote blanc, le candidat élu aurait réuni non pas 58,5 % des suffrages exprimés mais 54,7 %, et 38,5 % des suffrages si l'on ajoute les bulletins nuls et en tenant compte de l'abstention 273 ( * ) .

L'intégration des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés soulève néanmoins diverses difficultés.

En l'état actuel du droit, la pleine reconnaissance des bulletins blancs se heurterait à un obstacle constitutionnel s'il devait s'appliquer à l'élection présidentielle, puisque l'article 7 de la Constitution prévoit que « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Or, la prise en compte du vote blanc parmi les suffrages exprimés pourrait conduire à la situation qu'aucun candidat n'obtienne la majorité absolue au second tour . En 2014, le rapporteur du Sénat faisait observer que « Si l'absence actuelle de décompte des bulletins blancs empêche de mesurer la probabilité d'un tel cas de figure, l'élection, en 1995, de M. Jacques Chirac et, en 2012, de M. François Hollande avec une majorité absolue de suffrages exprimés mais une majorité relative de votants doit conduire à la prudence. » Le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, publié en décembre 2021, a écarté la possibilité de comptabiliser les votes blancs parmi les scrutins exprimés lors de l'élection présidentielle, considérant que « Le risque d'une impasse est réel, obérant la confiance dans la capacité de notre démocratie à assurer la stabilité des institutions » 274 ( * ) .

De même, la prise en compte des votes blancs parmi les suffrages exprimés présenterait une difficulté pour l'adoption de textes soumis à référendum qui doivent être approuvés à la majorité des suffrages exprimés : un vote blanc équivaut dans ce contexte à un vote contre.

En outre, la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé semble contredire la finalité du vote, qui est d'identifier les candidats bénéficiant du plus large soutien des électeurs, comme l'a fait observer à la mission d'information Bruno Daugeron, professeur des universités en droit public : « le vote blanc est une négation de l'objet du vote et de l'élection. En effet, l'élection vise à désigner une personne et le vote sert à prendre une décision. Considérer comme exprimées les voix de personnes qui refusent la décision me paraît étrange du point de vue juridique, même si cela peut se comprendre du point de vue politique » 275 ( * ) .

Enfin, le rapport précité de l'Assemblée nationale faisait récemment observer qu'une « comptabilisation de l'abstention » devrait avoir pour corollaire « l'instauration du vote obligatoire », ce qui doit être écarté dans un contexte où l'on cherche à susciter l'adhésion et la participation des électeurs, objectif en contradiction avec l'idée de coercition et de sanction 276 ( * ) . Dans cet esprit, interrogée par la mission d'information sur l'hypothèse de seuils minimaux de participation 277 ( * ) ou d'un quorum pour contourner les difficultés susceptibles d'altérer la légitimité de certaines élections 278 ( * ) , le professeur Heitzmann-Patin a estimé lors de son audition que « fixer un seuil de participation en plus du seuil minimal d'inscrits ferait prendre le risque que ceux qui se sont déplacés pour voter voient leur vote annihilé par ceux qui ne l'ont pas fait. On ne peut pas sanctionner ceux qui sont allés voter. Par ailleurs, cela frise la question du vote obligatoire, qui n'est pas du tout dans la culture française » 279 ( * ) , et qu'une telle mesure pourrait être contradictoire avec le droit à l'abstention. « Peut-être pourrions-nous réfléchir à un seuil de participation minimum pour que l'élection puisse être considérée comme acquise », a pour sa part indiqué le professeur Daugeron à la mission d'information 280 ( * ) .

À titre personnel, le rapporteur est favorable à une pleine reconnaissance du vote blanc en tant que suffrage exprimé. Il regrette que l'absence de reconnaissance explicite du vote blanc par le code électoral revienne à placer sur le même plan le vote blanc, le vote nul et l'abstention, qui procèdent de démarches différentes. Une lecture politique du vote blanc devrait donc conduire à rapprocher le « score » des votes blancs du score de chacun des candidats. En ce sens, la proposition de loi relative au statut de l'élu et visant à renforcer les droits et les devoirs des élus et la participation à la vie démocratique 281 ( * ) , dont le rapporteur a pris l'initiative en 2018, proposait, pour toutes les élections, sauf celle du Président de la République et les référendums :

- de modifier l'article L. 65 du code électoral afin que les votes blancs soient « pris en compte pour la détermination des suffrages exprimés » ;

- d'insérer dans le code électoral un nouvel article prévoyant que « Lorsque le plus grand nombre de suffrages exprimés se porte sur les bulletins blancs, il est procédé à un nouveau scrutin dans les conditions définies par un décret en Conseil d'État . » 282 ( * )

B. DEUX FREINS À PRENDRE EN COMPTE POUR DYNAMISER LA PARTICIPATION ÉLECTORALE : L'INFORMATION DE L'ÉLECTEUR ET LES CONTRAINTES MATÉRIELLES LIÉES AU VOTE

Indépendamment des réflexions de fond qu'exige la période actuelle pour réparer un lien distendu entre les citoyens, les institutions et les élus, et indépendamment de la nécessité de garanties renforcées sur l'exemplarité des élus - qui pourrait selon le rapporteur prendre la forme de l'obligation d'un casier vierge - la mission d'information a constaté le poids de freins susceptibles d'affecter l'exercice du droit de vote : l'accès à la propagande électorale et les limites apportées aux procurations, qui imposent aussi une réflexion sur le vote électronique.

1. L'accès à la propagande électorale (professions de foi des candidats)

L'accès à la propagande électorale est une responsabilité majeure de toute démocratie.

La bonne information de l'électeur passe en effet par une connaissance effective des différents programmes politiques proposés par les candidats.

Pour rappel, la loi désigne comme « documents de propagande électorale » les circulaires (aussi appelées « professions de foi ») et les bulletins de vote dont l'envoi et la distribution peuvent être confiés gratuitement par les candidats, binômes ou listes de candidats aux commissions de propagande électorale instituées localement, avant chaque élection.

L'impression de professions de foi sur support « papier » et leur envoi postal soulèvent des difficultés diverses :

- le coût important du dispositif 283 ( * ) , lié au « remboursement de l'impression de la propagande électorale officielle ainsi (que de) sa mise sous pli et à son envoi qui incombent à l'État » 284 ( * ) ;

- son impact environnemental, qui conduit à s'interroger sur la pertinence du maintien dans la durée des documents « papier » ;

- sa capacité à atteindre des jeunes souvent conduits par leurs études à résider loin du domicile familial, ce qui contraint leur prise de connaissance effective des professions de foi « papier » et contribue peut-être, avec d'autres facteurs, à les éloigner des élections ;

- enfin, la sécurité problématique de l'acheminement a été récemment mise en lumière par les dysfonctionnements survenus à l'occasion des dernières élections départementales et régionales 285 ( * ) , auxquels en 2021 les deux assemblées ont consacré des missions d'information 286 ( * ) , la mission constituée par la commission des lois du Sénat 287 ( * ) s'étant dotée des pouvoirs de commission d'enquête. Les défaillances de l'entreprise chargée en 2021 de la distribution des professions de foi et de la propagande électorale se sont traduites par des retards importants, 9 % des électeurs n'ayant, selon le ministère de l'intérieur, reçu aucun document.

Lors de l'élection présidentielle de 2022, une menace de préavis de grève a fourni une nouvelle manifestation de la fragilité du dispositif, de même que des délais trop importants dans l'acheminement (il n'est pas satisfaisant de recevoir ces documents trois jours avant le scrutin, comme cela a été constaté, entre autres exemples, à Paris avant le premier tour de l'élection présidentielle).

Nos collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation appelaient ainsi, en février 2022, à garantir la réception de la propagande électorale une semaine avant le premier tour du scrutin 288 ( * ) .

Les nouvelles technologies pourraient permettre de remédier à ces dysfonctionnements regrettables, à la condition toutefois de trouver un équilibre entre le « tout papier » et le « tout numérique » pour éviter d'exclure les personnes qui, faute d'équipement, de réseau ou de compétences, sont éloignées des nouvelles technologies.

La dématérialisation de la propagande électorale - contributions au débat

La commission des finances du Sénat proposait dès 2015 :

- d'« expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale à l'occasion de l'élection présidentielle de 2017, en informant les électeurs sur les modalités d'accès aux documents de propagande en ligne » ;

- et de « supprimer l'envoi des bulletins de vote au domicile de chaque électeur, qui ne présente qu'une faible utilité » 289 ( * ) .

Elle s'appuyait sur le constat de la « faisabilité technique de la dématérialisation de la propagande » résultant de l'expérimentation « partielle » conduite en 2015 lors des élections départementales dans cinq départements pilotes 290 ( * ) . Elle fondait le choix de l'élection présidentielle pour tenter la dématérialisation de la propagande électorale sur la médiatisation spécifique à cette élection, qui « assure aux candidats une publicité suffisante et par conséquent une large diffusion de leurs idées et de leurs programmes politiques auprès des électeurs » 291 ( * ) , et sur le « nombre limité de candidatures lors de ces élections garantirait un accès aisé aux professions de foi des candidats sur Internet ».

La commission des lois du Sénat faisait néanmoins observer à propos des dysfonctionnements constatés lors de élections de 2021 que « Sur les 3 019 maires ayant répondu à la consultation en ligne lancée par la mission d'information, seuls 608 se déclarent (...) favorables à une telle évolution, soit seulement 20 % d'entre eux ». Elle s'opposait donc « à la dématérialisation intégrale de la propagande électorale, plusieurs fois proposée par les gouvernements successifs » 292 ( * ) .

Si la commission des lois excluait de passer au « tout numérique », elle jugeait néanmoins possible, dans une certaine mesure, la communication numérique de la propagande électorale, au vu de l'existence d'un site ouvert à titre expérimental dans quelques départements par le ministère de l'intérieur lors des élections législatives de 2017 293 ( * ) , dont la loi 294 ( * ) a consacré l'existence en vue des élections départementales et régionales de juin 2021 295 ( * ) . Nos collègues déploraient cependant une insuffisante communication sur ce site internet, demeuré « mal connu », et « longtemps difficilement accessible depuis le site du ministère de l'intérieur », appelant à « informer par tous moyens les électeurs de la publication en ligne des professions de foi des candidats (affichage d'un lien en tête de la page d'accueil du site internet du ministère de l'intérieur, voire des préfectures et des communes, campagne d'information, etc.)

Ils se prononçaient également en faveur d'un envoi numérique de la propagande électorale aux électeurs « qui en feraient la demande expresse », cette option devant toutefois être « révocable à tout moment ». Une telle solution a recueilli l'approbation de 1 827 des 3 019 maires ayant répondu à la consultation de la de la commission des lois, soit 60,5 % d'entre eux.

2. Les contraintes matérielles du vote

Alléger les contraintes matérielles du vote suppose de faciliter les procurations et implique une réflexion sur le vote électronique.

a) Une solution partielle : la double procuration

Les contraintes matérielles rencontrées par l'électeur en amont du scrutin jouent un rôle dans l'abstention, comme on l'a vu précédemment à propos des non-inscrits et « mal inscrits ».

À ce titre, l'inscription automatique sur les listes électorales des citoyens ayant atteint l'âge de la majorité ou de ceux qui viennent d'acquérir la nationalité française 296 ( * ) est un élément important pour faciliter l'accès au vote.

Par ailleurs, le portail en ligne « je déménage », qui centralise les informations nécessaires aux démarches administratives afférentes à un déménagement, comporte un onglet relatif à l'inscription sur les listes électorales ainsi qu'un rappel des dates limites d'inscription concernant les scrutins de 2022, qui constituent autant d'aide-mémoire utiles.

Deux évolutions, entrées en vigueur le 1 er janvier 2022, sont également venues assouplir les règles applicables aux procurations.

La première est issue de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique du 27 décembre 2019 297 ( * ) : elle permet à un électeur de donner procuration à un mandataire inscrit sur la liste électorale d'une autre commune que la sienne (ce qu'on appelle la « déterritorialisation » des procurations). « Les procurations sont désormais centralisées dans le répertoire électoral unique (REU), qui contrôle automatiquement l'inscription du mandant et du mandataire sur une liste électorale, ainsi que le plafond de procurations détenues par ce mandataire, ce qui permet d'éviter des fraudes » 298 ( * ) .

La seconde consiste en l'assouplissement du régime d'établissement des procurations à domicile par un décret du 22 décembre 2021 299 ( * ) .

Ces mesures vont, certes, dans le bon sens mais ne suffisent pas. Le système de double procuration (une personne pouvant recevoir deux procurations), en vigueur jusqu'en 1989 et rétabli que pendant la crise sanitaire 300 ( * ) , est plus satisfaisant. Notre collègue Philippe Bonnecarrère a proposé à juste titre de l'activer pour l'élection présidentielle et pour les législatives de 2022 301 ( * ) .

Les évolutions de l'article L. 73 du code électoral
relatif aux procurations

L'article L. 73 du code électoral dispose que « chaque mandataire ne peut disposer de plus de deux procurations, dont une seule établie en France » , une double procuration étant toutefois possible pour les mandants établis à l'étranger.

Jusqu'au 3 janvier 1989, l'article L. 73 du code électoral fixait à deux le nombre de procurations dont pouvait disposer chaque mandataire, sans indiquer combien d'entre elles pouvaient être établies en France.

Souhaitant réduire le nombre de procurations pour limiter le risque de fraude, le gouvernement avait été à l'initiative de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988, qui a notamment introduit la précision selon laquelle une seule des deux procurations peut être établie en France ; cette rédaction est en vigueur depuis le 4 janvier 1989.

Source : commission des lois du Sénat

b) Le vote électronique, une solution ?

Les auditions conduites par la mission d'information ont montré que le vote électronique, ou vote en ligne, suscite une forte attente et est régulièrement évoqué dans le débat sur l'abstention comme l'un des outils susceptibles d'encourager la participation aux scrutins.

En adéquation avec notre temps, le vote en ligne présente divers avantages :

- faciliter l'organisation matérielle du scrutin en limitant le nombre de personnes nécessaires à son bon déroulement et au décompte des résultats ainsi qu'en supprimant, donc en allégeant, les difficultés imputables à l'organisation de la permanence des bureaux de vote, lourde et parfois complexe à organiser ;

- supprimer la nécessité, pour l'électeur, d'être physiquement présent au bureau de vote le jour du scrutin, et donc contribuer à résoudre les difficultés liées à la distance, améliorant l'accès au vote dans les hôpitaux, les Ehpad et les prisons, comme le faisait observer Robert Badinter en 2021 à la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les ressorts de l'abstention 302 ( * ) et, dans un autre registre, facilitant la conciliation des devoirs du citoyen et de ses projets de déplacement ou de congés ;

- lever la contrainte que constitue le temps d'attente, parfois significatif dans certains bureaux ;

- s'inscrire dans les usages et les pratiques d'une jeunesse généralement « connectée ».

Le « vote par correspondance électronique » 303 ( * ) est d'ailleurs déjà autorisé depuis 2009, sous certaines conditions, pour les élections des députés élus par les Français établis à l'étranger (voir l'encadré infra ), en application de l'article L. 330-13 du code électoral. Il ne s'agit pas du vote via une machine à voter installée dans un bureau de vote, par ailleurs autorisé par l'article L. 57-1 du code électoral, pour « des communes de plus de 3 500 habitants figurant sur une liste arrêtée dans chaque département par le représentant de l'État » .

Vous votez depuis l'étranger

Vous pouvez voter par Internet à condition de respecter les 3 conditions suivantes :

Vous vivez à l'étranger

Vous êtes inscrit sur une liste électorale consulaire

Lors de cette inscription, vous avez indiqué une adresse mail (adresse électronique) et un numéro de téléphone. Ces données sont nécessaires pour vous communiquer un identifiant et un mot de passe.

Vous pouvez voter par Internet lors des élections suivantes :

Les élections législatives, mais vous pouvez préférer vous rendre au bureau de vote, ou voter par correspondance ou par procuration.

L'élection des conseillers des Français de l'étranger, mais vous pouvez préférer vous rendre au bureau de vote ou voter par procuration.

Pour les élections législatives de juin 2022, le vote par Internet est ouvert :

Pour le 1 er tour, du 27 mai 2022 à 12h (heure de Paris) jusqu'au 1 er juin 2022 à 12h (heure de Paris)

Pour le 2 e tour, du 10 juin 2022 à 12h (heure de Paris) jusqu'au 15 juin 2022 à 12h (heure de Paris)

Source : service-public.fr

Entendu par la mission d'information, Gilles Mentré, cofondateur et président d' Electis, association chargée de promouvoir le vote électronique, et par ailleurs conseiller métropolitain de la métropole du Grand Paris, indiquait que « le vote électronique permet de voter de manière à la fois plus fréquente et plus confiante (... Il) permet de répondre à des cas très concrets ; il est directement utile. Les citoyens se mobilisent plus facilement, ce qui redonne de l'oxygène à la démocratie » 304 ( * ) .

Dans cet esprit, la commission des lois avait considéré dès 2003, à propos des élections au Conseil supérieur des Français de l'étranger, que le vote en ligne était de nature à faire « progresser la démocratie en facilitant les démarches de nos compatriotes expatriés et en autorisant l'expérimentation d'une piste prometteuse dans la lutte contre l'abstention » 305 ( * ) . Plus récemment, dans son rapport d'information Le vote à distance, à quelles conditions ? (2020), elle estimait que « sur le plan sociologique, le vote par Internet peut permettre de "réintégrer" certaines catégories de la population au processus électoral et notamment les jeunes ou les citoyens "mal inscrits" » 306 ( * ) .

La commission des lois exprimait toutefois des interrogations quant à la faisabilité technique d'une généralisation du vote par Internet à l'échelle de l'ensemble du territoire 307 ( * ) , observant qu'à ce jour seule l'Estonie recourait aujourd'hui massivement au vote en ligne pour ses élections locales et législatives (pour les élections législatives, la part des votes en ligne est passée de 5,5 % des participants en 2007 à 43,8 % en 2019), en lien avec le fait que depuis 2004, chaque électeur estonien est doté d'une carte d'identité numérique qui permet aussi d'accéder à toute une gamme de services publics (vote, impôts, transports en commun, résultats scolaires des enfants, etc.).

Le succès estonien doit toutefois être relativisé par la dimension du corps électoral de ce pays (1,3 million de personnes), sans commune mesure avec ce qu'impliquerait la numérisation du vote en France.

Nos collègues de la commission des lois relevaient par ailleurs, en 2020, que « dans le reste du monde, le vote par Internet est, au contraire, en recul » ; « la Suisse, qui avait recours au vote électronique depuis le début des années 2000, l'a suspendu afin de revoir ses dispositifs techniques. Des réflexions ont été engagées en Espagne, en Italie ou au Portugal, et des expérimentations ont été menées à grande échelle au Royaume-Uni, mais aucune de ces initiatives n'a abouti à la mise en place d'un vote en ligne ».

Le rapport de la mission d'information du Sénat sur la lutte contre l'illectronisme publié en 2020 faisait observer en revanche que si le vote électronique « demeure l'exception en Europe », « des grandes démocraties extra-européennes, comme le Brésil, l'Inde ou les Philippines, sans évoquer les États-Unis, utilisent le vote électronique pour limiter la fraude électorale et les pressions dans les bureaux de vote et faciliter l'expression des suffrages de populations défavorisées, parfois illettrées » 308 ( * ) .

Par ailleurs, la dématérialisation du vote soulève une autre réserve : l'abandon d'un cérémonial républicain hérité de l'histoire, auquel on peut légitimement être très attaché. Le professeur Bruno Daugeron estimait ainsi lors de son audition : « Le vote par le biais d'une application aurait l'effet extrêmement néfaste de désacraliser et "décérémonialiser" l'acte de vote, alors qu'il s'agit de l'un des rares moments où les citoyens peuvent se retrouver dans un acte qui n'est pas commandé par un intérêt individuel. Si nous individualisons l'acte de voter, ce moment solennel sera supprimé » 309 ( * ) .

S'agissant des contraintes techniques, par ailleurs très réelles, liées au vote électronique, on observe que la dématérialisation est déjà une réalité pour des procédures sensibles ou stratégiques, en matière fiscale ou sociale notamment. Le vote électronique suppose toutefois au préalable, comme le relevait la commission des lois, de résoudre des difficultés majeures : « être en mesure de contrer les cyber-attaques, s'assurer de l'identité et du consentement des électeurs, garantir l'accessibilité du dispositif, prendre acte de l'absence de rituel républicain et assurer la transparence des résultats » 310 ( * ) .

C. PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION POUR DÉPOUSSIÉRER LE PROCESSUS ÉLECTORAL

1. Moderniser l'accès à la propagande électorale (professions de foi des candidats)

Convaincue de la nécessité d'accompagner la dématérialisation progressive des opérations électorales, la mission d'information est favorable à un système mixte permettant aux électeurs qui le souhaitent de recevoir la propagande sous forme électronique, parallèlement au maintien des modalités classiques d'envoi de la propagande électorale dont ne sauraient se passer certains citoyens. La demande de ces électeurs serait d'ailleurs réversible à tout moment 311 ( * ) . Le droit d'option des électeurs, qui éviterait, en tout état de cause, des envois inutiles pourrait être mis en oeuvre, par exemple, à l'occasion d'une réinscription sur les listes électorales, lors d'un déménagement.

Cette formule, qui suppose de modifier les articles L. 165 312 ( * ) et L. 166 313 ( * ) du code électoral, aurait le mérite de diminuer le volume des documents à mettre sous pli et à distribuer et, par conséquent, de réduire le risque de dysfonctionnements, lié en partie à des envois massifs que ne semble plus permettre efficacement notre dispositif de mise sous pli et de routage ou de distribution.

Une telle évolution exige toutefois un effort de communication particulier à l'attention des électeurs, ce qui suppose une campagne d'information ambitieuse sur ces nouvelles modalités de consultation de la propagande électorale.

Recommandation . - Mettre en place un système mixte d'envoi de la propagande électorale (professions de foi des candidats) fondé sur une communication électronique aux électeurs qui le souhaitent, parallèlement au maintien des modalités classiques d'envoi ; organiser une campagne d'information sur ces nouvelles modalités de consultation de la propagande électorale.

2. Prévoir une campagne d'information « grand public » avant chaque scrutin

Un effort de communication s'impose avant chaque scrutin, au-delà de celui qu'imposerait la dématérialisation, même partielle, de la propagande électorale.

Compte tenu de l'ignorance largement répandue du rôle et du fonctionnement des institutions, analysée ci-dessus à propos de l'enseignement moral et civique et qui ne se limite pas à la jeunesse, un effort de communication doit être mené en amont de chaque scrutin afin que tous les électeurs soient capables de mesurer l'enjeu de celui-ci. Pour que ces campagnes d'information atteignent les jeunes, elles doivent recourir à tous les supports qui leur sont naturellement familiers, tels que les réseaux sociaux ou des applications mobiles.

Ces campagnes d'information « grand public » doivent donc rappeler, avant chaque élection :

- le rôle des institutions concernées par le scrutin à venir, ainsi que les modalités de l'élection ;

- les démarches nécessaires à l'inscription sur les listes électorales, afin que les personnes ayant changé de domicile ne se trouvent pas hors délai lors de l'élection.

Recommandation . - Organiser systématiquement, en amont de chaque scrutin, une campagne d'information « grand public », sur tous supports (y compris réseaux sociaux et applications mobiles) pour rappeler le rôle des institutions concernées par le scrutin à venir, ainsi que les modalités de l'élection et les démarches nécessaires à l'inscription sur les listes électorales.

3. Généraliser et pérenniser la double procuration

Afin de faciliter les conditions de participation matérielle des électeurs aux différents scrutins, la mission d'information appelle tout d'abord à modifier l'article L. 73 du code électoral pour généraliser et pérenniser la double procuration, qui peut apporter une solution appréciable dans de nombreuses situations (parents âgés, enfants étudiants établis loin du domicile familial...).

Elle observe que cette mesure a été proposée dans le cadre des nombreux travaux qui, au cours de la période récente, ont porté sur ce sujet 314 ( * ) .

Recommandation . - Généraliser la double procuration pour faciliter les conditions de participation matérielle des électeurs aux différents scrutins.

4. Ouvrir une réflexion sur le vote électronique

Compte tenu de l'importance des obstacles à surmonter, la généralisation du vote électronique n'est pas d'actualité ; son processus ne pourrait être que progressif, notamment pour tenir compte de la fracture numérique, comme cela a été indiqué plus haut à propos de la dématérialisation de la propagande électorale.

Malgré les difficultés que pose le vote en ligne 315 ( * ) , la mission d'information est convaincue qu'il va dans le sens de l'histoire, même s'il ne faut pas attendre du numérique qu'il résolve à lui seul les causes de la distance entre les citoyens et les institutions.

Elle préconise donc :

- d'évaluer le vote électronique en l'expérimentant lors de scrutins locaux, dans les collectivités territoriales qui le souhaitent (le cas échéant, après consultation des électeurs de cette collectivité en amont du scrutin) ;

- la mise en place d'un groupe de travail associant experts, acteurs institutionnels et associations pour ouvrir une réflexion sur le vote en ligne, sur la base du résultat des expérimentations locales.

Recommandation . - Expérimenter le vote électronique lors de scrutins locaux, dans les collectivités territoriales qui le souhaitent ; mettre en place un groupe de travail associant experts, acteurs institutionnels et associations pour ouvrir une réflexion sur le vote en ligne, sur la base du résultat des expérimentations locales.

II. UNE EXIGENCE : MIEUX ASSOCIER LE CITOYEN AUX DÉCISIONS

Les travaux conduits par la mission ont confirmé la nécessité de mieux associer les citoyens aux décisions publiques afin de redonner du souffle à la démocratie et de raviver la confiance dans les institutions.

Comme le relevait en 2017 la mission d'information du Sénat sur la démocratie participative, que le rapporteur a présidée, divers facteurs contribuent à l'appétence de certains citoyens pour la démocratie participative 316 ( * ) :

- le fait que les citoyens soient aujourd'hui mieux formés et informés que par le passé, même si l'excès de données disponibles en ligne, la recherche effrénée de scoops, et le risque de manipulation qui en résulte constituent autant de limites à cette information ;

- la transparence sans précédent de la vie politique permise par le numérique ;

- la volonté de peser davantage dans les décisions, parallèlement à l'érosion du respect dont les « experts » faisaient autrefois l'objet et à la conviction croissante que les pouvoirs publics n'ont pas le monopole de l'intérêt général ;

- l'essor de technologies facilitant l'expression et la mobilisation des citoyens ainsi que leur dialogue avec les pouvoirs publics et favorisant l'implication des citoyens dans des décisions plus inclusives et plus horizontales.

Selon le fondateur de l'association Empreintes citoyennes , qui oeuvre au rapprochement entre les citoyens et les élus, « le fonctionnement de la démocratie représentative (...) semble difficile sans participation citoyenne et sans dialogue citoyen » ; « l'invention du terme de démocratie participative semble naître du constat de la difficulté de faire fonctionner la démocratie représentative et de la distance qui s'est creusée entre représentants et représentés » 317 ( * ) .

La nécessité de mieux associer le citoyen à la décision publique avait été soulevée, entre autres exemples, par un rapport du Conseil d'État de 2011 intitulé Consulter autrement, participer effectivement , qui appelait à la mise en place d'une procédure délibérative dans l'action publique, en amont du pouvoir réglementaire.

Les travaux de la mission d'information ont:

- mis en évidence le rôle crucial des collectivités territoriales dans l'objectif de rapprocher les citoyens et les élus : la commune constitue ainsi, pour le président d' Empreintes citoyennes, « l'espace naturel du citoyen », « le berceau, la colonne vertébrale et la fabrique de la citoyenneté » ; cette vocation doit également s'asseoir sur des « coopérations avec les autres niveaux de territoire » 318 ( * ) ;

- confirmé les constats de la mission d'information sur l'illectronisme, s'agissant de l'intérêt croissant de l'outil numérique dans la vie démocratique 319 ( * ) . Le président de Cap collectif , entendu par la mission, indiquait ainsi avoir lancé « la plateforme Parlement et citoyens afin de montrer qu'il était possible de produire la loi autrement, de sortir de la logique de l'entre soi (et) de l'outiller grâce au numérique » 320 ( * ) .

La mission d'information a par ailleurs constaté la diversité des outils de démocratie participative à la disposition des institutions pour donner de la consistance au dialogue citoyen, et l'intérêt de ces formules pour rapprocher les élus des citoyens.

A. UNE DIVERSITÉ D'OUTILS DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE À LA DISPOSITION DES INSTITUTIONS

Les outils de démocratie participative se sont considérablement développés au cours des dernières décennies et présentent aujourd'hui une remarquable diversité de formules.

1. Démocratie participative, démocratie représentative, de quoi parle-t-on ?

On oppose traditionnellement la démocratie représentative à la démocratie directe. De la démocratie représentative à la démocratie délibérative, variante de la démocratie participative, différents concepts doivent être explicités.

Quelques définitions 321 ( * )

« La démocratie représentative est un système politique dans lequel on reconnaît à une ou plusieurs assemblées restreintes le droit de représenter l'ensemble d'un peuple, d'une nation ou d'une communauté. Elle est le modèle qui s'est progressivement imposé dans le monde occidental à partir de la fin du XVIII e siècle.

La démocratie directe est un régime politique dans lequel les citoyens exercent directement le pouvoir par leur vote, sans l'intermédiaire de représentants, et où les principaux responsables sont tirés au sort ; ses modèles sont, par excellence, l'Athènes des V e et IV e siècles avant Jésus-Christ ou certains cantons suisses d'aujourd'hui, notamment ceux d'Appenzell Rhodes-Intérieures et de Glaris.

Certains systèmes institutionnels combinent des éléments de ces deux modèles.

La démocratie semi-représentative est un régime politique dans lequel le peuple peut, sur l'initiative de ses représentants, exercer directement son pouvoir par le biais du référendum. La démocratie semi-directe va un peu plus loin : elle prévoit soit des référendums d'initiative populaire, c'est-à-dire déclenchés sur l'initiative des citoyens, comme en Suisse ou en Italie, soit des mécanismes de rappel ( recall , en anglais) ou de révocation populaire des élus, comme dans certains États des États-Unis.

Enfin, la démocratie participative , un concept né à la fin des années 1960, s'efforce de surmonter les limites de la démocratie représentative en permettant aux individus d'exprimer leur avis et de peser dans les décisions qui les concernent. Elle confie de nouveaux rôles ou de nouveaux pouvoirs aux citoyens, qu'elle considère par définition comme actifs et bien informés. Certaines de ses modalités la rapprochent d'ailleurs de la démocratie directe ou semi-directe.

L'une des variantes de la démocratie participative est la démocratie délibérative , qui met l'accent sur la participation du public à la phase de délibération précédant ou accompagnant l'élaboration des décisions. La démocratie délibérative cherche à explorer collectivement une question pour faire apparaître des arguments nouveaux ou placer les problèmes sous une autre perspective. Elle vise à diversifier les points de vue pris en compte, et à mieux cerner les rapports de force à l'oeuvre autour d'un choix politique. »

La démocratie représentative repose sur le principe selon lequel le citoyen confie l'exercice de tout ou partie de la souveraineté qu'il détient à des représentants. Elle s'incarne dans l'ensemble des régimes parlementaires contemporains qui peuvent, le cas échéant, recourir également à des mécanismes de démocratie directe, tels que les référendums ou à des procédés de démocratie participative.

La démocratie participative recouvre « tous les mécanismes et démarches qui visent à associer les citoyens ordinaires au processus de décision, de manière directe ou indirecte » selon Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques à l'université Paris 1, entendu par la mission d'information 322 ( * ) . Mais comme l'a relevé lors de son audition Mathilde Heitzmann-Patin, professeur de droit public à l'université du Mans, la distinction entre les deux systèmes peut être plus complexe puisque l'élection, mécanisme de démocratie représentative par excellence, s'appuie déjà sur la participation du citoyen : « décider indirectement en élisant ses représentants, c'est aussi participer » 323 ( * ) .

Pour Jean-Pierre Gaudin, professeur émérite de sciences politiques entendu par la mission d'information, certains exemples étrangers montrent une articulation originale entre la délibération des citoyens et celle des élus ; ils procèdent de démarches « que l'on pourrait qualifier d'« hybrides », de « semi-représentatives » ou de « semi-directes » » . L'exemple du droit d'initiative populaire, développé dans l'encadré ci-dessous, constitue « une formule mixte, sous fort encadrement du pouvoir législatif » 324 ( * ) .

Le droit d'initiative populaire suisse

« La Suisse est plus près de nous que le Brésil, mais son histoire, tant politique qu'institutionnelle, est assez éloignée de la nôtre. On peut difficilement dire que la Suisse soit une démocratie directe, en tout cas pure. Les Landsgemeinden ont disparu, et la consultation systématique préalable aux dépenses budgétaires est marginale. Nous sommes plutôt en présence d'une formule mixte, sous fort encadrement du pouvoir législatif.

« Je laisse de côté le référendum suisse, déjà plusieurs fois commenté, et me concentrerai sur un autre mécanisme, le droit d'initiative populaire, qui combine délibération des représentants et des citoyens et qui existe également au plan local et au plan national.

« (...) Un comité d'initiative doit d'abord être constitué et comporter au moins sept citoyens. En fait, un tel comité est souvent appuyé sur des groupes d'intérêt. En l'espèce, pour les soins infirmiers, la proposition d'initiative a été construite autour d'un syndicat, l' Association suisse des infirmiers . Cette initiative est assez remarquable, parce qu'elle a été approuvée, exceptionnellement, par 61 % des suffrages, avec 65 % de participation. (...)

« (...) J'insiste sur la crédibilité de cette démarche, liée au fait qu'une mise en oeuvre des décisions soutenues par l'initiative et adoptées par le Parlement est déjà prévue : on sait où l'on va, ce qui est décisif.

Deux volets ont déjà été prévus : un volet rapide, (...), se fondant sur un projet de loi déjà préparé par le Gouvernement - je rappelle que ce dernier élu au suffrage universel direct - et un second projet de loi, ultérieur, devant être adopté dans un délai maximum de dix-huit mois (...)

« Le droit d'initiative en Suisse se révèle comme une démarche à dynamique citoyenne, contrairement au référendum d'initiative populaire français. Il s'agit d'abord d'une initiative des citoyens, ratifiée ensuite par le Parlement, et non l'inverse : c'est une dynamique de type bottom-up . Le droit d'initiative peut ainsi créer une articulation étroite entre la délibération citoyenne et la délibération parlementaire, mais avec un encadrement parlementaire significatif, puisqu'en dernière instance c'est le Parlement qui, par un vote positif, accepte le vote populaire de l'initiative. Ce n'est pas décourageant : plus de 200 initiatives nationales et encore plus d'initiatives locales ont été recensées en Suisse ; tout cela est institutionnalisé. »

Source : compte rendu de l'audition du 29 mars 2022, intervention de Jean-Pierre Gaudin, professeur émérite de sciences politiques.

L'exemple du droit d'initiative populaire suisse concourt à démontrer que les mécanismes de démocratie participative mêlent, en réalité, des prérogatives appartenant concurremment aux citoyens et à leurs représentants.

2. Trois niveaux de participation du citoyen à la décision : initiative, consultation et adoption

La participation des citoyens à la décision peut intervenir à différents stades, identifiés lors de son audition par le professeur Heitzmann-Patin à partir de la typologie suivante : le citoyen initie la décision, le citoyen concourt à l'élaboration la décision et, enfin, le citoyen adopte la décision. Dans cette logique, la pétition illustre l'initiative du citoyen, les consultations locales sont l'occasion pour le citoyen de participer à l'élaboration de la décision et, enfin, le référendum fait décider le citoyen 325 ( * ) .

a) La participation à l'initiative : le droit de pétition

Le droit de pétition constitue un exemple d'initiative reconnue au citoyen.

La dernière évolution législative en matière de droit de pétition a été introduite, à l'échelle des collectivités territoriales, par l'article 14 de la loi « 3DS » 326 ( * ) qui a modifié l'article L. 1112-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Le droit de pétition ainsi prévu par le CGCT permet à un dixième des électeurs d'une commune (un cinquième avant l'entrée en vigueur de la loi 3DS) 327 ( * ) de solliciter l'organisation d'une consultation locale sur un thème relevant de la compétence de la collectivité, « la décision d'organiser la consultation (appartenant in fine) à l'assemblée délibérante » de celle-ci 328 ( * ) . Mais il ne conduit pas nécessairement à l'inscription du sujet de la pétition à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante concernée.

Dans une logique similaire, le mécanisme « e -pétitions », qui a été mis en place par le Sénat via son site internet, confie à la conférence des présidents du Sénat le soin d'examiner, dans un délai de six mois, les pétitions ayant atteint le seuil de 100 000 signatures et d'y donner suite selon les procédures appropriées : constitution d'une mission d'information, inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution relevant de l'article 34-1 de la Constitution 329 ( * ) , organisation d'un débat en séance publique ou dépôt d'une proposition de loi inspirée par la pétition. L'encadré ci-après montre la diversité des sujets soumis au Sénat par le biais de ces pétitions.

Cinq exemples de pétitions parmi les soixante-treize ouvertes à signature
sur la plateforme « e-pétitions » du Sénat au 27 avril 2022
330 ( * )

- Non aux thérapies amnésiantes

« Pétition pour un texte de loi rectificatif, visant à supprimer les thérapies par amnésie judiciaire. Des gens ont pu être amnésiés jeunes ou très jeunes. Sans suivi et ont pu aboutir à des dérives comportementales graves, car privés de possibilité de soins. »

- Lutte contre les squatteurs

« Afin de lutter contre les squatteurs de logements, et certains squatteurs invoquant le fait qu'ils ont en toute bonne foi signé un bail avec le propriétaire et payé un dépôt de garantie (en espèces), il serait souhaitable de modifier la loi [...]. »

- Faire évoluer la législation et la réglementation concernant la modification des motos

« L'utilisateur d'un deux-roues motorisé et plus particulièrement le motard veut pouvoir modifier sa moto afin qu'elle soit personnalisée. Il veut effectuer les réparations nécessaires sans pénaliser son budget et dans le respect de la loi. Le motard est soucieux de sa sécurité et de la protection de l'environnement. »

« Une modification de la législation française, qui à l'heure actuelle est proche du néant voire de l'autisme [...]. Une modification des textes permettrait aux motards et bikers de faire réaliser par un professionnel les modifications désirées, dans la limite où elles ne mettent pas en péril la sécurité de ces derniers ni celle des autres usagers de la route. »

- Facture électricité et téléphone en fonction de ce que l'on gagne

« Les fins de mois sont difficiles, l'inflation est galopante, les augmentations de charges sont plus importantes que l'augmentation des salaires, des prestations sociales et des allocations. Je propose de faire une loi ou une règlementation visant à facturer l'électricité, le téléphone et les charges en fonction de ce que l'on gagne comme revenus. »

- Casier judiciaire vierge dans la fonction publique

« Pour que l'accès à la fonction publique ne soit accessible qu'avec un casier judiciaire vierge, président, ministres, députés sénateurs, policiers, enseignants, maires... Avec une rétroactivité pour les personnes déjà en place. »

Source : plateforme e-pétitions du Sénat

b) La participation à l'examen d'une décision : l'exemple des consultations locales

Le droit ouvert au citoyen de participer à l'examen d'un projet de décision recouvre l'ensemble des consultations destinées à éclairer la décision de l'autorité compétente.

Ainsi, l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004 dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, [...] de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » . L'environnement constitue en effet un champ naturel pour l'organisation de telles consultations, avec les infrastructures et l'urbanisme. Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques à l'université de Paris 1, a toutefois estimé lors de son audition 331 ( * ) que l' « on assiste (...) à une régression du droit de participation, notamment en matière environnementale : la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « loi ASAP », a réduit le champ de compétences de la Commission nationale du débat public (CNDP) en élevant le seuil déclenchant sa saisine obligatoire, ainsi que le champ de l'enquête publique » 332 ( * ) .

Commission nationale du débat public

Autorité garante du débat public

« Depuis 25 ans, la CNDP est l'autorité indépendante garante du droit constitutionnel de chacune d'être informé.e et de participer aux décisions ayant un impact sur l'environnement. Le code de l'environnement oblige les décideur.e.s à saisir la CNDP de leurs projets, plans ou programmes qui ont un impact sur l'environnement et présentent de forts enjeux socio-économiques. La CNDP est une instance neutre et indépendante. Elle ne prend pas position sur l'opportunité des projets, plans ou programmes mais éclaire sur leurs conditions de faisabilité au regard des arguments portés par le public. »

Source : rapport annuel 2019 de la CNDP

Les consultations organisées par les collectivités territoriales sont l'exemple le plus commun de consultations populaires, qu'elles soient fondées sur les dispositions ad hoc prévues par le CGCT 333 ( * ) ou sur celles, plus souples, applicables à l'ensemble des administrations sur le fondement des articles L. 131-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.

c) L'adoption de la décision par le citoyen : le référendum

Le référendum consiste à confier directement au citoyen l'adoption d'une décision ou d'une norme. Il constitue donc en quelque sorte l'aboutissement ultime de la démocratie participative.

Cette procédure est inscrite dans la Constitution à plusieurs occurrences 334 ( * ) : dans le domaine législatif (article 11), pour approuver un projet de révision de la Constitution voté dans les mêmes termes par les deux assemblées 335 ( * ) (article 89), pour autoriser la ratification d'un traité relatif à l'Union européenne 336 ( * ) (article 88-5), et depuis 2003 pour permettre aux collectivités territoriales de soumettre à leurs électeurs des projets de délibération ou d'actes relevant de leurs compétences (article 72-1).

S'agissant du mécanisme de référendum d'initiative partagée 337 ( * ) inscrit à l'article 11 de la Constitution à la suite de la réforme du 23 juillet 2018, mais dont la procédure n'a jamais abouti depuis sa mise en oeuvre, Mathilde Heitzmann-Patin, professeur de droit public à l'université du Mans, a fait observer que sa dénomination courante ne reflétait pas la réalité d'une procédure dont « l'initiative est avant tout parlementaire - avec le soutien de citoyens dans un deuxième temps. La nouvelle version qui est proposée par le projet de réforme constitutionnelle n° 2203 ne change pas cette logique : même si les seuils ont été abaissés à un dixième des parlementaires et un million d'électeurs, l'initiative reste aux parlementaires » 338 ( * ) .

B. L'INTÉRÊT DES OUTILS DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE POUR RAPPROCHER LES ÉLUS ET LES CITOYENS AU NIVEAU LOCAL

L'intérêt que présente la démocratie participative pour dynamiser la vie citoyenne, dans la diversité des procédures qui se sont développées au cours de la période récente, est particulièrement éclairant au niveau local.

1. Une grande diversité de dispositifs

Divers outils apparus de manière spontanée au niveau local dans les années 1980, à la faveur de la décentralisation, ont été progressivement institutionnalisés depuis les années 1990, comme le rappelle l'encadré ci-après. La période récente est caractérisée par l'apparition de processus de consultation plus spontanés et moins encadrés.

Exemples d'outils de participation
développés depuis les années 1990
339 ( * )

- Commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL), créées par la loi du 6 février 1992 relative à l'organisation territoriale de la République 340 ( * ) ;

- conseils de développement, formalisés par la loi du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire 341 ( * ) , dite « Voynet », et étendus par la suite ;

- conseils de quartier, institués par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dite « loi Vaillant » ;

- conseils citoyens, issus de l'article 7 de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et prévus dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville ;

- comités d'usagers, librement institués par les collectivités territoriales pour évaluer tel ou tel service public local ;

- enquêtes publiques, en amont de l'élaboration des projets d'infrastructure, dans le cadre d'enquêtes publiques dont le champ d'application s'est élargi notamment avec la loi dite « Bouchardeau » du 12 juillet 1983 ;

- procédures mises en oeuvre avec la Commission nationale du débat public (CNDP), créée par la loi « Barnier » du 2 février 1995 ;

- référendum local 342 ( * ) (ouvert désormais à toutes les collectivités, mais initialement réservées aux communes), consultation des électeurs et pétition ont reçu une consécration constitutionnelle en 2003 ;

- consultation locale (demande d'avis ne liant pas juridiquement la collectivité territoriale qui en a pris l'initiative), parfois initiée par les électeurs eux-mêmes sous certaines conditions ; la décision d'organiser la consultation appartient toutefois à l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale concernée ;

- consultations intercommunales ;

- consultation portant sur la création d'une collectivité territoriale ou la modification de son organisation (article 72-1 de la Constitution) ;

- droit de pétition dans les collectivités territoriales (article 72-1 de la Constitution) pour demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence ;

- dispositifs participatifs moins normés, relevant d'une « co-élaboration » des décisions entre les citoyens et les élus : réunions publiques ou de rue, forums ouverts, sondages et pétitions en ligne ;

- budgets participatifs (processus par lequel les citoyens peuvent décider de l'affectation d'une partie des fonds d'une collectivité territoriale, généralement alloués à des projets d'investissement.

Source : Décider en 2017 : le temps d'une démocratie « coopérative » (rapport d'information n° 556, 2016-2017)

La diversité des mécanismes de démocratie participative souligne la pertinence d'un guide de bonnes pratiques à l'usage des collectivités territoriales.

Le cadre juridique s'imposant aux collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des consultations locales se révèle complexe. Celui que prévoit le code général des collectivités territoriales est strict (l'article L. 1112-17 impose, par exemple, la convocation des électeurs aux urnes 343 ( * ) ). La jurisprudence a reconnu possible pour les collectivités de s'appuyer sur les dispositions, plus souples, de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) 344 ( * ) .

Dès lors que la consultation ne porte pas sur un projet formel de décision, le juge autorise à se fonder sur l'article L. 131-1 du CRPA, qui fixe trois règles : rendre publiques les modalités de la procédure, mettre à disposition des personnes concernées les informations utiles et leur assurer un délai raisonnable pour y participer et veiller à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics.

Cependant, la souplesse du dispositif de l'article L. 131-1 peut être source de difficultés puisque le juge conjugue ces règles avec d'autres obligations s'imposant aux collectivités pour évaluer la légalité des consultations qui lui sont déférées. Dans la décision précitée du Conseil d'État du 19 juillet 2017, il est indiqué, par exemple, que les dispositions de l'article L. 131-1 du CRPA ne font pas obstacle à l'application du principe d'égalité tel qu'il découle, notamment, de l'article L. 100-2 du même code et que ce dispositif ne peut s'appliquer qu'au public tel qu'il est défini par l'article L. 100-3 du CRPA 345 ( * ) .

2. La pertinence de l'échelon local pour dynamiser la participation citoyenne

Force est de constater que le dynamisme de la démocratie participative dépend étroitement de la volonté des élus. Les témoignages adressés à la mission d'information dans le cadre de la consultation qu'elle a effectuée sur la plateforme du Sénat en janvier-février 2022 346 ( * ) le confirment. Les informations transmises par l'Association des départements de France (ADF) soulignent ainsi le dynamisme des départements en matière de consultations locales et de pétitions.

a) Les témoignages d'élus locaux sur la plateforme du Sénat : une nette disparité selon les collectivités en matière de consultation

La mission a interrogé les élus locaux sur les consultations qu'ils ont mises en oeuvre via le questionnaire qui leur était destiné sur la plateforme du Sénat. Il en ressort que 49 % des élus ayant répondu à la consultation menée par la mission d'information sur la plateforme du Sénat déclarent avoir mis en place au moins une consultation au cours des dix dernières années 347 ( * ) .

Lorsque ces consultations ont eu lieu, elles ont généralement porté sur la création d'infrastructures, l'environnement, les sujets culture-sport-jeunesse, le social et l'éducation.

Qu'il s'agisse des modalités de ces consultations, de leur durée ou des moyens qui y sont consacrés, on relève une nette disparité selon les collectivités, comme le montre l'encadré ci-après.

À l'actif des consultations locales, on note une meilleure connaissance des besoins des habitants (elles permettent de prendre la « température générale » de la population), une plus grande acceptabilité des décisions, car ces consultations « (libèrent) la parole » et « (apaisent) les tensions », et une meilleure compréhension des enjeux des décisions.

Des difficultés récurrentes sont néanmoins fréquemment mentionnées : les consultations sont très chronophages pour les organisateurs, ce qui rend difficilement envisageable d'y recourir plus fréquemment, y compris en amont de la prise de décisions importantes ; les méthodes, les outils et le format les plus adaptés font l'objet de questionnements (ainsi, les outils en favorisent la participation des plus jeunes au détriment de celle des personnes plus âgées) ; les élus témoignent de l'écueil que constitue la déception liée à l'absence de prise en compte de toutes les idées proposées par les habitants ( « Il semble parfois difficile d'expliquer qu'en démocratie, la majorité l'emporte ! » ).

Des élus soulignent les limites de l'exercice. Les consultations ne parviennent pas toujours à toucher un public varié : certains élus font le constat d'un intérêt qui « retombe vite » . La participation est souvent faible, ce qui est paradoxal car certaines demandes de consultation émanent parfois des citoyens. Certains élus rencontrent des difficultés pour attirer au-delà d'une « minorité d'opposition » . Plus largement, les élus regrettent le désintérêt des citoyens pour l'action locale et évoquent une « majorité muette [qui] somnole toujours ».

Face à ces écueils, des élus partagent les bonnes pratiques suivantes : varier les outils et les formats pour varier les publics ; mieux expliquer, en amont de la consultation, le processus de décision et les suites qui seront données afin d'éviter toute frustration de la part des citoyens consultés.

Certains élus indiquent avoir organisé des consultations ciblées par tranche d'âge, avec des outils différenciés selon le public ( « sondages papier auprès de la tranche de la population âgée de plus de 65 ans pour la création d'une résidence séniors » et « enquête internet (mails et réseaux sociaux) auprès des jeunes de moins de 18 ans pour recueillir des pistes d'amélioration de l'accueil et de l'accompagnement de la jeunesse sur la commune » ).

Enfin, dans plusieurs collectivités locales, le tirage au sort a permis de constituer des conseils de citoyens appelés à travailler sur différents projets.

Le déroulement des consultations selon les élus locaux :
des modalités et des moyens variables

Des modalités de consultation diverses : réunions publiques (réunions d'échange avec les autorités locales ou de groupes de travail citoyens encadrés, le cas échéant, par des professionnels), questionnaires au format papier (mise à disposition de cahiers d'observations dans les locaux de la mairie, distribution de questionnaires dans les boîtes aux lettres des citoyens) ou en ligne (questionnaires en lignes, plateformes ou applications de consultation, mail adressé aux citoyens) ; plus rarement, recours au vote, physique ou à distance. Deux élus précisent avoir organisé un référendum local dans leur collectivité. D'autres mentionnent l'organisation de visites de la ville ou de l'établissement faisant l'objet d'un projet local en vue de recueillir l'avis des habitants. Certains indiquent aller à la rencontre de leurs citoyens, que ce soit par le porte-à-porte ou la réalisation de « micros-trottoirs ».

Des durées de consultation variables , s'étendant en moyenne sur plusieurs semaines (plusieurs mois quand elles font l'objet, en amont, de réunions publiques d'information et, en aval, de réunions de restitution).

De fortes disparités de moyens selon le type de collectivité : certaines, comme Nanterre ou Grenoble Alpes Métropole, disposent d'une plateforme de consultation en ligne, d'un service informatique ou de personnel dédié aux consultations locales, contrairement aux plus petites collectivités où n'existent pas les moyens humains, financiers ou matériels permettant de mobiliser leurs citoyens via des outils numériques ( « Dans une petite commune (- de 200 habitants) comme la mienne, le matériel est réduit : papier, stylo et PC » ; « pas de moyens numériques suffisants » ), d'où un recours privilégié aux contributions au format papier et aux réunions publiques. Selon certains témoignages, outre son coût modéré, le support papier offre le plus de retours (« récupération et autorisation [de] communication [via l'] adresse mail : 10 % de réponse / papier : 50 % de réponse ») .

b) Outils de participation mis en place par des départements : quelques exemples de bonnes pratiques

Les travaux conduits par la mission d'information confirment l'efficacité et le dynamisme des consultations locales. Ils montrent combien l'échelon territorial est adapté à ces initiatives et soulignent le dynamisme des outils de participation mis en oeuvre par certains départements 348 ( * ) .

En matière de consultation citoyenne , le cas de la Haute-Garonne est cité en exemple puisque, depuis 2015, ce département a multiplié les démarches de ce type dans les domaines de l'insertion et de l'éducation, avec le projet d'amélioration de la mixité sociale dans les collèges, de la mobilité avec la création d'aires de covoiturage ou encore l'environnement avec la consultation autour de la gestion des ressources en eau via « Garon'Amont », qui est « le site du dialogue citoyen sur le projet de territoire Garonne Amont » 349 ( * ) .

D'autres départements se sont également illustrés à travers des consultations citoyennes. L'opération « Penser la Nièvre » a, par exemple, permis de mettre en oeuvre « deux mois de débats, d'échanges et d'ateliers en cours jusqu'en mai 2022 » 350 ( * ) .

L'ADF fait également état de la mise en place de budgets participatifs . Ces mécanismes ont été mis en place dans plus de 18 départements, 40 % concernent l'environnement et les budgets alloués, proportionnés au nombre de participants, vont d'un euro à quarante-cinq euros par personne. L'ADF considère ce dispositif comme « simple d'utilisation et de participation » et qu'il s'agit d'un « outil de pédagogie budgétaire qui permet d'obtenir des résultats concrets à court terme, aussi satisfaisants pour les citoyens, les services que les élus » . L'exemple du Gers est notable puisque ce département y consacre 3 % de son budget d'investissement, depuis 2018, et peut compter sur la participation du quart de sa population

Les départements mettent également en place un certain nombre de plateformes collaboratives en lien avec les politiques publiques qui ont trouvé un nouvel essor avec la crise sanitaire. Certaines ont été créées à cette occasion pour structurer l'entraide au sein de la population puis conservées depuis. Comme l'ADF le rappelle, « au coeur de la crise sanitaire, des plateformes de solidarité en ligne ont vu le jour dans de nombreux Départements pour rompre l'isolement des plus fragiles et épauler ceux sur le front, en facilitant les gestes de solidarité entre les habitants : faire les courses pour ses voisins âgés, coudre des masques, prêter son appartement aux soignants, maintenir le lien avec les personnes isolées. « Mon voisin 06 a du coeur », « Entraide Calvados », « Corrèze Entraide solidaire », « Lozère Entraidons-nous » ... ».

Enfin, la crise a permis de donner une dimension prospective de long terme à la consultation citoyenne, à travers des concertations portant sur l'action et la solidarité sociale, compétence centrale des départements.

L'émergence de concertations citoyennes en matière sociale :

Des exemples d'initiatives départementales

Cette crise a nouvellement ouvert aux concertations citoyennes un domaine jusqu'ici écarté ; celui de l'action et de la solidarité sociale pour préparer « le nouveau monde » :

- « les nouvelles solidarités, j'en parle » dans les Landes en juin 2020 pour analyser la situation économique des habitants, réévaluer et réorienter la politique de solidarité du département, en lien avec un diagnostic départemental porté par les acteurs institutionnels.

- La Seine-et-Marne a créé une plateforme de consultation des citoyens sur les solidarités humaines (2021).

- Consultation numérique mise en place par le département de l'Aude , suivie par un comité issu d'instances participatives, au moment de l'épidémie de Covid-19 afin d'envisager le monde de demain sur plusieurs thèmes (mobilités douces, circuits courts, télétravail, démocratie participative, tourisme).

Source : contribution écrite de l'ADF

3. Les technologies citoyennes : un savoir-faire français à soutenir et valoriser

« Fer de lance d'une démocratie 2.0 » 351 ( * ) , les civic techs (pour civic technology ), ou technologies citoyennes, qui recouvrent les « procédés et plateformes numériques permettant d'améliorer les liens entre les gouvernements et les citoyens » 352 ( * ) , sont devenues des actrices incontournables du jeu démocratique.

Les travaux conduits par la mission d'information ont confirmé l'importance de ces nouveaux outils. Selon Clément Mabi, chercheur et spécialiste du sujet, l'engouement pour les civic tech , apparu après l'élection de Barack Obama aux États-Unis puis importé en France, « repose sur la croyance profonde que les technologies vont permettre de « réparer » la démocratie et de remettre les citoyens au centre du débat. Il s'agit de casser les blocages qui les éloignent de la décision » 353 ( * ) .

Cette analyse est corroborée par le représentant de Change.org, qui indique avoir pour mission de « permettre à toute personne de s'exprimer, d'agir pour changer les choses. Pour ce faire, nous mettons à disposition des citoyens une plateforme technologique, accessible et ouverte pour lancer une pétition assez facilement [...] la notion d' empowerment est au coeur de notre mission. Il s'agit de donner aux citoyens non seulement des outils et des connaissances, mais aussi la confiance nécessaire pour prendre la parole dans la sphère publique et porter ses idées » 354 ( * ) .

Pour le cofondateur et président de Civicpower : « La crise de confiance des citoyens envers le politique est à l'origine de la création de Civicpower . [...] Nous cherchons à résoudre cette crise de confiance en nous appuyant sur la technologie de la blockchain , qui vise à structurer la donnée pour l'empêcher d'être modifiée et à la distribuer sur plusieurs serveurs, que nous ne maîtrisons pas » 355 ( * ) .

D'autres démarches se centrent sur l'amélioration de l'information du citoyen au travers des outils numériques afin de le rapprocher des institutions. C'est notamment le cas de l'application Noslois, qui informe ses utilisateurs des projets et propositions de loi examinés par les deux chambres du Parlement, et de l'association Parlement et citoyens , dédiée à une « méthode collaborative d'élaboration des lois ». À cet égard, selon le porte-parole de Civicpower « les citoyens sont à la recherche d'informations plus factuelles, plus régulières, qu'ils ne trouvent pas sur les réseaux sociaux. Il s'agit de créer le ciment de la confiance en établissant un lien, un contact, avec le travail du Parlement. En s'informant, on peut aussi s'impliquer et faire connaître son avis aux parlementaires. C'est de cette manière qu'on peut ramener les citoyens vers la chose publique et combler le déficit démocratique » 356 ( * ) .

Aujourd'hui, les civic techs ont toute leur place dans le paysage institutionnel ; elles parviennent à une phase de maturité que Clément Mabi appelle le « temps du réalisme » . La question n'est donc plus de savoir si les civic techs doivent exister, mais comment les utiliser correctement ; d'ailleurs « les politiques commencent aussi à mieux comprendre les forces et les faiblesses de ces outils » 357 ( * ) .

La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) a conduit des travaux pour répondre aux enjeux fondamentaux posés par les civic techs afin que leur développement vienne « assoir (leur) légitimité et aider à réformer durablement les institutions et le processus démocratiques » 358 ( * ) . Ces travaux soulèvent des problématiques exogènes relatives à l'écosystème numérique, tel que la réduction de la fracture numérique ou la protection des données personnelles, ou des enjeux plus spécifiques aux civic tech , et plus particulièrement leur articulation avec les institutions et les autres acteurs de la vie démocratique, pour éviter l' « ubérisation » de la démocratie ou « l'écueil d'une démocratie numérique froide et décentralisée » 359 ( * ) .

Malgré ces interrogations, force est de constater que les civic tech françaises forment aujourd'hui un pôle d'excellence reconnu, comme l'indique le président de Cap collectif : « La France dispose d'une filière d'excellence, à la pointe de l'innovation. Beaucoup des formats de participation en ligne que nous avons créés sont devenus des normes et des standards » 360 ( * ) .

C. OBSERVATIONS DE LA MISSION D'INFORMATION SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PARTICIPATION CITOYENNE

Deux points de vigilance ont été identifiés par la mission d'information pour développer la participation citoyenne. Ils concernent le statut et le financement des civic tech d'une part, et le recours au référendum d'autre part.

1. Clarifier le statut et le financement des civic techs

S'agissant de l'avenir des civic techs , la mission d'information estime souhaitable que leur statut juridique soit clarifié et leur financement consolidé.

Sur le plan juridique, si les civic tech françaises constituent un milieu très dynamique, force est de constater qu'elles cherchent encore leur identité, oscillant entre un modèle « militant » structuré autour d'associations et un modèle entrepreneurial plus à même de remporter les appels d'offres de collectivités territoriales, dont les marchés publics semblent constituer une part significative des débouchés qui s'offrent aux civic tech .

Du reste, certains acteurs des civic tech ont d'abord choisi le cadre associatif avant de se tourner vers l'entreprise, comme Cyril Lage, qui après l'expérience de l'association Démocratie ouverte a « décidé de créer [une] start-up faute de pouvoir faire vivre un modèle associatif » 361 ( * ) . Julien Goupil, fondateur d' Empreintes citoyennes , a fait le chemin inverse : « dans un premier temps, j'ai fondé l'agence de communication citoyenne Proxité pour aller vers les élus et les collectivités territoriales afin d'installer ce nouveau rapport aux citoyens. Mais créer une agence de communication suppose par exemple de répondre à des appels d'offres et de rédiger des cahiers des charges, ce qui ne permet pas la liberté de parole » 362 ( * ) . L'association est donc venue dans un second temps.

Les deux modèles, associatif et entrepreneurial, procèdent d'avantages et de finalités propres. Toutefois, l'heure semble venue d'une distinction plus rigoureuse entre les structures « militantes » destinées à renforcer la participation des citoyens par les outils numériques et les structures proposant des prestations aux secteurs public et privé pour mettre en place des outils de participation.

Cette clarification paraît de surcroît cohérente avec le principe de neutralité qui devrait s'imposer aux titulaires de marchés publics 363 ( * ) .

S'agissant du financement des technologies citoyennes, la place significative qu'elles tendent à occuper dans le débat démocratique invite à s'interroger sur leur mode de financement. La mission d'information a constaté que les acteurs des civic techs étaient sensibilisés à cet enjeu.

Le cofondateur et président de Civicpower indiquait par exemple s'attacher à une capitalisation privée française « nous avons pu réaliser, l'an dernier, un crowdfunding citoyen auprès de 4 000 personnes - de nationalité française à 90 % - pour un montant de 4 millions d'euros pour financer une machine à voter. (...) Il s'agit de créer une technologie française, open source et autofinancée, c'est-à-dire sans aucune dépendance à l'égard d'une société américaine ou de capitaux extérieurs, et qui pourrait être utilisée, à terme, par l'État » 364 ( * ) .

Le président de Cap collectif a pour sa part insisté sur la nécessité d'un capital public pour soustraire les civic techs à d'éventuelles influences extérieures : « Nous sommes financés par du capital public, à travers la Caisse des dépôts et consignations ; c'est important, car il ne faudrait pas que cela passe aux mains du capital privé » 365 ( * ) .

La mission d'information plaide donc pour la mise en place de canaux de financement permettant, d'une part, de garantir le développement des civic tech françaises et, d'autre part, de protéger le secteur d'influences étrangères, l'enjeu étant de de garantir la sécurité des décisions publiques susceptibles d'être prises à l'appui des technologies citoyennes.

2. « Dédramatiser » le recours au référendum

Le référendum n'a, au niveau national, été utilisé qu'à dix reprises sous la V e République 366 ( * ) (deux fois seulement au cours des trente dernières années). Un héritage historique spécifique et le risque de confusion entre la question posée au corps électoral et l'autorité qui la pose 367 ( * ) , depuis les précédents de 1969 et de 2005, expliquent une telle réticence à mobiliser cette procédure qui concerne aussi le référendum d'initiative partagée créé en 2008.

Redonner la parole au peuple par le biais du référendum faisait partie des revendications des gilets jaunes, même si cette demande s'est incarnée dans des dispositifs distincts de ceux que prévoit la Constitution : le « référendum populaire », consistant à rendre obligatoire la discussion par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi ayant recueilli 700 000 signatures, et le « référendum d'initiative citoyenne », permettant de « supprimer une loi injuste » et de « révoquer le mandat d'un représentant » 368 ( * ) .

Sans aller aussi loin, il est probable qu'un recours régulier au référendum pourrait contribuer à restaurer le lien entre les citoyens et des institutions : une telle évolution suppose de « dédramatiser » l'usage du référendum pour lui rendre sa fonction initiale d'instrument de démocratie directe.

Cette évolution passe, comme ce rapport l'a souligné à plusieurs reprises, par l' échelon local , indispensable au dynamisme de notre démocratie. Il est donc important que les collectivités territoriales puissent s'approprier le référendum local inscrit dans la Constitution depuis 2003, afin d'y recourir plus largement sur des questions précises et concrètes, ce qui permettra à terme de « banaliser » cette démarche, de conduire à une pratique apaisée du référendum à l'échelle nationale et d'instaurer une nouvelle culture politique.

Encore faut-il maîtriser les outils numériques susceptibles de prendre une place croissante dans la démocratie participative, plus particulièrement au niveau local.

Or, les travaux conduits par la mission d'information montrent que l'univers institutionnel et le monde des civic tech ne partagent pas toujours le même langage. Les acteurs de civic tech possèdent, pour leur part, une connaissance très poussée de l'univers numérique qu'ils ont mise au service de leurs convictions de citoyen pour permettre une meilleure association de tous aux débats et aux décisions. Toutefois, la question de l'efficacité des outils mis en place semble essentiellement quantitative et ne tient pas compte des questions juridiques que pose l'intervention de mécanismes de démocratie directe dans un système essentiellement fondé sur la démocratie représentative.

De leur côté, les acteurs institutionnels traditionnels ne perçoivent probablement pas les changements de paradigmes qui pourraient résulter de l'usage des nouvelles technologies. Gilles Mentré, cofondateur et président d' Electis , le soulignait à juste titre : « le vote en ligne permettrait d'autres modalités de vote, telles que le jugement majoritaire ou le vote préférentiel, entre autres. Nos systèmes démocratiques n'ont pas bougé en deux cents ans. Il faut expérimenter ! »

Afin d'explorer les opportunités permises par le numérique pour dynamiser la vie démocratique locale et, à terme, nationale, la mission d'information estime qu'un travail prospectif doit être conduit selon un format rassemblant, aux côtés des pouvoirs publics, l'ensemble des acteurs de la démocratie participative : associations d'élus, associations citoyennes, représentants des civic tech , experts et représentants des formations politiques.

Pour le rapporteur, quels que soient les outils déployés, il faut insister sur les fondamentaux qui doivent préexister à toute démarche de démocratie participative : la sincérité et le respect.

La démocratie participative ne doit pas être une stratégie de communication comme peut l'être aujourd'hui, dans certains cas, le green washing .

Concernant cette partie, le rapporteur est convaincu de la nécessité de réformer les méthodes de gouvernance en intégrant les citoyens en amont de la décision, avec pour méthode : poser et expliquer la problématique, les enjeux, le contexte, les parties prenantes, étudier les impacts. Puis lorsque l'on déploie le projet, l'évaluer au terme d'une période donnée.

Penser que les élus ont un blanc-seing pendant toute la durée du mandat est une erreur, qui conduit à l'abstention et à la défiance.

III. UN IMPÉRATIF : MOBILISER L'ÉCHELON LOCAL POUR FAIRE DES JEUNES DES ACTEURS À PART ENTIÈRE DE LA VIE DÉMOCRATIQUE

Les travaux de la mission d'information ont confirmé l' engagement des collectivités territoriales à l'égard des jeunes citoyens et la diversité des bonnes pratiques locales à encourager dans cette perspective.

Parmi les outils susceptibles de susciter des vocations de citoyens actifs, la mission d'information a été convaincue de l'intérêt que pourraient présenter les conseils de jeunes si le rôle de ceux-ci était renforcé. Elle a également apprécié l'intérêt de l'implication des jeunes dans la politique mémorielle, qui constitue aujourd'hui un enjeu local important.

Enfin, elle a entendu les témoignages de jeunes élus demandeurs de responsabilités, faisant sienne la remarque de l'un d'eux : « Nous ne sommes pas l'avenir, nous sommes le présent » 369 ( * ) , qui appelle à améliorer leur accès aux mandats.

A. COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET JEUNES CITOYENS : DES EXEMPLES À ENCOURAGER

1. Les journées citoyennes : un vecteur de lien intergénérationnel

Parmi les initiatives des collectivités territoriales contribuant à promouvoir la citoyenneté, les journées citoyennes occupent une place importante, notamment en tant que vecteur emblématique de lien social et de rapprochement entre les générations.

Entendu par la mission, Fabian Jordan, maire de Berrwiller et président de Mulhouse Alsace Agglomération, qui est à l'origine des « journées citoyennes », indiquait que sa démarche était motivée par le souhait que les citoyens de sa commune, de toutes les générations, « deviennent acteurs, et non simples consommateurs de la vie publique » et qu'il avait voulu « impulser quelque chose de différent (afin) que tout le monde puisse se sentir impliqué » 370 ( * ) .

Les journées citoyennes d'après Fabian Jordan, maire de Berrwiller 371 ( * )

« Je n'avais pas exercé de mandat avant d'être élu, je n'avais aucune expérience politique et ne savais pas comment gérer une commune, mais je voulais que mes citoyens deviennent acteurs, et non simples consommateurs de la vie publique. Je voulais impulser quelque chose de différent et que tout le monde puisse se sentir impliqué. La clé de la réussite réside à mes yeux dans la proximité, la confiance et l'exemplarité des élus, ainsi que dans leur capacité à fédérer l'énergie positive de leurs administrés. Je suis également convaincu que le monde associatif constitue un potentiel important de la dynamique collective que je souhaitais encourager.

L'idée de la journée citoyenne est simple : vous, citoyens, avez envie de faire quelque chose et nous, élus, sommes présents pour accompagner vos initiatives. Très vite, une dynamique de solidarité et de fraternité s'est mise en place, et d'innombrables initiatives ont fleuri. Nous avons constaté des exemples de cette fraternité pendant la crise sanitaire, avec la fabrication de masques par exemple. Ces journées suscitent une fierté, un sentiment d'appartenance important pour tous les citoyens, mais plus encore pour les jeunes.

La première journée citoyenne a eu lieu en 2008 dans ma commune. C'est ensuite à travers l'Observatoire national de l'action sociale (ODAS) et l'Agence des pratiques et initiatives locales (Apriles) que j'ai développé la journée citoyenne à travers la France pendant près de dix ans. Nous avons créé un réseau d'ambassadeurs régionaux et nous nous appuyons aussi sur de grands partenaires économiques comme EDF, La Banque Postale, la Fondation SNCF ou la Mutualité sociale agricole.

Aujourd'hui, 3 000 communes françaises organisent une journée citoyenne, mais il n'y en a pas deux qui se ressemblent. Des collèges, des lycées, des musées, des établissements pour personnes âgées, divers établissements publics et des entreprises organisent aussi des journées citoyennes. L'objectif est d'être actifs ensemble, de construire quelque chose ensemble.

Parmi les initiatives prises lors de ces journées, on peut citer l'entretien et la rénovation du mobilier et des équipements publics, des chemins communaux, des aires de jeux, des espaces verts, la création de jardins partagés, mais aussi l'organisation d'un spectacle, l'aménagement d'un espace d'expression artistique, la mise en oeuvre d'un projet intergénérationnel (emmener les personnes âgées au cinéma, par exemple), la sensibilisation de la jeunesse à la biodiversité, à la préservation de l'environnement, à la propreté ou au civisme. La rénovation d'un abribus, que les jeunes de ma commune souhaitaient moderniser, me vient à l'esprit. Ce projet a été mené avec des artisans du village, heureux de partager leurs compétences avec les collégiens. Cet abribus n'est plus anonyme, les gens se le sont approprié.

À fin de la journée, tout le monde est heureux, ce qui est quand même assez exceptionnel ! Généralement, quand les gens viennent en mairie, c'est pour nous dire tout ce qui ne va pas, et là, ils viennent nous remercier, alors même qu'ils se sont engagés.

Ces journées permettent aussi d'intégrer les nouvelles populations, dans une démarche de partage et de construction. Dans ma petite commune, j'ai par ailleurs pris l'initiative de rencontrer individuellement tous les nouveaux habitants pour leur souhaiter la bienvenue, de leur présenter le village, ses associations, ses commerces et ses producteurs, car il est important que chacun se sente chez soi et qu'il s'approprie son espace public. Aujourd'hui, 80 % des 366 communes du Haut-Rhin organisent des journées citoyennes. »

Afin d'apprécier concrètement la teneur des journées citoyennes, une délégation de la mission s'est rendue à Soulaire-et-Bourg, commune de 1 531 habitants de Maine-et-Loire, qui organise de tels événements depuis 2017 372 ( * ) .

L'organisation de la journée citoyenne débute par une phase d'appel à projets durant laquelle les habitants de la commune soumettent des travaux ou des actions qu'ils aimeraient voir réalisés lors de cette journée, tels que la construction de nids à cigognes ou des boîtes à insectes ou la réfection des garde-corps du stade municipal. Les travaux sélectionnés sont alors mis en oeuvre lors de la journée citoyenne par l'ensemble des acteurs en fonction de leurs capacités et de leurs expertises propres.

Comme l'indiquait son maire lors de ce déplacement, le principe des journées citoyennes est dérivé de la devise de la République. Liberté : chacun est libre de participer ou non ; Égalité : tout le monde occupe une place égale dans l'organisation ; Fraternité : le déroulement s'effectue dans une ambiance fraternelle, notamment nourrie par les échanges intergénérationnels.

Ce témoignage d'un jeune citoyen confirme l'intérêt du rapprochement entre les générations, dimension importante des journées citoyennes : « La journée citoyenne permet de retrouver des personnes de générations différentes. On travaille beaucoup, mais c'est pour le bon fonctionnement du village et dans une ambiance de travail très sympathique » 373 ( * ) .

Présentation des journées citoyennes
par l'Agence des pratiques et initiatives locales ( Apriles )

Afin d'encourager la création de liens au sein de la population, un peu partout en France chaque année, des habitants consacrent bénévolement une journée à leur commune pour réaliser ensemble des projets qu'ils ont eux-mêmes proposés. Cela peut aller de chantiers d'amélioration du cadre de vie, de rénovation d'équipements, de valorisation de l'histoire et du patrimoine à des projets associatifs, culturels, éducatifs ou tout simplement ludiques. Il s'agit de faire ensemble pour mieux vivre ensemble en permettant à chaque habitant volontaire, quels que soient son âge, son sexe, ses origines ou ses aptitudes, de devenir acteur pour sa collectivité. Les communes se placent alors dans un rôle d'accompagnateur des initiatives citoyennes en mobilisant et en mettant en synergie tous les acteurs de leur territoire (habitants, élus, agents, acteurs associatifs, acteurs économiques...), en créant les conditions de leur coopération, de la construction à la finalisation des projets. Une approche ascendante de l'action publique qui favorise la citoyenneté active et le vivre ensemble.

Source : Fiche La Journée Citoyenne : faire ensemble pour mieux vivre ensemble, éditée par l'Apriles

L'Observatoire national de l'action sociale (Odas) 374 ( * ) , créé en 1990 pour analyser l'action des collectivités locales et des institutions territoriales en matière de cohésion sociale, a progressivement inscrit la citoyenneté au coeur de ses missions. Convaincu de la nécessité de dynamiser les liens sociaux et de consolider le vivre ensemble et partant du principe que les élus locaux - plus particulièrement les maires - sont les mieux placés pour soutenir le développement de la citoyenneté , cet organisme est devenu un acteur majeur des journées citoyennes. Il appelle ainsi à une « mobilisation sans précédent » pour qu'une synergie entre élus locaux et responsables associatifs aboutisse en octobre 2022, dans un contexte marqué par les « graves incertitudes économiques et sociales » liées aux crises sanitaire et environnementale actuelles, à une « journée nationale de la citoyenneté et de la fraternité », déclinée du concept de journée citoyenne, autour d'« actions collectives ouvertes à tous les habitants, quelles que soient leurs cultures, leurs origines, leurs générations ». L'objectif est de faire vivre le « terreau de la fraternité dans chaque territoire » 375 ( * ) .

Dans un esprit comparable à celui des journées citoyennes, tendant à créer un lien de proximité entre les habitants d'une même commune, le maire de Soulaire-et-Bourg a indiqué à la mission d'information, lors du déplacement dans le Maine-et-Loire, prendre régulièrement l'attache de chaque nouvel habitant de sa commune pour se présenter et présenter le tissu associatif et les infrastructures de la commune.

2. Dispositifs destinés aux jeunes citoyens

Les collectivités territoriales ont mis en place des dispositifs ciblant en particulier les jeunes afin de les inciter à un engagement citoyen . Certains sont accompagnés de contreparties matérielles. C'est notamment le cas du dispositif Gagne ton argent de poche qui offre la possibilité à des jeunes âgés de 16 à 18 ans d'effectuer des petits chantiers de proximité en contrepartie d'une indemnisation 376 ( * ) . Selon le site de la Caisse d'allocations familiales, qui accompagne ce dispositif, il s'agit notamment de valoriser l'engagement des jeunes et leur participation à la vie de la cité, de contribuer à l'insertion sociale, de transmettre les valeurs de la République et de permettre aux jeunes ne prendre des initiatives.

Le dispositif « tremplin » mis en place par le département de l'Essonne répond à des finalités comparables . À destination des jeunes du département de 16 à 25 ans, il consiste à leur attribuer une aide financière pour différents projets (permis de conduire, frais d'inscription, logement, ou frais de santé) en contrepartie de 40 heures d'engagement citoyen auprès d'une association ou d'une collectivité territoriale 377 ( * ) . L'aide s'élève à 400 euros par projet et peut atteindre 800 euros par jeune, entre ses 16 et ses 25 ans. Une des conditions est que le jeune assume un reste à charge de 10 % sur le coût de son projet.

Indépendamment de toute compensation financière, le « passeport civique », lancé par la Vendée en 2021 et, plus récemment, par le département de l'Orne, a pour objet d'offrir la possibilité aux élèves de CM2 et aux collégiens, sur la base du volontariat, de cultiver le vivre-ensemble et l'engagement citoyen à travers des actions concrètes autour du patrimoine, de l'environnement ou de la solidarité 378 ( * ) . Le passeport Vendée civisme concerne ainsi, pour la deuxième édition (2021-2022), des « actions au service de la citoyenneté et de la mémoire ». Selon le site du département de la Vendée, les communes ont la possibilité, en fin d'année scolaire, de remettre une médaille ou un diplôme aux élèves pour matérialiser et valoriser leur action. Le passeport civique est labellisé par le ministère des sports et de la jeunesse.

En outre, certaines communes organisent des cérémonies de remise des cartes électorales aux nouveaux électeurs afin de conférer une certaine solennité à ce moment important de la vie d'un citoyen. Ces cérémonies sont prévues par le code électoral, dont l'article R. 24 dispose que « la carte électorale des personnes inscrites sur les listes électorales de la commune qui ont atteint l'âge de dix-huit ans depuis le 1 er mars de l'année précédente leur est remise lors d'une cérémonie de citoyenneté », et précise que cette cérémonie est organisée « dans un délai de trois mois à compter du 1 er janvier de chaque année », sauf pendant la campagne d'une élection qui concerne tout ou partie de la commune. Ces cérémonies sont un véritable vecteur de valorisation de la citoyenneté.

Les élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat ont été nombreux à plébisciter ces cérémonies citoyennes , dont l'intérêt pour « rapprocher les citoyens de l'échelon municipal » a été régulièrement relevé, comme le montre l'encadré ci-après.

Bonnes pratiques des élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat pour « rapprocher les citoyens de l'échelon municipal »

Parallèlement aux propositions formulées afin de mieux impliquer les jeunes dans la vie locale, les élus consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat ont partagé diverses bonnes pratiques pour « rapprocher les citoyens de l'échelon municipal ».

Ces bonnes pratiques concernent tout d'abord les futurs citoyens , pendant leur scolarité , et visent :

- l'association des jeunes aux temps forts de la vie locale que sont les inaugurations et les cérémonies mémorielles ;

- l'accueil de collégiens de classe de troisième « en stage d'observation à la mairie » ;

- l'obligation d'« effectuer au moins un stage de citoyenneté dans le cadre scolaire au sein des collectivités locales » ;

- enfin, la généralisation des « cérémonies citoyennes » en mairie lors de la remise de la carte d'électeur .

Cette volonté d'oeuvrer au rapprochement entre citoyens et élus municipaux s'adresse aussi aux aînés . Un élu propose ainsi « des passages réguliers obligatoires en mairie à différentes étapes de la vie : à 16 ans, lors du recensement, à 18 ans, lors de l'accès à la majorité, et à l'occasion d'une arrivée dans une commune ». Ce « passage en mairie » à l'occasion d'un déménagement constitue en effet une bonne pratique intéressante, dont la mission a eu connaissance lors des échanges auxquels elle a participé dans la mairie de Soulaire-et-Bourg, à l'occasion de son déplacement dans le Maine-et-Loire, le 24 février 2022.

3. Les conseils de jeunes : un vivier à valoriser, des structures à responsabiliser et accompagner

La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 dite « égalité et citoyenneté » prévoit que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) ont la faculté de créer un conseil de jeunes. L'article L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales confère à ces instances - par ailleurs paritaires - la mission d'émettre des avis sur les mesures relevant des politiques concernant la jeunesse. Il revient à l'organe délibérant de la collectivité qui met en place ces conseils de préciser leurs modalités de fonctionnement et leur composition.

Article L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales

« Une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale peut créer un conseil de jeunes pour émettre un avis sur les décisions relevant notamment de la politique de jeunesse. Cette instance peut formuler des propositions d'actions.

Elle est composée de jeunes de moins de trente ans domiciliés sur le territoire de la collectivité ou de l'établissement ou qui suivent un enseignement annuel de niveau secondaire ou post-baccalauréat dans un établissement d'enseignement situé sur ce même territoire. L'écart entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes ne doit pas être supérieur à un.

Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont fixées par délibération de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale. »

a) Témoignages de jeunes conseillers : une expérience jugée valorisante malgré des marges de progression

La mission d'information a donné la parole à des membres de conseils de jeunes au cours de deux réunions , organisées en lien avec l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (Anacej) 379 ( * ) . Au cours d'une première séquence se sont exprimés des représentants du Conseil parisien de la jeunesse, du Conseil départemental des jeunes de l'Allier, du Conseil villeurbannais de la jeunesse et du Conseil des jeunes de Mulhouse. La seconde audition, ouverte à la délégation sénatoriale aux outre-mer, a permis de donner la parole à des représentants de conseils de jeunes entendus depuis la Martinique, La Réunion et Mayotte. Enfin, une délégation de la mission d'information est également allée à la rencontre des membres du Conseil de jeunes de la commune de Jacou, située dans la métropole de Montpellier.

Que les jeunes conseillers viennent de métropole ou des outre-mer, leurs témoignages, dont des extraits éclairants sont reproduits dans l'encadré ci-après, se rejoignent plus particulièrement sur les points suivants :

- tout d'abord l' expérience d'un conseil de jeunes est vécue de manière très positive et enrichissante , par-delà la diversité des thématiques sur lesquelles les interlocuteurs de la mission d'information ont travaillé pendant leur mandat (organisation d'événements pour la jeunesse ou de sorties culturelles, apprentissage des premiers secours, environnement, propreté et traitement des déchets, santé mentale des jeunes, égalité entre femmes et hommes, violences faites aux femmes, préservation du lien intergénérationnel...) ;

- cette expérience est jugée formatrice car elle permet de mieux connaître le fonctionnement des institutions locales et parce qu'elle favorise, à travers l'apprentissage de la conduite de projets, une prise de conscience des difficultés de la gestion d'une collectivité ;

- parmi les axes d'amélioration exprimés par ces témoignages, l' insuffisante association des conseils de jeunes aux travaux et aux réflexions des collectivités dont ils sont issus et le manque de liens avec les élus sont fréquemment déplorés : « ce n'est pas suffisant de lancer un conseil de jeunes, de faire une photo le jour de l'installation avant de repartir ! » ; la formation prochaine, à Villeurbanne, d'un « conseil miroir » permettant aux jeunes conseillers « un droit de parole au sein du conseil municipal » confirme la volonté de ces jeunes de peser davantage dans les délibérations de leur collectivité et que les élus leur fassent confiance ;

- enfin, la participation à un conseil de jeunes donne envie de poursuivre l'expérience par un engagement (politique ou associatif) : « l'engagement appelle l'engagement » ; cette appétence est commune aux jeunes venant d'un milieu familial favorisant l'engagement et à ceux qui ont acquis le goût de l'engagement par leur propre expérience (par exemple en tant que délégué de classe puis membre d'un conseil de jeunes).

Conseils de jeunes - Témoignages entendus par la mission d'information 380 ( * )

« Mon expérience (...) m'a permis de mieux connaître les dispositifs de la ville et de rencontrer plusieurs jeunes partageant la même volonté d'engagement que moi. (...) L'objectif est de renforcer le lien de confiance mis à mal avec les institutions publiques. (...) Nous voulons établir un canal de communication directe entre les instances et les jeunes pour permettre à ces derniers de proposer des idées. Il s'agit de rendre plus démocratique le fonctionnement de ces instances(...). Il est très important pour moi de servir les autres (...) ; l'engagement appelle l'engagement ! J'ai envie de proposer des projets, j'ai envie de continuer à essayer de résoudre les problèmes qui concernent les jeunes . » (Membre du Conseil parisien de la jeunesse)

« Le regard que je porte sur les conseils de jeunes est très positif. Les expériences sont enrichissantes, sur le plan tant personnel que collectif. On découvre une nouvelle façon de penser, d'imaginer et de s'ouvrir aux autres. (...) Nous voudrions être plus écoutés et plus entendus. Nous voudrions surtout jouer un rôle et faire entendre notre voix dans les instances départementales ou municipales qui nous ont mis en place. Nous ne voulons pas être un outil politique pour faire joli ! (...) Personnellement, ma participation au conseil de jeunes m'a donné envie de m'engager. L'engagement est pour moi un facteur d'épanouissement. (...) Pourquoi s'engager ? Il s'agit tout simplement d'une passion. L'engagement, c'est quelque chose que l'on fait avec le coeur, on n'y va pas en rechignant. Il s'agit d'un choix . » (Membre du Conseil départemental des jeunes de l'Allier)

« Mon expérience a été extrêmement enrichissante, elle m'a permis de faire de belles rencontres et de m'ouvrir sur les enjeux de politique locale, voire régionale. Quelles sont mes suggestions ? Je propose tout d'abord de donner plus de moyens aux jeunes. À cette fin, Villeurbanne est en train de mettre en place un conseil miroir afin de permettre aux élus du CDJ d'avoir un droit de parole au sein du conseil municipal. C'est une première en France. Ma participation au conseil des jeunes m'a donné envie de m'engager, qu'il s'agisse de la politique ou du monde associatif . » (Membre du Conseil villeurbannais de la jeunesse)

« Pour ma part, grâce à cette participation, j'ai pu développer ma curiosité, comprendre le fonctionnement d'une ville et apprendre à gérer des projets dans leur globalité. J'ai également appris à m'exprimer en public ; il serait d'ailleurs intéressant de développer des formations en ce sens, car il n'est pas évident, au départ, de surmonter sa timidité, surtout lorsqu'on s'adresse à des élus. (...) In fine, nous sommes les porte-parole des jeunes et les ambassadeurs de la jeunesse. Notre objectif est d'améliorer leur quotidien à travers différents projets (...). C'est pourquoi j'ai voulu m'engager à une autre échelle, “dans la cour des grands”, comme je dis souvent, en entrant dans le conseil municipal de la ville de Mulhouse. Notre démarche est vraiment de faire une politique par les jeunes et pour les jeunes . » (Ancienne membre du conseil des jeunes de Mulhouse, conseillère municipale de Mulhouse, déléguée au suivi des conseils enfants, adolescents et jeunes et à la vie étudiante)

« En tant que maire junior, j'ai appris à mettre en place des projets (...), ce qui demande en fait beaucoup de travail et exige de coopérer avec beaucoup de gens, ce dont je ne me rendais pas compte auparavant ; j'ai eu des expériences concrètes qui m'ont aussi appris des choses sur les institutions de la République et sur leur fonctionnement. Ce qui m'a semblé insuffisant, en revanche, c'est l'implication des élus : (...) ce n'est pas suffisant de lancer un conseil de jeunes, de faire une photo le jour de l'installation avant de repartir ! (...) Il faut donc davantage impliquer les élus auprès des conseils de jeunes et les inciter à faire confiance aux jeunes. Mon engagement, enfin, ne se limite pas au conseil des jeunes. Je suis engagée aussi dans le monde associatif . » (Ancienne maire junior de Fort-de-France, ancienne membre du Conseil municipal des jeunes Foyalais - Martinique)

« J'ai un regard très positif sur mon expérience. J'ai beaucoup appris sur moi-même et sur les autres, j'ai appris à développer des projets, à travailler en équipe, à constituer un réseau pour agir ; j'ai développé un esprit critique, j'ai aussi rencontré des élus et parlé avec eux, je me suis exprimée librement sur les politiques en direction de la jeunesse et j'ai eu l'impression d'être écoutée. J'ai mûri et grandi grâce à ce conseil ; (...) j'aurais aimé que les élus soient plus présents dans nos travaux, plus visibles dans nos réunions ; nous aurions voulu plus d'échanges. Ma participation au conseil des jeunes a renforcé mon envie de m'engager . » (Ancienne membre du Conseil des jeunes du Lamentin - Martinique)

« Mon expérience au sein du Conseil municipal des jeunes, commencée à l'âge de 12 ans, a été très enrichissante et diverse. Au cours de ce mandat, rallongé d'un an du fait de la crise sanitaire, j'ai appris des choses sur ma commune, sur les institutions, sur mon environnement, mais aussi sur moi-même. J'ai participé à un voyage à La Réunion pour échanger avec les membres du conseil des jeunes Dionysiens. Pour améliorer le fonctionnement du dispositif, (...) il faudrait (...) que le conseil puisse choisir lui-même ses sujets, alors que ceux sur lesquels nous avons travaillé nous ont été imposés par la municipalité. J'ai continué mon engagement au-delà de cette expérience . » (Ancien membre du Conseil municipal des jeunes de Mamoudzou - Mayotte)

« Il faut agir avec les jeunes, les placer au coeur de l'action. Ils demandent à prendre la parole, ils veulent construire avec les politiques. Et ce que cette expérience des conseils de jeunes nous montre, c'est la capacité d'innovation qu'ont les jeunes, qui sont l'avenir de notre pays. (...) Cette participation au conseil des jeunes m'a donné envie de m'engager en politique. J'y ai vu à quel point il faut donner leur place aux jeunes pour que, demain, les choses changent, qu'elles avancent avec la nouvelle génération. Ces instances de démocratie participative sont très importantes dans le passage à l'âge adulte. Elles donnent une expérience pratique, concrète, de ce que tout est politique. (...) Je veux faire vivre la démocratie avec les jeunes . » (Membre du Conseil des jeunes Dionysiens - La Réunion)

b) Le point de vue des élus locaux consultés par la mission sur la plateforme du Sénat

Le bilan des conseils de jeunes fait partie des questions posées par la mission d'information aux élus locaux via la plateforme du Sénat. Leurs réponses livrent un bilan nuancé de ces instances 381 ( * ) .

À l'actif du bilan, on note l' énergie qu'apportent les conseils de jeunes à la collectivité dont ils émanent : « c'est très porteur. Les jeunes ont des idées différentes et sont très engagés. Leur vision apporte beaucoup dans la stratégie à adopter pour dynamiser une commune ». De fait, la diversité des projets conduits par les conseils de jeunes (voir l'encadré ci-après) sont autant de signes d'un engagement très concret au service de la collectivité.

Autre atout : l'intérêt pédagogique que présentent les conseils de jeunes, considérés comme des lieux d'apprentissage de la vie locale Nous leur faisons mieux connaître leur commune et nos institutions, et nous créons une appétence pour l'implication et l'action publique »). Ces « ateliers de petits citoyens » constituent ainsi un « excellent tremplin » vers l'exercice de responsabilités politiques ou associatives.

Les élus locaux soulignent toutefois diverses limites qui tiennent à la difficulté de recruter des jeunes après le collège, (« une fois qu'ils partent au lycée, ils se déconnectent du conseil de jeunes »), à l'investissement qu'exigent leur accompagnement et leur encadrement et, enfin, à la baisse de motivation des jeunes quand leurs propositions ne sont pas suivies d'effets, notamment parce que les « demandes des enfants (se heurtent) aux réalités de la vie communale » ou en raison d'un décalage entre l'envie des jeunes de voir aboutir rapidement leurs projets et le temps nécessaire à leur réalisation (« il est difficile de les intéresser sur le moyen terme. Il faut des projets qui vont vite, alors que le temps municipal pour la réalisation de projet est long » ; « le temps administratif peut leur paraître long »).

Parmi les pistes d'amélioration identifiées par les élus locaux, on note :

- le souhait d'une « passerelle » entre les conseils d'enfants et les conseils de jeunes , pour fidéliser les jeunes dans la durée, du conseil des enfants au conseil de jeunes ;

- la nécessité d'adapter les méthodes de travail en repensant le format des réunions , « trop calquées sur celles des adultes » ;

- le renforcement des liens entre conseils de jeunes et conseil municipal : ce point a également été mentionné à plusieurs reprises lors des auditions de membres de conseils de jeunes par la mission d'information.

Les projets conduits par les conseils d'enfants et de jeunes d'après les élus locaux consultés par la mission d'information : une diversité de thématiques, un engagement concret au service de la collectivité

- Propreté (« organisation d'une journée de ramassage de déchets », « chasse aux mégots de cigarettes avec pancartes réalisées par leurs soins ») ;

- environnement et biodiversité (« Les membres du nouveau CME sont très motivés, ils souhaitent des aménagements en faveur de pistes cyclables » ; « création d'un rucher pédagogique, de nichoirs, d'un hôtel à insectes ») ;

- sport et culture, animation de vie locale (« participation au jury du concours des illuminations et décorations des maisons » ; « participation à l'organisation d'un marché de Noël »), organisation d'activités destinées aux enfants et aux jeunes (« soirée talents, sorties, voyages » ; « organisation de chasse aux oeufs ou de concours de pêche (...) proposition de réalisation d'un skatepark » ; « aménagement d'aires de jeux » ; « mise en place d'une boîte à livres », inclusion des jeunes dans la vie locale (« Olympiades regroupant des jeunes de tous les quartiers de la ville pour favoriser le lien inter-quartiers et inter-établissements scolaires ») ;

- sécurité routière ;

- solidarité intergénérationnelle (aide aux personnes âgées : « Nous avons réalisé avec eux des opérations envers les seniors qui ont eu un vrai succès ») ;

- devoir de mémoire (participation aux cérémonies républicaines et aux commémorations ; présence au monument aux morts ; voyage sur les plages du débarquement ; visite des Invalides et du Panthéon ; participation à la cérémonie du ravivage de la flamme à l'Arc de triomphe).

Une initiative originale consiste en la mise en place d'un « forum des métiers en lien avec le rectorat et les entreprises du territoire » ; un témoignage fait état d'un projet de jumelage avec un conseil de jeunes d'une autre collectivité.

4. La transmission de la mémoire citoyenne aux jeunes : un vecteur structurant de formation à la citoyenneté, un enjeu pour les collectivités territoriales

Le « devoir de mémoire » 382 ( * ) joue un rôle important dans la transmission des valeurs citoyennes et dans la constitution d'une conscience citoyenne.

La transmission d'un « legs de souvenirs » 383 ( * ) communs, dans lequel Ernest Renan voyait, avec le « désir de vivre ensemble » 384 ( * ) , l'une des deux composantes de la Nation, contribue au sentiment d'appartenance à la communauté nationale.

La mémoire combattante tient une place particulière au sein de notre mémoire collective : l'historien Antoine Prost va jusqu'à voir dans les cérémonies du 11 novembre « le seul culte républicain peut-être qui ait réussi en France » 385 ( * ) .

Les collectivités territoriales sont, aux côtés du ministère des armées (et plus particulièrement de l'ONACVG), des associations et du ministère de l'éducation nationale, des acteurs essentiels de la politique mémorielle, confrontée aujourd'hui à deux défis majeurs : sa transmission à la jeunesse , essentiel pour que cette mémoire reste vivante et, par-delà ce passage de relais générationnel, sa territorialisation .

a) Transmettre une « mémoire vivante » : rendre les jeunes citoyens acteurs du devoir de mémoire

Depuis plusieurs années, la politique mémorielle connaît un changement profond pour l'adapter à la période actuelle.

Tout d'abord, la disparition progressive des témoins des deux conflits mondiaux du XX e siècle : la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a estimé, au cours de son audition, que l'on passait ainsi « d'une mémoire vivante à une mémoire de pierre » 386 ( * ) , ce qui fait de la transmission de la mémoire combattante aux jeunes générations une impérieuse nécessité. Dans cet esprit, notre collègue Sabine Drexler a souligné le « devoir d'éducation » qui incombe à la génération actuelle vis-à-vis des générations à venir pour assurer la transmission de cette mémoire dont « nous sommes devenus dépositaires » 387 ( * ) .

En parallèle, le ministère des armées intègre dans son périmètre des mémoires combattantes nouvelles et complexes, comme la mémoire des soldats morts en opération extérieure 388 ( * ) (Opex). À cet égard, l'inauguration le 11 novembre 2019 du monument aux morts pour la France en opérations extérieures, qui constitue l'un des dix hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN) reconnus par le ministère en charge de la défense, marque une étape importante dans la modernisation de notre politique mémorielle.

Cette évolution consolide la contribution du devoir de mémoire à la formation à la citoyenneté dès lors qu'elle permet de montrer, comme l'a souligné la directrice générale de l'ONACVG, « que les valeurs des combattants d'hier et d'aujourd'hui sont similaires : le sens de l'engagement pour la France, le dépassement de soi, la lutte pour la liberté, la fraternité et le dépassement des conditions sociales ou des convictions » 389 ( * ) . La politique mémorielle est en effet à la fois un instrument de cohésion nationale et de formation à la citoyenneté . Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, a ainsi souligné lors de son audition la contribution de la mémoire de la Seconde guerre mondiale à la lutte contre les discriminations, le racisme et l'antisémitisme 390 ( * ) .

Au cours de son audition, la directrice générale de l'ONACVG a présenté l'offre pédagogique de l'office en matière de transmission de la culture citoyenne qui, destinée aux jeunes publics, comprend notamment l'organisation de concours, la diffusion d'expositions, de jeux ou de mallettes didactiques. Elle a aussi présenté les initiatives concernant les jeunes porte-drapeaux, dont notre collègue a constaté « une augmentation du nombre de jeunes, garçons et filles, qui souhaitent devenir porte-drapeaux », ce qui témoigne de la subsistance d'une volonté « d'ancrer le présent dans le passé » 391 ( * ) (voir l'encadré ci-après).

Exemples d'actions destinées à la jeunesse
Office national des anciens combattants
et victimes de guerre (ONACVG)

Le programme « Aux sports jeunes citoyens ! »

Le programme « Aux sports jeunes citoyens ! » a été lancé en mai 2019, dans la perspective de l'organisation des jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des armées en partenariat avec la fédération des clubs de défense, le centre national du sport et de la défense et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Le programme qui propose une série d'activités alliant sport, mémoire et citoyenneté, s'appuie sur différents activités et outils parmi lesquels : - des témoignages des sportifs militaires, anciens combattants ou blessés de guerre ; - l'exposition « Sport, mémoire, Défense » ; - des activités mémorielles autour de la figure d'un sportif engagé ; - des rencontres sportives autour du Bleuet ; - des courses d'orientation mémorielle ; - un jeu d'évasion mémoriel ;- le relais du souvenir qui rassemble en binôme un jeune et un militaire ou un ancien combattant.

Les concours à destination de la jeunesse

Le concours « Les petits artistes de la mémoire » a été créé en 2006 par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Il s'adresse aux classes de CM1-CM2 qui s'inscrivent par l'intermédiaire de leur professeur et participent au concours en réalisant collectivement un carnet de guerre artistique, après avoir réalisé des recherches sur la mémoire d'un combattant idéalement issu de la même commune. Les classes participant au concours reçoivent si nécessaire le soutien des services de proximité de l'ONACVG pour la réalisation de leur projet, qui inclut souvent la participation à des cérémonies mémorielles ainsi que la visite de lieux de mémoire locaux ou nationaux. La classe lauréate est reçue chaque année à une cérémonie de remise des prix.

Le concours « Bulles de mémoire » a été créé en 2011 par l'ONACVG. Ouvert aux collégiens et lycéens ainsi qu'aux jeunes non scolarisés de niveau équivalent, le concours peut faire l'objet d'une inscription individuelle ou d'une inscription de groupe à l'initiative d'un enseignant. Les candidats sont invités à présenter aux jurys trois à cinq planches de bande dessinée sur un thème prédéterminé qui se rapporte à l'engagement de la France et des Français dans les conflits contemporains depuis 1870 (on peut citer, parmi les thèmes récents, « La guerre ailleurs » ou encore « Femmes d'engagement, engagements de femmes »). Ce concours a inspiré la Belgique et l'Allemagne qui en ont repris le principe.

Enfin, l'ONACVG est partenaire du concours national de la Résistance et de la déportation (CNRD) , crée en 1961, qui invite chaque année les élèves de troisième et les lycéens à perpétuer la mémoire de la Résistance et de la déportation en composant sur un thème précis. Les services de l'ONACVG interviennent au soutien des enseignants pour proposer des rencontres, des expositions pédagogiques ou des visites mémorielles en lien avec le thème retenu.

Initiatives pour valoriser les jeunes porte-drapeaux

Soucieux de valoriser les jeunes qui participent aux cérémonies en tant que porte-drapeaux, l'ONACVG a élaboré un « Guide pratique du jeune porte-drapeau ». Il a aussi mis en place une formation ludique et pris l'initiative de la remise d'un « permis de porter le drapeau ».

L'un des moyens d'associer la jeunesse au devoir de mémoire est de faire participer des classes aux commémorations et cérémonies mémorielles , ce qui permet à la mémoire combattante et aux valeurs citoyennes qui lui sont attachées de s'incarner plus facilement dans des individus et des destinées concrètes.

Comme l'a fait valoir le rapporteur : « les journées de commémoration rencontrent davantage de succès lorsqu'une classe y participe » 392 ( * ) .

Cette participation implique toutefois d'identifier des dates différentes des jours fériés, afin que les cérémonies puissent se tenir sur le temps scolaire, et de conduire une réflexion sur les modalités de leur participation active aux cérémonies . Selon la directrice générale de l'ONACVG, cette participation peut se traduire de diverses manières : « porter un drapeau, lire un texte, aider l'autorité locale à déposer des gerbes ou encore faire des recherches sur les noms inscrits sur le Monument aux morts » 393 ( * ) . Cette réflexion devrait être conduite avec le corps enseignant, dont l'investissement est déterminant, selon le rapporteur, pour le succès de cérémonies mémorielles associant la jeunesse.

b) Le rôle crucial des commémorations locales et des élus dans la modernisation de la politique mémorielle

L'autre enjeu majeur de la transmission de la mémoire réside dans la nécessité d'une approche territoriale . Comme l'a rappelé la directrice générale de l'ONACVG lors de son audition, « la manière d'aborder la mémoire diffère en fonction des régions » : la « politique de territorialisation est donc un élément essentiel de la transmission mémorielle » 394 ( * ) . De fait, l'héritage mémoriel se perçoit et se transmet différemment selon que l'on vit près d'Oradour-sur-Glane, des plages du débarquement, des champs de bataille de la Première guerre mondiale, du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, de la prison de Montluc - où furent internés et torturés nombre de résistants - ou en outre-mer. Le président du département de la Meuse soulignait dans cet esprit, lors de l'audition des associations d'élus, combien « l'image de la guerre, de Verdun » demeurait pour les jeunes Meusiens « partie intégrante de l'identité » 395 ( * ) de leur territoire.

Un groupe de travail s'est ainsi mis en place pour « Commémorer autrement localement ». Sa réflexion porte d'une part sur l'émergence de « nouvelles formes d'expression de la commémoration » et d'autre part sur l'élaboration d'un « guide à destination des acteurs locaux de la commémoration, recensant à la fois des repères théoriques et des conseils pratiques » 396 ( * ) .

L'office dispose d'un maillage patrimonial et administratif très dense sur l'ensemble du territoire. Il a en effet pour mission, d'une part, d'entretenir et de valoriser les dix hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), 275 nécropoles nationales et 2 200 carrés militaires et, d'autre part, d'animer un réseau territorial qui dispose d'un service décentralisé dans chaque département et qui s'appuie sur le travail de coordination de référents régionaux à l'échelon interdépartemental.

Dans les territoires, la transmission de la mémoire s'appuie sur l'intervention simultanée et coordonnée de nombreux acteurs publics et privés. Les services du ministère des armées et ses opérateurs, dont en particulier la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) et l'ONACVG, collaborent sur le terrain avec les nombreuses associations du monde combattant présentes sur l'ensemble du territoire et avec les collectivités territoriales, au sein desquelles les communes ont une place particulière matérialisée notamment par l'existence du réseau des correspondants « défense » désignés au sein de chaque conseil municipal 397 ( * ) .

Une « démarche partenariale » devrait ainsi présider à tout initiative en matière mémorielle dès lors que « le travail autour de la mémoire relève de la responsabilité de tous : les élus, l'Éducation nationale, les associations et les jeunes notamment » 398 ( * ) . Dans ce cadre, l'ONACVG joue un rôle spécifique auprès des petites communes.

De manière spontanée, les élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat en janvier-février 2022 399 ( * ) ont confirmé l'importance d'associer les jeunes aux cérémonies mémorielles , temps forts de la vie locale, parmi les bonnes pratiques susceptibles d'intégrer les jeunes à la vie locale. Interrogés sur les activités des conseils de jeunes mis en place dans leurs collectivités, de nombreux élus se sont spontanément référés au devoir de mémoire . Dans le même esprit, on note la participation à des cérémonies du souvenir parmi les missions confiées aux volontaires du service civique accueillis dans les collectivités.

L'enjeu de la transmission à la jeunesse et la dynamique de territorialisation de la politique de mémoire trouvent un écho dans les « 18 propositions en vue de la présidentielle et des législatives 2022 afin de donner toute sa place à la politique mémorielle » publiée par l'association Le Souvenir Français 400 ( * ) en mars 2022, qui vise notamment à favoriser la transmission de l'histoire combattante aux jeunes générations et à enraciner la mémoire combattante au sein des territoires 401 ( * ) .

B. JEUNES ÉLUS : « NOUS NE SOMMES PAS L'AVENIR, NOUS SOMMES LE PRÉSENT »

1. Témoignages recueillis par la mission d'information

La mission d'information a tenu à associer de jeunes élus locaux à ses réflexions et à les inviter à la table ronde organisée le 9 mars 2022 avec les associations d'élus. Elle a souhaité en particulier connaître les motivations de leur vocation politique et leur ressenti quant à l'exercice de leur mandat.

Il s'agit tout d'abord, selon Céline Goeury, benjamine du conseil départemental de la Gironde, élue pour la première fois à 22 ans, d'être considéré comme un élu à part entière, sans considération relative à l'âge : « les jeunes n'ont sans doute pas envie que l'on parle d'eux en politique comme on a pu parler des femmes lors des débats sur la parité. Il n'empêche que, sans la loi sur la parité, elle ne serait pas effective aujourd'hui dans beaucoup de communes, de départements et de régions » 402 ( * ) .

Ce sentiment est partagé par Hugo Biolley, élu maire de Vinzieux en 2020, à l'âge de 18 ans : « Lorsque j'ai décidé d'être candidat, je ne me suis pas posé la question de mon âge, je suis parti d'une volonté et j'ai monté une équipe. Je crois que la question fondamentale est celle de la confiance. Des gens m'ont fait confiance à un moment et j'ai finalement rendu cette confiance » 403 ( * ) . C'est d'ailleurs aussi la confiance placée en lui qui a été le moteur de l'engagement de Benjamin Flohic, conseiller régional de Bretagne de 21 ans : « on ne me demandait pas de venir pour uniquement coller des affiches ou faire de la figuration, mais pour participer à l'élaboration du projet et à la direction de la campagne » 404 ( * ) .

De ce fait, les jeunes élus regrettent que les jeunes soient placés sur des listes électorales par intérêt politique et préoccupations de communication, sans pour autant être positionnés à un rang permettant d'être effectivement élus. Ce constat est d'autant plus regrettable qu'ils perçoivent leur âge comme un moyen d'agir au plus proche des préoccupations de la jeunesse : « mon mandat d'élu me permet de faire remonter certains sujets, comme la lutte contre la précarité étudiante » 405 ( * ) . Les jeunes élus ont donc l'opportunité de rapprocher des institutions qu'ils représentent cette jeunesse qui s'en éloigne souvent : « j'essaye de développer la confiance des jeunes, y compris des adolescents, envers les institutions. Je veux laisser aux jeunes les clés de l'action publique. Par exemple, je les laisse définir un lieu pour installer telle ou telle activité et il leur revient d'élaborer un projet. Des adolescents de ma commune ont ainsi contacté des entrepreneurs pour obtenir des devis » 406 ( * ) .

Enfin, l'un des principaux constats des jeunes élus locaux entendus par la mission concerne l'exercice pratique de leur mandat et la possibilité de le concilier avec leur activité principale . Certains d'entre eux n'éprouvent pas de difficulté mais ont conscience d'être des exceptions. C'est le cas d'Hugo Biolley : « J'ai la chance d'étudier dans une école qui me permet de concilier vie étudiante et vie d'élu, mais il reste un travail colossal à réaliser, au-delà même du statut de l'élu, pour que les jeunes veuillent tout simplement s'engager ». D'autres, au contraire, se heurtent à des difficultés propres, semble-t-il, au monde étudiant. C'est le cas de Sophia Habibi-Noori, conseillère régionale de Normandie : « la conciliation du mandat électif avec les études est assez complexe, a fortiori en période d'examen. C'est d'autant plus difficile du fait de la distance entre la ville où je fais mes études et mon territoire d'élection [...]. Exercer un mandat est chronophage, comme le sont les études... » 407 ( * ) .

En effet, le droit positif actuel consacre des droits particuliers au salarié élu local 408 ( * ) et non à l'élu étudiant, qui dépend donc de la bonne volonté de son établissement d'enseignement supérieur pour obtenir des aménagements lui permettant de conduire de front ces études et l'exercice de son mandat.

2. « Comment accroître la place des jeunes dans les collectivités territoriales » ? Réponses des élus locaux consultés par la mission d'information sur la plateforme du Sénat

Les réponses adressées par les élus locaux à la mission d'information via la plateforme du Sénat corroborent les constats issus de la table ronde du 9 mars 2022.

Tout d'abord, les élus locaux consultés par la mission d'information confirment la rareté des jeunes élus dans les assemblées locales, et plus particulièrement à l'échelon municipal auquel appartient la grande majorité des répondants : sur les 1 917 réponses à la question « quelle est la proportion de personnes de moins de 30 ans dans l'assemblée délibérante de votre collectivité ou de votre EPCI ? », 39,5 % font état de l'absence de jeunes élus dans leur conseil 409 ( * ) ; 0,6 % seulement des interlocuteurs de la mission d'information appartiennent à des assemblées où siègent au moins 50 % de moins de 30 ans.

Ensuite, 71 % des élus locaux ayant répondu au questionnaire de la mission d'information estiment que les moins de 30 ans ne sont pas suffisamment représentés dans la vie politique locale (23 % estiment que le critère de l'âge n'est pas pertinent) 410 ( * ) .

Selon de nombreuses réponses, promouvoir une participation plus dynamique des jeunes à la vie politique locale est un enjeu démocratique : « c'est essentiel d'avoir plus de jeunes car les politiques locales ne répondent pas à leurs besoins et continueront d'être en décalage, ce qui va accentuer le décrochage démocratique ».

Interrogés sur les mesures à privilégier pour mieux impliquer les jeunes dans la vie locale , les élus identifient tout d'abord, comme cela a été évoqué précédemment, la nécessité de faire connaître aux jeunes le fonctionnement des institutions , face à une ignorance largement répandue. Dans cette logique, deux axes principaux ont été évoqués pour progresser : renforcer l'éducation civique « classique » pour mieux faire connaître les institutions, et encourager les conseils de jeunes.

D'autres pistes appellent à une véritable remise en question des méthodes de travail des élus et à une adaptation du fonctionnement des institutions aux besoins et aux attentes des jeunes . La priorité est de leur faire confiance, de les consulter sur leurs attentes, en un mot de « leur ouvrir la porte » des institutions. Il s'agit, dans cet esprit, de promouvoir un changement de regard sur les jeunes en politique en mettant un terme aux « fausses discussions qui accusent les jeunes de ne pas savoir s'impliquer » et en acceptant de se « remettre en question ».

Diverses réponses appellent ainsi à « dépoussiérer nos méthodes », à « faire des discours/réunions moins longs, que cela rende le mandat plus dynamique, plus attrayant », à « adopter (le) mode de communication (des jeunes) » en privilégiant les réseaux sociaux, à mettre à profit les nouvelles technologies pour faciliter la participation, à distance.

Afin d'écouter les jeunes et de « les consulter sur leurs attentes », des élus suggèrent :

- d'organiser des « consultations auprès des jeunes de la ville, par exemple par voie dématérialisée, de façon à recueillir leur avis et faire en sorte d'en tenir compte dans les décisions du conseil municipal » ;

- de « faire intervenir les jeunes au conseil municipal, ne serait-ce que pour témoigner de ce qu'ils vivent dans les écoles/collèges » ;

- d'organiser une « consultation annuelle de tous les jeunes de la localité, sur au moins trois sujets qui seront à l'ordre du jour du conseil municipal » ;

- de « former les élus locaux aux enjeux de la jeunesse » et d'« avoir des politiques territoriales plus axées sur la jeunesse ».

Dans le même esprit favorable à une meilleure prise en compte des attentes des jeunes, l'une des réponses suggère, dans une approche créative, de « mettre en place une sorte de “ cabinet fantôme ” à l'anglaise qui obligerait toutes les municipalités ou en tout cas d'une certaine taille à consulter et organiser sur tous les grands thèmes des collectivités des sessions avec ce “cabinet fantôme” composé de jeunes exclusivement. Les thèmes pourraient être : finances-budget, culture, vie associative, transports-mobilités, transition écologique-environnement, travaux-aménagements... ».

De manière générale, l'objectif est « avant tout un engagement plus fort de l'équipe municipale pour faire adhérer les jeunes à la vie politique locale ».

Pour les jeunes élus soient plus nombreux dans les instances locales , certaines propositions suggèrent d'agir sur :

- l'accès aux mandats , en sollicitant davantage les jeunes pour intégrer les listes en position utile , le cas échéant au moyen de quotas ;

- l'accès aux responsabilités , par le biais de « tremplins (vers les) postes clé » des exécutifs locaux.

Enfin, le statut des élus est désigné comme un levier important pour renforcer la place des jeunes dans les assemblées territoriales.

La conciliation des responsabilités électives avec les obligations professionnelles et la vie privée est désignée comme un obstacle majeur à l'engagement politique des jeunes , plus particulièrement des jeunes actifs, confrontés aux contraintes du démarrage d'un parcours professionnel et aux responsabilités parentales, qui constituent autant de blocages pour participer à la vie locale. Une réponse suggère de prévoir des solutions de garde d'enfants pendant les réunions ; une autre aspire à « créer un statut de l'élu local qui permettrait un détachement de quelques heures hebdomadaires pour les activités municipales ».

Dans ce contexte, on note une remarque judicieuse sur le fait que « les étudiants restent malgré tout plus “mobilisables” que les jeunes actifs », sous réserve qu'ils en aient la disponibilité, a fortiori parce que « les pratiques distancielles en place depuis maintenant presque deux ans » sont de nature à résoudre la difficulté liée au fait qu'ils ne résident généralement pas dans leur ville d'origine en semaine. Certains appellent donc à « créer un statut du jeune élu ou de l'étudiant élu » : cette remarque rejoint une proposition exprimée lors de la table ronde avec des élus locaux, le 9 mars 2022.

La mission d'information a été sensible au travail de réflexion que nombre d'élus locaux ont bien voulu partager avec elle. Elle salue l'implication de nos élus pour partager avec le Sénat leurs constats et leurs idées.

C. PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION POUR FAVORISER LA PARTICIPATION DES JEUNES À LA VIE LOCALE

Diverses pistes ont été identifiées par la mission d'information pour rapprocher les jeunes des institutions et encourager leur participation à la vie locale : encourager la diffusion des bonnes pratiques des collectivités territoriales à l'attention des jeunes, renforcer les conseils de jeunes, faire des jeunes des acteurs à part entière de la politique mémorielle, en lien avec les collectivités territoriales, et enfin améliorer l'accès des jeunes aux mandats locaux et aux responsabilités électives.

1. Encourager les bonnes pratiques des collectivités territoriales telles que les journées citoyennes

La mission d'information est convaincue de l'importance des initiatives des collectivités locales pour dynamiser la vie locale et de leur intérêt en termes de lien social, de rapprochement entre les institutions et les citoyens et d'encouragements adressés aux jeunes.

Elle appelle donc à une généralisation de ces bonnes pratiques et, plus particulièrement, des journées citoyennes, qui contribuent utilement à renforcer la solidarité entre les générations.

Recommandation . - Inviter les collectivités territoriales à s'approprier les bonnes pratiques telles que les journées citoyennes, vecteur de solidarités intergénérationnelles.

2. Renforcer les conseils de jeunes

Les travaux conduits par la mission d'information ont montré la pertinence des conseils d'enfants et de jeunes, tant comme outil pédagogique que comme instrument de démocratie participative .

La mission d'information invite donc les collectivités territoriales qui le peuvent à contribuer au développement de ces instances et à les associer à la vie locale.

Faut-il pour autant faire de la création de ces conseils une obligation pour certaines collectivités (en l'occurrence les départements et les communes de plus de 5 000 habitants), conformément à l'article 4 de la proposition de loi de notre collègue Martine Filleul « pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l'enseignement et l'engagement » 411 ( * ) ? Le rapport de la commission des lois a objecté l'argument de la liberté des collectivités territoriales : « l'article 4, qui vise, à titre principal, à rendre obligatoire la création d'un conseil de jeunes dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants et les départements, tendait à donner un caractère excessivement contraignant aux outils de participation des jeunes aux décisions locales, au détriment de la nécessaire liberté des collectivités territoriales en la matière. Les réalités locales étant, au demeurant, diverses sur le plan démographique, une telle obligation lui est apparue peu opportune » 412 ( * ) .

La mission d'information estime toutefois souhaitable d'appeler les collectivités territoriales s'étant dotées d'un conseil de jeunes à faire réellement confiance aux jeunes conseillers et à éviter que ceux-ci aient l'impression d'être relégués au rang de caution morale ou d'outil de communication . Comme l'indiquait un interlocuteur de la mission, membre du Conseil départemental des jeunes de l'Allier : « Nous ne voulons pas être un outil politique pour faire joli ! » 413 ( * ) .

Aussi, la mission invite les collectivités territoriales, lorsque c'est pertinent, à confier aux conseils de jeunes de véritables projets , suivant l'exemple de la commune de Jacou, dans l'Hérault, où le conseil de jeunes élabore, cette année, un projet de journée de la nature, thème choisi par les membres du conseil, qui a ensuite vocation à être présenté au maire. L'objectif est que la municipalité endosse ce projet et le mène à bien en s'en tenant au projet des jeunes conseillers.

Enfin, la mission appelle à la création de liens effectifs entre conseils de jeunes et assemblées délibérantes dont ils sont issus, afin que les jeunes soient réellement associés à la vie de la collectivité. L'assemblée délibérante de la collectivité pourrait, par exemple, choisir de déléguer tout ou partie de l'ordre du jour d'une de ses réunions annuelles à son conseil de jeunes.

Recommandation . - Inviter les collectivités territoriales à associer les conseils de jeunes à la vie locale en leur confiant, lorsque cela semble pertinent, de vrais projets.

3. Dynamiser la participation des jeunes à la politique mémorielle, en lien avec les collectivités territoriales et l'Éducation nationale

La mission d'information tient à souligner le rôle structurant de la transmission de la mémoire combattante pour faire vivre les valeurs citoyennes . Elle est convaincue de la nécessité, pour que cette mémoire reste vivante, de faire des jeunes des acteurs à part entière de la politique mémorielle et de poursuivre la territorialisation de celle-ci.

La modernisation des instruments de transmission de cette mémoire doit être poursuivie et accélérée pour répondre à plusieurs enjeux essentiels :

- la pleine implication des jeunes générations dans la politique de mémoire, seules garantes à long terme de la permanence de notre mémoire collective ;

- la nécessité d'adapter les pratiques commémoratives aux attentes des citoyens et en particulier des plus jeunes ;

- la prise en compte de la particularité des mémoires locales, intimement liées à l'histoire singulière de nos territoires.

La mission d'information soutient la poursuite de la mise en valeur des mémoires combattantes locales qui implique de valoriser le rôle des communes dans la politique mémorielle.

Elle appelle les organisateurs des cérémonies mémorielles (collectivités territoriales, préfectures, ONACVG...) :

- à privilégier des dates, le cas échéant en dehors des jours fériés, permettant aux élèves d'y participer avec leurs enseignants ;

- à associer l'Éducation nationale à une réflexion sur le rôle des jeunes pendant ces commémorations, afin que leur soit confiée une participation active (lecture de textes, chants, participation au dépôt de gerbes...).

Recommandation . - Appeler les organisateurs des cérémonies mémorielles : à envisager des dates, le cas échéant en dehors des jours fériés, permettant aux élèves d'y participer avec leurs enseignants ; à associer l'Éducation nationale à une réflexion sur le rôle des jeunes pendant ces commémorations, afin que leur soit confiée une participation active (lecture de textes, chants, participation au dépôt de gerbes...).

4. Améliorer l'accès des jeunes aux mandats locaux et aux responsabilités électives

La mission d'information partage les préoccupations des élus qu'elle a consultés et estime nécessaire de mieux impliquer nos jeunes concitoyens dans la vie politique locale .

Elle est, comme ses interlocuteurs, convaincue de l'importance décisive d'un effort massif pour mieux informer les jeunes sur le fonctionnement des institutions.

Elle a également acquis la certitude de la nécessité d'ouvrir davantage aux jeunes la porte des institutions et de leur faire confiance.

Afin de rapprocher les jeunes des collectivités territoriales, elle juge prometteuses les suggestions qui lui ont été adressée sur la plateforme du Sénat :

- pour « former les élus locaux aux enjeux de la jeunesse », car les politiques publiques intéressant la jeunesse relèvent d'une approche transversale qui exige une réelle formation ;

- et pour que les collectivités organisent, selon la périodicité qu'elles jugeront pertinentes, des consultations « de tous les jeunes de la localité », qui pourraient donner lieu à l'inscription, à l'ordre du jour de la collectivité, de sujets ainsi identifiés par les jeunes.

Souhaitant que les assemblées locales comprennent une proportion plus importante de jeunes élus, et constatant que les étudiants peuvent être plus facilement disponibles que les jeunes actifs compte tenu des contraintes professionnelles et familiales qui pèsent sur ces derniers, la mission d'information recommande qu'un statut de l'étudiant élu assure la compatibilité entre les études et l'exercice d'un mandat local. En effet, les dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) portant sur les conditions d'exercice des mandats municipaux 414 ( * ) , départementaux 415 ( * ) et régionaux 416 ( * ) fixent des garanties en lien avec l'activité professionnelle de l'élu, mais n'en prévoient aucune pour l'élu étudiant.

Elle propose donc de modifier le code général des collectivités territoriales pour compléter les sous-sections du CGCT « Garanties accordées dans l'exercice du mandat » de manière à :

- garantir au conseiller municipal, départemental ou régional inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur le bénéfice d'aménagements de scolarité permettant l'exercice effectif de son mandat ;

- et renvoyer à un décret pour préciser les conditions d'application de ces dispositions.

Recommandation . - Créer un statut de l'élu étudiant de manière à assurer aux élus municipaux, départementaux et régionaux inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur le bénéfice d'aménagements de scolarité facilitant l'exercice de leur mandat.

Enfin, la mission d'information appelle les collectivités territoriales à encourager l'accès des jeunes élus aux responsabilités au sein des exécutifs locaux .

Recommandation . - Inviter les collectivités territoriales à encourager l'accès des jeunes élus aux responsabilités au sein des exécutifs locaux.

ANNEXES

CONTRIBUTION DU GROUPE ÉCOLOGISTE - SOLIDARITÉ ET TERRITOIRES (G.E.S.T.)

RECOMMANDATIONS : TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

TRAVAUX DE LA MISSION D'INFORMATION

• Réunion constitutive - Mercredi 1 er décembre 2021

Bilan d'étape sur les travaux de la mission d'information

• (Échange de vues du mercredi 9 février 2022)

EXAMEN DU RAPPORT

ANNEXES RELATIVES À L'ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE

ANNEXE RELATIVE À LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ

COMPTE RENDU DES DÉPLACEMENTS

CONSULTATION DES ÉLUS LOCAUX SUR LA PLATEFORME DU SÉNAT : SYNTHÈSE DES RÉPONSES

NOTE DE LÉGISLATION COMPARÉE SUR LE SERVICE CIVIQUE

CONTRIBUTION
DU GROUPE ÉCOLOGISTE SOLIDARITÉ ET TERRITOIRES (G.E.S.T.)

Alors que nos concitoyens, et particulièrement les jeunes, se détournent de plus en plus des urnes, peinent à comprendre nos institutions tant nationales que locales (comment ça marche ?), doutent de la capacité et du pouvoir des décideurs politiques de modifier significativement leur réel quotidien , aboutissant mécaniquement à un renforcement des extrêmes et à la mise en place de comportements individualistes et quelquefois violents, redynamiser la culture citoyenne en innovant dans de nouvelles formes d'expression et d'action démocratique de toutes les composantes de notre société est un enjeu essentiel, déterminant, prioritaire.

Une part de cette « nouvelle » culture citoyenne passe par une éducation de la jeunesse.

Plusieurs associations (dont le projet Democratia qui a publié une tribune avec plus d'une centaine de parlementaires) ont déjà dénoncé le manque cruel d'efficience du programme d'éducation morale et civique (EMC) dont le volume horaire faible est déjà peu mis en oeuvre, et rarement dans une démarche pratique.

Oui, il est essentiel de développer et renforcer cette EMC.

« On n'hérite pas de la terre de nos ancêtres, on l'emprunte à nos enfants » est une des pensées structurantes de l'écologie.

Les décisions actuelles ont un impact essentiel sur les conditions de vie des générations du futur proche. C'est une des raisons aussi pour faire participer les plus jeunes aux processus de choix démocratique et qui incite notre groupe GEST à proposer le vote dès 16 ans. Cette proposition a malheureusement été encore rejetée par les majorités sénatoriale et présidentielle.

Au-delà du vote, il importe de mettre les jeunes au centre de toutes les politiques qui les concernent directement, de les faire contribuer à leur élaboration, de leur donner la possibilité de s'investir dans leur suivi.

Le service civique est trop peu expliqué, le service national universel a des contours qui restent encore flous malgré la communication appuyé du gouvernement sur cette promesse électorale.

Nous avons déjà porté plusieurs propositions (malheureusement rejetées dans le cadre de l'étude de la Loi 3DS par exemple) pour améliorer la participation citoyenne à la vie démocratique.

Nous concevons la participation des citoyens comme un processus direct et continu, permettant des temps de respiration démocratique entre deux élections. La participation citoyenne ne se limite pas au rôle d'électeur.

Elle est aussi locale : la culture citoyenne se développe dans l'action au plus près des attentes des citoyens.

Nous prônons toujours une sécurisation et un développement des budgets participatifs, un accompagnement plus important des mairies dans l'exploration des droits de pétition et l'obligation de la mise à l'ordre du jour du conseil municipal de telles pétitions par exemple.

Nous demandons également d'abaisser le seuil de signatures permettant d'enclencher des Référendums d'Initiative Partagés (RIP) et de se pencher sur les conditions de la mise en place du Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC).

Nous croyons à une démocratie participative forte comme nous l'avons défendue lors de la loi modifiant le CESE : le tirage au sort de citoyens et les moyens donnés pour leur permettre une réflexion éclairée encouragent un engagement fort de chacun à condition ensuite d'en tenir compte dans les mises en oeuvre des politiques.

Les espoirs portés par la convention citoyenne pour le climat ont été vite déçus. Cette expérience a montré la force et le sérieux d'une réflexion citoyenne, mais s'est heurtée à une carence de sa prise en compte par le politique qui pourtant en était à l'origine.

La transposition des propositions et conclusions de la CCC ont été bien trop éloignées des travaux... maintenant la perception de décisions prises de manière de plus en plus éloignées des citoyens.

La culture citoyenne passe aussi de toute évidence par l'exemplarité d'un engagement sincère.

La limitation du cumul des mandats participe de cette exemplarité et de l'identification possible d'un citoyen avec un mandat électoral qui lui est confié pour un temps et un lieu précis.

La possible remise en cause du non-cumul ne fera qu'envoyer un message négatif dont il faut se prémunir.

Nos propositions sont construites autour du quotidien des citoyens, à partir de l'échelon local.

Toutes les mesures, initiatives, idées qui promouvront l'ouverture des décideurs/élus légitimes à un échange permanent et concret seront bonnes à tenter et à mettre en oeuvre en évitant l'écueil de s'en servir pour justifier des choix déjà pris sans le citoyen.

La culture citoyenne s'apprend, mais la citoyenneté doit s'exercer. Plus facilement, plus directement, plus souvent.

RECOMMANDATIONS : TABLEAU DE MISE EN OEUVRE
ET DE SUIVI

Objet (formulation synthétique)

Acteurs concernés

Support

Entrée en vigueur

1

Redéfinir les fondamentaux législatifs de l'enseignement moral et civique (EMC)

Parlement

Article L. 312-15 du code de l'éducation

2023

2

Revoir le contenu et les objectifs des programmes d'enseignement moral et civique (EMC) selon les priorités définies par le législateur

Ministère chargé de l'éducation nationale ; Conseil supérieur des programmes

Arrêtés du ministre chargé de l'éducation nationale

2023

3

Intégrer une question d'EMC aux concours de recrutement des professeurs d'histoire et de géographie (CAPES et agrégations) et un module de formation continue pour les autres enseignants chargés de cours d'EMC

Ministère chargé de l'éducation nationale ; ministère de l'enseignement supérieur

Arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale

Concours
de recrutement 2026

4

Créer des outils pédagogiques clairs et objectifs sur le fonctionnement des institutions et le rôle des élus

Associations d'élus, ministère chargé de l'éducation nationale, services du Premier ministre, des assemblées parlementaires, du Parlement européen et du Conseil constitutionnel...

5

Généraliser les rencontres entre élèves et élus et les visites d'institutions

Associations d'élus, Éducation nationale

Conventions, bonnes pratiques

Rentrée
2023

6

Étendre à l'EMC l'évaluation des acquis des élèves

Ministère chargé de l'éducation nationale (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance - DEEP)

Rentrée
2023

7

Recentrer le contenu de la JDC sur les enjeux de sécurité et de défense, le repérage et l'orientation des jeunes en difficulté et la présentation des différentes formes d'engagement

Parlement/ministère des armées

Article L. 114-3 du code du service national

2023

8

Lever les incertitudes relatives à l'avenir du SNU

Parlement/Gouvernement

Loi (le cas échéant révision constitutionnelle)

2023

9

Poursuivre le développement du service civique et pérenniser les moyens dégagés dans le cadre du plan de relance

Gouvernement, Parlement, Agence du service civique

Loi de finances

2023

10

Développer le service civique en milieu rural ; intégrer le service civique aux politiques publiques en faveur de la ruralité

Comité interministériel aux ruralités, ministère chargé de l'aménagement du territoire et des politiques rurales, Agence du service civique, associations d'élus, collectivités territoriales, Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Agenda rural

Contrats de ruralité

2023

11

Augmenter la durée de la formation civique et citoyenne des volontaires du service civique

Parlement, Gouvernement, Agence du service civique

Loi de finances ; Décret (article R. 121-15 du code du service national)

2023

12

Adapter les formulaires administratifs à la gouvernance des associations

Ministère en charge de la vie associative ; Services du Premier ministre (DILA)

Formulaires Cerfa

servicepublic.fr

2022

13

« Prise de conscience citoyenne » des élèves temporairement exclus de leur établissement - expérimentation et évaluation d'un suivi et d'un accompagnement spécifique

Associations, académies, établissements scolaires, enseignement agricole, collectivités territoriales...

Bonne pratique ; conventions entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole, les collectivités territoriales et les associations

2022

14

Évaluation des stages de citoyenneté

Ministère de la justice

2022

15

Renforcement de la visibilité et de la notoriété de l'Épide

Ministère chargé de l'enseignement supérieur, commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES) ; ministère chargé de l'emploi et de la réinsertion ; Direction générale de l'Épide

2022

16

Prolongation de trois mois du contrat de soutien permettant aux anciens volontaires à l'insertion d'être hébergés par l'Épide (soit 6 mois en tout)

Direction générale de l'Épide, ministère chargé de l'emploi et de la réinsertion

Article L. 130-2 du code du service national

17

Généralisation de la double procuration

Ministère de l'intérieur, législateur

Article L. 73 du code électoral

2022

Objet (formulation synthétique)

Acteurs concernés

Support

Entrée en vigueur

18

Dématérialisation de l'envoi des circulaires des candidats (propagande électorale) pour les électeurs qui en font la demande

Ministère de l'intérieur

Articles L. 165 et L. 166 du code électoral

Prochaines élections

19

Campagnes d'information tous supports avant chaque élection

Gouvernement, ministère de l'intérieur, collectivités territoriales

Bonnes pratiques

20

Expérimenter le vote électronique et ouvrir une réflexion pour tirer les conséquences de cette expérimentation

Collectivités territoriales, ministère de l'intérieur, associations

Bonnes pratiques

21

Statut de l'élu étudiant

Ministère de l'intérieur, ministère chargé de l'enseignement supérieur, établissements d'enseignement supérieur, associations d'élus

Code général des collectivités territoriales : compléter les sections relatives aux garanties accordées aux élus municipaux (art. L. 2123-1 à L. 2123-6), départementaux (art. L. 3123-1 à L. 3123-4) et régionaux (art. L. 4135-1 à L. 4135-8) dans l'exercice de leur mandat

2022

22

Mieux associer les conseils de jeunes à l'action municipale et encourager l'accès des jeunes élus aux exécutifs locaux ; généraliser les journées citoyennes

Associations d'élus

Bonnes pratiques

2022

23

Adapter le calendrier mémoriel au temps scolaire et donner aux jeunes un rôle actif dans les cérémonies

ONACVG, Éducation nationale, Préfectures, Association des maires de France, association des maires ruraux de France

Bonnes pratiques

2022

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Réunions plénières

Mardi 7 décembre 2021

Julien GOUPIL , directeur de l'association Empreintes citoyennes

Mardi 14 décembre 2021

Dominique SCHNAPPER , sociologue, présidente du Conseil des sages de la laïcité, membre honoraire du Conseil constitutionnel

Mardi 4 janvier 2022

Jean-Pierre OBIN , ancien inspecteur général de l'éducation nationale, auteur du rapport La formation des personnels de l'éducation nationale à la laïcité et aux valeurs de la République (2021)

Mercredi 12 janvier 2022

Ministère des armées

Geneviève DARRIEUSSECQ , ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Jeudi 20 janvier 2022

Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Édouard GEFFRAY , directeur général de l'enseignement scolaire

Mardi 25 janvier 2022

Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports - Conseil supérieur des programmes

Souâd AYADA , présidente

CEVIPOF - Sciences Po

Anne MUXEL , sociologue, directrice de recherches en sociologie et en sciences politiques au CNRS

Jeudi 27 janvier 2022

Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide)

Florence GÉRARD-CHALET , directrice générale

François-Xavier POURCHET , directeur général adjoint

Mardi 1 er février 2022

Volontaires du service civique

Timothée MAKELE

Omar MARECAR

Juliette ROSSI

Anthony LASSER

Marine-Élisa PRUNIER

Nino MICHALAG

Ambre HAMARD

Inès KERROU

Louise MARRIE

Maeva AUBERTIN

Unis Cité

Marie TRELLU-KANE , présidente fondatrice

Mercredi 2 février 2022

Agence du Service civique

Béatrice ANGRAND , présidente

David KNECHT , directeur général

Ministère de l'intérieur

Marlène SCHIAPPA , ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Mardi 8 février 2022

Délégation interministérielle à la jeunesse

Emmanuelle PÉRÈS , directrice de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Mercredi 9 février 2022

Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Jean-Michel BLANQUER , ministre

Sarah EL HAÏRY , secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement

Jeudi 10 février 2022

CEVIPOF - Sciences Po

Martial FOUCAULT , directeur

Mardi 15 février 2022

Réseau Canopé

Marie-Caroline MISSIR , directrice générale

Alexandra WISNIEWSKI , directrice générale adjointe

Nicolas TURQUET , directeur de cabinet

Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG)

Véronique PEAUCELLE-DELELIS , directrice générale

Mercredi 16 février 2022

Bruno DAUGERON , professeur des universités en droit public, directeur du centre Maurice Hauriou

Mercredi 9 mars 2022

Associations d'élus et jeunes élus - table ronde

Clémentine BARBIER , conseillère départementale (Côte-d'Or)

Hugo BIOLLEY , maire de Vinzieux (Ardèche)

Jérôme DUMONT , président du département de la Meuse, président du groupe de travail Jeunesse de l'Association des départements de France

Benjamin FLOHIC , conseiller général de Bretagne

Fabian JORDAN , président de Mulhouse Alsace agglomération, maire de Berrwiller et président de l'Association des maires du Haut-Rhin

Céline GOEURY , conseillère départementale de la Gironde, déléguée à la citoyenneté et à la laïcité

Sophia HABIBI-NOORI , conseillère régionale de Normandie

Anne TERLEZ , présidente de la commission Cohésions d'Intercommunalités de France, vice-présidente du conseil départemental de l'Eure

Alexandre TOUZET , maire de Saint-Yon, vice-président de la communauté de communes Entre Juine et Renarde et vice-président du Conseil départemental de l'Essonne, en charge de la citoyenneté, de la prévention, de la sécurité et du monde combattant

Guillaume DE ALMEIDA CHAVES , conseiller régional d'Occitanie, délégué à la « jeunesse, vie lycéenne et étudiante »

Fédération Léo Lagrange

Vincent SEGUELA , secrétaire général

Mercredi 23 mars 2022

Table ronde sur les « technologies citoyennes » (civic techs)

Erik DE BOISGROLLIER , porte-parole de Civicpower et fondateur de Noslois

Christophe CAMBORDE , cofondateur et président de Civicpower

Cyril LAGE , président de Cap Collectif

Clément MABI , chercheur à l'université de technologie de Compiègne

Gilles MENTRÉ , président d' Electis

Julien NÉVO , responsable Accompagnement des campagnes de Change.org

Échange avec des membres ou anciens membres de conseils de jeunes (métropole)

Aya HIMER , conseillère municipale déléguée au suivi des conseils enfants, adolescents et jeunes et à la vie étudiante (Mulhouse)

Lylien HUBIN , membre du Conseil départemental des jeunes de l'Allier

Maxime KESHMIRI , membre du Conseil villeurbannais de la jeunesse

Adjara OUEDRAOGO , membre du Conseil parisien de la jeunesse

Marie-Pierre PERNETTE , déléguée générale de l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (ANACEJ)

Mardi 29 mars 2022

Table ronde sur la démocratie participative

Loïc BLONDIAUX , professeur de sciences politiques à l'université Paris I

Mathilde HEITZMANN-PATIN , professeur agrégé de droit public à l'université du Mans

Jean-Pierre GAUDIN , professeur émérite de sciences politiques

Échange avec des membres ou anciens membres de conseils de jeunes (collectivités ultramarines)

Zion DUPIN DE MAJOUBERT , ancienne maire junior de Fort-de-France, membre du Conseil municipal des jeunes Foyalais (Martinique)

Ayad BEN MBARAKA , membre du Conseil municipal des jeunes de Mamoudzou (Mayotte)

Solène LURON , membre du Conseil communal des jeunes du Lamentin (Martinique)

Anthony TORTILLARD , membre du Conseil des Jeunes Dionysiens (Saint-Denis de La Réunion)

Aurélie MÉDÉA , conseillère municipale déléguée à la jeunesse de Saint-Denis de La Réunion, vice-présidente de l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (ANACEJ)

Marie-Pierre PERNETTE , déléguée générale de l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (ANACEJ)

Mercredi 30 mars 2022

Institut de l'engagement

Martin HIRSCH , président de l'Institut de l'engagement, ancien président de l'Agence du service civique, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)

Union Nationale des Missions Locales (UNML)

Philippe BROUSSE , délégué général adjoint

Haut conseil de la vie associative :

Stéphanie ANDRIEUX , présidente de la commission Engagement et bénévolat

Chantal BRUNEAU , membre du bureau

Kaïs MARZOUKI , secrétaire général

France bénévolat :

Hubert PENICAUD , référent national Vie associative

Auditions du rapporteur

Mardi 11 janvier 2022

Ministère des armées

Général Daniel MENAOUINE , directeur du service national et de la jeunesse

Mercredi 12 janvier 2022

Cour des comptes

Louis GAUTIER , président de la troisième chambre

Mireille RIOU-CANALS , conseiller-maître

Sylvie VERGNET , conseiller-maître

Jeudi 13 janvier 2022

Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO)

Nathalie MONS , présidente, professeure du CNAM et titulaire de la chaire Évaluation des politiques publiques d'éducation

Mercredi 26 janvier 2022

Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (ANACEJ)

Marie-Pierre PERNETTE , déléguée générale

Jeudi 27 janvier 2022

Coordination nationale des conseils de développement (CnCd)

Yves LONDECHAMP, co-président

Dominique VALCK, co-président

Alexandra VIDAL, déléguée générale

Jeudi 3 février 2022

Forum français de la jeunesse (FFJ)

Anaïs ANSELME , déléguée générale

Julien VERMIGNON , co-président

Mercredi 16 février 2022

Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPÉ)

Alain FRUGIÈRE , président du Réseau des INSPÉ et directeur de l'INSPÉ de Paris

Mercredi 9 mars 2022

Projet Democratia

Anthony BOUVIER , président

Juliette LENGLART , vice-présidente et co-fondatrice

Collectif pour un service civique européen

Benjamin SIBILLE , fondateur et directeur général

Mardi 29 mars 2022

Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (FNCAUE)

Valérie CHAROLLAIS , directrice

Eléonore CHAMBRAS LAFUENTE , chargée de mission

Gilles LEROY , président du CAUE du Maine-et-Loire et administrateur de la FNCAUE, vice-président du département en charge de l'insertion, de l'habitat, du logement et de la politique de la ville

Julie GARCIN SAUDO , présidente du CAUE de l'Hérault et administratrice de la FNCAUE, conseillère départementale déléguée à la démocratie citoyenne et à la jeunesse

Christelle RÉMY , chargée de mission

Mercredi 30 mars 2022

Association Jeunes de France

Nöellan DUCLOUX , président fondateur

Citoyens et territoires - Grand Est

Johan CHANAL , coordinateur chargé de mission « Jeunesse et participation »

Olivier JACQUIN , président, sénateur de la Meurthe-et-Moselle

TRAVAUX DE LA MISSION D'INFORMATION

Les comptes rendus des auditions et des tables rondes
sont disponibles en ligne :

http://www.senat.fr/commission/missions/2021_culture_citoyenne.html

Réunion constitutive

Mercredi 1er décembre 2021

Présidence de M. Jean-Pierre Decool, président d'âge

Jean-Pierre Decool, président d'âge . - Mes chers collègues, l'honneur me revient de présider l'ouverture de la réunion constitutive de cette mission d'information, constituée pour réfléchir à la dynamisation de la culture citoyenne. Cette mission d'information a été créée à la demande du groupe RDSE, dans le cadre du droit de tirage prévu à l'article 6 bis du règlement du Sénat. Les membres de notre mission ont été nommés en séance publique le jeudi 18 novembre.

C'est tout à l'honneur du Sénat, grâce à l'initiative de notre collègue Henri Cabanel, que je salue, de s'interroger sur cette question décisive pour l'avenir de notre Nation, dont la cohésion est soumise aujourd'hui à de nombreux défis. Ces derniers rendent plus que jamais nécessaire une réflexion approfondie sur ce que représente aujourd'hui la citoyenneté en France, a fortiori en cette année d'élections, dans un contexte marqué par un taux d'abstention très préoccupant.

Nous devons au cours de cette réunion procéder à la désignation de notre bureau, en commençant par celle du président. J'ai reçu la candidature de Stéphane Piednoir.

La mission d'information procède à la désignation de son président, M. Stéphane Piednoir.

- Présidence de M. Stéphane Piednoir, président -

Stéphane Piednoir, président . - Je vous remercie de votre confiance.

Avant de procéder à la désignation des onze autres membres du bureau, à commencer par celle du rapporteur, je prends acte de la participation à nos travaux de deux suppléants, qui s'ajoutent aux dix-neuf membres titulaires désignés en séance le 18 novembre : Bernard Fialaire pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) et Guy Benarroche, pour le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST). Nos collègues suppléants recevront les convocations et calendriers prévisionnels et auront accès aux documents et informations dans les mêmes conditions que les membres titulaires. Nos auditions leur sont ouvertes. Ils ne peuvent pas, en revanche, participer aux réunions délibératives ni prendre part aux votes.

Je reviens à la constitution de notre bureau, puis nous pourrons évoquer l'organisation de nos travaux.

Le règlement du Sénat prévoit que le groupe à l'origine de la demande de création d'une mission d'information obtient de droit, s'il le demande, que le rapporteur soit désigné parmi ses membres. Dans cette logique, le groupe RDSE propose la candidature de notre collègue Henri Cabanel.

La mission d'information procède à la désignation de son rapporteur, M. Henri Cabanel.

Stéphane Piednoir, président . - Nous poursuivons la constitution de notre bureau.

Compte tenu de la désignation du président et du rapporteur, la répartition des postes de vice-présidents et de secrétaires est la suivante : pour le groupe Les Républicains : un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : deux vice-présidents ; pour le groupe Union Centriste : un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants : un vice-président ; pour le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste : un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires : un vice-président ; pour le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires : un vice-président.

Pour les fonctions de vice-président, j'ai reçu les candidatures suivantes : François Bonneau, pour le groupe Union Centriste ; Martine Filleul et Hervé Gillé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ; Marie-Pierre Richer, pour le groupe Les Républicains ; Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ; Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires ; Thomas Dossus, pour le Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ; et Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Pour les fonctions de secrétaire, j'ai reçu les candidatures de Catherine Belrhiti pour le groupe Les Républicains et de Philippe Folliot pour le groupe Union Centriste.

La mission d'information procède à la désignation des autres membres de son bureau : M. François Bonneau, Mme Martine Filleul, M. Hervé Gillé, Mme Marie-Pierre Richer, M. Jérémy Bacchi, M. Jean-Pierre Decool, M. Thomas Dossus, et Mme Patricia Schillinger, vice-présidents ; et Mme Catherine Belrhiti et M. Philippe Folliot, secrétaires.

Stéphane Piednoir, président . - Je donne la parole à Henri Cabanel pour évoquer le périmètre de notre mission, puis nous pourrons avoir un échange de vues avant d'envisager l'organisation de notre agenda.

Henri Cabanel, rapporteur . - Je suis particulièrement heureux d'être le rapporteur de cette mission d'information sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, et sur lequel je travaille dans mon territoire, avec des acteurs de terrain que j'aurai grand plaisir à vous faire rencontrer.

Nous le savons, la notion de citoyenneté est affectée par les turbulences qui menacent la cohésion de notre Nation. Qu'il s'agisse, dans la période récente, de la crise des gilets jaunes, de la menace terroriste, de la tentation communautariste ou des défis auxquels est soumise la laïcité dans le cadre scolaire, le sentiment d'appartenance à la communauté nationale, qui va de pair avec des valeurs communes, ne va plus de soi en dehors de rares, et brefs, moments de communion nationale comme nous en avons connu en 2015.

À ces divisions préoccupantes s'ajoutent toutes les fractures auxquelles est confronté aujourd'hui notre pays : chômage, précarité, inégalités entre les territoires, entre les générations, crainte face à la montée des incivilités, violences à l'égard des élus (qui ont augmenté de 200 % l'an dernier), des enseignants ou des forces de l'ordre...

Nombre de nos concitoyens ont le sentiment d'un décalage incompréhensible entre ce qu'ils vivent au quotidien et les institutions. La crise sanitaire l'a clairement souligné. Cette crise de confiance se traduit par une usure certaine de la démocratie représentative et par une désaffection à l'égard de la politique.

L'aggravation de l'abstention est un signal fort qui nous est adressé, élection après élection, par nos concitoyens : en 2017, le taux d'abstention était de 22 % au premier tour des élections présidentielles - et encore supérieur au second tour, ce qui est inédit, puisqu'il atteignait 25 %. Il était de 51 % au premier tour des élections législatives ; il a atteint 55 % aux dernières élections municipales et 66 % au premier tour des élections régionales. Il concerne au premier chef les jeunes et invite à s'interroger sur la définition même de la notion de citoyenneté.

Dans ce contexte, le sujet de notre mission d'information concerne au premier chef la jeunesse et, à travers l'éducation à la citoyenneté, la formation des citoyens de demain.

J'observe d'ailleurs que la proposition de loi de notre collègue Martine Filleul, inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée le jeudi 9 décembre, vise à créer un « nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l'enseignement et l'engagement ».

Depuis une quinzaine d'années, les diverses crises auxquelles notre pays a été confronté ont inspiré, au fil du temps, la mise en place de politiques publiques destinées, entre autres exemples, à favoriser la formation à la citoyenneté dans le cadre de l'école et à accompagner l'engagement citoyen à travers les diverses formes de service proposées à la jeunesse - je pense plus particulièrement au service civique, créé en 2010, ou au service national universel, mis en place en 2019.

La journée Défense et citoyenneté est également au coeur de notre sujet, de même que les autres initiatives pilotées par le ministère des armées. Je pense aussi aux initiatives destinées à la transmission de la mémoire combattante, qui s'inscrivent dans la formation citoyenne.

Quel est aujourd'hui le bilan de ces politiques publiques ? Nous devrons nous atteler à cette évaluation. L'engagement associatif, qui intéresse beaucoup notre jeunesse, fait également partie de notre sujet : nous ferons le point sur cette question importante.

En parallèle, nous devrons travailler sur les nouvelles formes d'expression de la citoyenneté qui se développent aujourd'hui parallèlement à l'essoufflement du vote classique : « grand débat », consultations en ligne, pétitions, convention citoyenne, etc., qui sont de nature à mobiliser plus particulièrement les jeunes.

Une mission d'information sur la démocratie représentative, que j'ai eu l'honneur de présider en 2017 et dont le rapporteur était Philippe Bonnecarrère, a travaillé sur ces pratiques citoyennes qui rencontrent l'intérêt de nombre de nos concitoyens.

Cinq ans plus tard, le paysage de la démocratie numérique a encore évolué : l'heure est venue d'en dresser un état des lieux de ces pratiques.

Nous aborderons donc au cours de cette mission des sujets très divers, qui s'inscrivent dans trois thématiques principales : l'éducation à la citoyenneté ; l'engagement citoyen ; et la participation du citoyen à la décision, aujourd'hui affectée par des outils nouveaux, notamment numériques.

Ces diverses séquences nous conduiront à entendre des intervenants divers - politologues, universitaires, représentants d'associations, élus, etc. - et, si le contexte sanitaire nous le permet, à organiser des rencontres sur le terrain.

Nous prévoirons également des réunions destinées à établir entre nous des bilans d'étape de l'avancement de nos travaux. Il faudra probablement prévoir un premier rendez-vous de ce type avant la suspension des travaux en séance publique, fin février 2022.

Dans notre société soumise à de nombreux défis, la notion de citoyen évolue, de même que les modalités d'exercice de la citoyenneté : l'éducation à la citoyenneté, centrale pour notre mission, doit elle aussi évoluer. Les recommandations dont sera assorti notre rapport traceront ainsi, je l'espère, des perspectives pour la formation des futurs citoyens.

Stéphane Piednoir, président . - Je reprends la parole brièvement, avant notre temps d'échanges, pour évoquer notre agenda.

En ce qui concerne tout d'abord le déroulement de cette mission, je vous propose, en accord avec notre rapporteur, de nous fixer comme perspective de terminer au tout début du mois de juin, avant les élections législatives, ce qui implique que notre programme d'auditions s'achève au plus tard fin avril.

S'agissant de l'organisation de nos travaux, nous procéderons à des auditions et tables rondes en réunions plénières ou au format rapporteur. Les réunions « rapporteur » seront naturellement ouvertes à l'ensemble de la mission. Elles figureront au calendrier prévisionnel qui vous sera adressé régulièrement.

Nos réunions auront lieu pour la plupart le mardi à partir de 16 heures, le mercredi, entre 13h30 et 15 heures, puis après les questions d'actualité au Gouvernement, ainsi que le jeudi en fin de matinée. Avant la suspension des travaux du Sénat en séance publique, qui interviendra fin février, nous définirons ensemble le calendrier de nos travaux pendant les mois de mars et avril.

Marie-Pierre Richer . - Les réunions seront elles uniquement en présentiel ou bien aussi par visioconférence ?

Stéphane Piednoir, président . - Nous privilégions plutôt pour le moment le présentiel, du moins pour les réunions plénières. Les personnes auditionnées pourront naturellement être entendues à distance.

Hervé Gillé . - Organiser des réunions en visioconférence peut être source de souplesse. Une des grandes difficultés est de faire remonter la parole des citoyens et des jeunes. Nous devrons être à leur écoute, ce qui suppose d'identifier les bons interlocuteurs qui nous permettront d'éviter les réponses toutes faites.

Patricia Schillinger . - Au-delà de la problématique des élections et de l'abstention, nous pourrions aussi étudier des dispositifs innovants tels que la Journée citoyenne, qui a été lancée à Mulhouse et qui donne des résultats probants.

Stéphane Piednoir, président . - Il est vrai que l'abstention constitue un fait saillant et que nous devrons faire des propositions pour la limiter. Mais notre mission vise aussi globalement à revitaliser la culture citoyenne, dont l'engagement associatif fait partie ; toutefois, comme le champ d'investigation est potentiellement très vaste, nous considérons que l'engagement syndical ne fait pas partie de notre sujet.

Henri Cabanel, rapporteur . - La citoyenneté ne se limite pas au vote ; c'est aussi le civisme - le respect de la loi -, la civilité - le respect des personnes et des biens - et la solidarité. Il faut s'interroger sur l'équilibre entre les droits et devoirs.

Laure Darcos . - Nous pourrions aller à la rencontre de jeunes en service national universel (SNU). Cette expérience me semble formatrice. De la levée des couleurs le matin, jusqu'à des jeux de rôle simulant une campagne électorale, les jeunes que j'ai rencontrés m'ont paru très motivés.

Jean-Pierre Decool . - Cela pourrait être très intéressant, en effet. En juillet et août, avons fait une étude, avec Dany Wattebled, sur l'abstention. Je vous la transmettrai. Nous avons rencontré 180 maires du Nord et nous avons préparé quelques propositions, dont certaines sont pragmatiques.

Henri Cabanel, rapporteur . - Hervé Gillé a raison : il faut déjà réfléchir à la manière dont nous pourrons rencontrer des jeunes dont le témoignage sera éclairant pour notre réflexion.

Je suppose que, comme moi, vous allez régulièrement devant des élèves pour expliquer ce que vous accomplissez dans le cadre de votre mandat. Aujourd'hui, je travaille avec l'association des maires de mon département pour mettre en place une organisation autour de ces rencontres. De fait, mon expérience m'a appris que, dans les secteurs ruraux comme dans les quartiers difficiles des grosses communes, on peut susciter un vrai débat dans une classe sur le fonctionnement de nos institutions. Les échanges que j'ai ainsi pu avoir avec des élèves ne m'ont jamais déçu.

Je vous ai apporté les résultats d'une enquête que nous avons menée sur la citoyenneté dans toutes les communes de mon département. On sent qu'il y a une vraie attente chez les élus : nous avons eu 192 retours sur 342 communes. Au reste, les réponses qui nous ont été faites sont très significatives. Nous nous sommes fait aider, dans la réalisation de cette enquête, par une association très engagée, que nous aurons l'occasion d'auditionner très prochainement.

Cependant, c'est aussi avec des expériences locales que nous pourrons avancer. Il existe des initiatives qu'il serait bien de pouvoir faire connaître.

Stéphane Piednoir, président . - Nos échanges montrent l'importance du sujet dans le contexte actuel.

Dans le prolongement de ce qui vient d'être dit, nous pourrions, si vous en êtes d'accord, solliciter la plateforme de consultation des élus locaux du Sénat, qui est régulièrement utilisée sur un certain nombre de sujets pour recueillir des témoignages de terrain et enrichir nos réflexions.

Les auditions et les rencontres auxquelles nous allons procéder confirmeront, j'en suis sûr, le dynamisme des initiatives qui sont prises dans les territoires. Vous avez certainement connaissance d'expériences intéressantes conduites dans vos départements : je vous inviterai donc à nous faire des propositions de déplacement sur le terrain. À titre personnel, je vous proposerai, en accord avec notre rapporteur, un déplacement dans mon département du Maine-et-Loire pour visiter notamment un Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide), initiative remarquable à l'égard des jeunes en situation de décrochage, et peut-être également pour rencontrer de jeunes lauréats du Concours national de la Résistance et de la Déportation, car la prise de conscience de notre histoire est aussi une forme de citoyenneté.

Je propose que ces déplacements de terrain soient inscrits à notre agenda le jeudi.

Notre prochain rendez-vous aura lieu le mardi 7 décembre, avec l'audition du fondateur de l'association Empreintes citoyennes , qui accompagne les collectivités locales pour mettre en oeuvre des projets citoyens. Le 14 décembre, nous entendrons Mme Dominique Schnapper, sociologue, ancienne membre du Conseil constitutionnel. Notre programme de travail est déjà riche pour décembre et janvier.

Bilan d'étape sur les travaux de la mission d'information

(Échange de vues du mercredi 9 février 2022)

Présidence de M. Stéphane Piednoir, président

Stéphane Piednoir, président . - Mes chers collègues, il est temps, deux semaines environ avant l'interruption de nos travaux en séance publique, d'établir ensemble un bilan d'étape des travaux de notre mission d'information après quelque deux mois d'auditions.

Je vous propose donc de faire le point sur les auditions auxquelles nous avons procédé depuis le début du mois de décembre 2021.

Notre rapporteur Henri Cabanel va ensuite vous présenter les quelques axes de recommandations issues de ces auditions.

Puis nous ferons le point sur notre programme de travail prévisionnel pendant la période de suspension des travaux en séance publique qui, en raison des échéances électorales, durera du début de mars à la fin du mois de juin 2022.

Depuis décembre, notre agenda fait une large place, comme je vous l'avais indiqué lors de notre réunion constitutive, aux thématiques liées à la formation des futurs citoyens. Les politiques publiques destinées à la jeunesse, dans le cadre notamment de l'Éducation nationale mais aussi pour encourager et encadrer l'engagement des jeunes, occupent donc tout naturellement une place importante dans nos réflexions.

Sur le plan quantitatif tout d'abord, notre bilan s'appuie sur douze auditions plénières et six auditions « rapporteur » ; nous avons rencontré onze personnes au format « rapporteur » et vingt-quatre en réunion plénière.

Les personnes auditionnées représentent des profils divers : ministres, hauts fonctionnaires, responsables associatifs et universitaires ; les jeunes ne sont pas en reste puisque nous avons entendu dix volontaires du service civique et des jeunes engagés dans des associations. Les contacts avec la jeunesse vont d'ailleurs être plus nombreux dans les semaines à venir, notamment lors de nos déplacements.

Trois déplacements sont en effet inscrits à notre programme. Le 17 février, nous serons reçus au centre du Service national universel de Dunkerque, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Decool ; cette visite sera l'occasion d'échanges avec de jeunes volontaires du SNU. Le 24 février, dans le département du Maine-et-Loire, nous rencontrerons des jeunes effectuant un volontariat à l'ÉPIDE de Combrée. Les 23 et 24 mars, dans l'Hérault, le programme, là encore, s'articule, à l'initiative de notre rapporteur, autour d'échanges avec des jeunes.

Par ailleurs, nous avons procédé à une consultation des élus locaux sur la plateforme du Sénat. Nous avons reçu à ce jour plus de 1 500 réponses. Les questions portent plus particulièrement sur l'accueil de volontaires du service civique par les collectivités territoriales, sur le bilan des conseils de jeunes, sur les incivilités, voire les violences, subies par les élus et sur les procédures de consultation qu'ils ont mises en place dans leurs collectivités. Nous avons également appelé nos interlocuteurs à nous donner leur avis sur le thème « Comment accroître la place des jeunes dans la vie politique locale ? ». Ces réponses auront toute leur place dans le rapport.

Henri Cabanel, rapporteur . - Mes chers collègues, à l'heure de ce premier bilan d'étape de nos travaux, je souhaite revenir sur les enjeux de cette mission.

« Comment redynamiser la culture citoyenne ? » : tel est le questionnement qui nous a réunis.

Des liens qui se délitent au fil des scrutins par l'abstention, par les votes blancs, par la montée du vote protestataire, par une défiance en l'action publique, par des actes d'incivilité, par des agressions contre les élus, par des menaces, par des fake news sur les réseaux sociaux, le tout sur fond de crise sanitaire qui dure depuis deux ans... L'enjeu fondamental est donc : comment renouer des liens de confiance entre les citoyens et les élus ?

Cependant la confiance ne se décrète pas, et la défiance ne disparaît pas grâce à la seule mise en place d'outils.

Je crains que nos travaux génèrent plus une crispation s'il s'agit d'une critique à sens unique. Je pense que nous devons, en préambule, être conscients que si le décalage avec les citoyens s'accroît, c'est que la réponse politique n'est plus en adéquation avec leurs besoins. Nous ne pouvons jeter l'opprobre sur l'individualisme de notre société et continuer à agir dans nos structures politiques avec les mêmes méthodes.

Je pense qu'il faut que nous assumions notre responsabilité dans nos décisions et dans nos actes car le constat est sans appel.

Nous avons choisi ensemble de faire un focus sur les jeunes dans le cadre de cette mission d'information, car ils sont l'avenir de notre pays. Et si les jeunes ne croient plus, s'ils n'ont plus d'espoir et s'ils s'enferment eux aussi dans une défiance envers les gouvernants, nous avons collectivement beaucoup de souci à nous faire.

L'enjeu de notre mission est donc : comment construire une culture commune autour des lois et valeurs de la République, des droits et des devoirs ? Comment construire une citoyenneté ? Cela impose un effort particulier en matière d'éducation à la citoyenneté dans le cadre scolaire. Or l'enseignement moral et civique est-il de nature à relever le défi de cette méconnaissance des institutions ?

À cette première question, les auditions auxquelles nous avons procédé à ce jour nous permettent de répondre que l'enseignement moral et civique doit être recentré sur la connaissance de l'organisation institutionnelle et des lois de la République, et qu'il doit y avoir une continuité dans le parcours pédagogique, du primaire jusqu'au bac. Il ne doit plus être un « enseignement strapontin ». Parallèlement, les jeunes enseignants doivent être mieux formés et accompagnés dans l'enseignement de l'EMC.

Dans une démarche similaire, le recentrage de la Journée défense et citoyenneté (JDC) semble primordial.

Nos auditions ont également confirmé que, parallèlement à leur rapport distancié à la politique, avec un taux d'abstention qu'il est inutile de souligner à nouveau, les jeunes sont nombreux à souhaiter s'engager pour la collectivité. L'accompagnement de l'engagement des jeunes constitue désormais une vraie politique publique, qui s'articule principalement autour du service civique et du service national universel, qui pour sa part est encore en devenir.

L'une des questions à nous poser est : comment améliorer ces politiques publiques et donner envie aux jeunes de poursuivre leur engagement au-delà de leur volontariat ?

Car s'il y a de nombreuses actions en faveur des jeunes, notamment pour favoriser leur apprentissage de la citoyenneté, l'information des jeunes sur ces diverses actions semble défaillante, en tout cas pas assez structurée.

À ce stade de nos travaux, les pistes qui ont émergé de nos diverses auditions sont prometteuses : développer les missions de service civique en milieu rural, en réfléchissant à des solutions au problème de la mobilité et du logement qui se posent plus particulièrement pour nos jeunes compatriotes des territoires ruraux ; mieux valoriser l'engagement du jeune et changer le regard sur le service civique ; encourager peut-être la possibilité de césure après le bac ; enfin, améliorer la formation citoyenne dans le cadre du service civique en augmentant le nombre de jours de formation d'éducation civique et citoyenne des volontaires, limitée actuellement à deux jours.

Lors de son audition, Mme Darrieussecq a par ailleurs jugé souhaitable que le SNU reçoive une base juridique et financière stable afin de lui permettre de s'installer dans la durée.

Voilà un premier bilan de nos travaux, à ce stade de cette mission d'information. Je ne doute pas que les autres auditions nous permettront de compléter ces premières conclusions et de les étendre à d'autres thématiques.

Stéphane Piednoir, président . - Avant de procéder à notre échange de vues, évoquons si vous le voulez bien les grandes orientations de notre programme d'auditions pour la période de suspension.

Je vous propose de nous retrouver le 9 mars, le matin et l'après-midi, puis le 23 mars au matin et enfin les 29 et 30 mars.

Nous entendrons notamment, au cours de ces diverses séquences, les Missions locales, les associations d'éducation populaire, les associations d'élus, Martin Hirsch, qui fut à l'origine du service civique, ainsi que des membres de conseils de jeunes, tant de métropole que dans les outre-mer.

Le mois de mai sera dédié à la finalisation du rapport ; pour que vous puissiez en prendre connaissance, ce document sera mis à votre disposition quelques jours avant l'examen du rapport qui est prévu, comme nous en sommes convenus lors de notre réunion constitutive, au début de juin 2022, la date étant encore à préciser.

Qui souhaite prendre la parole ?

Hervé Gillé . - Les points que vous avez abordés me semblent en effet mériter un travail particulier dans le cadre de la préparation de notre rapport.

Je voudrais m'attarder plus particulièrement sur la visibilité et surtout l'attractivité des engagements citoyens. Il faut à mon avis essayer de qualifier ces parcours citoyens et les rendre plus visibles et attractifs. Il existe en la matière des orientations qui méritent d'être consolidées. Ainsi, le compte d'engagement citoyen doit être travaillé et mis en perspective. Son déploiement demeure encore très relatif. Il s'agit en quelque sorte d'appliquer à l'engagement citoyen la logique de la validation des acquis de l'expérience : c'est une idée intéressante, qui peut s'insérer dans des dispositifs existants comme par exemple ceux qui sont mobilisés par les missions locales. Mais il faut creuser davantage. On peut y mettre des éléments de reconnaissance destinées à qualifier un parcours. Pourquoi ne pas faciliter par exemple l'accès au permis de conduire grâce aux acquis d'un parcours citoyen ? Le déploiement du compte d'engagement citoyen me semble donc important.

Martine Filleul . - Je partage le point de vue d'Hervé Gillé. Il faut s'adresser autant que possible à tous les jeunes. Nos auditions ont porté sur des jeunes qui ont déjà envie de participer d'une manière ou d'une autre à la vie citoyenne. Mais c'est l'ensemble des jeunes que nous devrons toucher par nos propositions ! De ce point de vue, le meilleur vecteur - ce n'est pas une surprise - reste l'école. Je suis très attachée à une refonte complète de notre stratégie en matière d'éducation morale et civique. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre du rapport, mais cette question est vraiment centrale.

Marie-Pierre Richer . - Je partage le constat dressé par mes collègues. La mobilité est au coeur de la citoyenneté et de la nécessité d'aller vers l'autre. Nous devons donc prêter attention aux jeunes des territoires ruraux.

Vous avez indiqué que nous allions prochainement auditionner les associations d'élus. L'une des questions qui pourrait être posée est de savoir pourquoi des jeunes, une fois élus au conseil municipal, ne restent pas. Peut-être que nous ne laissons pas assez de place aux jeunes...

L'abstention des jeunes a été évoquée. La jeunesse d'aujourd'hui est-elle pour autant moins engagée que la jeunesse d'hier ? Au final, on se rend compte que beaucoup d'adultes plus âgés ne croient plus non plus dans les institutions et ne vont pas voter. Cela fait partie de mes interrogations.

Henri Cabanel, rapporteur . - On constate un fort taux de démission dans les conseils municipaux des jeunes. Mais c'est un phénomène que l'on constate également dans d'autres instances locales. La loi a instauré des conseils de quartier. Au début, les participants sont nombreux, puis au fur et à mesure des réunions, il n'y a plus personne. Ce n'est pas en créant de nouveaux outils que l'on trouvera la solution. Il faut avant tout demander aux jeunes ce qu'ils attendent plutôt que d'essayer de refaire ce qui existe déjà. Ne tombons pas dans le piège de créer sans arrêt de nouveaux outils.

Marie-Pierre Richer . - Je me suis sans doute mal exprimée. Je ne propose pas de créer de nouveaux outils. Mes propos concernaient les jeunes élus dans les conseils municipaux. Souvent les équipes, lors de la constitution des listes, vont chercher des jeunes. Ils se portent candidats, sont élus, mais on constate qu'ils démissionnent au bout de deux ou trois ans. Les élus plus expérimentés les intègrent-ils assez ?

Laure Darcos . - L'audition de la directrice général de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, hier, était très intéressante et concrète. Il me semble qu'il faudra mettre en avant, dans notre rapport, l'insuffisante lisibilité de l'ensemble des dispositifs existants. Les outils sont nombreux, on sent une volonté politique d'intégrer les jeunes. Mais entre le service national universel, le service civique et d'autres dispositifs, les jeunes et leurs parents ne savent pas s'y retrouver. L'un des apports de nos travaux doit être de montrer que de nombreuses choses existent, plus que l'on ne pense.

Je reste un peu se ma faim s'agissant de la citoyenneté à l'école : plus personne ne parle des cours d'instruction civique. Sans doute pourrions-nous creuser cette piste.... Par ailleurs, je suis particulièrement attachée à l'apprentissage de l'esprit critique.

L'importance des conseils municipaux des jeunes n'a pas été suffisamment prise en compte. Certaines mairies l'utilisent comme un faire-valoir. Au contraire, d'autres s'approprient beaucoup plus cet outil. Les jeunes peuvent avoir des choses à dire au sein de leur municipalité. Peut-être arriverons nous à ramener les jeunes vers la chose publique s'ils sont associés plus tôt.

Enfin, est-ce notre rôle de parler du vote blanc ? J'entends de nombreux jeunes me dire « nous sommes également estomaqués par les chiffres de l'abstention, mais vous ne prenez pas en compte le vote blanc ».

Stéphane Piednoir, président . - J'entends également beaucoup cette remarque. Mais que fait-on si le vote blanc est majoritaire à une élection ? En démocratie, une majorité doit se dégager. Du reste, le vote blanc est identifié sur la feuille des résultats.

Henri Cabanel, rapporteur . - Il n'est cependant pas comptabilisé dans les pourcentages. Il y a quelque temps, dans le cadre d'un travail conduit avec un lycée de mon département, j'avais proposé aux élèves de travailler sur un sujet pouvant déboucher sur un texte, en s'inspirant des méthodes du travail parlementaire. Ils avaient choisi de réfléchir sur une proposition de loi relative au vote blanc.

Stéphane Piednoir, président . - Avec la reconnaissance du vote blanc, le seul message serait l'affaiblissement de celui qui va être élu, avec 37 % des voix au lieu de 51 % des voix.

Henri Cabanel, rapporteur . - Il y a débat. Le vote blanc est la contrepartie du devoir d'aller voter. Je pense également que cela peut avoir des incidences vertueuses sur ceux qui proposent des programmes pour davantage s'intéresser à ces populations. Le vote blanc me semble être une première étape pour changer les consciences et essayer de répondre au mieux à l'attente des citoyens.

Céline Boulay-Espéronnier . - Cette mission d'information est fondamentale. Elle correspond à l'ADN du Sénat. Il est au coeur de notre pensée politique de se demander pourquoi autant de citoyens ne veulent plus voter, pourquoi un jeune de 18 ans peut dire aujourd'hui qu'il n'a pas d'espoir dans la politique. Le pire serait de l'assortir d'une forme de culpabilisation. La question du vote blanc n'est pas à prendre à la légère.

Je suis persuadée par ailleurs que la citoyenneté s'incarne dans différentes formes d'engagement.

Sabine Drexler . - Martine Filleul rappelait l'importance de toucher l'ensemble des jeunes, y compris ceux qui ne se placent pas volontairement dans une démarche d'engagement. J'aimerais évoquer l'expérience d'Israël, où les jeunes de 15 ans ont une obligation d'engagement d'une demi-journée par semaine dans une association. Cela s'inscrit dans l'obligation scolaire et l'assiduité est contrôlée. Un des résultats de ce dispositif est que les adultes sont également plus engagés dans le monde associatif. Ce dispositif qui m'a été présenté à l'occasion d'un déplacement à Jérusalem m'a impressionnée.

Stéphane Piednoir, président . - Israël correspond en effet à un contexte spécifique, dans lequel le service militaire imposé aux jeunes hommes et aux jeunes femmes crée des conditions différentes d'engagement.

Hervé Gillé . - Le débat autour de la prise en compte du vote blanc doit se nourrir de l'évolution de la société. La notion de qualification du parcours citoyen doit tenir compte de cette évolution. La faible participation est liée au sentiment chez certains citoyens que les enjeux du vote sont limités, en particulier chez les jeunes. Ce phénomène a été observé à l'occasion des élections départementales et régionales. Le désintérêt des jeunes se nourrit d'une difficulté à distinguer l'enjeu politique de ces élections. La recréation d'un enjeu politique est le premier levier pour éviter une forme de décrochage citoyen.

Il faut également surmonter notre crainte, voire notre peur de perdre notre légitimité. Le vote blanc nourrit cette inquiétude. Le reconnaître supposerait d'affronter notre crainte de perte notre légitimité.

Stéphane Piednoir, président . - Comment expliquer dans ce cas que l'élection présidentielle, dont les enjeux sont essentiels, connait également de forts taux d'abstention, comme par exemple en 2017 ? Je pense qu'il faut envisager le fait que les citoyens d'aujourd'hui sont « gâtés ». En 1968, il y avait de vraies luttes idéologiques. Les jeunes d'aujourd'hui ne connaissent pas l'opposition idéologique, ils ne connaissent pas de menace à nos frontières. Nous avons perdu un ennemi à combattre, ce qui est dangereux.

Je maintiens ma position : le vote blanc fragilise la légitimité des élus et cette fragilisation est plus grave encore pour les citoyens que pour les élus, dans la mesure où le pouvoir sera toujours exercé, reste à savoir par qui.

Henri Cabanel, rapporteur . - S'agissant des élections présidentielles, il me semble qu'en 2017, pour la première fois, l'abstention a été plus forte au second tour qu'au premier. C'est un signe. J'insiste sur le fait qu'aujourd'hui cette légitimité a été perdue aux élections municipales. Les maires élus avec 17,5 % des électeurs ont perdu une part de leur légitimité. Il faut peut-être à ce titre nous remettre en question.

Marie-Pierre Richer . - Le cas du deuxième tour de 2017 est une situation particulière et conjoncturelle. La présence d'un parti extrême au deuxième tour a changé le rapport des citoyens à ce scrutin.

Henri Cabanel, rapporteur . - En 2002, quand le second tour a opposé Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen, les gens se sont déplacés !

Martine Filleul . - Je veux réagir à ce qu'a dit Hervé Gillé. Je cite souvent Alexis de Tocqueville qui affirme qu'« en démocratie il faut accepter l'idée qu'à chaque génération correspond un peuple différent ». Je pense à ce titre qu'il nous faut accepter que l'élection n'ait plus la même valeur qu'autrefois. Notre génération perçoit le vote comme un devoir. La jeune génération perçoit le vote comme un droit et estime qu'il est normal de ne pas voter aux élections dont les enjeux ne l'intéressent pas. Le désintérêt pour les élections locales correspond peut être à une forme d'échec de la décentralisation.

L'élection présidentielle, qui est beaucoup plus médiatisée et mise en scène, attire plus. L'électeur devient un consommateur à travers le vote. Toutefois, dans certaines circonstances, il existe un risque que le désintérêt s'étende à l'élection présidentielle elle-même.

Céline Boulay-Espéronnier . - Je pense que le maintien des élections en temps de pandémie a été un facteur de crise de la représentation. Des maires ont été élus avec un pourcentage de voix particulièrement faible. Je pense qu'il faut également tenir compte du contrepouvoir exceptionnel que constituent les réseaux sociaux, dont le rôle majeur doit être pris en considération. Un jeune a aujourd'hui un accès direct à l'information, quelle qu'elle soit, sur les réseaux sociaux - son opinion ne se fait plus nécessairement devant le journal télévisé ou les grandes émissions politiques. Il serait intéressant de se demander quelles en sont les conséquences du point de vue la citoyenneté. Ce n'est pas la même chose d'être citoyen en 1945, en 1968 et en 2022.

Stéphane Piednoir, président . - Les jeunes redécouvriront le chemin des urnes quand ils se rendront compte des enjeux en termes de démocratie. Je vous remercie.

EXAMEN DU RAPPORT

Mardi 7 juin 2022

Présidence de M. Stéphane Piednoir, président

Stéphane Piednoir , président . - Mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la mission d'information sur la redynamisation de la culture citoyenne, mise en place le 1 er décembre dernier à l'initiative du RDS. En vue de la réunion d'aujourd'hui, un rapport provisoire vous a été communiqué mercredi 1 er juin.

Ce rapport s'appuie sur 27 auditions plénières et sur 12 auditions de notre rapporteur, ouvertes à l'ensemble de la mission. Au total, nous avons entendu 66 personnes en réunions plénières, dont quatre membres du Gouvernement, et 22 personnes au format « rapporteur ».

Nos trois déplacements - à Dunkerque, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Decool, puis dans le Maine-et-Loire et dans l'Hérault - ont confirmé le dynamisme des acteurs de terrain dans les domaines couverts par la mission.

Les élus locaux que nous avons consultés sur la plateforme en ligne du Sénat ont été nombreux à nous adresser témoignages et suggestions. Ils sont abondamment cités dans le rapport, auquel est annexée une synthèse de leurs contributions. Qu'ils soient chaleureusement remerciés pour leur participation.

Je me réjouis que l'une de nos réunions se soit tenue en association avec la délégation sénatoriale aux outre-mer. Il est toujours valorisant de créer des synergies avec d'autres structures du Sénat sur des thématiques communes.

Nos travaux, en écho à une actualité marquée par des échéances électorales importantes, se sont inscrits dans un questionnement plus général sur l'abstention, notamment parmi les jeunes - un phénomène mis en lumière par les élections départementales et régionales de l'année dernière. Comment donner envie aux jeunes de voter ? Comment éduquer les électeurs et futurs électeurs à la citoyenneté ?

Au cours de nos auditions et déplacements, nous avons veillé à donner la parole aux jeunes : volontaires du service national universel (SNU) et du service civique, jeunes élus locaux, membres de conseils de jeunes de métropole et des outre-mer, lycéens et responsables associatifs.

Une note de la division de la Législation comparée sur le service civique a complété notre information sur le sujet. Annexée au rapport, cette étude montre que les politiques publiques encourageant l'engagement des jeunes ne sont pas propres à la France : d'autres pays partagent cette préoccupation, notamment l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Par ailleurs, la situation en Ukraine, qui prouve que la guerre sur notre continent n'est plus une hypothèse d'école, jette à mon avis un éclairage nouveau sur la formation à la citoyenneté. Formons-nous des citoyens qui seraient prêts à s'engager pour défendre leur pays - étant entendu que cette défense peut revêtir bien d'autres aspects que le maniement des armes ? Y serions-nous prêts nous-mêmes ? Nous avons beaucoup parlé d'engagement pendant cette mission d'information : il est légitime de s'interroger sur cette dimension de la citoyenneté, même si le rapport traite de l'ensemble des dimensions de cette vaste question.

Après l'exposé du rapporteur et le débat qui s'ensuivra, nous procéderons au vote sur les recommandations. Les groupes pourront adresser au secrétariat de la mission, jusqu'au jeudi 9 juinà midi, leurs éventuelles contributions écrites, destinées à faire état, le cas échéant, de positions spécifiques ; ces contributions seront annexées au rapport.

Henri Cabanel , rapporteur . - Mes chers collègues, cette mission d'information est partie pour moi d'une conviction forte : si la distance entre les élus et les citoyens s'est creusée d'élection en élection, si la défiance s'est accrue, comme le montre le taux d'abstention, c'est notre responsabilité de faire en sorte que la politique réponde aux attentes de nos concitoyens, même si cela passe par une mise en question de nos pratiques et de nos méthodes.

Face à cette distance croissante entre les citoyens et les élus, j'ai souhaité réfléchir à ce que cela signifie aujourd'hui, être citoyen. J'ai choisi d'aborder cette question à travers la notion de « culture citoyenne » : la « culture citoyenne » est en effet ce qui permet à chacun de s'inscrire dans un projet commun par des références partagées. Or aujourd'hui, notre pays connaît tant de fractures et de défis que l'on a du mal parfois à trouver quelles références nous partageons vraiment tous et toutes. Il faut donc redynamiser cette culture citoyenne, qui s'est affaiblie. C'est une responsabilité collective.

J'ouvre une parenthèse sur la définition de la citoyenneté. Le sens de cette notion a évolué avec le temps et a intégré des dimensions diverses : solidarité, civisme et respect de l'environnement notamment.

Je voudrais rendre hommage ici à nos prédécesseurs qui, en 1997, débattant de ce que devait devenir le service national avec la professionnalisation des armées, avaient proposé la mise en place d'un « rendez-vous citoyen » d'une semaine, obligatoire pour tous les jeunes, garçons et filles, afin qu'ils découvrent les armées et la gendarmerie ainsi que les différentes formes de service volontaire et de réserves. Malheureusement, ce projet de loi n'a pas perduré et finalement ce « rendez-vous » a été réduit à une petite journée, dont la journée défense et citoyenneté (JDC) est aujourd'hui l'héritière.

Pour ma part, je regrette que ce « rendez-vous citoyen » n'ait pas été mis en place. Il y avait là un usage intéressant du mot « citoyen » : a contrario , je trouve à titre personnel le combat de l'association « Alliance citoyenne » assez peu « citoyen ».

J'ai souhaité aborder la culture citoyenne dans une double approche. D'une part, comment le citoyen est-il éduqué, formé à la connaissance des valeurs communes qui sont le socle de la citoyenneté ? Cette éducation à la citoyenneté fonctionne-t-elle ?

D'autre part, qu'est-ce qui doit évoluer dans les pratiques démocratiques pour rapprocher le citoyen des institutions ? J'en suis convaincu, c'est à un changement de culture politique que nous invite la situation actuelle.

J'ai fait le choix de structurer le rapport dans la logique d'un « parcours citoyen » inscrit dans une continuité, dès l'école et à toutes les étapes de la vie. Ce parcours, dans sa logique chronologique, inspire la structure du rapport. Vous en avez une illustration sur l'infographie qui vous a été distribuée, et qui sera insérée au rapport.

Les 23 recommandations que je vous propose sont assorties d'un tableau de suivi, annexé au rapport, dans l'esprit des préconisations issues du rapport du groupe de travail du Sénat sur la modernisation de ses méthodes de travail dont Pascale Gruny, vice-présidente, était rapporteure.

La première partie du rapport concerne l'éducation à la citoyenneté, et plus particulièrement le socle de connaissances sur lequel doit s'appuyer la culture citoyenne : l'enseignement moral et civique (EMC) est une dimension importante de cette analyse.

Les deux premières recommandations tirent les conséquences des constats suivants : les programmes d'EMC sont très (trop) ambitieux et rédigés de manière confuse ; l'ampleur des thématiques qu'ils contiennent contraste avec la demi-heure hebdomadaire réservée à l'EMC dans les emplois du temps ; l'article L. 312-15 du code de l'éducation, qui détermine ces programmes, a été modifié une fois par an en moyenne entre 2017 et 2022 (et deux fois pour la seule année 2021) ; paradoxalement, si les programmes sont surdimensionnés, les manuels, qui appliquent ces programmes, sont plutôt pauvres en informations ; ils contiennent des documents bruts, beaucoup de photographies et d'images en couleurs, mais peu de texte permettant d'accéder aux connaissances ; on constate des redites d'année en année, liées à la structuration des programmes par cycle pluriannuel et non par classe ; sur le plan sociétal enfin, c'est une approche assez négative et pessimiste qui domine ; par exemple on parle beaucoup des discriminations, mais pas de l'édifice juridique construit depuis des décennies dans notre pays sur le principe d'égalité ; on parle des « scandales politico-financiers » et de la défiance à l'égard de la représentation politique, mais sans préciser qui sont ces responsables politiques et quelles sont leurs fonctions !

Le bilan de cet enseignement est sans appel : nous avons entendu maints témoignages de l'ignorance des jeunes - y compris d'étudiants en première année de droit - sur le rôle et le fonctionnement des institutions. Il y a dans le rapport des citations très explicites, notamment d'une jeune élue qui s'est adressée à nous via la plateforme des élus locaux. Je vous invite à prendre connaissance de ces témoignages. En d'autres termes, l'EMC ne prépare pas les jeunes à exercer leur droit de vote et ils sont nombreux à ressentir à cet égard un sentiment d'illégitimité. Ce n'est pas acceptable.

En conséquence, la recommandation n° 1 vise à recentrer la définition législative de l'EMC sur ce qui devrait être son objectif premier : tout d'abord la connaissance des institutions et des principes de la République, et ensuite la transmission d'outils permettant de comprendre les grands enjeux du monde contemporain (environnementaux, sociétaux et internationaux). L'article L. 312-15 du code de l'éducation doit donc être modifié en ce sens et nous devrons, en tant que parlementaires, nous astreindre à cesser de le modifier au gré de l'actualité législative, comme cela a été le cas ces dernières années.

La recommandation n° 2 concerne l'élaboration des programmes par l'Éducation nationale : ils doivent être revus sur cette base et conçus dans une logique annuelle, classe après classe, et non dans une approche par cycle.

Ensuite, nos auditions ont mis en lumière une formation insuffisante des enseignants à l'EMC, qui repose le plus souvent, dans le secondaire, sur les professeurs d'histoire-géographie. Pourtant, l'EMC ne figure pas au programme des concours de recrutement de ces enseignants. Il faut donc que ces concours comprennent une question d'EMC. Quant aux professeurs des autres disciplines qui peuvent être chargés de cours d'EMC, il faut qu'ils puissent être y formés dans le cadre de la formation continue. Tel est l'objet de la recommandation n° 3.

Afin d'accompagner les enseignants, la recommandation n° 4 vise à élaborer à leur attention des outils pédagogiques clairs et objectifs sur le rôle des institutions. Il est extrêmement difficile pour les enseignants de s'y retrouver dans la masse d'outils pédagogiques disponibles en ligne, sans aucun accompagnement. L'élaboration de ces outils pédagogiques serait confiée à l'Éducation nationale, en lien avec les institutions (associations d'élus, services du Parlement français et du parlement européen, services du Premier ministre...). Le Sénat a mis en place en 1999 un site dédié, Sénat junior : il s'agit de s'inspirer de cette démarche et de la généraliser à l'ensemble des institutions, locales, nationales et européennes dans une approche coordonnée.

Dans le même esprit, la recommandation n° 5 a pour objet de généraliser des rencontres entre élus et élèves, dans les classes ou lors de visites d'institutions locales et nationales. Les élus locaux consultés par la mission d'information ont spontanément suggéré cette pratique pour rapprocher les citoyens (ou plutôt futurs citoyens) des institutions. Montrer concrètement le travail des élus sur la base de contacts directs est en effet un levier intéressant : nous l'expérimentons tous et toutes lorsque nous allons dans les classes échanger avec les élèves. De même, les visites d'institutions (mairies, conseils départementaux, régionaux...) par les élèves doivent être encouragées. Des conventions entre l'Éducation nationale et les institutions (mairies, conseils départementaux, généraux, etc.) devraient être conclues pour favoriser ces échanges et ces visites.

Enfin, la recommandation n° 6 vise à mieux connaître le niveau des élèves en EMC en y étendant l'évaluation des acquis qui a lieu en classe de 6 e et de seconde.

Autre étape importante du parcours citoyen : la journée défense et citoyenneté (JDC), lointaine héritière du service national obligatoire. Elle doit retrouver sa vocation initiale de rendez-vous unique, dans la vie d'un jeune, avec les armées et avec toutes celles et ceux qui assurent la défense de notre pays. Cet objectif avait été défini en 1997 lorsque la conscription a été suspendue. Or son socle juridique a été modifié douze fois depuis 1997, et certaines années deux fois (en 2004 et 2011). Le programme de la JDC intègre aujourd'hui des problématiques très diverses (don d'organe, de sang, de gamète, de plaquettes, sensibilisation à la sécurité routière, dangers des addictions, etc.) certes intéressantes, mais en parallèle,le temps dédié aux questions de défense et de sécurité s'est contracté (moins de trois heures sur huit), ce qui est paradoxal.

La base législative de la JDC doit donc être rédigée dans une logique de recentrage. Tel est l'objet de la recommandation n° 7. Là encore, nous devrons nous astreindre à éviter par la suite de modifier trop fréquemment cette disposition.

L'éducation à la citoyenneté concerne aussi les formations citoyennes délivrées en dehors de l'école, dans une logique de rattrapage.

La recommandation n° 13 concerne ainsi l'exclusion temporaire des élèves : il faut que cette sanction soit l'occasion pour le jeune d'une prise de conscience citoyenne. Le risque est que ces jeunes se retrouvent privés de tout repère pendant plusieurs jours, en dehors du cadre structurant de leur établissement scolaire. Nous avons observé pendant notre déplacement dans l'Hérault une bonne pratique mise en place à Montpellier par l'association Uni'sons. Cette initiative gagnerait, j'en suis convaincu, à être généralisée sur une base partenariale, avec les acteurs locaux.

J'ai aussi souhaité mettre l'accent, dans cette première partie, sur l'éducation à la citoyenneté dans les dispositifs d'insertion sociale et professionnelle. J'ai découvert combien les structures qui accompagnent les jeunes en difficulté, souvent en situation de décrochage, attachent d'importance à l'éducation à la citoyenneté.

On ne peut attendre d'un jeune qu'il se sente citoyen s'il a le sentiment de ne pas avoir sa place dans la société. Et inversement la formation citoyenne est un vrai levier d'intégration.

Le rapport traite plus particulièrement des missions locales de l'Épide et, dans une moindre mesure, du service militaire volontaire : ces constats valent également pour les écoles de la deuxième chance.

S'agissant plus particulièrement de l'Épide, les auditions ont montré que la notoriété de cet établissement devrait être renforcée. Sa visibilité sur la plateforme « 1 jeune, 1 solution » devrait tout d'abord être améliorée, car il est difficile de trouver cet établissement en ligne, sauf si l'on connaît déjà son existence. En outre, deux points me semblent souhaitables : premièrement, il y a une vraie difficulté pour des jeunes qui n'ont obtenu aucun de leurs choix sur Parcoursup et qui se retrouvent sans perspective. L'Épide devrait donc faire partie, en dernier recours, des options proposées par les commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES) aux jeunes dont le profil correspond à celui des volontaires à l'insertion (recommandation n° 15) ; deuxièmement, il faudrait assouplir la durée pendant laquelle l'Épide peut offrir une solution d'hébergement à des jeunes qui, bien qu'ayant un contrat de travail, ne peuvent encore accéder à un logement autonome. Cet hébergement est actuellement de trois mois maximum après la fin du contrat de volontaire à l'insertion. Je propose de le porter à une durée totale de six mois pour que l'Épide puisse jouer pleinement son rôle d'accompagnement vers l'autonomie (recommandation n° 16).

Enfin, les « stages de citoyenneté » effectués à la demande du parquet, par exemple comme mesures alternatives à des poursuites pénales et aux frais des stagiaires, gagneraient à être évalués par le ministère de la justice afin que l'on puisse apprécier leur impact en termes de prévention de la récidive (recommandation n° 14).

Ensuite, pour être vivante, la culture citoyenne peut s'incarner dans un engagement aux modalités très diverses, du délégué de classe aux très nombreuses formes de bénévolat. Tel est l'objet de la deuxième partie du rapport.

Nous avons entendu parler pendant nos auditions de « soif d'engagement » à propos des jeunes. Mais cet engagement n'est peut-être pas celui auquel nos générations sont habituées. Nous l'avons vu, les jeunes s'engagent différemment, pour une cause plus que pour une structure, et souvent dans une logique de « zapping » qui est un vrai défi pour les acteurs de la vie associative.

Il y a bien des façons d'être engagé au service de la collectivité, notamment par son métier ou par l'exercice d'un mandat d'élu. La deuxième partie du rapport se concentre plus particulièrement sur les politiques publiques qui encouragent et encadrent l'engagement, et en priorité sur celui des jeunes.

La cohérence de ces politiques publiques doit aujourd'hui être renforcée, et cela passe d'abord par la définition d'objectifs clairs concernant le service national universel (SNU) qui est censé constituer le socle du service civique.

Sur ce point, le rapport constate que le SNU peine à se mettre en place. Pour le moment, les efforts du Gouvernement ont surtout porté sur le séjour de cohésion. Mais les objectifs fixés par le précédent Gouvernement pour 2022 (50 000 jeunes) ne semblent pas en passe d'être atteints. La phase 2 (mission d'intérêt général) reste quant à elle le « parent pauvre » du SNU.

Cette politique publique reste en effet marquée par de réelles incertitudes.

Il y a tout d'abord une ambiguïté sur la nature du SNU. Nous l'avons constaté à Dunkerque : certains jeunes sont attirés par une dimension militaire qui ne correspond pas à la réalité du séjour de cohésion. La communication doit donc être plus claire sur ce point afin d'éviter des déconvenues : le séjour de cohésion n'est pas le « rendez-vous citoyen » envisagé par nos prédécesseurs en 1997.

Il faut donc faire des choix sur le socle juridique du SNU. Quel doit être le statut des jeunes : volontaires, comme c'est le cas actuellement, ou « appelés » répondant à une obligation légale, comme autrefois dans le cadre du service national ? Si l'on considère, en bonne logique, que pour être universel, le SNU doit être obligatoire, il est possible qu'une révision constitutionnelle soit nécessaire. Enfin, quel doit être le périmètre du SNU : faut-il le réserver aux jeunes Français et Françaises ou doit-il être ouvert, comme le service civique, à certains ressortissants étrangers volontaires ?

Le Parlement n'a jamais été saisi de cette politique publique, sauf dans le cadre du projet de loi de finances. Il est grand temps que la représentation nationale donne enfin son avis et qu'un débat parlementaire associe les deux assemblées à l'élaboration des grands axes de cette politique publique, en amont de la définition de son cadre législatif et, le cas échéant, de sa base constitutionnelle (recommandation n° 8). C'est la priorité, avant toute réflexion sur les missions d'intérêt général, dont le rapport montre bien qu'elles sont très perfectibles.

J'en viens au service civique, auquel sont consacrées trois recommandations. Il constitue en théorie la phase 3 du SNU.

Nous avons constaté au cours de nos auditions combien cette forme d'engagement était plébiscitée par les jeunes. Depuis sa création en 2010, le service civique a accueilli environ 600 000 jeunes, soit presque l'équivalent d'une classe d'âge. Mais parallèlement à ce succès, des marges de progression existent.

La recommandation n° 9 vise à sanctuariser les moyens dégagés par le plan de relance, qui a permis de financer 100 000 missions supplémentaires en deux ans. Or, le plan de relance a une vocation temporaire. Ce serait regrettable de compromettre cette dynamique, que le rapport appelle à poursuivre.

La recommandation n° 10 concerne le service civique en milieu rural. Il a été fléché par le comité interministériel aux ruralités de novembre 2020 comme un vrai potentiel, à la fois pour donner aux jeunes des territoires ruraux des perspectives d'engagement, et pour que les jeunes des autres territoires puissent découvrir le milieu rural. Il y a eu une vraie progression et le nombre de volontaires en milieu rural a bien augmenté. Cet effort doit se poursuivre.

Or, la mobilité des jeunes est un frein au développement du service civique en milieu rural : cela nous a été confirmé lors des auditions. Il se trouve que les dépenses afférentes aux frais de transport engagés dans le cadre de la mission ne peuvent être assurées par l'Agence du service civique. Je plaide donc pour qu'un financement de l'État prenne en charge les contraintes particulières inhérentes au service civique en milieu rural.

Par ailleurs, la recommandation n° 11 concerne l'augmentation du nombre de jours de formation civique et citoyenne des volontaires du service civique, dont le minimum est actuellement fixé par décret à deux jours.

S'agissant de l'engagement associatif, nous avons pu mesurer les défis auxquels est aujourd'hui confrontée la vie associative. Le maintien du dynamisme du secteur associatif, qui est réel, dépend de la capacité des associations à s'ouvrir à de nouveaux bénévoles - notamment à des jeunes. Il faut aussi que les associations soient prêtes à faire de la place à ces nouveaux membres dans leurs instances de gouvernance.

La recommandation n° 12 vise à accompagner les évolutions de la gouvernance des associations, qui s'appuie régulièrement, depuis quelques années, sur l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, par exemple) : notre attention a été attirée sur l'intérêt d'une mise à jour des formulaires administratifs, qui s'en tiennent toujours à une conception classique, alors que la loi de 1901 autorise des formules d'organisation très diverses.

J'en arrive à la troisième partie du rapport.

Dynamiser la culture citoyenne implique une participation active des citoyens à la décision politique, ce qui passe par une modernisation du processus électoral et une meilleure association des citoyens aux décisions. Les outils de démocratie participative, que nous connaissons bien dans nos territoires, sont variés.

Encore faut-il que l'on n'y ait pas recours pour des motifs de communication, d'image politique, mais dans un esprit sincère, avec une méthode faisant une large place au dialogue puis au retour d'expérience et à l'évaluation.

Dans cette partie, un premier axe de recommandations vise à « dépoussiérer le processus électoral » et à mieux informer les électeurs avant chaque scrutin. C'est une urgence : l'abstention a atteint 28 % au second tour de l'élection présidentielle d'avril ; elle a donc encore progressé depuis 2017 (25,4 %).

Généraliser la possibilité pour une personne de détenir deux procurations, qui a été en vigueur jusqu'en 1989 et qui a été réactivée pendant la crise sanitaire, semble incontournable. Il faut donc modifier l'article L. 73 du code électoral en ce sens (recommandation n° 17).

Ensuite, les professions de foi des candidats, dont l'envoi postal est soumis depuis quelques années à de fortes turbulences, doivent pouvoir être adressées de manière dématérialisée aux électeurs qui le souhaitent. Notre commission des lois l'a d'ailleurs prévu dans un de ses rapports récents. Cette amélioration suppose de revoir les articles L. 165 et L. 166 du code électoral (recommandation n° 18).

Enfin, nous devons absolument prévoir des campagnes d'information « grand public », en amont de chaque scrutin, pour que chaque électeur puisse mesurer l'enjeu de l'élection à venir et connaître le rôle des instances qui vont être élues. Ces campagnes doivent être faites sur tous les supports, avec une attention particulière pour ceux qui touchent les jeunes, c'est-à-dire les applications et les réseaux sociaux (recommandation n° 19).

Par ailleurs, la recommandation n° 20 concerne le vote électronique. J'ai bien conscience que nous sommes nombreux à être attachés au cérémonial républicain de l'isoloir ; de plus, le rapport fait état des nombreux obstacles qui doivent être levés, notamment sur le plan de la sécurité, avant que le vote en ligne puisse être une réalité. Tout récemment, la presse s'est fait l'écho de difficultés concernant l'élection des députés des Français de l'étranger, qui autorise le vote électronique. Malgré ces réserves et difficultés, il me semble que l'évolution vers le vote en ligne est inéluctable ; il faut donc s'y préparer dès maintenant. C'est pourquoi je vous propose de nous prononcer en faveur d'expérimentations du vote électronique lors de scrutins locaux, dans les collectivités qui le souhaitent, puis de lancer une vaste réflexion sur ce sujet, à partir du bilan de ces expérimentations. Les dysfonctionnements constatés lors de l'élection des députés représentant les Français de l'étranger devraient plutôt inciter à travailler davantage pour renforcer la fiabilité du processus de vote électronique.

Nous en sommes tous conscients, aucune de ces mesures ne saurait à elle seule suffire à donner envie de voter à des personnes qui affirment n'avoir aucun intérêt pour la politique. Il n'y a pas, dans ce domaine, de « recette miracle ». Mais on peut quand même alléger des contraintes qui peuvent encourager l'abstention.

Outre l'abstention, il y a la question du vote blanc, qui relève d'une autre démarche. Sa reconnaissance est un débat récurrent. On peut comprendre la frustration des électeurs : en 2022, le nombre de bulletins blancs au second tour a dépassé deux millions, ce qui est comparable au nombre de voix recueillies par certains candidats au premier tour.

La frustration de ces électeurs n'est pas atténuée par le fait que, depuis 2014, les bulletins blancs sont décomptés séparément des bulletins nuls. À titre personnel, je suis favorable à la prise en compte des votes blancs dans le calcul des suffrages exprimés (sauf lors de l'élection présidentielle et des référendums où cela se heurterait à des difficultés constitutionnelles) ; j'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens.

J'en viens aux dernières recommandations, qui concernent les jeunes. Il faut qu'ils puissent être des acteurs à part entière de la vie démocratique. Il en va de l'avenir de notre démocratie. Cela commence, comme le rapport le souligne à plusieurs reprises, par l'échelon local : ce n'est pas au Sénat que l'on entendra le contraire ! Du reste, nous avons pris connaissance des nombreuses initiatives prises à l'échelon territorial à l'attention des jeunes. Entre autres exemples, je citerai le dispositif « Tremplin citoyen » de l'Essonne, sur lequel notre collègue Laure Darcos a, à juste titre, attiré notre attention.

J'ai entendu comme vous un jeune élu nous dire : « Nous ne sommes pas l'avenir, nous sommes le présent ». Cela m'a beaucoup marqué. Des élus locaux consultés sur la plateforme du Sénat se sont exprimés en ce sens : « il faut ouvrir aux jeunes la porte des institutions » et « leur faire confiance ». Dans le même esprit, les membres de conseils de jeunes que nous avons reçus ont attiré notre attention sur le fait qu'ils ne sont pas là « pour la photo », mais veulent jouer un rôle et participer à la vie de la collectivité.

Dans cette perspective, je propose de créer un statut de l'élu étudiant. Il faut modifier le code général des collectivités territoriales pour que les conseillers municipaux, départementaux et régionaux inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur bénéficient d'aménagements de scolarité qui facilitent la conciliation de leurs études et de leur engagement d'élu (recommandation n° 21). Des aménagements existent pour les salariés : il faut les étendre aux étudiants.

Dans la même logique, il me semble utile d'inviter les collectivités territoriales où ont été mis en place des conseils d'enfants et de jeunes à essayer de leur confier de vrais projets. Cette démarche est très exigeante pour les élus, car l'accompagnement des jeunes suppose d'y consacrer beaucoup d'énergie. Mais je pense que l'effort est gratifiant.

La recommandation n° 22 appelle aussi les collectivités territoriales, lorsque c'est possible, à confier aux jeunes élus des responsabilités au sein des exécutifs locaux.

Elle suggère également de généraliser les bonnes pratiques telles que les « journées citoyennes », dont nous avons vu qu'elles sont un vecteur intéressant de solidarités intergénérationnelles, ce qui est important en termes de cohésion sociale.

Enfin, j'en viens à la question du devoir de mémoire. Nous y avons beaucoup travaillé, et c'est l'un des points originaux de ce rapport. Le devoir de mémoire fait partie intégrante de ce qui nous permet de nous projeter dans un avenir commun. Il est pour moi au coeur de notre sujet. Les cérémonies et commémorations sont des temps forts de la vie locale. Or la disparition progressive des derniers témoins des deux guerres mondiales impose de réfléchir au passage de relais pour que cette mémoire reste vivante.

L'un des axes de réflexion dans ce domaine est que les jeunes puissent jouer un rôle actif dans ces cérémonies et commémorations. Nous avons été plusieurs à le faire observer lors des auditions : les cérémonies prennent une dimension intéressante lorsque les classes peuvent y participer avec leurs professeurs. Les organisateurs des cérémonies devraient y travailler avec l'Éducation nationale. Dans certains cas, ces cérémonies pourraient être programmées pendant le temps scolaire. Tel est l'objet de la recommandation n° 23.

Mes chers collègues, je tiens à vous remercier pour votre participation à nos travaux. Nos collègues Guy Bennaroche et Bernard Fialaire n'avaient pas vocation, en tant que membres suppléants de la mission, à assister à cette réunion, ce que je déplore car ils ont été impliqués et assidus.

Laure Darcos . - Nos travaux ont été passionnants.

Monsieur le rapporteur, je constate une pointe de regret sur le fait que le vote blanc ne soit pas mieux pris en compte. Il a son importance, particulièrement parmi les jeunes.

Les Épide font un travail remarquable : votre proposition de mieux les intégrer dans Parcoursup pour les jeunes dont aucun souhait n'a été accepté me parle beaucoup.

Ce rapport est primordial pour lancer une dynamique en faveur des jeunes, mais aussi des adultes, dont certains auraient aussi besoin d'une remise à niveau en matière citoyenne et constitutionnelle...

Les auditions nous ont redonné du baume au coeur, car nous avons rencontré de nombreux jeunes très engagés. Nous attendons les mesures à venir du Gouvernement sur le SNU : il représente certes un coût mais, mieux organisé, il constituerait un dispositif très prometteur pour redonner du sens à l'idée de patrie auprès des jeunes.

Hervé Gillé . - Les auditions ont été très riches. Les travaux de la mission sont à la croisée d'autres réflexions menées, par exemple, à l'Assemblé nationale, et, plus généralement, sur le « décrochage citoyen » et l'abstention. Je crains que les élections à venir ne confirment nos craintes. Quand les enjeux ne sont pas perçus, le décrochage citoyen augmente : notre organisation démocratique et républicaine manque de lisibilité.

Il nous faut accompagner tous ceux qui risquent de décrocher. En « raccrochant les wagons », si vous m'autorisez cette expression, nous éviterons des errances dramatiques en matière d'insertion sociale et professionnelle. Les recommandations du rapport visent à lutter contre toutes ces errances, et je m'en félicite.

Catherine Belrhiti . - Les professeurs d'histoire-géographie sont à mon avis bien formés à l'EMC ; les problèmes surviennent quand cette matière est confiée à des professeurs d'autres disciplines.

Les propositions du rapport sont très intéressantes, et j'espère qu'il sera lu et utilisé par les enseignants et les inspecteurs.

J'émettrai néanmoins une réserve. Nombre de jeunes s'engagent, et cet engagement mériterait d'être reconnu, par exemple sur le plan scolaire : à nous de trouver la formule pertinente pour les mettre à l'honneur, par exemple par la remise de diplômes.Qu'il en résulte une forme d'« injonction à l'engagement » ne me poserait pas de problème.

Dans le rapport, vous écrivez qu'il faut « réparer le lien entre les citoyens et les institutions » : l'expression est forte et très juste. Oui, nous devons réconcilier les jeunes, mais aussi les adultes, avec les institutions et le monde politique, aujourd'hui décrédibilisé. Enfin, il faut passer au vote en ligne si l'on veut amener au vote la jeune génération.

Marie-Pierre Richer . - Cette mission fut riche d'enseignements. Notre jeunesse est bien citoyenne : si elle s'engage de manière différente des autres générations, les chiffres de l'engagement sont encourageants.

Je suis tout à fait d'accord, il est important de mettre en avant les Épide sur la plateforme « 1 jeune, 1 solution ». Les développements du rapport sur ce sujet sont vraiment éclairants. Pourrions-nous trouver pour ce rapport un titre marquant l'intérêt que nous avons porté à la jeunesse pendant nos travaux ?

Patricia Schillinger . - Pour faire comprendre à quoi sert un vote, il faut mieux expliquer le contexte institutionnel. Récemment, une banque alimentaire a affiché devant ses locaux un panneau indiquant d'où viennent ses ressources, qui sont publiques : c'est là faire oeuvre utile de pédagogie. Quand on comprend où va l'argent public, dans une école, un collège ou un lycée, l'engagement démocratique est mieux compris. Partout, nous devons montrer qui fait quoi, pour que les jeunes s'engagent.

Henri Cabanel , rapporteur . - Il est vrai que le SNU a un coût. Cette dimension était présente dans les débats sur la suppression du service militaire. Un débat parlementaire est nécessaire sur le SNU, ce sujet le mérite.

J'espère que ce rapport sera exploité. Les parlementaires, ainsi que les membres du Conseil économique, social et environnemental, réalisent des travaux très intéressants et importants, mais ils sont trop souvent peu utilisés, ce qui est frustrant. Puissent les parties prenantes tirer profit de ce rapport.

Je souhaite, moi aussi, valoriser l'engagement. Cependant, les territoires ne sont pas tous égaux devant les politiques publiques encourageant l'engagement des jeunes. Au regard de la situation des territoires ruraux, le service civique doit évoluer dans le sens d'une plus grande équité entre les territoires. Au reste, l'engagement est déjà pris en compte à travers les épreuves optionnelles du brevet.

Le chantier de la redynamisation de la culture citoyenne auprès des adultes est gigantesque ! Toutefois, se focaliser sur les jeunes reste le bon choix.

L'engagement des jeunes est réel : c'est un constat très positif de notre rapport. Toutefois, les pratiques d'engagement ont évolué.

Certaines de nos 23 recommandations ne dépendent que de notre bonne volonté pour être appliquées, et j'espère que nous pourrons changer la donne en recentrant sur des priorités claires les fondements législatifs de l'EMC et de la JDC.

Stéphane Piednoir , président . - L'engagement des jeunes sapeurs-pompiers et des jeunes réservistes est déjà valorisé, par exemple lors de cérémonies officielles. Il faut cependant rester vigilant, car je ne suis pas certain que nous voulions valoriser l'engagement au sein d'associations comme « Alliance citoyenne »...

Avant que nous procédions à l'adoption du rapport, quel titre proposez-vous, monsieur le rapporteur ?

Henri Cabanel , rapporteur . - Je propose de donner au rapport d'information le titre suivant, qui reflète bien l'esprit de nos travaux : « Jeunesse et citoyenneté : une culture à réinventer ». Le sous-titre pourrait être « 23 propositions pour redynamiser la culture citoyenne ».

Les recommandations sont adoptées à l'unanimité et la mission d'information autorise la publication du rapport.

Stéphane Piednoir , président . - Le rapport étant adopté, je vous rappelle que la conférence de presse aura lieu demain à 14 heures.

ANNEXES RELATIVES À L'ENSEIGNEMENT
MORAL ET CIVIQUE

Article L. 312-15 du code de l'éducation : texte en vigueur

« Art. L. 312-15. - Outre les enseignements concourant aux objectifs définis à l'article L. 131-1-1 , l'enseignement moral et civique vise notamment à amener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi, y compris dans leur usage de l'internet et des services de communication au public en ligne. Cet enseignement comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République, à la connaissance et au respect des droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Dans ce cadre est donnée une information sur le rôle des organisations non gouvernementales oeuvrant pour la protection de l'enfant.

« Lors de la présentation de la liste des fournitures scolaires, les élèves reçoivent une information sur la nécessité d'éviter l'achat de produits fabriqués par des enfants dans des conditions contraires aux conventions internationalement reconnues.

« L'enseignement moral et civique comporte également, à l'école primaire et au collège, une formation consacrée à la connaissance et au respect des problèmes des personnes en situation de handicap dans une société inclusive.

« Les établissements scolaires s'associent avec les centres accueillant des personnes en situation de handicap afin de favoriser les échanges et les rencontres avec les élèves.

« L'enseignement moral et civique sensibilise également les élèves de collège et de lycée à la vie associative et au service civique prévu au titre I er bis du livre I er du code du service national.

« Une information destinée à la communauté éducative, pour se familiariser avec le milieu associatif local et national et les liens qui peuvent être créés entre associations et établissements scolaires, est éditée par le ministère chargé de l'éducation nationale. Elle indique notamment les liens qui peuvent être créés avec les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes.

« Dans le cadre de l'enseignement moral et civique, les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible et d'acquérir un comportement responsable dans l'utilisation des outils interactifs lors de leur usage des services de communication au public en ligne. Ils sont informés des moyens de vérifier la fiabilité d'une information de maîtriser leur image publique, des dangers de l'exposition de soi et d'autrui, des droits qu'ils tiennent du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés en matière de protection de leurs données personnelles en termes d'information, d'opposition, d'accès, de rectification, d'effacement, de limitation du traitement et de portabilité des données, ainsi que des missions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Dans le cadre de l'enseignement moral et civique, les collégiens et les lycéens sont incités à participer à un projet citoyen au sein d'une association d'intérêt général.

« L'enseignement moral et civique sensibilise également, à l'école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale. »

(Version en vigueur depuis le 04 mars 2022 ; source : Légifrance )

Modifications successives de l'article L. 312-15 du code de l'éducation - tableau récapitulatif

L'article L. 312-15 du code de l'éducation a pour origine la loi n° 99-478 du 9 juin 1999 visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires, issue des travaux du Parlement des enfants. Cette loi comportait un article 3 et un article 4 ainsi rédigés :

- « Article 3 : Lors de la présentation de la liste des fournitures scolaires, les élèves reçoivent une information sur la nécessité d'éviter l'achat de produits fabriqués par des enfants dans des conditions contraires aux conventions internationalement reconnues. » ;

- « Article 4 : L'enseignement d'éducation civique comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation à la connaissance et au respect des droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Dans ce cadre est donnée une information sur le rôle des organisations non gouvernementales oeuvrant pour la protection de l'enfant. »

L'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation a codifié ces dispositions qu'elle a fusionnées en un article dénommé L. 312-15 de ce même code.

Tableau récapitulatif des modifications apportées à l'article 312-15 du code de l'éducation

Loi modifiant l'article L. 312-15 du code de l'éducation

Durée d'application de l'article L. 312-15 ainsi rédigé

Modifications apportées à l'article L. 312-15417 ( * )

Résumé

Loi n° 2005-102
du 11 février 2005
pour l'égalité des droits et des chances
Article 22

Version en vigueur
du 12 février 2005
au 24 avril 2005

« [...] L'enseignement d'éducation civique comporte également, à l'école primaire et au collège, une formation consacrée à la connaissance et au respect des problèmes des personnes handicapées et à leur intégration dans la société.

Les établissements scolaires s'associent avec les centres accueillant des personnes handicapées afin de favoriser les échanges et les rencontres avec les élèves. [...] »

Sensibilisation des élèves à la question du handicap dans le cadre de l'enseignement d'éducation civique.

Loi n° 2005-380
du 23 avril 2005
d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Article 18

Version en vigueur
du 24 avril 2005
au 1er juillet 2010

« Outre les enseignements concourant aux objectifs définis à l'article L. 131-1-1 [...] »

« Cet enseignement comporte [...] une formation aux valeurs de la République [loi du 23 avril 2005], à la connaissance et au respect du droit de l'enfant.

Changement de référence (coordination) et introduction dans l'enseignement d'éducation civique d'une formation spécifique aux valeurs de la République.

Loi n° 2010-241
du 10 mars 2010
relative au service civique
Article 9

Version en vigueur
du 1er juillet 2010
au 24 mars 2011

« [...] L'enseignement moral et civique sensibilise également les élèves de collège et de lycée au service civique prévu au titre I er bis du livre I er du code du service national. [...] »

Sensibilisation des collégiens et lycéens au service civique dans le cadre de l'EMC ».

Loi n° 2011-302
du 22 mars 2011
portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Article 23

Version en vigueur
du 24 mars 2011
au 10 juillet 2013

« [...] Dans le cadre de l'enseignement d'éducation civique, les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible et d'acquérir un comportement responsable dans l'utilisation des outils interactifs, lors de leur usage des services de communication au public en ligne. Ils sont informés des moyens de maîtriser leur image publique, des dangers de l'exposition de soi et d'autrui, des droits d'opposition, de suppression, d'accès et de rectification prévus par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que des missions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.[...] »

Introduction, au sein de l'enseignement d'éducation civique, d'une formation des élèves à la maîtrise de leur image publique, à l'analyse des informations circulant sur Internet et à une utilisation responsable des réseaux sociaux et des applications interactives.

Loi n° 2013-595
du 8 juillet 2013
d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école
de la République
Article 41

Version en vigueur
du 10 juillet 2013
au 29 janvier 2017

« [...] l'enseignement moral et civique vise notamment à amener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi. Cet enseignement [...] »

Introduction du caractère moral de l'enseignement d'éducation civique, désormais appelé « enseignement moral et civique », et coordination afin de tenir compte de ce changement de nom.

Loi n° 2017-86
du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté
Article 33

Version en vigueur
du 29 janvier 2017
au 24 décembre 2018

« [...] Dans le cadre de l'enseignement moral et civique, les collégiens et les lycéens sont incités à participer à un projet citoyen au sein d'une association d'intérêt général. [...]»

Incitation à la participation des élèves à un projet citoyen au sein d'une association d'intérêt général dans le cadre de l'EMC.

Loi n° 2018-1202
du 22 décembre 2018
relative à la lutte contre la manipulation de l'information
Article 16

Version en vigueur
du 24 décembre 2018
au 1er juin 2019

« Outre les enseignements concourant aux objectifs définis à l'article L. 131-1-1, l'enseignement moral et civique vise notamment [...] à adopter un comportement réfléchi, y compris dans leur usage de l'Internet et des services de communication au public en ligne [...]. Ils sont informés des moyens de vérifier la fiabilité d'une information, de maîtriser leur image publique, des dangers de l'exposition de soi et d'autrui, [...]. »

Inscription de la nécessité d'un apprentissage des usages de l'Internet.

Loi n° 2018-1202
du 22 décembre 2018
relative à la lutte contre la manipulation de l'information
Article 16

Ordonnance n° 2018-1125
du 12 décembre 2018
prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493
du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles et portant modification de la loi n° 78-17
du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et diverses dispositions concernant la protection des données à caractère personnel

Version en vigueur
du 1er  juin 2019
au 2 septembre 2019

« [...]Ils sont informés des moyens de vérifier la fiabilité d'une information de maîtriser leur image publique, des dangers de l'exposition de soi et d'autrui, des droits qu'ils tiennent du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés en matière de protection de leurs données personnelles en termes d'information, d'opposition, d'accès, de rectification, d'effacement, de limitation du traitement et de portabilité des données [...] ».

Prise en compte du RGPD en matière de protection des données personnelles.

Loi n° 2019-791
du 26 juillet 2019
pour une école de la confiance
Article 27

Version en vigueur
du 2 septembre 2019
au 3 juillet 2021

« [...] L'enseignement moral et civique comporte également [...] une formation consacrée à la connaissance et au respect des problèmes des personnes en situation de handicap dans une société inclusive.

Les établissements scolaires s'associent avec les centres accueillant des personnes en situation de handicap afin de favoriser les échanges et les rencontres avec les élèves. [...] ».

Remplacement du terme « handicapé » par « en situation de handicap ».

Loi n° 2021-874
du 1er juillet 2021
en faveur de l'engagement associatif
Article 4

Version en vigueur
du 2 juillet 2021
au 2 décembre 2021

« [...] L'enseignement moral et civique sensibilise également les élèves de collège et de lycée à la vie associative et au service civique prévu au titre I er bis du livre I er du code du service national. [...]

Une information destinée à la communauté éducative, pour se familiariser avec le milieu associatif local et national et les liens qui peuvent être créés entre associations et établissements scolaires, est éditée par le ministère chargé de l'éducation nationale [...] »

Sensibilisation à la vie associative au sein de l'EMC.

Loi modifiant l'article L. 312-15 du code de l'éducation

Durée d'application de l'article L. 312-15 ainsi rédigé

Modifications apportées à l'article L. 312-15418 ( * )

Résumé

Loi n° 2021-1539
du 30 novembre 2021
visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes
Article 25 (V)

Version en vigueur
du 2 décembre 2021
au 4 mars 2022

«  [...] L'enseignement moral et civique sensibilise également, à l'école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale. »

Sensibilisation à l'éthique animale au sein de l'enseignement moral et civique (EMC).

Loi n° 2022-299
du 2 mars 2022
visant à combattre
le harcèlement scolaire

Version en vigueur
depuis le 4 mars 2022

« [...] Elle indique notamment les liens qui peuvent être créés avec les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes. [...] »

Information sur les associations luttant contre le harcèlement scolaire.

Les programmes d'EMC pour le cycle 4 (classes de 5e, 4e et 3e)

Cycle 4 (classes de 5 e , 4 e et 3 e )

Connaissances et compétences

Objets d'enseignement

« respecter autrui »

Construire le respect de soi. Définir ce qu'est le respect. Se connaître soi-même et prendre une décision. Identifier les composantes d'une identité.

Comprendre la notion de droits et de devoirs pour un individu.

L'identité personnelle ; l'identité légale, en incluant l'identité numérique. La responsabilité individuelle et la responsabilité légale.

La morale et l'éthique. Connaissance et structuration du vocabulaire des sentiments moraux. Savoir expliquer ses choix et ses actes, prendre conscience de sa responsabilité. Savoir identifier une éthique personnelle et une déontologie professionnelle.

Exprimer des sentiments moraux à partir de questionnements ou de supports variés et les confronter avec ceux des autres. L'acteur et le rôle du témoin dans des situations diverses. Comment le témoin muet devient complice (harcèlement, discrimination), non-assistance à personne en danger. Prise de décision du juge, du médecin.

Le rôle de la loi dans une société. Définir et comprendre le rôle d'une loi et d'un règlement. Identifier les grandes étapes du parcours d'une loi dans la République Française. Connaître les principaux droits sociaux. Comprendre comment se rend la justice, le rapport à la loi. Droit national et droit international.

La liberté, principe premier dans le droit français et le rôle de protection de la loi. Les valeurs et les principes qui régissent le règlement de l'établissement et les textes qui organisent la vie éducative. De la proposition à la loi : exemple de lois éthiques, morales ou sociétales dans leur contexte de construction et d'adoption. Le respect du droit de propriété. La protection contre les risques sociaux, le droit du travail, le droit de grève, la liberté syndicale. Le droit et la jurisprudence, les acteurs de la justice. Exemple de la justice des mineurs. Droit national et droit international, les traités internationaux.

« acquérir et partager les valeurs de la République »

Connaître les principes, valeurs et symboles de la citoyenneté française et de la citoyenneté européenne. Connaître les symboles et la symbolique :
- de la République Française ;

- de l'Union européenne. Connaître les valeurs et principes de la République française. Identifier et reconnaître les libertés fondamentales et les droits fondamentaux de la personne. Expliquer les différentes dimensions de l'égalité. Comprendre les enjeux de la laïcité.

La citoyenneté française et la citoyenneté européenne : principes, valeurs, symboles. Le drapeau, l'hymne national, la fête nationale, les monuments, la langue française. Le drapeau, l'hymne européen, la journée du 9 mai. Les libertés de conscience, d'expression, d'association, de presse. Les expressions littéraires et artistiques et connaissance historique de l'aspiration à la liberté. L'égalité et la non-discrimination, l'égalité fille-garçon. Les principes de la laïcité : liberté de conscience et égalité des citoyens. Les lois scolaires - la loi de 1905 - la loi de 2004.

Comprendre les grands principes des sociétés démocratiques. Définir les principaux éléments des grandes déclarations des Droits de l'homme. Comprendre que la reconnaissance des libertés est le fondement de la démocratie. Connaître les modalités de l'expression du citoyen.

Les différentes déclarations des Droits de l'homme. Le statut juridique de l'enfant. Travailler sur la liberté de la presse et la liberté d'expression. Aborder les enjeux de la liberté de la presse. Mener une réflexion sur la place et la diversité des médias dans la vie sociale et politique. Aborder les différentes dimensions de l'expression du citoyen : vote, expression des tensions, réseaux sociaux, association.

Reconnaître les grandes caractéristiques d'un État démocratique. Identifier les principes d'un État démocratique et leurs traductions dans les régimes politiques démocratiques. - Savoir définir et reconnaître une démocratie. - Comprendre ce qu'est un État (avec ses fonctions régaliennes) et l'État de droit. - Comprendre que des valeurs de la République peuvent entrer en tension. Identifier et comprendre la notion de nation et ses composantes. Comprendre la diversité des sentiments d'appartenance civiques, sociaux, culturels, religieux.

S'appuyer sur l'étude des institutions de la V e République. Identification des formes de l'expression démocratique pour comprendre le pluralisme démocratique par la liberté de l'expression et le pluralisme politique. La prise de décision et le respect de la règle majoritaire. La consultation et les modalités de consultation du peuple : du vote à la démocratie participative. Les fonctions régaliennes : défense, diplomatie, justice, police et fiscalité. Le fonctionnement de l'État : décentralisation, déconcentration. Comprendre à partir d'exemples les tensions entre la liberté et l'égalité. Faire saisir la composante de la définition de la nation, sa construction. Réfléchir sur la différence entre nation, nationalité et identité nationale en lien avec le sentiment d'appartenance à l'échelle d'un État. Le sentiment d'appartenance au destin commun de l'humanité. La francophonie. Des temps particuliers peuvent être mobilisés : l'Union sacrée - la Libération - les journées mémorielles : 11 novembre, 8 mai, 10 mai, 27 janvier. Construire une culture civique Attendus de fin de cycle - Exprimer son opinion et respecter l'opinion des autres dans une discussion réglée.

Connaissances et compétences

Objets d'enseignement

« construire une culture civique »

Le vote, un droit fondamental en démocratie Comprendre la notion de citoyenneté. Comprendre l'importance de la participation électorale.

La conquête progressive du droit de vote. Les droits et devoirs des citoyens. À partir de l'élection des représentants, du chef de l'État, les scrutins référendaires, les élections locales La question de l'abstention.

L'élection, la représentation citoyenne dans une démocratie Comprendre les modes de scrutin. Identifier et comprendre le fait majoritaire et la légitimité du pouvoir, de la décision dans une démocratie.

La notion de démocratie représentative et la souveraineté nationale. Le scrutin majoritaire, proportionnel, de liste... Le rôle de l'opinion comme soutien ou obstacle au pouvoir dans une démocratie. La question de la transparence démocratique.

La Défense et la sécurité. Identifier les menaces sur la liberté des peuples et la démocratie. Connaître les grands principes et les valeurs qui régissent la Défense nationale. Connaître l'organisation de la sécurité et des services de sécurité en France. Servir son pays et les formes d'engagement : les citoyens et la Défense nationale.

Problèmes de la paix et de la guerre dans le monde et causes des conflits. Les engagements européens et internationaux de la France. La dissuasion. La sécurité des personnes et des biens : organisations, problèmes et objectifs. La Journée défense et citoyenneté. Le service national universel (SNU). Les dispositifs ouverts dans le cadre Armée - jeunesse.

L'engagement ou les engagements. Définir l'engagement, avoir conscience des formes de l'engagement. Expliquer le lien entre l'engagement et la responsabilité. Expliquer le sens et l'importance de l'engagement individuel ou collectif des citoyens dans une démocratie. Comprendre les valeurs qui déterminent l'engagement de l'État à l'international.

Les formes d'engagement : politique, social, associatif. Penser l'engagement comme acte individuel et collectif. Les responsabilités individuelles et collectives face aux risques notamment les risques majeurs. La responsabilité du citoyen en tant que consommateur. Le rôle des médias, des réseaux dans l'information et la vie démocratique. Les lanceurs d'alerte. L'évolution des droits des femmes dans l'histoire et dans le monde. L'engagement politique, syndical, associatif, humanitaire et en faveur de l'environnement : ses motivations, ses modalités, ses problèmes. L'engagement solidaire et coopératif de la France : les coopérations internationales et l'aide au développement.

Source : BO du 30 juillet 2021

Programmes d'EMC - Cycles 2 à 4 - Attendus de fin de cycle

Acquérir et partager les valeurs de la République

Cycle 2

- Respecter les règles de la vie collective.

- Connaître les valeurs, les principes et les symboles de la République française : le drapeau, l'hymne national, les monuments, la fête nationale.

- Accéder à une première connaissance des cadres d'une société démocratique.

Tout au long du cycle 2, dans la continuité du cycle 1, les élèves sont amenés à respecter et appliquer les règles communes. Ils doivent connaître le règlement intérieur de l'école et les sanctions qu'il prévoit. La connaissance des droits et des devoirs s'applique également à la charte d'usage du numérique. Ils accèdent à une première connaissance du vocabulaire de la règle et du droit. Une initiation au code de la route est engagée dès le début du cycle. Les valeurs, principes et symboles de la République Française sont enseignés tout au long du cycle : les élèves doivent aborder régulièrement ces notions afin d'accéder à une première connaissance des cadres d'une société démocratique, fondée sur les droits de l'Homme, du citoyen et de l'enfant. Les élèves devront donc avoir abordé à la fin du cycle la Convention internationale des droits de l'enfant et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. On portera particulièrement attention à l'égalité fille-garçon.

Cycle3

- Comprendre les notions de droits, de devoirs et de règles, pour les appliquer et les accepter.

- Connaître les valeurs, les principes et les symboles de la République Française, de l'Union européenne et des sociétés démocratiques.

- Identifier et connaître les cadres d'une société démocratique.

Tout au long du cycle 3, les élèves sont amenés à respecter, appliquer et comprendre les règles communes. Ils connaissent le règlement intérieur de l'école, des établissements et les sanctions qui sont appliquées. Cette connaissance des droits et des devoirs s'applique également à la charte du numérique. Ils approfondissent leur première connaissance du vocabulaire de la règle et du droit à partir d'exemples concrets. Une initiation au code de la route est poursuivie dans la continuité du cycle 2. Les valeurs, principes et symboles de la République Française sont enseignés tout au long du cycle : les élèves doivent aborder régulièrement ces notions afin d'accéder à une connaissance des cadres d'une société démocratique, aux fondements de la Ve République et de l'Union européenne. On portera particulièrement attention à l'égalité fille-garçon.

Cycle 4

- Intégrer le rapport entre les règles et les valeurs pour comprendre les raisons de l'obéissance aux règles et à la loi dans une société démocratique.

- Connaître et comprendre le fondement des principes et des valeurs de la République Française et des sociétés démocratiques.

- Comprendre que l'action politique met en jeu les valeurs en démocratie.

- Reconnaître et identifier ce qui permet de se sentir membre d'une communauté et qui favorise la cohésion sociale

Au cycle 4, la connaissance des valeurs et principes de la République est approfondie : l'élève comprend par une réflexion en situation comment ils peuvent être mis en tension. Il saisit comment ils peuvent être structurants pour l'action de l'État, la notion de nation et la diversité des appartenances sont abordées. L'ensemble du cycle présente les différents moyens d'expression du citoyen.

Respecter autrui

Cycle 2

- Accepter et respecter les différences. Respecter les engagements pris envers soi-même et envers les autres. Adopter un comportement responsable par rapport à soi et à autrui. Adapter sa tenue, son langage et son attitude au contexte scolaire. Savoir écouter autrui.

- Identifier et partager des émotions, des sentiments dans des situations et à propos d'objets diversifiés.

Tout au long du cycle, le respect par les élèves des adultes et des pairs fait l'objet d'une attention particulière, notamment pour lutter contre toute atteinte à la personne d'autrui. Les élèves doivent adapter leur tenue, leur langage et leur comportement au contexte scolaire. Ils respectent les biens personnels et collectifs dans la classe et dans l'école. Ils sont sensibilisés à la notion de bien commun. Ils adoptent un comportement responsable envers eux-mêmes, envers autrui et envers l'environnement, des espaces familiers aux espaces plus lointains. Dans des situations concrètes, ils sont invités à prendre et à respecter des engagements moraux.

Cycle 3

- Accepter et respecter les différences dans son rapport à l'altérité et à l'autre. Avoir conscience de sa responsabilité individuelle. Adopter une attitude et un langage adaptés dans le rapport aux autres. Tenir compte du point de vue des autres.

- Partager et réguler des émotions, des sentiments dans des situations et à propos d'objets diversifiés, mobiliser le vocabulaire adapté à leur expression.

Tout au long du cycle 3, le respect par les élèves des adultes et des pairs fait l'objet d'une attention particulière, notamment les atteintes à la personne d'autrui. Les élèves doivent adapter leur attitude, leur langage et leur comportement au contexte scolaire. Ils respectent les biens personnels et collectifs dans la classe, dans l'école et l'établissement. Ils comprennent la notion de bien commun. Ils adoptent un comportement responsable envers eux-mêmes, envers autrui et envers l'environnement, des espaces familiers aux espaces plus lointains. Dans des situations concrètes, ils sont invités à comprendre la valeur de l'engagement moral. Dès lors qu'ils disposent d'un accès individuel aux outils numériques de l'école et l'établissement, les élèves sont invités à utiliser le numérique de manière responsable, conformément au cadre donné par la charte d'usage du numérique. Ils sont sensibilisés aux enjeux et aux dangers relatifs à l'usage des réseaux sociaux

Cycle 4

- Identifier, comprendre les différents sentiments, leurs registres d'expression pour développer, en les exprimant et en les régulant, ses émotions et ses sentiments permettant une capacité d'écoute et d'empathie.

- Prendre conscience du rapport de soi aux autres et savoir accepter des différences en ayant conscience de la dignité et de l'intégrité de la personne humaine.

- Comprendre en situation le rôle de la loi et des règles dans un cadre qui définit les droits et devoirs de chacun.

- Savoir identifier, rechercher les composantes et les critères de validité des jugements moraux.

- Être capable de confronter ses jugements à ceux d'autrui dans une discussion ou un débat argumenté et réglé tout en développant des aptitudes au discernement et à la réflexion critique.

Au cycle 4, le travail autour de l'expression des sentiments et de leurs registres d'expression se poursuit en continuité du cycle 3. La capacité d'écoute et d'empathie est à mobiliser sur les situations d'étude selon les modalités choisies par l'enseignant. Le travail se conduit en situation, il ne peut avoir comme seul objet la recherche d'émotions. L'identification et la compréhension de la prise de décision comme de la responsabilité de ses paroles, de ses actes sont à mobiliser sur l'ensemble du cycle comme questionnement ou grille d'analyse des objets étudiés. L'exercice du jugement moral s'appuie sur les questions étudiées. Il se pratique en situation dans des discussions réglées ou des débats réglés pour confronter ses jugements à ceux des autres et favoriser les aptitudes au discernement, ainsi qu'à la réflexion critique.

Construire une culture civique

Cycle 2

- Participer et prendre sa place dans un groupe.

- Distinguer son intérêt personnel de l'intérêt général.

- Écouter autrui et produire un point de vue argumenté.

Tout au long du cycle, l'engagement des élèves dans la classe et dans l'école prend appui sur la coopération dans l'objectif de réaliser un projet collectif, sur leur implication dans la vie scolaire et leur participation à des actions éducatives et à des journées mémorielles. Les élèves apprennent progressivement à différencier l'intérêt particulier de l'intérêt général dans des situations concrètes. Le développement des aptitudes au discernement et à la réflexion critique prend appui sur l'éducation aux médias et à l'information et sur la discussion réglée. Dans le cadre de la discussion réglée, les élèves sont invités à argumenter, notamment autour des notions de préjugé et de stéréotype.

Cycle 3

- Se positionner comme membre de la collectivité.

- Prendre en charge des aspects de la vie collective et de l'environnement et développer une conscience civique, y compris dans sa dimension écologique.

- Exercer une aptitude à la réflexion critique pour construire son jugement.

- Écouter autrui et justifier un point de vue au cours d'une conversation, d'un débat ou d'un dialogue.

Tout au long du cycle 3, l'engagement des élèves dans la classe, dans l'école ou dans l'établissement prend appui sur la coopération dans l'objectif de réaliser un projet collectif, sur leur implication dans la vie scolaire et leur participation à des actions. Il convient de créer les conditions de l'expérimentation de l'engagement dans la classe, dans l'école et dans l'établissement. L'articulation entre l'enseignement moral et civique et les journées éducatives, les semaines d'actions, les journées mémorielles, les concours scolaires, offre des possibilités aux enseignants de proposer des situations pratiques aux élèves. Les élèves apprennent progressivement à distinguer l'intérêt particulier de l'intérêt général dans des situations concrètes. Le développement des aptitudes au discernement et à la réflexion critique prend appui sur l'éducation aux médias et à l'information (EMI) et sur la discussion réglée. Connaissances et compétences associées Objets d'enseignement.

Cycle 4

- Exprimer son opinion et respecter l'opinion des autres dans une discussion réglée ou un débat réglé.

- Développer une aptitude à la réflexion critique pour construire son jugement et différencier son intérêt particulier de l'intérêt général.

- Être responsable par rapport à ses propres engagements notamment en coopérant à un travail de groupe.

- Construire le sentiment d'appartenance à la collectivité.

- Comprendre les raisons de l'obéissance aux règles et à la loi dans une société démocratique.

- S'engager et assumer des responsabilités dans l'établissement et prendre en charge des aspects de la vie collective et de l'environnement et développer une conscience civique, sociale et écologique (rôle et action des éco-délégués en établissement et en classe).

- Avoir conscience des droits et de devoirs de l'individu comme citoyen dans une société démocratique.

- Comprendre et connaître les principes et les valeurs de la République pour favoriser la cohésion sociale.

- Comprendre le lien entre la défense de la République et la Défense nationale.

Au cycle 4, l'objectif est d'appréhender progressivement tous les aspects de la culture civique dans une dimension pratique, afin que les élèves, après une prise de conscience, comprennent le sens de la responsabilité liée à l'engagement dans une société démocratique.

ANNEXE RELATIVE À LA JOURNÉE
DÉFENSE ET CITOYENNETÉ

2000-2021 : douze modifications de l'article L. 114-3
du code du service national définissant le contenu de la JDC

Texte d'origine (loi de 1997 portant réforme du service national, article 1 er)

« Lors de l'appel de préparation à la défense, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, les formes de volontariats ainsi que les préparations militaires et les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve.

À cette occasion sont organisés des tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. »

Loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national, article 22

Mention d'un enseignement « respectueux de l'égalité entre les sexes ».

Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, article 16

Possibilité pour certains appelés de bénéficier d'une visite médicale gratuite : « En outre, lors de l'appel de préparation à la défense, les Français doivent présenter un certificat délivré par un médecin attestant qu'ils ont subi un examen de santé dans les six mois précédents.
« Ceux qui n'ont pas présenté de certificat sont convoqués par la caisse primaire d'assurance maladie afin de bénéficier d'un examen de santé gratuit tel que prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale.
»

Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, article 10

Création d'une « information sur les modalités de consentement au don d'organes à fins de greffe et sur la possibilité pour une personne d'inscrire son refus sur le registre national automatisé prévu à l'article L. 1232-1 du code de la santé publique. »

Loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, article 5

Ajout d'une « sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours ».

Loi n° 2006-449 du 18 avril 2006 modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, article 25

Mention, dans le premier alinéa, des « périodes militaires d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale » en remplacement des « préparations militaires ».

Loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique, articles 2 et 6

Article 2 : substitution de la JDC à la JAPD

Article 6 : référence au service civique parmi les différents volontariats dont les jeunes sont informés ; insertion d'une sensibilisation « aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale ».

Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, article 5

Remise aux jeunes, lors de la JDC, de la « charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l' article 21-24 du code civil ».

Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, article 14

Ajout d'une information sur « le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, de gamètes », parallèlement à l'information sur le don d'organes à fins de greffe déjà insérée en 2004.

Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, article 24

Remplacement de l'information à la « prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours « par une " sensibilisation à la sécurité routière" ».

Suppression de l'obligation de fournir une attestation d'examen médical dans les six mois précédant l'appel et de la référence à la possibilité de subir un examen médical gratuit pour ceux qui ne disposent pas de ce certificat.

Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 8

Création d'une « information sur la prévention des conduites à risque pour la santé, notamment celles susceptibles de causer des addictions et des troubles de l'audition ».

Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, article 1 er .

Ajout d'une « information consacrée à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises au sein du couple ».

Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, article 42

Présentation du « modèle français de sécurité civile », parallèlement aux enjeux de la défense nationale, et des possibilités d'engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire.

Texte de l'article L. 114-3 du code du service national
(en vigueur au 7 juin 2022)

« Lors de la journée défense et citoyenneté, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation et respectueux de l'égalité entre les sexes, qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale et du modèle français de sécurité civile, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, le service civique et les autres formes de volontariat ainsi que les périodes militaires d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve ou en qualité de sapeur-pompier volontaire. Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l'article 21-24 du code civil leur est remise à cette occasion. Ils bénéficient également d'une sensibilisation à la sécurité routière.

« À cette occasion sont organisés des tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. Il est délivré une information générale sur le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, de gamètes et sur le don d'organes à fins de greffe. S'agissant du don d'organes, une information spécifique est dispensée sur la législation en vigueur, sur le consentement présumé et sur la possibilité pour une personne d'inscrire son refus sur le registre national automatisé prévu à l'article L. 1232-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, une information est dispensée sur la prévention des conduites à risque pour la santé, notamment celles susceptibles de causer des addictions et des troubles de l'audition.

« Une information consacrée à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises au sein du couple est dispensée. »

COMPTE RENDU DES DÉPLACEMENTS

Jeudi 17 février 2022

Déplacement au centre du SNU de Dunkerque

Accueil par Bernard Hameau , directeur du centre, Patrick Piret , chef du service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports ainsi que par Patrick Weslinck , encadrant.

Jeudi 24 février 2022

Déplacement dans le département de Maine-et-Loire

1. Rencontre à la mairie de Soulaire-et-Bourg autour de la Journée citoyenne

Accueil par Jean François Rambault , également vice-président du conseil départemental de Maine-et-Loire, Marina Toullier , conseillère municipale et Régine Brichet , vice-présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, responsable du secteur « éducation et sport de haut niveau ».

2. Visite de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide) de Combrée

Accueil par Alexandra Solazzo , directrice de l'Épide, et son équipe.

Mercredi 23 mars et jeudi 24 mars 2022

Déplacement dans l'Hérault

1. Rencontre avec des membres du Conseil d'enfants et de jeunes (CEJ) de la commune de Jacou

2. Rencontre dans le quartier de La Paillade (Montpellier) avec Habib Deshraoui, directeur, et Nacer Benammar, éducateur spécialisé, à l'association Uni'sons

3. Au lycée Henri IV de Béziers, rencontre avec des lycéens de terminale, Jean Fonteray, professeur, et Jean-Philippe Papineau, proviseur (enquête sur la citoyenneté réalisée auprès des lycéens dans le cadre de l'option « droit et grands enjeux du monde contemporain »)

Déplacement de la mission d'information
au centre du SNU de Dunkerque (17 février 2022)

Le président et le rapporteur se sont rendus le 17 février 2022 à L'escale , centre du Service national universel (SNU) de Dunkerque, sur la suggestion de Jean-Pierre Decool, vice-président, qui a pris l'initiative de ce déplacement et a participé à cette visite.

La délégation de la mission d'information a été accueillie par Bernard Hameau, directeur du centre de Dunkerque, et par Patrick Piret, chef du service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports ainsi que par Patrick Weslinck, encadrant.

Les principaux aspects du retour d'expérience du SNU dans le département du Nord ont été tout d'abord rappelés par les interlocuteurs de la mission d'information :

- le Nord a fait partie en 2019 des préfigurateurs du SNU et a accueilli 240 jeunes sur les sites de Morbecque et de Tourcoing ;

- après l'annulation du séjour de cohésion de 2020 en raison de la situation sanitaire, le déploiement du séjour de cohésion en 2021 s'est appuyé sur trois sites (Morbecque, Valenciennes et Bouvines) qui ont accueilli 301 volontaires du SNU originaires des départements suivants : Aisne, Oise, Pas-de-Calais, Nord, Somme ;

- 325 jeunes du département (167 filles et 156 garçons) ont effectué un séjour de cohésion en juin-juillet 2021, ce séjour s'est déroulé, pour la plupart de ces jeunes, dans des centres situés dans la région.

L' organisation de la vie quotidienne à L'Escale , auberge de jeunesse qui héberge la session de février 2022 du « séjour de cohésion », s'appuie sur le schéma général suivant, commun à tous les centres :

- les volontaires sont répartis en « maisonnées », encadrées par un tuteur (à L'Escale , l'appartenance à une maisonnée, est rendue apparente par un badge portant le numéro de celle-ci) ;

- au sein de chaque maisonnée, un tuteur, cadre de proximité, est chargé de la cohésion collective, du suivi des activités et de l'animation des « conseils de maisonnées » ;

- les maisonnées sont regroupées au sein d'une « compagnie », sous la direction d'un capitaine de compagnie et d'un adjoint. Au contraire des maisonnées, les compagnies sont mixtes.

Les volontaires ont tiré au sort à leur arrivée à Dunkerque la maisonnée où ils sont affectés.

Il ressort des échanges entre la délégation et ses interlocuteurs que :

- le bilan du SNU dans le département du Nord s'appuie sur l' engagement inlassable des équipes encadrantes , motivées par un esprit que certains ont qualifié de « militant » et par des convictions extrêmement solides à l'égard des objectifs du SNU : éduquer à la citoyenneté, renforcer la cohésion nationale, former aux valeurs de la République, contribuer à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. La mission d'information a été sensible au fait que certains encadrants participent aux séjours de cohésion sur leur temps de congés professionnels, ce qui souligne la forte conviction qui les motive ;

- la cohésion des équipes , constituées de membres issus d'origines professionnelles très diverses (Éducation nationale, milieu associatif - sports, éducation populaire... -, métiers en uniforme) est un gage de réussite du séjour ;

- à cet esprit de cohésion contribuent, tant pour les volontaires que pour les encadrants, les spécificités du séjour de cohésion, première étape du SNU (internat, tenue identique, moments forts comme la levée des couleurs, cérémonies...) ;

- dans cet esprit, la tenue identique pour tous les jeunes constitue un symbole de la cohésion nationale dont l'exigence se trouve à l'origine du SNU ; la cérémonie de la levée des couleurs , « moment de sacralisation hors du temps et de l'espace » selon le directeur du centre et temps fort de chaque journée, a été présentée comme un moment de communion autour d'un rituel écrit en commun. Certains encadrants issus du milieu associatif ont indiqué à la mission qu'en dépit du fait qu'ils n'avaient pas un a priori favorable à l'égard de cette cérémonie, ils avaient été convaincus à l'usage de son utilité pour marquer le caractère transcendant des valeurs de la République qui se situent « au-dessus de la vie quotidienne » des encadrants comme des volontaires ;

- un ancrage territorial fort est décisif pour la réussite du SNU, qu'il s'agisse du séjour de cohésion (les centres SNU doivent être en mesure de promouvoir leur territoire et de tirer parti de réseaux locaux d'intervenants et d'encadrants) ou des MIG (ainsi les missions proposées aux jeunes doivent tenir compte de la nécessité d'une proximité géographique, afin de tenir compte des ressources des familles). Ce constat permet d'insister sur la nécessité de relais forts auprès des acteurs du territoire susceptibles de contribuer à l'animation du séjour de cohésion et de proposer des MIG aux jeunes. Les encadrants doivent donc particulièrement bien connaître le territoire dans lequel s'inscrit le séjour de cohésion. Cet ancrage territorial doit passer par le réseau des associations locales et, selon les interlocuteurs de la délégation, par des relations étroites avec les collectivités territoriales , présentées par les interlocuteurs de la mission d'information comme l'une des principales conditions de l'effectivité de la montée en puissance du SNU ;

- chaque séjour est unique , qu'il s'agisse de l'ambiance, car il s'adresse à chaque fois à un public différent, de la maquette du programme , qui doit pouvoir s'adapter aux attentes des volontaires et aux spécificités offertes par les sites choisis (ainsi à Liévin, site fort d'un stade réputé, le sport joue un rôle central dans le programme) ; l'une des spécificités du séjour de février 2022 tient à la nécessité d'adapter l'expérience acquise en été aux activités envisageables l'hiver ;

- la création d'une maquette de programme est complexe notamment parce que certaines activités peuvent s'inscrire dans plusieurs des axes définis au niveau national (ainsi, apprendre à fabriquer du pain peut relever de la résilience comme de l'autonomie ou de la découverte du patrimoine ; de même, le thème du développement durable peut susciter une approche théorique ou passer par des visites de terrain - par exemple une centrale nucléaire - ou des débats) ;

- le programme du séjour de cohésion fait de celui-ci une étape privilégiée du parcours citoyen des jeunes, si l'on se réfère par exemple à la participation aux conseils de maisonnée et, surtout, à l'élection du « maire du village » (en l'occurrence de la maire), organisée comme une élection en grandeur réelle (inscription sur les listes électorales, attribution à chaque volontaire d'une carte d'électeur, installation d'un bureau de vote dans une salle de la mairie (avec le concours d'un maire-adjoint), avec isoloir, dépouillement des bulletins, proclamation des résultats et remise de son écharpe à la maire élue par ses pairs) ; l'échange qui a eu lieu entre les sénateurs et les volontaires en début d'après-midi s'est donc inscrit dans les séquences du programme dédiées à l'éducation à la citoyenneté ;

- la levée des couleurs et l'exigence d'une tenue parfois qualifiée d'uniforme ont pu être à l'origine de certains malentendus en attirant des jeunes motivés par des activités militaires, en contradiction avec la nature civile du SNU ; il existe une contradiction entre ce que viennent chercher certains jeunes dans les séjours de cohésion (préparation militaire, cadets de la défense...) et la nature du SNU ; de fait, lors de l'échange qui a eu lieu entre les sénateurs et les volontaires, un certain nombre de jeunes ont fait état de leur volonté de tester leur capacité à s'intégrer au milieu militaire, voire d'être valorisés comme un atout en vue d'un éventuel volontariat militaire. Les interlocuteurs de la mission ont également reconnu qu'il existait un risque de décalage entre leur représentation théorique du SNU, fondée sur un équilibre entre trois pôles d'égale importance que sont le monde associatif, les armées et l'Éducation nationale, et la représentation du SNU chez les volontaires, souvent dominée par une dimension inspirée du service militaire. Un effort de communication doit donc être mobilisé pour prévenir une telle incompréhension.

Le projet pédagogique du centre de Dunkerque a ensuite été présenté.

Il s'inscrit dans les exigences définies au niveau national, à partir de quatre objectifs :

- accroître la cohésion et la résilience de la Nation en développant une culture de l'engagement ;

- garantir un brassage social et territorial de l'ensemble d'une classe d'âge ;

- renforcer l'orientation et l'accompagnement des jeunes dans la construction de leur parcours personnel et professionnel ;

- valoriser les territoires, leurs dynamiques et leur patrimoine culturel et naturel.

Le projet pédagogique du centre de Dunkerque renvoie à « ces liens qui nous unissent » , clin d'oeil aux cordages liés à la vocation maritime de la ville de Dunkerque et à l'importance du port dans son patrimoine historique et dans son économie.

Dans l' « éphémère petite cité éco-républicaine » que constitue le centre SNU, ces liens doivent permettre d'être « égaux et solidaires, libres, fiers et volontaires, divers dans nos apparences, nos enracinements, nos lignées, nos parcours, nos bagages culturels, liés par un destin collectif qui transcende nos péripéties personnelles (...), la République. Notre chose publique. Notre bien commun suprême. La République laïque qui nous protège de toute emprise et promet à chacune et chacun d'entre nous les conditions pour accomplir sa destinée choisie » .

Comme l'a rappelé le directeur du centre, les liens qui unissent peuvent toutefois être aussi « ce qui nous entrave, des liens dont il faut se défaire » : l'objectif du séjour de cohésion est ainsi, selon le projet pédagogique, de dépasser ces entraves en passant « du je au nous, de l'individualisme au collectif, de l'individu à la maisonnée, de la maisonnée à la compagnie, des compagnies au groupe, du groupe à l'identité citoyenne collective ».

Dans cet esprit, les interlocuteurs de la délégation ont souligné l'importance des cérémonies , qui constituent comme cela a été relevé précédemment des temps forts des séjours de cohésion , qu'il s'agisse de la levée quotidienne des couleurs ou du baptême de la promotion de février 2022, dédiée au lieutenant-colonel Christophe Merten, ce choix traduisant de surcroît une volonté de rendre hommage à une personnalité très investie dans le territoire.

Les activités inscrites à l'agenda du séjour de cohésion relèvent des sept thématiques définies au niveau national :

- découverte de l'engagement ;

- défense, sécurité et résilience nationale ;

- culture et patrimoine ;

- activités physiques et sportives et de cohésion ;

- autonomie, connaissances des services publics et accès aux droits ;

- citoyenneté et institutions nationales et européennes ;

- développement durable et transition écologique et solidaire.

La délégation de la mission d'information a pu, au cours du temps d'échanges avec les jeunes qui lui a été ménagé en début d'après-midi, mesurer l'intérêt de la thématique « citoyenneté ». Les aspects très concrets de l'activité législative du Sénat ont ainsi été présentés aux volontaires, qui ont été invités par le rapporteur à exposer leurs attentes à l'égard du SNU. Parallèlement à des motivations liées à un projet d'engagement militaire, certains jeunes ont témoigné de leur volonté de faire une expérience de vie collective, d'enrichir leur parcours et de découvrir un nouveau milieu. À l'issue de cet échange, la maire du village, ceinte de son écharpe tricolore, a fait à ses camarades un discours inspirant qui s'est terminé par les mots : « Chacun à son échelle peut contribuer à la vie politique de son pays » . Selon le directeur du centre, le SNU s'inscrit ainsi dans un parcours citoyen déjà présent à l'école.

Le sport occupe également une place importante dans ce projet, scandé de jeux sportifs tels que courses, parcours, challenges divers... Les interlocuteurs de la délégation ont insisté sur l'importance de l' apprentissage de la natation pour des jeunes qui ne sauraient pas nager : à cet effet, la réactivité et l'efficacité de la mairie de Dunkerque, qui a dans des délais record mis à la disposition des volontaires la piscine municipale, ont été à plusieurs reprises saluées. Outre la natation sont proposés aux jeunes des activités telles que self défense ou handball. Parallèlement sont abordées les questions de diététique et la prévention des maladies cardiovasculaires. Selon certains interlocuteurs de la mission d'information, on constate une certaine dégradation de la santé physique et psychologique des jeunes , ce qui souligne les conséquences d'une éducation physique à l'école jugée largement insuffisante et impose un effort dans ce domaine.

Les jeunes sont considérés comme devant être acteurs de leur séjour :

- chaque volontaire reçoit un carnet « traces » dans lequel il est invité à inscrire des textes, dessins, images et autres documents constituant son journal de bord ; ce carnet est appelé à devenir un « portfolio de compétences » récapitulant ce que le jeune a appris pendant son séjour ;

- chaque jour est désignée une équipe de reporters qui sont autorisés à utiliser leur téléphone - dont l'usage est en principe interdit pendant le séjour - pour filmer les événements de la journée et réaliser quotidiennement un montage vidéo de quelques minutes envoyé aux familles.

Selon le directeur du centre de Dunkerque, le séjour de cohésion constitue un « objet nouveau » , qui ne relève ni de l'école, ni de l'armée, ni de l'éducation populaire, ni de la colonie de vacances . Il s'agit plus, selon le directeur du centre, d'une occasion unique de valoriser les qualités que l'école laisse de côté dans son évaluation des jeunes, comme par exemple l'apprentissage de la musique, la participation à une chorale, la pratique sportive...

Le retour d'expérience impose ainsi d' éviter une trop grande ressemblance avec l'école dans la conception des activités, sauf à lasser des jeunes qui attendent autre chose du séjour de cohésion qu'une ambiance scolaire . Une autre condition du succès réside dans la diversité des équipes, dont la composition doit refléter l'esprit du projet pédagogique, une erreur pouvant être de s'appuyer sur des équipes préconstituées.

Le SNU constitue une opportunité de faire connaître aux jeunes des institutions et des activités pour lesquelles le vivier de recrutement est un défi, comme par exemple les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ou les associations qui semblent nombreuses à être confrontées à un problème de relève. De même, le séjour de cohésion est de nature à susciter des vocations de porte-drapeau et à donner aux jeunes le goût de la participation à des cérémonies mémorielles . Au-delà de la problématique de l'incitation à l'engagement, la participation au SNU d'acteurs associatifs et de personnes issues des corps en uniforme est de nature à mieux faire connaître aux jeunes citoyens la portée de l'action de ces acteurs et d'améliorer par capillarité leur image au sein de la population.

Dans le même esprit, le séjour de cohésion constitue une opportunité d'informer les jeunes sur les MIG constituant la deuxième phase du SNU. C'est le rôle des intervenants, qui sont à raison de 90 % des bénévoles, d'éveiller les vocations des jeunes et de leur donner le goût de l'engagement au service de la collectivité .

De manière générale, la formation de citoyens engagés et acteurs de leur territoire est un axe fort du SNU.

S'agissant des SDIS , la contraction de la durée moyenne de l'engagement des volontaires (six ans au lieu de quarante ans par le passé) impose de faire porter l'effort sur le nombre de bénévoles, a fortiori si l'on tient compte du temps de formation nécessaire.

En dépit de la force de conviction et de l'engagement des encadrants, l'expérimentation conduite en 2019-2021 a mis en évidence des marges de progression de l'organisation des séjours de cohésion, conduisant les interlocuteurs de la mission d'information à formuler les axes de recommandation suivants :

- mieux définir le rôle de chaque échelon, national et local, l'échelon opérationnel se situant au niveau local. Certains interlocuteurs de la mission ont souligné à cet égard que la cohabitation de quatre échelons d'intervention (national, régional, départemental et local au niveau du centre) était source de complexité et que le nombre d'échelons pourrait être réduit ;

- les opérateurs assureraient la mise en oeuvre concrète d'un cahier des charges défini en amont, ce qui permettrait de meilleures capacités d'accueil ;

- la mise en place d'une approche par arrondissement, avec au sein de chaque arrondissement la création d'un centre multi-sites fondé sur une gestion décentralisée ;

- la création d'une association gestionnaire départementale, offrant les garanties de souplesse et de réactivité qu'exigent l'organisation et le suivi des séjours de cohésion, qui supposent de multiples dépenses de faible montant difficiles à anticiper.

De manière générale, l'avenir du SNU repose, selon les interlocuteurs de la mission d'information, sur les axes d'amélioration suivants.

1) Définir la cible recherchée pour développer le SNU : faut-il évoluer vers la sélection des volontaires parmi les jeunes dont on suppose qu'ils ont le plus besoin du SNU, ce qui induirait un changement de nature de celui-ci en le centrant sur l'insertion sociale et professionnelle ? Faut-il maintenir le volontariat ou évoluer vers l' obligation ? Selon les témoignages entendus par la mission d'information, le séjour de cohésion ne peut demeurer en l'état dans un contexte de jeunes appelés ; le seul modèle d'universalité sur lequel pourrait s'appuyer le SNU est l'Éducation nationale, celui de la journée défense et citoyenneté semblant difficilement transposable, de l'avis des interlocuteurs de la mission d'information, à un séjour long comme le séjour de cohésion. Les interlocuteurs de la mission ont à cet égard estimé que l'heure des choix était venue et qu'il était essentiel de répondre aux questions précédemment exposées afin de pouvoir piloter efficacement la montée en charge du dispositif et sa pérennisation.

2)  Le maintien du volontariat imposerait de mieux faire connaître le SNU parallèlement à sa montée en puissance pour « aller chercher les jeunes » :

- cette nécessité de dynamiser la communication sur le SNU passe par trois relais : celui des anciens du SNU susceptibles d'en devenir les ambassadeurs auprès des jeunes, le réseau des chefs d'établissements scolaires , également stratégique pour sensibiliser les jeunes à l'intérêt du SNU, de même que celui des collectivités territoriales ; la nécessité d'activer le réseau des missions locales a également été évoquée, de même que ceux de l'Aide sociale à l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- le développement du SNU impose de travailler davantage avec les collèges et les lycées dont l'information sur le SNU semble encore très insuffisante ;

- communiquer sur le SNU auprès des élus et des associations d'élus est une des conditions de sa montée en puissance, qu'il s'agisse des MIG que les collectivités peuvent proposer aux jeunes, ou des aspects concrets de l'organisation des séjours de cohésion comme la mise à disposition de locaux ou l'organisation de certaines activités (les cours de natation dispensées aux volontaires grâce à la mobilisation de la mairie de Dunkerque constituent un exemple éclairant des avantages de ce partenariat) ; à Dunkerque, les élus semblent désormais impliqués ; le SNU a été présenté comme une « chance pour les élus locaux » , car le séjour de cohésion peut permettre notamment de rentabiliser des sites d'hébergement en assurant une occupation pendant plusieurs semaines par an.

3)  Résoudre l'environnement concret de la gestion du SNU :

- s'agissant de l'hébergement du séjour de cohésion, identifier des sites pérennes dédiés dans une logique pluriannuelle garantissant la disponibilité des locaux, le « nomadisme » qui caractérise la situation actuelle ne pouvant être une solution satisfaisante dans la durée ; l'alignement des dates de séjours sur un calendrier défini au niveau national pourrait poser des difficultés en raison des spécificités des agendas locaux (ainsi, en sortie de crise sanitaire, la disponibilité d'un local comme L'Escale pourrait être incertaine à des dates coïncidant avec celles du Carnaval de Dunkerque, qui attire beaucoup de monde) ;

- améliorer les délais de paiement des encadrants (certains ont reçu leur rémunération deux mois après le début du stage de cohésion, ce qui peut être très pénalisant) et assouplir les règles d'engagement des dépenses ; toutes les activités ne pouvant être organisées longtemps à l'avance, leur organisation pâtit, d'après les témoignages recueillis à Dunkerque, d'une insuffisante souplesse qui doit trouver des solutions dans l'hypothèse d'une véritable montée en puissance ;

4)  Constituer et entretenir au plus près du territoire un vivier d'encadrants, « chevilles ouvrières des séjours de cohésion », et d'intervenants :

- ces derniers donnent de la consistance aux séjours, les encadrants pouvant de surcroît participer au séjour en tant qu'intervenants ;

- la stabilité des équipes autour de leurs directeurs doit être privilégiée pour permettre au séjour de cohésion de s'inscrire dans la durée ;

- la mission d'information a constaté que les directeurs de centre avaient acquis à ce jour une expérience tout à fait remarquable qu'il importe de transmettre dans l'hypothèse de la montée en puissance du SNU : l'indispensable formation des futurs directeurs de centre doit à l'évidence s'appuyer sur eux. À cet effet, il semble essentiel de mettre en place un espace d'échanges entre tous les directeurs de centre pour leur permettre de partager les retours d'expérience capitalisés au niveau local et de les transmettre à leurs collègues moins expérimentés. Le développement du SNU passe nécessairement par la création d'un tel réseau.

Déplacement de la mission d'information
dans le Maine-et-Loire (24 février 2022)

Le 24 février, la mission d'information s'est rendue dans le département de Maine-et-Loire, à l'initiative de Stéphane Piednoir, président. Henri Cabanel, rapporteur, et Sabine Drexler ont participé à ce déplacement.

Le programme prévoyait, le matin, un échange sur les « Journées citoyennes », qui se sont inscrites au cours des dernières années dans l'agenda du département de Maine-et-Loire.

L'après-midi était consacré à une visite de l'Épide de Combrée, à la suite de l'audition par la mission d'information de Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Épide (Établissement pour l'insertion dans l'emploi), le 27 janvier 2022.

I. RENCONTRE À LA MAIRIE DE SOULAIRE-ET-BOURG AUTOUR DE LA JOURNÉE CITOYENNE

La réunion s'est tenue à la mairie de Soulaire-et-Bourg, commune de 1 531 habitants, où la délégation sénatoriale a rencontré son maire, Jean-François Rambault, également vice-président du conseil départemental de Maine-et-Loire. Ont également participé à ces échanges :

- Marina Toullier, conseillère municipale ;

- et Régine Brichet, vice-présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, responsable du secteur « éducation et sport de haut niveau ».

Dans un premier temps, la réunion a porté sur la mise en place de journées citoyennes dans la commune de Soulaire-et-Bourg. Ces journées ont été présentées comme un élément parmi d'autres mesures ou actions en faveur de la citoyenneté, telles que le dispositif « gagne ton argent de poche » à destination des jeunes, le conseil municipal des jeunes ou, plus largement, la volonté de mieux impliquer les adolescents dans la vie associative locale.

À l'échelle de l'agglomération, les journées citoyennes ont d'abord été créées dans la ville d'Angers, puis le maire de la commune, souhaitant mieux connaître cette initiative, a pris connaissance des travaux de Fabien Jordan, instigateur des toutes premières journées citoyennes, dans sa commune de Beerwiller (Haut Rhin), en 2008 419 ( * ) .

La première journée citoyenne de Soulaire-et-Bourg s'est tenue en 2017. Selon Jean-François Rambault, la population était dubitative initialement, mais la première édition a remporté un certain succès, entraînant d'autres communes de l'agglomération dans son sillage.

La mise en oeuvre de cette journée est née du constat que, malgré un tissu associatif assez dense, les habitant du village ne se connaissaient pas.

Ces journées ont donc eu pour objectif de replacer les habitants au coeur de la cité en leur faisant dépasser le seul statut de « consommateurs » de services publics pour les faire devenir acteurs de leur territoire. Ces journées ont également permis de créer du lien avec les entreprises de la commune et avec les agents de ses services techniques.

Le principe des journées citoyennes est dérivé de la devise de la République :

- Liberté : chacun est libre de participer ou non ;

- Égalité : tout le monde occupe une place égale dans l'organisation ;

- Fraternité : le déroulement s'effectue dans une ambiance conviviale, nourrie par les échanges intergénérationnels.

L'organisation de la journée citoyenne débute en amont par une phase d'appel à projets, durant laquelle les habitants de la commune soumettent des travaux ou des actions qu'ils aimeraient voir réalisés lors de cette journée : on peut citer, entre autres exemples, la construction de nids à cigognes ou de boîtes à insectes, ou encore la réfection des garde-corps du stade municipal.

Les travaux sélectionnés sont mis en oeuvre lors de la journée citoyenne par l'ensemble des acteurs, en fonction de leurs capacités et de leurs expertises propres.

Régine Brichet a ensuite présenté la démarche « citoyenneté » mise en place par le département de Maine-et-Loire. Cette démarche s'appuie sur une définition de la citoyenneté fondée sur le triptyque « solidarités », « civisme » et « civilité » qui fonde le département à co-construire les politiques publiques, prendre en compte l'ensemble des concitoyens et des territoires, promouvoir l'engagement personnel et le bénévolat pour le bien commun et soutenir les actions liées au savoir vivre en collectivité.

Afin de promouvoir la citoyenneté, le département a désigné un conseiller spécialement en charge de cette thématique ; il dispose d'un service dédié qui appuie les autres services dans leurs missions. Le département s'est également doté d'une première feuille de route établie en 2018 et traduite en un plan d'action renouvelé en 2022. Il s'appuie sur trois groupes d'objectifs. Le premier consiste à sensibiliser, éduquer, encourager au civisme et à la citoyenneté. Le deuxième tend à développer la concertation et la participation citoyenne. Le troisième vise à encourager et soutenir les promoteurs d'initiatives citoyennes.

La mise en oeuvre des plans successifs a notamment conduit à un appel à idées d'actions solidaires ayant permis de sélectionner sept projets lauréats co-construits avec les habitants du département et ayant conduit à coordonner des politiques départementales différentes : enfance, routes, revenu de solidarité active et collèges. Concrètement, il s'est agi, par exemple, de mettre des Joëlettes (ou fauteuils roulants « tout terrain ») à disposition de personnes en situation de handicap via une association et divers partenaires, parmi lesquels l'Épide de Combrée. Ces actions ont également permis d'associer les habitants à la construction du futur collège Beaupréau.

II. VISITE DE L'ÉPIDE DE COMBRÉE

Lors de cette visite, les sénateurs ont participé à un échange avec Alexandra Solazzo, directrice de l'Épide et son équipe (chefs de service éducation à la citoyenneté, moyens généraux, insertion et formation, conseiller Éducation citoyenneté, formatrice en enseignement général, formateur en sports) ainsi que quatre volontaires à l'insertion (dont une jeune femme).

D'une capacité d'accueil de 75 volontaires à l'insertion, l'Épide de Combrée, créé en 2007, est le seul établissement de ce type dans la région des Pays de la Loire. Il couvre les six départements suivants : Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Deux-Sèvres, Vendée et Vienne.

Le suivi qui y est offert aux jeunes tient, comme dans les autres centres Épide, à une équipe pluridisciplinaire offrant un très large spectre de compétences (médico-sociales, sportives, enseignement général, insertion professionnelle). Le centre de Combrée s'appuie sur une équipe de 32 agents qui se relaient pour assurer une présence constante du lundi matin au vendredi soir. Un psychologue y est présent une demi-journée par semaine.

La mission d'information tient à rendre hommage à l'implication et au dévouement des personnels rencontrés à Combrée. Elle a pu mesurer leur force de conviction et leur attachement pour les jeunes qu'ils accompagnent vers la réussite.

La mission d'information a été reçue dans des locaux que l'Épide de Combrée devrait quitter prochainement afin d'emménager dans un site plus proche d'Angers et plus facile d'accès depuis la gare. Cette nouvelle implantation devrait faciliter le départ des volontaires chaque vendredi et leur retour le lundi matin. Parallèlement à ce projet de déménagement, un appel d'offres est en cours pour permettre, à terme, l'hébergement pendant les week-ends des volontaires qui souhaiteraient demeurer au centre.

L'emploi du temps des volontaires s'appuie sur une discipline stricte : réveil à 6 heures, levée des couleurs à 8 heures, coucher à 22 heures. Le programme quotidien est intensif ; des activités culturelles sont proposées le soir ; l'hébergement est collectif, les jeunes ayant la responsabilité de l'entretien de leur espace de vie et de leur linge. Le respect des règles de vie collective est une exigence forte, de même que la pratique quotidienne du sport. Selon les interlocuteurs de la mission d'information, deux mois sont nécessaires à l'intégration des jeunes, parfois quatre.

L'un des objectifs de l'Épide est de faire émerger un sentiment de solidarité et de groupe, dans un « esprit de promotion » ; un autre objectif est d'accompagner les jeunes vers l'insertion sociale et professionnelle : tous les volontaires bénéficient d'une remise à niveau scolaire, sont aidés à découvrir des métiers et à choisir des stages, suivent des cours adaptés à leur projet professionnel, sont préparés au PIX, passent le code de la route, sont formés aux gestes de premiers secours et participent à des actions de solidarité qui s'inscrivent dans une éducation citoyenne destinée à compléter leur formation. Certains peuvent en outre être préparés au Passeport de compétences informatiques européen (PCIE) et au permis de conduire. La remise à niveau concerne aussi le plan sportif : les volontaires à l'insertion passent le brevet de natation de 25 mètres ; ceux qui en ont besoin peuvent apprendre à faire du vélo.

Le parcours citoyen, sanctionné par la remise de l'Attestation de parcours citoyen de l'Épide (APCE), fait donc partie de l'accompagnement des jeunes vers l'insertion. Il vise l'autonomie des volontaires à travers des formations concrètes tournées vers l'organisation de la vie quotidienne (formalités administratives, budget...). Il comporte également des modules de connaissance des institutions, locales et nationales ainsi qu'une sensibilisation au devoir de mémoire. Ce point est d'autant plus important qu'il ressort des échanges avec les volontaires à l'insertion rencontrés par la mission d'information que ceux-ci ne gardaient pas de souvenir de l'EMC dispensée dans le cadre scolaire. Chaque matin, la levée du drapeau est un moment fort de la journée qui permet d'enseigner les symboles de la République, l'hymne national (deux couplets de La Marseillaise sont enseignés) et les valeurs citoyennes. La cérémonie des couleurs du vendredi clôt la semaine. Elle constitue l'occasion de la remise solennelle de l'APCE ; elle permet aussi de saluer les réussites de chacun. Les volontaires sont également conduits à participer aux commémorations nationales (certains assistent au ravivage de la flamme sous l'Arc de Triomphe) et à la cérémonie du 14 juillet.

Des visites culturelles (musées, lieux de culte...) font également partie du parcours citoyen de l'Épide, de même que la participation à des chantiers de restauration du patrimoine et à des actions d'entretien de l'environnement. Le bénévolat est naturellement encouragé, avec des partenaires divers (Ehpad, associations telles que Les restos du coeur , La Banque alimentaire ...). Entre autres initiatives, l'Épide a été partenaire du projet Han'semble une aventure en joëlette mis en oeuvre par le département de Maine-et-Loire pour mettre à disposition de personnes à mobilité réduite des fauteuils roulants « tout terrain » permettant la participation à des randonnées et à des activités sportives, culturelles ou de loisirs (ce point avait été évoqué le matin à la mairie de Soulaire-et-Bourg).

Les parcours des quatre volontaires à l'insertion rencontrés par la mission d'information à Combrée, qui ont rejoint l'Épide en 2021, souligne la diversité des jeunes accueillis à l'Épide. Trois d'entre eux ont fait état d'un intérêt pour un engagement dans l'armée ou les métiers de la police, même si cet objectif ne s'est pas concrétisé pour tous. L'Épide offre en effet la possibilité de se préparer à passer avec succès les tests conditionnant un engagement militaire ; la pratique sportive, intégrée à l'emploi du temps quotidien, favorise cette préparation ; l'Épide peut prendre en charge les frais de déplacement et, parfois, d'hébergement, nécessaires pour aller passer les tests.

Les témoignages recueillis lors de cet échange ont souligné l'intérêt qu'attachent ces jeunes à l'expérience de vie collective que constitue l'Épide, aux découvertes qu'ils effectuent pendant leur séjour et aux actions bénévoles auxquelles ils participent, dont ils parlent d'ailleurs avec fierté.

Le recrutement de volontaires et leur accompagnement vers l'insertion professionnelle constituent un défi. Il implique un effort régulier de promotion de l'Épide, d'une part, auprès d'acteurs comme Pôle emploi , les maisons de quartier, le Point info jeunesse d'Angers (où l'Épide tient une permanence par mois) ou la mission locale de Nantes et, d'autre part, auprès d'entreprises susceptibles d'employer des jeunes issus de l'Épide.

Attirer les futurs volontaires à l'insertion vers l'Épide suppose de les convaincre des opportunités que peut leur apporter cette structure en termes de remise à niveau, y compris sur le plan médical, de revenu, d'accès au permis de conduire, d'accompagnement social et d'insertion professionnelle. Le fait d'être privé d'Internet et de sortir de son milieu, la nécessité de se confronter à des règles de vie nouvelles, les contraintes liées à la discipline et le port d'un uniforme constituent pour certains de véritables obstacles. À cet égard, la directrice du centre a insisté sur le courage des volontaires qui osent sortir de leur « zone de confort » en rejoignant l'Épide.

Le cadre de vie rigoureux et la discipline en vigueur à l'Épide contribuent à adapter les volontaires à l'insertion aux exigences de la vie professionnelle : selon la directrice, les attentes des entreprises concernent avant tout une attitude, un savoir-être et un comportement, domaines dans lesquels la formation reçue à l'Épide fait des volontaires un atout pour leurs employeurs potentiels.

Selon les témoignages des volontaires à l'insertion rencontrés par la mission d'information, la perspective de passer le permis et de trouver une formation pour « s'en sortir », jointe à la pratique sportive favorisée à l'Épide, ont constitué des arguments convaincants : « Ici, tu es obligé de sortir avec quelque chose. Ailleurs on te laisse partir sans rien ». À cet égard, la directrice de l'Épide a rappelé que 70 % des volontaires connaissent une sortie « positive » de l'Épide, ce qui constitue une proportion favorable comparée aux quelque 30 % d'abandons ou de renvois.

Depuis qu'il est accessible aux mineurs et aux bacheliers, l'Épide touche des publics nouveaux, même s'il n'a pas vocation à accueillir les bacheliers de l'année : l'un des volontaires à l'insertion rencontrés, titulaire d'un bac STMG, n'a pas eu accès à une formation qui lui convenait à l'issue de sa terminale ; il a privilégié l'Épide de préférence à la perspective qui lui était proposée de passer un nouveau bac.

Dans le cadre de la Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS), l'Épide intervient dans un territoire étendu : or cette mission incombe à un seul membre du personnel de l'Épide, ce qui semble particulièrement insuffisant, même si le meilleur vecteur de communication semble être le bouche à oreille entre pairs.

Selon la directrice, l'Épide a été impacté par d'autres dispositifs susceptibles d'être considérés comme plus attractifs sur le plan financier, et plus particulièrement la garantie jeunes . Jusqu'à la fin de 2021, l'indemnité mensuelle versée aux volontaires de l'Épide (210 euros, auxquels s'ajoutaient 90 euros capitalisés chaque mois) était moins élevée que la garantie jeunes (497,50 euros) et assortie de contreparties plus exigeantes. Depuis le début de 2022, l'indemnité de l'Épide a été portée à 450 euros par mois, auxquels s'ajoutent 50 euros mis de côté et restitués aux volontaires à leur départ, ce qui devrait accroître l'attractivité de ce dispositif pour les jeunes.

De plus, compte tenu du nombre de jeunes ayant vocation à intégrer la garantie jeunes , les missions locales ont été conduites à positionner des jeunes dans ce dispositif (que par ailleurs elles portaient), ce qui a réduit d'autant ceux qu'elles orientaient vers l'Épide.

Selon les informations recueillies à Combrée, le contrat d'engagement jeunes est toutefois susceptible de changer la donne au profit de l'Épide, car ce dernier va entrer dans ce dispositif, ce qui améliorera la visibilité de l'institution, à condition toutefois qu'une campagne d'information dynamique et efficace renforce sa notoriété : ainsi, alors que l'Épide faisait partie du portefeuille 1 jeune 1 solution , l'insuffisante visibilité de l'établissement sur le site a limité son rayonnement, l'Épide ayant été en quelque sorte dilué au sein d'un ensemble composite formé des écoles de la deuxième chance (E2C), du service militaire volontaire (SMV) et des dispositifs autonomes mis en place par certaines collectivités territoriales. Il faut noter également que l'Épide a accueilli certains bénéficiaires de la garantie jeunes que cette prestation n'a pas permis d'insérer dans la vie professionnelle. Selon la directrice de l'Épide, certains jeunes sont susceptibles en effet, faute d'une bonne orientation et d'un accompagnement solide, d'aller de dispositif en dispositif ( garantie jeunes , E2C, SMV...) sans résultat ni suivi d'une structure à l'autre. C'est la rigueur du cadre offert par l'Épide et la qualité de l'accompagnement proposé aux jeunes qui semble faire la différence, en provoquant un « déclic » et une envie de se prendre en mains.

L'insuffisante coordination entre les différentes structures chargées d'accueillir les décrocheurs, la superposition de dispositifs ayant des vocations comparables ainsi qu'un certain mélange des genres entre organismes prescripteurs et acteurs de l'insertion compromettent, selon la directrice de l'Épide de Combrée, l'efficacité de ces dispositifs.

Déplacement de la mission d'information
à Montpellier (23 et 24 mars 2022)

Mairie de Jacou

Quartier de La Paillade

Rencontre avec des élus du Conseil des enfants et des jeunes (CEJ)
de la commune de Jacou (23 mars 2022)

Quelques informations sur le CEJ

- Les conseillers sont désignés pour un mandat de deux ans

- Effectifs pour l'année en cours : 18 CM2 et 18 collégiens,
dont deux jeunes de l'Institut médico-éducatif (IME)

En 2020-2021, les membres du CEJ de Jacou ont choisi comme thématique de travail le harcèlement scolaire. Ils ont notamment réalisé une vidéo à destination de leurs camarades, qui peut être consultée sur le site internet de la mairie.

Ils ont également participé au projet Deux actions pour la planète , initié par les collégiens en partenariat avec la municipalité, comprenant l'organisation d'un événement Repair Café (33 objets pris en charge dont 18 réparés sur place et 46 kilos de déchets évités) et d'un événement Ramassage des déchets (avec ateliers de sensibilisation à la gestion des déchets).

Le programme de l'année en cours prévoit des travaux essentiellement axés sur les thématiques de la solidarité et de la différence :

- collecte au profit de la Banque alimentaire pour l'épicerie solidaire de Jacou, collecte de jouets au profit des familles bénéficiaires de l'épicerie solidaire ;

- participation à la vidéo des voeux du maire ;

- rédaction d'une lettre de soutien adressée aux aînés durant la période de restrictions sanitaires (janvier) ; lettre distribuée avec des friandises locales.

La délégation du Sénat était composée de Stéphane Piednoir , président de la mission commune d'information, Henry Cabanel , son rapporteur, ainsi que Guy Benarroche et Hussein Bourgi , membres de la mission et respectivement sénateurs des Bouches-du-Rhône et de l'Hérault. Elle a été accueillie par Enguerran Aubert , directeur de cabinet du Maire de la ville de Jacou, commune de la métropole de Montpellier, ainsi que par Brigitte March , adjointe au maire de Jacou en charge de la jeunesse et déléguée à l'école élémentaire, au collège et au conseil de jeunes. La délégation a rencontré une vingtaine de membres du conseil de jeunes.

Après une présentation de la mission par le président Piednoir, le rapporteur a rappelé l'importance de l'engagement citoyen et a interrogé les membres du conseil de jeunes de Jacou sur les motivations qui ont présidé à leur propre engagement.

Océane : « Je veux faire grandir la ville, qu'elle soit connue et qu'on ait plein de projets. Cette ville mérite d'être mise en avant ! Et avec plein de petits projets on peut y arriver . »

Ilan : « J'avais entendu parler du conseil de jeunes et j'étais content de pouvoir participer à la vie de la commune . »

Gaëtan : « C'est ma mère qui m'a parlé du CEJ. Je suis content de représenter mes camarades et d'être dans la citoyenneté française . »

Estéban : « C'est mon troisième mandat. Au début, j'étais motivé par le besoin de participer à la vie de la ville et être au courant de ce qui s'y passe . »

En réponse à une question du président, certains enfants ont indiqué envisager de devenir, plus tard, conseiller municipal.

Brigitte March a, par la suite, présenté le fonctionnement du conseil de jeunes de Jacou. Initialement dédié aux élèves de CM2 et de 6 e , le conseil a intégré des collégiens plus âgés qui étaient motivés. En outre, le conseil accueille deux jeunes de l'Institut médico-éducatif de la commune.

Pour être admis au conseil de jeunes, chaque enfant écrit une profession de foi avant qu'un tirage au sort ait lieu. Cette modalité est préférée à une élection en raison de l'âge des enfants. Brigitte March indiquait que « Normalement, il y a 12 places, mais cette années ils étaient 18 et on a pris tout le monde car ils avaient tous des bonnes idées ! ».

À la question du rapporteur tendant à savoir comment les jeunes avaient eu envie de rejoindre le conseil, plusieurs réponses ont été données :

- « Il y avait des affiches à l'école . » ;

- « Je connaissais des personnes du CEJ... des affiches contre le harcèlement scolaire m'ont donné envie de m'engager . »

Trois séances de travail sont organisées chaque semaine par Brigitte March et une animatrice : deux pour le collège et une pour les CM2. Elles ont pour objet de préparer un projet qui sera présenté au maire de la commune par les jeunes afin qu'il le valide et le mette en oeuvre. Un membre du conseil de jeunes indiquait : « On va créer une journée pour la nature avec plusieurs stands sur différents thèmes : “panneaux solaires”, “réparation de vélos”, “comment fabriquer ses produits ménagers”, “comment entretenir son jardin sans pesticide”. On va installer un Repair café . Dans le cadre d'une fresque pour le climat, une dame va venir et va animer une activité... ». Un autre de compléter : « On va faire un stand de boissons avec des verres consignés. L'argent récolté sera reversé à une association ».

Les membres du conseil de jeunes suivent également un stage parmi les élus de la commune ainsi que les services municipaux même si cette initiative a récemment été perturbée par la Covid-19.

Au cours des échanges qui ont suivi, le rapporteur a souhaité savoir ce que signifiait, pour ces jeunes, la citoyenneté. Pour certains, c'est « habiter à Jacou sans commettre d'infraction ». Pour d'autres, c'est « s'engager à prendre soin de la ville dans laquelle on habite ».

Les enfants ont également souhaité connaître le rôle du Sénat et des sénateurs.

*

Rencontre avec des membres de l'association Uni'sons
(Habib Deshraoui, directeur, et Nacer Benammar, éducateur spécialisé)
et des jeunes en service civique au sein de l'association
.

L'association a fait le choix délibéré de s'installer au coeur du quartier Nord de La Paillade (quartier de 28 000 à 30 000 habitants), dans les locaux d'une ancienne pharmacie - la plupart des commerces, infrastructures de transport, culturelles et économiques se situant dans le sud de ce quartier). Le taux de votants dans le quartier est faible - il y a moins de votants qu'il y a dix ans, alors même que le nombre d'habitants a augmenté.

L'association a choisi comme slogan L'Art est Public et se veut un porte-voix de la République auprès d'une population que l'on ne voit pas. La culture permet en effet de réunir les gens. L'association a créé le Festival Arabesques , qui est l'un des plus grands festivals de musique arabe d'Europe, sous le haut patronage de l'Unesco. Dix-neuf permanents travaillent dans l'association, dont un éducateur spécialisé, deux médiateurs culturels et une conseillère en insertion professionnelle.

Nacer Benammar, éducateur spécialisé, a expliqué son double rôle au sein de l'association. Uni'sons est partenaire du programme Réussite éducative (PRE). Dans ce cadre, elle accueille des jeunes provisoirement exclus de leurs établissements, afin qu'ils ne restent pas livrés à eux-mêmes pendant cette période d'exclusion. Par ailleurs, il accompagne des jeunes de 16 à 24 ans, souvent sortis des dispositifs existants, qui « accumulent déception sur déception dans leurs recherches d'emploi ou d'insertion ».

Uni'sons organise deux réunions annuelles d'information sur le service civique pour les jeunes du quartier. Mais très peu d'entre eux candidatent, ce qui interroge sur la présentation du service civique et sur l'information délivrée aux jeunes dans ce domaine. Afin d'inciter les jeunes les plus éloignés à s'engager dans un service civique, l'association finance leur permis de conduire. En effet, 100 % des jeunes se sentent concernés par l'obtention d'un permis de conduire.

L'association travaille également en partenariat avec les missions locales afin de repérer les 16-25 ans « invisibles ». Leurs missions sont complémentaires : Uni'sons a en effet remarqué que les jeunes appréhendent souvent leur rendez-vous devant le conseiller de la mission locale.

Le programme Réussite éducative s'inscrit dans un partenariat avec la métropole de Montpellier qui a mis en place un parcours en lien avec les associations pour accueillir les jeunes exclus. L'association Uni'sons les accueille les lundi, mercredi et vendredi matins et travaille avec ces jeunes sur l'expression et le ressenti, mais aussi sur l'acceptation de la sanction. Le reste de la semaine, ces jeunes suivent notamment un atelier sur la civilité organisée par le réseau des transports en commun. Ce programme permet d'apaiser le rapport du jeune avec l'école.

M. Benammar est revenu sur la difficulté de nombreux jeunes (collégiens mais aussi étudiants) à trouver des stages. L'association travaille sur une mise en réseau pour les aider dans leurs recherches. Malheureusement, les jeunes viennent les voir très tardivement - entre trois et cinq jours avant le début du stage.

Lors des échanges avec les jeunes en service civique, la journée défense et citoyenneté a été évoquée. Elle a été jugée décevante, permettant seulement « d'obtenir les papiers nécessaires », alors même qu'il s'agit d'un passage obligatoire pour tous les jeunes Français. Cette journée « doit mieux être utilisée ».

En partenariat avec une autre association, Uni'sons prépare actuellement une émission politique dans le cadre des échéances électorales de cette année. Or les accompagnateurs du projet ont été surpris de constater lors de la préparation de cette émission que les jeunes ne prévoyaient aucune question les concernant directement, alors même qu'ils sont convaincus du désintérêt des politiques pour leurs problématiques. Dans leur esprit, la politique semble inatteignable, réservée à une autre classe sociale.

M. Benammar est également revenu sur l'expression de divorce entre les jeunes et la politique. Il juge ce terme inadéquat : en effet pour qu'il y ait divorce, il faut qu'il y ait eu préalablement un mariage, or ce n'est pas le cas.

De nombreux jeunes du quartier ont des parents qui ne sont pas de nationalité française et n'ont donc jamais voté. Il n'y a donc pas eu de transmission du rituel du vote au sein de la famille. L'un des jeunes qui a pu voter pour la première fois, il y a cinq ans, a indiqué regretter de ne pas avoir été accompagné à l'époque dans sa recherche d'informations, qu'on lui indique comment bien s'informer pour donner tout son sens au vote.

*

Rencontre au lycée Henri IV de Béziers (lycéens de terminale ayant réalisé une enquête sur la citoyenneté dans le cadre de l'option « droit et grands enjeux du monde contemporain »), Jean Fonteray, professeur et Jean-Philippe Papineau, proviseur

Participants : Stéphane Piednoir , Henri Cabanel , Guy Benarroche , Hussein Bourgi

À la demande de M. Cabanel, rapporteur, les élèves de terminale suivant l'option « droit et grands enjeux du monde contemporain » (DGEMC) du lycée Henri IV de Béziers ont réalisé un sondage auprès de leurs camarades de lycée sur la « culture citoyenne ». Cette enquête a été complétée par une consultation de 129 enseignants du secondaire, permettant un regard croisé sur certaines thématiques entre élèves et enseignants.

Jean Fonteray est revenu sur cette nouvelle option. Les enseignants doivent avoir une licence en droit ou un diplôme d'IEP. Il a mis en avant « le faible vivier d'enseignants potentiels ».

La note moyenne attribuée par les élèves au programme d'EMC est de 2,5 sur 5 ; les terminales sont les moins satisfaits. Ils demandent de vrais cours d'EMC, distincts de ceux d'histoire. En outre, 30 % des élèves souhaiteraient que ces cours préparent mieux à la vie active ou incluent des débats avec des intervenants extérieurs. Enfin, 80 % des élèves souhaitent davantage d'heures d'EMC, et deux tiers des élèves veulent que le coefficient de l'EMC soit augmenté dans la note du baccalauréat.

43 % des élèves se déclarent concernés personnellement par la politique et le vote - seulement 35 % des élèves en classe technologique, et 61 % déclarent avoir confiance dans les élus locaux. En revanche, seuls 11 % se sentent écoutés par les politiques qui sont « trop peu du côté des jeunes ». Ils déplorent notamment que la jeunesse soit trop absente des programmes. 15 % des élèves sont engagés ; parmi ceux qui ne le sont pas, un tiers évoque un manque de temps.

Les principales sources d'information pour les jeunes sont les réseaux sociaux (51,5 %) ainsi que la radio et la télévision (50 %).

Le SNU est très peu connu (seuls 14 % des jeunes en ont entendu parler).

L'enquête permet de mettre en lumière, à travers les regards croisés élèves/enseignants, une concordance dans la définition de la citoyenneté ainsi que des droits et devoirs qu'implique la citoyenneté. Enfin, 57 % des enseignants estiment que l'école ne forme pas suffisamment à la citoyenneté.

Lors de l'échange entre la délégation de la mission d'information, les élèves, leurs professeurs et le proviseur, de nombreux sujets ont été évoqués.

Les élèves ont notamment regretté un manque d'écoute de la part des élus, mettant en avant le fait que les revendications exprimées lors des manifestations n'étaient pas entendues, ou encore le référendum de 2005 qui a eu selon un jeune un effet négatif sur le vote. Dans l'imaginaire des élèves s'est transmise d'une génération à une autre l'image d'une classe politique qui ment.

Par ailleurs, de nombreux élèves ont mis en avant le manque d'informations, notamment lorsqu'il n'y a pas une tradition de vote dans le cercle familial. Pour l'un des élèves, l'une des raisons de l'abstention est due au manque d'informations relatives à l'inscription sur les listes électorales. Ils souhaiteraient par exemple que les élèves en soient informés lors de leur entrée en seconde.

Le proviseur est revenu sur l'évolution de l'EMC au lycée. Alors qu'il était inclus avant la réforme du baccalauréat dans le cours d'histoire et géographie, pouvant « étouffer l'EMC », cet enseignement dispose désormais d'un coefficient à part entière. Cela permet de désigner un enseignant en charge de l'EMC autre que celui d'histoire-géographie et de faire en sorte que l'EMC ne soit pas absorbé par l'histoire-géographie. Dans le même temps, cette heure d'EMC permet parfois de compléter un service hebdomadaire d'un enseignant à qui il « manque » des heures. En revanche, il n'est pas possible de regrouper les heures d'EMC en raison du statut des enseignants (avoir pendant un mois l'EMC délivré par un enseignant de philosophie, le mois suivant par un enseignant d'histoire-géographie... afin de prendre en compte les différentes facettes de l'EMC).

Le programme d'EMC a été qualifié, tant par les élèves que par le corps enseignant, de rébarbatif et d'abstrait, qui ne permet pas aux élèves de s'investir, d'éveiller leur curiosité.

En ce qui concerne le SNU, il y a cette année une incitation académique très forte. Actuellement vingt-quatre élèves du lycée se sont inscrits pour la session de juin. Chaque semaine, le rectorat communique la liste des lycées avec le nombre d'élèves s'étant inscrits au SNU.

Enfin, la journée de citoyenneté et de défense a été jugée décevante par plusieurs élèves, ne poussant pas à l'engagement. Sa qualité semble dépendre fortement des intervenants. Néanmoins, plusieurs élèves ont exprimé leur désir d'avoir un « temps de citoyenneté » plus long (deux à trois jours - voire deux mois l'été des 18 ans). De même, dans le concours de rédaction de proposition de loi, organisé chaque année par le professeur de DGEMC, on remarque qu'un texte porte sur le rétablissement du service militaire, ce qui témoigne d'un intérêt de certains jeunes pour cette problématique.

CONSULTATION DES ÉLUS LOCAUX SUR LA PLATEFORME
DU SÉNAT : SYNTHÈSE DES RÉPONSES

I. SYNTHÈSE DES RÉPONSES ADRESSÉES À LA MISSION D'INFORMATION

La mission d'information a souhaité s'adresser aux élus locaux sur des thèmes très divers en lien avec le périmètre de son sujet :

- la présence de jeunes dans la vie politique locale et les mesures à mettre en oeuvre pour faire plus de place aux jeunes dans la vie politique locale ;

- le bilan des conseils d'enfants et de jeunes constitués dans la collectivité ;

- le recours aux volontaires du service civique par les collectivités territoriales et les pistes à privilégier pour améliorer le dispositif ;

- le bilan des procédures de consultation du public organisées au cours de la période récente ;

- les incivilités, voire les violences, subies par les élus locaux.

« La vie citoyenne est un tout, elle concerne tant le vote que les diverses formes d'engagement par lesquelles les citoyens s'inscrivent dans un projet collectif. Nous avons besoin du regard des élus pour dégager des pistes d'action concrète », a estimé Henri Cabanel, rapporteur, lors du lancement de cette enquête. Le président Stéphane Piednoir a, pour sa part, rappelé : « Ces consultations en ligne permettent un retour de terrain très éclairant et sans filtre. Le Sénat représente les collectivités territoriales : nous sommes à l'écoute de l'ensemble des élus locaux, dont fait d'ailleurs partie la grande majorité des sénateurs ».

La consultation a duré du 18 janvier au 8 février 2022. Elle a recueilli un total de 2 262 réponses aux questions reproduites dans l'encadré ci-après, ce nombre ayant varié en fonction des thématiques (environ 1 700, par exemple, pour les consultations locales, les violences, les conseils de jeunes et le service civique).

Les auteurs des réponses sont dans leur majorité :

- issus de l'échelon municipal (82,8 % sont des élus municipaux) - 49,4 % sont maires et 24,7 % adjoints au maire 420 ( * ) ;

- élus de villes de moins de 5 000 habitants 421 ( * ) ;

- titulaires d'une délégation en lien avec la citoyenneté (51,2 % des répondants).

QUESTIONS POSÉES AUX ÉLUS

- Qualités du répondant (élu municipal, départemental, d'un EPCI... ; membre d'un exécutif local ; titulaire d'une délégation en lien avec la vie citoyenne)

- Pour les élus municipaux : taille de la commune

- Proportion de personnes de moins de 30 ans dans l'assemblée délibérante

- Quel facteur fait principalement obstacle à la présence des jeunes dans la vie politique locale (faible intérêt, censure par manque de légitimité, manque de temps, ne se reconnaissent pas dans l'offre politique, autre) ?

- Y a-t-il un conseil de jeunes dans voter collectivité ?

- Avez-vous mis en place des procédures de consultation sur des sujets d'intérêt local ces dix dernières années (oui, plusieurs fois par an ; oui, au moins une fois par an ; oui, au moins une fois ces cinq dernières années ; oui, au moins une fois ces dix dernières années) ?

- Certaines de ces consultations ont-elles pris la forme d'un référendum local ?

- Cette consultation (ou ces consultations) concernai(en)t quel(s) secteurs(s) (création d'infrastructures, éducation, culture-sport-jeunesse, social, autre) ?

- Votre collectivité a-t-elle sollicité pour organiser ces consultations l'appui d'un prestataire extérieur ?

- Pensez-vous que ces procédures améliorent les relations avec les élus ?

- Votre collectivité accueille-t-elle des volontaires du service civique ?

- Ces jeunes sont-ils majoritairement âgés de moins de 20 ans, de plus de 20 ans, sont-ils étudiants ? Certains sont-ils mineurs ?

- Parmi les effectifs de volontaires, quelle est approximativement la part des femmes (la moitié au plus ; le tiers ; le quart ; moins du quart ; il n'y a pas de jeunes femmes) ?

- Le service civique donne-t-il satisfaction à votre collectivité ?

- Votre collectivité accueille-t-elle des personnes en TIG ? Seriez-vous prêt à en accueillir ? Si non, pour quelle(s) raison(s) (manque de personnel encadrant ; manque de temps pour l'encadrement ; mauvaise image pour la population) ?

- Durant l'année 2021, avez-vous été témoin d'incivilités, voire de violences, contre des élus de votre territoire ou touchant des institutions (oui, à de nombreuses reprises ; oui, quelques fois ; oui, une fois ; non) ?

- Durant la même année, avez-vous été personnellement victime de tels comportements (oui, à de nombreuses reprises ; oui, quelques fois ; oui, une fois ; non) ?

I. LA PLACE DES JEUNES DANS LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

À la question « quelle est la proportion de personnes de moins de 30 ans dans l'assemblée délibérante de votre collectivité ou de votre EPCI ? », 0,6 % des 1 917 répondants seulement appartiennent à des assemblées où siègent au moins 50 % de moins de 30 ans. Plus de la moitié des réponses (53,4 %) déclarent « moins du quart » ; 39,5 % font état de l'absence de jeunes élus .

71 % des répondants estiment que « les jeunes ne sont pas suffisamment représentés dans la vie politique locale » ; 23 % jugent le critère de l'âge « non pertinent ».

Cette participation limitée des jeunes aux instances élues est imputée pour 42,2 % des élus à un « faible intérêt » des jeunes pour la politique, pour 27,3 % à un manque de temps et pour 20,8 % au fait qu'ils « ne se reconnaissent pas dans l'offre politique ».

« Quelles mesures devraient, selon vous, être mises en oeuvre pour accroître la présence des jeunes dans la vie politique locale ? »

Cette question a inspiré aux interlocuteurs du Sénat des réponses nombreuses, qui reflètent un regard quelque peu désabusé sur la vie politique locale ; certains témoignages interpellent les sénateurs sur un ton parfois sans concession 422 ( * ) .

L' enjeu d'une participation de jeunes plus nombreux à la politique locale est de lutter contre un risque croissant d'individualisme Les jeunes doivent dès leur plus jeune âge comprendre que notre société ne peut exister que si les citoyens qui la composent sont partie prenante pour le bien de tous et non que de soi »). Mais c'est aussi, selon certaines réponses, l'avenir de la démocratie : « c'est essentiel d'avoir plus de jeunes car les politiques locales ne répondent pas à leurs besoins et continueront d'être en décalage, ce qui va accentuer le décrochage démocratique ».

Quelques élus expliquent la faible implication des jeunes dans la vie locale par leur mode de vie : il est en effet difficile de fidéliser les jeunes dans les territoires qu'ils doivent quitter pour leurs études ou leur parcours professionnel ; les petites communes sont peu attractives pour les moins de 30 ans car elles offrent peu de perspectives professionnelles et de lieux culturels ; enfin, les freins à la mobilité des jeunes en milieu rural entravent leur disponibilité pour s'engager et participer à la vie locale.

D'autres soulignent la responsabilité du comportement des élus , qui doit être réformé pour changer le regard des jeunes sur la politique : « Que les élus nationaux arrêtent les campagnes électorales violentes, de mauvaise foi et avec des promesses pas tenues. (...) Le jeu des petites phrases exaspère les jeunes ». Diverses contributions évoquent l'importance du devoir d'exemplarité des élus (« à tous les niveaux de l'État ») et la lassitude de la « politique politicienne » ; « la guerre entre Sénat et Assemblée nationale ne donne pas une bonne image ».

Les pistes proposées pour mieux impliquer les jeunes dans la vie politique relèvent de deux approches différentes.

Selon la première, il s'agit de faire connaître aux jeunes le fonctionnement des institutions , dont l'ignorance est largement répandue. L' éducation civique , dont le renforcement est régulièrement demandé, doit être repensée car « le système éducatif fait prendre conscience aux jeunes de leurs droits, mais paraît peu efficace à inculquer le sens de l'engagement citoyen et de l'effort ». Cet enseignement ne doit pas se limiter au cadre scolaire mais s'appuyer aussi sur des échanges directs avec les élus, plus particulièrement municipaux, dans les classes mais aussi dans les mairies. Elle passe également par la création de conseils de jeunes, dont l'utilité est soulignée comme lieu d'initiation à la politique locale. Enfin, l' engagement associatif des jeunes doit être encouragé car il peut constituer une première étape vers un engagement politique local et peut se heurter aux mêmes obstacles.

La seconde approche appelle à une véritable remise en question des méthodes de travail des élus et à une adaptation du fonctionnement des institutions aux besoins et aux attentes des jeunes . La priorité est de leur faire confiance, de les consulter sur leurs attentes, en un mot de « leur ouvrir la porte » des institutions ; de nombreuses réponses appellent de manière générale à donner de vraies responsabilités aux jeunes au sein des collectivités territoriales , ce qui doit aller de pair non seulement avec un effort en termes d'autonomie financière des jeunes 423 ( * ) , mais aussi avec des adaptations du statut de l'élu , plus particulièrement pour mieux concilier l'exercice de responsabilités locales avec la poursuite d'études.

1. Premier axe de proposition : améliorer la connaissance des institutions pour rapprocher les jeunes de la vie politique locale

a. Une éducation civique privilégiant une démarche concrète au contact des élus

Très fréquemment mentionné comme un levier essentiel, le renforcement de l' éducation civique doit passer en priorité par l'enseignement du fonctionnement des institutions : « Je pense qu'il y a un besoin urgent de sensibiliser de façon accessible et pédagogique sur des notions basiques telles que “qu'est-ce que la démocratie”, les compétences communales, intercommunales, départementales, régionales, les droits et des devoirs du citoyen, le rôle des élus mais aussi les limites de leur fonction, l'importance de l'administration, le lien entre les agents publics et les élus, etc. »

Cet enseignement passe, de l'avis de très nombreuses réponses, par l' école : « Travailler avec les écoles, collèges et lycées, ouvrir la mairie, faire visiter, aller parler de son engagement dans les classes, rendre la politique locale plus proche, plus accessible ». Cet enseignement doit être « concret et personnalisé » et passer par des outils tels que « jeux de rôle » pour « mieux informer sur le rôle des collectivités locales » et par des visites de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Une intervention propose des « journées de découverte citoyenne à l'école primaire et au collège (rencontre avec des élus, visite auprès de la mairie sur un thème particulier, exposé à faire sur un sujet civique avec interviews d'élus) ».

De manière générale, l'idée est de valoriser l'implication des élus et de mettre fin à des postures de dénigrement systématique et infondé : « Des enfants de l'école ont dit à mon fils : “ton père ne sert à rien” (c'est à dire moi qui suis le Maire et qui ai rouvert une boulangerie, construit une MAM en moins de 2 ans de mandat, et tout le reste...) ». L'objectif est aussi de « démystifier la vision d'élus (qui seraient) au-dessus des citoyens » et de rappeler aux jeunes que « la vie locale est incarnée par des visages humains ».

Des témoignages de jeunes élus confirment la nécessité de mieux faire connaître le travail des élus : « Je suis une jeune élue de 33 ans. Je me rends compte que je découvre la société dans laquelle nous vivons, la politique et la sphère publique depuis que j'ai été élue. Ce que je constate, c'est que je vote depuis mes 18 ans sans vraiment comprendre le système dans lequel nous évoluons. Je me rends compte à présent de la méconnaissance de ma génération dans les domaines d'éducation civique et politique. Je pense que cela crée de l'incompréhension, de la déception et un rejet de la politique. »

« J'ai 29 ans, j'ai été élu en mars 2020, à l'âge de 27 ans (je suis le plus jeune). C'est une incroyable aventure que je vis. Je comprends mieux pourquoi les travaux ne vont pas aussi vite, pourquoi tout prend plus de temps, ... Je ne regrette en aucun cas mon choix d'être entré à la mairie. La vision des jeunes est souvent discordante avec les plus anciens, mais ceci permet de faire des débats et d'apporter de nouvelles idées . »

L'intérêt de rencontres avec de jeunes élus est par ailleurs cité ; la valeur d'exemplarité de telles rencontres pour d'autres jeunes est en effet essentielle : « Je suis moi-même un maire de moins de 30 ans. Chose assez rare. Je pense qu'il faut aller dans les écoles, les collèges, les lycées afin d'expliquer comment fonctionnent nos institutions. J'essaie de le faire dès que j'en ai l'occasion, c'est un moment d'échange essentiel et souvent bien accueilli par des jeunes qui ne connaissent pas nos fonctions ».

b. Les conseils d'enfants et de jeunes, lieux d'apprentissage de la vie locale

Les conseils d'enfants et de jeunes, dont le bilan détaillé sera développé ci-après, sont fréquemment cités comme lieux d'apprentissage de la vie locale et viviers de futurs élus (deux réponses proposent de les rendre obligatoires), à condition toutefois de les considérer comme un « élément moteur de la vie publique, avec un référent dynamique, impliqué, valorisant l'attractivité de cette action », de leur donner un véritable rôle et d'en faire les acteurs de « projets concrets » (« gestion d'un foyer jeune », « actions bénévoles en soutien aux associations », par exemple).

Mais la création de conseils de jeunes se heurte parfois à des difficultés de recrutement : « Cela fait plus d'un an que nous voulons créer un CMJ avec beaucoup de communication. Pour l'instant, un seul jeune, fils d'une conseillère municipal semble intéressé » ; une autre contribution évoque les difficultés à « faire vivre » les conseils de jeunes : « trop de turn over chez les jeunes, manque de moyens, propositions souvent fantaisistes... ».

c. Autres propositions pour « rapprocher les citoyens de l'échelon municipal »

D'autres pistes concernent :

- l'association des jeunes aux temps forts de la vie locale que sont les inaugurations et les cérémonies mémorielles ;

- l'accueil de collégiens de classe de troisième « en stage d'observation à la mairie » ;

- l'obligation d'« effectuer au moins un stage de citoyenneté dans le cadre scolaire au sein des collectivités locales » ;

- la généralisation des « cérémonies citoyennes » en mairie lors de la remise de la carte d'électeur.

Une autre réponse suggère de ne pas réserver ces efforts aux jeunes, mais de « rapprocher les citoyens de l'échelon municipal » en prévoyant « des passages réguliers obligatoires en mairie à différentes étapes de la vie : à 16 ans, lors du recensement, à 18 ans, lors de l'accès à la majorité, et à l'occasion d'une arrivée dans une commune ».

d . Encourager la participation des jeunes à la politique locale passe aussi par leur engagement associatif, « interface avec les conseils municipaux, vivier de recrutement des futurs élus et levier d'intégration des jeunes dans la vie locale » ; « Tous les jeunes qui participent à une association touchent du doigt ce qu'est une participation citoyenne. Les associations peuvent les intégrer au bureau de l'association et par expérience on voit des jeunes qui passent du monde associatif au monde de la vie politique locale ... La passerelle est facile à franchir. »

Une contribution suggère de mettre en place un « accompagnement des jeunes dans un engagement par ceux qui y sont depuis longtemps, pour leur passer le flambeau comme le ferait un artisan à son apprenti » : encourager l'engagement des jeunes passe aussi par la responsabilisation des plus anciens .

Dans cet esprit, de nombreuses réponses soulignent la nécessité d'un changement de regard sur les jeunes en politique et appellent les élus à mettre un terme aux « fausses discussions qui accusent les jeunes de ne pas savoir s'impliquer » et à se « remettre en question ».

2. Second axe de propositions : être à l'écoute des jeunes et leur faire confiance

a. S'adapter aux besoins des jeunes

Diverses réponses appellent de manière générale à « dépoussiérer nos méthodes », à « faire des discours/réunions moins longs, que cela rende le mandat plus dynamique, plus attrayant », à « adopter (le) mode de communication (des jeunes) » en privilégiant les réseaux sociaux, à mettre à profit les nouvelles technologies pour faciliter la participation, à distance, aux réunions locales et les consultations citoyennes, « Peut-être avoir une application (nationale) pour smartphone pour mettre en relation les jeunes (et moins jeunes) d'un territoire avec leurs élus ».

L'idée est tout d'abord d'écouter les jeunes , de prévoir des « espaces de discussion entre élus et jeunes sur les projets communaux », d'« entendre l'inquiétude de notre jeunesse face à son futur environnemental », de « prendre en considération ses besoins » et de « les consulter sur leurs attentes », par exemple en organisant « des consultations auprès des jeunes de la ville, par exemple par voie dématérialisée, de façon à recueillir leur avis et faire en sorte d'en tenir compte dans les décisions du conseil municipal ». Dans cet esprit, d'autres réponses proposent :

- de « faire intervenir les jeunes au conseil municipal, ne serait-ce que pour témoigner de ce qu'ils vivent dans les écoles/collèges » ;

- d'organiser une « consultation annuelle de tous les jeunes de la localité, sur au moins trois sujets qui seront à l'ordre du jour du conseil municipal » ;

- de « former les élus locaux aux enjeux de la jeunesse » et d'« avoir des politiques territoriales plus axées sur la jeunesse » ;

- de « proposer (aux jeunes) un budget propre et l'accompagnement d'élus volontaires » pour la conduite d'un projet, de « les engager dans des projets participatifs » et de « créer des instances où ils pourraient de droit siéger » ;

- de s'adapter au mode de vie des jeunes en les impliquant « plutôt en mode projet, et non sur une durée de plusieurs années. En effet les jeunes sont appelés à changer de lieu de vie pour les études, l'arrivée dans la vie active, s'installer, etc... Il est difficile pour eux de se projeter à long terme » ; en effet « beaucoup de jeunes ont du mal à accepter la complexité de la décision politique et la durée des projets. Et l'idée de donner du temps pour participer à une décision leur paraît moins naturelle qu'à leurs aînés ».

Dans le même esprit favorable à une meilleure prise en compte des attentes des jeunes, l'une des réponses suggère de « mettre en place une sorte de “ cabinet fantôme ” à l'anglaise qui obligerait toutes les municipalités ou en tout cas d'une certaine taille à consulter et organiser sur tous les grands thèmes des collectivités des sessions avec ce “cabinet fantôme” composé de jeunes exclusivement. Les thèmes pourraient être : finances-budget, culture, vie associative, transports-mobilités, transition écologique-environnement, travaux-aménagements... » .

Un élu remarque que, de manière générale, il faut « avant tout un engagement plus fort de l'équipe municipale pour faire adhérer les jeunes à la vie politique locale ».

b. Faire de la place aux jeunes dans les instances locales

De nombreuses réponses appellent à faire confiance aux jeunes et à leur confier des responsabilités :

- en les sollicitant davantage pour intégrer les listes en position utile , le cas échéant au moyen de quotas (quinze réponses 424 ( * ) en ce sens) ;

- en abaissant à 16 ans l'accès au droit de vote (quatre réponses) ;

- en leur proposant des « tremplins afin d'accéder aux postes-clés » dans les exécutifs.

c. Agir sur le statut des élus pour mieux accueillir les jeunes

Les réponses se réfèrent régulièrement à la nécessité de faire évoluer le statut des élus pour faciliter l'engagement politique en agissant sur deux leviers complémentaires : d'une part, leur condition matérielle et, d'autre part, la conciliation des responsabilités électives avec les obligations professionnelles et la vie privée.

La nécessité de revaloriser l'indemnité est fréquemment citée : « D'une manière générale, les indemnités ne compensent pas le temps passé pour ceux qui doivent se libérer d'une obligation professionnelle. A budget serré, cela n'est donc pas possible d'être élu ». Une réponse fait toutefois valoir le « risque de dérive » et la nécessité de préserver l'« aspect humain et local de la fonction ».

Une contribution souligne la différence entre fonctionnaires et professionnels libéraux et personnes issues du monde de l'entreprise privée , pour lesquelles un engagement politique peut davantage « nuire à leur carrière professionnelle » : « un jeune qui travaille dans l'industrie aura plus de mal à être maire qu'un professeur par exemple ». Dans cet esprit, une réponse propose d'interdire l'accès aux exécutifs aux membres de la fonction publique nationale et territoriale. Une autre contribution suggère d'inciter les entreprises à « soutenir les jeunes collaborateurs impliqués dans la vie politique locale » et de « créer des possibilités de passerelles ou de reconnaissance d'expériences après une expérience réussie dans un mandat ».

La question du temps disponible des jeunes actifs revient souvent : le démarrage d'un parcours professionnel ainsi que les contraintes liées aux responsabilités parentales constituent autant de blocages pour participer à la vie locale. Une réponse suggère de prévoir des solutions de garde d'enfants pendant les réunions ; une autre aspire à « créer un statut de l'élu local qui permettrait un détachement de quelques heures hebdomadaires pour les activités municipales ».

Une réponse souligne de manière particulièrement judicieuse que « les étudiants restent malgré tout plus “mobilisables” que les jeunes actifs », sous réserve qu'ils en aient la disponibilité, a fortiori parce que « Les pratiques distancielles en place depuis maintenant presque deux ans » sont de nature à résoudre la difficulté liée au fait qu'ils ne résident généralement pas dans leur ville d'origine en semaine. Il importe donc de « créer un statut du jeune élu ou de l'étudiant élu pour faciliter ses absences en cours » : ce point rejoint une proposition exprimée lors de la table ronde avec des élus locaux, le 9 mars 2022.

Certaines réponses remarquent que les obstacles à l'engagement politique sont les mêmes que pour un engagement associatif (une contribution mentionne l'importance de les faire entrer dans les bureaux des associations) : une réponse propose ainsi de prendre en compte le bénévolat dans la retraite ; un « crédit d'heures » pouvant être mis en place, avec en fin d'année un versement compensant le manque à gagner en termes de revenus.

Sur le statut de l'élu, on remarque donc deux tendances :

- l'aspiration à la reconnaissance du fait que l'exercice d'un mandat, compte tenu du temps qu'il exige, est un véritable « métier » : « qui peut se permettre de travailler à temps plein sans autre source de revenus et sans aucune garantie (surtout dans les petites communes) ? » ; or la notion de métier suppose une expérience et des compétences acquises dans la durée ;

- de nombreuses réponses expriment au contraire une aspiration à renforcer les règles assurant une meilleure fluidité du personnel politique qui suppose une rotation des mandats et des responsabilités : renforcement de l'interdiction du cumul des mandats dans le temps (par exemple, trois pour un maire : « il est impossible à un jeune de s'intéresser à la politique lorsque les élus qu'il connaît sont en place depuis plus de dix ans »), interdiction du cumul de deux exécutifs, instauration d'un âge limite pour faire la place aux jeunes (« limiter le nombre d'élus dont l'âge est supérieur à 60 ans » ; « Contrairement aux idées reçues, les jeunes souhaitent s'engager mais les élus en place ne leur laissent aucun espace »).

Enfin, deux réponses jugent souhaitable d'agir sur l'architecture territoriale, soit en supprimant les départements (« trop de cumuls avec les régions, les communautés de communes, les communes »), soit en « diminuant le nombre de conseillers » et en payant mieux « ceux qui travaillent ».

II. LE BILAN DES CONSEILS DE JEUNES

L'existence d'un conseil de jeunes dans la collectivité est déclarée par 29,2 % des répondants .

1 . Pour la plupart, ces conseils concernent des enfants du primaire , dans une moindre mesure du collège. Il s'agit donc surtout de conseils municipaux d'enfants (CME).

2 . Selon de nombreuses réponses le bilan est prématuré , les conseils de jeunes ayant été constitué très récemment (fin 2021-début 2022).

3 . En dépit des difficultés liées à la crise sanitaire, qui selon certains élus a ralenti l'activité des conseils, la tonalité d'ensemble des réponses reçues est positive , voire très positive. Dans ce registre, les mots-clés sont : engagés , investis , créatifs , énergiques , mobilisés , enthousiastes , vivants , impliqués , dynamiques : « c'est très porteur. Les jeunes ont des idées différentes et sont très engagés. Leur vision apporte beaucoup dans la stratégie à adopter pour dynamiser une commune ».

« Nous avons un Conseil municipal de jeunes (11-16 ans) très dynamique et souhaitant vraiment s'impliquer dans la vie citoyenne et municipale. Cette expérience aide beaucoup les jeunes dans la prise de parole, l'acquisition de la confiance en soi, l'apprentissage de l'argumentation, le développement de l'attention aux autres, sans oublier le sens de l'engagement. Ces jeunes ont même souhaité poursuivre leur engagement au niveau du département et à leur demande un conseil départemental va voir le jour prochainement. Toutefois les années Covid ont limité les rencontres et les actions prévues . »

Des réponses évoquent la création d'un « conseil intercommunal des enfants, avec deux communes associées » et l'existence d'un « Conseil Intercommunal des Jeunes des classes élémentaires dans le cadre d'un regroupement scolaire », ce qui montre l'existence de vraies dynamiques dans certains territoires.

4 . Les projets menés par ces conseils relèvent de domaines d'activités concrets le travail y est très intéressant, notamment sur les thématiques qu'ils sont capables de porter ainsi que sur celles qui touchent à leur vie quotidienne et à leurs préoccupations quotidiennes » ; « des actions simples et concrètes se mettent en place sur des sujets de tous les jours ») tels que :

- propreté (« organisation d'une journée de ramassage de déchets », « chasse aux mégots de cigarettes avec pancartes réalisées par leurs soins ») ;

- environnement et biodiversité (« Les membres du nouveau CME sont très motivés, ils souhaitent des aménagements en faveur de pistes cyclables » ; « création d'un rucher pédagogique, de nichoirs, d'un hôtel à insectes ») ;

- sport et culture, animation de vie locale (« participation au jury du concours des illuminations et décorations des maisons » ; « participation à l'organisation d'un marché de Noël »), organisation d'activités destinées aux enfants et aux jeunes (« soirée talents, sorties, voyages » ; « organisation de chasse aux oeufs ou de concours de pêche (...) proposition de réalisation d'un skatepark » ; « aménagement d'aires de jeux » ; « mise en place d'une boîte à livres », inclusion des jeunes dans la vie locale (« Olympiades regroupant des jeunes de tous les quartiers de la ville pour favoriser le lien inter-quartiers et inter-établissements scolaires ») ;

- sécurité routière ;

- solidarité intergénérationnelle (aide aux personnes âgées : « Nous avons réalisé avec eux des opérations envers les seniors qui ont eu un vrai succès »).

Une initiative originale consiste en la mise en place d'un « forum des métiers en lien avec le rectorat et les entreprises du territoire ».

Dans le registre de la citoyenneté , de nombreuses réponses se réfèrent au devoir de mémoire (participation aux cérémonies républicaines et aux commémorations ; présence au monument aux morts ; voyage sur les plages du débarquement ; visite des Invalides et du Panthéon ; participation à la cérémonie du ravivage de la flamme à l'Arc de triomphe) ; une réponse mentionne la participation à la journée citoyenne ; une autre fait état d'un projet de jumelage avec un conseil de jeunes d'une autre collectivité.

Un témoignage qualifie les conseils de jeunes d'« ateliers de petits citoyens ». L'intérêt des conseils de jeunes tient notamment à la nécessité de préparer la relève : « il est capital de les impliquer tôt dans la vie politique locale car dans quelques années ce sont eux qui auront les rênes de la République ». Une réponse note le rôle du conseil de jeunes comme « excellent tremplin » vers l'exercice de responsabilités locales, politiques ou associatives : « Le conseil des jeunes existe depuis 27 ans et on remarque que ces mêmes jeunes sont aujourd'hui investis dans la vie locale ou associative ».

5 . Un certain nombre de témoignages soulignent l'intérêt de ces conseils en termes d'éducation civique .

La connaissance des institutions , à commencer par les institutions locales et plus particulièrement l'échelon communal , est incontestablement un élément fort du bilan (« Nous leur faisons mieux connaître leur commune et nos institutions, et nous créons une appétence pour l'implication et l'action publique »). Sur ce plan, les visites de l'Assemblée nationale et du Sénat sont jugées dignes d'être encouragées.

Les conseils permettent de « sensibiliser les jeunes à la vie locale » et de les initier à la vie démocratique à travers le processus de l'élection : la mise en place de ce conseil a permis de faire vivre à l'échelle des jeunes de la commune les principes démocratiques de l'élection, nous avons créé la symbolique liée à la fonction (écharpe) . Les conseillers jeunes sont très fiers de porter ce symbole ». Le conseil des enfants peut inspirer le conseil municipal : « Plusieurs délibérations du conseil municipal "adulte” ont été adoptées sur proposition du conseil des enfants ».

Au-delà de la contribution à la construction d'une « conscience citoyenne » et à la découverte du « fonctionnement d'une collectivité, des instances municipales », les conseils ont un rôle pédagogique intéressant car ils permettent « de se rendre compte de l'engagement que cela représente (ils comprennent mieux la vie d'une municipalité, les contraintes face à certains projets ») et « montrent la voie de l'engagement associatif ».

Une réponse évoque la possibilité d'« éduquer les adultes par les enfants. Un élu peut rencontrer des difficultés pour faire appliquer une directive ou faire passer un message. Via les conseillers municipaux enfants et jeunes, on arrive parfois à faire changer les mauvaises attitudes ».

La participation à ces conseils encourage-t-elle à terme un engagement citoyen ? D'après une réponse, la participation à un conseil de jeunes est de nature à susciter des vocations d'élu ou de membre d'un conseil citoyen ; selon d'autres réponses « certains jeunes sont investis plus tard dans la vie associative » ; « certains ont intégré le conseil municipal après ».

6 . Les freins sont de plusieurs ordres.

Tout d'abord la difficulté à fidéliser les jeunes dans la durée l'assiduité aux réunions diminue au fil de leur mandat » ; « chaque année scolaire est un nouveau combat pour trouver et dynamiser de nouveaux jeunes » ; « bon investissement des enfants de CM1-CM2, mais arrêt du dispositif pour les collégiens, peu impliqués » ; « dès qu'ils quittent l'école primaire et rentrent au collège et dans la période pré-ado puis ado...ce n'est plus trop leur deal » ; « intéressant mais ne touche que peu de jeunes. Difficile de renouveler l'instance. Plus simple avec les enfants » ; « on constate une désertion de l'intérêt politique entre 15 et 25 ans ».

Outre que certaines réponses font état de difficultés à toucher les collégiens , en règle générale, l'engagement ne se prolonge généralement pas après le collège (« une fois qu'ils partent au lycée, ils se déconnectent du conseil de jeunes »), faute parfois de structures pour les accueillir (« Très grosse difficulté de maintenir une motivation parmi ces jeunes qui voudraient continuer à l'issue de leurs mandats. Aucune structure légale n'existe avant leur majorité, il est donc très compliqué de les intégrer dans des structures municipales en étant mineur »). L'absence d'associations de jeunes ou de clubs sportifs est ressentie comme un obstacle à la mobilisation des jeunes « lorsqu'ils n'organisent pas leur vie “loisirs” au sein du village ».

Certaines réponses font état de difficultés de confronter les « demandes des enfants aux réalités de la vie communale ».

La frustration de certains jeunes dont les propositions ne sont pas suivies d'effets est une réelle difficulté pour maintenir leur motivation Le CMJ a fait des propositions mais n'a pas pu mettre en place des choses ce qui engendre de la frustration » ; « Les jeunes avaient préparé des propositions qui ont été accueillies avec des “Mais on le fait déjà ça” ou des “On verra”... Pas de respect, de la condescendance ».

L'exigence d'un accompagnement et d'un encadrement des jeunes a également été évoquée à diverses reprises (« bon retour mais demande du temps à l'équipe municipale »). Une réponse évoque le risque que faute d'un tel accompagnement, le conseil ne soit « instrumentalisé » ; une autre souligne les difficultés à animer ces conseils. Certaines réponses soulignent le rôle d'associations engagées aux côtés des conseils (par exemple pour l'organisation des cérémonies mémorielles citées précédemment).

Enfin, la crise sanitaire a interrompu dans certains territoires une dynamique favorable « avec la crise sanitaire, il n'y a pas eu d'action sauf le 11 novembre et le 8 mai et en comité restreint. Dommage ! ».

7 . Les limites du dispositif sont de plusieurs ordres.

L'une d'elles peut tenir à un décalage entre l'envie des jeunes de voir aboutir rapidement leurs projets et le temps nécessaire à leur réalisation il est difficile de les intéresser sur le moyen terme. Il faut des projets qui vont vite, alors que le temps municipal pour la réalisation de projet est long » ; « le temps administratif peut leur paraître long »).

D'après certaines réponses, les enfants participant à ces conseils auraient des parents déjà investis dans la vie locale (quand ils ne sont pas les « porte-voix de leurs parents ») : ainsi les conseils ne contribueraient à l'éducation citoyenne que de jeunes déjà sensibilisés au sujet par leur environnement familial, ce qui devrait toutefois concerner davantage les communes rurales et les petites villes que les grandes métropoles.

Selon d'autres élus, l'intérêt de ces conseils tient essentiellement à une préoccupation concernant « l'image politique de la ville » ; « ce n'est qu'une manière pour l'exécutif en place de se dédouaner de son inaction pour la jeunesse. Ce conseil n'est qu'un étendard ».

Des réponses évoquent par ailleurs :

- l'insuffisance des moyens impartis à ces conseils et l'unique objectif de « com » qui sous-tendrait la création du conseil.

8 . Parmi les pistes d'amélioration adressées à la mission d'information (selon une réponse « la marge de progrès est énorme »), on note :

?le souhait d'une « passerelle entre les CME et les CMJ » ;

?le renforcement des liens entre le conseil municipal et le conseil des jeunes ;

?la nécessité de repenser le format des réunions « trop calquées sur celles des adultes (penser à dynamiser les réunions et les actions) ».

III. L'ACCUEIL DE VOLONTAIRES DU SERVICE CIVIQUE PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

80,5 % des 1 894 répondants déclarent ne pas accueillir de volontaires du service civique .

Pour les 19,5 % qui ont recours à ce volontariat, le profil des jeunes est le suivant :

- 15 % sont mineurs ; 42,5 % ont moins de 20 ans (43,9 % plus de 20 ans) ;

- 13,5 % sont étudiants ;

- les jeunes femmes sont nombreuses (pour 65,8 % des réponses, les jeunes femmes représentent la moitié ou plus des effectifs de volontaires (14,9 % seulement déclarent l'absence de volontaires féminines).

On note 94,1 % de réponses positives faisant état de la « satisfaction » de la collectivité .

Les thèmes des missions confiées aux jeunes par des collectivités territoriales relèvent pour la plupart des secteurs suivants :

- milieu scolaire (encadrement périscolaire, accompagnement des ATSEM, aide aux devoirs...) ;

- solidarité intergénérationnelle (appui à l'animation de l'EHPAD, aide à l'utilisation du numérique par les seniors, lutte contre l'isolement des personnes âgées...) ;

- social (soutien pour l'accueil des publics en difficulté, contribution à la collecte de l'aide alimentaire par les associations, aide à la distribution de colis alimentaires) ;

- animation jeunesse et sport (encadrement sportif, animation du conseil des enfants) ;

- culture et tourisme (participation à des projets culturels divers, assistance aux bénévoles de la bibliothèque, soutien à la médiathèque...) ;

- environnement et espaces verts (inventaire des chemins communaux, bilan de la mise en oeuvre d'un poulailler collectif, contribution à la mise en place d'un potager en permaculture...) ;

- animation locale (soutien aux associations, participation aux événements organisés par la mairie, participation à l'accueil dans les centres de vaccination) ;

- relations avec les habitants et lien avec les administrés (« beaucoup d'aller-vers », organisation d'événements, réalisation d'enquêtes et de sondages, notamment sur la question de la mobilité, sensibilisation au tri des déchets...).

Des exemples de missions originales :

- participation à l'organisation des cérémonies du souvenir ;

- « Établissement d'un atlas de la biodiversité » ;

- « Ambassadeur Numérique », « Ambassadeur Scolaire », « Ambassadeur du Bien vivre ensemble », « Ambassadeur sportif », « Ambassadeur Culturel et Environnement » ;

- création d'un annuaire des entreprises et organisation d'un forum des entreprises.

Axes d'amélioration évoqués par les répondants :

- davantage communiquer sur le service civique, trop peu connu des élus et des jeunes ;

- le rendre plus attractif par une rémunération plus élevée la fixer à 700 euros pour qu'elle soit largement supérieure au montant du RSA pour une personne seule » et une véritable valorisation des acquis : créer une passerelle vers les concours administratifs, le prendre en compte dans le parcours étudiant (« validation de cours ») ; une réponse juge souhaitable de permettre à la commune de rémunérer le volontaire « à l'appréciation » ;

- « consolider l'accompagnement et le mentorat » ;

- « donner de la visibilité aux jeunes après leur service civique » ; « trop souvent ils retournent au chômage » : les aider à trouver un emploi à l'issue du service civique ; « favoriser l'embauche à la suite d'un service civique » ;

- valoriser le travail effectué par le retour d'expérience , en prévoyant « un bilan de fin de mission avec un représentant de l'État » ;

- assouplir les conditions d'âge minimales (afin d'accueillir des lycéens) et maximales et rendre possible le renouvellement d'une mission ;

- simplifier les démarches incombant aux structures d'accueil (« difficultés avec la CPAM pour avoir un numéro de sécurité sociale », « le dossier de labellisation est un frein pour le recrutement de services civiques ») et limiter le « reste à charge des collectivités territoriales » ;

- faciliter le recrutement en créant un « pool de demandeurs vers qui les collectivités pourraient se retourner » ;

- assouplir les limites juridiques du service civique de manière à permettre de confier aux jeunes des « missions plus élaborées » (des réponses témoignent de difficultés à définir les missions compte tenu de l'impossibilité de confier au volontaire des tâches qui peuvent être exercées par des salariés ou des fonctionnaires) ;

- prolonger sa durée (par exemple douze mois) pour pouvoir confier aux jeunes une véritable mission ;

- diversifier les missions Du point de vue des jeunes, trop de missions sont dans le domaine social, les missions manquent de diversité ») ;

- rendre possible la mutualisation de volontaires par plusieurs communes car pas toutes les communes peuvent se permettre d'avoir plusieurs services civiques »).

Autres remarques :

- plusieurs réponses portent sur les problèmes liés à la mobilité en milieu rural , qui constitue un frein pour de nombreux jeunes et pour les collectivités qui souhaitent recourir au service civique ;

- une réponse souligne la « qualité de l'encadrement par une structure de suivi type Unis Cité » ;

- dans cet esprit, une autre réponse évoque l'association Osons ici et maintenant , qui coache les volontaires pendant leur service « avec des ateliers divers (confiance en soi, prise de parole...) pour qu'ils montent en compétence » ; « ce dispositif très intéressant (...) accompagne les jeunes dans leur projet dans leur globalité » ;

- « Le taux de vote parmi les volontaires est double de la moyenne nationale » ;

- deux réponses font état d' attentes à l'égard du SNU Proposer un panel de missions aux jeunes SNU dès la fin de la formation initiale (un choix type amphi de sortie d'école pourrait être une voie à explorer » ; « la mise en place du SNU va permettre de proposer dans les prochaines semaines des missions d'intérêt général de courte durée à aux jeunes Libournais »)

Réponses critiques sur le service civique :

- deux réponses mentionnent la démission brutale des volontaires, employés à l'école et à la cantine (« aucune motivation ») ;

- des réponses évoquent l' insuffisance de candidats ou les difficultés à en trouver ;

- une réponse témoigne de difficultés à recruter.

IV. LES INCIVILITÉS ET VIOLENCES CONTRE LES ÉLUS : UNE RÉALITÉ LARGEMENT PARTAGÉE ET DÉNONCÉE

« Durant l'année 2021, avez-vous été témoin d'incivilités, voire de violences, contre des élus de votre territoire ou touchant les institutions ? »

40 % des 1 901 répondants font état de tels comportements, et 24,2 % déclarent les avoir subis ou en avoir été témoins plus d'une fois ; 12,9 % en ont personnellement subi une fois ; 10,5 % « quelques fois » et 1,8 % « à de nombreuses reprises ».

1. Ces violences prennent plusieurs formes

Les formes de violences suivantes reviennent fréquemment dans les réponses :

- agressions verbales , le cas échéant sur la voie publique, évocation de harcèlement moral ;

- prises à partie sur les réseaux sociaux (très fréquent dans les réponses). Exemple : « “Celle-là j'espère l'avoir un jour au bout de mon capot”. Je suis cycliste et je parlais de la nécessité des pistes cyclables pour éviter les accidents ». Un témoignage est éloquent : « Les réseaux sociaux sont un véritable fléau pour la démocratie. Les gens insultent, dénigrent, menacent sans aucun remord sous le couvert de l'anonymat » ;

- crachats ;

- courriers anonymes ;

- divers actes d'intimidations (pneus crevés, dégradation du domicile...).

Parfois, les témoignages font état d'actes plus graves tels que :

- menaces de mort ;

- incendie de véhicule .

Certains comportements violents visent spécifiquement les femmes élues . Par ailleurs, les élus mettent souvent en avant les agissements des gens du voyage . Parfois, les deux sont liés : « En 2020 j'ai été bousculé physiquement par les gens du voyage mécontents de devoir parler à une femme qui leur demande de partir ».

2. Les causes de ces violences sont diverses

Les témoignages reçus des élus locaux expliquent ces violences de plusieurs manières.

De nombreux témoignages les font découler de comportements sociaux globalement agressifs . Pour d'autres, « ce manque de civilité provient en partie d'un manque d'éducation et de connaissances ». Ces comportements seraient également alimentés par les fausses informations répandues sur les réseaux sociaux . Certains élus y voient aussi la conséquence d'un « manque de respect pour la fonction et l'autorité ». Un témoignage fait état de « personnes sorties du champ social voulant en découdre avec tout représentant des institutions... ».

Les violences envers les maires de petites communes sont, pour certains, la conséquence du fait que les maires sont les seuls à gérer une quantité de problèmes grandissante tels que « rodéos sauvages, dépôt d'ordures, détériorations de mobiliers, vols de mobilier public ».

Certains témoignages expliquent que les décisions du maire ne sont pas comprises par les administrés car résultent de lois qui changent en permanence notamment en matière d'urbanisme. Plus globalement, les violences en réaction à des refus d'autorisations d'urbanisme sont souvent évoquées : « Un habitant m'a mis une claque parce qu'il n'avait pas obtenu son permis de construire ».

En outre, certains élus indiquent être « pris à partie sur des questions qui dépassent [leurs] compétences telles que la gestion de la crise ». Plus largement, beaucoup de témoignages font état de violences ayant pour causes les mesures mises en oeuvre en réponse à la crise sanitaire , de manière directe (demande de porter le masque) ou indirecte (prise à partie d'élus favorables à la vaccination). Pour d'autres, le contexte de tension dû à la crise sanitaire exacerbe les comportements violents du quotidien.

Dans d'autre cas, les incivilités envers les élus se placent dans le cadre des relations majorité/opposition au sein de la commune, entre élus , et ont parfois lieu lors de campagnes électorales.

Enfin, des élus témoignent d'agissements violents de la part de parents ne supportant les remontrances faites à leurs enfants.

3. Des élus locaux se sentant globalement impuissants

Beaucoup de témoignages d'élus locaux indiquent que le développement des violences est la conséquence de manques de certaines politiques publiques, de vides juridiques ou de croyances collectives qui ont pour point commun d'échapper à leur contrôle .

Ainsi, des témoignages dénoncent l'immobilisme de la justice ou le sentiment d'impunité sur les réseaux sociaux . La réponse passerait par « rétablir de vraies sanctions » ou le renforcement de l'éducation civique à l'école. Pour certains élus, le sentiment d'impunité des agresseurs vient de l'éloignement géographique des forces de l'ordre, à la campagne. L'éloignement des gendarmeries est souvent évoqué.

D'autres élus sont résignés : « on ne peut rien contre la bêtise humaine », ou voient dans ces violences les conséquences de l'individualisme ambiant ou l'incapacité à supporter l'autorité qui découle du développement de « l'enfant roi » dans les familles.

Enfin, des témoignages évoquent le manque d'exemplarité de la classe politique et l'assimilation des élus locaux aux « affaires » de la politique nationale pour justifier le recul de la confiance des administrés : « La médiatisation à outrance des quelques élus condamnés, notamment pour des prises illégales d'intérêt, des dépenses injustifiées... donnent l'impression que ce sont tous les élus qui ont le même comportement » ; « Comportements certainement liés à une piètre opinion des élus et à une vision très négative de la “politique” en général ».

Très peu de réponses font état d'initiatives locales pour endiguer les phénomènes de violence. Une seule témoigne d'une initiative locale visant à mieux avertir les habitants de la commune d'événements qui pourraient les affecter : « Nous avons mis en place une application numérique en plus d'un site internet pour que la population soit avertie en temps et en heure d'événements ou de problèmes survenus dans la commune ou sur le territoire ».

V. LES CONSULTATIONS MENÉES PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

49 % des élus ayant participé à cette consultation ont eu recours à une consultation sur un sujet d'intérêt local au moins au cours des dix dernières années : 11,9 % l'ont fait plusieurs fois par an ; 15,5 % au moins une fois par an ; 16,8 % au moins une fois au cours des cinq dernières années ; 4,8 % au moins une fois au cours des dix dernières années.

Plus de la moitié des 1 901 répondants n'ont mis en place aucune consultation sur des sujets d'intérêt local au cours des dix dernières années.

Lorsque ces consultations ont eu lieu, elles ont porté sur :

- la création d'infrastructures (26,2 %) ;

- l'environnement (20 %) ;

- les sujets culture-sport-jeunesse (17,8 %) ;

- le social (12,2 %) ;

- l'éducation (8,7 %) ;

- d'autres thématiques (15,1 %).

1. « Quel est le bilan de ces consultations ? »

Si la majorité des élus ayant recouru à une telle consultation au sein de leur collectivité en a tiré un bilan positif, nombreux sont ceux qui ont souligné les difficultés et les limites de ces dispositifs.

a. Plus de deux tiers des élus interrogés dressent un bilan positif des consultations locales

En effet, celles-ci auraient permis de :

- créer plus de proximité avec les citoyens : elles permettent « tout simplement de connaître ses administrés » et de « se rapprocher au plus près des besoins » des habitants. Le cas échéant, elles peuvent également aider les élus à ajuster leur programme en cours de mandat et à prendre la « température générale » au sein de la population ;

- favoriser l'acceptabilité des décisions : elles donnent un cadre à des échanges intéressants et constructifs, qui permettent de « guider l'action communale », de « libérer la parole » et « d'apaiser les tensions » ;

- encourager l'implication et des citoyens et permettre leur bonne compréhension des enjeux : les citoyens sont ainsi plus à même de s'approprier les projets concernés et de les faire évoluer positivement en apportant un regard extérieur. Pour certains élus, cet exercice favorise dès le plus jeune âge l'émergence d'une culture démocratique et la responsabilisation des citoyens.

Quelques élus ont évoqué des exemples de consultations réussies, telles que la tenue de cafés-citoyens, qui permettent de recueillir, autour d'une ambiance conviviale, des « idées pertinentes et faciles à mettre en place ». Les consultations décrites concernent des sujets variés, tels que des projets de revitalisation de la collectivité locale, la création d'une école de musique ou encore la circulation à vélo.

b. Des difficultés récurrentes dans la mise en oeuvre des consultations locales

- Ces consultations sont très chronophages , ce qui rend difficilement envisageable d'y recourir plus fréquemment, y compris en amont de la prise de décisions importantes ;

- de nombreux élus cherchent encore l'outil et le format les plus adaptés au plus grand nombre. Un élu évoque notamment des difficultés liées à la construction des questions posées aux citoyens et au ciblage adéquat du public visé. À titre d'exemple, les outils en ligne ont tendance à favoriser la participation des plus jeunes au détriment de celle des personnes plus âgées, témoignant ainsi de l'existence d'une « fracture numérique » entre les habitants ;

- les élus doivent parfois redoubler d'efforts pour expliquer les suites données aux consultations : l'absence de prise en compte de toutes les idées proposées est parfois source de déception pour les participants (« Il semble parfois difficile d'expliquer qu'en démocratie, la majorité l'emporte ! »).

c. Des faiblesses nuisant à l'efficacité même des consultations

- D'une part, elles ne parviennent pas toujours à toucher un public varié , et en particulier les jeunes : si certains élus y parviennent, ils font le constat d'un intérêt qui « retombe vite » ;

- d'autre part, la participation est souvent faible : alors même que les demandes de consultations émergent parfois des citoyens, les participants sont souvent les mêmes et ne s'expriment pas toujours au nom de l'intérêt général. Certains élus rencontrent des difficultés pour attirer au-delà d'une « minorité d'opposition ». Plus largement, les élus regrettent le désintérêt des citoyens pour l'action locale et évoquent une « majorité muette [qui] somnole toujours ».

Face à ces écueils, des élus partagent les bonnes pratiques suivantes :

- varier les outils et les formats pour varier les publics ;

- mieux expliquer, en amont de la consultation, le processus de décision et les suites qui seront données afin d'éviter toute frustration de la part des citoyens consultés.

2. Modalités de déroulement, durée de la consultation et procédures de sélection des personnes ayant pris part aux débats

Les réponses des élus interrogés permettent de visualiser la variété des outils utilisés dans le cadre des consultations locales. Elles témoignent également des difficultés rencontrées dans l'utilisation de ces derniers, mais aussi des inégalités en termes de moyens entre les différents types de collectivités.

a. Des modalités de consultation diverses

Plusieurs types d'outils utilisés pour consulter les citoyens

Les réunions publiques sont un moyen de consultation plébiscité, au même titre que les questionnaires au format papier ou en ligne .

- Environ 45 % des élus interrogés indiquent avoir recours à des réunions publiques , qu'il s'agisse de réunions d'échange avec les autorités locales ou de groupes de travail citoyens encadrés, le cas échéant, par des professionnels. Toutefois, la Covid-19 a pu constituer un frein à la tenue de ces réunions ;

- plus de 35 % affirment avoir recours à des outils de consultation numériques : questionnaires en lignes, plateformes ou applications de consultation, mail adressé aux citoyens ;

- plus de 20 % des élus indiquent avoir recours à des contributions au format papier , qu'il s'agisse de la mise à disposition de cahiers d'observations dans les locaux de la mairie ou de la distribution de questionnaire dans les boîtes aux lettres des citoyens ;

- près de 10 % indiquent avoir recours aux réseaux sociaux , soit en tant qu'outil de communication sur des consultations en cours, soit en tant qu'outil de consultation (ex : pour réaliser des sondages).

Plus rarement, le recours au vote, physique ou à distance , a été mentionné par quelques élus. Deux élus précisent notamment avoir organisé un référendum local dans leur collectivité. Quelques élus ont fait mention d'outils plus originaux : organisation de visites de la ville ou d'établissement faisant l'objet d'un projet local en vue de recueillir l'avis des habitants. Plus rares encore sont les élus indiquant aller à la rencontre de leurs citoyens, que ce soit via le porte-à-porte ou la réalisation de micros-trottoirs.

La communication autour des consultations locales

La diversité des outils se ressent également dans la communication menée autour de ces consultations. En effet, elle s'effectue via deux moyens :

- le recours à des outils numériques tels que les réseaux sociaux, le site internet de la mairie ou encore les courriels ;

- le recours à des outils non numériques, tels que la voie postale, les affiches ou encore le bulletin municipal.

La durée des consultations locales

Quand cette durée est précisée par les réponses, elle s'étend en moyenne sur plusieurs semaines, mais peut durer plusieurs mois, quand par exemple elles font l'objet, en amont, de réunions publiques d'information et, en aval, de réunions de restitution.

b. De fortes disparités de moyens selon le type de collectivité

Si certaines collectivités disposent d'une plateforme de consultation en ligne (ex : Nanterre ou Grenoble Alpes Métropole), d'un service informatique ou de personnel dédié aux consultations locales, les plus petites collectivités ne disposent pas de moyens humains, financiers ou matériels suffisants pour mobiliser leurs citoyens via des outils numériques Dans une petite commune (- de 200 habitants) comme la mienne, le matériel est réduit : papier, stylo et PC » ; « pas de moyens numériques suffisants »). Il en résulte un recours privilégié aux contributions au format papier et aux réunions publiques.

Le format papier présente ainsi certains avantages pour les petites collectivités :

- d'une part, ces contributions permettent d'inclure tous les publics, et en particulier les plus âgés, moins à l'aise avec les nouvelles technologies ;

- outre son coût modéré, le support papier offre le plus de retours (« récupération et autorisation [de] communication [via l'] adresse mail : 10 % de réponse/papier : 50 % de réponse »).

c. Un ciblage peu fréquent des consultations locales

La plupart des élus locaux indiquent ne pas cibler les consultations organisées et revendiquent même l'organisation de consultations ouvertes à tous les citoyens majeurs, et parfois même mineurs.

Toutefois, certains élus indiquent avoir organisé des consultations ciblées par tranche d'âge, avec pour conséquence le recours à des outils différenciés (des « sondages papier auprès de la tranche de la population âgée de plus de 65 ans pour la création d'une résidence séniors » et des « enquête internet (mails et réseaux sociaux) auprès des jeunes de moins de 18 ans pour recueillir des pistes d'amélioration de l'accueil et de l'accompagnement de la jeunesse sur la commune »).

Enfin, dans plusieurs collectivités locales, le tirage au sort a permis de constituer des conseils de citoyens appelés à travailler sur différents projets.

3. Les effets des consultations sur la participation des jeunes à la vie démocratique : des élus partagés

Les élus sont partagés sur les effets des consultations sur la participation des jeunes : si environ 45 % des élus interrogés estiment que ces consultations sont de nature à encourager la participation des jeunes, 31 % considèrent qu'elles n'ont aucun impact sur cette dernière ; d'autres réponses identifient des facteurs de succès des consultations auprès des jeunes.

a. L'intérêt des consultations pour faire des jeunes des acteurs la vie démocratique : des avis nuancés

Une forte proportion d'élus (45 %) estime que les consultations favorisent la participation des jeunes à la vie démocratique pour plusieurs raisons :

- elles aideraient les jeunes à se sentir acteurs et concernés (elles sont un moyen de « conscientiser les jeunes ») ;

- elles permettraient de désacraliser le rôle des élus (« elles encouragent la participation des jeunes à la vie démocratique par le fait que les échanges sont source de démystification et d'une meilleure connaissance des missions des élus ») ;

- elles seraient l'occasion de familiariser les jeunes avec la prise de décision publique.

Un tiers des réponses jugent ces consultations inefficaces auprès des jeunes :

- d'une part, les jeunes ne seraient pas intéressés par la vie publique et ne se sentiraient pas concernés par elle, soit par individualisme (ils « fonctionnent beaucoup plus à l'intérêt pour eux que pour la collectivité »), soit en raison de leur mode de vie (plus mobiles géographiquement, ils ne développeraient pas un attachement suffisant à leur lieu de vie pour s'investir dans les affaires de leur collectivité territoriale de résidence) ;

- d'autre part, les jeunes manqueraient de culture politique et publique (« Nos jeunes générations ne disposent pas d'une culture de la vie publique suffisante pour comprendre les différents processus de décision et parfois leur complexité »).

Pour les 20 % d'élus restants, la participation limitée des jeunes tiendrait aussi aux modalités d'organisation des consultations.

b. L'identification de facteurs de succès des consultations locales auprès des jeunes

Les élus locaux s'accordent sur l'existence de conditions susceptibles de favoriser la participation, à long terme, des jeunes via les consultations :

- la sincérité des consultations menées (« Les jeunes ne veulent pas avoir l'impression d'être manipulés, orientés. Que l'on fait de la politique politicienne avec eux ») ;

- le suivi donné à ces consultations : les jeunes auraient besoin de savoir que leur participation a été prise en compte et que la consultation a abouti (« Si les élus respectent le résultat des consultations, les administrés se sentiront certainement plus acteurs de l'évolution de leur commune. En revanche si ce n'est pas le cas, cela va empirer les choses ») ;

- le choix de sujets les concernant ou les intéressant plus particulièrement (« Certains thèmes d'actualité, par exemple la transition écologique, attirent les jeunes parents avec leurs enfants ») ;

- le recours à des outils familiers aux jeunes (ils permettent d'« hameçonner les plus jeunes ») ;

- la simplicité et la rapidité des procédures.

VI. PROPOSITIONS POUR LEVER LES FREINS À LA PARTICIPATION DES CITOYENS

La dernière question posée aux élus locaux était une question libre. Les répondants en ont profité pour identifier les freins à la participation des citoyens et formuler des propositions et bonnes pratiques pour lever ces obstacles.

1. L'identification de nombreux freins à la participation des citoyens, quel que soit leur âge

Deux causes sont identifiées : d'une part le manque d'exemplarité et de crédibilité des élus, d'autre part l'insuffisance de l'information et de la disponibilité des citoyens.

Certains freins tiennent aux élus eux-mêmes : le désintérêt des citoyens s'explique selon cette approche par le manque d'exemplarité et de proximité du personnel politique, mais aussi par leur impuissance à satisfaire les attentes des citoyens.

Le manque d'exemplarité se manifesterait au travers des affaires judiciaires auxquelles les élus sont parfois mêlés, ou encore de l'incohérence de leur parole : « De nos campagnes, il nous semble que seul l'intérêt personnel conduit les élus » ; « Les élus sont respectés pour autant qu'ils soient respectable ». Sont également dénoncées la déconnexion du personnel politique avec le quotidien des citoyens et le manque de représentativité des élus, qui « oublient la réalité de la vie et ne se mettent pas à la portée des administrés ».

Il en résulte un « climat de défiance » et une désaffection croissante pour la vie citoyenne. Un élu indique même que, dans sa collectivité locale, « même [les] plus anciens en viennent à se demander s'ils iront voter aux présidentielles ». Par ailleurs, des témoignages insistent sur le fait que cette crise de confiance concerne toutes les classes d'âge.

Certains élus regrettent par ailleurs leur propre impuissance à répondre aux attentes des citoyens, ce qui alimente le désintérêt de ces derniers pour la chose publique.

Cette impuissance s'expliquerait en premier lieu par le manque de moyens humains et financiers, notamment pour appliquer des décisions pour lesquelles ils ne sont pas toujours consultés (« À force de subir nous-même ce qui est décidé ailleurs sans être consultés, de voir notre capacité à agir diminuer, tout comme nos moyens budgétaires et règlementaires, notre crédibilité va finir par se trouver affaiblie »). Est également pointé le problème de la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux : « Au nom de la mutualisation et de l'intérêt général, les compétences et responsabilités étant progressivement transférées à des institutions à plus larges audiences, l'implication devient moindre ».

Plus largement, certaines réponses déplorent l'impuissance de la puissance publique à résoudre les problèmes quotidiens des citoyens, ce qu'illustre notamment la dégradation et l'éloignement croissants des services publics.

D'autres freins tiennent aux citoyens :

Les réponses adressées au Sénat déplorent tout d'abord le manque de connaissance des institutions françaises ; les élus réclament une éducation civique renforcée au stade de l'école primaire. Ce manque de connaissance peut parfois être à l'origine d'un sentiment d'illégitimité susceptible de freiner toute envie d'engagement.

Ils dénoncent également les difficultés de s'engager dans la vie citoyenne par manque de temps : les citoyens seraient « trop pris par leur travail, leur vie de famille », le salariat en entreprise n'étant pas compatible avec un engagement citoyen (« Un jeune salarié aura souvent à faire le choix entre vie citoyenne et perspectives d'entreprise »). S'agissant plus particulièrement des jeunes, ils sont parfois tout simplement absents de certaines communes, qu'ils ont quittées pour leurs études ou leur travail.

Par ailleurs, une dizaine d'élus mettent en avant le poids de l'épidémie de Covid-19 dans la rupture des liens avec les citoyens . En effet, cette épidémie a contribué à éloigner durablement les citoyens de la vie associative et a porté un coup d'arrêt à des initiatives citoyennes (« Les mesures sanitaires ne nous ont pas permis de mettre en place autant de consultations citoyennes que nous aurions souhaité, ni d'utiliser la large palette d'outils qui sont disponibles pour ce faire »). Elle a également été un facteur supplémentaire de tension entre les personnes.

Pour d'autres élus, la faiblesse de la participation des citoyens s'expliquerait par le comportement même des citoyens, dans une société de plus en plus individualiste .

Ces réponses dénoncent un changement d'état d'esprit des citoyens, qui se positionnent comme des « consommateurs de service », n'ayant « que des droits et aucun devoir ». Certains élus insistent sur les incivilités et agressions dont ils ont parfois été victimes et qui ne sont pas toujours le fait des jeunes (ce point a fait l'objet d'une question spécifique), qu'il s'agisse d'agressions verbales ou de dégradations de biens publics. De nombreux élus s'estiment impuissants face à ces agissements et appellent à davantage de sévérité pour les sanctionner.

2. Propositions pour lever les freins identifiés

Pour lever ces différents freins à la participation des citoyens à la vie locale, les élus proposent notamment :

- d'augmenter les moyens de la police et de la justice pour sanctionner les incivilités et mieux protéger les élus ;

- de renforcer les pouvoirs des élus, et en particulier des maires, afin qu'ils gagnent en crédibilité auprès de citoyens ;

- de simplifier la répartition des compétences entre les différents échelons afin de permettre aux citoyens de mieux comprendre l'organisation territoriale et le fonctionnement de l'action publique ;

- d'inciter les maires à communiquer sur leurs réalisations auprès des citoyens ;

- de renforcer l'éducation civique dès l'école et, plus généralement, la formation des citoyens à la vie publique (prise de parole, travail en équipe, etc.) ;

- de voter une loi pour faciliter la conciliation du salariat en entreprise et de l'engagement dans la vie publique.

Quelques réponses mentionnent l'intérêt qu'il y aurait à renforcer certains dispositifs d'engagement tels que le service civique, voire à retourner au service national obligatoire.

D'autres propositions visent de véritables réformes institutionnelles : recours au tirage au sort pour la répartition des sièges au sein du conseil municipal, multiplication des consultations citoyennes (y compris en mettant en place le référendum d'initiative citoyenne), nouvelles limitations du cumul des mandats.

3. Quelques exemples de bonnes pratiques pour favoriser la participation citoyenne

Une vingtaine d'élus locaux partagent avec le Sénat les initiatives réussies qu'ils ont mises en place pour favoriser la participation des citoyens. Mentionnons, parmi ces exemples, la création de commissions municipales ouvertes à des citoyens engagés, qui y siègent au même titre que les élus, ces citoyens associés aux délibérations du conseil municipal étant en mesure de faire le lien avec le reste de la population.

Certains dispositifs visent plus particulièrement les jeunes publics, qui permettent par ailleurs de toucher également les parents :

- association des jeunes à divers travaux au sein de la commune (mise en place d'une boîte à livre, réparation des illuminations de Noël) et attribution de récompenses sous forme d'un voyage éducatif : une réduction significative de la petite délinquance serait observée depuis la mise en place de cette opération ;

- création d'un skate parc , organisation d'événements tels que des soirées jeunes, etc.

II. ÉLÉMENTS STATISTIQUES

Je remplis ce questionnaire en qualité de membre :

Êtes-vous membre d'un exécutif local ?

Disposez-vous d'une délégation ou d'une mission en lien avec la vie citoyenne ?

Pour les élus municipaux, quelle est la taille de votre commune ?

Quelle est la proportion de personnes de moins de 30 ans dans l'assemblée délibérante de votre collectivité territoriale ou de votre EPCI ?

Pensez-vous que les personnes de moins de 30 ans
sont suffisamment représentées dans la vie politique locale ?

Quel facteur fait-il principalement obstacle à la présence des jeunes
dans la vie politique locale ?

Y a-t-il un Conseil de jeunes dans votre collectivité ?

Votre collectivité accueille-t-elle des volontaires du Service civique ?

Ces jeunes sont-ils majoritairement âgés :

Certains sont-ils mineurs ?

Parmi les effectifs de volontaires, la part des femmes représente, approximativement :

Le service civique donne-t-il satisfaction dans votre collectivité

Durant l'année 2021, avez-vous été témoin d'incivilités, voire de violences,
contre des élus de votre territoire ou touchant les institutions

Durant la même année, avez-vous été personnellement victime
de tels comportements ?

Avez-vous mis en place des procédures de consultation sur des sujets
d'intérêt local ces dix dernières années ?

Cette consultation (ou ces consultations) concernai(en)t quel(s) secteur(s) ?

Pensez-vous que ces procédures améliorent les relations avec les élus ?

Votre collectivité a-t-elle sollicité pour organiser ces consultations
l'appui d'un prestataire extérieur ?

NOTE DE LÉGISLATION COMPARÉE
SUR LE SERVICE CIVIQUE

À la demande de la mission d'information Comment redynamiser la culture citoyenne ?, la Division de la Législation comparée du Sénat a travaillé sur la question du service civique en Allemagne, en Angleterre et aux Pays-Bas, qui ont chacun mis en place un dispositif de service volontaire.

En Allemagne, au niveau fédéral, le service volontaire a succédé au service civil, qui était alors une alternative au service militaire obligatoire. Son champ d'application est toutefois plus large, ainsi que le public auquel il s'adresse, puisqu'il existe une variante sans limite d'âge.

En Angleterre comme aux Pays-Bas, la mise en place d'un service civique est préalablement passée par une phase d'expérimentation. En Angleterre, la phase expérimentale a été lancée en 2010 et la pérennisation est intervenue en 2017. Si les contours du service civique ont été modifiés par la crise sanitaire, le public cible reste le même, à savoir les jeunes.

Aux Pays-Bas, la création d'un service civique est une des propositions issues d'un accord de coalition signé en 2017. Après une phase expérimentale de deux ans, le dispositif a été rendu pérenne en 2020. Tout comme dans le service civique proposé en Angleterre, le public cible est celui des jeunes.

La présente note détaillera, pour chacun des trois pays, le fonctionnement et le financement du service civique, ses modalités d'exercice ainsi que les résultats de sa mise en oeuvre.

I. L'ALLEMAGNE

L'Allemagne proposait, comme alternative au service militaire, un service civil ( Zivildienst ). La fin du service militaire a de facto mis fin au service alternatif. Toutefois, en compensation, un service volontaire fédéral ( Bundesfreiwilligendienst ) a été instauré en juillet 2011. Il permet aux personnes de tous âges de s'impliquer en dehors du travail et de l'école pour le bien commun dans les domaines sociaux, écologiques et culturels ou dans le domaine du sport, de l'intégration ainsi que de la protection civile et contre les catastrophes.

À côté de ce service volontaire fédéral global, une loi de 2008 vise à encourager spécifiquement l'engagement civique chez les jeunes, via des services volontaires particuliers ( Jugendfreiwilligendienste ), qui peuvent prendre la forme d'une année de volontariat social ( das Freiwillige Soziale Jahr , ci-après FSJ) et d'une année de volontariat écologique ( das Freiwillige Ökologische Jahr , ci-après FÖJ). Ces services peuvent être effectués en Allemagne ou à l'international ( internationaler Jugendfreiwilligendienst , ci-après IJFD). Tous les jeunes de moins de 27 ans peuvent y prendre part, du moment où ils ont terminé leur scolarité obligatoire.

L'autorité compétente pour la mise en oeuvre des deux types de service volontaire est l'Office fédéral pour la famille et la société civile ( Bundesamt für Familie und zivilgesellschaftliche Aufgaben , ci-après BAFzA ), qui dépend du ministère fédéral de la famille.

1. Le fonctionnement du service civique

a) Les différentes formes de service civique à l'échelle fédérale

Les deux formes de service civique en Allemagne fédérale relèvent de :

- la loi sur le service volontaire fédéral du 28 avril 2011 425 ( * ) ( Bundesfreiwilligendienstgesetz , ci-après BFDG) ;

- et de la loi sur le service volontaire des jeunes du 16 mai 2008 426 ( * ) ( Jugendfreiwilligendienstegesetz , ci-après JFDG).

S'agissant du service volontaire fédéral, l'article 1 er de la BFDG dispose que, via ce service, « des femmes et des hommes s'engagent pour le bien commun, en particulier dans les domaines social, écologique et culturel ainsi que dans les domaines du sport, de l'intégration et de la protection civile et contre les catastrophes. Le service volontaire fédéral encourage l'apprentissage tout au long de la vie ». Il s'exerce en général à temps plein en tant qu'activité auxiliaire tournée vers la pratique, dans des structures d'accueil dédiées à l'intérêt général. Il se double d'un accompagnement pédagogique dans la structure d'accueil. Le volontariat est « neutre sur le marché du travail » selon l'article 3 de la BFDG.

L'année de volontariat social, quant à elle, est, aux termes de l'article 3 de la JFDG, une « activité accessoire essentiellement orientée vers la pratique, dans un but de formation, dans des institutions d'intérêt général, en particulier des institutions d'aide à la personne, d'aide à l'enfance et à la jeunesse, y compris des établissements de formation extrascolaire pour les jeunes et des institutions pour le travail de jeunesse, dans les établissements de soins de santé, dans les institutions culturelles et de préservation des monuments ou dans les établissements sportifs. Cette année s'organise également autour d'un accompagnement pédagogique assuré par le bureau central d'un prestataire de volontariat jeunesse agréé afin de transmettre des compétences sociales, culturelles et interculturelles et de renforcer le sens des responsabilités pour l'intérêt général ».

L'année de volontariat écologique répond à la même définition, à cette différence qu'elle se déroule dans des lieux et des institutions appropriés actifs dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement, y compris l'éducation à la durabilité (article 4 de la JFDG). Elle se double également d'un accompagnement pédagogique et, au cours de l'année de volontariat, la gestion durable de la nature et de l'environnement doit être renforcée et la conscience environnementale développée afin de promouvoir une action compétente pour la nature et l'environnement.

Pour ces deux formes de service civique, il ne s'agit ni d'un emploi, ni d'un apprentissage, mais d'une année de formation dont ne découle pas une relation de travail. Pour autant, les règles en matière de santé et de sécurité au travail s'appliquent.

b) Le financement du service civique

Le financement des programmes de volontariat relève du chapitre 1703 du budget fédéral allemand. En 2021, 120,7 millions d'euros étaient inscrits dans le projet de loi de finances au titre du JFD tandis que 207,2 millions d'euros étaient prévus au titre du BFD 427 ( * ) .

Une structure d'accueil peut prétendre à une aide fédérale pour le financement de l'accueil des volontaires du service civique.

Dans le cadre de l'année de volontariat social ou écologique à destination des jeunes, il s'agit d'une subvention à montant fixe qui peut atteindre 200 euros mensuels par volontaire. Elle vise à couvrir en partie les dépenses engagées pour l'accompagnement pédagogique des volontaires, les autorités insistant sur le fait que la structure d'accueil doit également couvrir par ses propres moyens au moins 10 % de ces frais. Le montant peut être complété par une allocation supplémentaire de 100 euros dans l'hypothèse où il existerait des besoins particuliers de soutien (par exemple dans le cas de problèmes personnels ou de jeunes nouvellement arrivés sur le territoire) 428 ( * ) .

Dans le cadre du service volontaire fédéral, l'article 17 de la BFDG précise que les structures d'accueil avancent la gratification financière, les cotisations sociales et les frais entourant l'accompagnement pédagogique mais sont remboursées de ces dépenses dans la limite des plafonds fixés par les lignes directrices émises en application de l'article 17 de la BFDG 429 ( * ) . Les montants de remboursement relatifs à la gratification et aux cotisations sociales s'élèvent à 300 euros au maximum pour un volontaire ayant moins de 25 ans, et au plus à 400 euros mensuels au-delà. Les plafonds prévus pour l'accompagnement pédagogique peuvent atteindre 158 euros par mois si le volontaire a moins de 27 ans, 121 euros par mois au-delà. Ces deux montants sont majorés de 100 euros mensuels si le volontaire a des besoins particuliers de soutien. Les compensations complémentaires qui pourraient être versées en plus au bénévole (voir infra ) le sont aux frais exclusifs de la structure d'accueil.

2. Modalités d'exercice du service civique

Le BFD et le JFD ont des modalités d'exercice assez similaires, les missions proposées pouvant être les mêmes, à l'instar de « l'association des oeuvres de St Jean » qui ouvre ses postes autant en BFD qu'en FSJ 430 ( * ) .

a) Le service volontaire fédéral

Aux termes de l'article 3 de la BFDG, le BFD est généralement accompli pour une période de 12 mois consécutifs, mais sa durée peut varier de 6 mois à 18 mois. Dans des cas exceptionnels, elle peut être prolongée jusqu'à 24 mois si cela est justifié dans le cadre d'un programme pédagogique particulier.

Le BFD se double d'un accompagnement pédagogique visant à transmettre des compétences sociales, écologiques, culturelles et interculturelles et de renforcer le sens des responsabilités pour le bien commun. Les volontaires reçoivent, sur leur lieu d'accueil, une assistance technique. Des séminaires sont également organisés, à raison d'au moins 25 jours pour un an de service volontaire. Le nombre total de jours de séminaires peut être raccourci ou rallongé en fonction de la durée totale du service volontaire.

Les séminaires peuvent être organisés conjointement avec les participants à d'autres formes de service volontaire, notamment avec les participants au JFD. Parmi les séminaires obligatoires figure un séminaire de formation politique.

Le volontariat s'effectue dans une structure d'accueil reconnue, à sa demande, par l'autorité compétente. Pour cela, la structure doit :

- être active en particulier dans les domaines de l'aide à l'enfance et à la jeunesse, dans des institutions de soins de santé ou pour les personnes âgées, d'aide aux personnes handicapées, de préservation de la culture et des monuments, du sport, de l'intégration, de la protection civile et contre les catastrophes, et de la protection de l'environnement ;

- offrir la garantie que l'activité, la gestion et l'encadrement des bénévoles sont conformes aux dispositions de la BFDG ;

- accompagner personnellement et professionnellement les volontaires et employer du personnel qualifié pour les encadrer.

Si l'une des conditions n'est pas ou n'est plus remplie, l'agrément doit être retiré.

La liste des places offertes au titre du volontariat est disponible sur le site internet du BFD 431 ( * ) , toute personne peut la consulter et a la possibilité de faire une recherche par ville ou domaine de volontariat, puis consulter les annonces en détail. Ce même site I bbnhjnternet présente des témoignages de personnes ayant été volontaires, à l'instar d'une personne ayant effectué son service volontaire dans une association qui s'occupe d'animaux ou d'une autre l'effectuant dans un institut pour la gestion des eaux urbaines 432 ( * ) .

Le Bund et le volontaire signent un accord avant le début du service, qui indique, outre les éléments relatifs aux coordonnées du volontaire et de la structure d'accueil, la période pendant laquelle le service se déroulera, les modalités de fin anticipée, le montant et le type de prestations auxquelles le volontaire pourra prétendre et le nombre de jours de congés et de séminaire.

À la fin de la période de volontariat, la structure d'accueil est tenue de délivrer à la personne une attestation de service rendu. Un certificat lui est également remis, lequel précise le type et la durée du service effectué.

Le volontaire touche une gratification d'au plus 423 euros par mois en 2022 433 ( * ) , à laquelle peuvent se rajouter certaines prestations en nature à l'instar du logement, de repas ou de vêtements de travail, voire une compensation financière pour ces postes de dépenses. Toutes les modalités de rétribution sont à convenir entre le volontaire et la structure d'accueil. Si la gratification est non imposable, ce n'est pas le cas des éventuelles autres prestations en nature ou compensations financières, qui restent soumises à l'impôt.

b) Les services volontaires à destination des jeunes

Les deux formes de service volontaire à destination des jeunes se déroulent en général sur une période de 12 mois consécutifs, la durée d'engagement auprès d'une structure agréée ne pouvant être inférieure à 6 mois et ne pouvant excéder 18 mois.

La mission du volontaire dépend de la structure dans laquelle il effectue son service. La liste des postes à pourvoir au titre du service volontaire pour les jeunes est disponible sur Internet 434 ( * ) et comporte des structures d'accueil telles que la Croix-Rouge allemande, l'Église évangélique ou encore l'association fédérale culturelle pour la formation des enfants et des jeunes.

Pour atteindre l'objectif de formation, la JFDG met en place un accompagnement des volontaires, qui repose à la fois sur (i) un accompagnement technique et individuel au niveau de la structure d'accueil, qui est invitée à « structurer l'activité pratique » et à construire une relation durable avec les volontaires pour qu'ils grandissent personnellement et professionnellement, ainsi que (ii) la participation à des séminaires obligatoires (un séminaire introductif, un séminaire intermédiaire et un séminaire final), pour une durée totale de 25 jours de séminaire pour une période de service d'un an. Les jours passés en séminaire comptent pour du temps de service. Au-delà de 12 mois, le nombre de jours de séminaire augmente d'au moins un jour par mois de prolongation.

La structure d'accueil, en outre, devra nommer un référent pédagogique pour l'assistance technique et l'accompagnement des volontaires. Ce référent assure le soutien des volontaires et les conseille, tout en leur transmettant des connaissances, des aptitudes et des compétences pour le travail au quotidien, autant dans le cadre du volontariat que pour la suite de la formation ou de la carrière professionnelle.

Le volontariat n'est pas rémunéré par un salaire, toutefois une gratification ( Taschengeld ) est offerte aux volontaires. Le montant est plafonné à 6 % du plafond des contributions au régime général des retraites, soit, en 2021, 426 euros par mois non imposables 435 ( * ) . Des prestations complémentaires peuvent être convenues avec le volontaire, à l'instar d'un logement, de repas ou d'une compensation monétaire pour les frais de logement ou de nourriture. À la différence de la gratification, ces avantages, s'ils existent, sont imposables.

3. Les résultats de la mise en place du service civique

Selon le rapport sur le volontariat en Allemagne 436 ( * ) , publié en 2019, 28,8 millions de personnes, cette année-là, ont été acteurs dans le bénévolat, soit 39,7 % des personnes âgées de plus de 14 ans. Si ce taux est resté stable entre 2014 et 2019, il a fortement augmenté sur les vingt dernières années, puisqu'il s'élevait à 30,9 % en 1999. Il s'agit d'un nombre global qui recouvre toutes les formes de bénévolat, pas uniquement celles liées au service civique.

S'agissant du BFD, 39 055 volontaires étaient engagés dans ce service en février 2022, dont 23 214 femmes et 15 841 hommes. La majorité des volontaires du BFD a moins de 27 ans 437 ( * ) .

Au total, depuis sa création, ce sont près de 400 000 personnes qui ont pris part au BFD. Par rapport au Zivildienst précédemment en vigueur, il est plus large, autant au niveau des participants (qui peuvent postuler, quel que soit leur âge, près de 10 % de la cohorte annuelle ayant plus de 50 ans) que des missions, qui ne sont plus réservées aux activités principalement sociales. Le ministère fédéral de la famille parle de « modèle de réussite » concernant le BFD 438 ( * ) .

S'agissant du service à destination des jeunes, il attire presque 60 000 personnes par an, dont la grande majorité pour l'année de volontariat social. Au total, ce sont plus de 80 000 jeunes de moins de 27 ans qui, chaque année, s'engagent pour une forme ou l'autre de volontariat, ce qui était, fin 2018, en-deçà des attentes, le budget permettant de financer jusqu'à 120 000  personnes 439 ( * ) .

II. L'ANGLETERRE

En mai 2010, un projet expérimental à destination des jeunes de 16 ans a été lancé afin de « leur donner une chance de développer les compétences nécessaires pour être des citoyens actifs et responsables, se mêler à des personnes d'horizons différents et commencer à s'impliquer dans leur communauté ». Intitulé National Citizen Service (ci-après NCS), il est alors conçu comme un programme de développement personnel et social, d'une durée de six à huit semaines, pour aider les bénéficiaires à faire la transition vers l'âge adulte. Son évaluation est opérée de façon externe, indépendante et selon plusieurs critères : facteurs de réussite et difficultés à la réalisation, impact sur les participants et analyse économique coût-bénéfice et coût-efficacité.

En 2017, la loi sur le service national citoyen ( National Citizen Service Act ) 440 ( * ) a rendu le dispositif pérenne et placé sa gestion auprès d'un Trust dédié, le National Citizen Service Trust 441 ( * ) , dont le financement est en majorité opéré par des fonds publics.

La crise sanitaire a contraint à une adaptation du programme ces deux dernières années, notamment en termes de durée, mais les objectifs demeurent que le NCS « fournisse aux jeunes les outils et opportunités dont ils ont tant besoin en ce moment ».

1. Le fonctionnement du service civique

La loi du 27 avril 2017 sur le service national citoyen pérennise l'expérimentation en cours depuis 2010.

Aux termes de son article 1 er , le National Citizen Service Trust a la responsabilité légale de fournir des programmes pour les jeunes en Angleterre, ou d'en organiser la fourniture, pour (i) permettre aux participants d'horizons différents de travailler ensemble dans les communautés locales, (ii) participer à des projets au profit de la société et (iii) améliorer les compétences de communication, de leadership et de travail d'équipe des participants.

Le champ d'application de la loi est un peu plus élargi que celui de l'expérimentation, puisqu'il inclut, outre les mineurs de 16 et 17 ans, des jeunes de 15 ans et des jeunes majeurs de moins de 25 ans. Peuvent y prétendre les personnes résidant en Angleterre ou y suivant une formation ou un cursus scolaire.

Le NCS est géré par le NCS Trust, organisme sous charte royale. Le programme est presque entièrement financé par des fonds publics, en particulier des dotations du ministère du numérique, de la culture, des médias et du sport (ci-après DCMS). La responsabilité de la mise en oeuvre ainsi que sa supervision relèvent du Trust .

Lors de l'année budgétaire 2020-2021, le Trust a reçu une subvention de la part de DCMS d'un montant de 75,4 millions de livres (89,67 millions d'euros) et 135 000 livres au titre d'autres revenus (160 558 euros) et a dépensé au total 72 millions de livres (85,63 millions d'euros) dont 49,2 millions au titre du coût du programme (58,51 millions d'euros). Toute subvention non utilisée doit être retournée au DCMS.

Les participants au programme NCS « part-residential experience » (voir infra ) contribuent à hauteur de 50 livres (59,47 euros), tandis que le reste est pris en charge par la subvention publique. Pour les personnes qui ne pourraient pas participer à la contribution demandée, un système de bourses est en place, offrant une aide d'au plus 80 % de la contribution, soit au maximum 40 livres (47,57 euros). Sont éligibles à cette aide les personnes (i) bénéficiant d'une prise en charge sociale ou venant de quitter une telle prise en charge, (ii) bénéficiant de la gratuité des repas scolaires, (ii) disposant d'un plan éducatif, de santé et de soin 442 ( * ) et (iv) ayant le statut d'aidant.

Le dernier rapport annuel du NCS Trust 443 ( * ) rappelle que le NCS existe « pour rassembler les gens, traverser les clivages, renforcer la confiance et équiper les jeunes pour l'âge adulte, quel que soit leur milieu socio-économique. (...) tous les jeunes méritent d'atteindre leur potentiel et [le NCS] vise à renforcer la confiance en soi par l'éducation au-delà de la salle de classe ». Sa vision est celle d'un « pays de citoyens connectés, confiants et bienveillants où chacun se sent chez lui » et d'une mission devant « inspirer des générations de citoyens via une expérience partagée développant la personnalité et comblant les fossés entre les classes sociales ».

2. Modalités d'exercice du service civique

Le service national citoyen n'est pas obligatoire mais basé sur le volontariat. En 2019, 91 500 participants ont été recensés. En 2020 et 2021, la crise sanitaire a eu pour conséquence une redéfinition des programmes offerts aux jeunes intéressés. Les thèmes principaux, les activités et les éléments du programme NCS ont été repris et remodelés afin d'apporter aux personnes intéressées plus d'opportunités de bénéficier d'une expérience NCS. Elles peuvent désormais s'engager au sein des programmes :

- NCS « part-residential experiences 444 ( * ) (expériences se déroulant en partie en internat), qui consiste en un programme de deux semaines. À titre d'exemple, le programme « été 2022 » sera composé, la première semaine, des phases « Be Epic 445 ( * ) » et « Live Life 446 ( * ) », réunissant les participants en équipe pour apprendre de nouvelles compétences, loin de chez eux pendant quatre nuits et cinq jours. La deuxième semaine sont mises en oeuvre les phases « Do Good 447 ( * ) » et « Go Party 448 ( * ) », par la réalisation du projet d'action sociale conçu en équipe pour la communauté locale. Les activités exactes dépendent de l'équipe locale du NCS mais visent à acquérir certaines compétences telles que la prise de parole en public ou la gestion de l'argent, puis à planifier et créer un projet pour la population locale. Les participants sont regroupés en équipe d'une quinzaine de personnes ;

- NCS « changemakers 449 ( * ) », qui s'adresse principalement aux personnes de 16 et 17 ans (peuvent également participer les mineurs de 15 ans s'ils sont scolarisés au niveau de la 11 e - soit l'équivalent de la classe de seconde - et les jeunes majeurs entre 18 et 24 ans s'ils disposent d'un plan éducatif, de santé et de soin et qui n'ont pas pu participer à une expérience NCS) et dont le but est d'inciter les participants à concevoir et réaliser des projets d'action sociale à l'échelle de leur communauté locale, en équipe avec d'autres participants. Il s'agit d'un projet pour lequel la durée d'engagement reste au choix du participant, et dont les sessions se déroulent une fois par mois, voire plus selon les projets et les équipes ;

- et NCS « futuremakers 450 ( * ) », qui n'est pas un programme de volontariat puisqu'il s'agit d'insérer professionnellement des jeunes via des missions à durée limitée. NCS est alors partenaire de programmes nationaux, à savoir « UK year of service » et « Kickstart Scheme », pour les jeunes majeurs de 18 à 24 ans. « UK year of service » consiste en un service d'insertion rémunéré d'une durée de 9 à 12 mois au profit d'un partenaire national ou local chargé de placer les participants dans des projets ayant des besoins forts. Les opportunités offertes le sont à l'échelle nationale et ont pour objectif d'aider les bénéficiaires à devenir des citoyens actifs. « Kickstart Scheme » est une mission de six mois, à raison de 25 heures par semaine, au profit d'une équipe locale du NCS, à destination des jeunes bénéficiaires d'allocations pour subvenir au coût de la vie ( Universal Credit ) et ayant un risque de chômage de longue durée.

À côté de ces programmes, le NCS se décline également en d'autres versions : NCS Connect , qui se définit comme un hub numérique pour lequel les jeunes peuvent être contributeurs, et NCS Skills Booster , lancé en 2020 à destination des écoles pour aider les élèves pendant le confinement, qui se veut aujourd'hui être un soutien aux professeurs pour les aider à conserver leurs élèves motivés et concentrés sur leurs objectifs éducatifs et professionnels.

Le NCS s'organise autour de plus de 150 organisations partenaires, tels que les clubs de football locaux, les collectivités locales ou les organisations caritatives 451 ( * ) .

À titre d'exemple, des lycéens ont organisé dans le cadre du programme NCS un système de dons d'uniformes à destination des familles ayant des difficultés financières et pour lesquelles l'acquisition d'un uniforme scolaire pour leur enfant reste une dépense élevée 452 ( * ) .

Dans un autre programme, pendant la crise sanitaire, des lycéens ont développé des vidéos de format court sur la santé à destination du public, pour souligner l'importance du port du masque, de la distanciation sociale et de l'isolement lors de la survenue de symptômes. Ces lycéens ont également traduit, pour ceux qui étaient bilingues, ces messages de santé publique en tamoul, ourdou et arabe pour toucher un public le plus vaste possible.

NCS et crise sanitaire

La crise sanitaire a contraint le NCS Trust à réorienter ses activités pour tenir compte des nécessités liées à la situation sanitaire. Trois nouveaux volets ont ainsi été définis pour les activités 2020 :

- « Restez connectés », une plateforme en ligne de ressources et de contenu, sur laquelle 297 000 jeunes se sont impliqués via des contenus de format court sur le site du NCS leur donnant accès à des articles, des éléments et des récits ;

- « Continuez de faire le bien », qui consistait en des opportunités de bénévolat et d'action sociale. Les participants ont ainsi donné plus de 500 000 heures d'action sociale et de bénévolat pour soutenir les communautés locales pendant la pandémie (plus de 200 000 heures à l'été 2020 et plus de 300 000 heures en automne). Parmi eux, 63 % ont déclaré qu'ils étaient susceptibles de continuer à faire du bénévolat localement. Trois sur quatre avaient également encouragé des amis ou des membres de leur famille à s'engager dans du bénévolat ;

- « Allez de l'avant », qui encourageait au retour aux études en soutenant les jeunes intéressés. 16 600 personnes étaient concernées à l'automne 2020.

3. Les résultats de la mise en place du service civique

Le dernier rapport annuel du NCS indique que, depuis le lancement du programme :

- plus de 600 000 personnes y ont participé ;

- chaque livre dépensée (1,19 euro) pour le programme est rendue à la société, en retour, à hauteur de 3,49 livres (4,15 euros) de bénéfices ;

- plus de 15 millions d'heures de bénévolat ont été effectuées ;

- 70 % des participants se sentaient plus confiants en matière d'obtention future d'un emploi suite à leur participation ;

- 78 % avaient une impression plus positive s'agissant des personnes en provenance d'horizons différents ;

- deux ans plus tard, les participants étaient en avance sur les pairs pour les compétences professionnelles clés ;

- les impacts positifs les plus significatifs concernent les femmes, les personnes venant de milieux défavorisés, les personnes handicapées et les personnes ayant des origines ethniques différentes ;

- enfin, pour les personnes provenant de milieux défavorisés, l'accès à l'université augmente de 12 % après avoir participé au NCS, et l'accès à une formation de l'enseignement supérieur augmente de 50 %.

Si les évaluations sont plutôt positives, des critiques ont toutefois été émises au motif que le programme attirait peu de personnes alors que des « centaines de millions de livres » 453 ( * ) étaient dépensées, au détriment d'autres programmes pour la jeunesse.

Ainsi, l'association des exécutifs locaux ( Local Government Association , ci-après LGA) s'était émue en 2018 que la quasi-totalité des dépenses à destination des services de jeunesse était investie dans le programme NCS. Sur la période 2014-2018, 95 % du budget dédié aux services pour la jeunesse était injecté dans le programme NCS. Si la LGA reconnaît que le NCS est un bon programme qui peut devenir une expérience positive pour les participants, elle estime aussi que cela devrait faire partie d'une offre pour la jeunesse beaucoup plus vaste 454 ( * ) .

En 2020, la LGA a renouvelé ses critiques en demandant un investissement dans les services à la jeunesse, essentiel, selon elle, pour aider les jeunes à éviter le chômage de longue durée, les problèmes de santé mentale et l'attrait pour les activités criminelles. La LGA indique que le NCS reçoit environ 95 % du budget des services à la jeunesse, malgré une faible participation d'une personne éligible sur six et une baisse du nombre de participants. « Le NCS (...) a reçu 1,26 milliard de livres 455 ( * ) de financement gouvernemental de 2016 à 2020. À l'inverse, les dépenses de collectivités pour les services à la jeunesse ont dû être réduites de 69 % depuis 2010, passant de 1,4 milliard de livres à 429 millions de livres 456 ( * ) . Plus de 4 500 emplois pour les jeunes ont été supprimés et 750 centres de jeunesse fermés. Le NCS a connu sa première baisse du nombre de participants l'année dernière, passant de 100 000 en 2018 à 92 000 en 2019, soit une baisse de 8 %. [L'association] affirme que l'argent du NCS serait mieux dépensé pour une offre toute l'année pour les jeunes de tous âges, plutôt qu'un programme limité dans le temps à destination d'un groupe d'âge restreint et qui n'attire qu'un nombre relativement faible d'adolescents » 457 ( * ) .

III. LES PAYS-BAS

L'accord de coalition signé entre différents partis politiques en 2017 comprenait plusieurs mesures à destination de la jeunesse, parmi lesquelles l'instauration d'un service social volontaire ( maatschappelijke diensttijd , ci-après MDT). Pour inciter les jeunes à s'y engager, ceux qui auront effectué ce service recevront de l'État un certificat, qu'ils pourront faire valoir pour bénéficier d'une priorité à l'emploi dans les administrations publiques.

Après une période expérimentale débutée en 2018, le MDT a officiellement démarré en mars 2020. Il s'agit d'un partenariat entre plusieurs acteurs, tels que le gouvernement, le conseil national des jeunes, l'association des organisations néerlandaises de volontariat, des municipalités ou encore des organismes de la société civile.

Le service social néerlandais fonctionne selon le principe d'appels à projets à l'occasion de cycles de subventions. Lorsque les projets sont approuvés, les personnes volontaires peuvent candidater pour y participer sur une période d'au plus six mois. Depuis le lancement expérimental du projet, plusieurs cycles de subventions ont été lancés (1, 2, 3, 4a, 4b, 4c). Le cycle 5a a été lancé en avril 2022.

1. Le fonctionnement du service civique

Le MDT fonctionne initialement par appel à projets lors des phases de subventions. Lorsque le gouvernement ouvre une phase de subventions, les organisations de la société civile peuvent proposer des projets, qui seront ensuite soumis à un panel de jeunes 458 ( * ) et/ou une commission d'évaluation indépendante 459 ( * ) pour approbation. Il s'agit de projets longs pouvant durer plus de deux ans, et se déroulant aux Pays-Bas.

Ainsi, lors du premier cycle, qui était alors expérimental, 41 projets de MDT ont été approuvés en 2018. Lors du deuxième cycle, ce sont 35 projets qui ont débuté en mars 2019. Le troisième cycle visait à augmenter l'engagement des municipalités, ainsi 11 projets impliquant 30 municipalités ont été lancés en octobre 2019. Le quatrième cycle de subventions, composé de trois blocs (4a, 4b et 4c), a réuni 27 et 50 projets pour les deux premiers blocs 460 ( * ) . Enfin, l'appel à candidatures pour le premier bloc du cinquième cycle de subventions a été lancé le 1er avril 2022, les candidatures devront être soumises au plus tard le 31 mai 2022. Certains cycles ont pu viser un public particulier (personnes en décrochage scolaire, personnes porteuses d'un handicap ...) ou des secteurs particuliers (municipalités, cohésion sociale ...). À côté de ces projets de long terme, trois programmes courts, à horizon quelques semaines, ont été créés en réponse à la période de crise sanitaire pour contrer les effets sociaux de la pandémie.

Le MDT répond à trois ambitions, détaillées par le Secrétaire d'État à la santé publique, au bien-être et au sport dans un courrier du 3 juillet 2020 à destination du Parlement 461 ( * ) :

- agir pour d'autres personnes ou pour la société ;

- développer ses talents, par l'acquisition de connaissances et de compétences, le développement personnel et l'enrichissement des perspectives d'avenir des participants ;

- rencontrer d'autres personnes, en dehors de leur monde habituel, avec une grande diversité des profils, qu'il s'agisse d'âge, d'origine, de niveau d'éducation, de handicap ou de religion. Les rencontres se font autant au niveau interne (par exemple entre jeunes qui participeraient ensemble au sein d'une même organisation) qu'externe (par exemple entre les participants au projet et les bénéficiaires).

Le réseau des partenaires pouvant accueillir un MDT est très varié et composé, outre les associations, de collectivités publiques, d'écoles et du monde de l'entreprise. Dans le domaine de l'éducation, les établissements peuvent ainsi proposer un MDT sur les heures d'enseignement ou à destination des potentiels « décrocheurs » scolaires, mais également ouvrir leurs portes à des associations pour qu'elles viennent présenter le MDT aux élèves. Les municipalités sont encouragées à participer à des MDT, soit indirectement en orientant des jeunes vers ces expériences, soit directement en en proposant elles-mêmes, dans le cadre d'une version plus intensive à destination des jeunes en échec scolaire, bénéficiaires d'allocations, en année césure, avec un handicap, des migrants et des jeunes à la recherche d'un emploi. Enfin, s'agissant des entreprises, les dirigeants sont encouragés à proposer des trajectoires incluant des MDT pour que les jeunes se familiarisent avec le monde de l'entreprise, mais également à soutenir financièrement les associations proposant des MDT.

Le financement des projets MDT est majoritairement pris en charge par l'État néerlandais, toutefois une part croissante de cofinancement est demandée aux organisations porteuses d'un projet, afin d'assurer la durabilité du MDT 462 ( * ) . L'objectif est ainsi de faire en sorte que le gouvernement devienne, au fil du temps, un cofinanceur plutôt que la principale source de financement. En 2018, pour le lancement de l'expérimentation, 13 millions d'euros ont été consacrés au MDT, sans cofinancement. En 2021, le budget s'est élevé à 100 millions d'euros, auxquels il faut ajouter un cofinancement de l'ordre de 17 %. Le cofinancement devrait atteindre 33 % en 2024. Au total, entre 2018 et 2021, ce sont près de 250 millions d'euros qui ont été consacrés au MDT. Le cycle 5a, quant à lui, aura une part de cofinancement de l'ordre de 25 %.

Le stage social ( maatschappelijke stage - MaS) :
un autre exemple de développement de la culture citoyenne aux Pays-Bas

Il existe, à côté du MDT, un stage social ouvert aux élèves d'au moins 12 ans (mais à cet âge, le stage ne peut se faire que dans son établissement scolaire, il n'est possible dans une structure extérieure qu'à partir de l'âge de 13 ans). Obligatoire entre 2011 et 2014, il est désormais laissé à la volonté des établissements scolaires. Ainsi, les élèves appartenant à un établissement l'intégrant à leur programme doivent obligatoirement y participer, les élèves des établissements ne proposant pas le stage ne sont pas tenus de le faire.

Ce stage social vise à donner un aperçu du travail d'un bénévole et à faire découvrir la société d'une façon différente. Il consiste ainsi en un stage non rémunéré auprès d'une institution, d'une organisation ou d'une association active dans le domaine social ou au sein de la communauté. Les stagiaires, s'ils sont âgés de 13 à 15 ans, ne peuvent effectuer que des travaux légers. Il peut s'agir, à titre d'exemple :

- dans le domaine des arts et de la culture, d'organiser des visites guidées dans un musée, de travailler dans les coulisses d'un spectacle ... ;

- dans le domaine des soins et de la santé, d'aider à l'organisation de sorties pour des enfants malades ou des personnes âgées ... ;

- dans le domaine du sport et des loisirs, d'aider à organiser une journée portes ouvertes, accompagner des enfants lors d'un camp de vacances ... ;

- dans le domaine de l'éducation et de la formation, d'aider pour les activités extrascolaires, donner des cours d'informatique aux personnes âgées ... ;

- dans le domaine de la nature et des animaux, d'effectuer des tâches ménagères dans des refuges, de sensibiliser à l'environnement ...

2. Modalités d'exercice du service civique

Le MDT est ouvert à tous les jeunes de 14 à 27 ans. Il peut s'effectuer sur le temps libre, pendant les heures scolaires, pendant les vacances ou à l'occasion d'une année charnière. L'implication horaire reste au choix du volontaire, de quelques heures à quelques jours par semaine, toutefois le projet MDT est conduit sur une durée d'au moins 80 heures pendant au plus 6 mois. Le MDT se décline en plusieurs variantes 463 ( * ) en fonction non seulement de l'âge et de la catégorie scolaire ou professionnelle des volontaires (dans le secondaire, dans le supérieur, en recherche d'emploi ...), mais également de l'amplitude horaire qui lui est consacrée ou de l'âge du public cible. En s'adaptant ainsi, le cadre du MDT a vocation à offrir à chaque jeune un projet adapté.

Les projets sont volontaires, il ne s'agit pas d'un travail salarié offrant une rémunération. Toutefois, certains MDT peuvent offrir une compensation visant à couvrir certains frais, à l'instar des frais de transport. Dans ce cas, l'indemnité maximale à laquelle peut prétendre le participant équivaut à l'indemnité de bénévolat, soit 180 euros par mois ou 1 800 euros par an en 2021.

Les offres de volontariat sont disponibles sur le site internet du MDT 464 ( * ) et toute personne intéressée peut faire une recherche multicritères pour consulter les offres susceptibles de l'intéresser. La consultation des offres peut ainsi être réalisée par secteur (nature et animaux, politique et management, sport, développement durable, éducation, sécurité, technologie et informatique, média et culture, santé et bien-être), par motivation (développer des compétences, augmenter ses opportunités d'emploi, faire un travail utile, aider les autres, passer du temps agréable avec les autres, avoir besoin de soutien, mieux cerner ses attentes pour le futur), par nombre d'heures que le volontaire est prêt à y consacrer (4 à 16 heures par semaine, 17 à 28 heures par semaine, 28 à 32 heures par semaine), par durée totale du service (3 à 6 semaines, 2 à 4 mois, 4 à 6 mois) et par modalités d'organisation (sur le temps d'école ou de travail, ou pendant le temps libre).

À l'issue de sa participation, soit au plus 6 mois, le volontaire peut obtenir un certificat attestant des efforts consentis durant son parcours. Outre ce certificat, un projet pilote a été mis en place, lequel consistait à récompenser les jeunes par des badges validant certaines compétences professionnelles. Les résultats de cette expérience sont actuellement en cours d'analyse.

Un exemple de MDT : le projet « Young leaders »

« Dans le cadre du projet Young leaders, des jeunes issus de quartiers vulnérables découvrent leurs talents, renforcent leurs compétences et apprennent à assumer une responsabilité sociale dans leur quartier. Ils se transforment en jeunes leaders positifs et, en présentant leurs initiatives au monde extérieur, ils diffusent un message positif et deviennent un modèle pour les autres jeunes de leur entourage.

Young Leaders se compose d'une partie formation et d'une partie activité. Dans la partie formation, au cours de 10 réunions, les participants sont invités à approfondir leurs propres qualités, la façon dont ils peuvent les utiliser dans leur propre vie et pour leur quartier, et à renforcer leurs compétences en matière de présentation, d'organisation et de coopération.

Au cours de cette formation, les participants élaborent un ou plusieurs projets d'organisation d'activités sociales dans leur quartier. Ils commencent également à travailler sur leurs idées en établissant un plan de travail et un budget.

Au cours des trois mois suivants, ils se mettent au travail dans la pratique ; ils réaliseront les plans avec le soutien d'un coach. Cela peut être, par exemple, une fête de quartier pour petits et grands, un tournoi sportif ou un débat de jeunes. À la fin, les jeunes reçoivent un certificat et la possibilité d'être coachés individuellement pendant un certain temps » 465 ( * ) .

Ce MDT s'adresse particulièrement aux personnes de 17 à 27 ans. Il nécessite un investissement de 4 à 20 heures par semaine, pendant au plus six mois.

3. Les résultats de la mise en place du service civique

Le document sur les principaux indicateurs du MDT 466 ( * ) , publié en juillet 2021, indique que :

- l'âge moyen des participants est de 20,3 ans ;

- plus de 28 000 jeunes ont commencé un MDT depuis son lancement ;

- plus de 2 700 organisations ont accueilli un projet MDT.

Les retours des participants sont plutôt positifs :

- 94 % ont indiqué avoir pu aider d'autres personnes lors de leur MDT ;

- 58 % ont développé de nouvelles compétences ;

- 43 % ont pu mieux cerner ce qu'ils aimaient grâce à leur MDT ;

- 48 % connaissent mieux leurs compétences ;

- 57 % estiment que leur CV a été amélioré par le MDT ;

- 86 % des participants ont pu interagir avec des personnes d'autres catégories d'âge, d'origine ou d'un autre pays, ainsi que des personnes ayant un niveau d'éducation différent ;

- 3 participants sur 5, au premier semestre 2021, ont déclaré qu'ils recommanderaient à d'autres personnes de participer à un MDT.

Si les participants sont en général ravis, certains abandonnent tout de même pendant le projet. Ainsi pendant la phase 4b, 50 projets avaient été élaborés, regroupant 3 055 volontaires. Parmi eux, 245, soit 8 %, ont arrêté en cours de projet. Les raisons invoquées pour mettre fin à une période de volontariat sont diverses, on peut citer à titre d'exemple le fait de trouver un emploi ou le fait que le participant n'est pas assez impliqué.

Une variante originale du MDT :
le service social comme mode de remboursement des dettes
467 ( * )

Pour aider les jeunes endettés à sortir de cette situation, le Fonds Perspective Jeunesse propose une approche qui vise à rembourser une partie des dettes contractées en échange de services. Cette contrepartie peut prendre la forme de la participation à un MDT. Tel est le cas, par exemple, dans la municipalité d'Arnhem. Cette approche est considérée comme gagnante autant pour le jeune endetté, puisque cela lui donne la possibilité de se développer, de se construire des perspectives d'avenir et ainsi réduire les risques d'un nouvel endettement, que pour la société, puisque le jeune contribue directement à celle-ci par l'intermédiaire du projet.


* 1 Dominique Schnapper, Qu'est-ce que la citoyenneté ?

* 2 Article L. 111-1 du code de l'éducation.

* 3 Baromètre de la confiance politique , vague 13, janvier 2022, Sciences Po Cevipof.

* 4 Jérôme Fourquet, L'archipel français , 2019.

* 5 Pour que vive la fraternité/propositions pour une réserve citoyenne , Rapport au Président de la République par Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé, 2015.

* 6 Baromètre de la confiance politique , vague 13, janvier 2022, Sciences Po Cevipof.

* 7 Décider en 2017 : Le temps d'une démocratie « coopérative », rapport fait au nom de la mission d'information « Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en 2017 ? », n° 556 (2016-2017), p. 9.

* 8 Baromètre de la confiance politique , vague 13, janvier 2022, Sciences Po Cevipof.

* 9 Voir ci-après la liste récapitulative des diverses formes d'engagement et de volontariat qui existent actuellement.

* 10 L'audition des membres de conseils de jeunes ultramarins a été élargie à la délégation sénatoriale aux outre-mer.

* 11 Une synthèse de ces réponses est annexée au rapport.

* 12 À l'occasion de l'examen de la proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l'enseignement et l'engagement (n° 370 rect., 2021-2022), rejetée par le Sénat en séance publique le 9 décembre 2021.

* 13 L'Assemblée nationale, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, le CESE et la Cour des comptes.

* 14 Sources : plateforme 1 jeune, 1 solution ; service-public.fr ; La formation à la citoyenneté, Cour des comptes, octobre 2021.

* 15 30 ans pour les personnes en situation de handicap.

* 16 Les grands principes du service national universel - Compte rendu du Conseil des ministres du 27 juin 2018 - Gouvernement.fr

* 17 Article L. 111-1 du code de l'éducation.

* 18 Compte rendu du 9 février 2022.

* 19 Géraldine Bozec, Éducation à la citoyenneté à l'école - politiques, pratiques scolaires et effets sur les élèves , CNESCO, avril 2016.

* 20 Géraldine Bozec, op. cit .

* 21 Coefficient 1 pour les notes de première et coefficient 1 pour les notes de terminale.

* 22 Géraldine Bozec, op. cit.

* 23 Rapport n° 2019-063 de l'IGÉSR sur le suivi de l'enseignement des fondamentaux à l'école primaire, juillet 2019.

* 24 Figurent également dans la partie législative du code de l'éducation : les langues vivantes étrangères (article L. 312-9-2) et régionales (articles L. 312-10 à L. 312-11-2), la langue des signes (article L. 312-9-1), l'éducation artistique et culturelle (articles L. 121-6, L. 312-5 à L. 312-8), l'éducation physique et sportive (articles L. 121-5, L. 312-1 à L. 312-4), la technologie (article L. 121-7), l'éducation à l'environnement et au développement durable (article L. 121-8 et L. 312-19), l'enseignement de la défense (article L. 312-12), les enseignements de la sécurité (articles L. 312-13 à L. 312-13-2), l'enseignement des problèmes démographiques (article L. 312-14), l'éducation à la santé et à la sexualité (articles L. 312-16 à L. 312-17-2), l'éducation à l'alimentation (article L. 312-17-3) et la prévention et l'information sur les conduites addictives (article L. 312-18).

* 25 Bulletin officiel n° 31 du 30 juillet 2020 définissant les programmes d'enseignement des cycles 2, 3 et 4.

* 26 Entre autres notions déclinées : la primauté de la Constitution, la protection internationale des droits de l'Homme, la démocratie locale, la Nation et l'Europe, l'égalité des citoyens devant la loi, la liberté de conscience et la laïcité, la naissance des droits sociaux et l'égalité femmes-hommes.

* 27 « Les fragilités liées aux transformations sociales (cadre de vie, « assignation résidentielle » et « phénomène des quartiers) », les « fragilités liées aux mutations économiques (régions en crise, chômage, transformation du monde du travail, inégalités et expression du sentiment de déclassement) ; la « défiance vis-à-vis de la représentation politique et sociale et vis-à-vis des institutions » et les « nouvelles formes d'expression de la violence et de la délinquance » (incivilités, cyberharcèlement, agressions physiques). . Sont également développés les réseaux sociaux et les fake news , les « communautés virtuelles et la communauté réelle », les « mécanismes d'enfermement et de mise en danger » ainsi que les « nouvelles causes fédératrices : défense de l'environnement, protection de la biodiversité, réflexion nouvelle sur la cause animale ».

* 28 Compte rendu du 25 janvier 2022.

* 29 La démocratie athénienne, la laïcité, les « règles et rituels du vote », la démocratie en Amérique et en Europe ainsi que « les transitions démocratiques en Europe du Sud et de l'Est, en Afrique du Sud et en Amérique latine » figurent parmi les thèmes susceptibles d'être abordés, avec, sous la rubrique « Repenser et faire vivre la démocratie », des questions telles que « Les conditions du débat démocratique : médias, réseaux sociaux, information », « Démocratie, exemplarité et transparence : (...) les mesures visant la moralisation de la vie publique et « Le citoyen et la politique sociale : le droit du travail, la représentation des salariés, le dialogue social ».

* 30 Contribution écrite d'un syndicat enseignant. La mission d'information note les différences de point de vue qu'expriment les syndicats dans leurs contributions écrites.

* 31 Compte rendu du 25 janvier 2022.

* 32 Compte rendu du 25 janvier 2022.

* 33 La mission d'information rappelle que les manuels scolaires ne sont pas les programmes scolaires : les éditeurs bénéficient d'une liberté éditoriale. La reprise des programmes scolaires s'inscrit dans une démarche commerciale et éditoriale, afin que le manuel soit choisi par les professeurs.

* 34 Éducation aux médias et à l'actualité : comment les élèves s'informent-ils ? , le zoom du CNESCO, 21 février 2019.

* 35 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement.

* 36 Un questionnaire a été déposé sur la page Facebook des Clionautes , association de professeurs d'histoire, transmis à la liste de diffusion « éco-gest », qui regroupe des professeurs d'économie-gestion ainsi qu'à la liste de diffusion de l'APSES, association de professeurs de sciences économiques et sociales.

* 37 Compte rendu du 23 février 2022.

* 38 Les effets des choix des élèves en lycée général et technologique sur les services des enseignants, DEPP, note 21.37, novembre 2021.

* 39 Compte rendu du 15 février 2022.

* 40 Notamment dans le cadre de l'examen budgétaire pour 2021 de la mission « enseignement scolaire ».

* 41 En raison de la pandémie, de nombreuses formations en 2020 et 2021ont été annulées ou reportées. Les taux d'exécution des budgets de formation en 2020 et 2021 ne sont pas pertinents.

* 42 Voir le compte rendu du 4 janvier 2022.

* 43 Contributions écrites de syndicats enseignants. La mission d'information remercie les syndicats enseignants de l'Éducation nationale et de l'enseignement agricole pour leurs réponses et prend acte des différences de points de vue sur l'EMC et la culture citoyenne qui peut exister entre eux.

* 44 Rapport pour avis n° 143 sur la mission « enseignement scolaire », Jacques Grosperrin, PLF 2021, Sénat, 2020-2021.

* 45 Les enseignants et la laïcité , sondage Ifop, 2018.

* 46 Compte rendu du 9 février 2022.

* 47 Les enseignants de France face aux contestations de la laïcité et au séparatisme , Fondation Jean-Jaurès, 6 janvier 2021.

* 48 Contributions écrites de syndicats d'enseignants reçues dans le cadre de la mission d'information.

* 49 Géraldine Bozec, op. cit.

* 50 Compte rendu du 29 mars 2022.

* 51 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 52 Voir en annexe le commentaire complet des réponses adressées à la mission sur la plateforme de consultation des élus locaux.

* 53 Voir le compte rendu du 29 mars 2022.

* 54 Voir en annexe le commentaire complet des réponses adressées à la mission d'information.

* 55 C'est notamment le cas de la thématique « la formation de la personne et du citoyen » pour laquelle les moyennes en dessous de 10 sont plus nombreuses que dans d'autres disciplines (10,5 % des élèves obtiennent une note inférieure à 10 dans cette matière, contre 5,1 % des élèves pour les autres matières).

* 56 Géraldine Bozec, op. cit .

* 57 Dans cet esprit, le site Sénat junior, créé en 1999, a été le premier site francophone d'instruction civique, destiné aux 6-12 ans et aux 13 ans et plus ainsi qu'à leurs parents et à leurs professeurs.

* 58 En revanche, la mission d'information ne propose pas de modifier le contenu des évaluations de CP et de CE1.

* 59 Compte rendu du 12 janvier 2022.

* 60 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, rapport annexé ( 3.1.4.2). Affermir le lien entre la jeunesse et les armées : « Le lien entre la jeunesse et les armées constitue un enjeu essentiel de cohésion nationale. Au-delà, ce lien est indispensable pour garantir aux armées un vivier de recrutement indispensable à la pérennité de son efficacité opérationnelle. En outre, il contribue à forger chez les jeunes une conscience citoyenne dont se nourrit l'esprit de défense ».

* 61 Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

* 62 Avant l'entrée en vigueur de la réforme du service national, les jeunes gens étaient convoqués aux opérations de sélection ou « trois jours », qui duraient en général un jour et demi. Ces « trois jours » comprenaient un examen médical, qui permettait de classer les jeunes gens en aptes, exemptés ou ajournés, des tests psychotechniques ainsi qu'un entretien avec un officier. Les jeunes appelés étaient ainsi orientés vers une armée, une arme ou un service à caractère civil. Ce système a cessé de s'appliquer aux jeunes gens nés après le 31 décembre 1978.

* 63 L'avenir du service national , Serge Vinçon, op. cit.

* 64 Art. 1 er de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

* 65 Rapport d'information n° 4 (1997-1998) du 1 er octobre 1997, Projet de loi portant réforme du service national, fait par Serge Vinçon au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

* 66 En 2021, la journée « défense et citoyenneté » (JDC) a été suivie par 919 815 jeunes Français, représentant 96 % d'une classe d'âge, selon les informations transmises par la direction du service national et de la jeunesse.

* 67 Compte rendu du 12 janvier 2022.

* 68 Protocole interministériel du 20 mai 2016 « Développer les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale » adopté par les ministres en charge de la défense, de l'éducation nationale et de l'agriculture.

* 69 Protocole interministériel du 16 décembre 2021 sur le développement des classes de défense et de sécurité globale adopté par les ministres en charge de la défense et de l'éducation nationale.

* 70 Article 26 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 71 Informations transmises par la direction du service national et de la jeunesse.

* 72 Informations écrites transmises par la direction du service national et de la jeunesse.

* 73 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement. Il est à noter qu'en raison du contexte sanitaire, ces jeunes ont réalisé leur JDC en distanciel.

* 74 Commission du livre blanc (président JM. Guéhenno), avril 2013, Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

* 75 Une séance annuelle dans les collèges et lycées.

* 76 Au moins trois séances annuelles dans les écoles, collèges et lycées.

* 77 Information « dispensée à tous les stades de la scolarité ».

* 78 Séances dispensées dans les lycées et les établissements d'enseignement supérieur.

* 79 Deux attestations de sécurité routière sont passées dans le cadre scolaire : l'attestation scolaire de sécurité routière de 1 er niveau (ASSR1) passée en 5 e ou par les élèves de 14 ans, et l'attestation scolaire de sécurité routière de 2 e niveau (ASSR2) en 3 e ou pour les élèves de 16 ans. Les jeunes qui n'ont pas obtenu l'ASSR2 peuvent passer l'attestation de sécurité routière (ASR). L'ASSR2 ou l'ASR est obligatoire pour la délivrance du permis de conduire pour tous les jeunes nés à compter du 1 er janvier 1988 et ayant moins de 21 ans. Au-delà de 21 ans, elle n'est plus obligatoire.

* 80 L'article R. 113-1 du code du service national dispose que la participation au séjour de cohésion du service national universel (SNU) permet d'accomplir ses obligations au regard de la participation à la journée « défense et citoyenneté » (JDC).

* 81 Ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté.

* 82 La défense et l'insertion des jeunes : le service militaire adapté et le dispositif « défense deuxième chance » : apprendre à réussir , rapport d'information fait par François Trucy au nom de la commission des finances, Sénat, n° 290, 2007-2008.

* 83 François Trucy, op. cit.

* 84 La fonction sociale des armées liées à la conscription s'est ainsi traduite par la conclusion de protocoles entre le ministère de la défense et le ministère du travail, puis en 1986, d'un protocole interministériel sur l'illettrisme et, en 1988, d'un protocole d'accord pour la coopération avec les missions locales d'insertion.

* 85 La mission d'information n'a pas travaillé spécifiquement sur le SMA, un rapport d'information récent de la commission des finances du Sénat ayant utilement fait le point sur ce sujet (voir l'encadré ci-après dans la partie consacrée au service militaire volontaire).

* 86 La dénomination juridique de l'établissement est « établissement public d'insertion de la défense » ; toutefois le conseil d'administration a fait le choix par une décision en date du 26 novembre 2015 d'utiliser le nom usuel d'« Établissement pour l'insertion dans l'emploi ».

* 87 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 88 À rapprocher, selon la directrice générale de l'Épide, du taux de un professionnel pour cinquante jeunes dans le cadre de la garantie jeunes.

* 89 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 90 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement.

* 91 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 92 Selon les informations transmises par l'Épide à la mission d'information.

* 93 Document écrit transmis par la direction générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide).

* 94 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement.

* 95 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 96 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 97 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 98 Jusqu'à la fin de 2021, l'indemnité mensuelle attribuée aux volontaires à l'insertion (210 euros + 90 euros capitalisés, remis au jeune lors de son départ du centre) était nettement inférieure à celle de la garantie jeunes (497 euros). Depuis le début de l'année 2022, l'indemnité mensuelle versée aux volontaires à l'insertion s'élève à 450 euros+50 euros par mois remis aux volontaires en fin de contrat.

* 99 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 100 Compte rendu du 27 janvier 2022.

* 101 Articles 22 et 23 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 102 Article 32 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 103 Arrêté du 30 octobre 2013 portant organisation interne de la direction générale des outre-mer.

* 104 Commandement du SMA, 26 mai 2021, Rapport d'activité 2020.

* 105 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par Nuihau Laurey et Georges Patient , n° 329 (2018-2019), déposé le 20 février 2019.

* 106 Les citations ci-dessous se réfèrent au texte de l'article 32 de la loi de programmation militaire de 2018.

* 107 https://www.1jeune1solution.gouv.fr/ , site consulté en avril 2022.

* 108 Lors de la visite du 9 octobre 2020 au 3 e régiment du service militaire volontaire (3 e SMV) de La Rochelle.

* 109 L'égalité des chances, jalon des politiques de jeunesse , n° 848 (2020-2021), 23 septembre 2021.

* 110 Article 208 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021.

* 111 Les citations ci-après sont issues de l'audition du délégué général adjoint de l'UNML (compte rendu du 30 mars 2022).

* 112 Citoyenneté -- Missions locales Auvergne-Rhône-Alpes (missions-locales.org)

* 113 Atelier Bien vivre sa citoyenneté (Mission Locale du Chinonais) (unml.info)

* 114 L'application présente les différentes propositions des candidats sans dévoiler leurs noms ; l'objectif est de « swiper » vers la droite si l'on est d'accord, vers la gauche si l'on est contre et de cliquer au milieu si l'on n'a pas d'avis. L'application indique in fine de quels candidats l'utilisateur est le plus proche.

* 115 Sources : déplacement de la mission dans l'Hérault en mars 2022 (compte rendu annexé à ce rapport) ; Contrat de ville de Montpellier Méditerranée Métropole - plateforme de prévention du décrochage scolaire et des ruptures éducatives chez les 10-16 ans.

* 116 Article R. 131-35 du code pénal.

* 117 Cet article prévoit également d'orienter l'auteur des faits, selon les cas, vers d'autres stages : stage de responsabilité parentale, stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes, stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants et stage de sensibilisation à la sécurité routière.

* 118 Article 41-2 du code de procédure pénale.

* 119 Article 138 du code de procédure pénale.

* 120 C'est par exemple le cas des atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique d'une personne.

* 121 Article 131-5-1 du code pénal.

* 122 Article 132-45 du code pénal.

* 123 Montant maximum d'une amende contraventionnelle de 3 e classe visé à l'article 131-5-1 précité.

* 124 Compte rendu du 23 février 2022.

* 125 Compte rendu du 23 février 2022.

* 126 Depuis 2006, les 624 stages de citoyenneté organisés par ABC Insertion ont ainsi accueilli près de 7 000 participants, avec en moyenne dix à douze personnes par stage (source : audition du 23 février 2022).

* 127 Compte rendu du 23 février 2022. Les citations ci-après sont extraites de ce compte rendu.

* 128 Art. L. 511-1 du code de l'éducation : « Les obligations des élèves consistent dans l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent l'assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements ».

* 129 Gérard Larcher, La Nation française, un héritage en partage , avril 2015.

* 130 Claude Bartolone, Libérer l'engagement des Français et refonder le lien civique - La République par tous et pour tous , avril 2015.

* 131 Compte rendu du 25 janvier 2022.

* 132 Projet de loi pour l'égalité des chances, devenu la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, exposé des motifs.

* 133 Les grands principes du service national universel - Compte rendu du Conseil des ministres du 27 juin 2018 | Gouvernement.fr

* 134 Circulaire n° 2016-092 du 20 juin 2016 sur le parcours citoyen de l'élève.

* 135 Source : réponses écrite adressée à la mission d'information par le DGESCO.

* 136 Compte rendu du 9 février 2022.

* 137 La formation à la citoyenneté , Cour des comptes, p. 37.

* 138 Dix élèves titulaires et dix élèves suppléants sont élus parmi tous les lycéens du même établissement.

* 139 Entre 20 et 24 élèves titulaires et 20 et 24 suppléants par académie élus parmi les membres des conseils de la vie lycéenne.

* 140 Soixante élèves (deux par académie) parmi les membres des conseils académiques de la vie lycéenne auxquels s'ajoutent les 4 élus du CSE issus du conseil académique de la vie lycéenne.

* 141 Source : réponses écrite adressée à la mission d'information par la direction générale de l'enseignement scolaire.

* 142 Compte rendu du 9 février 2022.

* 143 Compte rendu du 9 février 2022.

* 144 On note toutefois que cette année, exceptionnellement, tous les candidats, à peine plus nombreux que les places disponibles, ont été retenus.

* 145 L'engagement dans le cadre du collège : une affaire de bons élèves ? , note n°53, Injep, décembre 2021.

* 146 La formation à la citoyenneté , Cour des comptes, p. 37.

* 147 La formation à la citoyenneté , Cour des comptes, p. 37.

* 148 Voir le compte rendu du 30 mars 2022.

* 149 L'enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique , rapport n° 874 de Nathalie Delattre au nom de la mission d'information sur l'enseignement agricole, Sénat, 2020-2021.

* 150 Lors de son déplacement Hérault, en mars 2022, la mission d'information a rencontré un professeur de lycée qui organise tous les ans dans son établissement un concours de rédaction de propositions de loi. Chaque année une proposition de loi traite du service national : ce choix spontané témoigne d'un intérêt constant des élèves pour ce sujet.

* 151 Rapport fait par Serge Vinçon au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi portant réforme du service national (Sénat, n° 231, 1996-1997).

* 152 Rapport fait par Serge Vinçon au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi portant réforme du service national, (Sénat, n° 231, 1996-1997).

* 153 Les grands principes du service national universel - Compte rendu du Conseil des ministres du 27 juin 2018 - Gouvernement.fr

* 154 Les grands principes du service national universel - Compte rendu du Conseil des ministres du 27 juin 2018 - Gouvernement.fr

* 155 Rapport relatif à la création d'un service national universel, Groupe de travail SNU, Gal D. Ménaouine (rapp.), avril 2018 ; Le service national universel , rapport d'information fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées par Marianne Dubois et Émilie Guérel (Assemblée nationale, n° 667, XV e législ., février 2018) ; Rapport relatif à la consultation de la jeunesse sur le service national universel, Groupe de travail SNU, Gal D. Ménaouine (rapp.), novembre 2018.

* 156 Source : projets de loi de finances de 2019 à 2021.

* 157 Article R. 113-1 du code du service national (décret n° 2020-922 du 29 juillet 2020).

* 158 Injep, février 2020, Rapport d'étude, Évaluation de la phase de préfiguration du service national universel.

* 159 Article R. 113-1 du code du service national.

* 160 Ardennes, Cher, Creuse, Eure, Guyane, Hautes-Pyrénées, Haute-Saône, Loire-Atlantique, Morbihan, Nord, Puy-de-Dôme, Val-d'Oise et Vaucluse.

* 161 86 jeunes y ont participé.

* 162 Décret n° 2020-922 du 29 juillet 2020 portant diverses dispositions relatives au service national universel.

* 163 Injep, janvier 2022, Rapport d'étude, Déploiement du service national universel sur l'ensemble du territoire français en 2021.

* 164 En 2021, 30 000 jeunes ont transmis un dossier et seulement 22 000 ont été au bout de la démarche d'inscription. C'est moins que le nombre de jeunes (30 000) dont l'accueil aurait pu être budgété en l'absence de contraintes sanitaires.

* 165 Compte rendu du 9 février 2022 (audition de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement).

* 166 Seuls les élèves de la zone A étaient en vacances sur la totalité de la période allant du 13 au 27 février. Les volontaires des zones B et C ont dû rater une semaine de cours pour participer au séjour de cohésion - la semaine de reprise des cours pour la zone B et la semaine précédant les vacances pour la zone C.

* 167 Compte rendu du 9 février 2022.

* 168 Statistiques transmises par la DJEPVA le 23 mai 2022.

* 169 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement.

* 170 Avis du 21 juillet 2020 du Conseil supérieur des programmes sur l'articulation des contenus de la formation dispensée dans le cadre du service national universel avec les programmes de l'enseignement moral et civique.

* 171 Article 52-8 de l'arrêté du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche.

* 172 Le document complet est annexé au rapport.

* 173 Compte rendu du 9 février 2022.

* 174 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 175 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 176 Compte rendu du 8 février 2022.

* 177 Compte rendu du 9 février 2022.

* 178 Certains maires ont également mis à profit cette information pour inviter les anciens volontaires du SNU à des cérémonies pour marquer la reconnaissance de leur engagement.

* 179 Avis n° 143 de Jacques-Bernard Magner, projet de loi de finances pour 2021 : jeunesse et vie associative, 2020-2021.

* 180 Compte rendu du 9 février 2022.

* 181 Déploiement du service national universel en 2021, note n° 51, Injep, octobre 2021.

* 182 Article L. 1 du code du service national suspendu en 1997 : « Le service national est universel. Il revêt : une forme militaire - le service militaire - des formes civiles destinées à répondre aux autres besoins de la défense ainsi qu'aux impératifs de solidarité : le service de défense, le service dans la police nationale, le service de sécurité civile, le service de l'aide technique, le service de coopération, le service des objecteurs de conscience. »

* 183 Décret n° 2020-922 du 29 juillet 2021 portant diverses dispositions relatives au service national universel.

* 184 Art. L. 111-2 du code du service national : « Le service national universel comprend des obligations : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l'appel sous les drapeaux.

Il comporte aussi un service civique et d'autres formes de volontariat qui peuvent comporter des séjours de cohésion.

La journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l'esprit de défense et de concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse.

L'appel sous les drapeaux permet d'atteindre, avec les militaires professionnels, les volontaires et les réservistes, les effectifs déterminés par le législateur pour assurer la défense de la Nation . »

* 185 N° 159 (2021-2022), Sénat, 17 novembre 2021.

* 186 Toutefois, tant que le projet de loi, déposé au Sénat en novembre 2021, n'aura pas été adopté, les dispositions relatives au SNU n'ont pas valeur législative.

* 187 Compte rendu du 9 février 2022.

* 188 Conseil d'État, Assemblée générale, avis n° 397908, 20 juin 2019, Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique.

* 189 Cour des comptes, octobre 2021, La formation à la citoyenneté .

* 190 À titre de comparaison, 500 millions d'euros sont consacrés au service civique (hors plan de relance), 8,9 milliards au ministère de la justice.

* 191 On observe qu'un tel débat a eu lieu en amont de la réforme du service national de 1997. Comme l'indiquait le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Serge Vinçon, en mai 1996 : « La procédure choisie il y a un an afin d'envisager l'avenir éventuel du service national a donc été originale. En effet, le Chef de l'État n'a fait qu'évoquer des pistes de réflexion et des orientations, subordonnant à un vaste débat national la définition d'un modèle en matière de service national. Il n'est pas superflu de rappeler, car le fait n'est pas si fréquent, combien la participation du Parlement à ce débat a été substantielle, qu'il s'agisse des travaux de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale, présidée par M. Philippe Séguin, ou de ceux de notre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, effectués sous l'autorité de son président, M. Xavier de Villepin. Votre rapporteur se félicite que le rapport présenté à l'issue de ces travaux, et remis solennellement au Chef de l'État, ait reçu un écho aussi favorable auprès des plus hautes autorités de l'État. En effet, la loi de programmation 1997-2002, qui devait constituer la première traduction législative des orientations arrêtées en matière de service militaire (avant l'adoption de la loi sur la professionnalisation des armées), a très largement tiré les conséquences des conclusions du rapport de notre commission » (rapport n° 231, Sénat, 1996-1997). On notera pour mémoire que les auditions conduites par la commission sénatoriale pour définir les grands axes de la réforme du service national avaient été ouvertes à l'ensemble du Sénat.

* 192 Compte rendu du 2 février 2022.

* 193 Nicolas Alfonsi, Gilbert Barbier, Jean-Michel Baylet, Michel Charasse, Jean-Pierre Chevènement, Yvon Collin, Anne-Marie Escoffier, François Fortassin, Françoise Laborde, Daniel Marsin, Jacques Mézard, Jean Milhau, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Plancade, Robert Tropeano, Raymond Vall et François Vendasi.

* 194 Proposition de loi n° 612 rect. (2008-2009) devenue la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

* 195 Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

* 196 Proposition de loi d'Yvon Collin et les membres du groupe RDSE, n° 612 rect., 2008-2009, devenue la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

* 197 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 198 À la différence de la comptabilisation « en flux », soit le nombre de contrats signés dans l'année, la comptabilisation en « stock » prend en compte le nombre de jeunes en service civique à un instant « t » de la période de référence. Ainsi un volontaire en service civique de septembre 2021 à juin 2022 sera comptabilisé « en stock » au titre des années 2021 et 2022.

* 199 Compte rendu du 30 mars 2022.

* 200 Compte rendu du 30 mars 2022.

* 201 Parmi les volontaires accueillis par Unis Cité , 20 % viennent des quartiers prioritaires de la ville et 6 % sont en situation de handicap.

* 202 Compte rendu du 2 février 2022.

* 203 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 204 Rapport d'activité pour 2020 de l'Agence du service civique.

* 205 Selon Unis Cité , en 2019, on comptait en moyenne trois à quatre demandes pour une mission de service civique (PLF pour 2020, avis budgétaire n° 145 de Jacques Bernard Magner et Jean-Jacques Lozach sur la mission « sport, jeunesse et vie associative).

* 206 Compte rendu du 2 février 2022.

* 207 Évaluation du service civique, résultats de l'enquête sur les parcours et les missions des volontaires, Injep, mai 2021.

* 208 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement, effectué en mars 2022.

* 209 Évaluation du service civique, résultats de l'enquête sur les parcours et les missions des volontaires, Injep, mai 2021.

* 210 Rapport d'activité pour 2020, Agence du service civique.

* 211 Source : table ronde du 1 er février 2022.

* 212 En plus des 140 000 missions existantes en temps normal.

* 213 Voir l'article L. 120-1 du code du service national (article 8 de la loi de 2010).

* 214 Voir l'article L. 611-9 du code de l'éducation (article 29 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017).

La loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a ajouté aux compétences acquises par l'étudiant au titre d'engagements divers (service civique, activité bénévole dans une association, activité dans la réserve opérationnelle...) et validées au titre de sa formation les compétences acquises dans le cadre « d'une activité sportive exercée par les personnes inscrites sur les listes mentionnées à l'article L. 221-2 du code du sport ».

* 215 Par ailleurs, les jeunes en volontariat pour les armées ou en service civique bénéficient de conditions spécifiques pour les bourses sur critères sociaux : droit annuel supplémentaire à bourse si l'étudiant n'a pas validé son année d'études à la suite d'une période de volontariat ou de service civique, recul de l'âge maximal d'octroi de bourses à 28 ans, maintien de la perception de la bourse pendant la période de service civique ou de volontariat, et majoration de l'indemnité de service civique pour les boursiers des échelons 5, 6 et 7.

* 216 Même si le service civique n'a pas à se substituer au stage obligatoire d'études, qui répond à des objectifs qui lui sont propres.

* 217 Ces salons et forums sont souvent organisés par des structures privées avec un coût d'exposition pour y obtenir un stand, comme le souligne la mission d'information sur l'enseignement agricole (rapport fait au nom de la mission d'information par Nathalie Delattre (n° 874 2020-2021), p. 59). Ils représentent néanmoins un vecteur important pour se faire connaître des jeunes et de leurs familles.

* 218 Compte rendu du 2 février 2022.

* 219 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 220 Mission orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes, restaurer la promesse républicaine, Salomé Berlioux, rapport remis au ministre de l'éducation nationale le 5 mars 2020.

* 221 Ruralités : une Ambition à partager - 200 propositions pour un Agenda Rural , Daniel Labaronne, Patrice Joly, Pierre Jarlier, Cécile Gallien, Dominique Dhumeaux, juillet 2019.

* 222 2 e comité interministériel aux ruralités, dossier de presse, 14 novembre 2020.

* 223 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 224 À titre d'exemple, le programme mobili'Terre vise à développer la mobilité durable dans quinze territoires ruraux. Il est porté par l'AMRF et Unis Cité .

* 225 Voir en annexe la synthèse des réponses adressées à la mission d'information par les élus locaux.

* 226 Compte rendu du 1 er février 2022.

* 227 Compte rendu du 2 février 2022.

* 228 L'article L. 120-2 confie à l'Agence du service civique la responsabilité de définir le contenu de cette formation.

* 229 Article R. 121-15 du code du service national.

* 230 Baromètre OpinionWay Cevipof de janvier 2022.

* 231 Anne Muxel, Politiquement jeune , 2018, p.89.

* 232 Haut conseil à la vie associative, Les nouvelles formes d'engagement , mars 2016, p. 3.

* 233 Haut conseil à la vie associative, Les nouvelles formes d'engagement , mars 2016, p. 3.

* 234 Anne Muxel, Politiquement jeune , 2018, p. 89.

* 235 Compte-rendu du 30 mars 2022.

* 236 Compte-rendu du 30 mars 2022.

* 237 Anne Muxel, op. cit.

* 238 Source : informations adressées à la mission d'information par le Haut conseil à la vie associative (HCVA) après l'audition du 30 mars 2022.

* 239 Voir notamment le rapport d'information: « Culture, éducation, recherche, sport et communication : penser l'avenir malgré la crise sanitaire », Catherine Morin-Desailly, (n° 667 2019-2020).

* 240 Compte rendu du 30 mars 2022.

* 241 Source : informations adressées à la mission d'information par le Haut conseil à la vie associative (HCVA) après l'audition du 30 mars 2022.

* 242 Source : informations adressées à la mission d'information par le Haut conseil à la vie associative (HCVA) après l'audition du 30 mars 2022.

* 243 Chaque département métropolitain ou d'outre-mer est doté d'un ou plusieurs CRIB. 215 associations ont été labellisées CRIB.

* 244 Pour les agents du secteur public, ce congé non rémunéré est de six jours par an. Dans le secteur privé, la durée de ce congé également non rémunéré dépend des dispositions prévues par l'accord d'entreprise ou de branche sur le sujet. En l'absence d'accord, l'article L. 3142-59 du code du travail prévoit une durée de six jours, fractionnables par demi-journée.

* 245 Créé en 2007 à l'initiative de France Bénévolat , le passeport bénévole permet aux bénévoles de conserver une trace des missions effectuées dans une ou plusieurs associations. Il regroupe les expériences et compétences acquises et peut ainsi devenir une pièce justificative lors de la constitution d'un dossier de VAE.

* 246 Voir le document annexé à ce rapport.

* 247 Sous la forme d'une unité d'enseignement, de l'attribution de crédits ECTS, de « points bonus », ou encore de dispense de stage : voir ci-dessus les développements du rapport relatifs au service civique.

* 248 Compte rendu du 30 mars 2022.

* 249 Extrait du compte rendu de la table ronde du 9 mars 2022 : « La première raison de mon engagement, c'est la confiance : on ne me demandait pas de venir pour uniquement coller des affiches ou faire de la figuration, mais pour participer à l'élaboration du projet et à la direction de la campagne. J'étais d'ailleurs tête de liste dans mon département. Si l'on veut que les jeunes s'engagent, il est fondamental de les considérer comme de véritables acteurs d'une campagne, pas seulement comme de « petites mains ».

* 250 Ainsi, le modèle de statuts disponible sur le site service-public.fr ne prévoit que les fonctions de président, vice-président, secrétaire et secrétaire-adjoint ou trésorier et trésorier-adjoint, sans mentionner la possibilité d'un exercice conjoint par des co-présidents par exemple. De même, le formulaire Cerfa n° 1391-03 « Déclaration de la liste des personnes chargées de l'administration de l'association » prévoit six responsables seulement (alors que leur nombre est susceptible d'être plus élevé en cas de gouvernance partagée), mentionnant les fonctions de président, secrétaire, trésorier ou « autre ».

* 251 Compte-rendu du 30 mars 2022.

* 252 Compte rendu du 10 février 2022.

* 253 Compte rendu du 25 janvier 2022.

* 254 Une synthèse commentée des réponses adressées à la mission d'information est annexée à ce rapport.

* 255 Contribution des commissaires aux lois du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) ; Le vote à distance, à quelles conditions ?, rapport d'information fait par François-Noël Buffet au nom de la commission des lois, n° 240 (2020-2021), p. 77.

* 256 Compte rendu du 16 février 2022.

* 257 Brice Teinturier, « Plus rien à faire, plus rien à foutre. La vraie crise de la démocratie » , 2017.

* 258 Insee Première , n° 1670, 19 octobre 2022 (Guillemette Buisson et Sandrine Penant, « Élections présidentielle et législative de 2017 : neuf inscrit sur dix ont voté au moins à un tour de scrutin »).

* 259 « 47,7 millions d'électeurs sur les listes électorales françaises en février 2020, », Dominique Guédès, Insee focus n° 186, 26 février 2020.

* 260 Non-inscrits et abstentionnistes : cartographie d'un continent peu exploré (bva-group.com)

* 261 Le vote à distance, à quelles conditions ?, rapport d'information fait par François-Noël Buffet au nom de la commission des lois, n° 240 (2020-2021), pp. 13-14.

* 262 Compte rendu du 10 février 2022.

* 263 Anne Muxel, Politiquement jeune , 2017, p.144.

* 264 Anne Muxel, Politiquement jeune , 2017, p.101.

* 265 Anne Muxel, Politiquement jeune , 2017, p.101.

* 266 Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria réalisée auprès de 4 000 personnes inscrites sur les listes électorales (« Une abstention proche des records lors de l'élection présidentielle 2022 », Le Monde.fr , 25 avril 2022).

* 267 Compte rendu du 29 mars 2022.

* 268 Loi issue d'une proposition de loi de l'Assemblée nationale adoptée avec l'accord du Sénat.

* 269 L'article premier de cette loi a ainsi complété l'article L. 65 du code électoral : « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n'entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc. »

* 270 Rapport n° 357 (2012-2013) fait au nom de la commission des lois par François Zocchetto.

* 271 Il figure au titre I er du code électoral : Dispositions communes à l'élection des députés, des conseillers départementaux, des conseillers métropolitains de Lyon, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires (Articles L1 à L118-4) .

* 272 « Votes blancs et nuls, abstention : les résultats du second tour s'ils étaient pris en compte », Lemonde.fr , 8 mai 2017.

* 273 « Les résultats du second tour de la présidentielle si abstention et vote blanc étaient pris en compte », Lemonde.fr , 25 avril 2022.

* 274 Président : Xavier Breton ; rapporteur : Stéphane Travers (N° 4790, XV e législ., p. 51).

* 275 Compte rendu du 16 février 2022.

* 276 N° 4790, XV e législ., p. 52.

* 277 Des mécanismes approchants sont prévus pour le premier tour de scrutin par le code électoral, pour l'élection des députés, des binômes de conseillers départementaux et des sénateurs. Ils conditionnent l'élection du ou des candidats au premier tour à l'obtention d'un nombre de suffrages « égal au quart du nombre des électeurs inscrits ».

* 278 Le code électoral subordonne d'ailleurs l'élection des députés (article L. 126), les binômes de conseillers départementaux (L. 193) et les sénateurs (article L. 294) dès le premier tour à l'obtention d'un nombre de suffrages « égal au quart du nombre des électeurs inscrits ».

* 279 Compte rendu du mercredi 29 mars 2022.

* 280 Compte rendu du 23 février 2022.

* 281 N° 530 (2017-2018).

* 282 Mesures applicables à l'élection des députés, des conseillers départementaux, des conseillers métropolitains de Lyon, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires (Articles L. 1 à L. 118-4) .

* 283 Voir le rapport d'information sur le coût de l'organisation des élections fait par Hervé Marseille au nom de la commission des finances (n° 123, 2015-2016), pp. 22 et s.

* 284 Selon ce rapport, les frais de mise sous pli et d'acheminement du matériel électoral se sont élevés, en 2014, à 25,6 millions d'euros et à 49,2 millions d'euros.

* 285 Le rapport précité de la commission des finances montre que ces dysfonctionnements ne sont pas sans précédents : « lors des élections européennes de 2014, certains plis ont été adressés à de mauvais destinataires ou sont arrivés après le scrutin, voire n'ont pas pu être remis en raison de l'absence des destinataires à l'adresse indiquée ».

* 286 Rapport d'information de Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021, Assemblée nationale (n° 4561 du 13 octobre 2021).

* 287 Rapport d'information sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales, fait au nom de la commission des lois du Sénat par François-Noël Buffet, n° 785 (2020-2021).

* 288 Pour une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires : la démocratie implicative , rapport fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation par Françoise Gatel et Jean-Michel Houllegatte, n° 520 (2021-2022), recommandation n° 11.

* 289 Rapport d'information fait par Hervé Marseille au nom de la commission des finances (n° 123, 2015-2016), op. cit.

* 290 L'Allier, l'Aude, l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique et la Savoie.

* 291 Rapport d'information fait par Hervé Marseille au nom de la commission des finances (n° 123, 2015-2016), op. cit.

* 292 Rapport d'information sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales fait au nom de la commission des lois du Sénat par François-Noël Buffet, (n° 785, 2020-2021), p. 74.

* 293 « Programme des candidats aux élections » (https://programme-candidats.interieur.gouv.fr/)

* 294 Article 14 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

* 295 Tout candidat, binôme ou liste de candidats pouvait donc transmettre à la préfecture, en vue de sa mise en ligne, une version numérique de leur profession de foi, ainsi qu'une version numérique du même document adapté aux normes dites « facile à lire et à comprendre » (FALC). La mise en ligne était effectuée par la préfecture, sous réserve du contrôle de conformité effectué par la commission de propagande.

* 296 1° et 2° du II de l'article L. 11 du code électoral.

* 297 Article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 298 Rapport fait au nom de la commission des lois sur deux propositions de Philippe Bonnecarrère : proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19 et proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19 (n° 495, 2021-2022).

* 299 Décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2015 modifiant les dispositions du code électoral relatives au vote par procuration et portant diverses modifications du code électoral.

* 300 Article 1 er de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020, article 2 de la loi n° 2020-1670 du 24 décembre 2020 relative aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales et article 2 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

* 301 Proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19 et proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19 (N os 346 et 351, 2021-2022).

* 302 Stéphane Travert, op. cit. (n° 4790, XV e législ.), p. 117.

* 303 Termes de l'article R. 176-3 du code électoral.

* 304 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 305 Rapport n° 211 (2002-2003) de Christian Cointat sur la proposition de loi tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

* 306 Rapport précité, p. 51.

* 307 Le vote à distance, à quelles conditions ?, rapport d'information fait par François-Noël Buffet au nom de la commission des lois, (n° 240, 2020-2021), p. 51.

* 308 Rapport fait par Raymond Vall au nom de la mission d'information sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique (n° 711, 2019-2020), p. 84.

* 309 Compte rendu du 23 février 2022.

* 310 Le vote à distance, à quelles conditions ?, op. cit., pp. 44 et s.

* 311 La commission des lois, dans son rapport d'information sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021 (n° 785, 2020-2021), formulait une telle recommandation (n° 11).

* 312 Premier alinéa : « Un décret en Conseil d'État fixe le nombre et les dimensions des affiches que chaque candidat peut faire apposer sur les emplacements et panneaux d'affichage visés à l'article L. 51 ainsi que le nombre et les dimensions des circulaires et bulletins de vote qu'il peut faire imprimer et envoyer aux électeurs ».

* 313 Article relatif aux commissions chargées dans chaque circonscription de l'envoi et de la distribution de tous les documents de propagande électorale.

* 314 Pour une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires : la démocratie implicative (délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, recommandation n° 2) ; rapport d'information de l'assemblée nationale sur les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale (proposition n° 5) ; Engagement et participation démocratique des jeunes , rapport du CESE, mars 2022 (préconisation n° 15).

* 315 Le rapporteur a estimé, lors de la réunion du 7 juin 2022, que « les dysfonctionnements récents constatés à l'occasion de l'élection des députés représentant les Français de l'étranger devraient inciter à travailler davantage pour renforcer la fiabilité du processus de vote électronique ».

* 316 Décider en 2017 : le temps d'une « démocratie coopérative », op. cit., pp. 34 et s.

* 317 Compte rendu du 7 décembre 2021.

* 318 Compte rendu du 7 décembre 2021.

* 319 Rapport fait par Raymond Vall au nom de la mission d'information sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique, n° 711, 2019-2020.

* 320 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 321 Source : Décider en 2017 : le temps d'une « démocratie coopérative », op. cit., p. 28 .

* 322 Compte rendu du 29 mars 2022.

* 323 Compte rendu du 29 mars 2022.

* 324 Compte rendu du 29 mars 2022.

* 325 Ces thématiques ont donné lieu à de très nombreux travaux et publications ; les développements ci-après se bornent donc à des rappels succincts.

* 326 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 327 Ce seuil est de un vingtième des électeurs pour les autres collectivités territoriales, contre un dixième avant la loi 3DS.

* 328 Alinéa 5 de l'article L. 1112-16 du CGCT.

* 329 Les résolutions de l'article 34-1 de la Constitution permettent à l'Assemblée nationale et au Sénat d'adopter des textes qui n'entrent pas dans le champ que l'article 34 de la Constitution confie à la loi ; ces résolutions exposent la position des députés ou des sénateurs sur des sujets divers.

* 330 Les pétitions retenues ont été sélectionnées sur la plateforme e-pétitions via le dérouleur « trier les pétitions par : ordre aléatoire ».

* 331 Compte rendu du 29 mars 2022.

* 332 Références à l'article 55 la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique réécrivant l'article L121-8-1 du code de l'environnement relatif au domaine de compétence de la CNDP et à l'article 2 du décret n° 2021-1000 du 30 juillet 2021 portant diverses dispositions d'application de la loi de la loi ASAP qui relève les seuils relatifs au montant des projets entrant dans le champ de compétence de la CNDP.

* 333 Dans les différentes sections intitulées « Consultation des électeurs ».

* 334 Titre premier « De la souveraineté », article 3 ; Titre II « Le Président de la République », article 11 ; Titre XII « Des collectivités territoriales », article 72-1 ; Titre XV « De l'Union européenne, article 88-5. Titre XVI « De la révision », article 89.

* 335 Le Président de la République peut décider de soumettre le projet de révision au Congrès, où il doit pour être approuvé recueillir une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

* 336 Sauf si une motion adoptée en termes identiques par les deux assemblées à la majorité des trois cinquièmes autorise le Parlement à adopter le projet de loi de ratification.

* 337 « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an . » Cette procédure suppose l'adhésion de 185 députés et sénateurs au moins ainsi que de plus de 4,5 millions d'électeurs.

* 338 Compte rendu du 29 mars 2022.

* 339 Source : Décider en 2017 : le temps d'une « démocratie coopérative », op. cit., pp. 41 et s.

* 340 Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'organisation territoriale de la République.

* 341 Loi n° 99-532 du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

* 342 Le projet soumis à référendum local est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et si les votes favorables réunissent la majorité des suffrages exprimés. Si cette dernière condition est remplie, le référendum vaut décision que la collectivité locale organisatrice doit juridiquement suivre. Dans le cas contraire, le référendum n'a que la portée d'un avis consultatif.

* 343 Voir les points 11 à 15 de la décision du Conseil d'État, Assemblée, du 19 juillet 2017, n° 403928 ainsi que l'article « Référendum et consultation du public : oui, mais en respectant la loi », d'Yvon Goutal, publié le 20 octobre 2021 dans La Gazette des communes .

* 344 En tant que ce code s'applique à elles et à leurs groupements en application de l'article L. 100-3 du CRPA.

* 345 Sur l'articulation des dispositions du CRPA et du CGCT, voir, notamment, l'article du professeur Christophe Testard, « Les procédés d'association du public aux décisions prises par les administrations locales », L a Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales, LexisNexis , 2018, n° 42.

* 346 Voir en annexe la synthèse de ces réponses.

* 347 11,9 % des répondants ont procédé à une telle consultation plusieurs fois par an ; 15,5 % au moins une fois par an ; 16,8 % au moins une fois au cours des cinq dernières années ; 4,8 % au moins une fois au cours des dix dernières années.

* 348 Contribution écrite de l'ADF.

* 349 Présentation issue du site internet.

* 350 Contribution écrite de l'ADF. Les citations ci-après sont issues de ce document.

* 351 Décider en 2017 : le temps d'une « démocratie coopérative », op. cit., p. 39.

* 352 Décider en 2017 : le temps d'une « démocratie coopérative », op. cit., p. 38.

* 353 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 354 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 355 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 356 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 357 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 358 Compte rendu du colloque co-organisé par la Cnil et le Cese « Les civic tech bousculent-elles vraiment la démocratie ? », 9 décembre 2019 (site internet de la Cnil).

* 359 Colloque précité « Les civic tech bousculent-elles vraiment la démocratie ? ».

* 360 Compte rendu du 23 mars 2022

* 361 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 362 Compte rendu du 7 décembre 2021.

* 363 Ce principe d'origine jurisprudentiel est désormais inscrit au II de l'article 1 er de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

* 364 Audition du 23 mars 2022.

* 365 Audition du 23 mars 2022.

* 366 Si l'on inclut le référendum de sur la Constitution de 1958.

* 367 Lors de son audition, le 23 mars 2022, le professeur Heitzmann-Patin a évoqué le risque de « dérive plébiscitaire inversée » qui peut conduire le citoyen à voter contre un projet de loi référendaire pour manifester son hostilité à l'égard du politique et non son hostilité au projet en lui-même.

* 368 « Qu'est-ce que le référendum d'initiative citoyenne (RIC) demandé par des « gilets jaunes » ? » ; Les décodeurs, Lemonde.fr , 7 décembre 2018.

* 369 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 370 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 371 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 372 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement.

* 373 Source : site de l'Apriles, consulté le 3 mai 2022.

* 374 Selon le site de l'organisme, l' Odas apporte ainsi son concours aux différents acteurs publics et associatifs en diffusant le plus largement possible sa connaissance des attentes des publics, des besoins sociaux, des financements consacrés à la solidarité, des stratégies et des organisations locales. L' Odas a créé l'Agence des pratiques et initiatives locales « Apriles » qui recense, expertise et mutualise les innovations les plus prometteuses en matière de transformation sociale ( https://odas.apriles.net ) ainsi que le Lab'AU ( https://odas.labau.org ), un site ressource pour changer durablement le regard sur le vieillissement et le handicap et donner toute leur place dans la société aux personnes âgées et handicapées.

* 375 Dossier de présentation JNCF - 15 octobre 2022.

* 376 Voir notamment la fiche de présentation réalisée par la Caisse d'allocations familiales des Côtes-d'Armor : https://www.caf.fr/sites/default/files/caf/221/partenaires/enfance-jeunesse/Argent_poche/2022-%20Flyer%20Dispositif%20Argent%20de%20poche%20%281%29.pdf

* 377 L'engagement est ramené à 35 heures si le jeune est titulaire du brevet de secourisme PSC1.

* 378 Source : contribution écrite de l'ADF, document précité.

* 379 Marie-Pierre Pernette, déléguée générale de l'Anacej, a été entendue par le rapporteur le 26 janvier 2022.

* 380 Les citations ci-après sont extraites des comptes rendus des auditions de jeunes conseillers de métropole (23 mars 2022) et des outre-mer (29 mars 2022).

* 381 Voir en annexe le commentaire complet de cette consultation.

* 382 Alors que la notion de « souvenir » était plus répandue que celle de « mémoire » dans les années qui ont suivi la Première Guerre mondiale, la notion de « mémoire collective » et celle de « politique de mémoire » se sont imposées progressivement dans le champ des politiques publiques dans les années 1980 sous l'impulsion notamment du contrôleur général des armées (2 e section) S. Barcellini, premier directeur de la commission nationale de l'information historique pour la paix (1982-1986) au ministère en charge des anciens combattants, ancien directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (2000-2003) qui a été élu en 2015 président général du Souvenir Français . Pour une discussion approfondie sur l'émergence de ces expressions, cf. S. Ledoux, 2016, Le devoir de mémoire. Une formule et son histoire .

* 383 E. Renan, 1882, Qu'est-ce qu'une Nation ?

* 384 E. Renan, 1882, Qu'est-ce qu'une Nation ?

* 385 A. Prost, 1984, « Les monuments aux morts. Culte républicain ? Culte civique ? Culte patriotique ? » in P. Nora (dir.), 1984, Les lieux de mémoire , t.1, « La République ».

* 386 Compte rendu du 15 février 2022

* 387 Compte rendu du 15 février 2022.

* 388 En l'absence de définition consacrée, on se reportera à la définition proposée par le groupe de travail présidé par le général Thorette qui définit les opérations extérieures (Opex) comme « tout emploi des forces armées hors du territoire national, dans un contexte caractérisé par l'existence de menaces ou de risques susceptibles de porter atteinte à l'intégrité physique des militaires » ( cf. Gal B. Thorette (prés.), septembre 2011, Rapport du groupe de travail « Monument aux morts en opérations extérieures ».

* 389 Compte rendu du 15 février 2022.

* 390 Compte rendu du 12 janvier 2022.

* 391 Compte rendu du 15 février 2022.

* 392 Compte rendu du 15 février 2022.

* 393 Compte rendu du 15 février 2022.

* 394 Compte rendu du 15 février 2022.

* 395 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 396 Compte rendu du 15 février 2022.

* 397 Depuis une circulaire du secrétaire d'État chargé des anciens combattants en date du 26 octobre 2001, dont la portée a été précisée par des circulaires et instructions ultérieures, chaque conseil municipal doit désigner un correspondant « défense », c'est-à-dire un conseiller en charge des questions de défense.

* 398 Compte rendu du 15 février 2022.

* 399 Voir en annexe la synthèse des réponses adressées à la mission d'information.

* 400 Créé en 1887 pour assurer la sauvegarde de la mémoire des combattants de 1870, « Le Souvenir Français » est aujourd'hui une association mémorielle reconnue d'utilité publique qui compte 90 000 adhérents directs et 120 000 adhérents associés.

* 401 La liste complète des propositions, mise en ligne sur le site du Souvenir Français , a été adressée aux onze candidats à l'élection présidentielle et publiée dans le Bulletin Quotidien en date du 7 mars 2022.

* 402 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 403 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 404 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 405 Propos de Benjamin Flohic, compte rendu du 9 mars 2022.

* 406 Propos d'Hugo Biolley, compte rendu du 9 mars 2022.

* 407 Compte rendu du 9 mars 2022.

* 408 Voir les articles L. 2123-1 et suivants du CGCT et, notamment, l'article L. 2123-1-1 introduit à l'initiative du Sénat, par l'adoption d'un amendement d'Agnès Canayer, lors de l'examen de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 409 Pour 53,4 % des répondants, la proportion de jeunes de moins de 30 ans est inférieure au quart ; les jeunes élus représentent le quart des élus pour 4,1 % des interlocuteurs du Sénat et le tiers pour 2,5 % des élus consultés.

* 410 D'après les interlocuteurs de la mission d'information, la faible présence des jeunes dans la vie locale tient principalement aux trois obstacles suivants : les jeunes manifestent un faible intérêt pour la question (42,2 % des réponses), ils manquent de temps (27,3 %), ils ne se reconnaissent pas dans l'offre politique (20,8 %).

* 411 Sénat, n° 370 rect. (2020-2021).

* 412 Rapport fait par Nadine Bellurot au nom de la commission des lois sur la proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l'enseignement et l'engagement (n° 243, 2021-2022).

* 413 Compte rendu du 23 mars 2022.

* 414 Articles L. 2123-1 à L. 2123-11-2.

* 415 Articles L. 3123-1 à L. 3123-9-2.

* 416 Articles L. 4135-1 à L. 4135-9-1.

* 417 Les ajouts figurent en gras, les remplacements sont soulignés.

* 418 Les ajouts figurent en gras, les remplacements sont soulignés.

* 419 Au cours d'une table ronde associant des élus locaux, le 9 mars 2022, la mission d'information a entendu Fabian Jordan.

* 420 Des schémas plus précis sont joints ci-après.

* 421 Moins de 500 habitants : 29,6 % ; de 500 à 999 habitants : 19,3 % ; de 1 000 à 4 999 habitants : 35 %.

* 422 « Les vieux briscards de la politique que vous êtes n'ont même pas l'impression de se soucier de l'avenir bien sombre qu'on va leur laisser. Tout comme on peut être appelé à être juré d'assise, les jeunes pourraient venir passer du temps dans les collectivités. En espérant que ça ne les dégoute pas étant donné que ce qui s'y passe est bien éloigné de leurs aspirations . »

* 423 Parmi les éléments du contexte sociétal qui expliquent le fossé entre jeunes et politique, une contribution évoque l'importance du renforcement de l'autonomie des jeunes : « Que les jeunes soient aidés financièrement et ne soient pas dépendant de leurs parents ce qui est plus facile pour libérer l'esprit et se positionner en tant qu'adultes responsables » ; une autre suggère d'« accorder aux jeunes un revenu de base qui prendrait aussi en compte de leur engagement démocratique conseil municipal ou sous une autre forme dans la vie citoyenne locale (création d'association ou participation à des actions sportives culturelles sociales et environnementales) ».

* 424 Une autre réponse suggère des quotas de 10 % par tranche d'âge (18-30 ans, 30-50 ans, 50-65 ans, 65 ans et plus) qui correspondent aux âges de la vie : sans enfants, parents, grands-parents et grand âge.

* 425 https://www.gesetze-im-internet.de/bfdg/BJNR068710011.html

* 426 https://www.gesetze-im-internet.de/jfdg/BJNR084210008.html

* 427 https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjTy_yzvOH2AhUQ2BoKHZ8ZD50QFnoECAwQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.bundesrechnungshof.de%2Fde%2Fveroeffentlichungen%2Fprodukte%2Fberatungsberichte%2Feinzelplaene-jahresuebersicht%2Frisiken-fuer-bundesfinanzen-analyse-des-haushaltsentwurfs-2021%2F17-2021-0110.pdf%2F%40%40download%2Ffile&usg=AOvVaw2agYhgJaaBcO82k82bloEX

* 428 https://www.bmfsfj.de/resource/blob/96670/640bfbb76fc922ba7f7425886ef6080f/foerderrichtlinien-jugendfreiwilligendienste-data.pdf

* 429 https://www.bundesfreiwilligendienst.de/fileadmin/de.bundesfreiwilligendienst/content.de/Service/Downloads/Freiwilligenvereinbarung-Bundesfreiwilligendienst-Durchfuehrung/210119_Kostenerstattungsrichtlinien_2021.pdf

* 430 https://www.johanniter.de/juh/lv-hrs/rv-rhein-main/mitarbeiten-lernen/freiwilligendienste-fsj-bfd/

* 431 https://www.bundesfreiwilligendienst.de/bundesfreiwilligendienst/platz-einsatzstellensuche/einsatzstelle-suchen.html?tx_bfdeinsatzstellensuche_einsatzstellensuche%5Baction%5D=liste&tx_bfdeinsatzstellensuche_einsatzstellensuche%5Bcontroller%5D=Suchen%5CEinsatzstellensuche&cHash=ff2107f5ca1fc1b5b392cc09ff84a3c3

* 432 https://www.bundesfreiwilligendienst.de/menschen-im-bfd/freiwillige-im-einsatz.html

* 433 https://www.bundesfreiwilligendienst.de/bundesfreiwilligendienst/fragen-antworten.html

* 434 https://www.jugendfreiwilligendienste.de/die-jugendfreiwilligendienste/angebote-unserer-partner.html

* 435 Dans le cadre d'un volontariat à l'international, la gratification est d'au plus 350 euros et dépend du coût de la vie dans le pays d'accueil.

* 436 https://www.bmfsfj.de/resource/blob/176836/7dffa0b4816c6c652fec8b9eff5450b6/frewilliges-engagement-in-deutschland-fuenfter-freiwilligensurvey-data.pdf

* 437 https://www.bundesfreiwilligendienst.de/fileadmin/de.bundesfreiwilligendienst/content.de/Service_Menue_Kopf/Presse/Statistiken/BFD_Statistik_02_2022.pdf

* 438 https://www.bmfsfj.de/bmfsfj/themen/engagement-und-gesellschaft/freiwilligendienste/10-jahre-bfd/bfd-hintergrundinformationen/die-erfolgsgeschichte-des-bfd-176952

* 439 https://www.bmfsfj.de/bmfsfj/neues-konzept-fuer-jugendfreiwilligenjahr--131014

* 440 https://www.legislation.gov.uk/ukpga/2017/15/contents

* 441 https://wearencs.com/about-ncs-trust

* 442 Il s'agit d'un plan destiné aux enfants et aux jeunes âgés de moins de 25 ans qui ont besoin de plus d'aide que ce qui est disponible dans le soutien aux besoins éducatifs spéciaux. Les plans identifient les besoins supplémentaires nécessaires et définissent le soutien à apporter pour répondre aux besoins.

* 443 https://wearencs.com/sites/default/files/2021-12/Annual%20Report%202020-2021.pdf

* 444 Expériences se déroulant en partie en internat.

* 445 Soyez héroïque.

* 446 Vivez pleinement votre vie.

* 447 Faites de bonnes actions.

* 448 Célébrons.

* 449 Acteurs de changement.

* 450 Bâtisseurs du futur.

* 451 À titre d'exemple, les organisations partenaires sont disponibles ici : https://wearencs.com/network-providers

* 452 https://wearencs.com/sites/default/files/2021-06/NCS%20Business%20Plan%20Apr%2021%20-%20Mar%2022.pdf

* 453 https://www.local.gov.uk/about/news/lga-national-citizen-service-funding-should-be-devolved-local-youth-services

* 454 Ibid.

* 455 1,5 milliard d'euros.

* 456 De 1,67 milliard d'euros à 510,22 millions d'euros.

* 457 https://www.local.gov.uk/about/news/lga-devolve-national-citizen-service-funding-local-youth-services

* 458 Il s'agit d'un groupe de 23 personnes âgées de 14 à 24 ans venant de tout le pays, ayant fait ou ayant l'intention de participer à un MDT. Le groupe est supervisé par le Conseil national de la jeunesse d'Utrecht.

* 459 https://www.zonmw.nl/nl/onderzoek-resultaten/gezondheidsbescherming/jeugd/programmas/programma-detail/actieprogramma-maatschappelijke-diensttijd/t/commissieleden-17/

* 460 Le nombre exact de projets du bloc 4c n'est pas encore connu.

* 461 https://zoek.officielebekendmakingen.nl/kst-35034-18.pdf

* 462 Au titre du cofinancement, des fondations peuvent aussi être partenaires, à l'instar des fondations Young Impact NL, KIO ou Rogier Hulst. https://youngimpact.nl/mdt/

* 463 https://organisaties.doemeemetmdt.nl/vormen

* 464 https://www.doemeemetmdt.nl/projecten/

* 465 https://organisaties.doemeemetmdt.nl/vormen/naast-school-en-of-werktijd-toekomstbeeld-ontwikkelen-naar-opleiding-en-of-werk

* 466 https://open.overheid.nl/repository/ronl-c39bea1d-fd35-442a-b1f3-407a4ed8a8ae/1/pdf/mdt-hoofdindicatoren.pdf

* 467 https://organisaties.doemeemetmdt.nl/media/uploads/useruploads/6206306cf132c.pdf

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